uNIVERSITY OF pITTSBURGH

Transcription

uNIVERSITY OF pITTSBURGH
Rapport de Séjour d’Etude
Année 2015-2016
RAPPORT DE SEJOUR D’ETUDE DE
TROISIEME ANNEE
UNIVERSITY OF
PITTSBURGH
Pittsburgh, Pennsylvanie, Etats-Unis
Introduction :
Mon projet initial pour mon séjour d’étude était de découvrir la culture américaine tout en
étudiant des sujets liés à la sociologie et aux gender studies. J’étais partie dans l’optique que
cette année serait surement la dernière où je pourrais étudier ce domaine qui me passionne avant
de faire un master très professionnalisant (Master OMRH). J’ai toujours voulu faire ce master,
je suis rentrée à Sciences Po dans l’optique de faire ce dernier et je me suis rendue compte que
je n’avais pas forcément besoin de confirmer mon envie d’étudier les ressources humaines au
travers des enseignements de ma troisième année.
Cette année a vraiment été placée sous le signe de la découverte et d’étudier quelque chose qui
m’intéresse en dehors des salles de classe. Ce séjour a été l’occasion de choisir les cours que je
voulais sans restriction, un privilège que ce séjour d’étude offre à tous les élèves de Sciences
Po.
Description de votre expérience.
En accord avec mon projet initial, je me suis rapidement tourné vers des disciplines orientées
vers la sociologie et les sciences humaines. J’ai par ailleurs découvert un intérêt pour les cours
liés aux Africana Studies lors de mon séjour d’étude à l’Université de Pittsburgh, discipline que
l’on peut rarement étudier en France.
J’ai globalement apprécié tous mes cours et la pédagogie de chaque professeur.
Premier semestre:
Introduction to Gender, Sexuality and Women Studies:
Ce cours fut en premier sur ma liste de vœux pour mes inscriptions car représentait mon projet
à lui tout seul. Comme son nom l’indique, ce cours est une introduction aux différents concepts
liés aux féminismes à travers le temps, à ces nouveaux enjeux, aux personnages clés à l’origine
des mouvements protestataires et de pensée. Ce cours fut très riche, que ce soit par rapport aux
récents travaux féministes, à l’histoire où aux concepts évoqués. Ce cours mêlait genre,
sexualité, race, handicap et classe sociale, de façon à ce que beaucoup de facettes de la cause
des femmes puissent être abordés.
Le professeur et les élèves contribuaient à une espace d’échange sain, où aucuns commentaires
offensants ne pouvaient filtrer. Ce cours a totalement répondu à mes attentes voire plus.
Sex and Racism :
Ce cours fut l’un des rares à se baser presque exclusivement sur la leçon d’un professeur, les
lectures étaient complémentaires et servaient plus à assouvir une curiosité personnelle qu’à
approfondir le cours.
Le but de ce cours fut de comprendre les origines du racisme et de la négrophobie en général
en termes d’histoire et de concepts, puis de comprendre aux Etats-Unis comment ce racisme
s’exprimait et quel était son impact sur la communauté noire actuelle, sociologiquement,
1
économiquement et psychologiquement. La question du sexisme fut cependant très peu
évoquée, contrairement à ce que pourrait faire croire l’intitulé du cours.
Ce fut un cours très passionnant que je recommande à quiconque qui veut comprendre la
naissance du racisme anti-noir et les mécanismes derrière la façon dont réagit la communauté
noire par rapport à cela.
History of Caribbean Slavery :
Je voulais prendre une discipline traitant de l’esclavage dans les Caraibes, du fait du peu
d’instructions en France quant à cette période pourtant très importante dans l’histoire de la
France et des actuels départements et territoires d’outre-mer.
Je m’attendais à un cours s’intéressant aux petites Antilles dont les actuels départements
français mais ces derniers furent très peu évoqués et le cours fut plus orienté vers les grandes
Antilles et l’Amérique Latine. Même si je ne m’attendais pas à cela, ce fut tout aussi intéressant
de connaitre l’histoire des autres iles de l’arc Caribéens.
Ce cours est basé sur les lectures préparées personnellement, sur des extraits de films et de
documentaires qui ont pour but de rendre le cours proactif et pousser les étudiants à exprimer
leur opinion personnelle sur une situation donnée. Plusieurs facettes de l’esclavage furent
abordées : le marronnage, les mauvais traitements, la double-peine des femmes, les révolutions
suivies ou non d’abolitions, le métissage, les dilemmes rencontrés par l’esclave affranchi,
l’influence que cette histoire sombre a eu sur la culture caribéenne, etc.
Cours enrichissant, professeur tentant d’appliquer une pédagogie différente intéressante malgré
quelques défauts.
Sociology of Religion :
J’ai choisi cette classe car je voulais approfondir la question de la religion au sein de la société
que j’avais abordée durant mes cours d’Introduction à la Sociologie à Sciences Po. Je
m’attendais donc à des cours approfondissant des concepts que je connaissais déjà de nom, mais
ce cours fut à l’opposé de l’idée que je m’étais faite de la sociologie de la religion. Ce cours fut
bien plus porté sur les spiritualités, leurs préceptes et leurs liens avec les différentes
civilisations. Nous parlions d’animisme, de sorcellerie et de bouddhisme par exemple et de ce
que ces mouvements apportaient spirituellement aux individus qui les pratiquaient.
Malgré cela ce cours fut au final très intéressant car donnant une toute autre perspective aux
religions et à leurs rôles à un niveau individuel. Ce cours fut aussi basé principalement sur des
lectures et l’explication des textes par le professeur.
Writing Youth Literature :
J’ai choisi cette classe car j’adore l’écriture romanesque, spécialement l’écriture pour
adolescent et jeunes adultes. Je voulais aussi réussir à développer mon écrit en anglais et d’aller
plus loin dans la qualité de ma rédaction. Le cours consiste en l’étude des romans pour enfants
et jeunes adultes, de leur construction et de la rédaction de notre propre projet d’écriture en
suivant les quelques règles d’écriture apprises au début du semestre. Ce cours qui a l’air simple
2
assez simple sur papier fut en réalité le plus demandant en termes de lectures, de rédaction,
d’investissement personnel et de rigueur. Il faut pouvoir lire rapidement les premiers romans
qui feront l’objet de dissertation, et au fil du semestre lire les ébauches de ses camarades chaque
semaine et en faire une critique à débattre en groupe. L’écriture est aussi très prenante et
d’autant plus longue lorsque l’anglais n’est pas notre langue maternelle.
Mais malgré cela, j’ai pris énormément de plaisir durant ce cours, si on aime l’écriture tout
comme le professeur qui est écrivaine et passionnée et les autres élèves, on s’habitue à la masse
de travail et on prend le temps de profiter pleinement du cours.
Deuxième semestre :
Social Aspects of Sexuality :
Dans la lignée de mon projet lié aux gender studies, j’ai pris ce cours sans vraiment trop savoir
à quoi j’allais m’attendre concrètement : le nom du cours était assez large et sa description était
toute aussi mystérieuse. Et pourtant, ce cours fut très surprenant et intéressant de par
l’orientation choisie.
Ce cours consistait à étudier les comportements et habitudes sexuelles des individus afin de
comprendre leur rapport à la sexualité, au sexe opposé, aux pratiques non-conventionnelles et
en quoi ces éléments pouvaient être corrélés à d’autres facteurs.
A nouveau, ce fut un cours basé sur les lectures sociologiques préparées à l’avance et qui
donnaient lieu à une discussion lors des séances entre les élèves et le professeur. Les lectures
étaient particulièrement plus dures que toutes les autres, car étant des articles de recherche
beaucoup plus longs et demandant une lecture bien plus attentive, surtout en anglais.
Ce cours fut aussi un espace d’échange sain où les commentaires offensants étaient proscrits et
où les trigger warnings du professeur, permettait aux élèves d’éviter les sujets qui leurs étaient
sensibles. C’est une attention qui m’a particulièrement marquée, du fait que les trigger
warnings sont encore très peu pris au sérieux en France.
Comparative Dance Expression :
Ce cours fait partie des Africana Studies et propose d’étudier la signification et les origines se
cachant derrière les danses d’origine africaine, afro-américaine et afro-caribéenne. Ce cours que
j’ai cru seulement théorique, impliquait aussi la pratique de ses danses à ma grande surprise. Et
même si ce n'était pas ce que j’attendais, je trouve que c’est une façon d’autant plus intéressante
d’étudier les danses noires, les pratiquer permet de mieux les comprendre, là où chaque geste à
une signification particulière.
Le professeur met ses élèves dès le départ, certains ont déjà pris des cours de danse africaine,
d’autres non, certains sont moins athlétique que d’autres ou un sens du rythme relatif, mais au
final rien de tout cela n’a d’importance. Personne n’est là pour montrer que l’on danse mieux
que son voisin et tous les élèves apprennent à leur rythme les pas imposés.
3
Par contre, si vous avez des problèmes d’embonpoint, de genou ou d’articulations sensibles, ce
cours qui implique beaucoup de sauts n’est peut-être pas fait pour vous et il est très rapide de
se faire mal lors de mauvaises réceptions.
World Politics :
Ce cours fut l’un des rares cours en amphithéâtre que j’ai dû prendre. Les séances traitaient de
sujet très larges que ce soit lié au droit international, aux conséquences de la démocratie dans
le monde, où à la gestion des conflits et des ressources naturelles mondiales. Chaque séance
alliait découverte des concepts et systèmes de pensée liés au sujet et application pratique de ces
concepts dans des situations réelles au cœur de notre actualité. Ce cours magistral était partagé
entre les leçons du professeur et les lectures et activités proposées par son assistant.
Malgré que le cours soit donné à plus d’une centaine d’élève, avec quelques bases en droit
international et sciences politiques, le cours est très abordable et les lectures très intéressantes.
Organized Crime :
Je voulais un second cours qui soit aussi lié à des sujets pouvant impliquer le droit international
et j’ai pensé que le crime organisé pouvait être un sujet intéressant et peu habituel à prendre
comme base. Ce cours a vraiment été un coup de cœur au niveau de ce que j’ai pu apprendre,
sur l’histoire et le fonctionnement de certaines bandes organisées, telles que les différentes
mafias italiennes. Ce cours a donné un regard très intime sur ce qui signifiait « faire partie d’un
gang » et nous montrait comment les choses fonctionnaient en interne, du pourquoi du trafic de
drogues, de l’utilisation de la violence, de l’importance du respect et de la loyauté et des
relations que ces gangs entretenaient entre eux mais aussi avec les forces de l’ordre et la loi. Un
professeur passionné par son sujet qui a su nous captiver et qui nous laissait beaucoup de liberté
quant aux sujets des devoirs écrits à rendre.
En dehors des cours, j’ai pu découvrir le monde associatif sur le campus de l’université, qui est
très différent de ce qui existe à Sciences Po. Les associations semblent plus organisées, les
bureaux changent chaque semestre, certaines sont réservées aux undergraduate et d’autres aux
graduate. Beaucoup de moyens sont déployés pour les évènements et ils y règnent toujours une
ambiance bonne enfant. L’équivalent d’un BDE sur le campus pourrait être le Pitt Program
Council : ils font les évènements qui demandent le plus de moyens financiers, mais
malheureusement, leurs évènements sont très rapidement complets (trop peu de places pour une
population beaucoup trop large). D’autres associations plus petites font des évènements tout
aussi intéressants, comme Rainbow Alliance l’association LGBTQI+ de Pitt. J’ai pu par
exemple regarder Le Monde de Némo tout en nageant à la piscine, une expérience très marrante
pour qu’elle soit notée. J’ai aussi participé à des évènements des associations africaines et
latino-caribéennes du campus.
Dimension comparative de votre expérience
Quoi que l’on puisse en dire, il n’est pas nécessaire d’aller à l’autre bout du monde pour se
sentir dépayser culturellement parlant lorsque l’on décide de partir à l’étranger. De temps en
temps il suffit de simplement traverser une frontière ou un pays pour sentir qu’on se trouve dans
un tout autre milieu culturel. Les Etats-Unis constituent un pays vaste et il serait quasiment
impossible de décrire ce pays en se basant sur une seule de ses villes. D’une région à l’autre,
4
les Américains ont des accents, des habitudes et des coutumes très différentes. Par exemple
dans le cas de Pittsburgh, un exemple marquant mais subtile est leur accent typique de la ville,
accent qui m’a encore plus frappée lorsque je me suis rendue à New-York et que j’ai fait la
comparaison. Ils ont un accent assez marqués et une voix forte et pleine de confiance pour
porter leurs propos.
C’est d’ailleurs une autre chose qui a attiré mon attention à Pittsburgh, ce fut la confiance sans
fin que possèdent les Américains et les étudiants américains que j’ai pu côtoyer sur le campus.
Dans les salles de classes, les étudiants s’expriment tous avec confiance et arrivent à se faire
comprendre sans problème dans un amphithéâtre plein. Même si je n’ai pas de problèmes pour
porter ma voix et qu’on pourrait aussi dire la même chose des élèves de Sciences Po, cette
confiance, au début de l’année, était presque intimidante. Si on ajoute à cela la peur de paraître
ridicule en prenant la parole avec un accent français très tranché, il est compréhensible que l’on
veuille parfois se faire discret.
Cependant il ne faut pas ! Au bout de quelques mois –voire semaines, j’ai finalement été
beaucoup plus à l’aise. Et ceci m’amène à mon troisième point qui est que les Américains sont
d’une nature sociable et légère et feront tous pour vous mettre le plus à l’aise possible. Dans la
vie de tous les jours, ça s’exprime surtout dans la relation clientèle : à Pittsburgh, quelqu’un
sera toujours ravi de vouloir vous aider et s’adressera à vous comme s’il vous connaissait depuis
toujours. C’est très surprenant au début mais au final si rassurant lorsque l’on peine à se faire
comprendre de temps à autre. A l’université, ce sont certains professeurs qui adoptent cette
attitude avec leurs élèves. Les deux sont très proches l’un de l’autre. Les professeurs sont là
pour s’assurer du bien-être de leurs élèves et les élèves peuvent souvent compter sur leurs
professeurs en cas de problème. Les professeurs sont réellement à l’écoute de leurs élèves et
pour cela je leurs en suis reconnaissante. Cela fut un changement drastique comparé à Sciences
Po et à la France en général où les rapports sont moins personnels et imposent une certaine
distance.
La différence culturelle qui me frappa le plus durement fut celle de la question du tip ou
pourboire. « Quand est-ce que l’on tip, quand est-ce que l’on ne tip pas, et si je n’ai pas
envie ? ». Ce fut peut être l’une de mes plus grandes inquiétudes auxquelles j’ai dû me
confronter aux Etats-Unis. En suivant les conseils d’amis qui avaient fait des séjours d’étude
aux Etats-Unis, j’étais partie dans l’idée que si je n’avais pas envie de laisser de pourboire, je
n’en laisserais pas, qu’importe si c’est culturel ou pas. Il y avait quelque chose de contre intuitif
à se voir presque être forcé de laisser un pourboire à hauteur de 15% de la note. Et même si cela
est toujours contre-intuitif pour moi à la fin de mon séjour, en comprenant le pourquoi du tip
j’ai fini par laisser des pourboires. Vouloir camper sur ses positions de manière bornée
n’apporte que de la confrontation avec une culture que je suis venue découvrir dans un premier
temps. Dans tous les cas, le choix reste celui du client, vous pouvez laisser un pourboire comme
vous pouvez ne pas en laisser et ce quelle qu’en soit la raison. Il faut noter qu’un livreur/serveur
n’hésitera pas à interpeller un client qui n’aura pas laissé de pourboire, voire à lui en demander
un.
Ce sont quelques exemples parmi tant d’autres, mais les différences culturelles que j’ai pu
rencontrer à Pittsburgh sont plus surprenantes que dérangeantes : ne pas adopter une certaine
attitude à Pittsburgh ne va pas vous exclure socialement, encore moins sur un campus
universitaire où les étudiants viennent d’Etats et pays divers et variés.
5
La ville de Pittsburgh est une ville où il fait bon vivre socialement parlant. Ayant vécu à deux
pas du campus, j’ai évolué dans une atmosphère estudiantine. Tous ceux qui parcouraient les
rues étaient étudiants, les jeudis soirs et les week-ends étaient rythmés par les soirées étudiantes
et le quartier d’Oakland grouillait de personnes toute la journée. Les forces de polices de
Pittsburgh et de l’Université patrouillaient régulièrement, dissuadaient et mettaient un terme à
tout débordement potentiel. Même dans mon quartier qui était très fréquenté par des fêtards,
aucun problème de tapage nocturne et les quelques fêtes qui dégénéraient étaient stoppées nettes
par la police. Tout cela pour dire qu’en plus de cela, vivre près du campus apporte une vraie
sécurité. Le quartier dans lequel je vivais n’était pas le plus beau – voire assez négligé du fait
qu’il n’y avait que des étudiants je pense, mais il avait les avantages d’être proche du campus,
des activités, des supérettes et de nombreux restaurants et fast-food typiquement américain. Le
fait d’être proche de tous les commerces et infrastructures de l’université permet un train de vie
tranquille pour les étudiants.
J’ai cependant remarqué que le visage du campus est loin d’être le visage de toute la ville.
Certains quartiers de la ville sont très différents et ce très rapidement. Tandis que certains
quartiers sont en plein expansion et modernisation, d’autres ont l’air d’être laissés à l’abandon.
En traversant la ville de part en part on peut passer dans les quartiers résidentiels les plus propres
aux maisons s’effondrant presque sur des trottoirs défigurés par une végétation sauvage. Je
pouvais encore comprendre que des habitations puissent être drastiquement différentes, mais
que cela puisse aussi s’appliquer à l’état de la voie publique m’a plus surprise.
De plus Pittsburgh est une ville à cheval entre un monde urbain et un monde rural qui renforce
d’autres inégalités urbaines : des quartiers, surtout ceux proche du centre-ville, sont très
modernes et actifs tandis que d’autres semblent plus isolés et calme dans le relief montagneux
et vert de la ville.
Un autre point qui m’a marquée fut les différences en termes de classe sociale qui étaient tout
aussi tranchées. Malheureusement, de ma simple observation je me suis rendue compte que
cette différence était tout aussi raciale qu’économique. Comme beaucoup de villes, Pittsburgh
fait cohabiter le plus pauvre comme le plus riche, toutefois, à bien trop d’occasions, le plus
pauvre faisait partie de la communauté afro-américaine. Beaucoup de Noirs Américains à
Pittsburgh suivent un même chemin, de mêmes métiers, de mêmes quartiers et ont les mêmes
habitudes. Même si la segmentation est souvent liée à des raisons économiques, j’ai eu
l’impression qu’elle se faisait peut être inconsciemment : les personnes racisées vont se
regrouper dans un même environnement, sans que celui-ci ne soit forcément lié à un critère
économique ou social. En tant que femme noire je pouvais aller dans un quartier racisé ou non
sans sentir de différence en termes de sécurité, d’aisance économique, etc.
Si on ne sort pas du campus on ne sent pas cette différence et il est difficile de s’avancer
précisément sur la question sans avoir vécu plus longtemps en dehors du campus.
Pour ce qui est du système universitaire à Pittsburgh, les différences sont là encore très
marquées en comparaison à Sciences Po. J’ai trouvé que les cours à l’Université de Pittsburgh
étaient beaucoup plus basés sur les savoirs et les opinions que les étudiants pouvaient
développer que sur le cours en lui-même. Le travail de réflexion est quasi omniprésent dans
certains cours : les connaissances sont produites par les élèves au travers des lectures et du
travail personnel. Ne pas préparer ses lectures vous pénalise dans beaucoup de cours et vous
n’arriverez surement pas à suivre. C’est ce qui m’est arrivé au début du premier semestre dans
6
un de mes cours alors que j’attendais de recevoir mon manuel : sans ce dernier, il m’était
impossible de suivre le cours, étant donné que tout se trouve dans les lectures. Cela faisait
beaucoup de lectures par semaine, mais c’était très supportable et simple à accomplir. Les cours
donnés à Sciences Po vont au contraire eux se baser plus sur la leçon des professeurs qu’il faut
apprendre, assimiler et approfondir au travers des lectures et exposées. A Pittsburgh j’ai eu
l’impression du contraire : c’est le cours du professeur qui complète les lectures de l’élève.
Aux Etats-Unis, les examens et interrogations sont majoritairement des QCM et souvent
comptent beaucoup plus dans la note finale que des travaux de rédaction. Les dissertations plus
longues (environ 5 pages) sont surtout demandés en fin de semestre par les professeurs. Même
si les QCM ont l’air de prime à bord, ils ne le sont pas forcément. J’ai d’ailleurs pris un moment
pour comprendre mes notes moyennes alors qu’il me semblait n’avoir raté que trois questions
sur plus d’une vingtaine. Les QCM à l’université laissent peu de marges à l’erreur, la moindre
fausse réponse fait rater beaucoup de points et la note peut rapidement baisser. Le côté un peu
long (des QCM pouvant faire 70 questions) fait augmenter sa difficulté. Contrairement à
Sciences Po où les devoirs et examens se basent sur la capacité de synthèse d’un élève et voir
si ce dernier peut mobiliser les bonnes connaissances pour défendre son point de vue, les
examens à l’Université de Pittsburgh se basent sur le factuel et si oui ou non l’élève a retenu les
notions clés.
Il n’y a vraiment pas de meilleurs et de moins bonnes méthodes pédagogiques, il s’agit juste
d’une question de préférence et j’ai pour le coup apprécié les méthodes de l’Université de
Pittsburgh par rapport à mon niveau de stress et le travail demandé. La plus forte rigueur
imposée par Sciences Po reste tout de même une méthode efficace pour découvrir un sujet en
profondeur.
Apport de votre expérience
Cette expérience au sein de l’Université de Pittsburgh m’a permis notamment de prendre des
cours traitant de la question de la raciale, une opportunité qui ne s’était pas présenté à moi à
Sciences Po et que je ne vais surement pas rencontrée lors de mon cursus en Master. C’était une
vraie chance pour moi de comprendre les origines du racisme et comment ce concept a influencé
l’histoire. Cela m’a permis d’être beaucoup plus sensible à la question des Noirs, des violences
policières, des inégalités sociales racisés/non-racisés, du racisme institutionnel et du néocolonialisme actuel. Les concepts que j’ai appris me donnent maintenant l’opportunité
d’appliquer ces concepts et de mieux comprendre les problèmes économiques et sociaux
rencontrés par les Noirs d’Afrique et des DOM-TOM.
J’ai pu découvrir une autre culture, qui a l’air si proche et si familière mais qui est pourtant si
différente de la nôtre. Les habitants de Pittsburgh et ces paysages calmes et reposants m’ont fait
apprécier cette ville et sa culture.
J’ai pu augmenter ma confiance à parler en anglais, à me diriger, à lire et rédiger beaucoup plus
rapidement en anglais qu’auparavant, à penser en anglais au lieu de penser tout le temps en
français. A force d’être en immersion, il m’arrivait même d’avoir des rêves décousus en anglais.
Tout cela pour dire que j’ai compris que parler une langue étrangère ce n’est pas seulement
7
aligner des mots, c’est la vivre et la transmettre. Parler en anglais en pensant en français donne
l’impression d’avoir le contrôle, mais ça embrouille plus qu’autre chose. Il faut que ce soit
spontané, que ça sorte tout seul. Si on se trompe, ce n’est pas grave, on peut toujours se rattraper
juste après avec un sourire.
Plus personnellement j’ai appris que je n’étais pas faite pour les colocations. Durant cette année,
je ne devais partager que la salle de bain avec mes voisins et malgré nos bonnes intentions je
n’en pouvais déjà plus : être obligé de se chronométrer durant son shampoing n’est pas fait pour
moi. Se doucher avec les cheveux de la voisine pour compagnon : très peu pour moi aussi. Et
même si je ne recommencerai pas cette expérience, j’ai appris à faire de vraies concessions
pour quelqu’un. Comme je l’ai dit plus haut, ça ne sert à rien d’aller contre la marée et contre
une culture, de temps en temps il faut juste suivre le courant et éviter la confrontation.
J’ai aussi appris que la solitude ne me fait que du mal sur une si longue période. J’ai pu
rencontrer quelques étudiants durant mon séjour, des Américains comme des étrangers, mais
malgré cela je me sentais terriblement seule.
Pour être honnête, j’ai été plus triste et déprimée qu’heureuse durant cette troisième année. Et
j’ai appris que ce n’était pas grave en soi.
L’université n’est pas en cause, loin de là, mais entre la solitude, une colocation chaotique, une
propriétaire qui me harcelait et tant d’autres petits problèmes qui s’accumulaient
sournoisement, je passais mon temps à rapiécer ma motivation. Il m’arrivait de passer des
semaines entières sans avoir l’envie de sortir et lorsque ma motivation était plus ou moins
solide, j’en profitais pour tenter de découvrir un maximum la ville car je savais que ça n’allait
pas durer longtemps. J’ai aussi commencé à avoir des troubles du sommeil, qui se sont
transformées en insomnie.
Et malgré tout cela, je me dis que ce n’est pas grave et que je n’ai pas de regrets quant à ma 3A.
Elle était compliquée, elle n’était pas toujours rose mais c’est une expérience qui reste unique
et je pense que les élèves ne devraient pas avoir à rougir de ne pas avoir passé une 3A comme
ils se l’imaginaient. La pression des réseaux sociaux nous fait croire que toute la promotion
passe l’année de leur vie, l’année du bonheur où personne ne doit être triste. Mais ceux qui
partent en 3A ne doivent pas avoir honte d’avoir des coups de mou et ça je l’ai appris à mes
dépends. J’ai passé de très bons moments, comme j’en ai passé de moins bons et dans tous les
cas ça ne sert à rien de vendre une illusion du bonheur quand il n’y en a pas. Quitter son pays
et son entourage toute une année dans un endroit qui nous est totalement étranger est tout de
même un sacré pas à franchir, vous devriez être fier d’avoir fait une telle aventure.
Conclusion :
Mon année à Pittsburgh m’a été très riche en terme de connaissance et personnellement, ce n’est
pas une ville faite pour tout le monde, mais il faut reconnaitre que ses paysages magnifiques et
son rythme tranquille jouent en sa faveur lorsque l’on recherche un peu de calme. Je suis
contente d’avoir pu remplir mes objectifs de départ, à savoir prendre des cours liés à la
sociologie et aux gender studies. Il y a tant de choses que j’aurai pu faire différemment mais
que je ne regrette pas, je suis contente d’avoir vécu une expérience pareille.
8
Si vous voulez vivre dans une ville de moyenne envergure calme et pleine de bonne énergie,
Pittsburgh est fait pour vous. Si par contre, vous cherchez une grande ville qui ne dort jamais,
Pittsburgh vous frustrera par moments. Dans les deux cas, cette ville ne vous laissera pas
indifférente.
9
Annexes :
Démarches importante à effectuées avant votre départ :
-
-
-
-
Préparer votre demande de visa. Ne perdez pas de temps pour préparer votre visa, car
plus vous attendez pour le faire, pire sera l’attente en été pour obtenir votre visa. Pensez
à vérifier la date d’expiration de votre passeport : même si votre passeport s’expire après
la fin de votre 3A, votre passeport doit être valide plus de six mois après la fin de votre
séjour pour faire une demande de visa. Les attentes pour faire un passeport pouvant être
plus ou moins longues, faites les démarches au plus vite.
Finaliser votre inscription administrative et pédagogique auprès de l’université tout
aussi rapidement afin de vous délivrer votre SEVIS, document obligatoire pour faire
une demande de visa auprès de l’ambassade.
Suivez les instructions à la lettre : être approximatif au niveau des documents que
l’ambassade vous demande peut vous couter très cher en termes de temps et d’argent.
Pour les pressés qui souhaitent avancer leur rendez-vous, le meilleur moyen reste de
vérifier le calendrier en ligne des rendez-vous régulièrement. Il y a souvent des
désistements de dernières minutes qui peuvent vous économiser plusieurs semaines
d’attente.
Souscrire à une assurance : Assurez-vous que vous prenez une assurance basée aux
Etats-Unis, j’ai failli mettre mes inscriptions pédagogiques en péril en n’ayant pas bien
compris les consignes données. J’ai pour ma part pris l’assurance World Pass de la
Smerep, qui est basée aux Etats-Unis et qui a une couverture correspondant aux critères
de l’université. Il existe d’autres assurances américaines qui offrent les mêmes
couvertures dont celle de l’Université de Pittsburgh (attention cette dernière ne vous
couvre strictement que pendant les périodes scolaires et seulement si l’accident arrive à
Pittsburgh).
Rechercher un logement : le meilleur moyen de chercher un logement est de s’ajouter
aux groupes facebook dédiés aux annonces de logement sur le campus. Il y a
énormément d’offres et toutes les bourses peuvent y trouver leur compte. Il est difficile
de réserver un appartement sans être sur place, mais vous pouvez rapidement trouver un
logement la semaine de votre arrivée. Prenez quelques jours à l’hôtel le temps de
déposer vos bagages et vous trouverez un logement très rapidement. Vous pouvez
décider de vivre dans les dortoirs du campus, choix que j’ai écarté compte tenu du prix
assez élevé des chambres pour une indépendance toute relative. Comptez entre 600 et
700$ pour une chambre sur le campus, le même prix pour un appartement une pièce, et
moins de 500$ pour des colocations.
Arriver aux Etats-Unis : Faites attention aux cadenas sur vos valises : si vous en avez,
faites en sorte qu’ils soient TSA approved, c’est-à-dire que la sécurité puisse l’ouvrir
sans avoir à forcer votre valise et donc l’endommager. Les contrôles peuvent se faire de
manière aléatoire ou s’ils ont des doutes sur la contenance du bagage. Mettez tout ce qui
est médicaments et pilules en évidence, afin d’éviter que le TSA ne retourne toute votre
valise. Si vous passez par un gros aéroport pour rentrer sur le territoire américain, il ne
faut pas s’inquiéter, vous êtes pris en charge par les agents si vous devez faire un
changement et vous pouvez toujours demander de l’aide en cas de problème. Ne faites
pas les malins lorsque vous passez l’immigration ; l’immigration n’est pas là pour faire
10
la discussion. Ce serait dommage de perdre du temps sur une blague mal interprétée
lorsque l’on doit prendre un autre avion dans moins d’une heure.
Vivre à Pittsburgh :
-
-
-
Se déplacer : Pittsburgh vit au travers de son réseau de bus et c’est le moyen de
transport principal que vous allez utiliser. La ville bénéficie aussi de lignes de métro
mais elles ne passent pas forcément près du campus et sont concentrées sur le centreville. Le système des bus peut être très compliqué et peu logique d’un point de vue
extérieur, mais il reste le meilleur moyen de se déplacer. De plus, avec votre carte
étudiante, tous vos trajets sont gratuits, une aubaine à ne pas rater. Pour d’autres
déplacements, vous avez les applications comme Uber et Lyft, par contre les taxis ne
courent pas les rue, il faut très souvent les commander.
Etudier à Pittsburgh : vous n’aurez aucun mal à vous retrouver et vous déplacer sur le
campus. Les plans et explications données par l’université sont suffisants et le système
de navettes de l’université est très performant et vous permet de vous déplacer en toute
heure sur le campus grâce à votre carte étudiante. Les conditions d’études sont
optimales, beaucoup d’espaces de travail, une bibliothèque ouverte jusqu’à très tard le
soir, des cafés et cafétérias pour prendre une pause déjeuner ou manger sur le pouce.
Les activités sur le campus sont variées en fonction des occasions, organisées par les
associations et les différents départements de l’université. A ne pas rater : la visite des
Salles des Nationalités dans la Cathédrale du Savoir, surtout la visite d’Halloween et la
célébration du Homecoming qui accueille les alumni de l’université.
Vous allez dépenser beaucoup d’argent dans tout ce qui est téléphonie et internet :
essayez de prendre un logement où la WIFI est incluse ou si vous pouvez partager la
facture avec un voisin.
Budget pour un séjour de huit mois à Pittsburgh :
Assurance : 450$
Billet d’avion : 800$
Manuels scolaires : 400$
Loyer : 5200$
Téléphonie mobile : 400$
Internet : 400$
Eau : 160$
Courses : 2240$
Voyage à New-York: 400$
Autres activités: 2500
Total: 12950$
11
Voyage:
Il est très simple et peu cher de voyager au sein des Etats-Unis, que ce soit par bus, train ou
avion. Ce qui vous coûtera le plus cher sera le logement sur place. Vous trouverez toujours
un moyen de manger pour pas très cher dans les grandes villes et les activités moins
touristiques seront souvent gratuites. Lors de mon voyage à New-York, j’ai partagé les frais
avec une amie, ce qui nous a permis d’allouer un budget plus élevé pour des activités et
économiser sur le transport et le logement.
Me rendre à New-York était l’un de mes objectifs principaux et j’ai été séduite par cette
ville très rapidement. Ma nécessité de rentrer en France m’a fait avorter nombreux de mes
autres projets de voyage, mais ce n’est pas grave en soi. Habitant le bassin caribéen, une
partie des Etats-Unis m’est encore facilement accessible. J’ai cependant pu voir une ville
du nord que je souhaitais découvrir et je suis heureuse de m’être lancé et d’avoir accompli
ce petit périple que je ne pense pas pouvoir accomplir de sitôt.
Mon conseil serait de ne pas hésiter à partir voyager, que ce soit seul.e ou avec des
connaissances. Donnez-vous un budget large (tout en restant raisonnable) pour vos activités,
ce serait dommage de ne pas profiter de votre voyage à force de trop regarder votre budget.
Enfin, avant de partir, si vous le pouvez, investissez dans un appareil photo ou une caméra
pour garder une trace de vos périples aux Etats-Unis : Pittsburgh et le reste des Etats-Unis
ont des panoramas uniques en leur genre.
12