La fin du monde - Pardessuslahaie.net
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LE JOURNAL DE L’ÉLEVEUR Paru d ans Rebrousse-poil La fin du monde ? Les Mayas ont peut-être raison, ce serait la fin d’un monde… laitier. monts et merveilles ou l’apocalypse, il y en a tous les jours. Prenez nos experts laitiers, les Chatelier, Pflimlin et consorts. Ils ont tous leur avis sur la façon de réorienter la filière. Les uns prônent une intensification à la danoise, les autres défendent une agriculture familiale. « Un expert, c’est un avis. Deux experts, c’est la contradiction. Trois experts, c’est la cacophonie. » L es Mayas, premier peuple amérindien, ont annoncé la fin du monde pour le 21 décembre 2012. Ils auraient pu la prédire pour le 12 décembre 2012. C’eût été plus marrant, rapport à la numérologie. Il faut croire que même en inversant les chiffres, le 21 n’est pas le 12, ce qui confère un certain sérieux à leur ultimatum. Pour un peuple qui vivait il y a plus de 3 000 ans, avouez qu’il avait la vista. D’un autre côté, si les Mayas font les malins, ils n’ont rien vu venir par rapport à la défaite de Nicolas Sarkozy, le déficit de l’Europe et le gagnant de Secret Story. Ça relativise la portée de leur vision. Alors, permettez-moi de douter de leur prédiction. Pas un mot non plus sur les marchés et le prix du lait, sur la restructuration, ni sur qui reprendra la ferme à ma retraite. Ce serait trop facile de mettre toute la responsabilité sur le dos de François Hollande. Ce n’est quand même pas de sa faute si la fin du monde tombe la même année que son élection. Il a déjà tellement de soucis avec la France. Ça doit être un coup tordu de Merkel. De toutes les façons, je m’en moque car le 21, je ne serai pas là. Je serai en Normandie car ils ont vingt ans de retard ! Des oracles qui promettent Alors qu’il y a 3 000 ans, les Mayas prédisaient la fin du monde, on est incapable de voir comment évoluera le paysage laitier après 2015. 30 l septembre 2012 l numéro 205 l L’éleveur laitier À l’heure d’internet et des communications interplanétaires, nous ne sommes donc pas capables de savoir comment évoluera le paysage laitier après 2015. Alors que les Mayas, qui mettaient six mois pour porter une lettre avec un timbre vert à l’autre bout de l’empire, prévoyaient notre triste sort. Moi je dis : chapeau ! Nos experts peuvent aller se rhabiller. D’un autre coté, les Mayas d’Amérique centrale et surtout leurs voisins, les Incas des Andes, la production laitière, ils s’en battaient le blanc de l’œil parce qu’un lama, ça doit donner deux litres maximum par jour. Et encore, si le vent andin ne lui souffle pas dans les oreilles. En contrepartie, sa laine est réputée et ils en font des ponchos chauds. Ils ont intérêt vu le climat, mais là je m’égare. Tout ça ne me dit pas ce que vont devenir les producteurs laitiers après 2015 ? Après tout, on s’en fout vu que tout s’arrêtera le 21 décembre. Mais bon, si des boules de feu n’anéantissent pas la terre le 22, il faudra traire les vaches et vendre notre lait. À quel prix, ça les Mayas ne le disent pas. Du lait, il en faudra ! Combien ? Ça dépendra de qui veut ou peut le payer. Les laiteries s’aligneront sur le moins-disant. Les coopératives, avec le double prix-double volume, serviront de maître étalon. Les privés calculeront la moyenne qui déterminera le prix de base. Produire du lait payé 230 € la tonne : mieux vaut peigner le lama. Produire du lait payé 350 € si l’indice Ipampa a doublé, là encore, mieux vaut tricoter des pulls. Tout compte fait, les Mayas ont peut-être raison, ce serait la fin du monde… laitier. Ce qui est sûr, quel que soit le nombre de producteurs restants, il faudra bien raisonner les investissements et gagner en productivité. Cela veut dire ne pas investir dans la production laitière et le matériel de culture en même temps. Accepter de consacrer du temps au troupeau, même et surtout avec un robot. Moi qui ne suis pas maya, je peux vous l’assurer. Voici un conseil de ma grand-mère : « Puisque la fin du monde arrivera le 21, fêtons Noël le 20, qu’on en profite une dernière fois. » ■ PASCAL POMMEREUL