Abandonnée

Abandonnée
Cher journal,
08/10/08 : Mon nom est Lucie Lopez, j’ai 10 ans et je vais te raconter mon
histoire. Aujourd’hui, j’écris pour la première fois sur ce journal car j’ai été
abandonnée par mes parents, à l’âge de 10 ans. Je me sens désespérée et
terriblement triste. Ma grand-mère paternelle est une femme âgée et très
gentille, son mari est mort à la guerre. Elle m’a recueillie chez elle, à Bordeaux,
et grâce à elle je peux continuer ma vie normalement. J’ai aussi perdu des amis
car j’ai déménagé pour aller dans la résidence de ma grand-mère. En souvenir de
mon grand-père, j’ai gardé l’arme avec laquelle il a combattu. C’est un couteau
rouge que j’ai accroché au mur de ma chambre.
09/10/08 : Premier jour dans ma nouvelle école, je trouve que mes nouveaux
camarades m’évitent et me dévisagent. Une fille blonde, grande, très maigre et
qui elle aussi était seule et nouvelle dans cette école, est venue me voir pour me
consoler mais je voulais rester seule. Je n’ai pas arrêté de pleurer et je me sens
incomprise par les autres. Le soir, avec ma mamie, nous sommes allées à la place
du Miroir d’Eau pour m’aérer et m’apaiser, avant mon cours de danse. J’en
pratique depuis cinq ans, cela m’aide à m’évader et à oublier mes problèmes.
10/10/08 : En rentrant de l’école, il pleuvait à seaux et il y avait de l’orage.
J’avais très peur et j’étais fatiguée. Je m’allongeai sur mon lit et je m’endormis.
En pleine sieste, je me réveillai en sursaut car j’avais entendu des voix. Celles-ci
me faisaient penser à ma mère car elle avait la même voix. Je descendis voir ma
grand-mère, qui était en train de cuisiner pour le dîner de ce soir. J’eus très
peur de ces voix. Ma grand-mère me dit :
« Qu’est ce qu’il y a ma petite fille ?
- J’ai entendu des voix qui ressemblaient à celles de maman !
- T’es sûre que t’as pas rêvé ?
- Ça se trouve !
- Retourne dans ta chambre, c’était peut-être un rêve.
- OK, grand-mère. »
Je retournai dans ma chambre et je n’entendis plus mes voix.
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Après mes devoirs, je fis mon sac et j’allai me coucher. Ma nuit se passa
bien jusqu'à ce moment…
11/10/08 : Pendant la nuit, j’entendis quelques bruits mais je me recouchai. Vers
une heure du matin, l’orage me réveilla. Soudain une voix se mit à parler toute
seule. Pensant que c’était un rêve, je me recouchai.
Tout à coup, j’ouvris les yeux et je vis une ombre, derrière mon rideau
rouge, qui se mit à bouger. Alors je me mis à transpirer, trembler, mon visage
était recouvert de sueur et au même moment l’ombre se déplaça. Ensuite, j’eus
des nausées et je ne réussis plus à me lever, les voix devenaient de plus en plus
fortes et aiguës comme celle de ma mère. Subitement, une tête de femme sortit
du rideau, je voulais sortir du lit mais je n’y arrivais pas. Je pleurais d’angoisse,
d’effroi, de surprise, je reconnus alors ma mère et je compris qu’elle venait me
chercher. Mon cœur se noua, se lia de peur et de souffrance, je n’avais plus
l’envie ni le courage de la voir ni même de la regarder avec tout ce qu’elle m’avait
fait ! Ensuite, elle me tendit la main pour que j’aille avec elle mais mon cœur me
disait non. Elle repartit aussi vite qu'elle était venue. Durant toute la nuit, je n'ai
pas réussi à me rendormir, je n'ai pas arrêté de pleurer de peur qu'elle revienne.
12/10/08 : Le lendemain matin, je n'arrivais plus à sortir de mon lit, je ne pouvais
pas aller à l'école. Ma grand-mère est montée me voir pour me réveiller, comme
chaque matin. En ouvrant la porte, elle me vit terrifiée, apeurée, sous le choc.
Louise, ma grand-mère, se précipita sur moi, affolée de me voir dans cet état là !
Elle me demanda ce qui s'était passé durant la nuit car mon visage était blanc,
mes yeux rouges, mes cheveux ébouriffés, témoignant de ma douleur. Je lui dis
que je n'avais envie de parler à personne, je la repoussai et elle s'en alla. Pendant
cette journée, je n'ai pas bougé de mon lit, je n'ai pas mangé, je ne me suis pas
habillée, ni coiffée. Je commençai alors à comprendre que je ne pourrais plus
jamais oublier cette nuit diabolique et terrifiante.
27/10/08 : Je sombrai dans une dépression, je ne voyais plus personne, je
n'allais plus à l'école, je ne parlais plus, je ne dansais plus et je m’enfermais
toute la journée dans ma chambre. Mon visage était devenu noir, triste, je ne
prenais plus soin de moi ni de ma grand-mère.
08/11/08 : Après tout ce qui m’est arrivé, entre l’abandon de mes parents et ces
voix étranges qui me suivent, je réfléchis. Dois-je rester en vie ou bien mettre
fin à mes jours ?
09/11/08 : Aujourd'hui je suis décidée à reprendre ma vie en main : aller à
l'école, reprendre soin de moi et de ma grand-mère, ressortir comme si rien ne
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s'était passé. Je commence à revoir mes amis, à reprendre une vie sociale
normale et à oublier mes parents.
15/11/08 : Je suis partie au cinéma avec mes nouveaux amis, je vais mieux et ma
vie redevient normale, ou presque. Je n’ai toujours pas revu, ni repris contact
avec mes parents depuis mon abandon.
30/11/08 : Bonjour, je suis la grand-mère de Lucie, j’écris sur ce journal car j’ai
une terrible nouvelle à annoncer. Lucie, ma petite-fille adorée, est morte hier. Je
l’ai retrouvée inerte sur son lit. Elle était blanche, les yeux grands ouverts, et sa
bouche aussi, comme si elle était surprise de quelque chose ou quelqu’un. On
aurait dit qu’elle avait vécu la nuit la plus horrible de sa vie.
Quand je l’ai découverte dans cet état, j’étais abasourdie, en pleurs,
effondrée de douleur et je compris alors qu’elle était morte !
Elle avait été tuée avec un couteau, retrouvé dans sa bouche. Ce couteau
était celui que mon mari avait à la guerre et que ma petite fille avait gardé en
souvenir de lui. Le sang coulait encore de sa gorge. Son lit et ses habits étaient
devenus rouge de sang.
05/12/08 : Les policiers ont fouillé toute la maison pour trouver un indice sur la
personne qui aurait pu la tuer. Ils ont cherché toute la journée mais en vain.
06/12/08 : Plus le temps passe, plus je pense qu’elle s’est suicidée.
Je ne saurai jamais pourquoi le couteau de mon mari s’est retrouvé dans la
gorge de ma petite fille ! Pourquoi elle ? Pourquoi cette vie…
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