Liberté, Egalité, Fraternité

Transcription

Liberté, Egalité, Fraternité
Fête Nationale
Allocution de Monsieur le Préfet de la DROME
le 14 juillet 2016
Liberté Egalité Fraternité
18 mois se sont écoulés depuis la première série d'attentats sur notre territoire
18 mois pendant lesquels des hordes de sauvage ont essayé d'ébranler les valeurs
de la République
18 mois pendant les quels le peuple de France est resté fidèle à ses valeurs : la
liberté, l'égalité et la fraternité
Permettez moi, Monsieur le maire, de vous remercier pour donner une opportunité
de les évoquer à l'occasion de la fête nationale.
Dès son avènement La République a mis à bas les symboles de la Royauté, le
drapeau blanc, la fleur de lys et la devise des derniers Roi, "le meilleur au dessus de
tous", et s'est choisi d'autres symboles qui demeurent aujourd'hui encore ceux de la
France, parmi lesquels l'hymne national, le drapeau tricolore, et la devise, Liberté
Egalité Fraternité.
Un hymne, un drapeau, une devise, pour souder une nation, pour montrer le cap,
pour affirmer les principes fondateurs de la République.
L'hymne national, la Marseillaise, nous rappelle que la République appartient aux
citoyens dont le premier devoir est de demeurer prêts à la défendre. Il évoque le
principe fondateur de la Nation en armes et du citoyen soldat, héritage de la Rome
républicaine.
Le drapeau tricolore c'est le trait d'union entre le passé et l'avenir, le bleu, le blanc et
le rouge sont depuis très longtemps déjà les couleurs de la France : le blanc du
panache et de la cornette de commandement royal, le bleu du manteau de France
et le rouge de Saint Denis, ces deux dernières couleurs, elles mêmes unies dans les
armes de la ville de Paris.
Liberté Egalité Fraternité, ambitieuse devise que certains voudraient voir disparaître.
Ceux qui pensent que ce ne sont là que des mots et que les valeurs même que ces
mots incarnent affirment un idéal que l'Histoire aurait contredit depuis longtemps
déjà ;
ceux encore qui voudraient leur substituer des valeurs qui seraient plus dans l'air du
temps, sans réaliser, sans même comprendre que dans ces trois mots là se lit
l'Eternité.
Trois mots pour parler de soi comme on parle de l'autre, pour se reconnaître, nourri
au même sein, abreuvé à la même source, d'une République qui malgré tout ce qui
peut être dit, toutes les critiques qui peuvent lui être faites, demeure généreuse,
bienveillante et protectrice pour chacun de ses enfants.
Liberté Egalité Fraternité, trois mots effectivement, pour parler de l'idéal républicain,
pour parler de l'homme avant tout et de la relation qui doit exister entre chacun,
lorsque chacun s'honore du titre de citoyen.
Et ces trois mots là font écho aux trois couleurs de notre drapeau.
Liberté, Egalité, Fraternité.
La Liberté c'est le Bleu du drapeau, comme l'immensité du Ciel, comme
l'intensité de la Vie !
Liberté individuelle, liberté de conscience, liberté d'expression, liberté de choix,
liberté de pensée, liberté de croire, liberté de devenir tout simplement ce que l'on
est...
La Liberté c'est ce bien si précieux dont on ne réalise le prix que lorsque l'on en est
privé ; le seul bien en définitive qui vaut la peine que l'on se batte pour elle ; le seul
bien pour lequel on peut être prêt à offrir sa vie. Combien d'hommes et de femmes,
ici-même en Drôme, notamment dans le Vercors, ont risqué justement leur vie au
nom de cette Liberté dont ils étaient privés par les nazis ?
La République en a mené des combats au nom de la Liberté. Ceux qui sont morts et
reposent à jamais sous le marbre de la Gloire, ceux qui ont offert leur sang pour la
Mère Patrie, dans les combats d'hier comme dans ceux d'aujourd'hui, nous ont
permis de conserver ou de reconquérir, de préserver ou de restaurer notre Liberté,
celle du peuple tout entier ;
mais en cela celle de chacun, celle du citoyen, celle de l'homme franc qui aspire à
devenir juste, celle de l'homme qui ne souhaite qu'une seule chose demeurer maître
de sa vie, celle enfin de l'homme qui trébuche qui tombe et se relève parce que,
lorsqu'on a tout perdu, le seul bien qui demeure c'est la Liberté.
La Liberté ? Les hommes qui partaient sur le front en 14, plus la peur au ventre que
la fleur au fusil, avec les souvenirs de leurs petites patries, leurs villages de France,
du Nord ou du Midi, ces hommes de vingt ans qui rejoignaient la Somme, la fureur
des combats et la boue des tranchées, avaient au fond du cœur pour seule certitude
qu'ils défendaient ce qu'ils avaient de plus cher : leurs familles et leur liberté.
C'était il y a cent deux ans, c'était seulement hier ! Et l'on crut que cette guerre là
serait enfin la dernière. Ce n'était que le prélude terrifiant d'un autre conflit Mondial.
Et le chaos de 14 engendra celui de 39 ; ce qui restait de la vieille Europe en un
coup s'effondra.
La Liberté, en ce temps là, ce fut l'esprit de Résistance, le refus de se soumettre, de
baisser les bras, la foi en l'avenir, en un mot l'espérance, qui anima tant de femmes
et d'hommes, jusqu'au dernier combat.
La liberté, ce furent les héros anonymes, les justes parmi les nations, tous ceux qui
refusèrent les lois abjectes du régime de Vichy et l'ignominie du nazisme.
La liberté, enfin, ce furent encore, les enfants courageux qui bravèrent l'occupant
pour célébrer les morts de la dernière guerre.
Tout ce qui fait de chacun de nous un homme, tout ce qui nous rend meilleur, tout ce
qui nous permet de croire en la vie et de croire au bonheur; tout cela s'appelle
Liberté.
Oui, l'esprit de Résistance était l'esprit de Liberté. C'est celui qui anima, en 1944, il y
a tout juste soixante douze ans, des soldats venus du monde entier et des soldats
venus de France, La France de Londres, du Général de Gaulle, la France de
l'Empire et de Félix Eboué et la France de l'Intérieur, unie par Jean Moulin, pour
mettre à bas la barbarie nazie, régime inique de terreur et d'effroi qui s'était bâti sur
la haine, l'aliénation et le crime.
Dans la liesse de la Victoire, dans l'allégresse de la Libération, on se prit à rêver que
l'on pouvait réinventer le Monde, et la France que l'on voulut rebâtir se fondit sur un
nouveau Pacte républicain ; celui du Conseil National de la Résistance, celui d'une
certaine idée de la France ; il porte en lui l'esprit de Résistance, il porte en lui l'esprit
de Liberté.
Ce pacte là demeure et y porter atteinte, c'est porter atteinte à la Liberté.
Liberté, Egalité, Fraternité,
L'Egalité : c'est le blanc du drapeau ! Le blanc de la mesure, le blanc de l'unité
qui s'impose au delà des opinions et des appartenances.
Le blanc, c'est la couleur des Rois et celle de la souveraineté, dont aujourd'hui
chacun de nous est dépositaire, puisque nous sommes le Peuple souverain.
Puisque nous incarnons ensemble cette souveraineté, il ne saurait y avoir entre nous
une quelconque hiérarchie de droit.
Puisque nous formons ensemble le corps souverain chacun de nous conserve en lui
une part de cette souveraineté : seuls nous ne sommes rien, ensemble nous
sommes tout.
Cela veut dire que le plus fort d'entre nous n'est rien sans le plus faible, le plus riche
sans le plus pauvre, le plus talentueux sans le moins doué. Il ne s'agit pas de définir
à chacun une place, mais bien de considérer que chacun de nous, là où il se trouve,
est essentiel à l'autre.
C'est cela l'égalité. Et pas simplement l'égalité des droits.
L'égalité c'est la conscience que nous formons un seul peuple, par la diversité de ce
que nous sommes, de nos appartenances multiples ; par nos différences, que nous
devons reconnaitre et accepter sans qu'elles soient tout pour nous, sans qu'elles
s'imposent à nous mêmes et aux autres.
Nous devons les reconnaître, parce que ces appartenances multiples fondent nos
identités : individuelles, collectives, plurielles ; parce qu'elles sont notre richesse
personnelle et celle de notre société, mais nous devons savoir aussi les dépasser,
pour mieux aller vers l'autre et pour mieux le comprendre.
Je ne dis pas qu'importe que nous soyons bretons, basques ou alsaciens, picards ou
drômois; je ne dis pas qu'importe que nos racines soient algériennes,
camerounaises, russes, allemandes, italiennes ou portugaises; je ne dis pas
qu'importe ; je dis bien quelle chance !
Mais l'égalité c'est bien sûr la chance qui est donnée à chacun de devenir ce qu'il
souhaite être, de devenir ce qu'il est. L'égalité c'est l'apprentissage pour tous de la
citoyenneté, l'acquisition des savoirs, l'éducation civique et républicaine, qui
complète l'éducation des parents, sur les mêmes bancs d'école, quelles que soient
nos origines, quelles que soient nos croyances ou nos religions, quels que soient nos
talents, quelles que soient nos fortunes.
L'égalité c'est faire ainsi l'apprentissage du vivre ensemble et de la tolérance et c'est
aussi l'égalité des chances, à l'école, au collège, au lycée et à l'Université, pour que
notre société continue à se bâtir, continue à vivre, non pas sur la reproduction des
inégalités, mais bien sur le brassage des intelligences et l'émergence des talents.
L'égalité constitue l'un des piliers de notre Contrat social, c'est parce que nous
affirmons notre confiance en l'autre, parce que nous le reconnaissons pareil à nousmêmes, parce que nous partageons les mêmes droits et les mêmes devoirs que
nous pouvons vivre ensemble et bâtir notre avenir personnel autant que notre avenir
commun.
Ces mêmes droits, ces mêmes devoirs déterminent la cohésion sociale ; lorsque le
sentiment d'égalité est fragilisé alors la cohésion du corps social est ébranlée. C'est
parce que les uns ou les autres nourrissent à tort ou à raison le sentiment de
l'exclusion ou simplement du mépris que vivre ensemble devient soudain plus
difficile.
La peur, la haine et le racisme, qui résultent d'un repli sur soi individuel ou collectif,
conduisent à d'autres replis sur soi personnels ou communautaires. Le rejet de
l'autre que l'on refuse d'accepter comme son égal provoque son propre refus de se
reconnaître dans la communauté nationale.
Liberté, Egalité, Fraternité.
La fraternité c'est le rouge du drapeau, le rouge du sang versé, le rouge de la
passion et du dépassement de soi ; le rouge de la volonté et du don de soi.
La fraternité est une valeur religieuse pour les uns, maçonnique pour les autres ;
c'est une valeur républicaine avant tout. Peut-être la plus difficile à comprendre des
trois valeurs républicaines.
Il ne s'agit pas simplement de solidarité, ce bel élan d'humanité qui nous pousse vers
l'autre quand l'autre demeure malgré tout un étranger.
Non il ne s'agit pas de ce don mesuré pour l'inconnu qui passe, mais bien de ce don
total de soi-même pour celui que l'on reconnait dans un même sentiment
d'appartenance, au travers d'une même filiation.
La fraternité s'impose à nous par la naissance, nous ne la choisissons pas, elle est le
lien du sang.
Pourtant, parce que nous sommes de la même mère ; parce que nous avons grandi
au même foyer, parce que nous avons partagé tant de choses ; parce que nous
avons avancé sur le même chemin ; pour toutes ces raisons, et pour bien d'autres
encore, les liens qui nous unissent sont le plus souvent indéfectibles.
Alors, pouvons-nous voir tous nos amis en frères ?
Pouvons-nous voir tous ceux qui nous entourent aujourd'hui, tous ceux que nous
rencontrerons demain, ceux qui passent, comme ceux qui restent, ceux qui sont nos
amis, et ceux qui aujourd'hui ne nous sont rien encore ; pouvons nous les voir
comme unis à nous dans cette fraternité citoyenne à laquelle nous invite la
République ?
Oui, bien sûr ! Oui sûrement ! Oui évidemment !
Parce que si nous ne nourrissons pas ce sentiment là, qui n'est pas simplement un
sentiment d'appartenance,
alors la liberté et l'égalité ne valent rien.
Si nous demeurons repliés dans le champ clos de nos vanités ; dans l'assurance de
notre respectabilité ; dans la certitude de notre réussite ; dans le confort douillet de
nos petites habitudes ; dans la plénitude de la douceur familiale ;
et même, si nous nous contentons de nous apitoyer sur nous-mêmes, sans jamais
aller vers l'autre ; si nous nous replions sur nos propres détresses ; si nous fermons
les yeux au monde qui nous entoure ou pire encore si nous ne les conservons
ouverts que sur le seul écran de notre téléviseur ;
alors la liberté et l'égalité ne valent rien.
Que sommes-nous sans les autres ? Que faisons-nous pour les autres ?
Ces questions là sont des questions républicaines et elles sont essentielles : elles
sont républicaines parce qu'elles sont civiques ; elles sont essentielles parce qu'elles
concernent chacun d'entre nous.
La République ne parle pas de compassion, de charité ou de miséricorde.
La République parle de fraternité ; c'est à dire de reconnaissance, quand bien même
on ne se connait pas ; c'est à dire de filiation, quand bien même le sang qui coule
dans nos veines est un sang cent fois mêlé ; c'est à dire d'appartenance commune,
quand bien même nos appartenances sont multiples.
La République nous parle d'une fraternité de cœur et d'esprit, une fraternité qui va
bien plus loin que l'acte solidaire, elle nous demande de nous investir au service de
l'autre, partout où le vivre ensemble se vit à la mesure de l'idéal républicain.
La fraternité ce sont ces jeunes qui chaque année font le choix d'un service civique
ou de tout autre volontariat, dans des associations de quartier, des ONG ou des
institutions internationales ; la fraternité ce sont ces hommes et ces femmes qui
donnent chaque année un peu plus de leur temps dans les associations qui viennent
en aide aux autres ; la fraternité c'est le bénévolat, le service gratuit pour redonner à
tous ceux qui un jour se sont arrêtés sur le bord de la route, toute leur dignité et la
confiance en eux mêmes. La fraternité c'est l'engagement, quel que soit le sens
qu'on lui donne, pourvu que ce soit pour le bonheur des autres.
La fraternité c'est la main que l'on tend sans rien attendre en retour.
Liberté, Egalité, Fraternité,
chacun de ces mots, chacune de ces valeurs se répond l'un à l'autre.
La Liberté ? Elle ne trouve pleinement son sens que parce que les hommes sont
égaux dans une société fraternelle.
L'Egalité ? Elle est l'apanage des hommes libres qui se reconnaissent comme frères.
La Fraternité ? C'est l'engagement égalitaire d'une Humanité libérée de ses chaines.
Nous célébrons aujourd'hui la Fête Nationale et comme chaque 14 juillet, nous
éprouvons de la fierté et de la joie à nous retrouver, à partager un moment de
convivialité. Ce moment est important pour la communauté nationale qui témoigne
en ces instants de sa cohésion, de son unité, de sa volonté de conserver l'héritage,
de maintenir la flamme.
Liberté, Egalité, Fraternité, c'est ce qui nous rassemble, sous le pli du drapeau mais
nous savons bien que tout cela est fragile. Nous savons bien que tout peut basculer
si nous ne savons pas faire vivre et transmettre notre idéal républicain.
Nous savons bien que nous pouvons tout perdre, alors sachons préserver et
défendre l'essentiel. Liberté, Egalité, Fraternité : tout est là, tout est dit, c'est la
République et c'est notre avenir.