9. Les baisses de cotisations du pacte de

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9. Les baisses de cotisations du pacte de
3.9 Les baisses de cotisations du pacte de responsabilité
La stratégie de politique économique de la France mise en place ces dernières années vise à soutenir la
compétitivité des entreprises françaises, ainsi que l’emploi. Différents mécanismes ont été mis en œuvre à
cette fin, en vue de diminuer à la fois le coût du travail au niveau des bas salaires et pour les entreprises
exposées à la concurrence internationale. Ainsi, le dispositif d’allégements généraux de cotisations
patronales de sécurité sociale introduit en 1993 a été renforcé au fil des années, jusqu’en 2014. En 2013
s’est ajoutée la création du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE).
1
Mesuré par l’INSEE via l’ICT , le coût du travail a progressé de 41 % entre 2000 et 2013. Cette hausse est
exclusivement portée par la hausse des salaires, la contribution à l’ICT des charges nettes (principalement les
cotisations aux régimes de protection sociale) étant quant à elle constante sur la période. L’augmentation du coût du
travail a pesé sur la compétitivité des entreprises, en particulier celles exposées à la concurrence internationale. Ainsi,
entre 2000 et 2013, on observe une dégradation de la compétitivité-prix à l’exportation : l’indice des prix à la production
– marchés extérieurs d’Eurostat présente une augmentation de 21 % sur la période. Cependant, les prix à la production
progressent moins rapidement que le coût du travail ; afin de ne pas trop dégrader leur compétitivité-prix, les
entreprises ont compressé leurs marges (-9 % entre 2000 et 2013) et contenu les dépenses d’investissement (+3 %
seulement sur la période), ce qui a pu peser sur leur compétitivité hors prix (cf. graphique 1). Des mesures diminuant le
coût du travail permettent ainsi aux entreprises de renforcer leur compétitivité-prix, de consolider leurs marges et,
partant, de dégager des marges pour financer l’investissement.
En outre, le ralentissement de l’activité économique a tendu la situation de l’emploi au cours des cinq dernières
années : le taux de chômage au sens du BIT est en augmentation de 38 % entre 2008 et 2013. Par ailleurs, l’élasticité
de l’emploi à son coût (qui mesure la sensibilité de la création d’emploi au coût du travail) est décroissante et maximale
au niveau du SMIC (cf. graphique 2). Ainsi, une diminution du coût du travail ciblée sur les bas salaires maximise les
créations d’emplois par rapport à une baisse touchant tous les niveaux de rémunération.
3.9 • Les baisses de cotisations du pacte de responsabilité
Parce qu’ils abaissent le coût du travail sur les revenus d’activité faibles et moyens, les allégements généraux sur les
bas salaires et le CICE répondent à ce double objectif de compétitivité et d’emploi.
Les allégements généraux sur les bas salaires et le CICE viennent diminuer le coût
du travail
Hors mesures d’allégement, le total des prélèvements sociaux à la charge des employeurs s’élève en 2015 à
près de 47 % des rémunérations brutes dans les entreprises de plus de 20 salariés, soit 30,7 % au titre des
cotisations sociales de sécurité sociale et 16,3 % sur le champ hors sécurité sociale (cotisations chômage,
retraite complémentaire, etc.).
Des allégements généraux ciblés sur les bas salaires
C’est au début des années 1990 que voient le jour en France les premières mesures visant à alléger le coût
du travail à travers une exonération de cotisations sociales patronales sur les bas salaires. Ainsi, en 1993,
une réduction de 5,4 points a été mise en place au niveau du SMIC pour toutes les entreprises, cette
exonération étant dégressive et s’annulant à 1,2 SMIC. Depuis, ces allégements ont été progressivement
modifiés et étendus d’abord en 1996, puis en 2000 et enfin en 2007.
A partir des années 2000, l’augmentation du taux d’exonération vise à compenser la réduction de la durée
de travail hebdomadaire de 39 à 35 heures qui a mécaniquement augmenté le salaire horaire. En 2014, le
taux d’exonération est de 26 % ou 28,1 % au niveau du SMIC (selon que l’entreprise a plus ou moins de 20
salariés), dégressif jusqu’à 1,6 SMIC.
En 2013, le montant des allégements généraux sur les bas salaires atteint 19,5 Md€.
1
Indice du coût du travail qui décrit le coût horaire du travail comprenant salaires et charges, nets des allégements généraux et du
CICE.
140 • Les Comptes de la Sécurité Sociale - septembre 2014
3 • ECLAIRAGES
Graphique 1 : Evolution (base 100 en 2000) de l’indice du coût du travail, du taux de marge des
entreprises, du taux d’investissement et de l’indice de prix à la production
150
ICT Moyenne annuelle - salaire
seul
140
130
ICT Moyenne annuelle - salaire et
charges
120
Taux de marge
110
Indice de prix à la production marché extérieur - en monnaie
nationale
100
90
Taux d'investissement
80
2013
2012
2011
2010
2009
2008
2007
2006
2005
2004
2003
2002
2001
2000
Source : DSS/SDEPF/6C
Graphique 2 : Elasticité de la demande de travail à son coût en part de SMIC
1,1
1,2
1,3
1,4
1,5
1,6
1,7
1,8
1,9
2
-0,1
-0,2
-0,3
-0,4
-0,5
-0,6
-0,7
-0,8
-0,9
-1
Source : Point d’étape sur les évolutions du financement de la protection sociale, rapport du HCFiPS, mars 2014
Note de lecture : Avec une rémunération équivalente à 1 SMIC, si on diminue le coût pour l’employeur de 1%, la demande de travail augmente de 0,9%
(c’est-à-dire qu’une diminution du coût du travail de 1% entraîne une création d’emplois supplémentaires de 0,9%). Avec une rémunération à 2 SMIC,
pour une même baisse du coût pour l’employeur, la demande de travail augmente de 0,2%.
Les Comptes de la Sécurité Sociale - septembre 2014 • 141
3.9 • Les baisses de cotisations du pacte de responsabilité
1
0
3 • ECLAIRAGES
Au dispositif d’allégement général sur les bas salaires s’ajoute le crédit d’impôt pour la compétitivité et
l’emploi (CICE), mis en place en 2013, égal à 4% de la masse salariale pour les salaires inférieurs à 2,5 SMIC,
er
dont le taux est porté à 6% à compter du 1 janvier 2014. Le CICE bénéficie à l’ensemble des entreprises
employant des salariés, imposées à l'impôt sur les sociétés (IS) ou à l'impôt sur le revenu (IR) d'après leur
bénéfice réel. La dépense associée au CICE devrait s’élever à 9,8 Md€ en 2014, 15,8 Md€ en 2015 et 17,3
1
Md€ en 2016 .
Le pacte de responsabilité renforcera le dispositif d’allégements à partir de 2015
Le pacte de responsabilité et de solidarité voté en loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour
er
2014 réduit davantage le coût du travail sur les bas salaires. Deux dispositions entreront en vigueur au 1
janvier 2015 : une baisse du taux de cotisation patronale famille de 1,8 point jusqu’à 1,6 SMIC – le taux
passant de 5,25% à 3,45% –, et un renforcement du dispositif d’allégements généraux permettant
d’exonérer les entreprises au niveau du SMIC de l’ensemble des cotisations patronales de sécurité sociale
(dans la limite d’un point sur le risque des accidents du travail), ainsi que la contribution de solidarité pour
l’autonomie et le versement au fonds national d’aides au logement (FNAL). Du même fait, la différence de
traitement existant actuellement entre les entreprises de moins de 20 salariés et celles 20 salariés et plus
sera supprimée au bénéfice des premières.
3.9 • Les baisses de cotisations du pacte de responsabilité
Le taux maximal d’exonération accordée au titre du nouvel allègement dégressif de cotisations patronales
au titre des rémunérations versées en 2015 sera de 28,35 points dans les entreprises de 20 salariés et plus
qui bénéficieront d’une exonération dégressive tenant compte du niveau de contribution au FNAL qui leur
est propre (0,5%). Pour les entreprises de moins de 20 salariés, l’exonération maximale sera de 27,95 points.
L’ensemble du dispositif sera dégressif jusqu’à 1,6 SMIC. A cet allègement s’ajoute la baisse de 1,8 point du
taux de cotisation patronale famille. En intégrant les 6 points du CICE, la réduction totale du coût du travail
er
au niveau du SMIC sera ainsi, au 1 janvier 2015, de 35,75 points pour les entreprises de moins de 20
salariés, et 36,15 points pour les entreprises de plus de 20 salariés.
S’agissant des travailleurs indépendants, une baisse du taux de cotisation d’allocations familiales entrera en
er
vigueur à partir du 1 janvier 2015.Elle concerne l’ensemble des travailleurs indépendants et exploitants
agricoles. Pour les travailleurs indépendants dont le revenu est inférieur ou égal à 110% du plafond annuel
de la sécurité sociale, le taux de cotisation passera de 5,25% à 2,15%. Pour les travailleurs indépendants
ayant un revenu compris entre 110% et 140% du plafond annuel de la sécurité sociale, le taux de cotisation
augmentera linéairement pour retrouver un taux de 5,25% à 140% du plafond annuel de la sécurité sociale.
L’ensemble de ces mesures coûtera 5,4 Md€ en 2015 dont 1 Md€ au titre de la réduction du taux de
cotisation d’allocations familiales pour les travailleurs indépendants.
Illustration sur cas-type de l’impact des différents dispositifs de réduction du coût
du travail
Les effets des différents dispositifs de réduction du coût du travail sont présentés dans le tableau n°1 pour
le cas d’un salarié non-cadre rémunéré au SMIC et travaillant dans une entreprises de plus de 20 salariés. Le
2
er
taux de cotisation patronale serait, en l’absence des allégements généraux et de CICE, de 45,64% au 1
janvier 2015. Le dispositif actuel d’allégements généraux sur les bas salaires (dit allègements « Fillon »)
permet d’abaisser ce taux à 19,64% avec la diminution de 26 points accordée aux entreprises de plus de 20
salariés. La prise en compte du CICE réduit encore le poids des cotisations patronales de 6 points, ramenant
le taux à 13,64%, soit une réduction de 21,97% du coût du travail. Les nouvelles dispositions votées dans le
cadre du pacte de responsabilité vont permettre de passer le taux net effectif de cotisations patronales à
9,49%. Le pacte de responsabilité permet donc de réduire ce taux de 4,15 points, soit une réduction
supplémentaire du coût du travail de 1,9% (36,15 points de cotisations par rapport aux taux de droit
commun, correspondant à une réduction du coût du travail de 23,88% au total).
1
2
Source : Loi de finances 2014
Par convention, nous retenons ici le taux de cotisation socle de la branche AT-MP de 1%.
142 • Les Comptes de la Sécurité Sociale - septembre 2014
3 • ECLAIRAGES
Graphique 3 : Réduction du coût du travail (en points de cotisations) avant et après réforme pour les
entreprises de plus de 20 salariés
40,0%
Réduction du coût du travail actuel
(allègements généraux Fillon + CICE)
35,0%
Réduction du coût du travail après
réforme (Pacte + CICE + baisse de 1,8%
de cotisation famille)
30,0%
25,0%
20,0%
15,0%
10,0%
Baisse taux famille de 1,8%
5,0%
CICIE à 6%
0,0%
1
1,1
1,2
1,3
1,4
1,5
1,6
Tableau 1 : Taux de cotisations patronales sur la base d’un cas-type d’un salarié non-cadre rémunéré
au SMIC et travaillant dans une entreprise plus de 20 salariés au 1er janvier 2015
Situation
sans
allègement
Situation avec
allègements
"Fillon" sur les
bas salaires
Situation avec
allègements
"Fillon" sur les bas
salaires +
intégration du CICE
Situation avec nouveaux
allègements du Pacte sur
les bas salaires +
intégration du CICE
Taux sur le champ sécurité sociale*
29,35%
29,35%
29,35%
27,55%
Taux sur le champ hors sécurité
sociale
16,29%
16,29%
16,29%
16,29%
45,64%
45,64%
45,64%
43,84%
-26,00%
-26,00%
Taux de cotisation total
Allègement "Fillon" sur les bas
salaires
CICE
Pacte de responsabilité
Taux de cotisations patronales net
effectif
Réduction du coût du travail
-6,00%
-6,00%
-28,35%
45,64%
19,64%
13,64%
9,49%
0,00%
17,85%
21,97%
23,88%
Source : DSS/SDEPF/6C
* : le taux sur le champ sécurité sociale retient un taux de cotisation de la branche AT-MP de 1%.
Note de lecture : les allègements du pacte auquel s’ajoute le CICE réduisent de 23,88% le coût du travail (défini comme le salaire brut plus les charges
patronales).
Les Comptes de la Sécurité Sociale - septembre 2014 • 143
3.9 • Les baisses de cotisations du pacte de responsabilité
Source : DSS/SDEPF/6C