Centenaire de la loi sur les monuments historiques STAP 05

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Centenaire de la loi sur les monuments historiques STAP 05
Centenaire de la loi sur les monuments historiques :
Histoire et panorama des protections dans le département des Hautes-Alpes
Philippe Grandvoinnet, architecte des bâtiments de France, chef du STAP des Hautes-Alpes
Le centenaire de la loi de 1913 fut l'occasion pour le service territorial de l’architecture et du
patrimoine (STAP) des Hautes-Alpes de revenir sur l'histoire des protections au titre des
monuments historiques dans le département. Ce travail a pris la forme d'une exposition
intitulée Patrimoines des Hautes-Alpes – 1913-2013 : centenaire de la loi sur les monuments
historiques, inaugurée le 11 septembre 2013 à la Maison des Chanonges d'Embrun (CLMH
1988). Une copie de l'exposition est présentée sur la façade du musée-muséum de Gap jusqu'à
la fin de l'année 2013. Elle est également consultable en ligne sur la page internet du STAP
des Hautes-Alpes (http://www.culturecommunication.gouv.fr/Regions/Drac-Paca/Actualites/
Provence-Alpes-Cote-d-Azur-en-images/Exposition-Patrimoines-des-Hautes-Alpes-19132013-Centenaire-des-la-loi-sur-les-monuments-historiques).
Patrimoine monumental
Sur les 1082 monuments présents sur la première liste de 1840, quatre seulement se trouvent
dans le département des Hautes-Alpes : l’ancienne cathédrale d’Embrun, l’église Notre-Dame
de Lagrand, le château de Tallard et les « ruines
romaines du Mont-Saléon » mises au jour lors des
campagnes de fouilles de 1804 et 1836. En raison de
leur état de dégradation avancée, les vestiges
antiques de la Bâtie-Montsaléon et le château de
Tallard furent supprimés de la liste de 1846. La
chapelle du château de Tallard, mieux conservée, fut
réintégrée seule à la liste de 1862 (le reste du
château est de nouveau classé en 1969). Fut
également ajoutée à la liste de 1862 l'église SaintVictor de Chorges, dans laquelle on crut alors
déceler
les
vestiges
d’un temple antique,
interprétation par la suite infirmée : l'église fut donc
supprimée de la liste de 1875. Cette nouvelle liste
s'étoffa du tombeau de Lesdiguières (XVIIe siècle) et
de l'église Saint-Marcellin de Névache (XVe siècle),
première église médiévale de Haute-Durance à
bénéficier d'un classement. Elle fut rejointe dans
05 - Tallard – Façade la chapelle du château © Stap 05
les années 1910 par d’autres églises remarquables
pour leur architecture ou leur mobilier, telles Notre-Dame de l'Aquilon à Guillestre (CLMH
1911), Saint-Étienne à Vallouise, Saint-Apollinaire à l'Argentière-la- Bessée (CLMH 1913),
Saint-Laurent à Arvieux, Saint-Martin à Saint-Martin-de-Queyrières ou Saint-Marcellin à
La Salle-les-Alpes (CLMH 1914). Présente sur la première liste de 1840, puis supprimée
de la liste de 1875, l'église Notre-Dame de Lagrand ne fut définitivement classée qu'en 1931.
05 - Saint-Martin-de-Queyrières – Eglise Saint-Martin © Stap 05
05 – La Salle-les-Alpes – Eglise Saint-Marcellin © Stap 05
La loi de séparation des Églises et de l’État transféra en 1905 la propriété des cathédrales à
l’État et celle des églises aux communes : comme les autres cathédrales de France, SaintArnoux de Gap fut classée en 1906, un an seulement après l’achèvement du chantier de
reconstruction (ouvert en 1867), ce qui constitue sans doute le classement le plus précoce
jamais réalisé. La loi de séparation accéléra le processus de protection des édifices religieux
nouvellement entrés dans le patrimoine des communes qui n'eurent pas toujours les moyens –
ou la volonté – de l'entretenir correctement.
L’inventaire supplémentaire des monuments historiques
En 1925, l’ancienne halle d’Abriès (XVIIe siècle) fut le premier édifice haut-alpin à bénéficier
de l'inscription à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques (elle sera en 2013 le
premier édifice à faire l'objet d'une procédure formelle de désinscription, suite à une
intervention malheureuse réalisée dans les années 1950 contre l'avis du service des
monuments historiques). L'inscription à l'inventaire supplémentaire permit la protection
d'édifices civils ou d'éléments de décor qui présentaient un intérêt certain du point de vue de
l'histoire et de l'art, mais sans doute insuffisant pour justifier un classement : fontaines
publiques d'Embrun (ISMH 1927 et 1930) et de Briançon (ISMH 1930), mesure banale à
grains de Mont-Dauphin (ISMH 1944), etc. En inaugurant une nouvelle gradation dans la
protection, l'inscription renforça donc la valeur du classement, réservé aux seuls immeubles
exceptionnels, tout en élargissant le champ des protections à d'autres catégories d'édifices.
Mise à part l'inscription romaine de la chapelle Saint-Marie-Madeleine aux Escoyères
(Arvieux, CLMH 1904 – la chapelle elle-même fut inscrite en 1932), les premières
protections s'attachèrent exclusivement au patrimoine monumental du Moyen-Âge et de la
Renaissance. L'architecture monumentale
des XVIIe et XVIIIe siècles est avant tout
représentée dans les Hautes-Alpes par les
fortifications conçues par Vauban à MontDauphin et Briançon. Les églises furent
protégées les premières : Saint-Louis à
Mont-Dauphin (CLMH 1920) et la
collégiale de Briançon (CLMH 1931), puis
les fortifications de Mont-Dauphin (CLMH
1966), l'enceinte urbaine de Briançon
(CLMH 1979) et les forts qui la complètent
(CLMH de 1989 à 2007).
05 – Mont-Dauphin – Eglise Saint-Louis © Stap 05
Une campagne de protection thématique aboutit en 1990 au classement de plusieurs chapelles
dont l'aspect extérieur est certes fort modeste mais qui renferment des décors peints du XVe au
XVIIIe siècles qui ont fait depuis la réputation du Briançonnais : chapelle Sainte-Lucie à PuyChalvin (Puy-Saint-André), chapelle Saint-André au Monétier-les-Bains, chapelles SaintJacques et Saint-Hippolyte à Saint-Martin-de-Queyrières, chapelle Saint-Pancrace à VillardSaint-Pancrace. Une campagne similaire fut conduite en 2012 sur les chapelles de Pénitents
dont les plus intéressantes seront prochainement proposées à la protection en Commission
régionale du patrimoine et des sites (CRPS).
05 – Saint-Martin-de-Queyrières – Chapelle Saint-Jacques © Stap 05
Ajoutons que ces édifices religieux (protégés ou non) renferment un riche patrimoine mobilier
dont les plus belles pièces sont également classées ou inscrites au titre des monuments
historiques : vêtements liturgiques des XVe–XVIIIe siècles, pièces d’orfèvrerie, statues et
autels en marbre ou en bois peint et doré, peintures sur bois, tableaux, retables baroques, fonts
baptismaux, stalles, chaires, cloches, chandeliers, bannières, ex-voto, harmoniums, lanternes
et bâtons de confréries de pénitents, etc. Les Hautes-Alpes comptent ainsi 678 objets classés
et 2 055 objets inscrits.
L’élargissement du champ patrimonial
05 – Nevache – Cadran solaire
© Stap 05
05 - Gap – Maison néogothique
L'inventaire des cadrans solaires du
département réalisé en 1990 a permis
de protéger les plus remarquables
d'entre-eux dans le Briançonnais et le
Queyras.
A partir des années 1980, l’architecture du XIXe connut un regain d'intérêt,
mais les protections ne touchèrent que
quelques réalisations urbaines de Gap :
manoir de Kapados (ISMH 1988),
maison néogothique de la rue Cyprien
Chaix (ISMH 1989) et chapelle du
Saint-Coeur (CLMH 1990).
A l'exception du téléphérique militaire du Gondran (ISMH 2003) et du monument aux morts
des communes du Queyras (ISMH 2010, issue d'une campagne thématique), le patrimoine
haut-alpin du XXe siècle bénéficia surtout du label du même nom créé en 1999 par le
ministère de la Culture. Ce label assure la reconnaissance des qualités techniques,
architecturales, urbaines et paysagères de réalisations emblématiques pour le département qui
témoignent à la fois des nouveaux usages de la montagne et du passage de la société agropastorale traditionnelle à celle de l'industrie et des loisirs : centrale hydroélectrique, conduite
forcée et barrage, sanatorium, chalets de vacances, stations de sports d’hiver, etc.
Alors que les Hautes-Alpes sont souvent présentées comme un « conservatoire » des
traditions agro-pastorales, peu d'architectures vernaculaires rurales ont jusqu'à présent bénéficié d'une protection au titre des monuments
historiques. L'inventaire topographique réalisé dans
le Briançonnais et le Queyras dans les années 1980
et 1990 par le service de l'Inventaire Général a
donné une connaissance précise du patrimoine
architectural non monumental du nord des HautesAlpes (voir l'ouvrage L'habitat du nord des HautesAlpes, Inventaire général, 1999). Quelques édifices,
bien conservés ou particulièrement représentatifs de
l'architecture rurale, ont alors été protégés, tels
l'ancien moulin à eau de Villar-Loubière, dans le
Valgaudemar (ISMH 1983), les décors peints sur
une maison d'un hameau de La Salle-les-Alpes
(ISMH 1987), la maison Chabrand à Ceillac (CLMH
1991), l'ancien cellier de la « maison Planche » à
L'Argentière-la-Bessée, avec son pressoir (ISMH
1993) ou la maison-ferme à Cervières (IMH 2011).
05 – Villar-Loubière – ancien moulin à eau © Stap 05
Les servitudes urbaines de type Zone de protection du patrimoine architectural, urbain et
paysager (ZPPAUP, dont la loi Grenelle II de 2010 prévoit la transformation en Aire de mise
en valeur de l'architecture et du patrimoine, ou AVAP) mises en œuvre dans quelques
communes (Saint-Véran, Embrun, Remollon, Tallard, Lagrand, Serres) dans les années 1980,
ont certes permis d'adosser la conservation et la mise en valeur de l'architecture domestique à
un règlement précis, mais elles ne couvrent qu'une petite fraction du territoire. Si les plans
locaux d’urbanisme (PLU) patrimoniaux élaborés récemment dans certaines communes avec
l'aide du STAP (à Ribiers, Arvieux ou Aiguilles notamment) identifient précisément chaque
élément du patrimoine vernaculaire, certaines maisons remarquables du Queyras, de la
Vallouise ou du Briançonnais mériteraient de bénéficier de protections spécifiques. Ces
protections ciblées permettraient avant tout d'engager des restaurations dans les règles de l'art,
susceptibles de servir de modèle pour la restauration du patrimoine vernaculaire non protégé
et engager de cette façon une véritable dynamique dans la mise en valeur de cette
architecture.
En 2013, le département des Hautes-Alpes compte 168 monuments historiques dont 64
monuments classés.
La liste complète des monuments historiques du département des Hautes-Alpes est
consultable sur le site de la CRMH : http://www.culturecommunication.gouv.fr/Regions/DracPaca/Politique-culturelle/Conservation-regionale-des-monuments-historiques/Protectionsau-titre-des-monuments-historiques/Monuments-historiques-des-Hautes-Alpes