L`hépatite B occulte - John Libbey Eurotext
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L`hépatite B occulte - John Libbey Eurotext
revue Virologie 2008, 12 (2) : 87-94 L’hépatite B occulte A. Vallet-Pichard S. Pol Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. Unité d’hépatologie, hôpital Cochin, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75014 Paris <[email protected]> Résumé. L’hépatite B occulte est une entité décrite au début des années 1980 qui correspond à la présence d’ADN du virus de l’hépatite B (VHB) dans le sérum et/ou dans le foie de patients chez lesquels l’antigène (Ag) HBs est indétectable par les tests sérologiques usuels. Les séries très hétérogènes publiées dans la littérature donnent des chiffres extrêmement variables de prévalence. La base moléculaire de l’infection occulte par le VHB est la persistance de l’ADN superenroulé (cccADN) dans le noyau de la cellule qui sert à la transcription des gènes. Les raisons de cette infection virale B avec négativité de l’Ag HBs malgré la présence dans le foie du génome du VHB restent inconnues. Les données actuelles disponibles suggèrent que, de façon non exclusive, plusieurs mécanismes pourraient jouer d’importants rôles pour induire un statut d’hépatite B occulte : la réponse immune, les co-infections avec d’autres agents infectieux et les facteurs épigénétiques. Si la pathogénie de l’infection B occulte reste discutée, on peut cependant individualiser quatre situations particulières qui ont une signification clinique indiscutable et qui restent la meilleure confirmation de la réalité de l’infection occulte par le VHB : 1) le risque de transmission sanguine du VHB par des donneurs ayant une infection VHB occulte qui existe, de même que ; 2) le risque de réactivation virale à l’occasion d’une immunosuppression (chimiothérapie, greffes de rein, de moelle, de foie, déficits immunitaires ou nouvelles thérapies immunosuppressives comme les anti-CD20 ou les antiTNF), principalement chez les sujets ayant des anti-HBc isolés ; 3) l’aggravation potentielle des lésions de fibrose en cas d’infection à VHC ou de maladie hépatique cryptogénétique associé (suggéré mais non prouvé) ; 4) le lien réel entre carcinome hépatocellulaire et hépatite B occulte. doi: 10.1684/vir.2008.0156 Mots clés : hépatite B, virus de l’hépatite B Abstract. Occult hepatitis B virus (HBV) infection is a peculiar form of chronic viral infection identified since the early 80’s and can be defined as the presence of HBV DNA in the serum and/or in the liver tissue of patients negative for the HBV surface antigen (HBsAg) using usual serological tests. The data about the prevalence of occult HBV infection are contrasting and the reported prevalences in various categories of individuals are highly diverse. The molecular basis of the occult HBV infection is the covalently closed-circular DNA (cccDNA) that persists in the cell nuclei and that serves as a template for gene transcription. The physiopathology of occult HBV infection is still unclear. However, the available data suggest that the host’s immune response, the co-infections with other infectious agents and epigenetic factors may play important roles in indicing the occult status. The clinical relevance of occult HBV infection remains debated but it may impact in four clinical contexts : 1) the transmission of the infection by blood transfusion or organ transplantation ; 2) the acute reactivation when an immunosuppressive status occurs mainly in patients with isolated anti-HBc (chemotherapy, transplantations, immunodepression, new immunosuppressive Tirés à part : A. Vallet-Pichard Virologie, Vol. 12, n° 2, mars-avril 2008 87 revue therapy as anti-CD20 or anti TNF) ; 3) the potent but non proved progression of liver fibrosis in HCV infected patients or in patients with cryptogenetic liver disease ; and, 4. the risk factor for hepatocellular carcinoma development. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. Key words: hepatitis B, hepatitis V virus L’hépatite B occulte est une entité décrite au début des années 1980 qui correspond à la présence d’ADN du virus de l’hépatite B (VHB) dans le sérum et/ou dans le foie des patients chez lesquels l’antigène (Ag) HBs est indétectable par les tests sérologiques usuels. La prévalence de cette affection et ses conséquences cliniques sont débattues dans la littérature. La disponibilité des techniques de biologie moléculaire hautement sensibles a permis ces dix dernières années de révéler quelques-uns de ses aspects virologiques, d’estimer sa prévalence dans le monde et de clarifier ses possibles implications cliniques. Généralités L’hépatite B occulte est définie par la présence d’ADN du VHB dans le sérum et/ou dans le foie d’un patient dont l’Ag HBs n’est pas détectable par les tests sérologiques usuels. Le patient peut avoir tous les profils sérologiques, le plus fréquent étant un anticorps (Ac) anti-HBc isolé, voire des Ac anti-HBc et anti-HBs (profil d’hépatite B guérie), de façon moins habituelle des Ac anti-HBs isolés (profil de vaccination) ; rarement le sujet peut être séronégatif. Lors des descriptions initiales des années 1980, les techniques d’hybridation moléculaire peu sensibles, telles que l’hybridotest, détectaient jusqu’à 25 % d’infections virales B occultes chez les patients ayant une hépatite chronique AgHBs-négatifs, chez près de 80 à 100 % des hépatocarcinomes et chez environ 3,5 % des donneurs de sang [1-3]. Si ces résultats ont clairement posé la question de l’infection occulte par le VHB et, surtout, celle de l’hépatocarcinogenèse virale B, les fréquences élevées observées témoignaient en partie plus de faux positifs de l’ADN viral B que de déficits qualitatifs et quantitatifs de l’Ag HBs initialement suspectés. Les tests moléculaires initiaux étaient à la fois peu sensibles et peu spécifiques, rendant compte de la difficulté d’interprétation des données. Avec l’augmentation constante de la sensibilité des tests de détection de l’ADN du VHB, il a été possible de mieux appréhender la prévalence et la signification clinique de ces infections occultes. Enfin, la variation de sensibilité des tests sérologiques peut expliquer une possible surestimation de la prévalence des hépatites B occultes : une part non négligeable d’hépatites B qualifiées d’occultes auraient pu être Ag HBs-positives avec un test antigénique performant ou 88 avec un anticorps monoclonal anti-HBs détectant l’Ag HBs présent dans des complexes immuns circulants mais non détectable dans le sérum. La très grande sensibilité des tests de dépistage sérologique actuels peut expliquer en partie la fréquence faible des infections occultes aujourd’hui observées. Par ailleurs, il ne faut pas méconnaître deux situations qui peuvent mimer une hépatite B occulte au cours de l’hépatite aiguë : pendant la phase d’incubation, il existe une fenêtre où l’Ag HBs ne s’est pas encore positivé alors même que l’ADN viral B est présent et pendant la phase suivant la clairance de l’Ag HBs, il existe une période où la détection du génome est possible alors que la personne est en voie de guérison avec les anticorps correspondants (figure 1). Prévalence Les séries très hétérogènes publiées dans la littérature donnent des chiffres extrêmement variables de prévalence allant de 0 à 50 % (tableau 1). Ces discordances peuvent en partie s’expliquer par l’hétérogénéité des populations étudiées (origine géographique, type de patients) et des techniques de détection de l’ADN viral utilisées, et par la qualité des tests de dépistage de l’Ag HBs (possibilité de faux négatifs). On peut comprendre que la prévalence de l’hépatite B occulte puisse être plus élevée dans les zones à forte endémie d’hépatite B chronique (Afrique, Asie) que dans les zones de faible endémie (Europe occidentale et Amérique du Nord). Cela est vérifié dans les populations de donneurs de sang où elle est élevée dans les pays en voie de développement et rare dans les pays occidentaux [4]. Dans la population générale, les données sont plus rares mais on retrouve une prévalence élevée de l’hépatite B occulte en Asie d’environ 15 % [5] alors qu’elle est de 8 % dans une population canadienne [6]. La prévalence est faible dans la population générale en France comme suggéré par le risque transfusionnel résiduel pour le VHB d’environ 1 pour 1 250 000 dons (malgré le diagnostic génomique viral) et la faible fréquence des réactivations virales dans les situations d’immunosuppression chez des patients Ag HBs-négatifs. Dans des populations ciblées à risque de transmission virale par voie parentérale, comme les patients hémophiles et toxicomanes, les chiffres de prévalence semblent élevés (45 à 51 %) [7, 8]. Ils sont plus hétérogènes chez les patients Virologie, Vol. 12, n° 2, mars-avril 2008 revue Ag HBs IgM anti-HBc IgG anti-HBc Ac anti-HBs ADN du VHB Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. Seuil Mois Phases occultes possibles Guérison Ictère Figure 1. Histoire naturelle de l’infection virale B aiguë. hémodialysés, allant de 0 à 36 % [9-14]. Chez les patients infectés par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), les données sont là encore très hétérogènes avec des prévalences soit élevées, allant de 16 à 89 % [15-18], soit faibles de 0 à 5 % [19-21]. Des prévalences variables d’infection B occulte allant de 18 à 30 % ont été retrouvées chez des patients ayant une maladie chronique du foie sans étiologie usuelle identifiée [22, 23]. L’hétérogénéité des prévalences est criante chez les patients infectés par le VHC, par définition exposés à un risque viral, puisque certaines études rapportent une prévalence élevée d’infection B occulte allant de 14 à 45 % [7, 24-26], alors que d’autres rapportent des prévalences faibles, de 2 à 6 % [27, 28]. Une étude publiée récemment par Rodriguez-Torres et al. a trouvé une prévalence nulle d’infection B occulte chez 889 patients co-infectés par le VIH et le VHC [29]. Ces résultats confirment nos propres données chez des patients mono-infectés par le VHC et coinfectés par le VIH et le VHC. En effet, dans notre expérience non encore publiée, nous avons observé une prévalence de moins de 1 % d’infections B occultes dans une population de 149 patients mono-infectés par le VHC : la PCR (Cobas Amplicor HBV Monitor Test, Roche Diagnostics, Meylan, France ; seuil de 200 copies/ml) était positive chez 5 des 149 patients (3,33 %) mais un seul patient (anti-HBc isolé) avait des PCR de contrôle positives sur deux autres échantillons de sérum et une PCR intrahépatique positive (0,67 %). Pour les 4 autres, les contrôles sériques ainsi que la PCR intra-hépatique étaient négatifs. Nous avons réalisé le même travail dans une population de 155 co-infectés par le VHC et le VIH et avons trouvé une prévalence d’infection B occulte de moins de 2 % : 5 paVirologie, Vol. 12, n° 2, mars-avril 2008 tients (3,22 %) avaient une PCR positive sur un échantillon sanguin mais seulement 3 d’entre eux (1,90 %) avaient des contrôles sanguins et une PCR intra-hépatique positifs. L’hétérogénéité des techniques utilisées et celle des populations étudiées rendent toute conclusion chiffrée de prévalence difficile. Les situations cliniques (dons du sang, populations au risque viral variable, patients avec hépatopathies...) participent aussi à ces discordances. L’ADN du VHB est habituellement faiblement détectable (moins de 4 log) mais il arrive que les virémies soient plus élevées autour de 6 log (figure 2). Les techniques de détection précédemment utilisées dans les études sur l’infection occulte virale B n’étaient pas standardisées expliquant les résultats contradictoires obtenus selon les travaux. Les nouveaux tests commerciaux, standardisés et validés aujourd’hui disponibles vont permettre d’étudier avec plus de sensibilité et de reproductibilité les infections cryptiques. À présent, le gold standard pour rechercher une hépatite B occulte devrait être l’analyse des extraits d’ADN à partir de sang ou des tissus hépatiques en utilisant des techniques de PCR nichées et des amorces spécifiques d’au moins trois régions génomiques du VHB [1, 24]. Mécanismes physiopathologiques La base moléculaire de l’infection occulte par le VHB est la persistance de l’ADN superenroulé (cccADN) dans le noyau de la cellule qui sert à la transcription des gènes [30]. La question de savoir pourquoi les sujets ayant une infection B occulte sont AgHBs-négatifs malgré la présence dans leur foie de génome libre du VHB reste non résolue. 89 revue Tableau 1. Prévalence rapportée d’infection virale B occulte. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. Études Pays Kim et al. 2007 [5] Minuk et al. 2005 [6] Corée Amérique du Nord (eskimo) Torbenson et al. 2004 [7] Toyoda et al. 2004 [8] Goral et al. 2006 [9] Siagris et al. 2006 [10] Kanbay et al. 2006 [11] Fabrizi et al. 2005 [12] Minuk et al. 2004 [13] Besisik et al. 2003 [14] Santos et al. 2003 [15] Filippini et al. 2006 [16] Piroth et al. 2000 [17] Hofer et al. 1998 [18] Nunez et al. 2002 [19] Goncales et al. 2003 [20] Neau et al. 2005 [21] Berasain et al. 2000 [22] Zhang et al. 1993 [23] Cacciola et al. 1999 [24] Kao et al. 2002 [25] Georgiadou et al. 2004 [26] Giannini et al. 2003 [27] Fabris et al. 2004 [28] Rodriguez-Torres et al. 2007 [29] États-Unis Japon Turquie Grèce Turquie Italie Amérique du Nord Turquie Brésil Italie France Suisse Espagne Brésil France Espagne Chine Italie Chine Grèce Italie Italie 19 pays (étude Apricot) Patients (nombre) 195 80 anti-HBc et anti-HBs+ 407 anti-HBc et anti-HBs180 Toxicomanes IV 43 hémophiles 50 hémodialysés 49 hémodialysés 138 hémodialysés 213 hémodialysés 239 hémodialysés 33 hémodialysés 101 VIH+ 86 VIH 37 VIH+ (50% VHC+) 57 VIH+ (33 VHC+) 85 VIH+ 159 VIH+ (88 VHC+) 160 VIH+ (82 VHC+) 101 118 200 VHC+ 210 VHC+ 187 VHC+ 119 VHC+ 51 VHC+ 889 VHC+ VIH+ Certains patients sont infectés par des variants viraux qui : 1) soit produisent une protéine S du VHB antigéniquement modifiée non détectée par les tests disponibles [31], mais ont pu être « historiquement » détectés par des anticorps monoclonaux anti-HBs [3], parfois au sein d’immuns complexes circulants [32] ; 2) soit portent des mutations capables d’inhiber l’expression du gène S et/ou la réplication virale [33]. Mais dans la majorité des cas, cette hétérogénéité génomique n’est pas en cause pour acquérir le statut d’infection B occulte [1]. L’infection virale B occulte est plutôt reliée à une forte suppression de la réplication virale et de l’expression des gènes. Les données actuellement disponibles suggèrent que, de façon non exclusive, plusieurs mécanismes pourraient jouer d’importants rôles pour induire un statut d’hépatite B occulte : la réponse immune, les co-infections avec d’autres agents infectieux et les facteurs épigénétiques. Deux arguments suggèrent que la surveillance immune de l’hôte joue un rôle important dans le développement de l’infection B occulte. Une réponse cellulaire T mémoire contre les antigènes viraux est présente des années après la 90 Infection B occulte (n/%) 31 (16) 14 (8) 33 (18) 81 (45) 22 (51) 0 10 (20,4) 21 (15,2) 0 9 (3,8) 12 (36,4) 16 (16) 17 (20) 13 (35) 51 (89) 0 8 (5) 1 (0,6) 19 (18,8) 35 (30) 66 (33) 31 (14,8) 49 (26,2) 8 (6,7) 1 (1,9) 0 Méthodes Nested PCR Single PCR Semi nested PCR Single step PCR Single step PCR Real time PCR Single step PCR Real time PCR Double step nested PCR Single step PCR Single step PCR Single step PCR Double step nested PCR Single step PCR Double step nested PCR Single step PCR Single step PCR Double step nested PCR Single step PCR PCR commerciale Roche Nested PCR Nested PCR PCR commerciale Roche guérison d’une hépatite B aiguë, probablement parce que la persistance d’une infection occulte produit des quantités indétectables d’antigènes capables de maintenir une réponse T efficace [34]. En cas d’immunosuppression, il peut y avoir une réactivation d’une infection B occulte avec un profil sérologique d’hépatite active [35]. On peut donc faire l’hypothèse qu’en cas d’infection B occulte une balance entre le virus et la réponse immune de l’hôte s’établit. Par ailleurs, des cytokines, comme le tumor necrosis factor a (TNFa) et l’interféron c, produites par les cellules T spécifiques, peuvent inhiber l’expression des gènes du VHB à un niveau post-transcriptionnel [36]. Des co-infections peuvent induire une inhibition de la réplication du VHB. Il a été montré que la protéine Core du VHC inhibe fortement la réplication virale B [37]. La surinfection delta a un classique effet inhibiteur sur la réplication virale B qui pourrait aussi être réduite par des agents pathogènes encore non identifiés. D’autres facteurs environnementaux (consommation chronique d’alcool) ou liés à l’hôte pourraient aussi participer à un trouble qualitatif ou quantitatif de la production des antigènes viraux [38]. Virologie, Vol. 12, n° 2, mars-avril 2008 revue Positivité de l’Ag HBs 13 Tolérance immunitaire Charge virale élevée ADN du VHB Log10 UI/ml Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. 11 9 Charge virale intermédiaire Clairance immunitaire 7 Réactivation Immunorestauration 5 Charge virale faible 3 Portage inactif Négativation de l’Ag HBs 1 Indétectable Figure 2. Répartition des charges virales en fonction du stade de l’hépatite chronique (tolérance immunitaire, immunorestauration, portage inactif, hépatite B occulte). Des mécanismes épigénétiques jouent un rôle important dans la régulation de la réplication et de la transcription du VHB qui pourrait être réduite : des modifications, notamment post-transcriptionnelles, pourraient participer à une réduction de la réplication virale [39] rendant compte non seulement de la négativité de l’Ag HBs, mais aussi du taux très faible d’ADN du VHB [1]. Enfin, il faut également signaler alors que l’infection B occulte est généralement associée à la présence d’anticorps anti-HBc, voire anti-HBs, qu’environ 20 % des patients n’ont aucun marqueur sérologique du VHB [40]. Actuellement, on ne sait pas si cette négativité est reliée à une perte progressive de tous les marqueurs au fil du temps après une infection aiguë ou si elle correspond au début de l’infection, ce qui, dans notre pratique, est une situation rarissime. Implications cliniques Même si la pathogénie reste discutée, la majorité des travaux s’accordent pour dire que l’hépatite B occulte n’a pas de traduction pathologique évidente et n’est pas à l’origine d’une hépatopathie chronique. Ainsi dans la plupart des études, les sujets (donneurs de sang, surconsommateurs d’alcool) n’avaient pas de maladie hépatique significative et les patients infectés par le VHC n’avaient pas d’hépatopathie plus sévère en cas d’infection occulte par le VHB. On peut cependant individualiser quatre situations particulières qui ont une signification clinique indiscutable et qui restent la meilleure confirmation de la réalité de l’infection occulte par le VHB. Virologie, Vol. 12, n° 2, mars-avril 2008 Transmission de l’infection à VHB occulte Le risque de transmission sanguine du VHB par des donneurs ayant une infection à VHB occulte existe [41]. L’hépatite B post-transfusionnelle est maintenant un événement rare dans les pays occidentaux [42]. Cependant, le risque résiduel transfusionnel est plus élevé pour le VHB que pour le VHC ou pour le VIH [42]. L’infection VHB occulte des donneurs apparaît comme étant une des causes de ces cas résiduels [43]. L’exclusion des donneurs anti-HBc positifs est donc justifiée et l’utilisation des techniques d’amplification des acides nucléiques, maintenant commercialisées, pour dépister les infections B occultes chez les donneurs de sang est possible mais non encore recommandée. Le risque de transmission de l’infection B occulte par le biais de la transplantation d’organe est également possible. Il est faible pour la transplantation rénale, cardiaque ou la greffe de moelle [44-46]. A l’inverse, il est plus élevé pour la transplantation hépatique puisque les hépatocytes sont le réservoir du VHB avec un risque de 17 à 94 % de transmission avec des donneurs anticorps anti-HBc positifs [47]. Ce risque a justifié une jurisprudence particulière dans le don d’organe et un traitement préemptif systématique chez le receveur d’un greffon hépatique provenant d’un receveur anti-HBc positif isolé [48]. Un patient peut être greffé avec un greffon anti-HBc positif sous réserve d’avoir reçu une information et d’avoir signé un consentement. Il doit être informé du risque de contamination par le VHB et/ou de réactivation virale, des suivis virologiques et sérologique à entreprendre après la greffe et des possibilités thérapeutiques. Le suivi et le traitement dépendront du statut virolo91 revue gique initial du receveur. Celui-ci devra recevoir des immunoglobulines (Ig) anti-HBs pour l’obtention d’un titre de 100 UI/l ou être traité par antiviraux ou recevoir une association des 2 (Ig anti-HBs + antiviraux). Un suivi est également indispensable avec tous les 3 mois : ADN du VHB, Ag HBs, Ac anti-HBc, ± titre des Ac anti-HBs. Ce traitement et ce suivi devront être maintenus à vie si le patient receveur était anti-HBc isolé ou Ag HBs- positif avant la greffe. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. Réactivation d’une infection virale B occulte Il y a un risque de réactivation virale de l’hépatite B occulte à l’occasion d’une immunosuppression : chimiothérapie [35], greffes de rein, de moelle, de foie [49-51], déficits immunitaires [52]. Les nouvelles thérapies immunosuppressives comme les anti-CD20 ou les anti-TNF exposent également à un tel risque [53]. La fréquence de ces réactivations n’est pas claire (de l’ordre de 0,5 % dans notre expérience en transplantation rénale et de 5 % en greffe de cellules souches hématopoïétiques chez les receveurs ayant des anti-HBc). Mais elles posent la question du monitoring, voire même du traitement préventif de la réactivation en cas d’infection occulte identifiée chez les patients à risque, notamment pour ceux ayant des anticorps anti-HBc isolés [54]. La recherche de l’ADN du VHB sérique par PCR se discute dans de tels cas et on peut y associer la recherche de l’Ag HBs qui est un marqueur très sensible de réactivation. Des réactivations virales B peuvent être aussi observées chez des patients n’ayant pas d’ADN viral B détectable dans le sérum mais dans le foie. Maladies chroniques du foie et infection virale B occulte Dans les situations d’immunocompétence, l’infection virale B occulte ne conduit pas à des lésions hépatiques et est donc inoffensive [55]. Si certaines études suggèrent qu’elle pourrait accélérer la progression de la fibrose en cas d’hépatite C associée [24, 56, 57], des études prospectives méthodologiquement correctes doivent être réalisées pour clarifier ce point qui reste à ce jour encore incertain. Il a été aussi rapporté que l’infection à VHB occulte pourrait, chez des patients infectés par le VHC et traités par interféron, être un facteur de non-réponse au traitement [58]. Ce point est, là encore, non validé, et les données sont inexistantes concernant la bithérapie interféron pégylé et ribavirine. Enfin, quelques travaux ont suggéré une association entre infection à VHB occulte et progression de la fibrose chez des patients ayant une maladie hépatique cryptogénétique [12, 59, 60]. Ces patients pourraient avoir eu une hépatite B chronique antérieurement, et avoir constitué des lésions de fibrose à ce moment-là puis au fil du temps avoir perdu l’Ag HBs en gardant une faible multiplication virale [56]. 92 Carcinome hépatocellulaire Autant le rôle pathogène propre de l’infection à VHB occulte est inexistant en dehors des situations d’immunosuppression et le rôle potentiel d’aggravation des lésions de fibrose en cas de VHC associé est discuté, autant le lien entre carcinome hépatocellulaire (CHC) et hépatite B occulte est démontré [1, 40, 61-63]. Pour les CHC de cause inconnue, la fréquence de l’hépatite B occulte varie de 10 à 60 %. L’infection à VHB occulte peut se comporter comme un pro-oncogène par des mécanismes de trans et surtout de cis-activation [64]. Cependant, ce sont plus souvent des réarrangements et de l’instabilité chromosomiques liés à des années d’infection virale B active spontanément résolutive, souvent au prix d’une hépatopathie significative, qui par le biais de la régénération hépatique, sont responsables de la survenue du carcinome hépatocellulaire associé au VHB, même lorsque l’Ag HBs n’est plus détectable. Conclusion L’infection virale B occulte est liée à la persistance dans les hépatocytes de l’ADN viral B superenroulé et à la forte suppression de la réplication virale et de l’expression des gènes. La très grande sensibilité des techniques actuellement disponibles (PCR en temps réel) en permet la détection. Sa prévalence est hétérogène au regard de la zone géographique et du type de population étudiés. Elle n’a pas de rôle pathogène propre en dehors de quatre situations : la réactivation virale dans les situations de forte immunosuppression, la transmission virale à l’occasion de dons de sang ou d’organes (principalement de foie), le possible mais non prouvé cofacteur d’aggravation des lésions de fibrose en cas d’hépatopathie chronique associée et, surtout, le rôle de pro-oncogène faisant de cette affection un facteur de risque reconnu de carcinome hépatocellulaire sur foie non cirrhotique comme sur foie cirrhotique. Références 1. Brechot C, Thiers V, Kremsdorf D, Nalpas B, Pol S, PaterliniBrechot P. Persistent hepatits B virus infection in subjects without hepatits B surface : clinically significant or purely « occult ». Hepatology 2001 ; 34 : 194-203. 2. Brechot C, Hadchouel M, Scotto J, et al. State of hepatitis B virus DNA in hepatocytes of patients with hepatitis B surface antigen-positive and -negative liver diseases. Proc Natl Acad Sci USA 1981 ; 78 : 3906-10. 3. 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