Nom de domaine internet : enregistrement et contentieux
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Nom de domaine internet : enregistrement et contentieux
http://www.bkpartners.be/ Nom de domaine internet : enregistrement et contentieux L’internet étant devenu un outil de référencement incontournable, les commerçants, entreprises, associations, autorités,… disposent tous aujourd’hui de site internet permettant, d’une part, de faire connaître leur produits, services, objectifs, et d’autre part, de fournir à toute personne intéressée un ensemble d’information utiles (Pour plus de précisions sur les droits et obligations liés à l’exploitation d’un site internet à des fins commerciales, cliquez-ici). Les enjeux économiques et médiatiques attachés à l’existence sur internet étant considérables, toute personne ou entité souhaitant être aisément identifiable en ligne se doit de disposer du nom de domaine le plus pertinent eu égard à son secteur d’activité. Tout comme la marque et le nom commercial, les noms de domaines disposent aujourd’hui d’une véritable valeur commerciale et doivent impérativement être pris en compte dans le cadre de toute activité initiée de nos jours. Ces implications commerciales ont bien entendu occasionnées l’apparition de litiges relativement à l’appropriation abusive de noms de domaine par des personnes souhaitant spéculer sur ceux-ci, tel que l’appropriation de domaine sous le nom de marque commerciale existante ou sous le nom de personnalités publiques. 1. ENREGISTREMENT D’UN NOM DE DOMAINE Il existe autant de déclinaison possible de nom de domaine qu’il existe de Top Level Domains (TLD) tel que ".be", ".fr", ".nl",".com", ".org", ".net", ".int",… (pour connaître la liste des TLD disponibles à ce jour cliquez-ici). A titre d’exemple, il est possible que coexistent les domaines "avocat.be", "avocat.com" et "avocat.net" malgré que chaque site soit indépendant et développé par des entités différentes. La matière des noms de domaine est régie par le secteur privé qui a instauré un organisme chargé de centraliser et de règlementer les procédures d’enregistrement, à savoir l’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN). En pratique, pour pouvoir procéder à l’enregistrement d’un nom de domaine il faut s’adresser à l’un des agents agréés, qui sont les seuls à disposer de la compétence pour introduire des demandes d’enregistrements auprès de cette entité (listes des agents agréés à l’ICANN). Si l’ICANN dispose d’un monopole de gestion des attributions des TLD, il existe néanmoins certaines exceptions concernant les noms de domaines contenant une extension étatique. En effet, l’attribution des noms de domaine en ".be" relève de la compétence exclusive de l’ASBL DNS. Ce type d’enregistrement nécessite également de passer par un agent agréé. L’extension ".eu" est quant à elle régie par l’Eurid (liste des agents agréés). 2. Contentieux du nom de domaine La mise en place d’une telle organisation a eu pour effet de faire apparaître un nouveau type de spéculation, à savoir l’appropriation abusive de noms de domaines par des tiers n’ayant aucun intérêt si ce n’est le revendre avec un large bénéfice à une société ou une personne intéressée. Pour contrecarrer ces abus, il a été établi différentes procédures judiciaires et extrajudiciaires. a. Contentieux relatifs à des noms de domaine gérés directement par l’ICANN L’ICANN a instauré à cet effet une procédure dénommée Uniform Dispute Resolution System (UDPR). Toute personne, indépendamment de sa nationalité et de sa situation géographique, peut déposer une plainte relative à un nom de domaine concerné par cette procédure. Les organismes habilités pour cette procédure par l’ICANN sont : - le Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle ; le National Arbitration Forum ; le CPR Institute for Dispute Resolution ; l’Asian Domain Name Dispute Resolution Centre. L’article 4.a des principes directeurs de l’ICANN prévoit qu’un plainte peut être déposée s’il peut être établi de manière cumulative que : - que le nom de domaine est identique ou présente une similitude prouvant prêtée à confusion avec une marque commerciale ou une marque de service dans laquelle une personne ou entité a des droits ; et - qu’il n’existe aucun droit ou intérêt légitime au regard du nom de domaine ; - et - que le nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi. Au cours de la procédure administrative, il appartient au plaignant de prouver la véracité de chacune de ces assertions. Il apparaît donc que la preuve de la mauvaise foi doit donc porter à la fois sur l’enregistrement et l’usage du nom de domaine. Cette procédure permet d’obtenir l’annulation, le transfert ou la modification du nom de domaine litigieux. Néanmoins, elle ne permet pas d’obtenir des dommages et intérêts. b. Contentieux relatifs à des noms de domaine en ".eu" La question du contentieux des noms de domaine présentant l’extension ".eu" est régie par le Règlement 874/2004 du 28 avril 2004 établissant les règles de politique d'intérêt général relatives à la mise en œuvre et aux fonctions du domaine de premier niveau .eu et les principes applicables en matière d'enregistrement. L’article 21 de ce règlement prévoit que : - un nom de domaine est révoqué, dans le cadre d'une procédure extrajudiciaire ou judiciaire appropriée, quand un nom de domaine enregistré est identique ou susceptible d'être confondu avec un nom sur lequel un droit est reconnu, et que ce nom de domaine: o a été enregistré sans que son titulaire ait un droit ou intérêt légitime à faire valoir sur ce nom, ou o a été enregistré ou utilisé de mauvaise foi. - L'existence d'un intérêt légitime peut être démontrée quand: o avant tout avis de procédure de règlement extrajudiciaire des litiges, le titulaire d'un nom de domaine a utilisé le nom de domaine ou un nom correspondant au nom de domaine dans le cadre d'une offre de biens ou de services ou qu'il peut démontrer s'y être préparé; o le titulaire d'un nom de domaine est une entreprise, une organisation ou une personne physique généralement connue sous ce nom de domaine, même en l'absence de droits reconnus ou établis par le droit national et/ou communautaire; o le titulaire d'un nom de domaine fait un usage légitime et non commercial ou correct du nom de domaine, sans intention de tromper les consommateurs ou de nuire à la réputation d'un nom sur lequel un droit est reconnu ou établi par le droit national et/ou communautaire. Aux termes de cet article, il est également précisé que la mauvaise foi dont question peut être démontrée quand : - les circonstances montrent que le nom de domaine a été enregistré ou acquis principalement pour vendre, louer ou transférer d'une autre façon le nom de domaine au titulaire d'un nom sur lequel un droit est reconnu ou à un organisme public ; ou - le nom de domaine a été enregistré pour empêcher le titulaire d'un nom sur lequel un droit est reconnu ou un organisme public, de traduire ce nom en un nom de domaine correspondant, pour autant que: o ce type de comportement puisse être prouvé dans la personne du demandeur d'enregistrement ; o le nom de domaine n'ait pas été utilisé d'une façon pertinente dans les deux années au moins qui suivent la date d'enregistrement ; o au moment où une procédure de règlement extrajudiciaire d'un litige a été engagée, le titulaire d'un nom de domaine sur lequel un droit est reconnu ou établi, ou le titulaire d'un nom de domaine d'un organisme public, ait déclaré son intention d'utiliser le nom de domaine d'une façon pertinente mais sans le faire dans les six mois qui suivent l'ouverture de la procédure de règlement extrajudiciaire dont question ; ou - le nom de domaine est enregistré dans le but essentiel de perturber les activités professionnelles d'un concurrent ; ou - le nom de domaine a été utilisé intentionnellement pour attirer, à des fins lucratives, des utilisateurs de l'internet vers le site internet ou un autre espace en ligne du titulaire du nom de domaine, en créant une confusion avec un nom sur lequel un droit est reconnu ou établi ou un nom d'organisme public ; ou - le nom de domaine enregistré est un nom de personne pour lequel aucun lien ne peut être démontré entre le titulaire du nom de domaine et le nom de domaine enregistré. Les plaintes sont examinées et tranchées selon une procédure extrajudiciaire auprès de la Cour d’arbitrage de République Tchèque (pour plus d’informations cliquez-ici) c. Contentieux relatifs à des noms de domaine en ".be" (i) Contentieux judiciaire Conscient des enjeux économiques attachés aux noms de domaines, le législateur belge a, en ce qui concerne les noms de domaines en ".be", adopté la loi du 26 juin 2003 relative à l’enregistrement abusif des noms de domaine qui établi dans son article 4 que : « Est considéré comme un enregistrement abusif d'un nom de domaine [en ".be", le fait de faire enregistrer [...] par le truchement ou non d'un intermédiaire, sans avoir ni droit ni intérêt légitime à l'égard de celui-ci et dans le but de nuire à un tiers ou d'en tirer indûment profit, un nom de domaine qui soit est identique, soit ressemble au point de créer un risque de confusion, notamment, à une marque, à une indication géographique ou une appellation d'origine, à un nom commercial, à une œuvre originale, à une dénomination sociale ou dénomination d'une association, à un nom patronymique ou à un nom d'entité géographique appartenant à autrui. » Aux termes de cette loi, toute personne qui justifie d’un intérêt légitime à l’égard d’un nom de domaine peut introduire une action en cessation devant le président du Tribunal de première instance ou du tribunal de commerce, selon que la personne qui a "abusivement" enregistré un nom de domaine est commerçante ou non, dans les cas où il est constaté : - l’enregistrement d’un nom de domaine identique ou similaire à un signe distinctif antérieur appartenant à autrui, - l’enregistrement d’un nom de domaine effectué sans intérêt légitime ; - que l’enregistrement a été effectué dans le but de nuire à un tiers ou d’en tirer profit. (ii) Contentieux extrajudiciaire – procédure CEPANI Compte tenu des coûts engendrés par une procédure judiciaire, ainsi que du délai de traitement de ce type de contentieux, le Centre Belge d’Arbitrage et de Médiation (CEPANI) a, en partenariat avec le DNS, établi une procédure spécifique à ce type de contentieux qui a l’avantage d’être moins couteuse et plus rapide que les procédures judicaires. En effet, moyennement le cantonnement de la somme de 1.620 € (pour une plainte portant sur maximum 5 noms de domaine), toute personne intéressée peut introduire une plainte relativement à un nom de domaine en ".be" pour autant qu’il puisse être établi que : - le nom de domaine du détenteur est identique ou ressemble au point de prêter à confusion à une marque, un nom commercial, une dénomination sociale ou un nom de société, une indication géographique, une appellation d’origine, une indication de provenance, un nom de personne ou une dénomination d’une entité géographique sur lequel le plaignant a des droits; et - le détenteur actuel n’a aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt légitime qui s’y attache ; et - le nom de domaine du détenteur a été enregistré ou utilisé de mauvaise foi. Les Conditions d’enregistrement de noms de domaine du DNS établissent également que la preuve de ce qu’un nom de domaine a été enregistré ou est utilisé de mauvaise foi peut être établie, entre autre, par les éléments suivants : - les faits montrent que le nom de domaine a été enregistré ou été acquis essentiellement aux fins de le vendre, le louer ou le céder d’une autre manière à un tiers qui est le détenteur de la marque, nom commercial, dénomination sociale ou nom de société, indication géographique, appellation d’origine, indication de provenance, nom de personne ou dénomination d’une entité géographique, ou à un concurrent, à titre onéreux et pour un prix excédant le montant des frais en rapport direct avec l’acquisition de ce nom de domaine ; - le nom de domaine a été enregistré en vue d’empêcher le détenteur de la marque, nom commercial, dénomination sociale ou nom de société, indication géographique, appellation d’origine, indication de provenance, nom de personne ou dénomination d’une entité géographique d’utiliser le nom de domaine, et le détenteur actuel du nom est habitué à une telle pratique ; - le nom de domaine a essentiellement été enregistré en vue de perturber les opérations commerciales d’un concurrent ; - lors de utilisation du nom de domaine, le détenteur a sciemment tenté d’attirer, à des fins lucratives, les utilisateurs de l’Internet sur un site Web ou autre espace en ligne lui appartenant, en créant une probabilité de confusion avec la marque, le nom commercial, la dénomination sociale ou le nom de société, l’indication géographique, l’appellation d’origine, l’indication de provenance, le nom de personne ou la dénomination d’une entité géographique du plaignant en ce qui concerne la source, le sponsoring, l’affiliation ou l’approbation du site Web ou autre espace en ligne du détenteur ou d’un produit ou service qui y est proposé ; - le détenteur a fait enregistrer un ou plusieurs noms personnels sans qu’il y ait un lien démontrable entre le détenteur et le(s) nom(s) enregistré(s). La preuve de droits sur un nom de domaine ou d’un intérêt légitime qui s’y attache peut être établie par les éléments suivants : - avant d'avoir eu connaissance du litige, le détenteur actuel a utilisé le nom de domaine ou un nom correspondant au nom de domaine en vue d’offrir de bonne foi des produits ou des services, ou a fait des préparatifs sérieux à cet effet ; - le détenteur actuel est connu en tant qu’individu, entreprise ou autre organisation sous le nom de domaine considéré, même sans avoir acquis des droits sur une marque de produits ou de services ; - le détenteur actuel fait un usage non commercial légitime ou un usage loyal du nom de domaine sans intention de détourner à des fins lucratives les consommateurs en créant une confusion ni de ternir la marque, le nom commercial, la dénomination sociale ou le nom de société, l’indication géographique, l’appellation d’origine, l’indication de provenance, le nom de personne ou la dénomination d’une entité géographique en cause. La procédure CEPANI peut être schématisée comme suit : Si le plaignant obtient gain de cause, le CEPANI peut ordonner le transfert à son effet du nom de domaine et les 1.620 € versés lui sont remboursés. En revanche, aucune indemnité ne peut être sollicitée. Matthieu Aladenise Avocat [email protected] ***