le travail à la chaîne et sa remise en cause

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le travail à la chaîne et sa remise en cause
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LE TRAVAIL À LA CHAÎNE
ET SA REMISE EN CAUSE
Le concept de division du travail a été développé par A. Smith dans son
exemple de la manufacture d’épingles (1776). Il a inspiré l’ingénieur américain
F. W. Taylor, puis l’industriel H. Ford. Cependant, cette organisation du travail
est critiquée dès la fin des années 1920.
DE L’ORGANISATION SCIENTIFIQUE DU TRAVAIL (OST)
AU FORDISME
q La naissance de l’OST
Dirigeant d’une fonderie, Taylor a des difficultés pour faire travailler efficacement ses
ouvriers. Les ouvriers qualifiés américains de la fin du XIXe siècle, originaires d’Europe occidentale, défendent leur statut (par la « flânerie ») et des salaires élevés, impactant les coûts
de production. Les immigrants d’Europe centrale ou d’Italie constituent un réservoir de
main-d’œuvre disponible bon marché. Souvent illettrés en anglais, il est difficile de les former pour des emplois qualifiés, d’où la réponse apportée par Taylor : adapter les emplois.
q Les principes de l’OST
Taylor fait analyser et chronométrer les gestes des ouvriers de métier par le bureau des
méthodes, qui découpe les tâches productives en opérations simples, afin de trouver « the
one best way », la meilleure manière de faire. Celle-ci s’impose à tous en devenant la norme
de comportement. L’OST repose sur une division horizontale du travail : le savoir-faire
ouvrier est fragmenté en une multitude de tâches élémentaires, exécutables par un personnel peu qualifié, formé sur le tas. Pour le motiver, Taylor impose le « salaire aux pièces »,
une rémunération dépendant du rendement individuel. L’OST est aussi fondée sur une division verticale du travail (stricte séparation entre ceux qui conçoivent et ceux qui exécutent).
L’OST a entraîné des gains de productivité du travail, permettant la baisse des coûts. Elle a
aussi brisé les élans protestaLE CERCLE « VERTUEUX » DU FORDISME
taires du mouvement ouvrier
américain. Enfin, elle a favorisé
OST
l’intégration des immigrants
récents dans la classe ouvrière
et la société américaine.
q Le fordisme,
une rationalisation
accrue du travail
L’industriel H. Ford prolonge l’OST, en cherchant à
éliminer encore plus les
temps morts : au lieu de faire
déplacer la main-d’œuvre
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Gains
de productivité
Augmentation
de la production
Croissance
de l'emploi
Investissements
Croissance
des profits
Augmentation
de la demande
Baisse
des prix
Augmentation
des revenus
des ménages
Croissance
des salaires
vers les matières premières, il les amène aux postes de travail. Ce principe est celui du
convoyeur automatique, base du « travail à la chaîne ».
Ford développe aussi la standardisation des pièces détachées, fabriquées en suivant des
normes imposées, à l’instar de la célèbre Ford T, lancée en 1907, avec un coût de revient
plus faible. L’autre trouvaille de Ford, le salaire journalier à 5 $, a été dictée par la nécessité
de stabiliser les effectifs, confrontés à des conditions de travail très pénibles. A. Gramsci,
auteur marxiste italien, créa le terme « fordisme » pour qualifier un mode de régulation de
l’activité économique où les gains de productivité sont partagés entre l’augmentation des
salaires et celle du profit (voir schéma).
LES CRISES DU FORDISME
q Les effets pervers de l’OST
Dans les années soixante, les générations issues du baby-boom, mieux formées, ayant
satisfait leurs besoins essentiels, sont plus attentives à leurs conditions de vie et de travail.
Confrontées à un travail aliénant et à des
cadences croissantes, elles vont avoir
L’effet Hawthorne :
davantage de difficultés que leurs aînées
pour s’intégrer dans le moule taylorien. De
l’importance des relations
nombreux indicateurs en hausse permethumaines
tent de conclure à une crise de l’OST :
• le coulage (les pièces ratées), devient
Le sociologue américain E. Mayo et son
équipe mènent entre 1927 et 1932 une
plus fréquent;
série d’expériences et d’entretiens dans
• l’accroissement du taux de turn-over ;
une usine de la General Electric, située à
• l’augmentation de l’absentéisme;
Hawthorne (Michigan). En s’intéressant
• la fréquence accrue des conflits du traà un seul « atelier-test », les sociologues
vail (grèves, sabotage de la production…).
observent un accroissement de la pro-
q Une organisation devenue
inadaptée
ductivité dans tous les ateliers, y compris dans ceux sur lesquels ils ne se sont
pas penchés. E. Mayo interprète cette
augmentation générale de la productivité
par les effets de l’attention portée aux
salariés. Les performances des ouvriers
relèvent davantage des relations sociales
du travail que des conditions concrètes
de travail. Il faut aussi prendre en
compte ces relations humaines pour
accroître l’efficacité du travail.
L’accroissement du niveau de vie pendant les Trente Glorieuses a entraîné une
diversification de la demande. Il a fallu segmenter la clientèle en « niches », fabriquer
des produits sur mesure au lieu de vendre
un même produit à tous. L’organisation du
travail fordienne est alors trop rigide. Par
ailleurs, dans un environnement de plus en
plus concurrentiel, il est nécessaire de progresser sur la qualité du produit mais aussi sur la
façon de vendre. Emballage soigné, marketing, services après-vente etc., deviennent cruciaux pour s’attacher la clientèle. Or, le taylorisme repose uniquement sur la rationalisation
du travail direct et ne prend pas en compte ces coûts indirects aujourd’hui fondamentaux.
Le taylorisme repose sur le coût élevé du facteur travail : comme les salaires représentent la majorité des charges, il s’agit de les comprimer par la substitution du capital au travail : les biens d’équipement remplacent de nombreux postes de travail.
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