Plan de sauvegarde de l`emploi : pas de nullité

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Plan de sauvegarde de l`emploi : pas de nullité
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Plan de sauvegarde de l’emploi : pas de nullité pour
défaut de cause économique
le 15 mai 2012
SOCIAL | Rupture du contrat de travail
La procédure de licenciement ne peut être annulée en considération de la cause économique du
licenciement, la validité du plan de sauvegarde de l’emploi étant indépendante de la cause du
licenciement.
Soc. 3 mai 2012, FS-P+B+R+I, n° 11-20.741
Il était difficile de croire qu’après l’audace de l’arrêt La Samaritaine, selon lequel la nullité du plan
social emportait celle des actes subséquents, dont les licenciements prononcés pour motif
économique (Soc. 13 févr. 1997, Bull. civ. V, n° 64 ; D. 1997. 172, note A. Lyon-Caen ; GADT, 4e
éd., n° 110 ; Dr. soc. 1997. 255, note Couturier ; JCP 1997. II. 22843, note Gaudu), des juges
trouveraient les ressources nécessaires à l’établissement d’un nouveau cas de nullité de l’actuel
plan de sauvegarde de l’emploi, et partant, des licenciements qui en sont la conséquence. C’est
pourtant le tour de force qu’a récemment accompli la cour d’appel de Paris (Paris, pôle 6, 2e ch., 12
mai 2011, RG n° 11/01547) dans un arrêt Viveo qui, en décidant que le défaut de motif économique
rendait sans objet la procédure initiée et entraînait, par voie de conséquence, l’annulation de tous
ses effets subséquents, a suscité de nombreuses réactions en doctrine (A. Lyon-Caen, La nullité
d’une procédure de licenciement collectif pour défaut de motif économique, Dr. ouvrier 2011. 537 ;
G. Couturier, Nullités du licenciement : les audaces de la cour d’appel de Paris, Sem. soc. Lamy
2011, n° 1509, p. 10 ; P. Lokiec, De l’inexistence…, Sem. soc. Lamy 2011, n° 1511, p. 11 ; F.
Favennec-Héry, Recadrer la nullité du licenciement pour motif économique, JCP S 2012. Actu. 35).
La chambre sociale n’a cependant pas suivi la voie empruntée par les juges du fond. Bien au
contraire. Au visa de l’article L. 1235-10 du code du travail, elle rappelle, dans un premier temps,
que, selon ce texte, seules l’absence ou l’insuffisance de plan de sauvegarde de l’emploi soumis
aux représentants du personnel entraînent la nullité de la procédure de licenciement pour motif
économique. Sur ce point, elle suit une jurisprudence constante (Soc. 18 nov. 1998, Bull. civ. V, n°
502 ; D. 1999. IR 11 ; Dr. soc. 1999. 98, obs. Gauriau ; 25 juin 2008, n° 07-41.065 ; Dalloz
actualité, 11 juill. 2008, obs. B. Ines ; RDT 2008. 600, obs. E. Lafuma ; RJS 2008, n° 977 ; Dr. soc.
2009. 118, obs. G. Couturier). Elle en déduit, en revanche, pour la première fois que la procédure
de licenciement ne peut être annulée en considération de la cause économique du licenciement, la
validité du plan étant indépendante de la cause du licenciement.
L’arrêt doit être pleinement approuvé. Il convient, pour s’en convaincre, de rejoindre les arguments
avancés par certains des auteurs précités pour critiquer la position adoptée par la cour d’appel de
Paris et finalement censurée par la Cour de cassation. Cette dernière rétablit une lecture des textes
plus respectueuse de leur lettre et de leur esprit (F. Favennec-Héry, préc. ; G. Couturier, préc.). En
effet, le code du travail différencie nettement, d’une part, ce qui conditionne la régularité du
licenciement et la validité du plan de sauvegarde de l’emploi, ainsi que les sanctions
correspondantes. Au licenciement, le contrôle de la cause réelle et sérieuse, avec principalement
l’octroi d’indemnités ; au plan de sauvegarde de l’emploi, le contrôle de l’existence ou de la
suffisance de mesures de reclassement, avec la nullité du plan et celle des licenciements
consécutifs. La différence se poursuit, d’autre part, sur le terrain du régime juridique de chacun de
ces actes, notamment en matière de prescription (Soc. 15 juin 2010, Bull. civ. V, n° 134 ; D. 2010.
Actu. 1633, obs. L. Perrin ; JCP S 2010, n° 1413, note Morvan ; Dr. soc. 2010. 997, obs. G.
Couturier). Au surplus, la nullité prescrite par les articles L. 1235-10 et L. 1235-11 du code du
travail n’a pas pour objet de faire obstacle au licenciement au cas où le motif du licenciement ferait
défaut, mais procède d’une logique conservatoire qui conduit l’employeur à se conformer aux
exigences légales en matière de plan de sauvegarde de l’emploi avant de prononcer à nouveau des
licenciements (F. Favennec-Héry, préc.). Cette nullité est, enfin, enfermée dans de strictes limites,
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notamment de textes (Soc. 13 mars 2001, Bull. civ. V, n° 87 ; Dr. soc. 2001. 1117, obs. C.
Roy-Loustaunau).
Cela n’a pourtant pas empêché certains auteurs de se montrer plus ou moins favorables à la
solution dégagée en appel et très probablement critique vis-à-vis de celle retenue par la Cour de
cassation. Il a été souligné que « le plan de reclassement, qui est visé par le texte, est une partie
du plan de sauvegarde de l’emploi, qui est lui-même une partie de la procédure, dite d’information
et de consultation, procédure qui, elle-même, suppose, à son tour, une initiative dotée d’un motif
économique » et conclut qu’une telle articulation des textes devait s’imposer (A. Lyon-Caen, préc.).
Une opinion, plus nuancée, conduit à admettre également ce raisonnement, mais en lui appliquant
une autre sanction, à savoir l’inexistence : sans motif économique, il ne peut y avoir de procédure
de licenciement pour motif économique et, encore moins, de licenciement pour motif économique
(P. Lokiec, préc.).
Seulement, à bien regarder l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris dans cette affaire et celui sous
analyse, ce dernier semble éviter une confusion dans laquelle le premier était tombé. Peut-être
serait-il opportun de distinguer le motif et la cause économique, ou encore la cause qualificative et
la cause justificative (J. Pélissier, La cause économique du licenciement, RJS 1992. 527). Le plan de
sauvegarde de l’emploi n’est pas, à proprement parler, « causé », c’est-à-dire qu’il n’a pas à être
justifié par l’existence d’une cause réelle et sérieuse de licenciement. En revanche, il procède bien
d’un motif économique qui ordonne la mise en place d’une procédure et la mise en œuvre de règles
particulières. Ce motif en est, en quelque sorte, la cause efficiente. Or, si la cour d’appel vise bien
le motif – celui qui provoque la mise en place de la procédure –, elle opère un contrôle de la réalité
et du sérieux de la cause économique. En atteste le fait qu’elle déduit l’absence de motif
économique de l’analyse des éléments comptables de la société en question et du groupe auquel
elle appartient qui n’établissent aucune fragilité de l’activité aucune mise en péril de la
compétitivité ni nécessité de sauvegarder celle-ci. En réalité, si défaut de motif économique il
devait y avoir, c’est que la procédure engagée viserait à prononcer des licenciements pour motif
personnel, ce qui conduirait logiquement à requalification et, selon le moment où l’on se situe dans
la procédure, soit seulement à l’inexistence du plan, soit au maintien des licenciements prononcés.
Et encore faut-il qu’à ce stade, la Cour veuille bien accepter de contrôler le motif économique, ce
qu’elle a déjà refusé (Soc. 9 juin 2004, n° 03-12.718, Dalloz jurisprudence).
Site de la Cour de cassation
par B. Ines
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