25 avril → 13 mai
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25 avril → 13 mai
théâtre politique naz 25 avril > 13 mai la maison des métallos, établissement culturel de la ville de paris 01 47 00 25 20 reservation@ maisondesmetallos.org 94 rue Jean-Pierre Timbaud, Paris 11e naz texte Ricardo Montserrat adaptation et mise en scène Christophe Moyer avec Henri Botte vidéo Jérémie Bernaert régie Yann Hendrickx coproduction Compagnie Sens Ascencionnels, Culture Commune – Scène nationale du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, Colères du Présent, Ville de Grenay (Espace culturel Ronny Coutteure), Ville de Carvin, L’Escapade d’Hénin-Beaumont avec le concours de l’Agence nationale pour la Cohésion Sociale et l’Égalité des chances (ACSÉ) pour l’accompagnement du volet débat diffusion Olivier Talpaert – En Votre Compagnie [email protected] le spectacle NAZ vous propose d’entrer pendant une heure spectaculaire, bruyante et imagée dans l’intimité d’un jeune Naz afin de comprendre de l’intérieur ce qui s’est passé, ce qu’on – la république, l’école, la famille – a raté. Ce projet trouve son origine dans un article de presse faisant état du développement inquiétant de mouvances extrémistes dans la région Nord-Pas-de-Calais dont le terreau est la précarisation et le manque de repères dans une société en crise. Culture Commune, Scène nationale du bassin minier du Nord-Pas-deCalais, et l’association Colères du Présent commandent alors à Ricardo Montserrat un texte, qu’il écrira à partir des paroles de jeunes fréquentant ces mouvances. Ils sont parfois bons élèves, bons potes, sportifs, sympas même, mais ils se rasent le crâne, ou pas, et dégueulent des slogans haineux sur des musiques lourdes, dans des stades, ou ailleurs. Ils ont peur de l’avenir, n’ont pas de présent et rêvassent à un passé qu’ils idéalisent. Chaque soir après le spectacle, un débat avec l’équipe artistique et ses invités propose de faire le tri, et, ensemble, d’imaginer comment chacun pourrait réparer, raconter, relier, relever, libérer ces enfants perdus. à propos de naz Pour eux, l’Histoire commence par la lettre H de Hitler. Mineurs ou jeunes adultes, ils tiennent les murs de nos villages miniers. Leurs arrière-grands-parents étaient immigrés et résistants, leurs grands-parents bosseurs, leurs parents sont précaires, divorcés et déprimés. Ils arborent des signes maudits qui leur permettent de se reconnaître, se marquent Lonsdale ou Fred Perry, se rasent le crâne, se mutilent ou se tatouent, selon la famille avec laquelle ils fraternisent. En fin de semaine, ils jumpent en rond, heilhitlerrent, dégueulent des slogans haineux sur des musiques lourdes. Ils ont des transes viriles, des nuits bastons et des gueules de bois toxiques. Le reste de la semaine, ils sont bons élèves, bons potes, bosseurs, sportifs, clean, zélés... et sympas. Ils ont peur de l’avenir, n’ont pas de présent et rêvassent à un passé idéalisé. La nuit, ils blogguent à tout va et vomissent tant de rancoeur que la toile ressemble à une marée noire. Ils voient, écoutent, apprennent, postent et recopient tout ce qui fighte, ce qui kriegue, ce qui génocide. Ils jouent à la clandestinité et à la Résistance à qui ils ont tout piqué. Ils sont chaque jour plus nombreux, chaque nuit plus visibles, quatre par classe de trente, qui ont de l’influence sur huit, qui contaminent seize... Ils mettent en place l’apartheid : d’un côté, les purs, de l’autre les impurs, les pédés, les gris, les bobos... Ils attendent leur moment, ils piaffent et, en attendant, font des conneries sordides qu’ils veulent initiatiques pour arracher l’admiration de la famille qu’ils se sont choisie. Gamineries, enfantillages, provocations ? No future d’une jeunesse désœuvrée dans un pays qui n’a pas tenu ses promesses ? Peut-être... Pas sûr. La vague vient de loin : descendue du grand Nord, de Norvège, de Pologne ou de Russie, elle a traversé la Hollande, la Belgique, le Nord… Ricardo Montserrat Auteur la genèse du projet la naissance du projet NAZ Ces dernières années conduisent au constat d’un phénomène croissant : la « montée des extrêmes », de plus en plus tôt chez les jeunes. Entre mouvements gabbers, skinheads, néonazis et autres, plus ou moins empreints de codes (gestuels, vestimentaires, musicaux, etc.), d’idéologie et d’embrigadement, il est observable à l’échelle européenne et nationale, et la région Nord-Pas-de-Calais ne fait pas exception… ce dont la presse commence à se faire l’écho. La commande d’écriture Prenant appui sur ce constat, Culture Commune, Scène nationale du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, et l’association arrageoise Colères du Présent passent une commande d’écriture auprès de l’auteur Ricardo Montserrat, qui entame en 2007 / 2008 une série de résidences sur le territoire de l’ex-bassin minier du Pas-de-Calais, à l’occasion desquelles il approche très directement des protagonistes de ces mouvances extrémistes, dont il recueille notamment les paroles. Par ailleurs, il effectue une observation attentive des développements de ces mouvances sur l’Internet. le projet du spectacle À la lecture du texte de l’auteur et de ce qu’il rapporte en termes de tentations, parfois suivies d’actes, dans les champs de l’exclusion, du racisme, de la confusion historique, du désarroi social, de l’aspiration idéologique, de la violence, etc. Culture Commune forme alors le projet que ce matériau donne lieu à la création d’un spectacle, malgré le caractère délicat du ou des sujets - délicat notamment parce qu’il ne s’agit en rien, au contraire, de stigmatiser ou d’ostraciser ceux-là mêmes qui prêtent le flanc à de telles tentations. À ces fins, il est donc fait appel à Christophe Moyer, metteur en scène de la région, qui s’empare du texte de Ricardo Montserrat et, avec l’autorisation de ce dernier, entame un travail de recherche avec un comédien sur la base d’un texte « retaillé », mettant en scène un unique personnage, protagoniste emblématique des entretiens de l’auteur sur le terrain. Cette nouvelle étape du projet permet de fédérer de nouveaux partenaires : les villes de Carvin, Grenay et l’Escapade d’Hénin-Beaumont. le début des répétitions du spectacle et les étapes de travail Trois résidences de création d’une semaine chacune sont organisées à Culture Commune dans le courant du premier semestre 2009, qui permettent au duo metteur en scène / comédien de travailler à la conception et à la mise en œuvre de ce spectacle. Deux temps informels de présentation d’étapes de création, auprès de petits groupes de spectateurs, donnent lieu à des échanges « sensibles », qui mettent notamment en évidence que la violence « sourde », et hélas si banale, des propos du personnage appelle des contrepoints et mises en perspective nécessaires pour éviter tout phénomène d’empathie. Il est alors convenu que le spectacle sur le plateau devra, d’une part, comporter en soi des clés permettant de le décoder / décrypter (au moyen d’un prologue et / ou épilogue) et, d’autre part, être immédia tement suivi d’un débat, indissociable deuxième partie de présentation et de confrontation avec les spectateurs. L’Agence nationale pour la Cohésion Sociale et l’Égalité des chances (ASCÉ), fortement intéressée par le thème et la partie débat du projet, devient également partenaire de l’action. L’ élaboration de la partie débat Afin de poursuivre la réflexion sur le contenu du spectacle et de construire la partie débat du projet, un nouveau rendez-vous a eu lieu en octobre 2009. Ce séminaire avait pour objet de faire se rencontrer les initiateurs et partenaires du projet, l’équipe artistique, des « experts » et des « volontaires » actifs dans les domaines concernés : sociologues, historiens, philosophes, journalistes, enseignants, éducateurs, chercheurs, artistes, élus, etc., afin de leur présenter l’avancement du travail artistique à cette date, puis d’échanger sur les enjeux constitutifs de l’action et la construction du volet débat et de ses modalités. la création du spectacle Suite à ces différents temps d’échange, l’équipe artistique a poursuivi les répétitions du spectacle en janvier et février 2010, jusqu’à la création, en février 2010. note d’intention Comment parler de ce sujet ? Travail délicat et passionnant. Comment recevoir et faire en sorte que l’on puisse recevoir ce flot de paroles, cette écriture qui tourne en boucle, qui amalgame sous le masque du raisonnement ? La première étape a été une adaptation du texte de Ricardo de manière à structurer un parcours au sein des thématiques : le rapport au sport, aux corps, au groupe, à l’histoire… Et nous sommes partis de ces thèmes pour construire l’espace scénique. « Lui », le personnage nous accueillerait chez lui, moment que le spectateur n’a pas l’occasion de vivre. Son chez lui serait construit à partir de son rapport au corps, à la représentation qu’il a de lui-même (miroir, photos, instruments de sport…), son rapport à l’image serait aussi un axe de mise en scène : les images du réel qu’il met lui-même en scène avec ses amis (violence, sport, cérémonies…) qui seraient diffusées dans une télévision, et ses images intérieures, qui l’habitent consciemment ou inconsciemment, qui seraient diffusées sur l’ensemble de la scénographie. La musique qu’écoute ces jeunes serait aussi un axe de travail. À partir de là, sans juger, il fallait permettre au spectateur de comprendre les vraies questions que ce personnage pose mais qu’il n’y ait pas d’ambiguïté sur la réponse qu’il y apporte. Mettre en scène cette faculté qu’ils ont à faire le tri dans ce qui les arrange et à partir de là de construire un raisonnement. De mélanger l’Histoire avec leur histoire privée et de nourrir ainsi leur frustration, d’avoir l’illusion de trouver du sens. En résumé, de permettre au spectateur de sortir par instant de l’empathie qu’il développe pour se poser des questions… Et à ce moment là du travail, tout repose sur le talent du comédien et la direction d’acteur. Christophe Moyer Metteur en scène ricardo montserrat auteur Né en 1954 d’antifascistes catalans en exil en Bretagne, Ricardo Montserrat trouve très tôt dans le théâtre un espace où concilier engagement et liberté. Au Chili, dans les années Pinochet, il s’engage contre la cultura de la muerte, écrit, met en scène et édite une quarantaine d’œuvres qui sont autant de pieds de nez au régime. De retour en France, il poursuit l’écriture de son œuvre personnelle – roman, théâtre, cinéma – et se met au service des exclus de la dictature économique. Il met en chantier des ateliers de création qui donnent naissance notamment à la Série noire Zone mortuaire, avec des chômeurs de Lorient ; le feuilleton d’Ouest-France Pomme d’Amour, avec des Rmistes en milieu rural ; le thriller Ne crie pas (éd. Gallimard), avec des salariés privés d’emploi de Roubaix; Sauve-moi, un film de Christian Vincent ; en Corse, avec Robin Renucci et l’ARIA, Awa hé mortu et Sempre Vivu, des œuvres bilingues pour le théâtre et le cinéma ; Enfances et Fantômes (éd. Syros), avec des jeunes de la Ddass et leurs parents à La Source, dans l’Eure, avec les peintres Gérard Garouste et Olivier Masmonteil. Depuis 2006, il travaille sur la mémoire vivante des luttes populaires : 36, pas mort !, Trous de mémoire ; l’exil : Siempre ; Tu n’as rien oublié ; l’engagement : Où sont les hommes ?, Porque te vas, Une guerre sans fin ; l’extrême violence : NAZ, Plus belle la mort ; la petite histoire dans l’Histoire : Café de la Paix, Les Jolies Colonies de la France, Mon Père, ma guerre ; l’utopie du bonheur : L’Amour fou, Entre la mort... Avec l’association Colères du Présent, il lance dans le Nord et en Afrique francophone deux collections de textes qui renouvellent l’approche du livre. christophe moyer metteur en scène Christophe Moyer est comédien, auteur, metteur en scène et directeur artistique de la compagnie Sens Ascensionnels. Chez lui, l’artistique rejoint l’engagement citoyen et ses choix questionnent le monde contemporain. Son adaptation du Rapport Lugano d’après Susan George présentée au festival d’Avignon continue son chemin en France et à l’étranger. Après Café équitable et décroissance au beurre, il monte avec sa compagnie Faut pas payer !, Les Pensées de Mlle Miss, La Cellule, SHITZ. Il est également sollicité par d’autres artistes pour des mises en scène : ainsi, il collabore avec Thomas Suel (compagnie Générale d’Imaginaire) sur le spectacle [Dukoné], avec Gaspard Herblot (compagnie Générale d’Imaginaire) pour Pièces détachées et avec Christophe Martin sur Quartier de la République. Son théâtre est une incitation, par le plaisir du jeu, à nous poser des questions sur nos rapports aux autres, à notre planète et aux générations futures. Christophe Moyer est également comédien et auteur. henri botte comédien Henri Botte s’est formé au conservatoire d’Art Dramatique de Lille de 1994 à 1997 ; depuis, il suit régulièrement des stages de théâtre, de clown et de danse. Au théâtre, il a joué avec différents metteurs en scène, récemment dans Freaks’ Carnival, monté par Lucas Prieux (compagnie Mano Labo), L’Homme qui…, mis en scène par François Godart. Il joue dans plusieurs spectacles de la Compagnie Sens Ascensionnels : Information sur le Schnaps de Luc Tartar, La Cellule, Tout est une question d’opinion, Les Pensées de Mlle Miss, de Christophe Moyer, et Faut pas payer !, de Dario Fo. Il joue également avec le Théâtre de La Licorne (Sous sols d’après Les Bas-fonds de Gorki), Antonio Vigano (Échéances), le Théâtre du Prisme (Avant la fin), La Manivelle Théâtre (Pinocchio), le théâtre Diagonale (Terreur Toreo). Il joue également dans des spectacles de rue et des téléfilms. le mouvement s’amplifie et fait peur. qui sont les gabbers ? l’article déclencheur du spectacle La première fois que j’en ai entendu parler, c’était il y a un peu plus de six mois. Le soir de la fête de la Musique, une de mes amies partie dans le centre de Lille tombe sur une scène qui la propulse quinze ans en arrière... Face à elle, un groupe d’une soixantaine de personnes s’est rassemblé au pied d’un d.j. mixant du hardcore. Jusque-là rien de bien inédit. Ce qui l’est plus en revanche c’est le look uniforme de cette légion soulevée par le souffle des basses. Crânes rasés à blanc, pull Lonsdale pour les uns, polo Fred Perry pour les autres, jean 501, Nike Air Max, bomber et têtes à faire peur. Autre détail d’importance : tous les protagonistes sont blancs. Même s’ils en ont les rudes manières et l’apparence commando, ceux qui s’agitent ici ne sont pas des « skins ». Ce sont des « Gabbers » qui traînent avec eux une réputation de méchants garçons. Certains n’hésitent pas à parler d’invasion venant de Hollande et de Belgique et jurent les grands dieux que dans les écoles du Nord-Pas-de-Calais « il y a au moins deux Gabbers dans chaque classe ». Les Gabbers recruteraient dans les campagnes auprès des gamins de 13 – 14 ans qui du jour au lendemain se raseraient la tête, achèteraient un pull Lonsdale et une compilation de hardcore. Ils seraient très nombreux partout où sévit le cocktail chômage, ennui et pauvreté. Ils auraient aussi envahi les centres-villes, s’affichant ostensiblement avec les nouvelles marques gabber : Pit Bull et Hooligans. La rumeur est intarissable. On parle d’affrontements torses nus à coups de cannettes et de bâtons, d’agressions sauvages à vingt contre un, de pistes de danse métamorphosées en fosses aux lions ou d’injures racistes taguées par des fillettes gabbers de 13 ans. Enfin, il faut bien l’avouer, dans la tête de beaucoup de jeunes du Nord, l’extrême-droite est automatiquement associée aux Gabbers. Une assimilation qui n’est pas dénuée de fondement puisque le magazine d’extrême droite Radikal hebdo par exemple aime à s’étendre dans ses colonnes sur le mouvement. Une histoire de gens qui font la fête Pour mieux les connaître, il me fallait bien sortir de cette image fantasmatique. La seule solution était d’aller à leur contact, de partager leur vie et leurs sorties. Premier constat, dès que les gamins ont leur permis, ils filent faire la fête dans les boîtes belges, là où le gabber est un succès commercial retentissant. Ils reviennent en voulant reproduire ce qu’ils ont vu et s’achètent les mêmes vêtements que leurs voisins belges. Second constat, le gabber est surtout une affaire de musique, un style particulier de hardcore ultra-rapide avec des sons agressifs. Il est très prolitique puisque plusieurs types émergent (terror, happy, oldschool...) et que la France a aussi ses d.j. C’est aussi une histoire de gens qui font la fête et dansent pendant des heures. Rendez-vous dans les beaux quartiers de Lille Une amie qui habite à la frontière belge me dégote mon premier contact. Elle est étudiante dans une école de commerce et l’un des copains de sa classe est Gabber. Il accepte de me rencontrer chez lui, un soir, dans les beaux quartiers de Lille. Olivier m’ouvre la porte, c’est le meilleur pote de Nicolas, le type avec qui j’ai rendez-vous. Il est habillé tout en noir. Ses petites lunettes rondes et sa voix douce tranchent avec le côté plus démonstratif de Nicolas, à l’aise pour trois. Il attend avec un grand sourire, en « marcel blanc » et en caleçon comme dans le film American History X. Sur son épaule droite, il s’est fait tatouer le lion Lonsdale et porte une boucle d’oreille. Nicolas roule joint sur joint. Il explique : « À l’origine du Gabber, il y a la Hollande puis la Belgique. Il y a aussi le Vlaams Block, un parti d’extrême droite très puissant... On ira ensemble dans la salle gabber de La Bush. Elle est gardée par deux gars qui ne laissent pas entrer les gens de couleur, les teufeurs ou les types avec des cheveux... Toi tu mettras une casquette ». Des propos qui hérissent, mais l’ambiance est plutôt détendue. « Avec toute ma bande de potes, on vient d’un lycée privé de Maubeuge. Quand j’étais plus jeune, j’écoutais les Béruriers Noirs ou Ludwig Van 88. J’ai retrouvé cette ambiance dans le hardcore. Tu sais, aujourd’hui je fais des études de commerce mais mon vrai truc, pendant longtemps, c’était plutôt de faire une carrière militaire, de travailler au GIGN... » dit-il en massant son crâne nu. Point de ralliement de la horde Comme toute horde, les Gabbers ont un point de ralliement. La Bush, célèbre boîte belge de l’autoroute des discothèques à 20 mn de Lille, en était un avec un code strict à respecter. « Il y a des groupes : celui de La Louvière, celui des Flandres et le nôtre, celui de Mons-Maubeuge. Entre les trois, c’est à qui sera le chef. Les gars déboulent sur toi à quinze ou vingt, il faut toujours être sur ses gardes. Avec mes potes, c’est pour cela qu’on danse sur la première marche, au-dessus de la fosse, là il n’y a pas trop de danger. Mais on n’est pas des skinheads, dans la salle gabber, il y a à peine 30 % des gars qui se revendiquent facho. Moi je connais plein d’Arabes depuis toujours, je suis bien avec eux ; j’ai pas l’impression d’être un facho. Je suis juste pour plus d’ordre ». Des gars qui « misèrent » Nicolas ne vote plus. « Moi je ne peux pas être facho, je suis en UFR de Lettres orientales ou un truc comme ça ! » rigole Olivier, étudiant en espagnol, qui lui, vote extrême-droite. « Que ce soit Olivier ou moi, on n’est pas des Gabbers authentiques. On vient d’un milieu aisé tandis que les vrais Gabbers c’est plutôt des cas, des " bas du plafond ", des gars qui misèrent. C’est la basse France, celle du film La Vie de Jésus, des gars qui ont la haine et que le système a abandonnés . » Je me détends un peu, nous parlons de tas d’autres choses et Nicolas finit même par m’avouer que son rêve à lui est de trouver une jeune fille avec laquelle il aura envie de passer le reste de sa vie. Des brûlures de cigarettes Même lieu, deux jours plus tard. Ça ne rigole plus. Nicolas annonce que La Bush a fermé la salle gabber. Responsable de ce revirement, un cameraman venu dans la salle, qui a filmé des saluts hitlériens et des propos racistes. Le gars travaillait pour le ministère de la Jeunesse belge. Je transpire car je me demande si l’un de mes interlocuteurs ne va pas avoir envie de se venger tout de suite. En tout cas, je garde pour moi les questions que j’avais concoctées et fais connaissance avec les amis de Nicolas. Une légère hostilité est assez palpable. Mon voisin de gauche, patibulaire, a un écusson France cousu sur son bomber. Il gueule « Moi j’ai pas besoin de montrer que je suis facho quand je danse, qu’est ce qu’il leur a pris à ces gars ? » Il évoque ensuite des souvenirs de baston « des gars de Bruxelles qui te tombent dessus à quinze mais bon quand tu distribues, il faut t’attendre à recevoir. Une trottinette balancée dans la gueule ou deux cannettes explosées sur le crâne ». Je ne dis absolument plus rien, j’ai juste très peur. Le voisin de Nicolas exhibe ses blessures de guerre : deux brûlures de cigarettes et une blessure de cannette sur le crâne. Nicolas propose d’aller dans une autre soirée hardcore. Je leur donne rendez-vous là-bas trop heureux de pouvoir filer. On est là pour danser La voiture remonte une route départementale cafardeuse où sont posées des boîtes en forme de chapiteaux de fête foraine. Celle que nous investissons ce soir ne s’attendait certainement pas à recevoir tous les Gabbers privés de soirée à La Bush. À 1h30 du matin, la majorité des participants est encore composée de teufeurs mais nos Gabbers se préparent à une invasion des lieux en douceur. Leur nombre ne cesse de croître. Tel un commando militaire, une armée de petits bonshommes clonés arrivent au pas de charge sur la piste de danse. Ce sont des fêtards qui aiment être au centre de la piste, au milieu des leurs, deux cannettes dans les mains. Ils entament une danse qui n’appartient qu’à eux. Le corps est raide, les jambes se plient à un rythme rapide et les bras sont tendus vers le plafond ou font mine de tirer sur des bretelles. Impossible pour un non initié de les imiter. Des filles très jeunes sautillent à un rythme ultra-rapide. Aucun signe extérieur de séduction entre les filles et les garçons. On est là pour danser. La horde file la trouille Une heure trente après notre arrivée, tout l’espace disponible de la boîte appartient définitivement aux Gabbers. En prédateurs des salles, ils ont réussi à pousser dehors le corps étranger. Qu’on se le dise, la horde finit toujours par filer la trouille à l’inconscient collectif. Même le d.j. s’y est mis et passe maintenant du speedcore avec des bruits de cloche et du happy avec un remix de Madonna. Plus personne n’a de cheveux. L’ambiance monte d’un cran, la bière et les pilules font leur effet. Des cannettes claquent par terre. C’est le signe qu’il est temps pour moi de partir. Perdre son identité dans le groupe À l’entrée, les Gabbers continuent d’arriver avec ce look uniforme fabriqué par la même matrice. Ils pénètrent dans la nasse avec une surexcitation visible et tout le confort qu’offre la perte de son identité dans le groupe. C’est de la science-fiction, me glisse l’ami marseillais qui m’accompagne et qui ignorait jusqu’au phénomène puisque le Sud est terre à 100% de « teufeurs ». J’ai comme dans la bouche un goût de trop-plein et la sensation surtout d’être un virus extérieur que l’on chasse à chaque fois d’un revers de la main. Je ne me sentirai bien qu’une seule fois avec Sébastien, alias d.j. Youngsta. Quand je lui raconte, à Merville, toutes les sensations que j’ai ressenties, les rumeurs qui circulent sur les Gabbers, les accusations de « facho », il me dit qu’il sait que presque tout le monde fait l’amalgame avec les « skins ». Pour lui « le gabber n’est en rien un mouvement politique. Ça ne doit pas être une question de facho ou de no facho. C’est une question de musique. Ce que les gens peuvent penser de nous je m’en fous. Moi je leur dis de venir pour la musique. Maintenant je vais te dire pourquoi certains Gabbers deviennent des types agressifs. Lorsqu’on est habillé en Lonsdale, on se fait en permanence agresser, emmerder par la racaille. Trois, quatre, cinq fois. On te dit tout le temps que tu es un sale " skin " alors tu pètes une pile ». Des idées comme des gros jouets Sébastien cultive l’esprit underground du début du mouvement. Pour la Badland 2 qu’il organise ce soir-là, pas question de connaître l’endroit de la soirée avant, même si l’on se doute que ça se passera dans une discothèque du coin. Le rendez-vous est fixé sur l’infoline à 20 h, sur le parking de la Fiesta, une ancienne boîte abandonnée. Les Gabbers s’y retrouvent comme avant une rave party. Les moteurs vrombissent. Vingt minutes plus tard c’est le départ pour l’inconnu. Les voitures se suivent à la file sur des kilomètres comme pour mieux encore affirmer la force du groupe. Après avoir fait les poireaux devant la boîte, nous voici soudain jetés dans un espace totalement quadrillé par les Gabbers. Avec quelque 500 Gabbers autour de nous, c’est en les voyant poser comme des gosses devant l’appareil photo, discuter avec nous alors que nous sommes chevelus et que l’on nous appelle souvent « les Arabes », que le déclic se fait. La plupart des Gabbers sont comme des gosses qui aiment faire la fête, se défouler. Ils sont habillés avec du Lonsdale parce que leur voisin est en Lonsdale, que c’est la mode et que cela donne une certaine attitude. Leur look, leurs idées sont comme des gros jouets qu’on expose pour la frime, pour être comme les autres et retrouver confiance dans la douce tiédeur de la masse. C’est aussi un exutoire aux frustrations de tout genre, la langue tirée, le doigt tendu bien haut, l’impression d’être un grand méchant immortel. Loin d’être des abrutis, la majorité des Gabbers apparaissent comme des jeunes un peu perdus qui ont fini par ressembler à l’image que la société leur renvoie au quotidien. Agressifs parce que le monde est agressif, portés sur l’exclusion parce que le monde est porté par l’exclusion. Le Gabber : d’abord un mouvement musical Le mouvement gabber est né en Hollande et s’est diffusé ensuite très fortement en Belgique. C’est une « culture jeune » dont on a beaucoup parlé dans les médias, ce qui a peut-être contribué à la rendre populaire dans ces deux pays. Il arrive aujourd’hui en France principalement dans le Nord-Pas-de-Calais. À l’origine les Gabbers sont des gens que réunissent deux passions : celle du football (ce qui explique la marque Lonsdale empruntée à la culture hooligan anglaise) et celle de la musique électronique hardcore. Le mot lui-même est le verlan de Barg qui en néerlandais signifie « mes potes », « mes amis ». Les Gabbers sont donc bien originellement un ensemble de potes venus pour faire la fête ensemble. Ils ont le crâne rasé (pas de cheveux dans les yeux, c’est plus pratique pour danser), sont habillés en survêtement Australian et chaussures Nike Air Max, très confortables pour aborder des sessions de danse d’une douzaine d’heures. Ils se déplacent en vélo Wallaro et la plupart des Gabbers sont minces, voire très minces, un peu d’ailleurs comme les skinheads. Certains portent des chaînes en or et parfois une casquette. Ils viennent plutôt d’un milieu social défavorisé et donc, s’il le faut, prennent plutôt du speed plutôt que de la cocaïne. Historiquement les Gabbers ne revendiquent aucune idéologie, si ce n’est celle de faire la fête et de se foutre de tout le reste. C’est un peu l’unité des pauvres, la recherche du pouvoir hypnotisant du groupe, l’union sacrée des bannis du système. Les premières soirées gabber ont lieu dans les années 1990 et le gabber devient une forme spécifique de la musique électronique hardcore. En 1995 sort la première compilation Thunderdome qui est un carton commercial. Le gabber s’envole. La Hardcore Overnight d’Anvers attire chaque année plus de 22 000 personnes. Mystery Land organisé par ID & T est le premier festival électronique d’Europe, sa salle hardcore peut contenir 30 000 personnes. Les d.j. les plus réputés sont aujourd’hui le RTC, le Rotterdam Terror Club, d.j. Néophyte, le team de DJ Bass c’est-à-dire le Danger Hardcore Team, Lady Dana et aussi le French Gabber Team. Depuis le succès commercial du gabber, les choses ont un peu changé. Beaucoup de gens sont arrivés et la consommation de drogue, les actes de hooliganisme et les agressions ont peu à peu envahi la scène du Gabber, notent les journaux belges. Sean, un gabber hollandais, raconte dans un forum de discussion comment les médias ont vite fait l’amalgame entre gabber et néo-nazi collant une image qui sent le soufre à des gens venus écouter du Hardcore. Aujourd’hui, l’impression est donc forte en Belgique et en Hollande de s’être fait avoir ou alors d’être dépassé par une très jeune génération plus brutale. Les Gabbers de 12 ans ont leur propre soirée en Hollande. Z. Rizk L’Écho du Pas-de-Calais n°29 Décembre – Janvier 2002 Copyright © 2000-2009 – Les Échos du Pas-de-Calais la maison des métallos, éTABLISSEMENT CULTUREL DE LA VILLE DE PARIS Le projet La Maison des métallos est un établissement culturel de la Ville de Paris soutenu par la Région Île-de-France dans le cadre du dispositif de la permanence artistique. L’ambition du lieu est d’allier exigence artistique et préoccupations sociétales. Création, programmation et pratique artistiques, formes participatives, expressions urbaines, rencontres et débats, pratique numérique et relation au tissu social constituent les fondamentaux du projet. Cette diversité entrant en résonance avec celle, si vivante, de Belleville Ménilmontant et quartiers environnants ! Proposer des projets pluridisciplinaire Théâtre, expositions, art numérique, danse, cultures urbaines, slam, musique, cinéma de fiction et documentaire, littérature, poésie, etc. : toutes les formes de création se côtoient à la Maison des métallos. Ces formes artistiques se répondent à travers une programmation qui valorise des questions de fond qui traversent la société contemporaine. En adjoignant aux formes artistiques des temps forts de débats et rencontres publiques, la Maison des métallos privilégie une approche diversifiée des sujets de société. Développer les pratiques culturelles Un travail de médiation constant vise à accompagner la découverte de formes contemporaines et à diversifier les publics. La Maison des métallos propose également des projets portés par des artistes qui impliquent les publics dans le processus même de création. Des ateliers originaux de pratique artistique, souvent intergénérationnels, sont aussi proposés sous forme de stages, notamment pendant les vacances scolaires. Diffuser connaissances et savoirs auprès du plus grand nombre En s’associant à des médias, en intégrant des réseaux de réflexion et de recherches, en multipliant les partenariats avec des éditeurs, la Maison des métallos met en place de nombreux débats et rencontres publiques sur des questions d’actualité ou d’histoire avec l’éclairage de grands intellectuels tels que Noam Chomsky, Edgar Morin, Boris Cyrulnik, Édouard Glissant, Patrice Meyer-Bisch, Gérard Noiriel… S’ouvrir sur le quartier La Maison des métallos s’appuie sur des structures relais du quartier comme les centre sociaux et développe des liens de proximité avec les habitants : rencontres et petites formes spectaculaires hors les murs chez nos partenaires, invitations privilégiées à des spectacles et des débats avec les artistes, ateliers de disciplines artistiques « urbaines » en direction des adolescents, séances mensuelles de cinéma pour les publics en alphabétisation, projets artistiques participatifs comme la récolte de la mémoire d’habitants, etc. Elle s’enracine ainsi progressivement dans le tissu social local et se nourrit en retour de la diversité de ses publics. Promouvoir les nouvelles technologies À travers des ateliers et des temps forts intégrant toutes les formes de création numérique (arts visuels, œuvres interactives, spectacles, musiques, etc.), la Maison des métallos développe à l’année un chantier numérique qui vise notamment à créer des liens entre cette création et les questions de cohésion sociale. Des ateliers favorisent un rapport plus immédiat entre les possibilités du numérique et le public. DÉTAILS PRATIQUES CONTACTS PRESSE 25 avril > 13 mai du mercredi au vendredi > 20h samedi > 19h dimanche > 16h chaque représentation est suivie d’un débat avec l’équipe artistique durée 1h25 débat inclus tarif spectacle : plein tarif 14 euros tarif réduit 10 euros tarif «Ami(e)s» 8 euros tarif jeunes 5 euros Contacts presse : 2e Bureau Martial Hobeniche et Flore Guiraud 01 42 33 93 18 [email protected] Responsable communication Maison des métallos Thomas Kopp 01 58 30 11 41 | 06 12 60 07 44 [email protected] réservation 01 47 00 25 20 administration 01 48 05 88 27 maisondes metallos.org 94 rue Jean-Pierre Timbaud, Paris 11e mo Couronnes bus 96 vélib 11032 la maison des métallos établissement culturel de la ville de paris Accès Maison des métallos 94 rue Jean-Pierre Timbaud, Paris 11e Mº ligne 2 arrêt Couronnes Mº ligne 3 arrêt Parmentier Bus ligne 96 · arrêt Maison des métallos (direction Gare Montparnasse) · arrêt Saint-Maur – Jean Aicard (direction Porte des Lilas) Station Vélib nº 11032