ORL, chirurgie cervico-faciale: Rôle du papillomavirus humain dans
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ORL, chirurgie cervico-faciale: Rôle du papillomavirus humain dans
H i g H l i g H t s 2 011 : O R l , c H i R u R g i e c e R v i c O - fa c i a l e Rôle du papillomavirus humain dans le cancer de l’oropharynx Epidémiologie et répercussions cliniques Martina A. Broglie, Sandro J. Stöckli Klinik für Ohren-, Nasen-, Hals- und Gesichtschirurgie, Kantonsspital St. Gallen Contexte Martina A. Broglie Les auteurs ne déclarent aucun soutien financier ni d’autre conflit d’intérêt en relation avec cet article. En Suisse, l’incidence des cancers de la cavité buccale et du pharynx s’élève à env. 1000 nouveaux cas par an, représentant 3% de tous les nouveaux cas de cancer (Ligue suisse contre le cancer, chiffres 2008). Plus de 70% des tumeurs sont diagnostiquées à un stade tardif et elles sont alors associées à un taux de survie à 5 ans inférieur à 50%. Des études récentes ont montré une augmentation de l’incidence chez les patients jeunes également, malgré une diminution de l’exposition aux facteurs de risque connus que sont le tabagisme et l’al cool [1–3]. Déjà en 1985, dans un travail de Loning et al. [4], une relation avait été supectée entre l’infection par le papillomavirus humain (HPV) et la survenue de cancers de la tête et du cou (head and neck squamouscell carcinoma, HNSCC). Au cours des dernières an nées, cette relation a été confirmée par de nombreuses publications [5–10]. Les HPV infectent 70–80% de la population. Le virus a été reconnu comme étant la cause de maladies bénignes et malignes, particulièrement du cancer du col de l’uté rus. La famille des HPV est composée de plus de 100 gé notypes différents, parmi lesquels il convient de faire la distinction entre les HPV à haut risque ou oncogènes (HPV HR) et les HPV à bas risque (non oncogènes). Une infection à HPV HR (HPV de type 16 dans 90% des cas) constitue un facteur de risque indépendant supplémen taire de survenue d’un cancer de la tête et du cou, avec une prédilection pour l’oropharynx [11]. La raison pour laquelle les cancers des amygdales et de la base de la langue en particulier sont associés à une infection à HPV n’est pas claire. Il est soupçonné que la zone frontière entre l’épithélium pavimenteux et le tissu lymphatique constitue une zone de transformation comparable à celle du col de l’utérus, dont la couche ba sale de l’épithélium à une ou deux couches peut facile ment être infectée. Alternativement, il se pourrait que les cryptes amygdaliennes fassent office de réservoir viral [1, 12]. A côté des études épidémiologiques, des études séro logiques ont confirmé qu’une infection à HPV constituait un facteur de risque pour le développement d’un cancer de la tête et du cou [13, 14]. Mork et al. [15] ont montré que les individus ayant des anticorps antiHPV16L1 détectables à la sérologie présentaient un risque deux fois plus élevé de développer un cancer de la tête et du cou et un risque augmenté de 10 fois de développer un cancer amygdalien. D’Souza et al. [7] ont confirmé ces résultats en constatant une prévalence accrue d’anti corps dirigés contre la protéine tardive L1 et contre les protéines précoces E6 et E7 de l’HPV 16 chez les pa tients atteints de cancers de l’oropharynx (oropharyngeal squamous cell carcinoma, OPSCC). Des études ont montré que des rapports sexuels fré quents et le nombre de partenaires sexuels augmen taient le risque de développer un cancer du col de l’uté rus. Jusqu’à présent, il n’existe pas de preuves établies concernant l’évolution naturelle et les facteurs de risque d’infection oropharyngée à HPV. Il a néanmoins pu être montré chez les patients avec OPSCC qu’un âge jeune lors du premier rapport sexuel, un nombre élevé de partenaires sexuels et en particulier les contacts oro génitaux augmentaient le risque de développer une tumeur HPVpositive [5, 7, 16, 17]. Ainsi, il se pourrait qu’une partie des cancers de la tête et du cou doivent être considérés comme des maladies sexuellement transmissibles [18, 19] et que l’augmentation de la pré valence de ces cancers ait un lien avec les pratiques sexuelles en mutation. Les cancers HPVpositifs présentent des altérations gé nétiques spécifiques liées aux oncoprotéines virales (E6 et E7) (fig. 1 x) [20]. L’oncoprotéine E6 inactive le gène suppresseur de tumeur p53. Alors que les mutations de p53 sont fréquentes dans les cancers HPVnégatifs et dans les cancers associés à la nicotine et à l’alcool, l’on coprotéine p53 de type sauvage est généralement re trouvée dans les tumeurs HPVpositives [2, 21]. L’onco protéine E7 se lie à la protéine du rétinoblastome (pRb), qui est alors inactivée. L’inactivation fonctionnelle de la pRb par E7 conduit à une surexpression de la protéine p16, qui devient dès lors un marqueur des tumeurs in duites par l’HPV (fig. 2 x). Ces altérations génétiques moléculaires permettent de clairement distinguer deux catégories de cancers dans la région de la tête et du cou: ceux induits par l’HPV et ceux induits par des substances toxiques. Sur la base de ces connaissances, Smeets et al. [22] ont élaboré un algorithme pour dépister fiablement un can cer induit par l’HPV, en détectant à la fois l’expression de p16 par immunohistochimie et l’ADN d’HPV HR par PCR. Alternativement, l’hybridation in situ (HIS) est en visageable. Dans des études actuelles, il a pu être mon tré que 20–80% des patients atteints d’un OPSCC étaient HPVpositifs [10, 23–26]. Les données dans la littérature varient fortement, ce qui est à la fois dû à des différences géographiques et culturelles, mais égale ment aux méthodes de détection utilisées. La détection par PCR seule conduit probablement à une surestima tion en raison des contaminations et des colonisations. Lindel et al. ont publié en 2001 des données de pré valence pour la Suisse; celleci s’élevait à 14% au sein Forum Med Suisse 2012;12(1–2):15–17 15 H i g H l i g H t s 2 011 : O R l , c H i R u R g i e c e R v i c O - fa c i a l e d’une population de 99 patients ayant reçu une radio thérapie primaire [27]. La détection a été réalisée par PCR multiplex en utilisant des amorces consensus de L1, une protéine virale tardive. En 2010, dans une étude conduite avec 85 patients, Fischer et al. ont mon tré une positivité de la p16 dans 57% des cas [28]. Une étude rétrospective de tous les patients avec OPSCC traités à l’Hôpital universitaire de Zurich entre 2002 et 2007 (n = 206) a révélé une surexpression de p16 dans 50% des cas (données non publiées). Expérience clinique Chez les patients atteints d’un OPSCC, la stratégie théra peutique (choix entre une radiochimiothérapie primaire Figure 1 Représentation schématique de l’effet de la protéine virale précoce sur le cycle cellulaire. ou une résection chirurgicale avec ou sans radiothérapie adjuvante) est déterminée par une équipe interdiscipli naire, en tenant compte de l’étendue de la tumeur, de la perte fonctionnelle prévisible liée à la résection et à la re construction, ainsi que du souhait du patient. Les patients atteints d’un OPSCC HPVpositif présentent le plus souvent un stade tumoral plus élevé avec une tumeur primaire généralement petite, mais avec des mé tastases ganglionnaires cervicales souvent kystiques [29]. Néanmoins, ces patients présentent un meilleur contrôle locorégional et un meilleur pronostic que les patients avec tumeurs HPVnégatives. Cet avantage en termes de survie est principalement attribué à une plus grande radiosensibilité et chimiosensibilité intrinsèques [27, 30– 32]. Ce constat suggère que la positivité HPV pourrait constituer une indication pour l’initiation d’une radiochi miothérapie primaire. Plusieurs études [33–35] conduites avec des patients traités par chirurgie primaire avec ou sans radiothérapie adjuvante ont néanmoins montré que la positivité HPV de la tumeur constituait en ellemême un facteur pronostique favorable, indépendamment de la stratégie thérapeutique. Parmi les autres raisons potentielles expliquant le meil leur pronostic figurent le nombre plus faible de mutations irréversibles, le risque plus faible de cancérisation en champ (field cancerization) avec une plus faible probabi lité de formation de tumeurs secondaires (dit second field tumors), ainsi que les comorbidités moindres en rai son d’une plus faible consommation de tabac et l’alcool. Par ailleurs, une réponse immunologique à la tumeur HPVpositive pourrait également être coresponsable du meilleur pronostic [18]. Ainsi, des lymphocytes T spéci fiques dirigés contre HPV16E7 ont pu être mis en évi dence chez les patients avec tumeur HPVpositive [36]. Se pose également la question de savoir quels facteurs supplémentaires influencent le pronostic. Un article de Ang et al. récemment publié dans le New England Journal of Medicine [30] a présenté un algorithme de risque, qui se base sur le statut HPV de la tumeur, sur le nombre de cigarettes fumées, ainsi que sur le stade N et sur le stade T. Parmi les patients avec tumeur HPVpositive, les Figure 2 Mise en évidence immunohistochimique de l’expression de p16 dans le tissu tumoral. Forum Med Suisse 2012;12(1–2):15–17 16 H i g H l i g H t s 2 011 : O R l , c H i R u R g i e c e R v i c O - fa c i a l e Figure 3 Stratification du risque encouru par les patients d’après l’algorithme de Ang et al. [30]. fumeurs présentent un risque de mortalité considérable ment plus élevé par rapport aux nonfumeurs (fig. 3 x). Le traitement optimal d’un OPSCC constitue toujours un défi pour l’équipe thérapeutique, l’objectif étant de pré server les fonctions corporelles ayant une influence déterminante sur la qualité de vie, comme le goût, la dé glutition et la parole, sans compromettre les chances de guérison. En raison des effets indésirables à long terme connus de la chirurgie et de la radiothérapie, des efforts sont faits dans le sens d’une désintensification théra peutique. Toutefois, la prudence est de mise: il convient de ne pas exposer les patients avec tumeur HPVposi tive et taux de survie à 5 ans de 80 à 90% à un traite ment insuffisant sans disposer de preuves univoques, car cela pourrait aboutir à un plus mauvais contrôle tu moral et donc à des taux de survie plus bas. Il est beau coup plus raisonnable d’identifier les facteurs pronos tiques déterminants par le biais d’études randomisées prospectives afin de pouvoir entreprendre des ajuste ments thérapeutiques fondés à l’avenir. touchant souvent des patients jeunes qui ne présentent pas le profil de risque connu jusqu’alors. D’autre part, les cancers HPVpositifs sont associés à une très bonne survie, malgré les stades tumoraux avancés. Dans le cas de l’OPSCC, la détermination du statut HPV par mise en évidence immunohistochimique de l’expres sion de p16INK4A et détection de l’ADN du virus HPV par PCR peut être utilisée comme indicateur pronostique fiable. Des études supplémentaires sont néanmoins né cessaires pour déterminer quels sont les facteurs de risque de survenue d’une tumeur induite par HPV, quelles sont les stratégies thérapeutiques optimales pour ce type de tumeur et quels sont les cofacteurs in fluençant le devenir des patients. Correspondance: Dr Martina A. Broglie Klinik für Ohren-, Nasen-, Hals- und Gesichtschirurgie Kantonsspital St. Gallen CH-9007 St. Gallen martina.broglie[at]kssg.ch Conclusion Références recommandées Au cours des dernières décennies, mis à part les déve loppements techniques en radiothérapie et la mise au point des thérapies ciblées, peu d’avancées révolution naires se sont produites dans le traitement des cancers de la tête et du cou. L’identification de l’infection à HPV en tant que facteur de risque avéré de survenue d’un OPSCC, au même titre que le tabagisme et la consom mation d’alcool, a des implications de longue portée. D’une part, le nombre d’OPSCC est en augmentation, – Pai SI, Westra WH. Molecular pathology of head and neck cancer: im plications for diagnosis, prognosis, and treatment. Annu Rev Pathol. 2009;4:49–70. – Ang KK, Harris J, Wheeler R, Weber R, Rosenthal DI, NguyenTan PF, et al. Human papillomavirus and survival of patients with oropharyn geal cancer. 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