La Lettre de l`IPSE

Transcription

La Lettre de l`IPSE
La Lettre de l’IPSE
Institut Prospective et Sécurité de l’Europe
« Association loi 1901 »
Lettre bimestrielle d’information n° 86 - mai/juin 2006
SOMMAIRE
EDITORIAL
Page 2 : « Des animaux et des hommes »
Marie-Christine JAMELIN
NOS ACTIVITES
Prochaine conférence
le 30 juin 2006 à 17h00
« La Géorgie, un enjeu
stratégique pour la politique
de bon voisinage »
Autour de Monsieur Gocha
LORDKIPANIDZE
Conseiller diplomatique du Premier
Ministre de la République de Géorgie
SÉNAT (Salle Gaston Monnerville)
15ter rue de Vaugirard - 75006 Paris
Métro Odéon (ligne 10 et 4) ou
station Luxembourg (RER ligne B)
Page 4 : « Elargissement : la Bulgarie, médiateur de paix et de
stabilité pour l’Europe ? »
Page 5 : « Les dernières élections palestiniennes et israéliennes : quelles
conséquences pour la paix ? »
Page 7 : « Effets de l’élargissement de l’Union Européenne sur les
relations entre l’Afrique et les Pays de l’Europe Centrale et Orientale ? »
LES TRIBUNES
Page 12 : « Des actions civilo-militaires (ACM) à la coopération
civilo-militaire (CIMIC) », colonel François CHAUVANCY
Page 14 : « La question du Liban, un laboratoire de réflexion sur les
symptômes de la mondialisation », Karim SADER
Page 18 : « L’industrie européenne de l’armement terrestre : le domaine
des véhicules militaires. En ordre dispersé... ? », Cedric PAULIN
NOS LECTURES
Page 31 : « La géosociologie de l’Asie centrale du Sud »,
Géostratégiques n°12, avril 2006
Page 33 : « Face à la guerre », Louis GAUTIER
Page 34 : « Demain la francophonie », Dominique WOLTON
Page 36 : « Géopolitique du pétrole », Philippe SEBILLE-LOPEZ
Page 38 : « L’enjeu turc », Philippe SEBILLE-LOPEZ
Page 40 : « Survivre », Jean-François DENIAU
Page 42 : « La double défaite du renseignement américain », Franck DANINOS (Collection Géopolitique)
Page 45 : Commentaire « Inflexion », Thierry COSTEDOAT
Directeur de la Publication : Nicolas LANONIER
Rédacteur en Chef : Ghislain FAUQUET
EDITORIAL
Des animaux et des hommes
Doit-on - et peut-on - encore faire
une distinction entre l’homme et l’animal ?
L’homme n’est-il pas, tout banalement, un
animal… un animal pensant, certes, mais
un animal tout de même ?
Un adage dit « l’homme est un loup
pour l’homme ». Ces mots n’ont jamais été
aussi vrais : en fin de compte, l’homme est
peut-être même pire que le loup !
Parmi ses très nombreuses fables,
Jean de La Fontaine a pu écrire « Les
animaux malades de la peste ». Et si toutes
ses fables parlaient d’animaux, ça n’était
que pour mieux définir et mettre en avant
les qualités et défauts de l’homme. S’il était
encore avec nous aujourd’hui, la simple
observation du quotidien lui procurerait
mille occasions de publier de nouvelles
fables ! Une simple lecture des journaux ou
une écoute attentive des informations radio
et télévisuelles lui donnerait l’inspiration
suffisante pour accroître sensiblement le
volume de ses écrits. Certains hommes
- pardon je veux dire certains animaux ne seraient-ils pas malades de la rage ou
devenus fous ?
Quel nom d’animal pourrait-on
donner à celui qui ordonne de brûler vifs
des volailles, des oiseaux ou de les noyer
au nom d’un ‘’principe de précaution’’ et
d’une lutte sans merci contre ce qui a fait
la une de l’actualité pendant plusieurs mois,
‘’la grippe aviaire’’ ? De même, quel nom
pourrait-on donner à ceux qui ont ordonné
de décimer des troupeaux entiers de vaches
au nom d’une lutte impitoyable contre la
maladie de la « vache folle » ou de faire
abattre des troupeaux entiers de moutons
en vertu d’une guerre sans relâche contre la
« tremblante du mouton » ? Ceux-la mêmes
qui ont conduit ces actions n’auraient-ils pas
été mieux avisés de prendre des mesures
en amont des crises, mesures souvent de
simple bons sens - qui ne semble hélas plus
la chose la mieux partagée au monde !
Quel nom d’animal pourrait-on
donner à ceux qui mettent des débris de
verre dans le miel des ours des Pyrénées ?
Quel nom d’animal pourrait-on
donner à ceux qui font avaler de la drogue
à leurs chiens avant de les éventrer pour
récupérer sans risque mais avec combien
de profitabilité leurs produits de mort ?
Quel nom d’animal pourrait-on
donner à celui qui viole un bébé, torture,
brûle et martyrise un autre être humain par
simple plaisir ou comme simple loisir ?
Quel nom d’animal pourrait-on
donner à ceux qui sèment la mort par des
actions terroristes, au nom de principes
religieux ou prétendus ‘’supérieurs’’ ?
En ce début de XXIe siècle, la liste
est malheureusement encore très longue …
et l’arche de Noé n’y suffirait pas.
Je crois qu’en tout état de
cause, il serait plus simple de l’appeler
seulement « humain », si le terme convenait,
ce qui ne me semble pas le cas … Alors
gardons « homme » qui définit à lui seul la
barbarie, la cruauté, la bêtise !!!
du reste du monde ? Comment nommer les
médias qui véhiculent ces ragots, comment
nommer ceux qui les écoutent ?
Enfin, qui peut nous permettre
d’appeler « corbeau » l’homme qui dénonce,
manipule, déstabilise un pays tout entier et
le rend ridicule aux yeux de ses partenaires
En fin de compte, ne sommes nous
pas tous des « PIGEONS » ? Marie-Christine JAMELIN
Avertissement :Les articles n’engagent que leurs auteurs
N O S
A C T I V I T E S
Conférence débat
Elargissement : la Bulgarie, médiateur de paix
et de stabilité pour l’Europe
Invitée par l’Institut Prospective et Sécurité de l’Europe (IPSE) et les Jeunes Européens Professionnels à répondre à la question : «Quelle Bulgarie dans l’Europe», son Excellence Madame Irina Bokova, ambassadeur de Bulgarie en France, a confirmé que son pays était plus que jamais prêt à rejoindre la grande famille européenne.
A quelques jours de la présentation, le 16 mai, du rapport d’évaluation de la
Commission Européenne sur l’état de préparation de la Bulgarie et de la Roumanie en vue
de leur adhésion à l’Union Européenne normalement prévue pour le 1er janvier 2007, Irina
Bokova a su rappeler dans un langage franc et sans détour l’importante signification de cet
évènement pour l’Europe.
Madame Bokova a insisté sur le fait que, pour la Bulgarie, l’intégration européenne
a toujours eu un fort sens politique dépassant l’aspect purement économique.
En faisant partie de l’Europe réunifiée, la Bulgarie, forte de son expérience,
contribuera à l’établissement de la sécurité et de la stabilité en Europe et notamment dans
l’ensemble de la région des Balkans. La Bulgarie peut en effet servir d’exemple dans ce
domaine. Le pays, qui n’a jamais connu de conflit ethnique ou religieux dans son histoire, a su
construire progressivement une société «pluraliste et tolérante» dans laquelle les différentes
minorités sont parfaitement intégrées. Dans un avenir plus ou moins proche il est important
que tous les pays de la région des Balkans soient réunis au sein de l’Union européenne.
Irina Bokova n’a pas non plus manqué de mentionner les très fortes relations que
son pays entretient depuis longtemps avec certains pays d’Europe du Sud-Est ou encore du
Caucase, qui font, selon elle, de la Bulgarie un membre très intéressant qui pourra jouer un
rôle particulier dans les politiques géostratégiques de l’UE.
Madame Bokova estime par ailleurs que les progrès socio-économiques accomplis
par la Bulgarie dans le processus de préparation à l’adhésion ont été très importants compte
tenu de la transition difficile que le pays a dû surmonter depuis la chute de l’Union soviétique,
transition aggravée par le contexte de guerre yougoslave des années 90.
En ce qui concerne la réforme du système judiciaire, qui pose notamment encore
des problèmes dans le cadre des critères de Copenhague, Mme Bokova a réaffirmé que
le gouvernement bulgare continuait chaque jour ses efforts pour améliorer son système
législatif de lutte contre la criminalité et la corruption, un nouveau code pénal est également
sur le point d’être élaboré.
Jean-Michel FLOCH’LAY
Président de « Fenêtre sur l’Europe »
Dîner débat IPSE
Mardi 2 mai 2006
Avec Frédéric ENCEL, Docteur en Géopolitique, Professeur de Relations Internationales, Consultant en risques pays.
Les dernières élections palestiniennes et
israéliennes : quelles conséquences pour la paix ?
Dans le cadre de la présentation de l’ouvrage codirigé avec Eric KESLASSY :
« Comprendre le Proche Orient : Une nécessité pour la République »
Editions Bréal, 2005, 21 €
Les évènements qui se déroulent
au Proche-Orient depuis une cinquantaine
d’années ne peuvent nous laisser
indifférents. Le conflit israélo-palestinien
présente en effet un risque majeur pour
notre pays : celui de voir importer le conflit
sur notre sol (par les islamistes) : Tel est le
point essentiel que nous retiendrons des très
riches propos tenus par Frédéric ENCEL qui
s’est exprimé au cours d’un dîner débat le 2
mai dernier dans le cadre de la présentation
de son ouvrage ‘’Comprendre le ProcheOrient : une nécessité pour la République’’.
Pour
Frédéric
ENCEL,
paradoxalement, le Proche-Orient n’est pas
aussi explosif qu’on le dit. N’en prenons
pour simple preuve le fait qu’aucun régime,
ni au Proche-Orient, ni au Moyen-Orient
n’ait été renversé par la rue depuis plus de
trente cinq ans (Egypte-1970). Si la situation
qui prévaut dans cette partie du monde ne
peut être qualifiée d’explosive, elle est par
contre extrêmement complexe et l’objet de
subjectivités importantes : il est en effet
important de comprendre les populations,
sans, bien sûr, excuser les évènements ou
les justifier.
Avec la liberté de ton qui le
caractérise et le rien provocateur qui est le
sien, Frédéric ENCEL nous livre les clés de
son analyse au travers de sa compréhension
d’Ariel SHARON, acteur essentiel des
dernières années. Le Premier ministre
israélien agit en fin stratège lorsqu’il décide,
à l’automne 2003, du retrait des troupes
israéliennes de Gaza. Sa vision stratégique
est claire : Au-delà du simple respect d’un
accord, il cherche à minimiser les risques
pour Israël, estimant que son pays a plus de
chances de vivre en paix ‘’sans Gaza’’ plutôt
qu’ ‘’avec Gaza’’. Et ce choix fait en fonction
des seuls intérêts supérieurs de l’Etat n’est
pas anodin à un moment où la crédibilité de
Yasser ARAFAT chute et où les sympathies
du Président BUSH sont affirmées. Ainsi
la tension diminue-t-elle réellement sur le
terrain pendant quelque temps où prévaut
pendant trois à quatre ans un ‘’optimisme
relatif’’ … jusqu’aux élections palestiniennes
qui marquent le rejet de trente années
de corruption et d’inanité, selon Frédéric
ENCEL.
L’évolution que choisira l’Iran dans
les mois à venir est aussi déterminante
pour l’avenir de la région. C’est un acteur
clé qui, selon Frédéric ENCEL, a le droit,
conformément à l’article 51 de la Charte des
Nations Unies de se doter de moyens de
défense, à titre préventif, ajoutant cependant
que les Israéliens ne permettront jamais à
l’Iran d’acquérir l’arme nucléaire.
Et l’Europe dans tout cela, quel est
son rôle concret ?
les participants au dîner débat, force est de
constater la faiblesse européenne alors que
les risques de ‘’captation’’ identitaire par nos
banlieues n’ont jamais été aussi grands !
Le pire est peut-être devant nous ! D’où
l’impérative nécessité pour notre République
de comprendre le Proche-Orient !
Le constat dressé par le conférencier
est plutôt sévère pour l’Europe qui a montré
une certaine fermeté et qui possède des
moyens, mais n’a ni vision stratégique ni
volonté politique : Que veut l’Europe ? On
ne le sait pas ! Que propose-t-elle ? Rien !
« L’indifférence aux affaires du monde », c’est
bien là le plus dommageable, dit Frédéric
ENCEL ! Même si le terme semble excessif
et a été largement discuté par la suite avec
Jean-Pierre PETIT
***
Effets de l’élargissement de l’Union Européenne sur les Relations
entre l’Afrique et les Pays de l’Europe Centrale et Orientale
Ndlr : Nous retranscrivons ici l’intervention prononcée à l’ambassade de Roumanie en France, le
Jeudi 4 mai dernier, par Victor Emmanuel Djomatchoua Toko, Ancien Ambassadeur-Secrétaire
Exécutif de l’Union Africaine auprès de l’Union Européenne à Bruxelles et Représentant Spécial
à Bruxelles du Cabinet d’Ingénierie Stratégique pour la Sécurité (CI2S). C’était à l’occasion du
colloque « Pour une Nouvelle Recherche de Synergie entre l’Afrique et l’Europe Centrale et
Orientale (PECO) », co-organisé par le CIFER (Centre International Francophone d’Echanges et
de Réflexion, présidé par l’Ambassadeur honoraire du Sénégal, Henri Senghor) et le Partenariat
Eurafricain, sous l’égide de son Secrétaire général Joël Broquet. L’IPSE y était représenté par notre
Secrétaire-général, Emmanuel Dupuy, qui a présidé les deux tables rondes et assuré la modération
du débat. L’IPSE se fera par ailleurs l’écho de la parution des actes de ces très riches débats.
*****
Je dois remercier les organisateurs qui ont bien voulu m’inviter à participer à ce
colloque sur le thème : « Pour une Nouvelle Recherche de Synergie entre l’Afrique et
l’Europe Centrale et Orientale (PECO) ». J’exprime mes hautes appréciations à l’endroit de
l’Ambassade de Roumanie pour le cadre si accueillant mis à la disposition du colloque.
J’ai eu l’honneur de servir, pendant 25 ans, l’Organisation de l’Unité africaine (OUA)
et l’Union africaine (UA) à Addis-Abéba, et le privilège de les représenter longtemps auprès de
l’ONU et de l’UE à New York, Genève et Bruxelles. Cette expérience, qui me colle à la peau,
a renforcé en moi une très grande sensibilité pour toute entreprise multilatérale susceptible
de créer des synergies d’actions de coopération et de solidarité entre les peuples.
J’encourage donc votre heureuse initiative d’avoir organisé la présente rencontre ;
raison pour laquelle j’ai accepté volontiers d’être parmi vous et de présenter ma
contribution sur le sujet qui m’a été proposé, à savoir: « Effets de l’élargissement de l’Union
Européenne(UE) en 2004 sur les relations entre l’Afrique et les pays de l’Europe Centrale et
Orientale(PECO) ».
Je traiterai de ces effets, davantage sur les relations entre l’Union Européenne et
l’Afrique, que sur celles plus directes qui relèvent de la coopération bilatérale entre l’Afrique
et les PECO. Je partagerai avec vous quelques réflexions sur la nécessité d’une vison à long
terme plus globale et inclusive des relations Europe-Afrique. Et ce, dans la perspective de
la redéfinition sans doute nécessaire d’une politique plus rassurante et d’une pratique plus
conséquente. Ces réflexions s’articuleront autour de quatre questions : 1) l’élargissement
comporte-il des risques pour l’Afrique ? 2) Constitue-t-il, au contraire, un atout pour tous ?
3) Une coopération plus équilibrée et plus attentive est-elle nécessaire et souhaitable ? 4)
Dialogue Europe-Afrique : quelles perspectives pour l’avenir ?
1. Elargissement : risques pour l’Afrique ?
Avant, pendant et après l’adhésion des PECO à l’UE, il était, et reste généralement
présumé que les effets de l’élargissement de l’UE aux PECO seraient sinon désastreux, du
moins négatifs pour les pays africains dans le cadre de leurs relations de coopération avec
l’Union Européenne. Qu’en est-il 2 ans après cette adhésion?
L’admission, au 1er mai 2004, des dix PECO comme nouveaux membres de l’UE
étant relativement récente, il paraît assez tôt pour apporter une réponse absolue et complète
à cette question bien complexe. Je n’ai donc pas la prétention de le faire. Mais, je voudrais
donner mon point de vue en me référant rapidement et essentiellement à des brefs rappels
historiques et à certaines opinions qui ont été exprimées ça-et-là sur le sujet.
Au tournant décisif où se trouve actuellement l’histoire des relations UE-Afrique, il
devient en effet exigeant de les inscrire davantage dans une vision plus intégrante en tenant
compte, non pas des égoïsmes étroits, mais de la complémentarité des intérêts bien compris
de tous les partenaires.
Se fondant sur l’incertitude des perspectives des évolutions intervenues aussi bien
en Europe qu’en Afrique, certains observateurs se sont demandés si l’élargissement de l’UE
aux PECO n’était pas «un risque», pour l’Afrique en particulier, et «pour le Sud » en général.
Ces observateurs se rappellent surtout de l’histoire coloniale et post coloniale très ancienne
des relations entre certains pays africains et européens membres de l’UE.
A la création, en 1957, de la Communauté Economique Européenne, la quasitotalité de ce qui constitue aujourd’hui les Etats africains faisaient en effet encore partie des
empires coloniaux européens. C’était donc tout naturellement, et de fait, que ces territoires
des empires furent presque automatiquement intégrés dans les préoccupations de l’UE dès
sa naissance.
Sont notamment illustratifs à cet égard le Traité de Rome et, surtout, les dispositions
portant création du Fonds Européen de Développement (FED) qui constitue le principal
instrument d’aide de l’UE à l’Afrique. Aux pays d’Afrique, bénéficiaires traditionnels et
historiques des ressources FED, se sont ajoutés les pays des Caraïbes et du Pacifique, dont
l’ensemble forme actuellement le Groupe des pays ACP.
Ainsi, à la naissance de l’Union Européenne, l’Afrique était considérée comme une
partie intégrante de l’Europe. Mais aujourd’hui, un demi-siècle après la décolonisation, qu’en
est-il de cette considération? Les crises se sont multipliées sur le continent africain ; l’UE
s’est progressivement agrandie, d’abord de 6 à 15 membres, puis s’est même élargie à 25,
avec l’adhésion des PECO en 2004.
Du coup, le 9e FED, pour la période 2000-2005, a très vite montré ses limites suite
aux difficultés rencontrées par les relations UE/Afrique. Ce qui a renforcé les craintes et
l’opinion de ceux qui ont prédit les effets négatifs de cette adhésion sur la coopération UE/
Afrique.
Désormais, en effet, les bénéficiaires du FED sont au nombre de 70 pays dont 47
africains seulement. Le 9e FED était doté de 13,5 milliards d’euros et assumait par ailleurs
environ 10 milliards d’euros du solde des FED précédents. Cette somme qui semblait
donc initialement réservée aux 47 pays africains devait être ainsi partagée à tous les 70
bénéficiaires, soit à près du double du nombre des membres africains. D’où la deuxième
question :
2. Elargissement : un atout pour tous ?
Mais, eu égard à toutes les potentialités qu’offrirait l’élargissement, l’ouverture de
l’UE aux PECO et l’existence des facteurs réducteurs des allocations budgétaires n’ouvrentils que des perspectives négatives et pessimistes pour l’Afrique, voire pour le Sud ?
Tout, nous semble-t-il, dépend et dépendra de la volonté politique des acteurs et
des forces des partenaires en présence. En effet, avant et après l’élargissement, il y avait et
il y aura toujours, pensons-nous, des relations entre les PECO et l’Afrique et entre l’Europe
et l’Afrique. Il appartiendra donc à chacun des partenaires d’en tirer parti, sans pour autant
tourner le dos à l’esprit de solidarité et d’interdépendance.
De surcroît, l’élargissement fait de l’Europe un vaste marché d’environ 420 millions
de consommateurs. Ce qui aurait pour implications l’augmentation de la croissance due à
l’accroissement des investissements, de la production et des échanges dans l’Union et, en
conséquence, au sein de ses membres dont les PECO.
En raison de ses liens historiques étroits avec l’Europe, l’Afrique pourrait tout aussi
bien bénéficier, à terme, des effets de la prospérité et autres avantages de ce vaste espace
économique et monétaire et, donc, de l’élargissement de l’UE. Ainsi dans un monde de plus
en plus globalisé, le développement du Sud et des pays pauvres ne serait-il pas, en effet,
l’une des conditions indispensables à la poursuite de la prospérité des pays développés et
riches dont ceux d’Europe ?
Mais pour l’instant, il est difficile de palper les résultats de cette théorie de la
répartition internationale potentielle des richesses à travers celles des revenus dans les
relations Europe/Afrique/PECO. Les résultats escomptés de ce vaste marché sont certes
possibles à long terme. Toutefois, en attendant, les acteurs africains s’interrogent sur les
effets réels et à court et moyen termes de l’extension de l’UE. A tort ou à raison ou les deux
à la fois, ils considèrent les PECO, nouveaux membres de l’UE, comme de très sérieux
concurrents dans les secteurs clés du développement de l’Afrique.
Dans le très court terme, il s’agit d’abord du secteur d’emploi qui est très concurrentiel,
et donc compétitif. L’une des conséquences immédiates qui en résulteront sera l’augmentation
du chômage due au freinage des flux migratoires et à la diminution subséquente de la main
d’œuvre en provenance d’Afrique sur le marché européen d’emploi.
A moyen et court termes, outre celui d’immigration, les autres secteurs fondamentaux
qui continueront d’affronter durement la compétition seront ceux des investissements,
de commerce et, surtout, d’aide publique au développement. Celle-ci relève en effet
principalement du domaine des pouvoirs publics européens, et donc de l’UE par rapport aux
ressources FED dont les limites ont été mentionnées plus haut.
Ainsi, les Africains craignent que l’UE, n’ayant peut-être ni la volonté politique, ni les
moyens financiers suffisants de ses bonnes intentions de coopération en faveur de l’Afrique,
ne se détourne de celle-ci au bénéfice des PECO qui ont relativement les mêmes problèmes
et préoccupations qu’elle, notamment en matières d’emploi, de chômage et de pauvreté ; ce
qui pose un problème de re-équilibrage et soulève une troisième interrogation :
3. Y a-t-il nécessité d’une coopération plus équilibrée ?
L’UE devrait, par conséquent, veiller à s’assurer que les pays africains trouvent aussi
leur compte dans l’élargissement et que celui-ci ne comporte aucun risque préjudiciable au
continent. L’Union européenne, appelée à s’agrandir encore, devrait donc relever le défi, qui
serait de faire en sorte que son élargissement, sans être tous azimuts, apporte à l’Europe,
aux PECO et à l’Afrique des progrès partagés.
Pour ce faire, elle devrait s’attacher à chercher un certain équilibre dans son
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du NEPAD ne requièrent-elles pas la contribution effective de la communauté internationale
dans un cadre plus opérationnel pour un avenir plus prospère pour l’Europe et plus rassurant
pour l’Afrique ? D’où la dernière et quatrième question:
4. Dialogue Europe-Afrique : quelles perspectives pour l’avenir ?
Conscientes des enjeux pour l’avenir, et outre l’Accord de Partenariats Economiques
signé à Cotonou en 2000 par l’UE et le Groupe des pays ACP, l’Afrique et l’Europe ont
pertinemment institutionnalisé un nouveau cadre pour leur coopération au niveau le plus
élevé. Elles ont ainsi convenu, au Sommet Europe-Afrique d’avril 2000 au Caire, du Dialogue
Europe-Afrique qui constitue un processus nouveau de dialogue entre les deux continents.
Initialement prometteur malgré les difficiles négociations qui ont précédé son accouchement,
ce processus a très vite montré ses limites au niveau de la rencontre au Sommet des Chefs
d’Etat et de Gouvernement. C’était en effet leur forum, mais ce sommet, prévu à Lisbonne
en 2003, n’a pu encore se tenir 6 ans après celui du Caire.
Cependant, comme ancien serviteur-représentant de l’UA auprès de l’UE, je dois
préciser que les Réunions ambassadoriales et ministérielles préparatoires à de tels Sommets
ont régulièrement eu lieu, notamment à Bruxelles et à Ouagadougou. Je dois surtout souligner
que l’UE et l’UA, à travers leurs Commissions respectives et ces Réunions préparatoires du
Dialogue Europe-Afrique, sont engagées dans une collaboration et une coopération actives
et prometteuses dans de nombreux domaines. Ces derniers sont consignés dans un plan
d’action en huit points principaux arrêtés d’un commun accord par les deux parties. Il s’agit
de la prévention des conflits, des droits de l’homme et de la bonne gouvernance, de la dette,
de la restitution des biens culturels, de l’intégration économique régionale, des questions
d’environnement et de sécheresse, de la sécurité alimentaire, du SIDA et autres pandémies
qui minent le continent.
Collectivement, les Pays d’Afrique, de l’Europe Centrale et de l’Europe Orientale font
désormais partie de cette indispensable aventure multilatérale qu’est le Dialogue EuropeAfrique. Ils doivent y cultiver une solidarité certes nouvelle en raison de l’adhésion récente
des PECO. Mais à l’instar des autres membres de l’Union européenne, ces trois groupes
de pays ne devraient pas pour autant tourner le dos à leur fructueuse coopération bilatérale
traditionnelle qui a fait ses preuves dans un passé non si lointain. Il en va des progrès et des
intérêts bien compris et bien partagés de l’Union et de tous ses partenaires.
………………………
 Tous droits de reproduction, même partielle, réservés, sauf accord préalable de l’auteur.
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L E S
T R I B U N E S
Des actions civilo-militaires (ACM) à
la coopération civilo-militaire (CIMIC)
Depuis les années 1990, les forces armées occidentales ont développé des
capacités militaires pour favoriser la sortie de crise dans un pays dévasté par un conflit.
En effet, compte tenu du nouvel environnement géostratégique, elles sont de plus en plus
contraintes à prendre en considération leur environnement civil souvent pour des raisons
humanitaires mais aussi pour restaurer le plus rapidement une normalité pacifiant les esprits
et les cœurs...
Les crises depuis 1990 combinent plusieurs paramètres :
• La protection des populations constitue souvent l’enjeu mis en avant pour les
interventions militaires.
• Les conditions d’engagement se définissent par une promiscuité des populations et
des forces, dans des conflits où certains belligérants ignorent le droit des conflits et respectent
rarement la discrimination entre les objectifs civils et militaires. Les populations civiles sont
instrumentalisées par les sources d’opposition (tout acteur s’opposant par la violence ou non
à la mission d’une force militaire projetée) au détriment des forces occidentales lorsqu’elles
sont engagées.
• La résolution de conflits de plus en plus complexes fait appel à de nombreux
acteurs civils intervenant avant, pendant et après l’action des forces.
• La sortie de crise doit être planifiée avant l’engagement. Elle tient compte en
particulier de la reconstruction, souvent financée par les démocraties occidentales, du pays
concerné et a une forte influence sur les conditions dans lesquelles la campagne militaire
sera menée.
De simple fonction d’appui direct au bénéfice des forces armées dans leur action au
contact avec l’environnement civil, initialement dans le cadre des opérations humanitaires,
cette conception des liens à établir entre forces armées et environnement civil s’est désormais
élargie à la prise en compte des relations avec l’ensemble des acteurs civils concernés.
Ce contexte opérationnel nouveau et les enseignements des conflits depuis 1999
ont conduit les Armées à rédiger une nouvelle doctrine ACM en mars 2005 remplaçant le
document de 1997. Les ACM sont désormais dénommées « coopération civilo-militaire »
ou CIMIC. La CIMIC désigne la fonction opérationnelle destinée à améliorer l’intégration
de la force dans son environnement humain afin de faciliter l’accomplissement de sa
mission, le rétablissement d’une situation sécuritaire normale et la gestion de la crise par les
autorités civiles (administration, action humanitaire, reprise économique, …). Les activités
qu’elle entraîne sont transférées aux acteurs civils aussitôt que possible avec l’objectif de
désengager nos forces, limitées, et de les rendre disponibles pour d’autres opérations. La
doctrine est globalement interopérable avec celle de l’OTAN.
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Les objectifs de la coopération civilo-militaire s’inscrivent dans la stratégie globale
engagée afin d’atteindre l’état final recherché. Ils visent notamment à :
• contribuer à l’atteinte des objectifs politiques en facilitant la coordination entre
les différents acteurs civils et militaires et en établissant des liaisons permanentes avec les
autorités civiles en charge de la crise ;
• renforcer l’action militaire en facilitant l’insertion de la force dans un environnement
civil complexe (protection de la force) et en fournissant une expertise du milieu civil aux
autres fonctions opérationnelles ;
• accélérer la sortie de la crise en fournissant un appui aux acteurs civils de la crise
afin que ceux-ci puissent assumer au plus tôt toutes leurs responsabilités ;
• préserver les intérêts nationaux en garantissant la prise en compte légitime de nos
intérêts et en préparant l’action des acteurs civils français, différence notable avec l’OTAN,
qui retient les seuls trois objectifs précédents.
Pour conclure, la fonction CIMIC est devenue incontournable dans la résolution des
conflits. Elle n’est pas nouvelle. Elle rappelle seulement que les armées agissent dans un
environnement où des personnes ne sont pas concernées directement par le conflit. Elles
doivent à ce titre être au moins préservées des conséquences des combats.
Cela n’est cependant pas suffisant dans un contexte de guérilla comme cela se
produit dans les opérations de stabilisation. Dans le cadre général des opérations, il s’agit de
donner et de diffuser aux moins motivés les arguments pour ne pas prendre les armes. Ainsi, la
CIMIC retire concrètement les raisons de se battre avec les objectifs non exhaustifs suivants :
faire appel aux acteurs civils pour la remise en état de l’ensemble du pays, valoriser les élites
locales, assurer le minimum vital en alimentation, relancer les services publics dont l’école,
soutenir l’économie afin de faire baisser le nombre des inactifs susceptibles de reprendre les
armes par désespoir… Elle est renforcée dans son action notamment par la communication
« médias » en direction des opinions publiques et par les opérations militaires d’influence
(O.M.I.) qui visent à persuader les populations de la zone des opérations de rester au moins
neutres. La CIMIC dont l’importance se renforce progressivement dans les engagements
militaires est devenue un acteur majeur au profit des forces armées occidentales pour le
retour à la normalisation et donc pour une paix durable.
François Chauvancy,
Colonel (armée de terre)
***
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La question du Liban, un laboratoire de réflexion
sur les symptômes de la mondialisation :
La crise politique qui a suivi le récent
assassinat de l’ancien premier ministre Rafiq
Hariri a fait rejaillir dans l’esprit des libanais
les questions fondamentales liées à la guerre.
Comme un symbole, l’assassinat de celui
qui voulait redonner au Liban son mythique
prestige d’antan, à l’image d’un centre ville
devenu la vitrine du pays, fit ressortir sous ses
édifices toutes les pourritures du conflit civil
de 1975 à 1990. Aussi, apparaît l’exigence
de voir se faire l’indispensable devoir de
mémoire, trop souvent occulté ou devenu
tabou au lendemain de la guerre. Celleci s’acheva en 1990 par l’amnistie censée
clore les conflits civils. Mais l’amnistie est
bien davantage une procédure d’effacement
d’une violence qui n’aurait pas du advenir.
La question libanaise pose un certain
nombre de problématiques qui n’en finissent
pas d’animer l’Espace Mondial, et que nous
tenterons d’extraire à partir du laboratoire de
réflexion que constitue son histoire. Aussi
nous nous efforcerons en filigrane de ce
survol historique, de mettre la lumière sur
la question des effets de la mondialisation
marqué par une prépondérance des modes
d’affiliations identitaires ou religieuses au
détriment des Etats-Nations, ainsi que les
phénomènes de communautarisation des
sociétés notamment en Europe. En outre,
depuis la fin de la guerre froide on assiste
à une intensification des conflits intra
étatiques marqués par les antagonismes
éthnico-religieux et face auxquelles la
communauté internationale se retrouve
souvent désarmée. Nous sommes donc
animés par la conviction que l’étude du
cas très complexe de ce conflit pourrait se
transposer selon certains degrés à d’autres
guerres à base identitaires de l’Ulster au Sri
Lanka en passant par les Balkans. Dans
14
tous ces conflits réapparaissent les mêmes
thématiques : perte de légitimité du modèle
d’Etat Nation, émergence d’un ordre milicien,
mode d’affiliation à base éthnico-religieuse,
édification de bastion communautaire, et
puis de nombreux aspects d’ordres socioéconomique souvent occultés au profit de
la grille de lecture identitaire qui simplifie la
compréhension de tous ces antagonismes.
Sans oublier l’aspect historique marqué
par la colonisation qui a eu pour vocation
d’exporter au delà de l’Europe le modèle de
l’Etat Nation et qui ne cesse de montrer à ce
jour ses limites.
1- La remise en question de
l’allégeance étatique : Etat Nation versus
communautarisme
Au Liban, la constitution de 1926
et le pacte national de 1943 ont instauré le
communautarisme politique, soit le partage
des pouvoirs exécutifs et législatifs au
prorata du poids démographique de chacune
des dix-sept communautés religieuses. Le
pacte national de 1943, non écrit, jette les
bases du consensus interlibanais à l’origine
de la fondation et de l’indépendance de la
république libanaise née du démembrement
de l’empire ottoman et de l’agrafage
sous le mandat français de la province du
Mont Liban (ou Petit Liban) avec la riche
plaine de la Bekaa et les villes côtières de
Beyrouth, Tyr, Tripoli ou encore Sayda.
Mais le grand Liban de 1920 sera moins
homogène ethniquement et les tensions
seront immédiatement perceptibles. Le
pacte de 1943, conclut par le président de
la république (maronite) Béchara El Khoury
et le président du conseil (sunnite) Riad
EL Solh était l’expression d’un compromis
entre les aspirations des deux principales
communautés religieuses: les musulmans
renonçaient à l’union avec la Syrie, c’està-dire à l’insertion dans un ensemble arabe
élargi ; les chrétiens acceptaient un Liban « à
visage arabe », qui ne serait pas directement
protégé par la France. Mais par la suite, ce
consensus national va montrer ses limites
ainsi que sa fragilité dans un système
communautaire dont les failles continuent de
produire ses méfaits entravant jusqu’à nos
jours l’existence d’une véritable Nation.
En effet à l’inverse de l’évolution
que le régime communautaire avait subi
dans les autres pays arabes, celui-ci s’était
manifesté au Liban dans la transformation
des communautés en mini-Etats à l’intérieur
desquels les Libanais se trouvaient enfermés
dans un réseau de penchants, de devoirs
et même d’obligations faisant foncièrement
obstacle au parfait épanouissement de leur
allégeance directe envers l’Etat, dont ils sont
pourtant les citoyens nominaux. Ainsi, obliger
les Libanais à appartenir à une des dix-sept
communautés officiellement reconnues
pour vivre en hommes ordinaires capable
d’exercer leurs droits civiques et d’accéder
aux fonctions publiques ; ne leur octroyer que
la cote part affectée à leurs communautés
dans la répartition des emplois de l’Etat,
c’est sans nul doute remettre en cause les
principes d’égalité et de liberté, pilier d’une
démocratie authentique.
Dans le cas du Liban le régime
communautaire
voit
l’émergence
de
mentalités différentes, de perceptions
parfois opposées de l’identité libanaise, le
tout travaillé par des courants politiques dont
les contradictions profondes exposent la
collectivité libanaise à des crises endémiques
(c’est sans compter l’interférence étrangère
facteur indissociable de l’histoire de ce
jeune pays). Il était fatal, dès lors, qu’au bout
de quelques années de la pratique sans
freins du confessionnalisme, les chocs en
retour déferlent à une cadence effrayante :
1958, 1968, 1969, 1970, 1973 et puis la
guerre de 1975 qui aboutira à la signature
des accords de Taëf de 1990 qui n’ont été
que partiellement appliqués (l’abolition
progressive du système communautaire qui
en constitue une des grandes lignes n’est
toujours pas appliquée).
Force est de constater pourtant
que l’expérience libanaise constitue une
forme exacerbée des conséquences de la
mondialisation, face auxquelles le destin
tragique de ce pays revêt un caractère
d’avertissement à l’égard du phénomène
communautaire et du repli identitaire qui
ont tendance à s’étendre à travers l’espace
mondial.
2- Mondialisation, identité et territoire :
une reconfiguration de l’Espace Mondial :
Nous l’avons vu, la faillite de
l’Etat libanais, et la remise en question
de sa légitimité se sont faites au profit
d’une structure
clanique et complexe
(« aassabiya ») autour d’un « za’im » avec
des perceptions de l’identité nationale
tout aussi hétérogènes. L’Etat perd ainsi
le contrôle de ses espaces politiques
et économiques, et perd ses propres
agents, divisé en clivages communautaires
synonyme d’instabilité structurelle. Il faut
reconnaître que de tels phénomènes tendent
de plus en plus à se généraliser à des
degrés divers accompagnant le processus
de mondialisation, et constituant par
conséquence un potentiel de conflictualité
dont nous nous proposons d’analyser les
mécanismes.
Le débat inter paradigmatique des
Relations Internationales a vu apparaître
dès la fin des années 1970 la théorie
transnationaliste qui rompt avec une vision
stato centré qui fut dominante jusqu’à la fin
de la Guerre Froide. Embrassant les effets de
la mondialisation, cette nouvelle perspective
15
tend à montrer que les relations d’autorité
s’exercent de plus en plus en dehors des
frontières nationales remettant en question
les liens nationaux. Il existe une véritable
crise d’allégeance à l’autorité étatique qui
engendre la dislocation des cadres nationaux.
Dès lors vont apparaître de nouvelles formes
de loyauté par un transfert de légitimité d’une
collectivité à une autre : il y a réalignement
identitaire au profit de groupes infranationaux
et supranationaux. Les relations de contrôles
qui produisent de l’autorité, des habitudes
d’obéissance, ne sont plus l’apanage des
seuls Etats-Nations voyant apparaître des
solidarités transnationales qui contournent
les frontières étatiques, créant au sein d’un
même territoire des perceptions multiformes
de l’identité nationale.
Cette déterritorialisation est sans
nul doute un des principaux symptômes
de la mondialisation. Celle ci se définit
tel un processus par lequel les relations
sociales sont dégagées de leur géographie
territoriale, le lieu devenant de plus en plus
« fantasmagorique ». Les différents théâtres
sociaux sont complètement façonnés
par des influences très lointaines via les
nouvelles technologies d’information tel
que Internet. C’est le cas par exemple de
certaines banlieues de la région parisienne
qui reçoivent des flux d’informations,
d’idées et de représentation de la réalité
par l’intermédiaire de chaînes satellitaires
tel que Al Manar ou Al Jazeera, qui vont
donner une primauté à leur appartenance
communautaire ou religieuse au détriment
de leur appartenance nationale. Ainsi, le
jeune « beur » des banlieues s’identifie
plus facilement aux jeunes palestiniens
contestant l’injustice d’un ordre établi,
qu’à son compatriote français qui réside
pourtant à quelques kilomètres de lui. Un
tel phénomène s’est très souvent illustré au
Liban. Lorsque la résistance Palestinienne
s’implanta au Liban, elle trouva un soutien
important, essentiellement au sein de la
16
société musulmane et du public « arabiste ».
Ce soutien résidait sans nul doute dans
le fait que l’adhésion aux valeurs du
nationalisme arabe est quasiment spontanée
pour les musulmans. En revanche, celle-ci
nécessite une démarche volontaire du côté
chrétien, en particulier pour les maronites
qui revendiquent une identité « libaniste »
distincte. La présence armée palestinienne
va ainsi embrasser la ligne de fracture
communautaire suscitant une fois de plus
la question fondamentale de la perception
identitaire articulée par l’opposition entre
chrétiens et musulmans. Plus récemment,
lors de la crise qui a suivi l’assassinat de
Hariri, les réclamations d’un retrait syrien du
Liban, ne firent pas l’unanimité au sein de
l’opinion publique, et une grande partie de
la population musulmane (essentiellement
les chiites) affichèrent un élan de solidarité
à l’égard de la Syrie et considérant les
Etats-Unis et Israël comme les principaux
instigateurs de la crise.
Ainsi, le phénomène communautaire
qui a marqué l’histoire du Liban a vu
des éléments externes (implantation
palestinienne, présence syrienne, etc.) se
greffer aux clivages inter religieux dictant
des alignements en fonction de solidarités
claniques et religieuses. Ce processus se
retrouve aujourd’hui en Europe, lorsqu’on
voit le conflit israélo-palestinien se
transposer à l’échelle des communautés
juives et musulmanes de France entraînant
de véritables tensions qui compromettent la
coexistence pacifique entre les groupes.
Finalement avec la mondialisation ce
sont des conflits, des tensions et des haines
géographiquement éloignés qui viennent
se projeter via des flux transnationaux, sur
le territoire national donnant une certaine
primauté aux affiliations identitaires et ce
au détriment d’une appartenance nationale
menacée par la communautarisation des
sociétés. Le monde devient une sphère
sociale libérée des frontières nationales.
Si bien qu’on ne peut plus se limiter à des
visions nationales. A cet aspect social de la
mondialisation s’ajoute les éléments d’ordre
économique que nous allons présenter et
qui là encore contribue à l’affaiblissement du
modèle étatique classique.
Etat encore jeune à jouer un rôle central dans
la prépondérance du communautarisme puis
de la dissension nationale.
Force est de reconnaître une fois
encore que cet aspect de la question libanaise
illustre une fois encore une tendance
générale de notre actualité accompagnant
toujours le processus de mondialisation.
Avec
l’intensification
des
échanges
internationaux et la rude compétition
économique que se livrent les Etats ou les
entités régionales, l’Etat obligé de réduire
son déficit budgétaire perd la maîtrise de ses
mécanismes économique : c’est le déclin de
l’Etat Providence. Les individus ressentent
de moins en moins la présence de leurs
Etats en matière de protection sociale et de
sécurité économique. Cette véritable rupture
du contrat social inspiré des Modernes
contribue corrobore de manière indéniable la
crise d’allégeance aux Etats profitant à des
modes d’affiliations identitaires.
Pour expliquer la faillite de l’Etat
libanais, il faut évoquer les querelles
économiques qui ont déchiré les élites
dirigeantes une fois l’indépendance acquise.
Les partisans d’un libéralisme effréné
excluant toute intervention de l’Etat dans
l’économie vont très vite l’emporter à partir
des années 1950. Dès lors le Liban ne se
verra plus que comme une plaque tournante
du Moyen-Orient, une luxueuse destination
touristique et une zone franche commerciale
et bancaire. Outre l’impact sur la diversification
du secteur économique qu’à engendré cette
pratique d’un libre échangisme pur et dur,
l’Etat Providence en est ressorti affaibli voire
quasi inexistant. Il n’est sans doute plus utile
de rappeler combien cet affaiblissement d’un
Karim SADER
***
17
L’industrie européenne de l’armement terrestre :
le domaine des véhicules militaires. En ordre dispersé… ?
Les forces terrestres voient leur importance réaffirmée par rapport aux forces
aériennes, notamment du fait des retours d’expérience essentiellement américains des
opérations en Afghanistan et en Irak et dans le cadre de « transformation ». Du point de vue
technico-opérationnel, il s’agit pour ces forces de maîtriser la mise en réseau des véhicules
terrestres, à partir de la numérisation du champ de bataille et de la communication entre
l’ensemble des éléments hommes/machines, d’accroître la protection et la survivabilité des
véhicules et des soldats, d’améliorer la mobilité terrestre et la fonction « feu ». Enfin, compte
tenu de ressources budgétaires contraintes, les matériels en service ou futurs devront être
réparés, soutenus et modernisés de manière plus économique qu’auparavant.
Aux côtés des legacy forces traditionnelles (dont les véhicules lourds seront en
service jusque dans les années 2030) apparaît alors le besoin pour des forces médianes
et modulaires : ainsi, une première vague de renouvellement des véhicules est prévue
à l’horizon 2015, en faveur de véhicules de 15 à 25 tonnes. Les décisions concernant la
production des futurs véhicules médians ou la transformation en véhicules de ce type sont
attendues pour 2006-2008, notamment en Allemagne dans le cadre de « Deutsches Heer
2020 » et, avec davantage d’incertitudes en France. Pour le Royaume-Uni, si la décision du
renouvellement des véhicules est prise dans le cadre du programme FRES (Future Rapid
Effect System) le choix de la production n’est pas encore arrêtée.
Nick Witney, directeur général de l’AED, estimait en 2005 que le marché des véhicules
blindés de combat (Armoured Fighting Vehicles – AFV) au sein des 25 États membres de
l’Union européenne atteindrait environ 10 000 unités au cours des dix prochaines années,
soit la moitié du nombre actuel et pour un coût total d’environ 20 à 30 milliards d’euros (donc
2 et 3 milliards d’euros par an, contre un peu plus d’un milliard d’euros par an actuellement
selon une estimation de Rheinmetall). L’AED s’est focalisée depuis le début de l’année
2006 sur une stratégie de recherche de coopérations technologiques et a recommandé
cinq projets d’études issus de propositions industrielles (vétronique, motorisation hybride,
modularité, etc.).
Parallèlement au renouvellement du parc des véhicules envisagé par chaque pays,
on recense actuellement dans l’Union européenne plus d’une vingtaine de projets nationaux
de véhicules blindés (hors chars lourds). Seuls l’Allemagne et les Pays-Bas coopèrent
actuellement autour du projet de véhicule BOXER géré par l’OCCAR (programme MRAV). Le
secteur européen des armements terrestres est donc constamment décrit comme morcelé,
tant du côté de la demande que de l’offre. Ce constat cache cependant des évolutions
majeures depuis quelques années : il existe en fait déjà un modèle à deux variantes pour les
restructurations, avec BAE Systems et General Dynamics, qui ont conduit plus d’une dizaine
de fusions/acquisitions depuis 1997.
Pour la France, il s’agit des projets EB5-10-20, dont les caractéristiques militaires ne sont pas encore définies.
Pour des précisions quant aux véhicules concernés, cf. European Defence Agency, « European Defence Agency
Ministers call for more cooperation on new Armoured Fighting Vehicles », Bruxelles, 23 mai 2005.
Pascal Curunet, « Allemagne. Industrie et armements terrestres », Paris, TTU, 2004, p. 26.
Cf., entre autres, Burkard Schmitt, « L’armement terrestre doit s’organiser », La Tribune, 14 juin 2005.
18
Globalement, en 2005, le chiffre d’affaires du secteur européen terrestre était de
17,152 milliards d’euros, soit 16,5 % du chiffre d’affaires total des secteurs de la défense et
aérospatial représentés par les industriels de l’ASD. En terme d’effectifs, le secteur terrestre
représente 96 160 personnes, soit 15,4 % de l’effectif total. La R&D des secteurs terrestres
et navals compte pour 17 % des dépenses totales de R&D (avec 79 % pour l’aéronautique
et 4 % pour le spatial), sur 13,29 milliards d’euros de dépenses R&D en 2004 (contre 12,8
milliards d’euros en 2003). Au sein des secteurs terrestres et navals, 8 % de leur CA global
sont consacrés aux dépenses de R&D, soit 2,14 milliards d’euros et 20 241 personnes.
Outre le paysage industriel français en cours de restructuration (et analysé
par ailleurs), il reste alors aux côtés de General Dynamics (1.) et de BAE Systems (2.)
principalement des industriels allemands (3.), italiens (4.), grecs (5.) et finlandais (6.), qui ont
chacun des stratégies propres.
1. L’américain General Dynamics : percée réussie en Europe malgré le coup d’arrêt
de 2004
General Dynamics a conduit de 2001 à 2003 une vague intense de restructurations
dans l’industrie terrestre européenne, aboutissant à la division European Land Combat
Systems, dont le siège social se situe à Vienne. Au terme de ces acquisitions, General
Dynamics est devenu le leader dans le domaine terrestre européen : cette business unit
compte 3 250 salariés localisés en Espagne (2000 salariés), Suisse (500 salariés), Autriche
(450 salariés) et Allemagne (300 salariés). Sur l’ensemble des activités de General Dynamics,
les activités Combat System (à la fois aux états-Unis et en Europe) représentent 24 % du CA
total (soit 4,2 milliards d’euros en 2005). Si la tentative d’OPA de General Dynamics sur le
britannique Alvis au début de l’année 2004 a suscité de fortes craintes d’américanisation du
secteur terrestre européen, elle a surtout marqué l’arrêt de la stratégie de prise de contrôle
d’entreprises européennes du secteur terrestre. Il n’en demeure pas moins que General
Dynamics est désormais fortement présent dans les acquisitions de véhicules blindés en
Europe.
Depuis 2005, le Portugal (260 Pandur II de Steyr, pour 2007-2009), la Belgique (242
Piranha de Mowag), l’Espagne (avec des Howitzers, 181 Leopard livrés jusqu’en 2009 et 212
Pizarro livrés jusqu’en 2012), l’Allemagne (avec des Duro III de Mowag), le Danemark (avec
des Eagle IV de Mowag), l’Irlande (15 Piranha), la République tchèque (199 Pandur II pour
2007-2012) et l’Autriche ont été les clients européens de General Dynamics. Avec Mowag,
General Dynamics détient en outre une entreprise fortement expérimentée en matière de
modularité et donc d’exportation, ainsi que possiblement utilisable dans le cadre du Future
Combat Systems (FCS).
Cf. Cédric Paulin, « Armement terrestre français : il est grand temps (de continuer) d’agir ! », mai 2006 (sur le site de
la Fondation pour la Recherche Stratégique). Les nouveaux États membres de l’Union européenne ne sont pas pris en
compte dans ces deux notes, hormis dans le cadre des coopérations industrielles.
European Land Combat Systems correspond à General Dynamics Mowag AG, Santa Bárbara Sistemas, et Steyr
Spezialfahrzeug. La direction d’European Land Combat Systems est tenue depuis 2003 par Hans Michael Malzacher,
précédemment CEO de Steyr.
European Land Combat Systems et Land Systems comptent 10 650 salariés. L’allemand Eisenwerke Kaiserslautern
(EWK) a été acquis par la filiale espagnole Santa Barbara Sistemas en octobre 2002. Cette entreprise de 300 salariés
construit des ponts et pontons flottants et amphibies.
Santa Barbara Sistemas produit le Leopard sous licence allemande.
19
Aux États-Unis mêmes, l’implication de General Dynamics dans le programme FCS
a lieu au titre des sous-programmes des huit types de véhicules terrestres, sous-traités depuis
décembre 2003 par le Lead System Integrator Boeing et Science Applications International
Corporation (SAIC). General Dynamics Land Systems est associé à BAE Systems Land &
Armaments (qui est leader du FRES au Royaume-Uni), dans le cadre d’une équipe intégrée
pour le design, le développement et les démonstrateurs de véhicules. Enfin, caractéristique
importante, aux États-Unis (et au Royaume-Uni) le pas d’une intégration des programmes
des véhicules terrestres par l’industrie aéronautique – notamment du fait de l’expérience de
cette dernière en matière électronique, qui constitue la valeur ajoutée du FCS – est franchi.
Fusions/acquisitions dans l’armement terrestre européen entre 1997 et 2005,
aboutissant à deux acteurs majeurs : General Dynamics et BAE Systems
GAO, Defense Acquisitions. Future Combat Systems Challenges and Prospects for Success, GAO-05-442T,
16 mars 2005, p. 1. La production des véhicules est prévue pour 2010.
Les CA de ces deux entreprises correspondent aux activités terrestres.
20
2. BAE Systems : la concrétisation de sa stratégie mondiale en 2005
Le britanniques Alvis a conduit les restructurations au niveau national et avec la Suède
de 1997 à 2003. BAE Systems a in fine repris Alvis en 2004 et a conduit la restructuration
majeure à l’échelle transatlantique, par l’acquisition d’United Defense en mars 2005. BAE
Systems Land & Armements, désormais en charge de l’ensemble des activités terrestres
et de l’action au sol de BAE Systems aux États-Unis, en Suède, en Afrique du Sud et au
Royaume-Uni, compte 10 600 salariés, soit 10,6 % de l’effectif total (dont une moitié, 5 100
salariés, pour BAE Systems Land Systems : Lands Systems Hägglunds, Lands Systems
Weapons & Vehicles, Land Sytems Munitions & Ordnance, et en Afrique du Sud, Land
Systems OMC. Le reste des effectifs est principalement aux Etats-Unis dans l’ex-United
Defense « activités terrestres, c’est-à-dire BAE Systems Armament Systems Division et BAE
Systems Ground Systems Division, et en Suède dans BAE Systems Bofors).
En terme de chiffre d’affaires, les activités terrestres représentent 8,2 % du total,
avec 1 845 millions d’euros de CA (comparés aux 24 % de General Dynamics Combat
System). Cependant, la comparabilité des périmètres n’est pas strictement identique : un
grand nombre d’activités de la division « Electronics, Intelligence & Support de BAE Systems »
(32 900 salariés pour 5 371 millions de CA 2005, soit 23 % du total) sont liées au domaine
terrestre. Le chiffre d’affaires lié au terrestre et à l’action au sol est donc supérieur à 1,8
milliard d’euros, sans qu’il soit possible de le déterminer avec plus de précisions, et toutefois
encore inférieur à celui de General Dynamics Combat Systems. Globalement, BAE Systems
fournit 95 % des équipements terrestres de l’armée britannique, intervient fortement sur le
MCO des véhicules britanniques et américains, et est en pointe dans les programmes FRES
et FCS. Est-ce un acteur industriel britannique, européen, transatlantique ou mondial ?
La forte implantation industrielle et décisionnelle des activités terrestres du groupe
britannique aux États-Unis – la direction de BAE Systems Land Systems & Armaments
se situe à Arlington en Virginie – correspond à sa stratégie générale, valable pour le
terrestre comme pour les autres secteurs : être un leader européen à partir d’une base
transatlantique, pénétrer le marché américain et atteindre les premiers rangs mondiaux.
Ainsi, les restructurations européennes conduites par l’industriel britannique sont ambiguës
et en quelque sorte instrumentales : le rachat d’United Defense en 2005 clôt une vague
d’acquisition de treize entreprises américaines depuis 2000, ce qui révèle davantage une
stratégie de restructuration transatlantique qu’européenne. Surtout, BAE Systems renforce
sa position dans le programme FCS puisque United Defense était l’un des primo-contractants
de Boeing pour les véhicules et les robots terrestres, et intervient désormais largement
sur le marché de la réparation et de la modernisation des véhicules militaires américains :
« It’s been a long trough for combat vehicles for the most part in the ‘90s, and it is time
for the repair, the replenishment and the upgrading of those systems », rappelle Thomas
Cette division regroupe ainsi les anciennes sociétés suivantes : Marconi Electronic Systems (GB), Hägglunds
(Suède), GKN (GB) Alvis (GB), Vickers Defence Systems (GB), Bofors Weapons Systems (Suède), United Defense
Industry (US).
500 FV432 Armoured Vehicle pour mars 2006 - fin 2008, dans le cadre du Partnering Agreement signé avec MoD
en décembre 2005 ; modernisation attendue des chars Challenger, Warrior, etc. Outre BAE Systems, Land Rovers
et Automotive Technik Ltd. (du groupe américain Armor Holdings / Centigon, spécialiste entre autres du blindage)
fournissent des véhicules militaires. 60 véhicules de patrouille Pinzgauer d’ATL (ou des versions améliorées du point
du vue du blindage) devraient être achetés par l’armée britannique dans le cadre des opérations en Afghanistan.
Avec le rachat d’United Defense, BAE Systems devient la première société étrangère à être contractante principale
sur des appels d’offres du Pentagone. Le groupe britannique compte ainsi 35 000 salariés américains sur un total de
plus de 100 000 salariés.
21
Rabaut, dirigeant le business group BAE Systems Land and Armaments depuis Arlington,
en Virginie. En outre, il faut compter avec l’Operation Desert Storm, consommatrice en
véhicules et usante pour eux. Stratégique dans une optique de construction d’un groupe
terrestre mondial, l’acquisition d’United Defense est aussi très opportune par rapport au seul
marché américain.
En Europe, BAE Systems bénéficie de la forte capacité de conception modulaire,
des possibilités d’exportation et de la nécessité d’entretien et de modernisation des véhicules,
déjà bien vendus, d’Hägglunds : la famille des CV90 est en service en Suède, en Norvège,
en Suisse, en Finlande, aux Pays-Bas à partir de 2007 (184 CV9035 MkIII suite à un contrat
de décembre 2004 et pour une livraison en 2007-2010 ; 74 BvS10 commandés en mars
2005 pour livraison entre janvier 2006 et la mi-2007), et enfin au Danemark (45 CV9035
commandés fin décembre 2005). Au total, cela porte les commandes de CV90 à 1 170
unités, avec la possibilité d’un contrat supplémentaire en Grèce (pour environ 150 véhicules).
De même, dans la famille des Bv206/Bv206S/BvS10 (véhicule + remorque), qui existe en
plus de 30 variantes, le BV206 a été vendu à 11 000 exemplaires ; quant au BvS10, déjà en
service au Royaume-Uni et bientôt aux Pays-Bas, il est en test en Finlande et en France.
Pour la Suède, le rachat d’Hägglunds et de Bofors par l’industrie britannique ne
signifie pas que ce pays scandinave membre de la LoI abandonne ses prétentions et
compétences dans le domaine de l’armement terrestre, dont les véhicules blindés en tant
que domaine technologique clé. Du point de vue de sa politique industrielle, il s’agit de
mettre effectivement en œuvre la coopération internationale.
Facteur déterminant pour l’avenir, BAE Systems est le principal industriel du
programme britannique FRES, qui prévoit 3 500 véhicules et de bonnes perspectives
à l’exportation, et structurera les forces terrestres britanniques mais aussi l’industrie
britannique et les compétences à maîtriser : « Future Rapid Effect System (FRES) is the
Army’s highest priority programme and will be the central pillar of a capable, coherent and
highly deployable medium force. It plans to deliver a family of network-enabled medium
weight armoured vehicles covering a wide range of combat, combat support and combat
service support roles. It has an ISD [in-service date] planning assumption for initial variants
in the early years of the next decade, with further tranches of vehicles providing incremental
Cit. in Rich Tuttle, « Acquisition of UDI seen expanding BAE Systems’ position in U.S. », Aerosapce Daily &
Defense Report, 27 juin 2005, p. 12. Nous renvoyons aux communiqués de presse de BAE Systems pour le détail des
nombreuses rénovations et modernisations de véhicules américains.
Il suffit d’observer les potentialités futures de MCO et modernisation des véhicules américains et/ou de leur
remplacement dans le cadre du FCS, alternative loin d’être tranchée (The Army’s Future Combat Systems Program,
Statement of J. Michael Gilmore, Assistant Director, before the Subcommittee on Tactical Air and Land Forces /
Committee on Armed Services / U.S. House of Representatives, Washington D.C., CBO, 4 avril 2006, 21 p.).
Un accord de compensation a été signé à cette occasion entre BAE Systems Land Systems Hägglunds et le
ministère néerlandais des Affaires économiques (Joris Janssen Lok, « Swedish defence industry warms to exports as
domestic markets cool », Jane’s International Defence Review, mai 2005, p. 61).
Cette dernière commande est accompagnée d’une possibilité de MCO et de modernisation des véhicules durant
leur cycle de vie, en partenariat entre BAE Systems et l’entreprise danoise Hydrema Export A/S.
Les BvS10, d’un tonnage augmenté de 5 tonnes, ont cependant connu une rupture, avec un nouveau châssis, une
nouvelle motorisation et un nouveau système de direction.
Par ailleurs, Saab est toujours fournisseur du système d’armement du CV90.
Joris Janssen Lok, « Swedish defence industry warms to exports as domestic markets cool », Jane’s International
Defence Review, mai 2005, pp. 52-61.
22
enhancements to capability thereafter. Production is currently expected to continue into the
late 2020s ». A l’image de l’organisation du programme FCS, le MoD mettra en place courant
2006 un intégrateur système, avec des industriels nationaux et étrangers, conduits par BAE
Systems. General Dynamics a aussi été retenu par le MoD pour fournir un prototype de
châssis, de même que Lockheed Martin pour le blindage électronique, le consortium ThalesBAE Systems-QinetiQ pour les contre-mesures électroniques et le consortium ThalesBoeing pour l’Integrated Survivability. Début 2006, BAE Systems a obtenu le contrat de
démonstrateur technologique pour le châssis (Chassis Concept Technology Demonstrator
Programme – TDP), avec le soutien de QinetiQ, et celui de réduction des risques associés à
l’implémentation des dernières technologiques dans le FRES (FRES Gap Crossing TDP de
l’Integrated Technology Acquisition Programme – ITAP).
Le programme FRES pourrait aussi structurer les technologies et l’industrie
européennes terrestres. En effet, l’ex-Hägglunds est en charge du programme suédois de
véhicules chenillés SEP (« Splitterskyddad EnhetsPlattform » – Modular Armoured Tactical
System) lancé en 1995, désormais sous la direction de BAE Systems, et coordonnait aussi
l’effort industriel de la Finlande, des Pays-Bas, de l’Italie, de la Grèce, de la Suède et de la
Turquie sur un projet de véhicule tout-électrique. Les liens entre les programmes suédois
SEP et britannique FRES ont été renforcés fin décembre 2005 avec un contrat adjugé par le
MoD à BAE Systems AB (anciennement Hägglunds au sein de BAE Systems Land Systems)
sur l’évaluation de la maturité technologique du programme SEP en vue d’une utilisation dans
le programme FRES. De fait, le démonstrateur du châssis du FRES précédemment évoqué
sera basé sur le programme SEP, permettant ainsi aux industriels suédois d’être intégré au
projet britannique s’ouvrant par là-même à des coopérations. La Suède diversifie aussi ses
coopérations puisque son programme de network-based defence (NBD), particulièrement
son architecture LedsystT, est lui basé sur une coopération avec Boeing (et IBM) pour
bénéficier de l’expérience du FCS.
Les communautés entre les deux programmes, américain FCS et britannique
FRES, existent à travers les industriels : pour le FCS, BAE Systems et General Dynamics
ont formé un MGVs (Manned Ground Vehicles) Propulsion Product Team, au sein duquel
BAE Systems est responsable de cinq variantes de véhicules (sur les huit). L’industriel
britannique développera en outre le Traction Drive Subsystems (TDS) des véhicules du FCS,
avec QinetiQ et Honeywell, pour le design et la livraison de 45 unités entre octobre 2006
et 2011. Enfin, BAE Systems porte aussi ses efforts sur la robotique terrestre, notamment
dans le cadre des deux Armed Robotic Vehicle du FCS, dont les premiers prototypes sont
attendus pour 2010.
Enfin, sur une base mondiale, BAE Systems se développe par des accords de
promotion de ses produits : depuis septembre 2005, un accord existe avec l’entreprise
privée turque FNSS Savunma Sistemleri, tenue à 51 % par la holding turque Nurol Holdings
et à 49 % par BAE Systems Land Systems OMC, filiale sud-africaine de BAE Systems. Cette
filiale sud-africaine tente d’ailleurs déjà de concurrencer les constructeurs européens sur le
segment des blindés légers, par exemple dans le cas de l’appel d’offres belge pour un Light
Protected Vehicle (LPV). Par le biais de Land Systems OMC, BAE Systems conduit aussi
MoD, Defence Industrial Strategy, décembre 2005, p. 80.
BAE Systems, « BAE Systems wins two Future Rapid Effect System Technology Demonstrator Programmes », 4
janvier 2006.
BAE Systems AB, « Swedish-British industrial cooperation – order for SEP technology for FRES », 28 décembre
2005.
23
en Afrique du Sud la modernisation du Olifant MK1B Main Battle Tanks, pour livraison en
2007. Enfin, en Slovaquie, BAE Systems évalue les opportunités de partenariat avec DMD
Groupe, producteur de tourelles de véhicules blindés, ce qui pourrait être un pas de plus de
BAE Systems, cette fois-ci vers l’Europe centrale.
Ainsi, en matière terrestre, BAE Systems est-il un industriel britannique, américain,
européen ou transatlantique ? Il s’agit en fait tout simplement d’une stratégie de conquête tous
azimuts du leadership mondial dans le domaine terrestre, entre autres domaines.
3. Le secteur industriel terrestre allemand : deux industriels en attente et
s’engageant progressivement dans des partenariats
En 2003 l’industrie allemande, après une première vague de restructurations
internes, ayant manqué l’occasion d’acquérir l’espagnol Santa Barbara Sistemas en 2001,
a abouti à trois grands groupes : Rheinmetall, Krauss Maffei Wegmann et Diehl, ce dernier
étant cependant davantage devenu un équipementier. Au final, les deux industriels majeurs,
Rheinmetall et Krauss-Maffei Wegmann, ont des profils différents :
 Rheinmetall, avec 3,45 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 18 548 salariés,
est pluri-domaines, intervenant dans le secteur automobile et dans la défense (pour 1,4
milliard d’euros). L’armement terrestre correspond à la division Rheinmetall Land Systems
(1 370 salariés, avec quatre implantations en Allemagne, pour 350,5 millions d’euros, soit
10 % du CA total) qui produit tous types de véhicules, et à Rheinmetall Waffe Munition (2 212
salariés, avec six implantations allemandes, une autrichienne et une polonaise, et 392,5
millions d’euros, soit 11 % du CA total), qui produit des armes et des munitions. Du point de
vue des véhicules blindés, le groupe allemand prévoit une forte croissance des activités de
réparation et de modernisation sur des matériels vendus sur stocks par l’armée allemande
à d’autres pays. Hormis l’armement terrestre et les munitions qui correspondent à 53 %
de son CA « défense », Rheinmetall est enfin présent dans l’électronique de défense et les
systèmes de défense aérienne.
 Krauss-Maffei Wegmann, avec 600 millions d’euros et 2 500 salariés à Munich
et Kassel, est spécialisé sur les véhicules blindés et militaires. Le groupe allemand détient
en outre six autres entreprises, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Grèce et aux États-Unis,
toutes spécialisées dans les véhicules terrestres (logistique, MCO et/ou production de
composants). Le carnet de commandes de KMW s’établit à 3,3 milliards d’euros.
Le rapprochement entre Rheinmetall et Krauss-Maffei-Wegmann est couramment
envisagé mais sans cesse reporté, du fait de tensions dans l’actionnariat de KMW et de
BAE Systems, « BAE Systems evaluates partnership opportunity for DMD Group », 25 novembre 2005.
L’éventualité d’un rachat de General Dynamics par BAE Systems a même été avancée, avant que le PDG de BAE
Systems ne précise que les achats futurs d’entreprises se situeraient dans une échelle de 40 millions à 1,25 milliard
d’euros, soit sur un panel potentiel d’entreprises assez large, non nécessairement sur le territoire américain (Andrew
Chutter, « BAE Backs Off U.S. Merger Strategy », Defense News, 6 mars 2006).
Le groupe Diehl (10 500 employés et 1,7 milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2005 dont 33,1 % dans la défense,
correspondant à Diehl VA System) a choisi une stratégie de produits hors intégration de véhicules. Il s’agit donc
d’un équipementier terrestre (moteur et transmission) et aéronautique, d’un munitionnaire (munitions guidées laser
notamment). Le groupe a maintenu des activités de réparation et des modernisation des véhicules de l’armée allemande
et des véhicules américains présents en Europe, à travers sa filiale IWS Industriewerke Saar GmbH, de même que des
activités d’intégration de véhicules et engins citernes militaires.
Rheinmetall, Annual Report 2005, 2006, p. 56.
24
craintes communes aux deux groupes face à des prises de participations américaines
(par General Dynamics, Carlyle, etc.). Pour le directeur des « Systèmes terrestres » de
Rheinmetall, « Avec une telle consolidation en Allemagne, nous pourrions jouer un rôle leader
et jouer dans la même division que BAE Systems et General Dynamics ». Effectivement, les
divisions terrestres et munitions réunies des deux groupes pourraient se monter à environ
1,3 milliard d’euros de chiffre d’affaires (sur plus de 4 milliards d’euros de CA total cumulé
entre Rheinmetall et KMW).
Cette absence de fusion n’empêche cependant pas des coopérations par projets,
autour du PUMA et du BOXER. Le PUMA, plus important programme de développement
et d’acquisition de l’armée de Terre allemande, est géré à travers la joint venture Projekt
System & Management Gmbh (PSM) basée à Kassel : au stade des prototypes et avec une
première version dévoilée au public allemand en mai 2006, ces véhicules blindés de près de
40 tonnes sont prévus à 410 unités, pour une production à partir de 2007. Le véhicule blindé
de 30 tonnes germano-néerlandais BOXER (programme MRAV en dénomination OCCAR,
c’est-à-dire seul programme européen de coopération), après cinq ans de développement,
une douzaine de prototypes et la défaillance du Royaume-Uni officialisée en novembre
2004, recevra son éventuelle décision de production en série au cours de l’année 2006. Le
programme BOXER est géré par ARTEC, consortium entre les allemands Krauss-Maffei
Wegmann et Rheinmetall et le néerlandais Stork.
Outre ces deux coopérations majeures pour l’Allemagne, chacun des deux groupes,
Rheinmetall et KMW, est aussi engagé dans des coopérations en Europe, notamment avec des
industriels français et à nouveau néerlandais, et aussi par le biais d’accords de licences pour
le char Leopard en Espagne et en Grèce. Par comparaison avec les industriels français,
les divisions terrestres de Rheinmetall et de KMW comptent 3 870 salariés, contre 3 500 en
2003 : GIAT Industries, Panhard & Auverland, ACMAT, Renault Trucks Défense, tous réunis,
représentent 3 620 salariés en 2006, avec une décroissance prévue chez GIAT Industries.
Rheinmetall, qui avait noué une alliance de coopération avec le français Panhard
dans le cadre de la réponse à l’appel d’offres sur le PVP français (in fine remportée par
Auverland), poursuit dans ce sens avec le nouveau groupe Panhard & Auverland dans le
cadre d’une proposition pour le renouvellement d’environ 2 500 véhicules blindés légers de
la Bundeswehr.
Pour KMW, une coopération est engagée avec l’industrie néerlandais, avec la
création en novembre 2004 de Dutch Defense Vehicule Systems (40 salariés) dans le cadre
de la production du véhicule blindé Fennek aux Pays-Bas. Cette coopération germanonéerlandaise est en outre renforcée à travers le BOXER. Enfin, surtout, KMW a signé en avril
2006 un MoU avec GIAT Industries pour concevoir, jusqu’au prototype à l’horizon 2010, une
famille de blindés médians. Apparaît alors, aux côtés du BOXER en coopération européenne
formalisée et aux côtés des communautés entre le SEP et les véhicules du FRES, une
troisième possibilité de coopération européenne sur les véhicules blindés.
(suite page 28)
Dernièrement, cf. T. M., « Krauss-Maffei Wegmann envisage de se rapprocher de Rheinmetall », Les Echos, 28
février 2006. Parmi les causes des échecs récurrents d’un rapprochement, le rôle de leader que veut jouer KMW, et
notamment son actionnaire privé majoritaire, la famille Böde (avec 51 % des parts), paraît bloquant, tout comme la
difficulté que connaît Siemens, actionnaire à 49 % de KMW, à se désengager du groupe.
Klaus Sander, cit. in « EADS dément son intéret pour Krauss Maffei », TTU, 10 mai 2006, n° 583, p. 5.
Ajoutons que Diehl a des alliances avec Nammo AS (producteur de munitions), Raufoss, SAAB (Celsius) et Patria
Industries.
25
Communiqué de presse
LA FRANCE, L'EUROPE, L'OTAN
Le 7 mars 1966, le Général de Gaulle annonçait le retrait des
armées françaises des structures militaires de l’OTAN. Depuis
cette décision, l’atlantisme est vilipendé. Et pourtant… La
France via l’OTAN est engagée en Afghanistan. Sur le vaste
front de la lutte contre l’islamo-terrorisme et la prolifération des
armes de destruction massive, les Français sont aux côtés de
leurs alliés. Etats-majors et services de renseignement opèrent
en étroite liaison avec leurs homologues américains. La France
aurait-elle donc réintégré l’OTAN ? Est-elle jamais sortie de
l’Organisation atlantique ? Pourquoi ces pudeurs?
Les faits commandent. Ces choix appellent l’attention sur les
dissonances cognitives françaises. L’opposition verbale aux
Etats-Unis, la stigmatisation de l’atlantisme et les envolées
lyriques ne correspondent pas aux réalités stratégiques et géopolitiques. Prise au plus haut niveau, la décision de participer
pleinement à la « nouvelle OTAN » s’inscrit dans une vision
ambitieuse de l’Europe, au cœur des équilibres panoccidentaux.
Risques, menaces et défis doivent être relevés. « Hic et nunc ».
La transformation de l’OTAN en une alliance euro-américaine et de souples articulations entre
Washington, Bruxelles et Moscou y contribueront.
L’AUTEUR : Professeur agrégé, Jean-Sylvestre Mongrenier est chercheur à l’Institut français de
Géopolitique (Paris VIII), spécialisé dans les questions de défense européenne et atlantique.
Ancien auditeur de l’IHEDN, il est Lauréat du Prix scientifique de l’IHEDN 2003 (catégorie DEA).
« La France, l’Europe, l’OTAN » est le second ouvrage de l'auteur publié aux Editions Unicomm.
Son « Dictionnaire géopolitique de la défense européenne » est sorti en mai 2005 dans la
Collection Abécédaire Société - Défense européenne.
L’ouvrage est préfacé par Pierre Lellouche, Député de Paris, Président de l'Assemblée
interparlementaire de l'OTAN.
LES EDITIONS UNICOMM : spécialisées dans la publication d’annuaires sur les Parlements
français et européen et de dossiers thématiques à l’attention des élus, elles publient également,
depuis 2001, une série d’ouvrages consacrés à la défense. Ces ouvrages donnent la parole aux
professionnels du secteur qui exposent d’une manière claire et sans faux-fuyants les enjeux
réels d’une défense européenne au moment où le contexte international nécessite plus que
jamais la création d’une Europe de la défense commune.
DICTIONNAIRE GÉOPOLITIQUE DE LA DÉFENSE EUROPÉENNE
Parution : 9 mai 2006
Prix : 18 €
En vente en librairie et aux Editions UNICOMM.
94 rue Saint-Dominique 75007 PARIS • Tél. : 33 (0)1 43 17 31 31 • Fax : 33 (0)1 43 17 31 30 • Mél : [email protected]
SARL au capital de 7 623 € • SIRET 388 672 909 00032 • Code APE 221A • TVA intracommunautaire FR 72388672909
V i e n t
d e
p a r a î t r e
« France-OTAN : vers un rapprochement doctrinal ?
Au-delà du 40e anniversaire de la crise franco-atlantique »
André DUMOULIN (directeur) collection RMES n°2, éditions Bruylant, Bruxelles, 2006, 322 pages. Préface de l’amiral Jean DUFOURCQ.
Disponible en librairie ou via le site www.bruylant.be
Cet ouvrage collectif réalisé dans le cadre du Réseau Multidisciplinaire
d’Etudes Stratégiques (RMES) profite du quarantième anniversaire du départ
de la France de l’organisation intégrée de l’OTAN pour engager une analyse
pluridimensionnelle des différents paramètres de la sécurité de l’hexagone en
partant du paysage otanien. Il ne s’agit en aucune manière d’aborder une nouvelle
fois les aspects historiques de la crise de 1966 autour de la décision souveraine
de Charles de Gaulle de faire sortir le pays de l’organisation militaire. Il s’agit plutôt
d’examiner la démarche française actuelle – dans ses différentes composantes,
dans ses questionnements, dans ses contradictions – face à l’évolution récente de
l’OTAN et indirectement son relationnel avec la PESD. Pour ce faire, l’essai a été
structuré en deux grandes parties : les socles posturaux (géopolitique, géostratégie,
transatlantisme, triangulation France –OTAN -UE) et les rapprochements doctrinaux
(conventionnel, opératoire, nucléaire, terrorisme, technologique et industriel,
élargissement, zone Méditerranée). « France-OTAN » tente de vérifier puis de
déterminer à quel degré la France est aujourd’hui engagée dans un rapprochement
doctrinal avec l’OTAN, au-delà du discours convenu sur la complémentarité certes parfois compétitive - entre l’Alliance et l’UE : Paris misant politiquement sur
la seconde organisation dans le long terme, tout en se crédibilisant militairement
dans le court terme avec la plus puissante alliance militaire que le monde ait jamais
connue. C’est tout en nuance que des tentatives de réponses ont été ici élaborées
à quelques mois du sommet de l’OTAN à Riga, grâce à des contributions provenant
d’un réseau pluraliste de professeurs et de doctorants belges travaillant sur la
politique de défense nationale et multinationale de leur grand voisin du sud.
André Dumoulin (dir.), Attaché à l’Ecole royale militaire (Bruxelles), Maître
de conférences à l’Université de Bruxelles et à l’Université de Liège, Membre du
RMES ([email protected]).
(suite de la page 25)
Enfin, l’Allemagne s’est engagée dans un effort de R&T en faveur de la robotique
terrestre (unmanned ground vehicles – UGV), visible à travers le premier European LandRobot Trial (ELROB) qui s’est tenu à Hammelburg en mai 2006. Il s’agit pour le moment
d’évaluer les possibilités technologiques et les besoins opérationnels. C’est en dernier lieu
une certaine vigueur du point de vue des équipementiers qui caractérise l’Allemagne, avec,
outre Diehl, Renk, ZF, MTU, Glenzer, Freundenberg, etc.
4. Le secteur italien de l’armement terrestre : pas d’évolution majeure
attendue
Le secteur italien de l’armement terrestre a un chiffre d’affaires global de 300 à 400
millions d’euros. Pour les véhicules blindés, le constructeur de poids lourds et véhicules
utilitaires IVECO (du groupe FIAT) capte 95 % du marché italien et a réussi à obtenir plusieurs
contrats importants à l’exportation : Espagne, Allemagne, Royaume-Uni (avec un contrat de
400+400 véhicules en 2003 et la fourniture du châssis du Panther britannique, véhicule de
commandement et de liaison actuellement en test et qualification), Belgique (avec un contrat
de 300 véhicules légers en 2004), États-Unis (à travers des véhicules de la division ASTRA
IVECO). En 2004, IVECO Defence Vehicles SpA a vendu plus de 1 900 véhicules militaires.
Sur le segment des plates-formes de véhicules légers et moyens, IVECO fait ainsi figure
de concurrent très sérieux pour les autres industriels européens : l’entreprise privilégie les
synergies entre le secteur civil et militaire, en employant au maximum des composants civils
sur étagères (COTS) sur le Light Multirole Vehicles et les Medium Multirole Vehicles. En
outre, le groupe italien a su prendre le tournant en matière de maintenance et réparation
des véhicules blindés, activités qui s’accroîtront dans le futur. L’utilisation du réseau de
maintenance civile informatisée d’IVECO a ainsi permis à l’armée italienne au Kosovo
d’organiser le soutien des véhicules Puma.
L’industriel italien est aussi associé depuis 1985 à Oto Melara S.p.A., filiale
de Finmeccanica avec 256 millions de chiffre d’affaires en 2005 et 1 345 salariés (soit
globalement 2,3 % de l’activité Finmeccanica) : cette filiale produit, entre autres dans le
domaine terrestre, des systèmes d’artillerie, des tourelles et des systèmes d’armes pour
plusieurs familles de véhicules italiens (Ariete, Dardo, Centauro, Puma, PZH2000 Howitzers
sous licence de Krauss-Maffei Wegmann), ainsi qu’espagnols et polonais. Pour Finmeccanica,
la stratégie dans le secteur terrestre est surtout d’attendre et d’observer l’éventuelle relance
de ce dernier à partir des programmes FCS et FRES, et de la demande en blindés médians
fortement numérisés.
5. Le secteur industriel terrestre grec : la recherche de la croissance au niveau
national et chez ses voisins
Le plus important producteur grec terrestre, ELVO (178 millions d’euros de CA
en 2004), est tenu depuis 2000 à 57 % par l’État grec et à 43 % par le groupe Mytilineos
Holdings S.A. (avec une option jusqu’à 60 % en cas de nouvelle étape de privatisation du
capital). En outre, Mytilineos Holdings S.A., détient 66 % de l’entreprise Metka, spécialisée
Cf. http://www.elrob2006.org/.
IVECO, Annual Report 2004, 2005, p. 40. Le total des véhicules commerciaux vendus par IVECO en 2004 est de
162 301.
Finmeccanica, 2005 Consolidated Financial Statements, 2006, p. 63.
28
dans la construction électrono-mécanique et métallique mais aussi positionnée sur le secteur
des véhicules blindés à roues ou chenillés pour 23 % de son chiffre d’affaires sur 2005-2009
(soit 29 millions d’euros en 2005).
A l’international ELVO coopère principalement avec Krauss-Maffei Wegmann dans
l’optique de la production sur son site de Volos de 170 Leopard 2 destinés à l’armée de Terre
grecque et avec Rheinmetall Landsysteme pour 12 véhicules de reconnaissance basés sur
le châssis du Leopard. L’entreprise grecque assure l’intégration et le test des chars, à partir
de l’industrie grecque (500 fournisseurs requis, principalement dans le nord de la Grèce) et
d’éléments allemands (la transmission ZF par exemple). Le ministère de la Défense nationale
grec prévoit une obligation de participation de l’industrie grecque dans les programmes de
défense à hauteur de 35% de la valeur ajoutée produite (contre 10 à 15 % actuellement).
L’industrie grecque terrestre est en cours de modernisation, avec des investissements
structurels d’un montant de 40 millions d’euros de 2005 à 2008, des nouveaux bâtiments,
une nouvelle ligne de production à Thessalonique, une piste d’essai et une infrastructure
de compatibilité électro-magnétique (CEM), jusqu’alors inexistante en Grèce. C’est ainsi
l’inverse d’une diminution des duplications industrielles qui s’observe ici, avec une stratégie
d’expansion d’ELVO dans les Balkans, en Europe centrale et vers Chypre, notamment pour
la modernisation et le MCO des véhicules blindés existants.
6. Le cas finlandais : quelle évolution de Patria en Europe ?
La situation de Patria est liée à son actionnaire étatique principal, l’État finlandais
détenant 73,2 % de l’entreprise. Le poids de ces deux actionnaires, l’un étatique l’autre
privé, en l’occurrence EADS (pour le reste des parts), est de nature à protéger l’entreprise
de tout rachat rapide et surtout hostile. Sa place et sa stratégie dans le mouvement des
restructurations pourraient néanmoins compter. En effet, l’entreprise a su acquérir à la fois
des filiales en Pologne (Patria Polska) et en République tchèque (Patria Praha), pays où
les grands groupes terrestres ne sont pas encore intervenus, et a su développer une joint
venture en matière terrestre avec BAE Systems AB (ex-Hägglunds) en Finlande : Patria
Hägglunds OY pour la production des mortiers AMOS et des CV9030 IFV pour les forces
finlandaises. Patria, qui effectue 167 millions d’euros de chiffre d’affaires dans le secteur
terrestre (sur un total de 317 millions d’euros), peut constituer une voie d’entrée potentielle
en Europe centrale. On soulignera finalement que Patria a mis en place avec le véhicule
AMV une structure modulaire similaire à celles de Mowag et d’Hägglunds.
Le finlandais, encore indépendant par rapport aux deux acteurs principaux, BAE
Systems et General Dynamics, pourrait être une cible et un moyen de contrebalancer ces
derniers aux yeux des autres groupes européens, soit équivalents en chiffre d’affaires
(EADS, Thales), soit spécialisés sur le terrestre (Rheinmetall, KMW, GIAT Industries).
D’une certaine manière, les situations de Patria et du français GIAT Industries sont proches,
notamment en ce que leur évolution pourrait être signe d’une étape dans les restructurations
européennes.
Aux côtés des acquisitions conduites par l’américain General Dynamics qui a réussi
sa percée sur le marché européen et par le britannique BAE Systems, qui a réussi dans
sa stratégie transatlantique voire mondiale, les deux ayant mené une stratégie de chassécroisé transatlantique, il reste donc un certain nombre d’acteurs industriels européens
En outre, ELBO co-produit avec Rheinmetall Waffe Munition 170 sous-systèmes d’arme destinés aux Leopard. De
manière régulière, ELBO travaille avec Volvo, General Dynamics, DaimlerChrysler, Mercedes, Scania, MAN, etc.
29
indépendants et diversement engagés dans des coopérations par projet. Celles-ci sont
cependant en attente de décisions politiques, notamment pour les phases de production.
C’est peut-être après ces décisions que des alliances et des fusions davantage structurelles
verront alors le jour.
Au final, trois coopérations européennes, toutes différentes dans leurs implications et
généralement asymétriques, se font jour : sur le BOXER (avec l’Allemagne et les Pays-Bas,
en gestion OCCAR, la plus ancienne mais modeste), sur le FRES (avec des apports suédois
issus du SEP et des partenariats industriels européens et américains), sur les technologies
d’un blindé médian (avec la France et l’Allemagne). Par ailleurs, le programme américain
FCS (qui utilise certaines capacités de Mowag via General Dynamics et est regardé par
Finmeccanica) fait figure de concurrent et pourrait jouer le rôle de « JSF terrestre ». Une
consolidation plus directement européenne est donc toujours attendue, qui devra être
fondée sur des coopérations technologiques, des besoins opérationnels quasi-identiques et
pourquoi pas ?, in fine, des programmes communs.
Cédric Paulin
Chargé de recherche à
la Fondation pour la Recherche Stratégique
***
30
N O S
L E C T U R E S
« La géosociologie de l’Asie centrale du Sud »
Géostratégiques, Avril 2006, n°12, 262pages, 15 euros.
L’Asie centrale du Sud : géosociologie, Grand jeu et « révolution »
Dans la livraison du mois d’avril
de sa revue Géostratégiques, l’Institut
international d’études stratégiques (IIES.
www.strategicsinternational.com), sous la
direction d’Ali Rastbeen, s’attache à nous
présenter une géosociologie de l’Asie
centrale du Sud.
Cet espace à haute valeur
stratégique comprend 14 pays dont la
présence est plus ou moins affirmée dans
les relations internationales : l’Afghanistan,
le Bangladesh, le Bhoutan, l’Inde, l’Iran, le
Kazakhstan, le Kirghizstan , les Maldives,
le Népal, l’Ouzbékistan, le Pakistan, le SriLanka, le Tadjikistan et le Turkménistan.
La « géosociologie », nous explique
Jean-Paul CHARNAY dans une contribution
conceptuelle originale et stimulante « entend
étudier par une approche multidisciplinaire,
la considération de l’évolution des
stratifications sociales des diverses entités
nationales, ethniques et civilisationnelles,
dans leurs revendications, leurs tensions
et leurs conflits. Il s’agit d’une interférence
des mécanismes sociaux sur le contenu
des recompositions territoriales, sur les
enjeux sociaux, économiques et religieux
qui transforment les structures mentales
et sociales, les projections et les cultures
des sociétés (…) » (p. 11) Des concepts et
des modes de raisonnement stratégique
spécifiques découlent de ces dernières. Les divers auteurs se penchent
donc sur les défis des Etats de la région et
sur leurs stratégies de développement.
Carrefour entre l’Europe, l’orient,
l’Asie, le Moyen-Orient, le sous-continent
indien et le monde slave, l’Asie centrale
du Sud, le « cœur de l’île mondiale »
(« heartland ») de Halford MACKINDER,
est depuis la fin de la Guerre froide une
zone stratégique hautement convoitée, les
préoccupations énergétiques étant au cœur
des diplomaties américaine, russe chinoise,
iranienne et indienne. La lutte sourde entre
R et Américains demeure la principale
rivalité dans une région marquée par les
poussées de la Chine.
Le 11 septembre a encore accru
l’importance économique, politique et
militaire de la région, la lutte contre le
terrorisme international (la guerre en
Afghanistan) ayant constituée une occasion
pour les Etats-Unis d’y pénétrer plus avant.
L’endiguement de la région est en effet un
élément crucial de la stratégie américaine
du Grand Moyen-Orient. Les R et les
Chinois doivent dans ce cadre être contrés.
Les « 31
L’article se concentre sur l’Asie « point
principal d’application des Etats-Unis ».
L’auteur analyse la méthodologie, les enjeux
et les résultats de ces « révolutions».
Washington organise des prises
de pouvoir et l’installation de régimes qui lui
sont favorables via diverses organisations
spécialement chargées de cette activité.
Des
organisations
non
gouvernementales
(Freedom
house,
National Endowment for Democracy,
Open Society, German Marshall Fund, US
National Democratic Institute, International
Republican Institute et George Soros
Fundation) contrôlées par les Etats-Unis
utilisent la corruption et la fraude lors
d’une consultation électorale, phénomènes
communs dans l’espace ex-soviétique où
les dirigeants tous issus des anciennes
structures soviétiques ont l’habitude de
«bourrer les urnes ». L’objectif est de
misé sur le mécontentement populaire qui
viendrait se surajouter à un profond dégoût
lié au caractère autocratique et népotique
des régimes, à l’effondrement du niveau
de vie des populations, aux privatisations
frauduleuses.
Les ONG protestent contre le
bourrage des urnes et suscitent ainsi des
manifestations populaires qui tournent à
l’émeute et entraînent le désaveu populaire
et institutionnel des dirigeants.
Les Etats-Unis déclenchent des
révolutions de couleur seulement dans un
second temps. Ils tentent en effet d’abord
d’attirer vers eux les dirigeants en place.
C’est le cas des ALIEV père et fils en
Azerbaïdjan et dans une moindre mesure
Noursoultan NAZARBAEV au Kazakhstan.
Des révolutions de couleur ont par
contre eu lieu en Georgie et en Ukraine.
En Asie centrale, le Kirghizstan, dont
32
la position géographique pour le transit
d’hydrocarbures est stratégique, a lui aussi
fait l’objet de cette guerre politique, lors
des élections législatives de mars 2005.
Un gouvernement favorable à Washington
a ainsi été mis en place. Les tentatives
de répliquer ce mécanisme trois mois
plus tard se sont soldées par un échec en
Ouzbékistan où le gouvernement à porté un
coup d’arrêt à cette forme de contestation (la
révolte d’Andijan en mai 2005 a notamment
été réprimé dans le sang).
Face à ces poussées américaines,
les Russes, dans un premier temps
déstabilisés, sont parvenus à mobiliser
leurs réseaux en se rapprochant notamment
de la Chine via l’organisation de Shanghai
comprenant des membres centrasiatiques.
Ils ont aussi répliqué en lançant une
douloureuse « guerre du gaz » (augmentation
des prix du gaz touchant la Moldavie,
l’Ukraine, la Géorgie et les Etats baltes). Le
« jeu » pour la domination du « heartland » se
poursuit donc … et les islamistes présents
et actifs en Asie centrale pourraient bien
s’inviter dans la partie…
Plusieurs
intellectuels
et/ou
praticiens des relations internationales de
haut niveau sont une nouvelle fois intervenus
dans l’élaboration de cette livraison très
stimulante. Ils ont réussi à nous convaincre
de l’importance stratégique de cette région
pour le futur de notre planète. En effet, comme
l’écrit Ali RASTBEEN « l’Asie centrale est
un pont économique et stratégique pour de
nombreux acteurs, qui constitue, aujourd’hui
et dans le cadre de la mondialisation une
possibilité de contester l’omniprésence
américaine sur la scène internationale et de
mettre fin à son interventionnisme politique
et militaire et son agressivité sur les régions
à fort potentiel économique » (p.10).
Mathieu ARMET
Etudiant au Centre d’Etudes Diplomatiques et
Stratégiques (CEDS). Membre de l’IPSE
« Face à la guerre »
de Louis GAUTIER, Editions La Table Ronde (2006)
Dans son ouvrage, l’auteur se veut exhaustif sur les problèmes de la guerre et de
la paix intéressant au premier chef la France et l’Europe. Aucun aspect des questions de
défense n’est passé sous silence ni enlevé de son contexte. L’analyse plonge au fond de la
réflexion stratégique, historique et contemporaine pour en arriver à des concepts d’actualité
et en prospective. Cela amène l’auteur à développer plusieurs thèses dont la sienne, mais il
n’en passe aucune sous silence, y compris celles qui lui sont opposées et il indique même
à ses contradicteurs les voies pour contre-attaquer la thèse qu’il défend. Il y a ainsi lieu de
saluer l’honnêteté et le rationalisme intellectuels de l’auteur ainsi que sa maîtrise du sujet.
La langue, diraient certains, à force d’être précise, les mots choisis avec soin au
premier chef, devient parfois absconse. Ce n’est pas un ouvrage de vulgarisation ; c’est un
ouvrage de réflexion, ce dont la France notamment a besoin et ce dont on manque. Cela
veut dire que nous n’avons aucune chance de considérer que cet ouvrage doit être proposé
dans un point de vente de gare.
En synthèse, l’auteur est persuadé que l’action de force, la guerre, demeure et
demeurera d’actualité. Il signale que deux nations en Europe maintiennent un effort de
défense conséquent, la France et la Grande-Bretagne, mais que désormais, la menace
militaire est aux frontières externes de l’Europe, ce qui rend inefficaces les efforts d’une
seule nation européenne. Il dénonce l’OTAN comme un système américain visant à priver
l’Europe-puissance qu’il appelle de tous ses vœux, de tout moyen militaire efficace. Il prône
donc une Europe de la Défense, qu’en regard de l’échec du traité constitutionnel, il veut
mettre en place avant l’élaboration d’une structure politique. De même que l’économie a
entraîné une construction politique à l’origine de l’Europe, la Défense, avec ceux qu’elle
concerne en Europe, fera progresser l’élaboration d’une politique étrangère commune.
L’auteur est résolument pour une arme nucléaire française dans une option de
dissuasion, mais sans exclure l’emploi aux très bas niveaux et voudrait un partage de la
décision avec les Européens responsables.
L’auteur toujours, appelle à la fondation de « Thing-tank » au niveau européen,
puisqu’au niveau français, il s’avère qu’il est impossible de les créer ou qu’à peine créés, ces
centres de réflexion sont noyés dans d’autres considérations que la réflexion stratégique.
L’ouvrage est abondamment référencé, ce qui l’amène à figurer dans la base d’une
bibliothèque dédiée à la stratégie militaire.
Henri PARIS, Général (e.r.)
Président de la Fédération des
Officiers de Réserve Républicains (FORR)
***
33
« Demain la francophonie »
Dominique Wolton, Paris, éditions Flammarion, 2006, 195 pages, 15 euros
Le sociologue Dominique Wolton,
que l’on ne présente plus, tant sa plume
alerte nous a guidé sur les chemins d’avenir
de cette francophonie, enjeu politique
majeur, nous livre - en cette année du
centenaire de la naissance du chantre de
la négritude et l’ardant défenseur du projet
francophone Léopold Sédar Senghor, à
quelques mois de la tenue du XIe Sommet
de la francophonie à Bucarest et alors
que le festival « Francofffonies ! - festival
francophone en France » débute en mars
et battra jusqu’en octobre au coeur de la
diversité culturelle -enfin reconnue comme
enjeu majeur pour une mondialisation
plus humaniste - un brillant plaidoyer
pour ce formidable outil collectif pour
mieux appréhender la diversité culturelle,
l’intégration, la solidarité et le respect des
identités plurielles qu’est l’enjeu linguistique
dans les Relations internationales.
Demain la Francophonie ! Et si nous
y étions déjà ? Car Dominique Wolton nous
rappelle à travers tous les chapitres de ce
livre ambitieux, qui se veut aussi un mode
d’emploi, que la francophonie est surtout
une utopie concrète qui transcende bien
des frontières idéologiques, à condition d’en
combattre les idées reçues et d’en faire un
levier politique, par exemple pour la politique
extérieure de la France…
Le Directeur de la revue Hermès,
décrit ainsi scrupuleusement quels sont les
principaux fronts sur lesquels la francophonie
évolue, entre réalités institutionnelles - à
l’image d’un géopolitique complexe marquée
par l’interdépendance-, richesse d’un réseau
associatif militant marqué par sa jeunesse et
hélas ! atermoiement fréquents d’une classe
politique, volontiers défaitiste et prompte à
classer la francophonie comme un souvenir
honteux de la puissance passée de la
France.
34
Hier la francophilie, aujourd’hui
la francophonie, demain la francophère !
Voila en substance la synthèse qu’il faudrait
retenir de cet ouvrage pour mieux nous
préparer aux enjeux du futur.
Un des mérites de cet ouvrage est
de replacer la francophonie dans le contexte
actuel. De ce fait c’est avant toute chose, un
laboratoire politique dans lequel l’on peut
puiser tous les remèdes qui pèsent sur nos
sociétés marqués, entre autre, par le mythe
de la société de l’information, comme l’auteur
nous le rappelle inexorablement depuis la
parution de « Penser la communication »
(1997).
Fraternité, laïcité, humanisme,
solidarité entre les peuples, intégration
républicaine, diversité culturelle, dialogue
des civilisations… ne sont que quelques unes
des caractéristiques les plus prégnantes de
cette réalité qui illustrent parfaitement ce
« savoir-être » francophone, qui avec 175
millions de locuteurs francophones affirmés,
féconde plus de 710 millions d’habitants
dans 63 pays dans le monde.
L’auteur termine son ouvrage en
rappelant aussi ce que la francophonie n’est
pas. Ni repli identitaire sur soi, ni nostalgie
d’un passée révolu, qui comporte zones
d’ombres et éléments positifs..., et encore
moins substitut à l’intégration européenne.
La « francophonie puissance » se veut ainsi
le témoignage vivant qu’un autre monde est
possible.
Dans ce sens, l’auteur appelle de
ses voeux, pour la jeunesse de demain,
d’ambitieuses
réformes
mentales
et
pratiques, qui verraient les technologies
de l’information et de la communication se
mettre au service de la francophonie dans
l’Europe, dont incontestablement la France
doit rester un des moteurs, alors même que
le français, pourtant langue officielle tant au
sein de l’Onu que de l’UE, y semble plus
en péril que jamais, comme le laisserait à
penser le terme qui peut sembler équivoque
pour certains de « l’union dans la diversité ».
suite à la formidable victoire obtenue à
l’Unesco en octobre dernier, que dans une
forme d’exception culturelle qui confine plus
à l’exclusion, que d’aucuns nous acculent à
subir en silence depuis quelques années.
Dominique Wolton rappelle in
fine qu’en se mobilisant en réseau, la
francophonie peut devenir enfin une
communauté d’esprit et d’actes dont l’avenir
s’inscrit plus au pluriel et dans la diversité,
Alors demain tous francophones
pour bâtir un monde plus juste et des
rapports entre les peuples plus équilibrés ?
Emmanuel DUPUY
***
35
« Géopolitique du pétrole »
Philippe Sébille Lopez, éditions Armand Colin, Paris, 2006, 479 pages, 27 euros.
Depuis les années 1930, on entend dire souvent que le pétrole c’est 10% d’économie
et 90% de politique. Le choc pétrolier du début des années 1970, plusieurs guerres livrés
pour et par le pétrole, ainsi que le prix du brut qui « flambe » depuis 2004, notamment sous
la pression de tensions géopolitiques, semblent confirmer cette formule.
Le baril a même dépassé le prix record de 70 dollars, mettant ainsi en exergue
les enjeux considérables et les tensions sur les marchés pétroliers. Cette géopolitique
des hydrocarbures révèle le poids déterminant sur la scène internationale des acteurs
traditionnels, compagnies et pays producteurs, mais aussi des nouveaux venus dans le club
des grands pays consommateurs. Plus que jamais, les grands enjeux de la sécurité des
approvisionnements et des infrastructures sont déterminants. Car les menaces terroristes
s’ajoutent désormais aux capacités incertaines des différents acteurs à répondre à la
demande croissante pour cette énergie qui fait tourner le monde depuis plus d’un siècle.
Philippe Sébille-Lopez, consultant spécialiste en géopolitique et en analyse risque
pays au sein du cabinet Géopolia qu’il a fondé, livre un texte éclairant d’un regard global
l’évolution des relations internationales à travers ces géopolitiques du pétrole, qui peuvent
expliquer et/ou préfigurer bien des conflits.
L’intérêt majeur de cet ouvrage unique en son genre réside dans le lien subtil que
l’auteur, fin connaisseur de ces questions, nous propose d’analyser entre une description fine
des enjeux planétaires de puissances et affirmations politiques régionales, et leur poursuite
à travers un tour du monde des zones majeures de production, le long de ces « routes
du pétrole » où se déroulent de grandes manœuvres, plus stratégiques que jamais entre
acteurs étatiques, compagnies pétrolières transnationales et intérêts politiques et financiers
mondialisés.
Les enjeux en cours, du Venezuela à la Russie, de la Caspienne au golfe arabopersique, de la Méditerranée au golfe de Guinée, qui intègrent bien sûr les Etats-Unis et la Chine,
dépassent en effet, largement les seules conséquences immédiates au plan économique
liée à la flambée des cours. Ils se prolongent avec la sécurité des approvisionnements à
partir des zones de production, jusqu’aux grands pays consommateurs. Ces questions
expliquent autant qu’elles préfigurent l’instabilité politique et militaire croissante qui agite
certaines zones de la planète.
La fin inévitable de la manne pétrolière requiert aussi une réflexion prospective que
nous propose l’auteur, au terme d’une analyse complète des rapports de forces politiques
et économiques, qui oscille entre politiques étrangères officielles et diplomaties parallèles
parfaitement huilées.
36
Pressions, tensions, menaces, tractations, nouvelles alliances, ruptures et conflits
potentiels : les motivations complexes de ces acteurs multiples sont ainsi parfaitement
expliquées, cartes et chiffres récents à l’appui.
Emmanuel DUPUY
37
« L’enjeu turc »
Didier Billion, éditions Armand Colin, Paris, mai 2006, 320 pages
La Turquie fascine autant qu’elle
inquiète. La promesse d’une adhésion
future à l’Union européenne a ravivé
les passions séculaires d’un débat qui,
pour être constructif se doit d’être juste et
équilibré. Parfois, hélas ! , ce dernier a pris
les habits d’une confrontation idéologique
figée ou pour certains, l’Occident devrait se
fermer à l’Orient et vice-versa, la religion
musulmane s’affronter intrinsèquement aux
valeurs judéo-chrétiennes, l’humanisme
étant définitivement minée par l’intégrisme.
A cela s’ajoute l’épineuse question de
la géographie et le jeu des alliances
stratégiques et militaires qui fondent des
interrogations forcément complexes sur la
société turque actuelle.
Fruit d’un engagement de longue
date et d’une connaissance fine de la réalité
sociologique,
historique,
économique,
géographique, religieuse, démographique et
bien évidemment géopolitique, Didier Billion,
Directeur-adjoint de l’Institut de relations
internationales et stratégiques (IRIS) relève
le défi de définir précisément les termes de
ce débat stratégique qui engage l’Europe
sur sa propre identité, ses valeurs et la
portée de son projet politique. L’attrait de cet
ouvrage vient sans doute du fait qu’il n’élude
rien de l’ampleur des formidables défis et
des obstacles posés par l’ouverture des
pourparlers d’adhésion en octobre 2005.
L’auteur démontre ainsi à travers
320 pages circonstanciées que nombre
des questions participant à cette légitime
interrogation, puisent dans une certaine
forme de déterminisme historique et
d’argumentations géographiques sujettes
au débat, justement…
Aussi, pour mieux comprendre
l’enjeu turc, s’agit-il de concevoir, en premier
lieu, le continuum qui lie l’Empire Romain
38
d’Orient à la République kémaliste en
passant par la domination ottomane, qui fait
de la Turquie une « région intermédiaire »,
carrefour autant symbolique que territorial
de l’Eurasie, entre mixité des influences
culturelles et religieuses. A cela s’ajoute, une
réalité stratégique gage de stabilité régionale,
eu égard notamment à l’indispensable
besoin de sécurité des approvisionnements
énergétiques, que de la maîtrise des
ressources rares (en premier lieu desquels
aquifères), la lutte contre les proliférations et
la gestion des flux migratoires.
Dès lors, après avoir préalablement
évoqué les questions qui conditionnent
le débat sur l’adhésion turque à l’espace
et politique européen, depuis 1963, entre
réalités et interprétations de l’argument
géographique, de la prise en compte
des éléments historiques, institutionnels,
culturels,
religieux,
de
l’exigence
démocratique et des enjeux chiffrés du poids
démographique, cet ouvrage a l’insigne
mérite de nous faire poser les bonnes
questions.
Le propos de Didier Billion insiste
ainsi sur le dépassement de l’enjeu de
« l’européanité » de la Turquie pour mieux
s’interroger sur nos propres valeurs, qui
verraient la laïcité et l’universalisme être
implicitement mis en cause par une certaine
forme de régression communautariste et de
repli sur une identité commune européenne
hésitante car marquée justement par sa
diversité.
Une fois le décor planté en vue
d’un processus d’adhésion à plus ou
moins longue échéance - d’ici sans doute
une dizaine d’années - reste-t-il encore à
dessiner précisément les contours de cette
société turque méconnue et fantasmée,
cependant marquée par un indéniable
potentiel économique, une puissance
militaire vitale à la stabilité régionale et un
patriotisme légitimité par une conception
assumée de la Puissance - d’autant plus
légitime qu’elle transcende l’ensemble de
la société turque, contrairement à bien des
pays européens...
L’enjeu turc serait-il ainsi le miroir pas si déformant que cela - de nos propres
difficultés à concevoir collectivement le
contenu, le calendrier comme les frontières
du projet européen - au sens propre autant
que figuré ?
Il est ainsi réaffirmé dans ses pages
éloquentes que la place de la Turquie dans
une Europe qui se sera de toutes manières
déjà élargie d’ici 2015 dépend ainsi
indiscutablement de notre propre capacité
à choisir entre l’option de l’Europe politique,
acteur stratégique international et celle de
l’espace économique, vaste zone de libre
échange.
C’est justement, comme le rappelle
Didier Billion ce qui fait défaut pour l’heure à
l’Union européenne.
Car, un des éléments essentiels qui
conditionne le débat est celui déterminant
du temps. En effet, le regard que l’on porte
aujourd’hui sur la candidature turque, avec
ses ornières, ne sera vraisemblablement
pas le même que celui d’une Turquie qui
devra évoluer et se réformer au gré de
l’assimilation de l’acquis communautaire. Ce
qui ne sera pas, comme le rappelle l’auteur,
un long fleuve tranquille.
Le débat qui se doit d’être
contradictoire, dépassionné et argumenté
est ainsi lancé et cet ouvrage l’y encourage
sereinement sans faux semblants ni
caricatures...
Emmanuel DUPUY
***
39
« Survivre »
Jean-François Deniau, Editions « Plon »
Quelle vie ! Ou plutôt quelles vies ont été celles de Jean François Deniau! Puisque
naguère, il publiait ses « Mémoires de 7 vies », décrivant ses résurrections et ses réincarnations
successives en nous laissant comprendre qu’après tout, il était toujours possible de vaincre
la mort, à la seule condition de « croire et oser ».
« Survivre » n’est pas un nouveau recueil de ses mémoires. « Des mémoires, c’est
une chronologie, un rappel systématique d’événements vécus, de personnages rencontrés…
Je laisse quelques souvenirs monter, d’enfance et d’aventures » nous dit l’auteur en avantpropos. Toutes ses vies, Jean François Deniau les a croquées à pleines dents, aux quatre
coins du monde, côtoyant « la mort de près », au milieu de toutes les guerres, de toutes les
souffrances physiques et morales que l’homme, dans ses ivresses de pouvoir et d’argent,
est capable d’inventer et d’imposer aux autres.
« Survivre »…, toujours en lignes élégantes et fortes, le récit se pare souvent des
atours de l’épopée: … aux abords de la Khyber Pass, «Avec le colonel commandant les
Khyber Rifles, nous nous arrêtons sur une petite colline juste avant la frontière, avec vue
sur l’Afghanistan. Nous nous installons, Alain Boinet, le colonel et moi, dans trois grands
fauteuils d’osier face au panorama. Thé. »… « Au-dessus de nos têtes, le sifflement des obus
nous oblige à élever la voix. Je dois donc élever un peu la voix aussi – pas trop, gardons
notre sang froid-… ». Nous ne sommes pas dans un roman de Kipling, nous sommes en
1987. Jean François Deniau n’a jamais voulu être roi!
« Survivre »…, le verbe devient parfois cri de colère, de révolte et dénonce
l’hypocrisie :… à « Sarajevo, quand l’Europe a perdu son âme … La « culture des
Nations unies» est une sorte de neutralisme nordique où on vit avec bonne conscience des
guerres des autres sans y participer. Prendre un risque est mal vu»... à Srebrenica qui sera
« écrasée…C’est un exemple dramatique, en pleine paix, et sans doute unique, de massacre
sous contrôle international, au cœur de l’Europe ».
Quelles leçons de courage nous sont données dans tous ces vécus, de la jungle
indochinoise au désert de Mauritanie, en passant par les montagnes afghanes et balkaniques,
par les rues déchiquetées de Beyrouth mais aussi par les couloirs de Bruxelles et les
cabinets ministériels de Paris. L’histoire de l’homme politique, de l’écrivain académicien,
de l’ambassadeur de France, du marin, s’inscrit et s’implique dans chaque intensité
de l’histoire du monde et celle de notre pays. Se souvient-on que Jean François Deniau
rédigea le préambule du Traité de Rome ? « Et personne n’a osé ni même pensé s’attaquer
à mon paragraphe final qui introduit pour la première fois dans un traité international le mot
« idéal » ! ».
Pour la plupart d’entre-nous, tous ces soubresauts du monde ne représentent déjà
plus que le souvenir de gros titres dans les journaux, trop rapidement estompés par les
40
derniers flashs du vingt heures. Il faut avoir connu les affres de l’abandon pour ne pas oublier
la main qui a été tendue : « …la réponse d’un chef d’Etat, ancien guérillero, interviewé à la
télévision française :
- Vous connaissez Deniau ?
- Si je connais Deniau ! Il était avec nous quand personne n’était avec nous. »
En ces temps où nous dit-on, nos concitoyens sont moroses et ne croient plus
en leur classe politique, où les valeurs de notre société semblent se déliter dans les recours
insultants, les contestations violentes, les abus de confiance et les discours délétères, il nous
est rappelé comme à ceux qui en revendiquent le titre, ce que suppose la fonction de « Grand
Commis de l’Etat », avec une majuscule à chaque mot. Le monde, l’Europe, la France a tant
besoin de cette race de serviteurs. Il est certes plus facile et confortable de succomber aux
tentations du renom et de la gloire corrompue des âmes grises. Mais navigateur lui même,
Jean François Deniau sait combien il est difficile de garder son cap dans les déferlantes
de la bassesse, de la trahison et de la démission. En le lisant, la devise d’un autre Grand
Capitaine, Jean de Lattre de Tassigny, nous vient à l’esprit : « Ne pas subir ».
« Survivre »…, le ton se fait humble devant la maladie :… « J’ai peur de la nuit qui
n’a pas de nom », mais ne désarme pas :… « Je ne pense qu’à retrouver la mer… la vie
est trop courte, à peine le temps de se retourner… et il faut abandonner. N’abandonnons
pas ». Quelle espérance aussi, pour « Tant d’hommes [qui] commencent à mourir si jeunes
même s’ils ont l’air vivants »… « La volonté d’espoir quand il n’y a pas d’espoir, s’appelle
l’espérance ».
« Survivre »…, les mots sont tendres lorsque la nostalgie affleure :… « Le bonheur
prend toujours la forme d’une île au loin » ou que le précepte du poète nous est rappelé : « Il
n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour ».
A n’en pas douter, l’ouvrage de Jean-François Deniau est à méditer, par ceux qui
se veulent être les architectes de notre futur, par chacun d’entre-nous dans les coups de
tabac de la vie.
Jean-Pierre GAULT
Consultant à L’International Investigative
Training Assistance Program (I.C.I.T.A.P.)
US Deparment of Justice et au CI2S
(Cabinet d’Ingénierie Stratégique pour la Sécurité)
***
41
« La double défaite du renseignement américain »
Franck DANINOS, Collection Géopolitique, Editions Ellipses, Paris, 2006, 320 pages, 23 €
Jean-Pierre
Pochon,
ancien
directeur du renseignement de la D.G.S.E. à
qui nous devons la préface de cet ouvrage,
résume fort bien la problématique posée ici :
« Au-delà de l’analyse d’un échec imputé de
manière symbolique aux services américains
en raison de leur puissance, ce livre pose
avec beaucoup de pertinence les questions
du positionnement du renseignement, de
ses limites et de son utilisation politique
dans nos démocraties. » En quoi, concrètement, pouvonsnous parler de « défaite » du renseignement
américain concernant les attentats du 11
septembre 2001 et la “crise irakienne”?
L’auteur de cet ouvrage, Franck
DANINOS, diplômé de l’Ecole des Hautes
Etudes en Sciences sociales, journaliste
et chercheur associé au Centre Français
de Recherche sur le Renseignement,
estime que l’échec sera récurrent en la
matière « jusqu’à ce qu’un seul seuil soit
franchi : celui où la dialectique de l’« échec
du renseignement » sera dominée par le
caractère inévitable des attentats.”
Les cibles des services de
renseignement sont devenues « plus
diffuses, plus mobiles, plus improbables ».
La nouvelle génération de djihadistes mêle
stratégie et objectifs, et, aux yeux d’Oussama
Ben Laden et d’Ayman Al-Zarkawi l’Irak sera
la concrétisation de ce qu’aurait dû être
l’Afghanistan. Ce que les Etats-Unis nomment
désormais le “9-11” (comprendre le 11
septembres 2001) ne put être pressenti
42
pour diverses raisons : faiblesse du
« renseignement
stratégique »
(définir
l’existence, la nature et l’évolution d’une
menace) spécialement dans le domaine
du terrorisme islamique à vocation
internationale, mais surtout inefficacité de
la communication entre la C.I.A. et le F.B.I.,
ainsi que le privilège du renseignement
technique par rapport au renseignement
humain.
Les services de renseignement
doivent par conséquent être perfectionnés :
nouvelles technologies en ce qui concerne
l’aspect opérationnel mais aussi remodelage
organisationnel.
L’accent est, de fait, mis sur la
coordination et surtout la coopération entre
les différents services dans le but d’un réel
partage d’informations ; le F.B.I. sera ainsi
transformé en une force de renseignement
effective. Ceci aboutit également à la création
du sous-secrétariat à la Défense pour le
renseignement. La loi votée aux Etats-Unis
en décembre 2004 instaure un directeur du
renseignement national pour chapeauter
les quelques seize agences existantes et
conseiller directement le Président (rôle
anciennement dévolu au directeur de la
C.I.A.).
L’auteur met en évidence le rôle
du renseignement au sein de la « doctrine
Bush », formulé en 2002 et 2006 dans le
National Security Strategy, et place surtout
en exergue ce qu’il nomme le nouveau
« paradigme » du Renseignement, défini à
travers les relations entre la politique et le
renseignement.
En effet, le renseignement anglosaxon tend vers une réelle politisation
depuis 2001. Les couples George BUSHGeorge TENET et Tony BLAIR-John
SCARLETT (directeur du MI-6) démontrent
les liens étroits entre le pouvoir exécutif et les
directeurs des agences de renseignement.
De facto, les politiques se déchargent sur
le renseignement d’une certaine part de
responsabilités face au terrorisme.
La justesse de l’analyse reside dans
l’établissement de ce nouveau paradigme du
renseignement où l’initiative politique prime
: les gouvernements « tirent vers eux le
renseignement plutôt que le contraire ». En
théorie aucun sens ne devrait être privilégié
; or, depuis le 11 septembre 2001, ceci n’est
plus respecté.
Le
D.N.I.,
Directeur
du
renseignement national des Etats-Unis
pourrait devenir le lien objectif entre
politique et renseignement, à condition que
les nouvelles structures de renseignement
acquèrent la crédibilité dans les faits.
Cette plongée dans l’univers
passionnant du renseignement a le
mérite de clarifier les relations « politique/
renseignement »
mais
également
« renseignement/médias ». Nous ne pouvons
ignorer l’impact de l’opinion publique ;
ainsi, force est de constater la nécessité
de créer un cadre défini afin que médias et
renseignement communiquent (dans le but
d’éviter les « fuites» une solution pourrait
être de spécialiser certains journalistes).
L’originalité de l’ouvrage tient aussi
dans le fait que l’auteur cite, pour la première
fois, le responsable actuel du renseignement
français sur ce qu’il pensait des supposées
armes de destruction massives (A.D.M.) de
Saddam Hussein. Résumée rapidement,
cette évaluation de la menace serait
sensiblement proche de celle des agences
de renseignement américaines de 2002.
Au moment du déclenchement de la
guerre en Irak, il est à noter que ni Jacques
Chirac ni Gerhard Schröder n’ont affirmé que
Saddam Hussein ne détenait pas d’A.D.M..
Le différend résidait dans les moyens de
résoudre le problème de la menace irakienne
: prouver les infractions irakiennes était un
rôle dévolu aux inspecteurs internationaux,
et non aux services de renseignement nordaméricains.
La guerre anglo-américaine en
Irak marqua une évolution sensible de
l’environnement géostratégique mondial,
dans le sens où il y eut légitimation d’un droit
à la guerre « préemptive » s’appuyant, in
fine, sur l’existence de preuves matérielles
démontrant l’imminence d’une menace.
Les informations obtenues par les
services de renseignement ne constituaient
pas des preuves mais bel et bien une
justification de la menace. Selon Franck
DANINOS « Une guerre préventive est donc
nécessairement une « guerre annoncée »,
et elle va de paire avec la publicité du
renseignement. »
Le cas irakien servira de
« jurisprudence » afin que la supposée
présence d’ADM (Armes de Destruction
Massive) justifie le déclenchement de
guerres préventives.
Or jamais, avant le « crise
irakienne », les résultats du travail des
services de renseignement n’avaient été à ce
point publics. Les services de renseignement
furent « victimes de leur idéal de discrétion »,
c’est pourquoi nous assistons à la création
43
En résumé, le maître mot de toutes
les améliorations induites par le constat
d’échecs des services de renseignement
américains sera la « transparence ».
d’organismes de contrôle des services de
renseignement, dans un souci d’intégrité
aux yeux de l’opinion publique.
Julie Parriot
Doctorante en criminologie,
Université de Lausanne
***
44
COMMENTAIRE « INFLEXIONS »
Le dernier numéro de la revue «INFLEXIONS » outre sa propension à proposer
à ses lecteurs les écrits de rédacteurs de grande qualité permet également d’aborder des
thèmes éthiques dont la prégnance est chaque jour un peu plus d’actualité.
Si l’implosion du bloc soviétique fut, en cette fin du XXe siècle, une révolution majeure
dans l’approche des relations internationales et notamment en ce qui concerne les rapports
entre puissances majeures, elle est aussi le point de départ d’une déstructuration de l’ordre
jusque là établi sous le couvert de l’équilibre de la terreur. En cela, l’affranchissement de leurs
tutelles antérieures par un certain nombre d’états, l’éclatement d’autres entités étatiques au
travers de la nouvelle prise en compte de critères ethniques, religieux, socio – économiques
en est le symbole le plus véritable.
La multiplication de conflits régionaux ou de micro-conflits, l’intégration dans le jeu
des relations internationales de nouveaux acteurs qu’ils soient parfaitement respectables
(nouveaux états, sociétés multinationales) ou, au contraire, des organisations criminelles
transnationales à caractère mafieux ou politico-mafieux n’a rendu que plus délicat la
perception pertinente de situations locales et complexe l’engagement de forces dans le
cadre d’opérations de maintien de la paix ou d’actions civilo-militaires.
Cette complexification a eu, bien évidemment et très légitimement, des incidences
majeures pour tout ce qui concerne les approches intellectuelles et pratiques dont doivent
faire preuve les décideurs politiques mais aussi les acteurs militaires dans leur perception,
leur analyse et leur conduite de l’action face à tel ou tel problème.
L’approche nouvelle au droit international s’inscrit tout à fait dans ce cadre ;
le comité de rédaction de la revue « INFLEXIONS » a donc été très pertinent dans sa
démarche sur ce thème. Certes, comme le dit très justement, Odile ROYNETTE, « l’époque
contemporaine a été le théâtre d’un effort sans précédent pour moraliser la guerre ».
Il n’en demeure pas moins que la majeure partie du siècle précédent aura connu des
affrontements de « puissances à puissances » et de « blocs à blocs » que se soient lors de
conflits généralisés menés par des puissances majeures et s’appuyant sur des alliances ou
dans le cadre d’une «guerre froide » dont les décideurs, le potentiel et la structuration des
forces mais aussi leurs conditions d’engagement étaient parfaitement connus ; période au
cours de laquelle des conflits de basse intensité (localisés dans le volume, le temps et les
modalités opérationnelles) ne pouvaient être déclenchés par des belligérants que dès lors
qu’ils servaient les intérêts de l’une ou l’autre des deux puissances dominantes dans le cadre
d’un rapport de force planétaire. Les choses étaient donc politiquement et stratégiquement
bien définies et les conditions d’engagement sur le terrain tacitement bien fixées dans le
cadre de cette démarche afin que chaque partie sache jusqu’où aller sans toutefois dépasser
la « ligne rouge » de l’inacceptable pour la partie adverse.
Aujourd’hui, dans bien des cas, cette approche est caduque. Et les forces
occidentales régulièrement mises à contribution dans le cadre de missions onusiennes en
sont devenues les témoins mais aussi les acteurs permanents.
La nature des conflits est tout à fait différente de part leurs causes qui deviennent
multiples, sont parfois difficilement identifiables de premier abord et ne s’inscrivent plus dans
ce scénario général antérieur, redoutable par ses conséquences mais intellectuellement
45
confortable dès lors que chaque partie maîtrisait une « partition connue ». De plus, la diversité
et la fluctuation que connaissent les objectifs politiques affichés par les belligérants lors de
ces conflits mais aussi le retour à certaines formes de barbarismes depuis plusieurs dizaines
d’années étrangères à nos conceptions occidentales de la vie et des droits de l’homme ne
fait qu’accroître nos difficultés à analyser des situations qui échappent à toute rationalité et
s’adaptent difficilement à notre cartésianisme.
La remarque de Jean Luc COTARD selon laquelle « la guerre peut blesser et tuer
autrement que par le feu » semble chaque jour un peu plus d’une criante actualité. Rappelons
nous les tragédies d’hier en Bosnie Herzégovine ou au Rwanda et ceux d’aujourd’hui au
Darfour.
Le rapport au droit est donc devenu une impérieuse nécessité pour ne pas perdre son
âme dans des engagements complexes, difficiles voire psychologiquement traumatisants.
Certes, cette démarche n’est pas nouvelle et aura été permanente au cours du XXe siècle
comme le rappelle fort opportunément Jean Marc de GIULI dans son très intéressant
témoignage. Celui-ci consacré à l’indispensable adaptation suivie (comme cela a notamment
été le cas pour l’Armée Française) en ce domaine au regard des évolutions permanentes
constatées dans la nature des conflits, leurs formes, leurs méthodologies opérationnelles
et les difficultés pour une armée « conventionnelle » à s’y adapter rapidement, efficacement
et sans pour cela violer les règles élémentaires d’un état de droit, fondement de nos
démocraties n’en est que d’autant plus pertinent.
Cette démarche est d’autant plus délicate qu’avec une présence sans cesse
plus affirmée des médias (presse écrite, radiophonique ou télévisée), la perception de
l’engagement qu’en a le citoyen est immédiate et privilégie beaucoup plus une approche
affective basée sur le sensationnel que dictée par la raison ; avec, bien évidemment, toutes
les conséquences que cela peut avoir sur son comportement en terme citoyen mais aussi
politique.
La contribution d’Agnès LEJBOWICZ quant à « l’usage de la culture de la force et
la culture de la paix » illustre de manière tout à fait pertinente cette évolution. Ce, tant en ce
qui concerne l’institution étatique et la représentation que nous nous en faisons notamment
pour ce qui concerne la sécurité et la défense mais aussi au regard de l’évolution de la
nature des conflits et des crises avec, notamment, le développement permanent des conflits
de basse intensité. Son propos est d’autant plus réaliste qu’elle aborde sans « langue de
bois » les causes réelles de ceux-ci qui sont généralement assez éloignées de démarches
politiques ou philosophiques complaisamment affichées devant les médias et ne sont en fait
que la continuation de rapports de force et de luttes d’influences entre factions rivales pour
l’appropriation de richesses premières (champ de pétroles, mines d’or ou de diamants,…),
le contrôle de trafics financièrement très intéressants (production ou trafics de produits
stupéfiants,…) ou la mise « sous tutelle » de zones économiques bien identifiées.
C’est une évidence de dire comme elle le fait très justement que la « violence est
voulue, entretenue, elle rapporte » et ce n’est pas être cynique que de considérer que, dans
ce cadre là, les factions font la guerre et terrorisent souvent les populations civiles pour
amasser des fortunes considérables au travers de leur main mise effective sur l’ensemble
des activités de quelques natures que ce soit (licites ou illicites) dans des régions entières, la
prise de contrôle armé de populations par la mise sous tutelle de l’ensemble des structures
sociales et politique existantes. La défense des valeurs telles que nous les connaissons et
46
les respectons (état de droit, démocratie, droits de l’homme, ..) demeure donc ainsi à mille
lieux de leurs préoccupations réelles. Nous sommes donc ici entrés dans un monde de
« grands prédateurs » au sein duquel le « dominant » par l’application d’une violence brutale,
systématique et planifiée devient le maître du jeu.
Bien entendu, il est également important de mentionner, comme le fait le Colonel
Patrick DESTREMEAU en ce qui concerne le cas de la Côte d’Ivoire, l’importance du rôle
47
On a encore pu constater récemment, au travers d’actions en justice concernant le dossier
rwandais, combien cette juste immixtion du droit international dans les opérations de maintien
de la paix était source de procédures juridiques complexes.
L’article de Madame Line SOURBIER – PINTER consacré à « obéir et se faire
obéir » est donc un enchaînement parfaitement logique à cet impératif nouveau. Discipline et
exercice de l’autorité ont ainsi, depuis de nombreuses années, connu une évolution sensible
comment tend à en témoigner le code du soldat (1999) avec le « il obéit aux ordres, dans le
respect des lois,
des coutumes de la guerre et des conventions internationales » mais également
dans l’instruction du 02 septembre 2001 portant application du règlement de discipline
générale dans les armées.
En tout cela, et au regard de l’évolution des engagements, de la nature évolutive des
menaces (terrorisme, guérillas à caractère mafieux, ..) la revue « Inflexions » peut devenir
un lieu d’échanges très utile entre les différents acteurs qu’ils soient militaires ou civils et
permettre d’enrichir l’approche de chacun de la richesse intellectuelle que voudra bien lui
apporter l’autre.
Thierry COSTEDOAT
Directeur Cabinet
d’Ingénierie Stratégique pour la Sécurité (CI2S)
(www.ci2s.org)
48
NOTES
49
QUI SOMMES NOUS ?
Un monde plus complexe
Rôle de l’IPSE : préparer l’avenir
L’Europe en ce début de XXIe
siècle connaît un contexte géostratégique et
géopolitique mouvant. A la menace clairement
définie, massive et de nature territoriale
à laquelle elle a été confrontée durant le
siècle dernier, succèdent une multitude de
risques, dont notamment le terrorisme. Si
la guerre entendue au sens classique n’a
pas totalement déserté certaines franges de
l’Europe, elle ne la menace plus directement
et globalement. La distinction entre
ordre interne et ordre international, entre
violence publique et violence privée semble
désormais plus difficile à établir qu’autrefois.
Des risques sans cesse plus nombreux
préoccupent aujourd’hui les citoyens : ils
sont liés aux questions d’environnement,
d’alimentation, de santé, de la violence
quotidienne, de l’incivilité, etc.
Si le bilan européen est largement
positif, il n’en existe pas moins un déficit de
communication qui n’a pas permis de valoriser
les réalisations aux yeux des concitoyens.
L’idée d’Europe, un modèle
L’Europe, bien qu’elle soit un symbole
de paix et de stabilité depuis 50 ans, reste en
construction lorsqu’il s’agit de formuler un
projet de destin commun pour des Etats
plusieurs fois millénaires et souverains,
forts de leurs richesses culturelle et
sociale. Les intérêts communs doivent
l’emporter finalement sur ceux particuliers
en donnant la priorité au dialogue et à
l’échange, contribuant ainsi à prévenir les
situations conflictuelles.
Dans ce cadre, depuis 1988, l’IPSE
s’est fixé pour rôle de sensibiliser et
rassembler les Français qui souhaitent
participer à la préservation de la paix en
Europe. Il veut également rapprocher autant
que faire se peut les citoyens européens
afin de trouver les réponses collectives
aux nouveaux défis. Il essaie enfin de
mobiliser les énergies en vue de réaffirmer
les valeurs européennes et susciter la
réflexion sur des thèmes de dimension
communautaire et de sécurité internationale.
L’IPSE organise des conférences
en collaboration avec les associations
européennes ayant des objectifs communs
et complémentaires, publie des articles
dans des revues spécialisées et la presse
à grande diffusion, édite une lettre
d’information destinée au monde politique,
diplomatique, économique, universitaire, …
***
Composition du bureau de l’IPSE
Président :
Jean-Pierre PETIT
Vice-présidents :
Pierre GILLES
50
Maurice GAUTIER
Secrétaire général :
Trésorier :
Emmanuel DUPUY
Marie-Christine JAMELIN
.....................................................................................................................................................................

Institut Prospective
et Sécurité de l'Europe
IPSE
BULLETIN D’ADHÉSION 2006
NOM et Prénom ..............................................................................................
Profession ........................................................................................................
Adresse professionnelle ..................................................................................
..........................................................................................................................
Téléphone ..................................... Portable ....................................
Fax ...................................
Email ...............................................................................................................
Adresse personnelle ........................................................................................
..........................................................................................................................
Téléphone ..................................... Fax .....................................
Email ...............................................................................................................
•
Je
demande
à
être
inscrit(e)
à
l’Institut
Prospective
et
Sécurité
de
l’Europe
(I.P.S.E.)
en tant que (1)...................................................................................................
et je joins ma cotisation pour l’année 2006 (2).
Date et signature
(1) à remplir
• Bienfaiteur : 100 €
• Sociétaire membre : 60 €
• Membre actif : 40 €
• Etudiant : 20 €
(2) Les chèques sont à libeller à l’ordre de : IPSE
et à retourner à :
IPSE - 24, rue Jules Guesde 75014 PARIS.
Tél. : 01 42 79 88 45
e-mail : [email protected]
I
P
nstitut
rospective
IPSE - 24, rue Jules Guesde - 75014 Paris
Tél. : 01 42 79 88 45
e-mail : [email protected]
et
S
écurité
de l’
E
urope
ISSN : 1638/4903

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