L`énergie grise en voiture avec Simone!

Transcription

L`énergie grise en voiture avec Simone!
SAMEDI 21 SEPTEMBRE 2013 LE JOURNAL DU JURA
IMPERTINENCES 25
ÉNERGIE GRISE Selon Lucien Willemin, le dernier vrai rebelle des Franches-Montagnes et de La Chaux-de-Fonds, le futur sera
réparable ou ne sera pas. Une authentique profession de foi qu’il explique dans un bouquin tout petit, mais sacrément costaud!
L’énergie grise en voiture avec Simone!
BLAISE DROZ
A quoi bon vouloir toujours être
impertinent dans cette rubrique?
Parfois, l’impertinence vient tout
naturellement du sujet ou personnage présenté, sans que le
moindre artifice ne soit nécessaire.
L’impertinent dont nous allons
nous entretenir aujourd’hui l’est
au sens le plus noble du terme. Il
s’agit de notre ami Lucien Willemin, un Taignon devenu Chauxde-Fonnier, deux de ces terres dites de rébellion mais où notre
homme se trouve être, à la manièred’unMohican,ledernierrebelle digne de ce nom.
Hurler avec la meute, déplacer
les frontières pour faire joli ou se
promouvoir défenseur de la première saucisse à rôtir venue, il
s’en tape car son combat est
ailleurs.
Quand il était un jeune homme
brillant et plein d’ardeur, il a baigné, entre autres, dans le domainebancaireetdelafinanceau
point de se rendre compte de la
fatuité d’un microcosme artificiel, fait pour enrichir quelques
parvenus au mépris de tous les
autres et au plus grand dédain
d’un environnement non extensible.
Pas un suiveur!
Maintenant qu’il n’est plus que
brillant et plein d’ardeur, il a,
comme on dit, changé son fusil
d’épaule pour donner dans l’écologie.
Disons-le franchement, de par
sa nature profonde Lucien Willemin n’est pas un suiveur. Ce qu’il
apprécie par-dessus tout, c’est de
donner le ton et en l’occurrence
d’aborder le combat écologique
sousunangle(bienmalheureuse-
En voilà (enfin) une qui a fini de rentabiliser l’énergie grise qui a servi à la fabriquer. BLAISE DROZ
ment) peu usité.
Lorsqu’il donne une conférence
sur son sujet de prédilection, il
commenceparmontrerlecrayon
qui le suit partout.
Ladernièrefoisquenousl’avons
rencontré, sa tige de graphite mesuraitenvironcinqcentimètreset
demi et l’homme assurait qu’il allait continuer de s’en servir jusqu’au fin bout. La profession de
foi de Lucien Willemin est de ne
rien jeter qui fonctionne encore,
quand bien même il ne s’agirait
que d’un banal crayon. Son objec-
A la manière d’un Mohican,
Lucien Willemin est le dernier
rebelle digne de ce nom.
tif est de faire prendre conscience
aux braves gens que nous sommes que derrière chaque objet se
cache la somme d’énergie qui a
servi à extraire ou transformer la
matière, fabriquer, assembler
traiter chaque élément, puis le
transporter jusqu’à son utilisateur. En parlant crayon comme
d’autres parlent chiffons, Lucien
Willemin ne fait qu’introduire
son sujet avec l’un des objets les
moins complexes qui soient.
Mais,trèsvite,ilproposeàsonauditoire de zapper l’intro et aborde
son thème de prédilection, l’automobile.
Il en a d’ailleurs fait un bouquin
intitulé «En voiture Simone,
comprendre l’énergie grise» paru
aux éditions G d’encre, collection
En marche 2013.
Contrairement au crayon, la
voiture est un objet d’une énorme
complexité qui consomme au
moment de sa fabrication de
l’acier, des matières synthétiques
de toutes natures, des peintures,
enduites et autres joyeusetés.
D’où provient la voiture neuve
que l’on souhaite acquérir afin de
diminuer sa consommation d’essence? Plus ou moins du monde
entier. De la mine de fer aux aciéries, puis aux ateliers de sous-traitance et enfin à l’usine, le métal
circule presque autant qu’un email sur la toile informatique.
Les matériaux synthétiques ne
voyageront pas moins du puits de
pétrole à l’usine en passant, qui
sait, par les futurs Bhopal, Seveso
et Schweizerhalle.
Lucien Willemin, assure qu’établir le réel bilan écologique d’une
voiture neuve est une mission
quasi impossible. En revanche,
comprendrequecebilanestterri-
blementlourdtombesouslesens.
Un enfant de quatre ans le comprendrait aisément, sauf bien sûr
s’il est déjà doué pour la politique.
Un demi-livre de poche
Dans son tout petit opuscule de
47 pages au format demi-livre de
poche – tellement économe en
papier qu’il permettrait de convaincre toute la francophonie en
n’abattant qu’un seul arbre –, Lucien Willemin multiplie les
exemples,tableaux,graphiqueset
dessins de Mix et Remix. La lecturede«EnvoitureSimone»n’est
pas un luxe, c’est un pari sur l’avenir qui ne mange pas de pain.
Lucien Willemin, qui admet
avoir été un passionné de bagnoles,regrettesapremièreGolfGTI.
Elle lui tapait les fesses avec vigueur lorsqu’il vivait à fond la
caisse sa jeunesse enthousiaste
sur les routes des Franches-Montagnes. Mais, aujourd’hui, se serait-il fâché avec son garagiste
pour défendre l’idée de conserver
son vieux tacot plutôt que d’acheter le dernier modèle hybride qui
économise quelques gouttes d’essence?
«Bien au contraire, rétorque-t-il.
Unevieillevoitureserépareàl’occasion pour des frais qui restent modiques par rapport à l’investissement
et aux leasings qu’impliquent
l’achat régulier de véhicules neufs.
L’argent ainsi dépensé sert l’économielocale,legaragistedequartieret
son ouvrier qui payent leurs impôts
sur place. En achetant du neuf, on
nesoutientenrevanchequedeséconomiesduboutdumondeetdesimportateurs.»
S’il est quelque peu fâché contre
quelqu’un, ce sont les chantres de
l’écologie par l’achat régulier du
dernier modèle qui consomme
moins. Les constructeurs de voiture avec leurs primes à la casse,
les administrations et politiques
qui souhaitent des taxes allégées
pour ceux qui bondissent sur le
dernier modèle hybride ou qui
veulent nous faire changer fisssa
notre parc électroménager. Les
chiffres qu’indique notre propre
compteur d’électricité et les pompes à essence où nous nous arrêtonsdonnentuneindicationtotalement biaisée de notre réel
impact sur l’environnement et il
vaudrait mieux accepter de polluer un rien plus dans notre pays
préservé, afin de polluer beaucoupmoinsenChineetdanstous
les autres pays émergents qui fabriquentàgrandesboufféesdefumées noiresce que nous utilisons
et jetons sans vergogne. La Terre
n’a qu’une seule atmosphère!
Reste que ces vérités qui dérangent et dont All Gore s’était fait le
chantre avant lui heurtent de
pleinfouetledogmeimbéciledela
croissance rédemptrice de tous
les maux qui nous accablent. Lucien Willemin a, du coup, encore
bien du pain sur la planche et en
guise d’encouragement, on n’a
qu’une petite phrase à lui dire:
«En voiture, Lucien!»
DÉJECTIONS CANINES Tous ces besoins qui nous débectent
Canidés fixes: je suis résolument pour!
L’AIR DU LARGE
MARCELLO PREVITALI
MOHAMED HAMDAOUI
Le retour des faiseurs de Suisses
Ne devient pas Suisse qui veut.
Non, le prestigieux passeport
rouge à croix blanche, il faut le
mériter, chers amis étrangers. Et
les cantons ont décidé de serrer la
vis helvétique. Il faut passer un
examen. Comme à l’école. Qui est
l’actuel président de la Confédération? Qui était ce Guillaume
Tell? Combien de signatures doit
atteindre une initiative populaire
(100 000, pour tous les bons Suisses qui ne le sauraient pas). Qui
sont les signataires du pacte du
Grütli. Ou encore quelle est la plus
haute montagne du pays?
Bref, autant de questions essentielles qui sont posées aux candidats dans les différents tests pro-
posés par les cantons. Autant de
questions qui faciliteront l’intégration de l’étranger. Evidemment.
Une situation qui nous rappelle
étrangement le célèbre film «Les
faiseurs de Suisses», sorti en
1978. Un long-métrage qui nous a
beaucoup fait rire (certains
jaune). Mais une situation qui
nous rappelle également – et là
c’est moins drôle – un certain James Schwarzenbach, le «copain»
de tous les Italiens, qui avait lancé deux initiatives xénophobes,
en 1970 et en 1974. Deux textes qui
avaient d’aiileurs bien failli passer
la rampe.
Mais les temps ont bien changé,
n’est-ce-pas?
Maudit canidé qui a eu le
toupet de faire récemment tes
besoins exprès sous ma semelle gauche, ces quelques lignes s’adressent à toi. Ou plutôt à tes propriétaires. Qu’il n’y
ait pas de malentendu. Je ne
ferai pas de ce fait divers
m’ayant injustement accablé
un fait de société. Je ne demanderai pas à mon quotidien
favori – Le JdJ, vous l’aurez
tous compris – d’organiser en
toute hâte un pseudo-sondage
et ne réclamerai pas davantage
via ma page facebook le rétablissement de l’euthanasie
pour l’ensemble des cerbères à
poils à longs ou durs.
La plupart de ces bestioles,
j’en suis convaincu, sont réin-
sérables. Le principe, à mes
yeux sacro-saint, de l’individualisation de la peine, doit
être maintenu. Ma raison ne
cédera pas à mes émotions.
Ma vengeance sera plus subtile.
Petit animal dont la déjection gluante a failli me faire
glisser tandis que je déambulais dans les rues de notre ville
en soupesant les chances de
voir le FC Bienne éliminer le
FC Thoune en Coupe de
Suisse, permets-moi de te
donner un modeste conseil.
Consulte au plus vite un vétérinaire. J’en connais quelquesuns de très compétents.
Si la Providence daigne enfin
être de mon côté, ce spécialiste diagnostiquera un cancer
du colon. Ou des intestins. Ou
que tes reins sont foutus. Ou
toute autre maladie incurable.
La maladie qui frappe les
chiens qui font caca n’importe
où. J’imagine avec délectation
la scène:«Dans son bien, je vous
conseille d’abréger ses souffrances. Oui, je sais, c’est un moment
douloureux. Lorsque j’injecterai
dans ses veines une potion létale, il vous regardera une dernière fois avec ses yeux émouvants. Oui! Ces yeux qui vous
avaient jadis fait craquer lorsque vous aviez repéré ce toutou
au refuge pour animaux. Vous
allez vous souvenir de tous ces
moments merveilleux passés en
sa compagnie. Il vous faudra
être courageux. Mais pour vous
consoler, nous pourrons vous
rendre les cendres de Médor. Tenez, regardez notre catalogue
d’urnes. Je vous conseille celleci, en marbre, sur laquelle imprimer une photo de votre compagnon. Elle ne coûte que
500 francs. »
Ce jour là, ma vengeance
sera parfaite. Non seulement,
cette sale bête aura été définitivement mise hors d’état de
nuire, mais chaque jour son
propriétaire, inconsolable, se
recueillera quelques instants
devant la boîte «made in China» contenant, paraît-il, les
restes calcinés de son cher
compagnon et pleurera longtemps sa disparition.
Dire qu’il lui aurait suffi de se
baisser et de ramasser la déjection malodorante pour empêcher l’auteur de ces lignes de
déverser son fiel anticanin…

Documents pareils