CETA : Much ado about nothing ! En dépit des blocages

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CETA : Much ado about nothing ! En dépit des blocages
CETA : Much ado about nothing !
En dépit des blocages wallons des dernières semaines, l’accord économique et commercial
global entre le Canada et l'Union européenne (CETA) est désormais signé.
Les dernières négociations « au finish » avec la partie canadienne n’enlèvent pas le goût
amer d’une « maison wallonne » non préparée et surprise par une échéance connue depuis
août 2014, date de la finalisation de l’accord…
L'objectif de celui-ci, comme l'énonce son article 1.4, est la création d'une zone de libre
échange entre les deux parties dont la caractéristique principale est l'élimination des droits
de douane et de toutes les restrictions quantitatives à l'importation dans leurs relations
commerciales.
Cette démarche vise à encourager les échanges entre deux partenaires commerciaux de
premier plan. L'exportation de produits belges au Canada coûtera donc moins cher aux
entreprises, ce qui ne peut avoir qu'un effet positif sur l'activité économique nationale.
En 2013, les exportations belges vers le Canada se chiffraient à 2,3 milliards d'euros et
représentaient 6 % des exportations européennes vers ce pays (essentiellement des produits
chimiques, matériels de transport, machinerie et produits alimentaires). Ces dernières
années, les exportations belges vers le Canada ont légèrement baissé, à l’inverse de celles
des autres pays européens.
Le CETA est donc plutôt une aubaine pour la Belgique dans la perspective d'accroitre
considérablement ses exportations. Ainsi, en 2014, le matériel de transport et certaines
machines, notamment les équipements de véhicules et des bulldozers, représentaient près
de 20 % des exportations vers le Canada, or ceux-ci sont actuellement soumis à des droits
de douanes qui peuvent atteindre 15%. L’élimination des droits de douane ne peut que
satisfaire les entreprises belges concernées.
Néanmoins, si les bienfaits de cet espace de libre échange font l'unanimité dans leur
principe, ce sont les conditions de sa mise en place qui sont plus problématiques: quels sont
les biens et services concernés ? Quelle protection pour les investissements et la
reconnaissance mutuelle des droits de la propriété intellectuelle ? Qui contrôle l’application
du traité et comment sont résolus les litiges ?
C'est à ce niveau que la Belgique et, plus spécialement, la Région wallonne ont manqué
d’activisme tant en amont des négociations du traité, avec une absence de lobbyisme auprès
des négociateurs au niveau européen, qu’en aval, avec un manque de communication auprès
du public.
L’exemple des indications géographiques d’origine protégées est illustratif du manque
d’implication de la Région wallonne. Le Canada reconnaît déjà près de 200 indications
d’origine
européenne
(aucune
indication
belge).
L’accord
prévoit
notamment
la
reconnaissance et la protection de 145 indications européennes supplémentaires. Alors que
le « Gouda » néerlandais et le « Feta » grecque seront désormais protégés au Canada, aucun
produit belge n’est inclus dans la liste consentie. Cela n’est-il pas la marque d’une faiblesse
dans l’implication wallonne ? Ou est-ce, et ce serait plus grave, la preuve d’un pouvoir
fédéral qui a fait la sourde oreille aux demandes des entités fédérées ?
Dans ce genre de circonstances, la communication au public est importante, voire
essentielle pour éviter les incompréhensions et les éventuels raccourcis. C’est notamment
le cas avec l’ « Investment Court System » prévu par le chapitre 8 du traité qui devra
connaitre des litiges entre Etat et investisseurs.
Loin d’être une justice privée, il s’agit bien de mettre en place un système juridictionnel
public des investissements, composé d’un tribunal de première instance et d’une cour
d’appel qui fonctionneront de manière permanente. Cette juridiction sera composée de 15
juges professionnels spécialisés (de nationalités européennes, canadienne et autres),
nommés par l’Union européenne et le Canada. Il n’est donc nullement question d’un tribunal
arbitral dont les arbitres seraient désignés à prix d’or par les multinationales comme on a
pu l’entendre dans les médias.
De surcroit, l’accord réaffirme en son article 8.9 que les Etats conservent leur droit
fondamental de réglementer selon leurs intérêts publics et de réaliser ses objectifs
légitimes.
Il était donc du devoir des autorités, à tous les niveaux, d’expliquer au public que les
multinationales ne vont pas empêcher, par décision arbitrale interposée, l’Etat de réguler ce
qui doit l’être. Encore une fois, l’Etat fédéral et les entités fédérées ont été déficients en
laissant place à tous les fantasmes sur le contenu de cet accord.
Sans remettre en cause le caractère légitime des inquiétudes quant aux conséquences de
cet accord (les droits de douane applicables à la viande de bœuf et de porc sont éliminés
mais des quotas sont mis en place), la saga wallonne du CETA a plutôt montré une machine
fédérale en panne dans laquelle les principaux acteurs se rejettent mutuellement la
responsabilité de ne pas défendre les intérêts des belges et de ne pas répondre aux
inquiétudes du public.
C’est donc à la Belgique et ses entités fédérées de tirer les leçons de cette expérience et agir
au mieux lors des nouvelles négociations du partenariat transatlantique de commerce et
d'investissement avec les Etats Unis (TTIP) dont l’enjeu est bien plus important.
Thameur ELLOUZE

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