Mulhouse - Groupe RAPP en ACTION

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Mulhouse - Groupe RAPP en ACTION
Mulhouse
Q VENDREDI 31 OCTOBRE 2014
GROUPE RAPP Les salariés en assemblée générale
Le cataclysme social
Réunis en assemblée générale hier matin, les salariés du groupe Rapp ont fait les comptes. La faillite de leur entreprise
entraîne le licenciement de 263 personnes des services centraux. A ceci s’ajoutent les 50 salariés du magasin Atlas, déjà fermé.
Soit 313 personnes. Rapp vient allonger la liste des entreprises qui ont supprimé des emplois ces dernières années :
Tresch, Schindler, PPC, Faurecia, Wärtsilä… le Globe. A ce tableau s’ajoute la lente décrue des effectifs de PSA.
«C’
est un véritable cataclysme soc i a l ,
analysent les représentants
du personnel, bien décidés à
entrer dans des actions plus
vigoureuses. « Jusqu’à présent, nous avions été trop
gentils… Mais la situation est
extrêmement anxiogène, elle
soulève trop d’interrogations
pour les salariés. »
En effet, ces salariés sont toujours dans l’attente. Hier, en
audience devant la chambre
commerciale du Tribunal de
grande instance de Mulhouse,
les candidats repreneurs ont
été audités. Mais plusieurs
dossiers étaient incomplets,
l’audience sera donc reportée
au 18 novembre prochain.
Seule assurance pour les salariés, et qui leur a été donnée
par les administrateurs judiciaires : les salaires de novembre seront payés.
Au total,
330 personnes
au chômage
Les jours vont donc compter
double pour les salariés dans
l’angoisse. D’autant plus que
le plan principal porté par
l’actuel directeur financier du
groupe, Nicolas Finck (NF
Holding), soulève des interrogations. « L’offre est complexe, expliquent les représentants des trois syndicats
CFDT, CFTC et Unsa. « On
aurait pu croire que, compte
tenu de la proximité des bureaux de Nicolas Finck à Kingersheim, nous aurions eu
des informations. Or tout est
fait dans le secret ».
En fait les salariés ne comprennent pas bien le montage
financier proposé : « L’offre
Les représentants des salariés du groupe Rapp, les enseignes Fly, Crozatier et Atlas.
est portée par 130 millions
d’euros, qui proviennent pour
80 millions d’euros d’actifs
immobiliers, pour 30 millions d’euros de stocks. C’est
beaucoup, c’est bien, mais cela se fait au détriment des
salariés non repris », analysent les syndicalistes.
Or ces salariés seront extrêmement nombreux à perdre
leur emploi. Même s’il est difficile à ce jour d’avoir un
comptage vraiment exact des
salariés en activité (les chiffres varient selon la direction
et selon les syndicats), les indications des syndicats font
EN RELIEF
PAROLES DE SALARIÉS
Un message pour
Monsieur Paul et Monsieur Pierre
Monsieur Paul et Monsieur Pierre
sont les cofondateurs du groupe
Rapp. Les frères Rapp ont été des
pionniers et des visionnaires. Dès
1959, ils comprennent que la
vente de meubles à des prix
abordables pouvait devenir une
activité lucrative. Sur la base de
l’atelier de menuiserie-ébénisterie fondé en 1928 par Joseph
Rapp, ils ouvrent un premier
magasin de meubles à Mulhouse.
Puis en 1964, le premier supermarché du meuble à Kingersheim.
En 1969, ils créent le Mobilier
Européen. En 1973, ils ouvrent le
premier magasin Atlas. En 1978,
le premier Fly et ils reprennent
Crozatier. En 2014, il y avait 119
Fly dans trois pays, 47 Atlas dans
deux pays et 47 Crozatier.
En 2002, ils laissent les rênes à
Michel et Philippe Rapp. Malgré
tout, les salariés continuent à les
appeler Monsieur Pierre et Monsieur Paul : « Ils nous connaissaient tous. C’étaient des humanistes. »
Les salariés leur adressent donc
ce message : « Nous avons toujours aimé travailler dans le
groupe. Nous ne voulons pas
occulter toutes les bonnes années. Nous savons que vous êtes
tristes et affectés par la situation. »
Par contre, les salariés changent
de langage quand ils évoquent la
co-gérance de Michel et Philippe
Rapp.
« Ils n’ont aucune considération
pour les salariés. Depuis longtemps, nous n’avons plus vu
Philippe Rapp à une réunion de
comité d’entreprise. S’enfermer
dans son bureau n’est pas une
réaction de quelqu’un qui se dit
en responsabilité. »
Les porte-parole des salariés vont
encore plus loin. « Nous avons
contribué pendant des années à
la croissance du groupe Rapp et à
faire la fortune de la famille. Ils
étaient il y a peu parmi les 500
plus grandes fortunes de France.
Nous leur avons demandé officiellement de faire un geste pour
nous. Un geste financier. La
réponse a été non ! »
état d’un effectif actuel de
330 personnes aux services
centraux, dont 50 seulement
pourraient être repris par NF
Holding. Soit 280 licenciements. À ceci s’ajoutent les
50 salariés du magasin Atlas
de Kingersheim (vendeurs,
administratifs et manutentionnaires) qui est déjà fermé.
Au total, 330 personnes au
chômage.
Pour tous ces salariés, le
groupe Rapp met sur la table
20 millions d’euros pour le
PSE (Plan de Sauvegarde de
l’emploi). Mais là encore, les
salariés doutent : « Ces
PHOTO DNA – FZ
20 millions d’euros ne sont
pas garantis. Le groupe perd
4 millions d’euros par mois,
plus on recule l’échéance,
moins on aura de trésorerie. »
Exiger un
accompagnement
spécifique pour les
salariés licenciés
Alors tout le combat de ces
prochains mois sera d’arracher aux pouvoirs publics un
dispositif d’accompagnement
spécialisé et renforcé. Vendredi dernier, les salariés ont
été reçus au ministère du Travail. Mais ils restent dans l’at-
tente d’une réponse. Ils sont
soutenus dans leur démarche
par les élus locaux et le président de m2A, Mulhouse Alsace Agglomération.
Le 7 novembre prochain, une
autre table ronde aura lieu à
la sous-préfecture de Mulhouse. Là, les salariés seront certainement moins disciplinés
que pendant leur premier
mouvement (DNA du 23 octobre). « Cette fois, nous allons
exiger des engagements
écrits », préviennent-ils. « Il
faut absolument accompagner de la meilleure manière
possible des salariés qui ont
souvent fait toute leur carrière dans le groupe, qui n’ont
pas toujours eu de formation
continue, qui ne savent plus
ce qu’est rédiger un CV, se
présenter à un entretien...»
Le personnel du groupe est
également âgé : un quart du
personnel a plus de 50 ans,
avec souvent 30 à 35 ans
d’ancienneté. « Comment retrouver du travail sur nos métiers du meuble qui sont très
spécifiques et dans un bassin
d’emploi aussi sinistré que
celui de Mulhouse ? ».
PROPOS RECUEILLIS PAR
FRANÇOISE ZIMMERMANN
R
L’enseigne Atlas va disparaître
Le groupe Rapp, ce sont les
trois enseignes Fly, Atlas et
Crozatier. Fly qui était l’enseigne phare du groupe,
sera probablement sauvée,
ainsi que Crozatier. Mais
Atlas, pour tous les magasins détenus en propre, va
disparaître du paysage
PREMIER MAGASIN À ÊTRE
FERMÉ : celui de Kingersheim.
Là où le groupe Rapp est né en
1959. Le magasin a déjà liquidé
tout son stock. Il reste ouvert
deux jours par semaine pour
que les clients puissent prendre
leurs livraisons. Quant à la
cinquantaine de salariés, ils
sont « en dispense d’activité »
pour le reste de la semaine. La
marque Atlas va totalement
disparaître du paysage, en tout
cas pour les magasins détenus
en propre par le groupe. En
effet, aucun repreneur n’a été
intéressé par cette activité.
(Seuls deux magasins Atlas
dans le reste de l’Alsace ont été
rachetés et ceci avant la faillite
du groupe : celui de Vendenheim passé depuis sous l’ensei-
Le magasin Atlas de Kingersheim est déjà fermé.
gne Conforama et celui de Colmar passé sous l’enseigne But.)
« Les autres magasins sont
vieillissants. Rien n’a jamais été
investi. Or de nouvelles normes
arrivent d’ici 2015, les travaux
auraient un coût financier trop
PHOTO DNA – FZ
important », complètent les
syndicats. Ils sont critiques
aussi à propos de la gestion de
Fly. Ces magasins faisaient
jusqu’ici 70 % du chiffre d’affaires du groupe. « Nous avions
alerté nos dirigeants sur la
mauvaise stratégie qui était
mise en œuvre, sans être entendus. En quelques années, quatre directeurs d’enseigne se sont
succédé puis trois directeurs
des achats. Cela n’a pas aidé à
redresser la barre. »
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F31-LMU 04