25 avril → 13 mai

Transcription

25 avril → 13 mai
théâtre
politique
naz
25 avril > 13 mai
la maison
des métallos,
établissement
culturel
de la ville
de paris
01 47 00 25 20
reservation@
maisondesmetallos.org
94 rue Jean-Pierre
Timbaud, Paris 11e
naz
texte Ricardo Montserrat
adaptation et mise en scène Christophe Moyer
avec Henri Botte
vidéo Jérémie Bernaert
régie Yann Hendrickx
coproduction Compagnie Sens Ascencionnels, Culture Commune –
Scène nationale du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, Colères du
Présent, Ville de Grenay (Espace culturel Ronny Coutteure), Ville de
Carvin, L’Escapade d’Hénin-Beaumont
avec le concours de l’Agence nationale pour la Cohésion Sociale
et l’Égalité des chances (ACSÉ) pour l’accompagnement du volet
débat
diffusion Olivier Talpaert – En Votre Compagnie
[email protected]
le spectacle
NAZ vous propose d’entrer pendant une heure spectaculaire,
bruyante et imagée dans l’intimité d’un jeune Naz afin de comprendre
de l’intérieur ce qui s’est passé, ce qu’on – la république, l’école,
la famille – a raté.
Ce projet trouve son origine dans un article de presse faisant
état du développement inquiétant de mouvances extrémistes dans la
région Nord-Pas-de-Calais dont le terreau est la précarisation et le
manque de repères dans une société en crise.
Culture Commune, Scène nationale du bassin minier du Nord-Pas-deCalais, et l’association Colères du Présent commandent alors à Ricardo
Montserrat un texte, qu’il écrira à partir des paroles de jeunes
fréquentant ces mouvances.
Ils sont parfois bons élèves, bons potes, sportifs, sympas même, mais
ils se rasent le crâne, ou pas, et dégueulent des slogans haineux sur des
musiques lourdes, dans des stades, ou ailleurs.
Ils ont peur de l’avenir, n’ont pas de présent et rêvassent à un passé
qu’ils idéalisent.
Chaque soir après le spectacle, un débat avec l’équipe artistique et ses
invités propose de faire le tri, et, ensemble, d’imaginer comment chacun
pourrait réparer, raconter, relier, relever, libérer ces enfants perdus.
à propos de naz
Pour eux, l’Histoire commence par la lettre H de Hitler. Mineurs
ou jeunes adultes, ils tiennent les murs de nos villages miniers.
Leurs arrière-grands-parents étaient immigrés et résistants, leurs
grands-parents bosseurs, leurs parents sont précaires, divorcés et
déprimés. Ils arborent des signes maudits qui leur permettent de se
reconnaître, se marquent Lonsdale ou Fred Perry, se rasent le crâne,
se mutilent ou se tatouent, selon la famille avec laquelle ils fraternisent.
En fin de semaine, ils jumpent en rond, heilhitlerrent, dégueulent des
slogans haineux sur des musiques lourdes. Ils ont des transes viriles, des
nuits bastons et des gueules de bois toxiques. Le reste de la semaine, ils
sont bons élèves, bons potes, bosseurs, sportifs, clean, zélés... et sympas.
Ils ont peur de l’avenir, n’ont pas de présent et rêvassent à un passé
idéalisé. La nuit, ils blogguent à tout va et vomissent tant de rancoeur
que la toile ressemble à une marée noire.
Ils voient, écoutent, apprennent, postent et recopient tout ce qui fighte,
ce qui kriegue, ce qui génocide. Ils jouent à la clandestinité et à la
Résistance à qui ils ont tout piqué. Ils sont chaque jour plus nombreux,
chaque nuit plus visibles, quatre par classe de trente, qui ont de
l’influence sur huit, qui contaminent seize... Ils mettent en place
l’apartheid : d’un côté, les purs, de l’autre les impurs, les pédés, les gris,
les bobos...
Ils attendent leur moment, ils piaffent et, en attendant, font des
conneries sordides qu’ils veulent initiatiques pour arracher l’admiration
de la famille qu’ils se sont choisie.
Gamineries, enfantillages, provocations ? No future d’une jeunesse
désœuvrée dans un pays qui n’a pas tenu ses promesses ? Peut-être...
Pas sûr. La vague vient de loin : descendue du grand Nord, de Norvège,
de Pologne ou de Russie, elle a traversé la Hollande, la Belgique,
le Nord…
Ricardo Montserrat
Auteur
la genèse du projet
la naissance du projet NAZ
Ces dernières années conduisent au constat d’un phénomène croissant :
la « montée des extrêmes », de plus en plus tôt chez les jeunes. Entre
mouvements gabbers, skinheads, néonazis et autres, plus ou moins
empreints de codes (gestuels, vestimentaires, musicaux, etc.),
d’idéologie et d’embrigadement, il est observable à l’échelle européenne
et nationale, et la région Nord-Pas-de-Calais ne fait pas exception…
ce dont la presse commence à se faire l’écho.
La commande d’écriture
Prenant appui sur ce constat, Culture Commune, Scène nationale du
bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, et l’association arrageoise Colères
du Présent passent une commande d’écriture auprès de l’auteur
Ricardo Montserrat, qui entame en 2007 / 2008 une série de résidences
sur le territoire de l’ex-bassin minier du Pas-de-Calais, à l’occasion
desquelles il approche très directement des protagonistes de ces
mouvances extrémistes, dont il recueille notamment les paroles.
Par ailleurs, il effectue une observation attentive des développements
de ces mouvances sur l’Internet.
le projet du spectacle
À la lecture du texte de l’auteur et de ce qu’il rapporte en termes de
tentations, parfois suivies d’actes, dans les champs de l’exclusion, du
racisme, de la confusion historique, du désarroi social, de l’aspiration
idéologique, de la violence, etc. Culture Commune forme alors le projet
que ce matériau donne lieu à la création d’un spectacle, malgré le
caractère délicat du ou des sujets - délicat notamment parce qu’il ne
s’agit en rien, au contraire, de stigmatiser ou d’ostraciser ceux-là
mêmes qui prêtent le flanc à de telles tentations.
À ces fins, il est donc fait appel à Christophe Moyer, metteur en
scène de la région, qui s’empare du texte de Ricardo Montserrat et,
avec l’autorisation de ce dernier, entame un travail de recherche avec
un comédien sur la base d’un texte « retaillé », mettant en scène un
unique personnage, protagoniste emblématique des entretiens de
l’auteur sur le terrain. Cette nouvelle étape du projet permet de fédérer
de nouveaux partenaires : les villes de Carvin, Grenay et l’Escapade
d’Hénin-Beaumont.
le début des répétitions du spectacle et les étapes de travail
Trois résidences de création d’une semaine chacune sont organisées à
Culture Commune dans le courant du premier semestre 2009, qui
permettent au duo metteur en scène / comédien de travailler à la
conception et à la mise en œuvre de ce spectacle.
Deux temps informels de présentation d’étapes de création, auprès de
petits groupes de spectateurs, donnent lieu à des échanges « sensibles »,
qui mettent notamment en évidence que la violence « sourde », et hélas
si banale, des propos du personnage appelle des contrepoints et mises
en perspective nécessaires pour éviter tout phénomène d’empathie.
Il est alors convenu que le spectacle sur le plateau devra, d’une part,
comporter en soi des clés permettant de le décoder / décrypter (au
moyen d’un prologue et / ou épilogue) et, d’autre part, être immédia­
tement suivi d’un débat, indissociable deuxième partie de présentation
et de confrontation avec les spectateurs.
L’Agence nationale pour la Cohésion Sociale et l’Égalité des chances
(ASCÉ), fortement intéressée par le thème et la partie débat du projet,
devient également partenaire de l’action.
L’ élaboration de la partie débat Afin de poursuivre la réflexion sur le contenu du spectacle et de
construire la partie débat du projet, un nouveau rendez-vous a
eu lieu en octobre 2009. Ce séminaire avait pour objet de faire se
rencontrer les initiateurs et partenaires du projet, l’équipe artistique,
des « experts » et des « volontaires » actifs dans les domaines concernés :
sociologues, historiens, philosophes, journalistes, enseignants,
éducateurs, chercheurs, artistes, élus, etc., afin de leur présenter
l’avancement du travail artistique à cette date, puis d’échanger sur
les enjeux constitutifs de l’action et la construction du volet débat
et de ses modalités.
la création du spectacle
Suite à ces différents temps d’échange, l’équipe artistique a poursuivi
les répétitions du spectacle en janvier et février 2010, jusqu’à la
création, en février 2010.
note d’intention
Comment parler de ce sujet ? Travail délicat et passionnant. Comment
recevoir et faire en sorte que l’on puisse recevoir ce flot de paroles,
cette écriture qui tourne en boucle, qui amalgame sous le masque du
raisonnement ?
La première étape a été une adaptation du texte de Ricardo de manière
à structurer un parcours au sein des thématiques : le rapport au sport,
aux corps, au groupe, à l’histoire… Et nous sommes partis de ces
thèmes pour construire l’espace scénique. « Lui », le personnage nous
accueillerait chez lui, moment que le spectateur n’a pas l’occasion de
vivre. Son chez lui serait construit à partir de son rapport au corps, à
la représentation qu’il a de lui-même (miroir, photos, instruments de
sport…), son rapport à l’image serait aussi un axe de mise en scène :
les images du réel qu’il met lui-même en scène avec ses amis (violence,
sport, cérémonies…) qui seraient diffusées dans une télévision, et ses
images intérieures, qui l’habitent consciemment ou inconsciemment, qui
seraient diffusées sur l’ensemble de la scénographie. La musique
qu’écoute ces jeunes serait aussi un axe de travail.
À partir de là, sans juger, il fallait permettre au spectateur de
comprendre les vraies questions que ce personnage pose mais qu’il n’y
ait pas d’ambiguïté sur la réponse qu’il y apporte. Mettre en scène cette
faculté qu’ils ont à faire le tri dans ce qui les arrange et à partir de là
de construire un raisonnement. De mélanger l’Histoire avec leur
histoire privée et de nourrir ainsi leur frustration, d’avoir l’illusion
de trouver du sens.
En résumé, de permettre au spectateur de sortir par instant de
l’empathie qu’il développe pour se poser des questions… Et à ce
moment là du travail, tout repose sur le talent du comédien et la
direction d’acteur.
Christophe Moyer
Metteur en scène
ricardo
montserrat
auteur
Né en 1954 d’antifascistes catalans en exil en Bretagne, Ricardo
Montserrat trouve très tôt dans le théâtre un espace où concilier
engagement et liberté. Au Chili, dans les années Pinochet, il s’engage
contre la cultura de la muerte, écrit, met en scène et édite une
quarantaine d’œuvres qui sont autant de pieds de nez au régime.
De retour en France, il poursuit l’écriture de son œuvre personnelle –
roman, théâtre, cinéma – et se met au service des exclus de la dictature
économique. Il met en chantier des ateliers de création qui donnent
naissance notamment à la Série noire Zone mortuaire, avec des
chômeurs de Lorient ; le feuilleton d’Ouest-France Pomme d’Amour,
avec des Rmistes en milieu rural ; le thriller Ne crie pas (éd.
Gallimard), avec des salariés privés d’emploi de Roubaix; Sauve-moi,
un film de Christian Vincent ; en Corse, avec Robin Renucci et l’ARIA,
Awa hé mortu et Sempre Vivu, des œuvres bilingues pour le théâtre et
le cinéma ; Enfances et Fantômes (éd. Syros), avec des jeunes de la
Ddass et leurs parents à La Source, dans l’Eure, avec les peintres
Gérard Garouste et Olivier Masmonteil.
Depuis 2006, il travaille sur la mémoire vivante des luttes populaires :
36, pas mort !, Trous de mémoire ; l’exil : Siempre ; Tu n’as rien oublié ;
l’engagement : Où sont les hommes ?, Porque te vas, Une guerre sans
fin ; l’extrême violence : NAZ, Plus belle la mort ; la petite histoire dans
l’Histoire : Café de la Paix, Les Jolies Colonies de la France, Mon Père,
ma guerre ; l’utopie du bonheur : L’Amour fou, Entre la mort...
Avec l’association Colères du Présent, il lance dans le Nord et en
Afrique francophone deux collections de textes qui renouvellent
l’approche du livre.
christophe moyer
metteur en scène
Christophe Moyer est comédien, auteur, metteur en scène et directeur
artistique de la compagnie Sens Ascensionnels. Chez lui, l’artistique
rejoint l’engagement citoyen et ses choix questionnent le monde
contemporain.
Son adaptation du Rapport Lugano d’après Susan George présentée
au festival d’Avignon continue son chemin en France et à l’étranger.
Après Café équitable et décroissance au beurre, il monte avec sa
compagnie Faut pas payer !, Les Pensées de Mlle Miss, La Cellule,
SHITZ.
Il est également sollicité par d’autres artistes pour des mises en
scène : ainsi, il collabore avec Thomas Suel (compagnie Générale
d’Imaginaire) sur le spectacle [Dukoné], avec Gaspard Herblot
(compagnie Générale d’Imaginaire) pour Pièces détachées et avec
Christophe Martin sur Quartier de la République.
Son théâtre est une incitation, par le plaisir du jeu, à nous poser
des questions sur nos rapports aux autres, à notre planète et aux
générations futures.
Christophe Moyer est également comédien et auteur.
henri botte
comédien
Henri Botte s’est formé au conservatoire d’Art Dramatique de Lille
de 1994 à 1997 ; depuis, il suit régulièrement des stages de théâtre,
de clown et de danse.
Au théâtre, il a joué avec différents metteurs en scène, récemment dans
Freaks’ Carnival, monté par Lucas Prieux (compagnie Mano Labo),
L’Homme qui…, mis en scène par François Godart.
Il joue dans plusieurs spectacles de la Compagnie Sens Ascensionnels :
Information sur le Schnaps de Luc Tartar, La Cellule, Tout est une
question d’opinion, Les Pensées de Mlle Miss, de Christophe Moyer,
et Faut pas payer !, de Dario Fo.
Il joue également avec le Théâtre de La Licorne (Sous sols d’après Les
Bas-fonds de Gorki), Antonio Vigano (Échéances), le Théâtre du Prisme
(Avant la fin), La Manivelle Théâtre (Pinocchio), le théâtre Diagonale
(Terreur Toreo).
Il joue également dans des spectacles de rue et des téléfilms.
le mouvement
s’amplifie et fait
peur. qui sont les
gabbers ?
l’article déclencheur du spectacle
La première fois que j’en ai entendu parler, c’était il y a un peu plus
de six mois. Le soir de la fête de la Musique, une de mes amies partie
dans le centre de Lille tombe sur une scène qui la propulse quinze ans
en arrière... Face à elle, un groupe d’une soixantaine de personnes
s’est rassemblé au pied d’un d.j. mixant du hardcore. Jusque-là rien
de bien inédit. Ce qui l’est plus en revanche c’est le look uniforme de
cette légion soulevée par le souffle des basses. Crânes rasés à blanc,
pull Lonsdale pour les uns, polo Fred Perry pour les autres, jean 501,
Nike Air Max, bomber et têtes à faire peur. Autre détail d’importance : tous les protagonistes sont blancs.
Même s’ils en ont les rudes manières et l’apparence commando, ceux
qui s’agitent ici ne sont pas des « skins ». Ce sont des « Gabbers » qui
traînent avec eux une réputation de méchants garçons. Certains
n’hésitent pas à parler d’invasion venant de Hollande et de Belgique
et jurent les grands dieux que dans les écoles du Nord-Pas-de-Calais
« il y a au moins deux Gabbers dans chaque classe ». Les Gabbers
recruteraient dans les campagnes auprès des gamins de 13 – 14 ans qui
du jour au lendemain se raseraient la tête, achèteraient un pull
Lonsdale et une compilation de hardcore. Ils seraient très nombreux
partout où sévit le cocktail chômage, ennui et pauvreté. Ils auraient
aussi envahi les centres-villes, s’affichant ostensiblement avec les
nouvelles marques gabber : Pit Bull et Hooligans. La rumeur est
intarissable. On parle d’affrontements torses nus à coups de cannettes
et de bâtons, d’agressions sauvages à vingt contre un, de pistes de danse
métamorphosées en fosses aux lions ou d’injures racistes taguées par
des fillettes gabbers de 13 ans. Enfin, il faut bien l’avouer, dans la tête
de beaucoup de jeunes du Nord, l’extrême-droite est automatiquement
associée aux Gabbers. Une assimilation qui n’est pas dénuée de
fondement puisque le magazine d’extrême droite Radikal hebdo par
exemple aime à s’étendre dans ses colonnes sur le mouvement.
Une histoire de gens qui font la fête
Pour mieux les connaître, il me fallait bien sortir de cette image
fantasmatique. La seule solution était d’aller à leur contact, de
partager leur vie et leurs sorties. Premier constat, dès que les gamins
ont leur permis, ils filent faire la fête dans les boîtes belges, là où le
gabber est un succès commercial retentissant. Ils reviennent en voulant
reproduire ce qu’ils ont vu et s’achètent les mêmes vêtements que leurs
voisins belges. Second constat, le gabber est surtout une affaire de
musique, un style particulier de hardcore ultra-rapide avec des sons
agressifs. Il est très prolitique puisque plusieurs types émergent (terror,
happy, oldschool...) et que la France a aussi ses d.j. C’est aussi
une histoire de gens qui font la fête et dansent pendant des heures.
Rendez-vous dans les beaux quartiers de Lille
Une amie qui habite à la frontière belge me dégote mon premier
contact. Elle est étudiante dans une école de commerce et l’un des
copains de sa classe est Gabber. Il accepte de me rencontrer chez lui,
un soir, dans les beaux quartiers de Lille. Olivier m’ouvre la porte,
c’est le meilleur pote de Nicolas, le type avec qui j’ai rendez-vous.
Il est habillé tout en noir. Ses petites lunettes rondes et sa voix douce
tranchent avec le côté plus démonstratif de Nicolas, à l’aise pour trois.
Il attend avec un grand sourire, en « marcel blanc » et en caleçon
comme dans le film American History X. Sur son épaule droite, il s’est
fait tatouer le lion Lonsdale et porte une boucle d’oreille.
Nicolas roule joint sur joint. Il explique : « À l’origine du Gabber, il y a
la Hollande puis la Belgique. Il y a aussi le Vlaams Block, un parti
d’extrême droite très puissant... On ira ensemble dans la salle gabber
de La Bush. Elle est gardée par deux gars qui ne laissent pas entrer
les gens de couleur, les teufeurs ou les types avec des cheveux... Toi tu
mettras une casquette ». Des propos qui hérissent, mais l’ambiance est
plutôt détendue. « Avec toute ma bande de potes, on vient d’un lycée
privé de Maubeuge. Quand j’étais plus jeune, j’écoutais les Béruriers
Noirs ou Ludwig Van 88. J’ai retrouvé cette ambiance dans le
hardcore. Tu sais, aujourd’hui je fais des études de commerce mais
mon vrai truc, pendant longtemps, c’était plutôt de faire une carrière
militaire, de travailler au GIGN... » dit-il en massant son crâne nu.
Point de ralliement de la horde
Comme toute horde, les Gabbers ont un point de ralliement. La Bush,
célèbre boîte belge de l’autoroute des discothèques à 20 mn de Lille, en
était un avec un code strict à respecter. « Il y a des groupes : celui de La
Louvière, celui des Flandres et le nôtre, celui de Mons-Maubeuge. Entre
les trois, c’est à qui sera le chef. Les gars déboulent sur toi à quinze ou
vingt, il faut toujours être sur ses gardes. Avec mes potes, c’est pour
cela qu’on danse sur la première marche, au-dessus de la fosse, là il
n’y a pas trop de danger. Mais on n’est pas des skinheads, dans la salle
gabber, il y a à peine 30 % des gars qui se revendiquent facho. Moi je
connais plein d’Arabes depuis toujours, je suis bien avec eux ; j’ai pas
l’impression d’être un facho. Je suis juste pour plus d’ordre ».
Des gars qui « misèrent »
Nicolas ne vote plus. « Moi je ne peux pas être facho, je suis en UFR
de Lettres orientales ou un truc comme ça ! » rigole Olivier, étudiant en
espagnol, qui lui, vote extrême-droite. « Que ce soit Olivier ou moi, on
n’est pas des Gabbers authentiques. On vient d’un milieu aisé tandis que
les vrais Gabbers c’est plutôt des cas, des " bas du plafond ", des gars
qui misèrent. C’est la basse France, celle du film La Vie de Jésus, des
gars qui ont la haine et que le système a abandonnés . » Je me détends
un peu, nous parlons de tas d’autres choses et Nicolas finit même par
m’avouer que son rêve à lui est de trouver une jeune fille avec laquelle
il aura envie de passer le reste de sa vie.
Des brûlures de cigarettes
Même lieu, deux jours plus tard. Ça ne rigole plus. Nicolas annonce
que La Bush a fermé la salle gabber. Responsable de ce revirement, un
cameraman venu dans la salle, qui a filmé des saluts hitlériens et des
propos racistes. Le gars travaillait pour le ministère de la Jeunesse
belge. Je transpire car je me demande si l’un de mes interlocuteurs ne
va pas avoir envie de se venger tout de suite. En tout cas, je garde pour
moi les questions que j’avais concoctées et fais connaissance avec les
amis de Nicolas. Une légère hostilité est assez palpable. Mon voisin
de gauche, patibulaire, a un écusson France cousu sur son bomber.
Il gueule « Moi j’ai pas besoin de montrer que je suis facho quand je
danse, qu’est ce qu’il leur a pris à ces gars ? » Il évoque ensuite des
souvenirs de baston « des gars de Bruxelles qui te tombent dessus à
quinze mais bon quand tu distribues, il faut t’attendre à recevoir. Une
trottinette balancée dans la gueule ou deux cannettes explosées sur le
crâne ». Je ne dis absolument plus rien, j’ai juste très peur. Le voisin de
Nicolas exhibe ses blessures de guerre : deux brûlures de cigarettes et
une blessure de cannette sur le crâne. Nicolas propose d’aller dans une
autre soirée hardcore. Je leur donne rendez-vous là-bas trop heureux
de pouvoir filer.
On est là pour danser
La voiture remonte une route départementale cafardeuse où sont
posées des boîtes en forme de chapiteaux de fête foraine. Celle que nous
investissons ce soir ne s’attendait certainement pas à recevoir tous les
Gabbers privés de soirée à La Bush. À 1h30 du matin, la majorité des
participants est encore composée de teufeurs mais nos Gabbers se
préparent à une invasion des lieux en douceur. Leur nombre ne cesse
de croître. Tel un commando militaire, une armée de petits bonshommes
clonés arrivent au pas de charge sur la piste de danse. Ce sont des
fêtards qui aiment être au centre de la piste, au milieu des leurs, deux
cannettes dans les mains. Ils entament une danse qui n’appartient qu’à
eux. Le corps est raide, les jambes se plient à un rythme rapide et les
bras sont tendus vers le plafond ou font mine de tirer sur des bretelles.
Impossible pour un non initié de les imiter. Des filles très jeunes
sautillent à un rythme ultra-rapide. Aucun signe extérieur de séduction
entre les filles et les garçons. On est là pour danser.
La horde file la trouille
Une heure trente après notre arrivée, tout l’espace disponible de la
boîte appartient définitivement aux Gabbers. En prédateurs des salles,
ils ont réussi à pousser dehors le corps étranger. Qu’on se le dise, la
horde finit toujours par filer la trouille à l’inconscient collectif. Même
le d.j. s’y est mis et passe maintenant du speedcore avec des bruits de
cloche et du happy avec un remix de Madonna. Plus personne n’a de
cheveux. L’ambiance monte d’un cran, la bière et les pilules font leur
effet. Des cannettes claquent par terre. C’est le signe qu’il est temps
pour moi de partir.
Perdre son identité dans le groupe
À l’entrée, les Gabbers continuent d’arriver avec ce look uniforme
fabriqué par la même matrice. Ils pénètrent dans la nasse avec une
surexcitation visible et tout le confort qu’offre la perte de son identité
dans le groupe. C’est de la science-fiction, me glisse l’ami marseillais
qui m’accompagne et qui ignorait jusqu’au phénomène puisque le Sud
est terre à 100% de « teufeurs ». J’ai comme dans la bouche un goût
de trop-plein et la sensation surtout d’être un virus extérieur que l’on
chasse à chaque fois d’un revers de la main. Je ne me sentirai bien
qu’une seule fois avec Sébastien, alias d.j. Youngsta. Quand je lui
raconte, à Merville, toutes les sensations que j’ai ressenties, les rumeurs
qui circulent sur les Gabbers, les accusations de « facho », il me dit qu’il
sait que presque tout le monde fait l’amalgame avec les « skins ». Pour
lui « le gabber n’est en rien un mouvement politique. Ça ne doit pas être
une question de facho ou de no facho. C’est une question de musique.
Ce que les gens peuvent penser de nous je m’en fous. Moi je leur dis de
venir pour la musique. Maintenant je vais te dire pourquoi certains
Gabbers deviennent des types agressifs. Lorsqu’on est habillé en
Lonsdale, on se fait en permanence agresser, emmerder par la racaille.
Trois, quatre, cinq fois. On te dit tout le temps que tu es un sale " skin "
alors tu pètes une pile ».
Des idées comme des gros jouets
Sébastien cultive l’esprit underground du début du mouvement. Pour la
Badland 2 qu’il organise ce soir-là, pas question de connaître l’endroit
de la soirée avant, même si l’on se doute que ça se passera dans une
discothèque du coin. Le rendez-vous est fixé sur l’infoline à 20 h, sur le
parking de la Fiesta, une ancienne boîte abandonnée. Les Gabbers s’y
retrouvent comme avant une rave party. Les moteurs vrombissent. Vingt
minutes plus tard c’est le départ pour l’inconnu. Les voitures se suivent
à la file sur des kilomètres comme pour mieux encore affirmer la force
du groupe. Après avoir fait les poireaux devant la boîte, nous voici
soudain jetés dans un espace totalement quadrillé par les Gabbers. Avec
quelque 500 Gabbers autour de nous, c’est en les voyant poser comme
des gosses devant l’appareil photo, discuter avec nous alors que nous
sommes chevelus et que l’on nous appelle souvent « les Arabes », que le
déclic se fait. La plupart des Gabbers sont comme des gosses qui
aiment faire la fête, se défouler. Ils sont habillés avec du Lonsdale parce
que leur voisin est en Lonsdale, que c’est la mode et que cela donne une
certaine attitude. Leur look, leurs idées sont comme des gros jouets
qu’on expose pour la frime, pour être comme les autres et retrouver
confiance dans la douce tiédeur de la masse. C’est aussi un exutoire
aux frustrations de tout genre, la langue tirée, le doigt tendu bien haut,
l’impression d’être un grand méchant immortel. Loin d’être des abrutis,
la majorité des Gabbers apparaissent comme des jeunes un peu perdus
qui ont fini par ressembler à l’image que la société leur renvoie au
quotidien. Agressifs parce que le monde est agressif, portés sur
l’exclusion parce que le monde est porté par l’exclusion.
Le Gabber : d’abord un mouvement musical
Le mouvement gabber est né en Hollande et s’est diffusé ensuite très
fortement en Belgique. C’est une « culture jeune » dont on a beaucoup
parlé dans les médias, ce qui a peut-être contribué à la rendre
populaire dans ces deux pays. Il arrive aujourd’hui en France
principalement dans le Nord-Pas-de-Calais. À l’origine les Gabbers sont
des gens que réunissent deux passions : celle du football (ce qui explique
la marque Lonsdale empruntée à la culture hooligan anglaise) et celle
de la musique électronique hardcore. Le mot lui-même est le verlan de
Barg qui en néerlandais signifie « mes potes », « mes amis ». Les
Gabbers sont donc bien originellement un ensemble de potes venus pour
faire la fête ensemble. Ils ont le crâne rasé (pas de cheveux dans les
yeux, c’est plus pratique pour danser), sont habillés en survêtement
Australian et chaussures Nike Air Max, très confortables pour aborder
des sessions de danse d’une douzaine d’heures. Ils se déplacent en vélo
Wallaro et la plupart des Gabbers sont minces, voire très minces, un
peu d’ailleurs comme les skinheads. Certains portent des chaînes en or
et parfois une casquette. Ils viennent plutôt d’un milieu social
défavorisé et donc, s’il le faut, prennent plutôt du speed plutôt que de la
cocaïne. Historiquement les Gabbers ne revendiquent aucune idéologie,
si ce n’est celle de faire la fête et de se foutre de tout le reste. C’est un
peu l’unité des pauvres, la recherche du pouvoir hypnotisant du groupe,
l’union sacrée des bannis du système. Les premières soirées gabber ont
lieu dans les années 1990 et le gabber devient une forme spécifique de
la musique électronique hardcore. En 1995 sort la première
compilation Thunderdome qui est un carton commercial. Le gabber
s’envole. La Hardcore Overnight d’Anvers attire chaque année plus de
22 000 personnes. Mystery Land organisé par ID & T est le premier
festival électronique d’Europe, sa salle hardcore peut contenir 30 000
personnes. Les d.j. les plus réputés sont aujourd’hui le RTC, le
Rotterdam Terror Club, d.j. Néophyte, le team de DJ Bass c’est-à-dire
le Danger Hardcore Team, Lady Dana et aussi le French Gabber Team.
Depuis le succès commercial du gabber, les choses ont un peu changé.
Beaucoup de gens sont arrivés et la consommation de drogue, les actes
de hooliganisme et les agressions ont peu à peu envahi la scène du
Gabber, notent les journaux belges. Sean, un gabber hollandais, raconte
dans un forum de discussion comment les médias ont vite fait
l’amalgame entre gabber et néo-nazi collant une image qui sent le
soufre à des gens venus écouter du Hardcore. Aujourd’hui, l’impression
est donc forte en Belgique et en Hollande de s’être fait avoir ou alors
d’être dépassé par une très jeune génération plus brutale. Les Gabbers
de 12 ans ont leur propre soirée en Hollande.
Z. Rizk
L’Écho du Pas-de-Calais n°29
Décembre – Janvier 2002
Copyright © 2000-2009 – Les Échos du Pas-de-Calais
la maison des métallos,
éTABLISSEMENT CULTUREL
DE LA VILLE DE PARIS
Le projet
La Maison des métallos est un établissement culturel de la Ville de Paris soutenu par la Région Île-de-France
dans le cadre du dispositif de la permanence artistique. L’ambition du lieu est d’allier exigence artistique et
préoccupations sociétales. Création, programmation et pratique artistiques, formes participatives, expressions
urbaines, rencontres et débats, pratique numérique et relation au tissu social constituent les fondamentaux
du projet. Cette diversité entrant en résonance avec celle, si vivante, de Belleville Ménilmontant et quartiers
environnants !
Proposer des projets pluridisciplinaire
Théâtre, expositions, art numérique, danse, cultures urbaines, slam, musique, cinéma
de fiction et documentaire, littérature, poésie, etc. : toutes les formes de création se
côtoient à la Maison des métallos. Ces formes artistiques se répondent à travers
une programmation qui valorise des questions de fond qui traversent la société
contemporaine. En adjoignant aux formes artistiques des temps forts de débats et
rencontres publiques, la Maison des métallos privilégie une approche diversifiée
des sujets de société.
Développer les pratiques culturelles
Un travail de médiation constant vise à accompagner la découverte de formes
contemporaines et à diversifier les publics. La Maison des métallos propose
également des projets portés par des artistes qui impliquent les publics dans le
processus même de création. Des ateliers originaux de pratique artistique, souvent
intergénérationnels, sont aussi proposés sous forme de stages, notamment pendant
les vacances scolaires.
Diffuser connaissances et savoirs auprès du plus grand nombre
En s’associant à des médias, en intégrant des réseaux de réflexion et
de recherches, en multipliant les partenariats avec des éditeurs, la Maison des
métallos met en place de nombreux débats et rencontres publiques sur des
questions d’actualité ou d’histoire avec l’éclairage de grands intellectuels
tels que Noam Chomsky, Edgar Morin, Boris Cyrulnik, Édouard Glissant,
Patrice Meyer-Bisch, Gérard Noiriel…
S’ouvrir sur le quartier
La Maison des métallos s’appuie sur des structures relais du quartier comme les
centre sociaux et développe des liens de proximité avec les habitants : rencontres
et petites formes spectaculaires hors les murs chez nos partenaires, invitations
privilégiées à des spectacles et des débats avec les artistes, ateliers de disciplines
artistiques « urbaines » en direction des adolescents, séances mensuelles de cinéma
pour les publics en alphabétisation, projets artistiques participatifs comme la
récolte de la mémoire d’habitants, etc. Elle s’enracine ainsi progressivement dans
le tissu social local et se nourrit en retour de la diversité de ses publics.
Promouvoir les nouvelles technologies
À travers des ateliers et des temps forts intégrant toutes les formes de création
numérique (arts visuels, œuvres interactives, spectacles, musiques, etc.),
la Maison des métallos développe à l’année un chantier numérique qui vise
notamment à créer des liens entre cette création et les questions
de cohésion sociale. Des ateliers favorisent un rapport plus immédiat
entre les possibilités du numérique et le public.
DÉTAILS PRATIQUES
CONTACTS PRESSE
25 avril > 13 mai
du mercredi au vendredi > 20h
samedi > 19h
dimanche > 16h
chaque représentation est suivie d’un débat
avec l’équipe artistique
durée 1h25 débat inclus
tarif spectacle :
plein tarif 14 euros
tarif réduit 10 euros
tarif «Ami(e)s» 8 euros
tarif jeunes 5 euros
Contacts presse :
2e Bureau
Martial Hobeniche et Flore Guiraud
01 42 33 93 18
[email protected]
Responsable communication Maison des métallos
Thomas Kopp
01 58 30 11 41 | 06 12 60 07 44
[email protected]
réservation
01 47 00 25 20
administration
01 48 05 88 27
maisondes
metallos.org
94 rue Jean-Pierre
Timbaud, Paris 11e
mo Couronnes
bus 96
vélib 11032
la maison
des métallos
établissement
culturel
de la ville
de paris
Accès
Maison des métallos
94 rue Jean-Pierre Timbaud, Paris 11e
Mº ligne 2 arrêt Couronnes
Mº ligne 3 arrêt Parmentier
Bus ligne 96
· arrêt Maison des métallos (direction Gare Montparnasse)
· arrêt Saint-Maur – Jean Aicard (direction Porte des Lilas)
Station Vélib nº 11032