FORMATION SUR LE FILM SA MAJESTÉ DES MOUCHES DE

Transcription

FORMATION SUR LE FILM SA MAJESTÉ DES MOUCHES DE
FORMATION SUR LE FILM
SA MAJESTÉ DES MOUCHES
DE PETER BROOK
Le mercredi 16 janvier 2013, l’association Collège au Cinéma 37 recevait Stéphan Krezinski, réalisateur,
scénariste et enseignant, pour parler du film de Peter Brook Sa Majesté des mouches programmé aux élèves du
niveau 4ème/3ème.
IMPRESSIONS SUR LE PROGRAMME
Marie-Cécile Rousselle, professeur de documentation au collège Louis Léger du Grand Pressigny, est frappée
par la musique avec les deux morceaux se faisant écho (à l’arrivée de la chorale et des marins).
Pour Gilbert Gilet, professeur de lettres au collège Rameau de Tours, ce film est une adaptation fidèle et
élégante du livre dans la façon de filmer, dans le traitement de l’image et dans la direction des acteurs.
Patricia Thallinger, professeur de lettres au collège Pasteur de Tours, n’a trouvé aucun appel à l’imaginaire et
trouve que ce film porte une vision pessimiste.
Jean-Luc Desjardins, professeur de lettres au collège Choiseul d’Amboise, trouve que la lenteur du film est
gênante avec certains plans qui peuvent faire penser au cinéma muet.
Carole Coudray, professeur de lettres au collège Maurice Genevoix de Ligueil, pense que certains gros plans
donnent un côté documentaire au film.
Pour Michèle Lemesle, professeur d’Anglais au collège Anatole France de Tours, la diction est parfaite si les
enseignants d’Anglais veulent travailler la langue avec leurs élèves.
LE LIVRE DE WILLIAM GOLDING
Quand la Grande Guerre éclate, l’auteur du livre, William Golding, 28 ans, s’engage comme volontaire dans la
Royal Navy ce qui explique le côté martial et le côté militaire présents dans ce livre écrit 10 ans après la fin de
la guerre.
Avant la guerre, toute sa génération pensait que l’Humanité allait vers un progrès social et une société plus
partageuse et l’expérience de la guerre a rendu William Golding plus pessimiste et plus sceptique sur ces
« lendemains qui chantent » comme disaient les communistes. A noter que jusqu’en 1940, l’Angleterre était la
plus grande puissance économique et impérialiste dans le monde et donc comme beaucoup de ses compatriotes
« culturels », William Golding pensait que le monde allait changer.
L’expérience de la guerre a beaucoup changé l’état d’esprit de William Golding et son premier livre était très
emprunt de son pessimisme dans une période où la bombe nucléaire venait d’exploser par deux fois sur le
Japon et où il y avait tout un « background » (guerre froide, camps d’extermination filmés...). Ce contexte a
permis à ce livre de trouver une place dans « l’imaginaire collectif » comme dirait Jung d’une manière très
pertinente en 1954. Cette année-là, il y avait la guerre de Corée et même si l’Angleterre n’y participait pas,
elle était inscrite dans l’ordre du temps. Dans un premier temps, le livre est refusé dans toutes les maisons
d’édition : montrer des enfants comme des criminels est choquant pour les éditeurs. Malgré cela, un éditeur
décide de l’imprimer et il rencontre immédiatement le succès. A titre de comparaison, Stéphan Krezinski rappelle
que le livre Orange Mécanique (1963) avait été refusé partout et même après avoir trouvé un éditeur, il n’a
connu aucun succès. Après avoir acheté les droits du livre, le groupe des Rolling Stones les revend à Stanley
Kubrick qui en a fait le succès que l’on connaît en 1971.
William Golding était en phase avec son temps et, comme souvent, les éditeurs retardaient ce genre d’éditions.
Stéphan Krezinski pense que le film est fidèle au livre dans sa ligne dramatique et dans son sujet mais est
persuadé que par l’improvisation présente dans le film, le film est très différent du roman.
Marie Mignot trouve que la force du livre se retrouve dans le film et dans les scènes violentes.
Gérard Lafite, professeur de lettres au collège Raoul Rebout de Montlouis-sur-Loire, reconnaît que le roman
peut rebuter les élèves avec les descriptions assez longues mais indique que l’adaptation théâtrale du roman
de 1995 passe plus facilement auprès des collégiens.
LE REALISATEUR : PETER BROOK
Stéphane Peter Paul Brook, issu d’une famille d’immigrés juifs venant de Lettonie, est un créateur précoce
tournant déjà des petits films à l’âge de 10 ans. Il avait construit un théâtre miniature tout comme Orson Welles.
Tous les deux sont comparables car ils abordent le théâtre et le cinéma. Ils sont très différents mais quand ils
étaient petits tous les deux, ils s’adonnaient au théâtre miniature et au cinéma tout comme Bergman. A l’école, il
1
était victime de brimades et de médisances plus ou moins teintées de xénophobie ce qui peut expliquer, en
partie, son intérêt pour le livre de William Golding. Quand il était à l’université, ses enseignants lui reprochaient
un manque d’esprit de corps et d’équipe rappelant ainsi le personnage de Simon dans le film Sa Majesté des
mouches qui est à l’écart des autres. Peter Brook, lui-même, ne supportait pas dans les écoles anglaises les
brimades mais surtout le comportement des élèves de deuxième année envers les nouveaux élèves. Tous les
éléments liés au système éducatif anglais se retrouvent dans le film et expliquent pourquoi Peter Brook s’est
intéressé particulièrement à ce livre avec l’idée du « bouc émissaire » et du rejet qui est fondamentale dans les
deux oeuvres. Dès la fin de ses études, il met en scène le Docteur Faustus de Marlowe et en 1944, il réalise son
premier film, Un voyage sentimental. En 1953, il sort son premier long métrage L’Opéra des gueux qui est une
expérience catastrophique pour Peter Brook car il voulait tourner avec peu de moyens comme au théâtre avec
des décors minimalistes et en noir et blanc et il s’est retrouvé avec une production de Lawrence Olivier en
couleurs.
En 1960, il réalise Moderato cantabile, production française, d’après l’œuvre de Marguerite Duras et avec
Jeanne Moreau et Jean-Paul Belmondo. Ce film s’inscrit dans le Nouveau Roman mais aussi dans la Nouvelle
Vague et c’est ainsi que Peter Brook commence à faire carrière en France où il dirigera plus tard Les bouffes du
Nord.
En 1966, il tourne à l’asile de Charenton (Saint Maurice) Marat/Sade comme le spectacle qu’il avait produit. A
l’époque, des blagues courraient sur Charenton (« toi, tu es bon pour Charenton », « toi, tu es bon pour Ste
Anne ») qui ne plaisaient pas aux habitants. Il y a 70 ans, les habitants ont fait sécession et le bout de la ville où
se trouvait l’asile a été détaché pour s’appeler Saint Maurice. Cette ancienne villégiature romaine est
magnifique et Peter Brook a tourné à Charenton car c’est à cet endroit qu’est mort le divin maquis de Sade,
libéré par la grâce du 14 juillet. Sade était le plus grand auteur politique et social qui a fait une analyse lucide
et actuelle de la Société sur les rouages du pouvoir. Sade a ensuite séjourné à l’asile de Charenton où il a
monté des pièces de théâtre avec des fous ce que Peter Brook raconte dans son film Marat/Sade où il a luimême tourné avec des fous et des acteurs. Sa Majesté des mouches reprend en quelque sorte cette expérience
avec le fait de raconter des histoires en improvisant avec des acteurs non professionnels, des enfants.
En 1971, il réalise Le Roi Lear avec très peu de moyens et il fait ensuite deux de ses films les plus intéressants :
Rencontres avec des hommes remarquables (1979) et The Mahabharata (1989) qui durait, sur scène, 9 à 12 h.
Peter Brook s’est accompli davantage au théâtre qu’au cinéma et au cinéma, il a eu le complexe de l’homme de
théâtre : il n’a jamais réalisé un film à la hauteur de son prestige théâtral. Pour Sa Majesté des mouches, Peter
Brook a voulu éviter ce côté théâtral mais Stéphan Krezinski se demande si ce n’était pas une erreur car mettre
du documentaire dans le côté improvisation et le côté approximatif de la mise en scène au sein d’une histoire
aussi thématique et aussi rigide crée, pour Stéphan Krezinski, un « grand écart » alors qu’il aurait peut-être fallu
aller dans le côté théorique et mécanique de l’intrigue. En refusant le côté thèse du roman de William Golding
et le côté systématique de l’écriture dramatique, il a créé un objet, certes intéressant, mais difficile à interpréter.
Peter Brook a écrit une théorie sur le théâtre qui s’appelle « L’espace vide » qui consiste à valoriser le jeu de
l’acteur et donc l’imaginaire du spectateur avec un dénuement total : pas de décor et donc très peu de
scénographie, tout est dans le déplacement et dans le jeu avec la prise de paroles des acteurs. Selon Peter
Brook, « Il existe deux formes de simplicité, celle qui découle d'un esprit terne, sans imagination et la simplicité
authentique, autrement difficile à atteindre, qui n'advient que lorsque l'imagination s'est défaite d'un millier
d'extravagances, les a épurées et réduites à une essence porteuse de sens et de beauté. ».
LA GENESE DU FILM
En 1961, Peter Brook décide d’adapter le livre et a des difficultés pour acquérir les droits d’auteur car le livre
a eu du succès. Finalement un jeune producteur indépendant produit le film et la manière dont le film est tourné
(noir et blanc, tournage pendant les vacances scolaires avec « prêt » des enfants) prouve le peu de moyens
alloués. Durant les cinq à six semaines du tournage, les parents préparaient les repas pendant que les enfants
jouaient dans le film. Le tournage fut chaotique et le montage dura un an car il y avait plusieurs supports : les
images tournées par Peter Brook et celles filmées sur le tournage par un ami documentaliste, Gerald Feil.
Dans Sa Majesté des Mouches, les moments de lenteur sont des moments de flottement ; c’est seulement un
manque de maîtrise dû aux conditions de tournage et le film porte la qualité de cet aspect documentaire. Les
enfants sont livrés à eux-mêmes dans le sens où ils doivent projeter des choses, donner des choses et en même
temps, un côté esquisse est présent dans ce film. Il y a un paradoxe entre le côté allégorique de l’intrigue et le
côté documentaire de beaucoup d’éléments du film et pour Stéphan Krezinski, ces deux côtés ne se marient pas.
Les enfants du film se conduisent comme des adultes après avoir attendu l’adulte au début du film. Ils attendent
le regard de la loi de l’adulte, de la protection et comme l’adulte n’est pas là, les spectateurs voient les enfants
comme des adultes : tous les clivages psychologiques de développement sont plus proches de gens ayant entre
20 et 40 ans et qui veulent le pouvoir pour dominer l’autre.
2
LE CONTEXTE DU FILM
Quand le film est réalisé en 1962, le cinéma se trouve dans une époque intéressante car des films très étonnants
sont sortis durant ces deux années dont Sa Majesté des mouches. Ils font partis des films complètement décalés
liés à un contexte d’angoisse sourde où l’Humanité se pose le problème de sa disparition (crise de Cuba et la
peur atomique). Dans ces années, ces films sont imprégnés de cette angoisse comme Sa Majesté des Mouches,
L’Eclipse, Les Oiseaux, L’ange exterminateur… Cela justifie pleinement la théorie de Jung sur l’inconscient collectif
c'est-à-dire qu’il y a des moments où des gens, qui n’ont rien à voir entre eux, réalisent des choses qui ont le
même fond.
Le scénario respecte le thème du film mais le côté trop démonstratif du livre explique le choix de Peter Brook
de baser son film sur l’improvisation. Il a fait cela pour contrecarrer l’aspect déterministe du livre et trouver
d’autres solutions. En revoyant le film, Stéphan Krezinski a l’impression que le film propose une théorie du
comportement humain sur une bande d’enfants, une sorte d’allégorie de l’humanité et qu’à chaque tournant
dramatique, Stéphan Krezinski n’est pas convaincu par l’évidence que l’action prend dans le film et a le
sentiment que les spectateurs ne choisissent pas les sentiments. Il n’y a pas d’éléments dans le film permettant de
connaître la réaction d’enfants si une telle situation se présentait dans la réalité. Le film donne l’impression que
les choses sont posées comme des évidences : le combat des deux chefs (tyrannique/démocratique).
Mélanie Ondet, professeur de lettres au collège Maurice Genevoix de Ligueil, trouve que seul le personnage de
Jack évolue et les autres sont un peu trop représentatifs, dont Ralph qui est la raison. Stéphan Krezinski pose
une nuance sur Ralph : il veut être le chef et a un allié immédiat en la personne de Piggy mais il lance son
surnom à la première occasion pour se faire bien voir auprès des autres enfants, Ralph lance alors le processus
de bouc émissaire. Dans la séquence où Piggy est privé de sanglier, c’est Simon lui donne son bout de viande et
non Ralph. A plusieurs reprises, Ralph lâche Piggy ou n’intervient pas pour s’opposer. Piggy représente
davantage la vertu démocratique et la raison. L’ambiguïté de Ralph se présente dès la présentation de Piggy à
la collectivité car Ralph leur livre le surnom de Piggy et le spectateur ne saura jamais son véritable prénom.
Gilbert Gilet soumet l’idée que Ralph devient le leader car il est plus séduisant que Piggy.
Ralph donne un usage démocratique à la conque, il permet à celui qui a la conque de parler et le spectateur se
rend ainsi compte de l’usage démocratique très fragile de la conque car cela s’effondre au moment où il n’y a
pas de respect et de bonne volonté et rapidement, avec Jack et les chasseurs, le rôle de la conque disparaît. La
conque est différente de la couronne du Roi qui donne le pouvoir de juger les personnes, car la conque permet
à tous d’être à égalité.
Les images d’archives et le côté documentaire « bricolé » sur la guerre doivent être dus à un manque de moyens
et Stéphan Krezinski trouve l’introduction astucieuse car Peter Brook nous raconte une guerre dont le spectateur
ne connaît pas l’ampleur.
Quand la chorale arrive, les chants de la chorale sont ensuite accompagnés par l’orchestre qui reviendra à
l’arrivée de la marine. Les marins vont les réintégrer à la civilisation alors que la guerre fait rage et les enfants
seront sans doute de la chair à canon d’ici quelques années. Parfois, Stéphan Krezinski trouve que la musique,
mise trop en avant avec le mixage, « colle » trop aux images et a un côté académique.
LE DECOUPAGE DU FILM
Dans la première partie, les enjeux sont :
- survivre,
- boire,
- manger,
- savoir où l’on est
- organiser l’économie générale du groupe et donc avoir une politique.
Dans cette partie, le vote démocratique a lieu désignant Ralph comme chef. Les principaux arguments sont :
avoir une bonne tête, être le rassembleur et avoir la conque.
Dans la deuxième partie, le film montre l’érosion du pouvoir de Ralph et la constitution du groupe de chasseurs
à partir de la chorale. Intégrés dans la civilisation anglaise, ils sont armés et disciplinés et vont être les plus
sauvages.
Dans la troisième partie, le spectateur assiste à la destitution de Ralph et à la prise de pouvoir de Jack : la tribu
devient barbare. La chorale disciplinée devient une tribu barbare adorant un Dieu assimilé à une bête à qui les
enfants font des offrandes grotesques. Grâce à cette croyance irrationnelle, Jack affirme son pouvoir et devient
un tyran.
3
A la fin, les militaires reviennent au secours des enfants pour fermer cette parenthèse du retour à la vie
sauvage. En mettant le feu à la forêt pour débusquer Ralph, la tribu avertit les marins de leur présence et
permet ainsi aux enfants d’être sauvés.
Lors de cette séquence, le plan où Jack baisse les yeux est très ambigu car cela peut être à la fois la honte et le
dépit de perdre le pouvoir. Peter Brook n’est pas toujours adroit avec les acteurs pour les improvisations mais
dans cette scène, il est très précis dans la direction d’acteurs car il donne une grande ambiguïté. De même,
Ralph est à la fois le héros démocratique avec des attitudes très ambiguës. Stéphan Krezinski mettrait Ralph
dans le cadre d’une « «démocratie molle « qui n’arrive pas à s’affirmer au nom du bien commun et qui laisse
faire les choses, ce qui est explique qu’il soit dépassé par Jack. Il est évident que si Ralph avait réagi
autrement, Jack n’aurait pas pris le pouvoir et ils auraient pu devenir alliés. En effet, durant tout le film, il y a
une sorte de respect et de fascination l’un pour l’autre et une sorte d’amitié aurait pu être possible.
Il y a deux lignes narratives dans le film :
- La survie d’un groupe sur une île,
- La prise du pouvoir : le combat des chefs et la victoire de la tyrannie.
ROBINSON CRUSOE
Ce film peut être une robinsonnade désillusionnée puisque dans Robinson Crusoe, il y a une vision positive de
l’impérialisme : au naufrage, Robinson Crusoe est un esclavagiste à la recherche d’une cargaison d’esclaves et
ensuite, quand il réorganise et civilise son île, il va prendre Vendredi en partie comme esclave, en sachant que
des problèmes de civilisation vont se poser avec la venue de cannibales sur l’île. Robinson Crusoe a envie de les
tuer au nom de la civilisation mais en même temps, il se rend compte que ces cannibales n’ont pas la même
conception que lui du bien et du mal.
Dumézil définit dans Mythes et épopée les trois pôles du pouvoir dans la Société.
« Georges Dumézil a profondément marqué les recherches consacrées à la civilisation indo-européenne. Il fut en
effet le premier à montrer que l’ensemble indo-européen constitue certes d’abord une famille de langues mais
qu’un fond culturel commun et une même conception de la société réunissait les peuples qui, dans l’Antiquité ou le
haut Moyen Age, s’exprimaient dans ces langues.
Menant une étude comparative des religions, des mythes, des modes de pensée rencontrés dans la communauté
indo-européenne, Georges Dumézil constata chez ces peuples une même organisation de la société. Celle-ci est
divisée en trois groupes rituellement séparés exerçant des fonctions spécifiques : au sommet, les spécialistes du
sacré, au-dessus, ceux qui maîtrisent l’art militaire, enfin, à la base, ceux qui travaillent pour nourrir la
collectivité. Dans l’ensemble indo-européen, on trouve toujours trois castes distinctes : les prêtres, les guerriers et
les producteurs, essentiellement des paysans.
Cette représentation de la société, à laquelle Georges Dumézil a donné le nom d’idéologie tripartite, il l’a
retrouvée dans le symbolisme mythique et religieux des peuples indo-européens, notamment dans les triades de
dieux qui caractérisaient leurs religions anciennes. Dumézil expliquait : "Il me semble difficile qu’une civilisation
ait pu forger cette représentation tripartite sans avoir été effectivement organisée en trois classes distinctes qu’en
simplifiant on pourrait appeler prêtres, guerriers et paysans. Je crois donc à une origine sociale de cette idéologie.
Ce n’est évidemment qu’une hypothèse, puisque nous n’avons aucun témoignage direct sur les Indo-européens. Mais
quelle autre hypothèse serait vraisemblable ? " (Le Monde, 12 avril 1985). »
(Source : http://www.lfcyl.org/spip/spip.php?article191)
> Classe des chefs :
- pouvoir magique capture magique : roi du visage
- pouvoir du juriste
- pouvoir du religieux
> Classe des guerriers
> Soldat paysan
Quand Jack rapporte ce que Perceval dit, le spectateur ne sait pas s’il dit la vérité, ce qui donne naissance à la
bête : cette scène marque la prise de pouvoir par Jack.
SIGNIFICATION DU TITRE SA MAJESTE DES MOUCHES
Le titre est ironique car le seul Dieu présent dans le film est le cochon, qui est normalement une offrande que les
enfants font à Dieu, mais seules les mouches en profitent.
4
METAPHORE DE LA SOCIETE ANGLAISE
Le film est une métaphore de la Société anglaise. Jack est chef de chorale, il est très discipliné et la première
phrase qu’il dit est « où est l’adulte ? ». Il donne le fouet dans la grotte qui représente la punition corporelle à
l’usage à l’époque dans les écoles anglaises : beaucoup de choses du film se réfèrent à l’éducation anglaise.
Des gens civilisés retournent à l’état sauvage et vont devoir rebâtir une civilisation selon des normes qu’ils vont
devoir spécifier. Du fait de cette métaphore de la Société anglaise, il est impossible de ne pas évoquer le
colonialisme car à l’époque, l’Angleterre est la première puissance coloniale du monde et renvoie à la phrase
de dialogue de Jack : « Je suis d’accord avec Ralph, nous ne sommes pas des sauvages mais des Anglais ». Or,
les plus sauvages pendant le colonialisme étaient souvent les Anglais…
LE BOUC EMISSAIRE
Il est intéressant de travailler avec l’idée de bouc émissaire, pour aborder avec les élèves des situations
actuelles où des jeunes se mettent dans des groupes pour harceler d’autres jeunes. Simon est détenteur de la
vérité et devient donc le bouc émissaire. La première fois qu’apparaît Simon dans le film, il est dans la chorale
et s’évanouit. Lors de la présentation de chaque enfant, Simon est le seul enfant filmé de profil ce qui marque sa
différence. Sa mort est floue car il est étonnant que Ralph et Piggy aient participé à la mort de Simon alors
qu’ils n’étaient jamais avec le groupe des chasseurs. A la mort de Simon, les enfants essayent de dédramatiser
le meurtre : en créant un tabou, ils peuvent continuer à vivre collectivement.
LA TOPOGRAPHIE
La bête, représentée par le parachutiste mort, est tout en haut de la colline tout comme le pouvoir. Quand Jack
met son autorité en jeu, il domine en silence le groupe et sans arrêt, il y a des rapports entre le haut et le bas.
Vers le haut, il y a le religieux vu du point de vue de l’irrationnel et de la superstition : le pouvoir s’y établit m
sur des bases de superstition et non sur celles de la raison. Les enfants dominés se trouvent en bas : quand Jack
vient chercher le feu chez Ralph et Piggy, ils sont en bas et à la fin, quand Ralph et Piggy viennent chercher les
lunettes, ils se retrouvent aussi en bas. Il est intéressant de voir si les élèves relèvent cela dans la topographie du
lieu (haut/bas) et donc voir si la symbolique est cohérente avec le film et l’aspect religieux qui s’incarne avec le
parachutiste situé tout en haut.
LES PERSONNAGES
Roger est le second de Jack et son bras armé. « C’est lui qui désigne la victime du carnage, qui actionne le
levier destiné à faire tomber le rocher mortel pour Piggy. » (Dossier pédagogique CNC).
Sam et Eric, les jumeaux, sont intéressants car ils sont faits prisonniers par Jack puis deviennent par la suite des
soldats de Jack tout en prévenant Ralph de ce qui l’attend à la fin du film. Ils sont la dualité entre Jack et Ralph.
L’UTOPIE
En Angleterre, il y a une tradition de littérature et de philosophie de l’utopie en partie liée au colonialisme. Le
premier, Thomas More (1478 – 1535), philosophe humaniste et auteur d’Utopia (mot venant du grec « ce qui n’a
pas de lieu ») est celui qui a créé le mot. Utopia décrit une Société parfaite, une sorte de préfiguration
socialiste. Thomas Hobbes, deuxième utopiste, a écrit l’ouvrage Léviathan dans lequel il imagine une Société
basée sur le pacte entre les individus pour légitimer un pouvoir politique.
Extrait : Thomas Hobbes, qui a longuement médité sur la politique d'Aristote, s'oppose à la tradition
aristotélicienne. Pour Hobbes, l'homme est sociable non par nature, mais par accident. L’état de nature, c’est
l’état de la « guerre de tous contre tous » Hobbes dira (reprenant Plaute) que « l’homme est un loup pour
l’homme » (homo homini lupus). L’état de nature ne doit pas être compris comme la description d’une réalité
historique, mais comme une fiction théorique. Il n'a peut-être jamais existé, mais il est une hypothèse
philosophique féconde, une construction de l'esprit qui vise à comprendre ce que nous apporte l'existence sociale
(Léviathan, XIII). Cet état représente ce que serait l'homme, abstraction faite de tout pouvoir politique, et par
conséquent de toute loi. Dans cet état, les hommes sont gouvernés par le seul instinct de conservation - que
Hobbes appelle « conatus » ou désir. Or, à l’état de nature, les hommes sont égaux, ce qui veut dire qu’ils ont
les mêmes passions, les mêmes droits sur toutes choses, et les mêmes moyens - par ruse ou par alliance - d’y
parvenir (Léviathan, XIII). Chacun désire légitimement ce qui est bon pour lui. Chacun essaie de se faire du bien
et chacun est seul juge des moyens nécessaires pour y parvenir. C'est pourquoi bien souvent les hommes ont
tendance à entrer en conflit les uns avec les autres pour obtenir ce qu'ils jugent bon pour eux.
La puissance anarchique de la multitude domine à l'état de nature. Doué de raison, c’est-à-dire de la faculté de
calculer et d’anticiper, l'homme prévoit le danger, et attaque avant d’être attaqué. L'homme le plus faible
pourrait avec de la ruse l'emporter sur le plus fort (Léviathan, XIII). Chacun est donc persuadé d'être capable de
l'emporter sur autrui et n'hésite pas à l'attaquer pour lui prendre ses biens. Des alliances éphémères se nouent
5
pour l'emporter sur un individu. Mais à peine la victoire est-elle acquise que les vainqueurs se liguent les uns
contre les autres pour bénéficier seuls du butin.
Cette guerre est si atroce que l'humanité risque même de disparaître. A ceux qui penseraient que cette vision de
l'humanité est pessimiste, Hobbes rétorque que même à l'état social où pourtant existent des lois, une police, des
juges, néanmoins nous fermons à clef nos coffres et nos maisons de peur d'être détroussés (Léviathan, XIII). Or
l'état de nature est sans loi, sans juge et sans police... C’est l’angoisse de la mort (la mort violente) qui, résultant
de l'égalité naturelle, est responsable de l’état de guerre et fait peser sur la vie de tous une menace
permanente. Cet état, fondamentalement mauvais, ne permet pas la prospérité, le commerce, la science, les
arts, la société (Léviathan, XIII). (Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Thomas_Hobbes)
Bibliographie évoquant l’utopie anglaise :
- Robinson Crusoe de Daniel Defoe
- Vendredi de Michel Tournier
- Le voyage de Gulliver de Jonathan Swift
- La machine à explorer le temps de H.G. Wells
- Le monde perdu de Sir Arthur Conan Doyle
- Le meilleur des mondes d’Aldous Huxley
- Orange mécanique d’Anthony Burgess
Filmographie traitant de l’utopie :
- Le Ruban Blanc de Michael Haneke
- Les révoltés du Bounty de Lewis Milestone
- Ils étaient trois de William Wyler
Duel dans le Pacifique de John Boorman
- Délivrance de John Boorman (par rapport à l’idée du mal et de l’utopie du retour à la nature)
ETUDE DE LA SEQUENCE DU DOSSIER PEDAGOGIQUE DU CNC (DE 32 MIN 19 SEC A 37 MIN 50 SEC)
Tous les enfants sont en frénésie autour du chef, Jack qui domine, profil, position de roi et silencieux.
Ralph réagit car il se rend compte qu’il perd le contrôle.
Plan 4 : Plan sur le bois le plus important avec le couteau. Tout au long du discours de Ralph, il y a le danger
avec ce son de couteau sur le bois.
Plan 9 : Jack s’approprie le plan – Il a une position dominante sur Ralph et ce dernier ne dit rien. « Mes
chasseurs nous protégeront » : affirmation des chasseurs dans le plan 11.
Plan 13 : What’s your name ? par le groupe
Plan 14 : Ralph essaye de rétablir son pouvoir en faisant taire les chasseurs pour faire fonctionner la
démocratie avec la conque.
Plan 16 : On voit que le garçon ne va rien dire, ce qui n’est pas très bon pour Jack. Il envoie un chasseur pour
faire rire Perceval et le reste des enfants. Plan sur Ralph avec un sourire pour la cohésion du groupe.
Plan 18 : musique inquiétante.
Plan 19 : caméra sur les trois victimes de la bête annoncée par Jack. Pouvoir du relationnel et de la force.
Plan 20 : plan de conclusions qui revient à la mer.
L’association Collège au Cinéma 37 remercie Stéphan Krezinski pour sa venue à Tours et son intervention sur le
film Sa Majesté des Mouches.
6