Les occupations précaires de bâtiments et terrains

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Les occupations précaires de bâtiments et terrains
Les occupations précaires de bâtiments et terrains communaux (+ Modèle)
Alexandre Ponchaut - Décembre 2012
Les pouvoirs locaux sont un des plus importants opérateurs immobiliers dans notre pays.
La gestion de leur vaste patrimoine, ainsi que l’exécution de leur politique foncière,
implique la réalisation de nombreuses opérations immobilières.
Les municipalités sont ainsi appelées à décider de l’acquisition ou l’aliénation
d’immeuble, d’un changement d’affectation d’un bâtiment déterminé ou, plus
simplement, de la réalisation de travaux de rénovation dans un bien qui leur appartient.
Bien souvent, entre la prise de décision et l’exécution effective de celle-ci, il s’écoule
une certaine période durant laquelle il parait difficile de valoriser l’immeuble. Citons le
cas de la vente de gré à gré d’un terrain qui, pour être exécutée, nécessitera la réalisation
d’une estimation et de mesures de publicité, une analyse des offres, une décision du
conseil ainsi que la rédaction de l’acte authentique[1]. De même, la décision d’affecter un
bâtiment à une nouvelle fonction, comme par exemple l’installation d’un service de
l’administration dans un nouvel immeuble, impliquera le déménagement du personnel
voire éventuellement la passation d’un marché public de travaux pour l’aménagement les
locaux.
Durant cette période, il reste cependant possible de valoriser le bien via le recours à une
convention d’occupation précaire. Grâce à cette convention, le bien restera productif, de
par l’indemnité d’occupation qui sera versée à l’autorité publique. En outre, la présence
dans les lieux permettra un meilleur entretien du bien et limiteront les actes de
vandalisme touchant généralement les biens vacants.
Distinction entre bail et occupation précaire
Le bail est défini comme "un contrat par lequel l’une des parties s’oblige à faire jouir
l’autre d’une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci
s’oblige à lui payer" (C. civil, art. 1709). Lorsqu’il s’agit d’un bail portant sur le
logement affecté à la résidence principale du preneur, sur un bien affecté principalement
à une exploitation agricole ou à un commerce de détail ou un commerce artisanal en
contact direct avec le public, on lui appliquera les règles impératives issues
respectivement de la législation relative au bail de résidence principale, au bail à ferme et
au bail commercial[2].
Ces législations spécifiques prévoient notamment des règles relatives à la durée des
contrats et leur mode de résiliation (motifs, délai de préavis,…). Ces prescriptions sont
inappropriées pour la mise à disposition d’un bien contre rémunération pour la durée
relativement brève séparant la prise de décision à l’effectivité de celle-ci.
La convention d’occupation précaire peut être définie comme "une faculté accordée à
une personne pour l’utilisation d’un immeuble déterminé contre paiement d’un prix,
jusqu’à révocation"[3]. Cette convention ne confère ainsi à l’usager précaire que le
privilège de jouir du bien jusqu’à sa révocation, cette dernière ayant lieu sans indemnité
et pouvant intervenir à tout moment sur simple décision de la part du propriétaire.
Yvette Merchiers établit clairement la distinction entre les deux institutions juridiques en
estimant qu’"il y a occupation précaire, et non bail, lorsque le propriétaire ne concède la
jouissance d’un bien que pour une durée très courte, se réservant le droit de disposer à
tout moment de la chose"[4]. On précisera toutefois, concernant le droit de mettre fin à
tout moment au contrat, que l’occupation précaire peut être combinée avec un
mécanisme de prolongation pour de très brèves durées (par exemple un mois) avec
préavis fixé à très court terme[5].
Un motif comme condition essentielle
Il importe cependant que l’occupation précaire s’inscrive dans un contexte particulier
justifiant ainsi sa conclusion. En effet, la jurisprudence estime que la seule volonté de
contourner les dispositions impératives protégeant le locataire en matière de bail ne peut
constituer à elle seule la motivation de la conclusion du contrat d’occupation précaire[6].
Il est donc crucial que le motif principal soit et reste celui de rendre temporairement le
bien productif, jusqu’à la réalisation d’un évènement spécifique et connu. Concrètement,
l’occupation précaire sera consentie le temps nécessaire à la signature de l’acte
l’occupation précaire sera consentie le temps nécessaire à la signature de l’acte
authentique de vente du bien, jusqu’à la date fixée pour le transfert de propriété, durant
la période précédant le commencement effectif des travaux projetés ou encore pendant la
période précédant l’obtention des permis.
Bien entendu, il appartiendra toujours au juge, s’il est appelé à se prononcer, d’apprécier
souverainement le contexte dans lesquelles la convention a été conclue. Il paraît dès lors
important que ce motif transparaisse clairement dans la convention signée avec
l’occupant. Si le juge venait à considérer que les conditions pour une convention
d’occupation précaire n’étaient pas remplies, il pourrait requalifier la convention en bail
et dès lors appliquer les règles y relatives.
Quelles formalités ?
Les conventions d’occupation précaire ne sont soumises à aucune formalité particulière.
Il s’agit donc d’une convention consensuelle se formant par le simple accord de volonté
des parties. Comme expliqué ci-dessus, il est toutefois recommandé que le motif
justifiant la signature de l’acte se retrouve expressément dans la convention. En outre,
afin d’éviter toute ambigüité, on évitera le recours aux termes ‘bail’ ou ‘location’,
‘preneur’ ou ‘locataire’, ‘bailleur’ et ‘loyer’. On leur préfèrera respectivement les
notions de ‘mise à disposition’, ‘occupant’ ou ‘usager’, ‘propriétaire’ et ‘prix’ ou
‘indemnité’.
La question de l’organe communal compétent pour conclure un telle convention n’est
pas dénuée de pertinence. On rappellera que l’article L1222-1 du CDLD prévoit que
"le conseil arrête les conditions de location ou de fermage et de tous autres usages des
produits et revenus des propriétés et droits de la commune". De manière générale, cet
article vise les actes d’administration qui entraînent des droits mais également des
obligations pour la commune[7]. Or cet article ne peut s’appliquer en l’espèce vu que la
convention d’occupation précaire ne lie aucunement la commune, cette dernière pouvant
mettre un terme au contrat à tout moment et sans indemnité.
Sur le principe de l’occupation précaire, il semble que le collège communal soit
compétent en vertu de l’article L1123-23, 8° du CDLD, et ce à l’instar de permission de
voirie délivrée pour les biens appartenant au domaine public communal.
Par contre, la fixation de l’indemnité devrait selon nous consister en une décision du
conseil communal, conformément à sa compétence générale de régler tout ce qui est
d’intérêt communal (art. L1122-30 du CDLD). On notera toutefois qu’un très ancien
arrêt de la Cour de cassation avait avalisé la décision du collège d’octroyer une
occupation précaire en déterminant le montant de l’indemnité due en contrepartie[8]. Vu
l’ancienneté de cet arrêt et de l’évolution de la jurisprudence et de la doctrine en la
matière, il semble plus prudent de confier au conseil communal la compétence de fixer le
montant de l’indemnité.
Enfin, précisons qu’en ce qui concerne les conventions conclues par un CPAS, cette
compétence appartiendra au conseil de l’action sociale, sauf si celle-ci a été
spécifiquement déléguée au bureau permanent (L. organique de 1976, art. 24 et 27).
Durée et fin de la convention
La durée de l’occupation précaire sera évidemment fonction des circonstances ayant
motivé la conclusion de la convention. Ainsi, sa durée pourra être incertaine (par
exemple, jusqu’à la désignation de l’adjudicataire des travaux) ou préalablement
déterminée (par exemple, la passation de l’acte authentique dont on connaît déjà la date).
Dans un cas comme dans l’autre, la possibilité pour le bailleur de mettre fin au contrat en
cours doit être maintenue. Enfin, on notera qu’il est possible de prévoir un mécanisme
d’une durée reconductible[9].
La convention pourra ainsi prendre fin de plusieurs manières. Généralement, il s’agira
soit de la révocation par le propriétaire, soit de l’expiration du délai convenu, soit de la
réalisation de la condition justifiant la conclusion de la convention.
Concernant la révocation, on rappellera qu’il n’est pas formellement interdit de prévoir
un délai de préavis pour autant que celui-ci soit de courte durée. Si les parties bénéficient
du droit de mettre fin au contrat directement, il importe que cette faculté ne soit pas
utilisée de manière abusive. Comme le souligne certains auteurs de doctrine "chaque
utilisée de manière abusive. Comme le souligne certains auteurs de doctrine "chaque
partie peut donner congé à condition que cela ne soit pas contraire à la bonne foi et à
l’équité. Imaginons que le propriétaire d’une ferme est dans l’impossibilité temporaire
d’exploiter son bien du fait de circonstances particulières. Il en cède l’usage à un
usager A. Il n’est pas admis, selon nous, sauf motifs graves qu’il mette un terme à la
convention d’occupation précaire conclue avec A en vue d’en céder l’usage à un second
agriculteur B. Le juge peut refuser de valider le congé dans un tel cas sur base de l’abus
de droit, étant donné que le titulaire du droit n’a aucun intérêt raisonnable"[10].
Quant au terme de la convention celle-ci met fin automatiquement au contrat. Les partie
peuvent bien évidemment décider par la suite de conclure un nouveau contrat.
Enfin, on insistera sur la nécessité que la convention prenne bien fin lorsque le motif qui
justifie la convention se réalise. A défaut, il y a un risque de requalification du contrat en
contrat de bail.
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[1] V. la circ. du 20.7.2005 rel. aux ventes d’immeubles ou acquisitions d’immeubles par
les communes, les provinces et les C.P.A.S. ainsi qu’à l’octroi de droit d’emphytéose ou
de droit de superficie, M.B. 3.8.2005.
[2] On précisera toutefois que des règlementations spécifiques peuvent déroger à ces
dispositions impératives. Tel est le cas notamment de l’arrêté du Gouvernement wallon
du 30.8.2007 qui prévoit un ensemble de dispositions particulières dérogeant aux règles
relatives au bail de résidence principale, ces dernières ne s’appliquant que de manière
subsidiaire (A.G.W. 30.8.2007 déterminant les critères minimaux de salubrité, les
critères de surpeuplement et portant les définitions visées à l’article 1er, 19° à 22bis, du
Code wallon du Logement, M.B. 30.10.2007). En outre, rappelons que l’application de
l’article 1712 du Code civil permettrait aux communes, selon notamment la lecture de cet
article fait par la Cour constitutionnelle, d’assortir les baux de clauses dérogatoires au
droit commun (C.A. 12.3.2003, n°32/2003 ; V. également P. Blondiau, Les communes et
l’application de la loi relative aux baux commerciaux…quelques éclaircissements,
Mouv. Comm., 12/2003, p. 449, inforum 193.532).
[3] I. Snick et M. Snick, Occupation précaire, Story Publishers, 2010, p.14.
[4] Y. Merchiers, Le bail en général, in Rép. Not., T. VIII, L. I, n°635.
[5] V. Cass. 30.4.1971, Pas., I, p. 782.
[6] V. not. Cass. 17.3.1972, Pas., I, p.671.
[7] Ch. Havard, Manuel pratique de droit communal en Wallonie, La charte, 2011, p.231.
[8] Cass. 17.7.1884, Pas., 1884, p.275.
[9] V. Cass. 30.4.1971, Pas., I, p. 782.
[10] I. Snick et M. Snick, Op. cit., p.53.
Ce document, imprimé le 08-02-2017, provient du site de l'Union des Villes et Communes de Wallonie (www.uvcw.be).
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