chapitre xv: autonomie et dependance chez le sujet age

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chapitre xv: autonomie et dependance chez le sujet age
CHAPITRE XV: AUTONOMIE ET DEPENDANCE CHEZ LE SUJET AGE
I- Deux grandes formes de dépendance
II- Différents mécanismes à l'origine de la dépendance
III- La mesure de la dépendance
IV- Etre dépendant … de qui ?
V- La "politique dépendance" en France
Item 64 : Objectifs terminaux
Evaluer le niveau d’autonomie et de dépendance du sujet âgé ; dépister les facteurs de risque de perte
d’autonomie et argumenter les mesures préventives à mettre en place.
Dernière remise à jour : juin 2004
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CHAPITRE XV: AUTONOMIE ET DEPENDANCE CHEZ LE SUJET AGE
L’autonomie se réfère au libre arbitre de la personne alors que la dépendance est définie par le besoin
d’aide. Autrement dit l’autonomie peut se définir par la capacité de la personne à se gouverner soi
même. Elle présuppose la capacité de jugement, c’est à dire la capacité de prévoir et de choisir, et la
liberté de pouvoir agir, accepter ou refuser en fonction de son jugement.
La dépendance, quant à elle, correspond à l’impossibilité partielle ou totale pour une personne
d’effectuer sans aide les activités de la vie. La dépendance des personnes âgées suscite des inquiétudes à la
fois sur le plan individuel et sur le plan collectif : les projections démographiques font craindre une
augmentation du nombre des personnes âgées dépendantes dans les années à venir, ce qui pourrait être
une charge pour la collectivité. Mais on reconnaît par ailleurs que le vieillissement se passe mieux qu'il y
a quelques décennies, et qu'avec l'augmentation de l'espérance de vie, on gagne aussi du terrain sur
l'incapacité : la dépendance n'accompagne donc pas fatalement l'avance en âge. S'il faut éviter tout
pessimisme dans le domaine, il faut néanmoins rester vigilant et se donner les moyens d'intervenir
chaque fois que cela est nécessaire, soit pour prévenir les états de dépendance, soit pour organiser leur
prise en charge dans les meilleures conditions et maintenir ainsi la personne vieillissante à son domicile
le plus longtemps possible.
I- Deux grandes formes de dépendance
Rappelons qu’il existe 2 grandes formes de dépendance :
- la perte des capacités fonctionnelles : elle est le plus souvent la conséquence des déficiences liées au
vieillissement et correspond à la diminution des performances du sujet vieillissant dans la réalisation des
tâches habituelles de la vie.
- la perte de l'autonomie : l'autonomie est la capacité à se gouverner, à faire ses choix, à gérer sa vie ; elle
nécessite l'intégrité des fonctions intellectuelles.
On distingue de façon schématique la dépendance d'origine physique et la dépendance d'origine
mentale. Ces deux formes de dépendance ne sont pas exclusives : si la perte des capacités fonctionnelles
peut survenir chez des personnes aux facultés intellectuelles normales, les états démentiels en revanche
retentissent très vite sur les aptitudes "physiques" de la personne atteinte. Dans les deux cas la personne a
besoin d'avoir recours à un tiers pour pallier ses déficits et ne pas entrer dans une situation de handicap
social : elle a besoin d'aide.
II- Différents mécanismes à l'origine de la dépendance
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L'approche bio-médicale considère la dépendance comme la conséquence des pathologies (on parle alors
de pathologies "invalidantes") et le classique schéma de Wood décrit une succession en chaîne :
déficience, incapacité fonctionnelle consécutive à la déficience, et handicap social.
Des études épidémiologiques sont venues nuancer ce schéma en montrant que la dépendance pouvait
apparaître indépendamment des maladies : la seule perte de l'élan vital, un sentiment d'inutilité, peuvent
favoriser, à moyen terme, l'entrée en incapacité comme si l'individu vieillissant n'avait plus assez de
motivation pour continuer de "fonctionner". La perte des performances serait alors liée à la nonutilisation de la fonction qui serait elle même secondaire à la perte du désir.
L'approche sociologique évoque enfin un troisième mécanisme : l'entrée en dépendance ne serait pas un
phénomène subi mais un choix de la personne vieillissante, une "forme de vieillir". Entrer en
dépendance serait ainsi un moyen pour obtenir de l'aide ou au moins de l'attention de la part de
l'entourage, une façon d'être reconnu.
Il est probable que ces différents mécanismes sont étroitement intriqués et que les facteurs
psychologiques jouent un rôle important dans la survenue de la dépendance, autant que les facteurs biophysiologiques : les stratégies de prévention doivent tenir compte de la pluralité des facteurs étiologiques
et ne pas se limiter à une vision trop strictement mécaniste de la dépendance des personnes âgées.
III- La mesure de la dépendance
Il existe de nombreux outils de mesure de la dépendance. La mesure de la dépendance peut avoir différents
objectifs :
- évaluation de la personne elle-même (dans l’objectif final d’établir un plan de soin)
- évaluation de la charge en soin
- évaluation du coût de la dépendance : le coût direct es souvent d’estimation aisée mais l’évaluation des
coût indirects est beaucoup plus complexe à apprécier.
Les différentes grilles qui existent prennent en compte les activités de la vie quotidienne et affectent des
scores selon que la personne fait seule ou ne fait pas seule telle ou telle activité. Un score global est alors
obtenu en faisant la somme des scores pour chaque activité considérée. Cette méthode des scores ne permet
pas de caractériser avec précision les besoins de la personne et tend à être remplacée par la méthode de la
classification en groupes de dépendance : la personne âgée n'est plus caractérisée par son score global mais
par son appartenance à un groupe. Les groupes illustrent des grandes typologies et sont plus parlants à la
fois pour des cliniciens et pour des acteurs de santé publique. La classification de Colvez distingue ainsi 4
grands groupes de sujets : confinés au lit ou au fauteuil, besoin d'aide pour la toilette ou l'habillage, besoin
d'aide pour sortir, et sujets non dépendants (cf Tableau I). Cette classification permet une description
rapide même si elle est un peu schématique d'une population donnée : elle montre que la proportion de
personnes dépendantes chez les plus de 60 ans est inférieure à 10% pour les sujets vivant à domicile et
qu'elle est proche de 80% pour les sujets vivant en institution.
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Une enquête réalisée par le CREDOC en 1990 donnait des chiffres voisins : 10% des plus de 60 ans vivant
hors établissement présentaient des signes de dépendance physique.
La prévalence des incapacités augmente avec l'âge : plus du quart des personnes de 80 ans et plus sont
dépendantes. Les deux tiers des personnes âgées dépendantes sont des femmes. Toutefois on constate pour
toutes les tranches d'âge une baisse progressive de la prévalence des états de dépendance depuis une dizaine
d'années.
Plus récemment est apparue la méthode des groupes iso-ressources (GIR) qui combine deux logiques de
classification : une logique clinique avec des typologies de dépendance et une logique économique prenant
en compte le besoin d'aide . Ainsi dans un groupe iso-ressource donné on retrouve des personnes qui
requièrent une quantité d'aide comparable. Ce même principe des groupes iso-ressources est à la base des
classifications en groupes homogènes de malades (G.H.M) utilisées depuis plusieurs années par le PMSI
hospitalier : sont classés dans un même groupe les sujets qui consomment la même quantité de ressources.
C'est à partir de la grille AGGIR que les sujets sont classés à l'aide d'un logiciel dans l'un des 6 groupes iso
ressources (cf chapitre XVIII). Les variables prises en compte sont les activités de base de la vie quotidienne
(10 variables classantes).
Les groupes iso-ressources sont utilisés pour décrire des populations vivant à domicile ou en institution.
Ils sont à la base des nouvelles méthodes de tarification en institution : le tarif de prise en charge est
désormais gradué selon le GIR auquel appartient la personne âgée. C'est dans les services de soins de
longue durée que la proportion de résidents lourdement dépendants est la plus importante : 83% sont
classés dans les GIR 1 à 3, 51% sont confinés au lit ou au fauteuil (14% dans les maisons de retraite
publiques sans section de cure médicale) et 28% ont besoin d'aide pour la toilette et l'habillage.
IV- Etre dépendant … de qui ?
L'entrée en incapacité est le plus souvent progressive et c'est généralement l'entourage de la personne
vieillissante qui intervient de façon "informelle" pour pallier ces incapacités et pour aider. Il s'agit au début
d'aides ponctuelles pour les déplacements , pour les courses, puis peu à peu les interventions doivent être
plus fréquentes et la charge s'alourdit pour ceux qui aident. Cette charge est d'autant plus lourde que la
personne âgée a perdu son autonomie mentale : outre les tâches d'aide au quotidien (aide instrumentale)
l'aidant d'une personne intellectuellement dégradée doit faire face à des responsabilités nouvelles. Il devient
peu à peu indispensable et finit par être prisonnier de son rôle. Sa propre santé est alors en danger.
Le médecin de famille occupe une situation privilégiée puisqu'il est le témoin de l'organisation familiale
face à une situation de dépendance, et qu'il peut suivre son évolution dans le temps; il peut apprécier les
ressources de l'entourage et intervenir en cas de défaillance ou d'épuisement de celui-ci. Il proposera alors
des aides professionnalisées : soins infirmiers, aide ménagère ou des services comme le portage des repas à
domicile. Mais il devra tenir compte des liens intra-familiaux qui font que les besoins ressentis par les
aidants informels (le plus souvent des épouses ou des filles) ne coïncident pas toujours avec les besoins
évalués de l'extérieur : il y a parfois une réticence à accepter l'intervention de professionnels et il faut savoir
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attendre "le bon moment". C'est aussi le médecin qui pourra juger de l'opportunité de recourir à l’APA
(Allocation Personnalisée d’Autonomie) en fonction du niveau de dépendance de la personne et de ses
revenus.
Allocation Personnalisée d’Autonomie (APA)
La personne âgée doit appartenir au GIR 1, 2, 3 ou 4.
La demande est instruite par l'équipe médico-sociale du département.
L'évaluation se fait au domicile de la personne à l'aide de la grille AGGIR.
Un plan d'aide est établi en tenant compte de la dépendance et de l'environnement humain.
Il s'agit d'une prestation en nature pour rémunérer du personnel ou des services.
Elle ne finance pas les aides "sanitaires" qui relèvent de l'assurance maladie (infirmières).
Il n’y a pas de récupération sur succession.
L'attribution de la prestation n’est pas soumise à conditions de ressources mais une
participation financière est à la charge du bénéficiaire selon ses revenus (ticket modérateur
dégressif).
Le financement est assuré par le département, les caisses de sécurité sociale et la CSG.
V- La "politique dépendance" en France
Le risque dépendance a fini par être reconnu après de nombreuses années de réflexion à l'échelon politique
; il aurait pu être reconnu au même titre que le risque maladie (comme cela a été fait en Allemagne)
constituant ainsi un cinquième risque couvert par les assurances sociales. Mais c'est un autre choix qui a
été fait dans notre pays et qui s'est concrétisé en 1997 par la PSD (Prestation Spécifique Dépendance). La
PSD qui répondait de manière partielle et trop inégale aux besoins identifiés a été remplacée en 2002 par
l’Allocation Personnalisée d’Autonomie (cf encadré) : cette nouvelle allocation s’adresse à un public plus
large vivant à domicile ou en établissement et lui permet de financer des aides à la vie quotidienne. Ces
aides sont essentiellement constituées par du personnel tel qu’aides ménagères ou auxiliaires de vie mais
elles peuvent aussi être des aides techniques (déambulateur, fauteuil roulant…), des services de téléalarme
ou de portage de repas, des petits travaux d’aménagement du logement. On constate donc depuis quelques
années de réelles avancées en terme de personnalisation de la prise en charge de la dépendance et de
coordination des aides autour de la personne âgée dépendante.
Si des progrès incontestables ont été réalisés en matière de prise en charge de la dépendance installée, il
reste encore des domaines à améliorer parmi lesquels on peut citer :
-
la prévention de la dépendance
-
et les inégalités sociales face à la dépendance.
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La prévention primaire repose sur la prise en charge sanitaire précoce de la population adulte mais aussi
sur la prise en charge psycho-sociale des populations retraitées de façon à les maintenir intégrées dans le
tissu social et à leur apporter les stimuli nécessaires pour qu'elles maintiennent activités et échanges ; la
prévention secondaire consiste à dépister des stades très précoces d'incapacité et à proposer des
programmes d'exercices physiques adaptés pour limiter le déclin fonctionnel : ce type de prévention est
encore à un stade expérimental.
Plusieurs études en population ont montré qu'après 65 ans, le taux d'individus déclarant une incapacité
fonctionnelle augmente lorsqu'on descend dans la hiérarchie sociale. On retrouve donc, dans le domaine
des incapacités fonctionnelles, les mêmes inégalités que celles qui ont été constatées pour l'espérance de vie.
Tableau I - proportion de personnes âgées dépendantes selon la grille de Colvez
(D'après C.Colin et V. Couton - enquête HID- DREES. Décembre 2000)
Classes de dépendance
A domicile
En institution
Confiné au lit ou au fauteuil
0.9%
25.5%
Besoin d'aide toilette ou habillage
2.6%
21.4%
Total dépendance lourde
3.5%
46.9%
Besoin d'aide pour sortir
5.6%
29.2%
Total dépendance
9.1%
76.0%
Non dépendant
90.9%
24.0%
Ensemble des 60 ans et plus
11562000
463000
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