L`EMPLOI DES TRAVAILLEURS HANDICAPES

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L`EMPLOI DES TRAVAILLEURS HANDICAPES
RENARD Anne-Sophie
Université de Lille II
DEA Droit Privé
L’EMPLOI DES TRAVAILLEURS HANDICAPES
Mémoire réalisé sous la direction de Monsieur Le Professeur BOSSU
Septembre 2002
Le travail donne à l’homme sa dignité.
Ghandi
2
SOMMAIRE
PREMIERE
L’EMPLOI
PARTIE :
L’ACCES
DES
HANDICAPES
A
TITRE 1er : la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé et
l’orientation de la personne
CHAPITRE I : les COTOREP, clefs de voûte du dispositif d’insertion
professionnelle
SECTION 1 : l’organisation et le fonctionnement des COTOREP
SECTION 2 : les règles procédurales
CHAPITRE II :
dysfonctionnements
une
institution
affectée
par
de
SECTION 1 : les difficultés du secrétariat et de l’équipe technique
SECTION 2 : les difficultés de la commission au stade de la décision
définitive
TITRE 2nd : l’évaluation du dispositif d’accès à l’emploi
CHAPITRE I : une obligation d’emploi vidée de sa substance
SECTION 1 : le principe : l’embauche directe
3
graves
SECTION 2 : les contre-incitations législatives à l’embauche directe
CHAPITRE II : la situation de l’emploi en milieu protégé
SECTION 1 : les différents types d’établissements de travail protégé
SECTION 2 : les difficultés des structures de travail protégé
DEUXIEME PARTIE : LE STATUT DES TRAVAILLEURS
HANDICAPES
TITRE 1er : la conclusion et la rupture de la relation de travail.
CHAPITRE I : la conclusion de la relation de travail
SECTION 1 : le recrutement des personnes handicapées par les entreprises
SECTION 2 : l’embauche définitive
CHAPITRE II : la rupture de la relation de travail
SECTION 1 : la rupture du contrat de travail en entreprise et en atelier
protégé
SECTION 2 : la rupture de la relation de travail en C.A.T.
TITRE 2nd : la vie de la relation de travail
CHAPITRE I : les obligations nées de la relation de travail
4
SECTION 1 : la rémunération de la prestation de travail
SECTION 2 : les sanctions de la mauvaise exécution de la prestation de
travail
CHAPITRE II : les conditions de travail
SECTION 1 : le temps de travail
SECTION 2 : l’hygiène, la sécurité et la médecine du travail
SECTION 3 : la représentation et l’expression des travailleurs handicapés
5
La société contemporaine entend prendre en charge les difficultés des personnes
handicapées. Sur ce point, le rôle de l’Etat a évolué, et on considère aujourd’hui que la
solidarité nationale doit jouer pleinement en faveur de ces personnes. Ce principe a été
récemment réaffirmé, à deux reprises, et n’a de cesse de se renforcer. En effet, la loi de
modernisation sociale du 17 janvier 20021 a repris et étendu2 le principe d’une obligation
nationale en faveur des personnes handicapées, déjà consacré par la loi d’orientation du 30
juin 19753. La loi de modernisation sociale donne une définition plus large de ce principe.
Ainsi, l’article L 114-1 nouveau du Code de l’action sociale et des familles dispose que « la
prévention et le dépistage du handicap et l’accès du mineur ou de l’handicapé physique,
sensoriel ou mental, aux droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens, notamment aux
soins, à l’éducation, à la formation et à l’orientation professionnelles, à l’emploi, à la garantie
d’un minimum de ressources adapté, à l’intégration sociale, à la liberté de déplacement et de
circulation, à une protection juridique, aux sports, aux loisirs, au tourisme et à la culture,
constituent une obligation nationale. La personne handicapée a droit à la compensation de son
handicap quels que soient l’origine et la nature de sa déficience, son âge et son mode de vie,
et à la garantie d’un minimum de ressources lui permettant de couvrir la totalité des besoins
essentiels de la vie courante. ». La loi du 4 mars 20024 relative aux droits des malades et à la
qualité du système de santé rappelle également ce principe : « toute personne a droit, quelle
que soit la cause de sa déficience, à la solidarité de l’ensemble de la collectivité nationale5. ».
Les difficultés des personnes handicapées sont d’ailleurs toujours au cœur des débats : un
rapport sénatorial vient d’être déposé, proposant de créer une allocation compensatrice
individualisée, adaptée à la situation particulière de chacun.
Cette solidarité nationale se traduit donc par l’octroi de différentes allocations, en faveur
des enfants comme en faveur des adultes, telles que l’allocation d’éducation spéciale, instituée
pour permettre aux familles d’assumer la charge d’un enfant ou d’un adolescent handicapé6,
ou encore l’Allocation aux Adultes Handicapés7. Surtout, cette solidarité passe par la mise en
oeuvre d’actions visant à favoriser l’intégration sociale des personnes handicapées. S’agissant
des enfants et adolescents handicapés, ont été mises en place des filières d’éducation
1
Loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002, J.O. 18 janvier 2002, p. 1008.
PANSIER (F.-J.) et CHARBONNEAU (C.), Commentaire de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, Petites
affiches 25 janvier 2002, p. 8.
3
Loi n° 75-534 du 30 juin 1975, J.O. 1er juillet 1975, p. 6596.
4
Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, J.O. 5 mars 2002, p. 4118.
5
Article 1er de la loi du 4 mars 2002, ibid.
6
BOSSU (B.), Présentation de la réforme du complément d’allocation d’éducation spéciale pour les enfants handicapés,
R.J.P.F. juin 2002, p. 28.
7
Article L 244-1 du Code de l’action sociale et des familles.
2
6
spécialisées ( classes ordinaires ou classes spécialisées ouvertes en établissements ordinaires,
instituts médico-éducatifs,...). S’agissant des adultes handicapés, on sait que l’emploi est le
vecteur idéal d’intégration de ces personnes, et par la même, de la reconnaissance de leur
citoyenneté pleine et entière8.
Aussi, dans le but de favoriser l’accès des personnes handicapées à l’emploi, le législateur
a édicté des discriminations positives, qui sont le fruit d’une longue évolution. Les
changements terminologiques permettant de désigner ces personnes sont le reflet de cette
évolution : on est passé de l’infirme au mutilé, puis à l’invalide, et au travailleur handicapé9.
Pendant longtemps, les personnes handicapées n’ont bénéficié d’aucune disposition
particulière visant à favoriser leur accès à un emploi10. Dans les civilisations antiques, les
handicapés physiques et mentaux étaient considérés comme des êtres inutiles que l’on
supprimait, ou au mieux, que l’on abandonnait. Au Moyen-Age, l’attitude dominante était
l’indifférence, et les handicapés se fondaient dans la masse des pauvres. Seule l’Eglise se
préoccupait de leur sort, et au XIIIème siècle furent créées les Maisons-Dieu. Mais ces
établissements n’avaient qu’une vocation d’accueil et de secours, les personnes handicapées
ne se voyaient pas proposer d’activité rémunératrice. C’est au XIVème siècle que l’assistance
va se laïciser, avec la création des « Aumônes générales ». L’assistance est alors une
institution centralisée, disposant de ressources régulières, grâce à une contribution obligatoire
prélevée sur les habitants, l’objectif poursuivi étant de maintenir l’ordre dans la cité. Mais la
société les considère incapables d’occuper un emploi, ils sont par conséquent dispensés de
travail. Ce n’est qu’au XVIIème siècle que ces personnes sont mises au travail, non pas pour
favoriser leur intégration dans la société, mais pour racheter leur salut. A cette époque, on
passe de l’assistance à l’enfermement, au nom de la sécurité publique. Sont créés des hôpitaux
généraux où l’on interne non seulement les fous et les épileptiques, mais aussi les vagabonds,
les malades et les invalides. Toutefois, au XVIIIème siècle, l’image de l’infirme commence à
se détacher de celle de l’aliéné. En effet, on assiste à la création d’établissements spécialisés
dans la rééducation des déficients physiques.
La Constitution du 26 juin 1793 érige l’assistance en dette sacrée de la société, qui doit la
subsistance aux citoyens malheureux soit en leur procurant du travail, soit en assurant les
moyens d’exister à ceux qui sont hors d’état de travailler. Mais cette affirmation de principe
ne reçoit guère de concrétisation et dès le Directoire, on en revient à la bienfaisance privée. Il
8
GARDOU (C.), Connaître le handicap, reconnaître la personne, éd. Erès, 1999, p. 76.
DORIGUZZI (P.), L’histoire politique du handicap, de l’infirme au travailleur handicapé, Paris : L’Harmattan, 1994, p. 23.
10
CROS-COURTIAL (M.-L.), Travail et handicap en droit français, publications du C.T.N.E.R.H.I., 1989, p. 10.
9
7
faudra attendre la loi du 14 juillet 1905 pour que soit de nouveau affirmé le principe d’une
obligation de la société à l’égard des personnes infirmes et incurables se trouvant dans le
besoin11. Mais cette loi vise seulement à assurer aux personnes bénéficiaires la subsistance et
l’hébergement. Par ailleurs, elle présentait l’inconvénient de ranger dans une même catégorie
de bénéficiaires des populations très hétérogènes : infirmes moteurs, déficients mentaux,
incurables et vieillards, ces personnes se voyant placées sur le même plan quelque soit leur
âge ou leur degré d’autonomie. C’est au lendemain de la guerre de 1914-1918 qu’émerge
l’approche contemporaine de la prise en compte des difficultés des personnes handicapées.
Les milliers de soldats blessés à vie font naître le sentiment d’un devoir de solidarité
nationale. On prend conscience que faire en sorte que les gens ne meurent plus, faute de
pouvoir assurer eux-mêmes leur subsistance, ne suffit pas12. Il faut qu’ils puissent trouver leur
place dans la société, ce qui implique une aide à l’insertion professionnelle des personnes
aptes à exercer un emploi, et pour les autres, le droit d’obtenir de la collectivité des moyens
convenables d’existence. Une série de textes va concrétiser cette évolution des mentalités.
Ainsi, fut notamment créé l’Office national des mutilés et des réformés de guerre qui
organisait la rééducation professionnelle des intéressés13. Par ailleurs, les militaires affectés
d’infirmités résultant de la guerre ont droit à une pension d’invalidité14 et bénéficient d’un
droit de préférence pour l’obtention des emplois réservés aux anciens militaires dans les
administrations, les entreprises jouissant d’une concession, d’un monopole ou d’une
subvention d’une collectivité publique15. Mais la loi la plus importante demeure celle du 26
avril 1924 relative à l’emploi obligatoire des militaires percevant une pension d’invalidité.
Elle apporte une innovation considérable puisque pour la première fois est imposée à
l’ensemble des entreprises privées16 une obligation d’employer une catégorie de travailleurs.
Elle concerne les entreprises de plus de dix salariés, et met à leur charge une obligation
d’emploi de 10% de leur effectif.
Cette nouvelle conception née au sujet des mutilés de guerre s’étendra progressivement à
tous les handicapés17. La loi du 14 mai 1930 accorde aux salariés victimes d’un accident du
travail le droit d’être admis gratuitement dans les écoles de rééducation professionnelle créées
pour les militaires. La loi Cordonnier du 2 août 1949 généralise l’aide à l’insertion à tous les
11
BORGETTO (M.) et LAFORE (R.), Droit de l’aide et de l’action sociales, 4e éd., Paris : Montchrestien, 2002, p. 310.
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 15.
13
Loi du 2 janvier 1918, citée par BORGETTO (M.) et LAFORE (R.), ibid.
14
Loi du 31 mars 1919, citée par CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 16.
15
Loi du 17 avril 1916 modifiée par la loi du 31 janvier 1923, citée par CROS-COURTIAL (M.-L.), ibid.
16
Elle concerne également les entreprises publiques et les entreprises nationalisées : CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit.,
note 10, p. 55.
17
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 16.
12
8
grands infirmes, elle leur alloue une pension et leur confère la possibilité de recevoir une
formation professionnelle. Le décret du 29 novembre 1953 crée les Commissions
départementales d’orientation des infirmes, chargées de donner un avis sur l’aptitude au
travail ou la possibilité d’une rééducation professionnelle. En 1954, le ministre de la Santé
autorise la création des Centres d’Aide par le Travail, qui avaient vocation, à l’époque, à
accueillir les handicapés les plus lourdement atteints. Enfin, le décret du 20 mai 1955,
modifiant la loi du 26 avril 1924, étend le bénéfice des dispositions assurant l’emploi
obligatoire des mutilés de guerre aux diminués physiques reconnus comme tels par les
Commissions d’orientation des infirmes.
Cependant, la mise en place d’un système global de reclassement des personnes
handicapées, quelque soit l’origine du handicap, date de la loi du 23 décembre 195718. C’est
dans cette loi que l’on voit apparaître pour la première fois les termes de « handicapés », et de
« travailleurs handicapés ». Elle définit le travailleur handicapé comme « toute personne dont
les possibilités d’acquérir ou de conserver un emploi sont effectivement réduites par suite
d’une insuffisance ou d’une diminution de ses capacités physiques ou mentales », ce qui
recouvre aussi bien les infirmes de naissance que les travailleurs devenus infirmes à la suite
d’une maladie ou d’un accident19. Cette définition est toujours en vigueur actuellement20. Les
apports de cette loi sont assez significatifs. En effet, elle régit tout le processus de
reclassement depuis la période de soins jusqu’au placement, en passant par la réadaptation, la
rééducation ou la formation professionnelle. Elle étend à tous les handicapés la compétence
de la Commission départementale d’orientation des infirmes, désormais chargée de
reconnaître la qualité de travailleur handicapé, de donner un avis sur l’orientation
professionnelle et de se prononcer sur l’opportunité des mesures à prendre pour favoriser le
reclassement des intéressés. La loi accorde à tout travailleur handicapé le droit à une
réadaptation, à une formation professionnelle adaptée, prise en charge par l’Etat ou un
organisme de Sécurité Sociale. Elle impose à toutes les entreprises du secteur privé, et aux
administrations de l’Etat et des collectivités locales, une obligation d’embauche de
travailleurs handicapés de 3% de leur effectif21. L’obligation d’emploi se traduisait par une
18
HOYEZ (K.), L’influence de la santé sur le travail, tome 1, Thèse Lille 2, 1998, p. 246.
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 18.
20
Voir infra, page 26.
21
Coexistent alors deux systèmes : celui de la loi de 1924, en faveur des militaires titulaires d’une pension d’invalidité, des
veuves et des orphelins de guerre, qui vise les entreprises du secteur privé, les entreprises publiques et les entreprises
nationalisées, et met à leur charge une obligation d’emploi de 10% ; celui de la loi de 1957, en faveur des travailleurs
handicapés, qui vise les entreprises du secteur privé, les administrations de l’Etat et des collectivités locales, et met à leur
charge une obligation d’emploi de 3%.
19
9
obligation de réservation de postes. En effet, les chefs d’entreprises privées22 devaient
désigner les emplois qu’ils réservaient, puis l’A.N.P.E. devait présenter des candidats à
l’employeur, qui les embauchait à l’essai. A défaut de présentation de candidat par l’A.N.P.E.,
l’employeur retrouvait sa liberté d’embauchage. Une redevance s’imposait aux employeurs
qui n’occupaient pas le pourcentage légal. Par ailleurs, la loi de 1957 assurait à ces
travailleurs une protection particulière : réglementation des salaires et des abattements,
allongement de la durée du préavis de licenciement,... Cette loi renforça également les
structures du milieu protégé, constituées jusque là par les seuls C.A.T., en mettant en place
deux nouveaux types d’établissements : les ateliers protégés et les centres de distribution de
travail à domicile, qui constituent des structures intermédiaires entre le milieu ordinaire et les
C.A.T.
On assiste à une remise en cause du dispositif dans les années soixante. Le rapport BlochLainé de 1967 fait ressortir les incohérences, la complexité et le caractère hétérogène du
système. En effet, complétée par de nombreuses dispositions éparses23, la loi de 1957 a été
mal appliquée24. C’est également à cette époque que l’on prend conscience de la situation
particulière des personnes handicapées, et qu’émerge la notion d’intégration25.
La nécessité de mettre en place une politique cohérente consacrant l’idée d’intégration
sociale est à l’origine de la loi d’orientation en faveur des personnes handicapées du 30 juin
197526. Cette loi consacre l’abandon du concept d’assistance au profit de celui solidarité, et
érige au rang d’obligation nationale l’emploi, la formation et l’orientation professionnelle,
l’éducation, et l’intégration des handicapés dans la société. Est ainsi solennellement reconnue
l’obligation pour les pouvoirs publics d’assurer aux personnes handicapées les mêmes droits
qu’aux personnes valides, et de mettre en oeuvre les moyens nécessaires à leur intégration27.
Le même jour, est adoptée la loi relative aux institutions sociales et médico-sociales28,
récemment rénovée par la loi du 2 janvier 200229. Dans le domaine qui nous intéresse, ces lois
ne concernent que les Centres d’Aide par le Travail, qui sont soumis au Code de l’action
Les deux systèmes avaient toutefois fait l’objet d’une harmonisation : les arrêtés pris en application de la loi de 1957
précisaient que l’obligation d’emploi des mutilés de guerre et celle des travailleurs handicapés devaient s’apprécier dans la
limite d’un pourcentage global de 10% des postes de l’établissement.
Voir CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 54 et 55.
22
Pour le secteur public, voir CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 60.
23
Création d’un label pour promouvoir les produits fabriqués par les handicapés, attributions de subventions aux
entreprises,..., voir CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 19.
24
HOYEZ (K.), op. cit., note 18, p. 247.
25
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 20.
26
Loi n° 75-534 du 30 juin 1975 dite loi d’orientation en faveur des personnes handicapées, J.O. 1er juillet 1975, p. 6596.
27
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 21.
28
Loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales, J.O. 1er juillet 1975, p. 6604.
29
Loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale, J.O. 3 janvier 2002, p. 124.
10
sociale et des familles, contrairement aux ateliers protégés et aux centres de distribution de
travail à domicile, régis par le Code du travail. Elles précisent les procédures de création,
d’autorisation et de tarification des établissements et des services sociaux et médico-sociaux.
Elles définissent également les rapports entre les organismes gestionnaires des structures, les
usagers et les collectivités publiques.
Mais la loi d’orientation de 1975 n’a pas réussi à répondre aux problèmes de l’insertion
professionnelle des handicapés dans la société. Dès le début des années quatre-vingt, apparaît
la nécessité d’une réforme de l’insertion professionnelle des handicapés. Cette prise de
conscience conduit au vote de la loi du 10 juillet 198730. Le projet avait été présenté au
Conseil des ministres avant les élections législatives de 1986, et le gouvernement Chirac,
constitué suite au changement de majorité parlementaire, reprend le projet après en avoir
substantiellement remanié le contenu31, dans un sens plus proche des conceptions libérales32.
Cette loi du 10 juillet 1987 vient modifier le système mis en place par les lois de 1924 et de
1957. Elle substitue à une obligation de procédure une obligation de résultat : occuper 6% de
travailleurs handicapés dans l’entreprise. L’obligation de procédure était en réalité très mal
respectée : le plus souvent, aucune présentation d’une personne handicapée n’était faite par
l’A.N.P.E. dans le délai requis, et l’importance du montant de la redevance dissuadait
l’administration de l’appliquer aux entreprises défaillantes, cette redevance aggravant
lourdement leurs charges dans une conjoncture difficile33. Avec la loi de 1987, on passe d’une
politique contraignante à une politique incitative, qui relève d’une philosophie plus libérale :
on cherche seulement à influer sur le comportement des personnes concernées, en offrant
divers avantages34. En effet, avec la loi de 1957, les employeurs ne pouvaient pas refuser
d’embaucher la personne qui leur était adressée. Au contraire, la loi de 1987 s’en remet
complètement à la bonne volonté des employeurs, car elle leur offre diverses possibilités pour
s’acquitter de leur obligation d’emploi : l’embauche directe, qui s’accompagne d’avantages
financiers au profit des employeurs, n’est plus l’unique moyen, les employeurs pouvant
notamment opter pour le versement d’une contribution, ou pour la passation de contrats de
sous-traitance avec le milieu protégé (ateliers protégés, centres de distribution de travail à
domicile, Centres d’Aide par le Travail). On est donc passé d’un extrême à l’autre : si la loi de
1957 était trop contraignante, la loi de 1987 a dénaturé l’obligation d’emploi. L’obligation
30
HOYEZ (K.), op. cit., note 18, p. 247.
Voir infra, page 45 : « une obligation d’emploi vidée de sa substance ».
32
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 22.
33
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 63.
34
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 209.
31
11
issue de la loi de 1957 engendrait un authentique droit à l’emploi pour les personnes
handicapées. Désormais, ce droit se révèle plus effectif en cas d’orientation vers le milieu
protégé, celle-ci s’imposant aux structures concernées35. La politique actuelle est d’ailleurs
toujours en ce sens : nous le verrons, la loi de modernisation sociale a encore aggravé cette
dénaturation.
On s’est parfois posé question de savoir si l’existence de discriminations positives en
faveur des personnes handicapées s’avérait justifiée, à une époque où l’emploi est en crise :
pourquoi créer des solutions à caractère professionnel pour les personnes handicapées alors
que de nombreuses personnes valides sont dépourvues d’emploi36 ? Mais on peut trouver
plusieurs fondements à l’action engagée par les pouvoirs publics en faveur de l’accès des
personnes handicapées à l’emploi.
Un fondement supranational : la Déclaration des droits des personnes handicapées, adoptée
par l’Assemblée Générale des Nations Unies le 9 décembre 197537. Elle proclame notamment
que « le handicapé a droit (...) à la formation et à la réadaptation professionnelle, aux aides,
conseils, services de placement et autres services qui assureront la mise en valeur maximale
de ses capacités et aptitudes et hâteront le processus de son intégration ou de sa réintégration
sociale. ». Il a également droit à « la sécurité économique et sociale et à un niveau de vie
décent. Il a le droit, selon ses possibilités, d’obtenir et de conserver un emploi ou d’exercer
une occupation utile, productive et rémunératrice. ».
Un fondement constitutionnel : l’article 5 du préambule de la Constitution. Il affirme que
« chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi », sans distinguer suivant que
la personne est handicapée ou non. Il est donc du devoir du législateur de veiller à ce que
l’insertion professionnelle des handicapés soit respectée38.
Un fondement éthique : le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine39.
La dignité de la personne a notamment été définie par Kant40, au XVIIIème siècle. Il écrivait
alors que « l’humanité elle-même est une dignité ; en effet, l’homme ne peut être utilisé par
35
Voir infra, page 33.
ZRIBI (G.), L’avenir du travail protégé, centres d’aide par le travail et intégration, Rennes : éd. E.N.S.P., 1998, p. 9.
37
Ministère de l’emploi et de la solidarité, L’insertion professionnelle des travailleurs handicapés, La documentation
française, 1998, p. 3.
38
HOYEZ (K.), op. cit., note 18, p. 245.
39
Ce principe a été consacré par la Déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée le 10 décembre 1948 et à laquelle
la France a souscrit, qui dispose dans son article 1er que « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en
droit. ». De plus, le Conseil constitutionnel, se fondant sur le préambule de la Constitution, a reconnu valeur constitutionnelle
à ce principe dans sa décision du 27 juillet 1994, rendue à l’occasion du contrôle de constitutionnalité des lois relatives à la
bioéthique, D. 1995, J., 237, note MATHIEU (B.).
40
Cité par DE TISSOT (O.), Pour une analyse juridique du concept de dignité du salarié, Dr. soc. 1995, p. 972.
36
12
aucun homme simplement comme un moyen, mais toujours être traité en même temps comme
une fin, et c’est en cela que consiste précisément sa dignité. ». Il affirmait également que la
dignité de la personne humaine est « une valeur intérieure absolue, par laquelle l’homme force
au respect de lui-même toutes les autres créatures raisonnables ». Selon les auteurs, la dignité
de la personne humaine est notamment sauvegardée par le droit à l’emploi, car « il permet de
libérer l’être humain de la crainte de la misère. ». Le travail est également un moyen pour
l’homme d’affirmer sa place dans la société, il est un facteur de réalisation de la personne et
d’épanouissement41. Aussi, la sauvegarde de la dignité des personnes handicapées suppose de
mettre en oeuvre les moyens permettant de garantir leur accès à un emploi. Au delà d’une
place dans la société, le travail leur permettra de surmonter le handicap dont elles sont
atteintes. La loi Cordonnier de 1949 faisait d’ailleurs expressément référence au concept de
dignité42. Toutefois, dans une économie libérale, le droit à l’emploi, tel qu’il est consacré par
le Préambule de la Constitution de 194643, n’est pas satisfait par l’Etat au même titre que le
droit à l’éducation ou à la santé, l’Etat s’associe simplement à sa mise en oeuvre : « il
appartient à la loi de poser les règles propres à assurer au mieux le droit pour chacun d’obtenir
un emploi44 ». Les emplois n’existent dans l’économie libérale qu’à l’initiative des
entrepreneurs, à qui l’Etat ne peut imposer de les créer ou de les maintenir45.
La sauvegarde de la dignité de la personne humaine fonde par ailleurs le principe
d’interdiction des discriminations. En effet, toute discrimination porte atteinte à la dignité
humaine, puisqu’elle nie l’égalité de droit qui doit être reconnue à chacun, quels que soient
ses caractéristiques individuelles46. L’interdiction des discriminations suppose non seulement
de ne pas traiter de manière différente des personnes qui se trouvent dans des situations
identiques, mais également de tenir compte des différences de situations en rétablissant
l’égalité. Or, les personnes handicapées ne sont pas en situation d’égalité avec les autres
demandeurs d’emploi. En effet, elles sont victimes d’un réflexe de rejet de la part des
employeurs, qui les considèrent peu adaptables, et qui craignent une mauvaise intégration à la
communauté de travail, ainsi que des répercussions financières en terme d’aménagement des
locaux et du poste de travail. Ces éléments justifient la mise en place d’un régime de
discriminations positives en faveur des personnes handicapées, destiné à les remettre en
41
ASQUINAZI-BAILLEUX (D.), Droit à l’emploi et dignité, in PEDROT (P.), Ethique, droit et dignité de la personne,
mélanges Christian Bolze, Paris : Economica, 1999, p. 123.
42
DORIGUZZI (P.), op. cit., note 9, p. 124.
43
Selon le Préambule de la Constitution de 1946, « chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi. ».
44
Cons. const. Décision n° 83-156 du 28 mai 1983, citée par ASQUINAZI-BAILLEUX (D.), op. cit., note 41, p. 125.
45
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 7.
46
DE TISSOT (O.), Pour une analyse juridique du concept de « dignité » du salarié, Dr. soc. 1995, p. 972.
13
situation d’égalité avec les autres citoyens47. L’instauration de dispositions plus favorables
pour l’accès à l’emploi des handicapés ne constitue donc pas une discrimination à l’égard des
autres demandeurs d’emploi.
Enfin, l’origine étymologique du mot « handicap » contient en germe le fondement de
l’intervention du législateur : ce mot est d’origine anglaise, « hand in cap », et signifie « main
dans le chapeau ». Il fait référence à un jeu pratiqué au XVIème siècle en Grande Bretagne,
entre joueurs qui échangeaient des objets personnels, en acceptant l’arbitrage d’une tierce
personne, « le handicapeur », chargé de veiller à l’égalité des chances des joueurs, par la mise
en jeu de lots de valeur égale48.
La délimitation du champ d’application des dispositions favorisant l’accès des personnes
handicapées à l’emploi n’est pas évidente. La difficulté tient à l’incertitude inhérente au
concept de handicap.
Le concept de handicap est assez flou, et n’a pas été défini par le législateur49. Celui-ci a
seulement défini le travailleur handicapé50. Cette abstention du législateur peut s’expliquer
par la relativité de la notion, qui doit s’apprécier in concreto51. En effet, on ne peut évaluer le
handicap d’une personne que par rapport à une situation donnée : telle personne peut se
trouver handicapée dans une situation, et n’éprouver aucun désavantage dans une autre
circonstance. Le terme handicap a ainsi vocation à recouvrir le maximum d’hypothèses. Les
auteurs se sont parfois interrogés sur la nécessité d’une définition juridique du handicap. En
réalité, ce n’est pas souhaitable, d’une part parce qu’il faudrait qu’elle recouvre des
hypothèses très diverses, d’autre part parce que cela comporterait un risque de ségrégation des
personnes handicapées, en marquant la différence par rapport aux personnes valides, en en
faisant une catégorie juridique déterminée. On a d’ailleurs déjà remarqué que le handicap se
47
La convention 159 de l’O.I.T. adoptée le 20 juin 1983 et entrée en vigueur le 16 mars 1990 (J.O. 15 février 1990, p. 1941)
relative à la réadaptation individuelle et à l’emploi de personnes handicapées prévoit que la politique des Etats membres en la
matière « doit être fondée sur le principe de l’égalité des chances entre les travailleurs handicapés et les travailleurs en
général (...) », citée par HOYEZ (K.), op. cit., note 18, p. 26.
Par ailleurs, la recommandation du Conseil des Communautés européennes du 24 juillet 1986 relative à l’emploi des
handicapés invite les Etats à prendre toutes mesures appropriées en vue d’assurer un traitement équitable des handicapés en
matière d’emploi et de formation professionnelle, citée par CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 9.
48
ASSANTE (V.), rapport au C.E.S., Situations de handicap et cadre de vie, 2 septembre 2000, J.O. avis et rapports du
C.E.S., 12 et 13 septembre 2000.
49
ALFANDARI (E.), Réflexions sur l’absence de définition juridique du handicap, RD sanit. soc. 1985, p. 123.
Le législateur a préféré confier à des organismes le soin de reconnaître le handicap. Par exemple, les Commissions
Départementales de l’Education Spéciale statuent sur l’orientation et les prestations attribuables aux jeunes handicapés de
moins de vingt ans. Dans le domaine qui nous intéresse, les commissions techniques de reclassement et d’orientation
professionnel sont chargées de reconnaître la qualité de travailleur handicapé et d’orienter les personnes vers un milieu de
travail.
50
Voir infra, page 26.
51
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 5.
14
transformait vite en filière : l’enfant admis en Institut Médico-Educatif constitue la population
la plus nombreuse des C.A.T.52.
Le législateur a ainsi substitué la notion de handicap aux notions antérieurement utilisées.
Le choix de ce terme s’explique par sa neutralité : ne faisant pas référence à une norme
sociale, il paraît moins à même de provoquer des réactions de rejet de la société. Les termes
infirmes, déficients, diminués, incurables, invalides, mutilés, débiles, etc., étaient considérés
par les associations de handicapés, à tort ou à raison, comme chargés de jugements
péjoratifs53. On peut toutefois s’interroger sur la portée de ce changement terminologique :
est-ce en modifiant un terme que l’on changera le comportement de la société54 ?
Selon le dictionnaire Robert, le handicap est « un désavantage, une infériorité, une gêne
qu’on doit supporter par rapport à des concurrents ou par rapport aux conditions normales
d’action et d’existence. ». Le terme « handicap » se distingue donc d’autres notions voisines,
telles que l’infirmité, l’invalidité, l’inadaptation, l’incapacité juridique, avec lesquelles il
existe pourtant une confusion dans le langage courant55.
L’infirmité est définie56 comme « la nature (sièges, importance) de l’atteinte pathologique
et l’importance de ses conséquences fonctionnelles ». Le handicap n’est donc que la
conséquence de l’infirmité, la gêne provoquée par l’atteinte. On peut parfaitement concevoir
des handicaps qui ne tiennent pas à des infirmités, et des infirmités qui n’entraînent pas de
handicap, car l’infirmité s’apprécie en elle-même, mais le handicap s’apprécie par rapport à
une situation57.
L’invalidité correspond à une diminution de la capacité de travail et de gain de la
personne58. Elle apparaît comme une catégorie particulière de handicap59.
L’inadaptation traduit une relation inadéquate entre le sujet et son milieu. Sont inadaptés
tous ceux qui ont des difficultés d’insertion dans la vie sociale. Les origines de l’inadaptation
peuvent tenir à des manifestations physiques ou psychiques. Mais elles relèvent également de
comportements n’entrant pas dans le cadre de la pathologie, tels les marginaux. La notion
d’inadaptation est donc plus large que celle de handicap60.
52
ALFANDARI (E.), op. cit., note 49, p. 127.
DESSERTINE (A.), La notion de handicap et de handicapé, in Colloque « handicap et droit », novembre 1983, Les
publications du C.T.N.E.R.H.I., p. 9.
54
ALFANDARI (E.), Action et aide sociales, 4e éd., Paris : Dalloz 1989, p. 589.
55
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 5.
56
VERKINDT (P.-Y.), FRIMAT (P.), ELOY (E.), CUVELIER (R.), Aptitude physique et contrat de travail, Paris : éd.
Liaisons, 1990, p. 104.
57
ALFANDARI (E.), Action et aide sociales, op. cit., note 54, p. 588.
58
VERKINDT (P.-Y.) et al., op. cit., note 56, p. 31.
59
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 6.
60
Ibid.
53
15
Enfin, l’incapacité juridique fait référence aux régimes civils de protection (tutelle,
curatelle). Certes, le handicap peut entraîner une protection juridique s’il obère les facultés
mentales de l’intéressé, mais on ne peut pas admettre que toute personne handicapée soit ipso
facto un incapable61.
Pour préciser le champ d’application des lois de 1975 et de 1987, on peut dire que les
personnes malades, et les inadaptés sociaux62, en sont exclus63.
L’étude de l’emploi des travailleurs handicapés nous amène à nous interroger sur le point
de savoir si les dispositions édictées en faveur de l’accès des personnes handicapées à
l’emploi sont de nature à leur assurer une réelle intégration professionnelle. Comme
l’obligation d’emploi a été dénaturée par la loi de 1987, il conviendra d’apprécier dans quelle
mesure la bonne volonté des chefs d’entreprise s’est manifestée. Nous nous interrogerons
également sur la situation de l’emploi en milieu protégé. Mais pour pouvoir bénéficier des
discriminations positives édictées en leur faveur, les personnes handicapées doivent faire la
démarche, auprès de la commission technique d’orientation et de reclassement professionnel,
de se voir reconnaître la qualité de travailleur handicapé et d’être orientées vers un milieu de
travail. C’est la question de l’accès des personnes handicapées à l’emploi (première partie).
Dans la mesure où nous n’envisagerons que le cas d’une personne née handicapée, affectée
par un handicap physique ou mental, et non le cas des personnes devenues handicapées en
cours d’activité professionnelle, cela exclut de notre étude l’obligation de reclassement.
Une fois que les personnes handicapées ont accédé à un emploi en milieu ordinaire ou
protégé, sont-elles soumises au droit commun du travail, au même titre que les travailleurs
valides ? Nous verrons que l’assimilation n’est pas complète, et que les règles diffèrent par
ailleurs selon que la personne handicapée travaille en milieu ordinaire ou protégé. C’est la
question du statut des travailleurs handicapés. (deuxième partie).
61
ALFANDARI (E.), Action et aides sociales, op. cit., note 54, p. 589.
A propos des inadaptés sociaux, la circulaire n° 60 AS du 31 octobre 1978 le précise expressément : J.O. 16 janvier 1979,
p. 517, n° 144-1.
63
BORGETTO (M.) et LAFORE (R.), Droit de l’aide et de l’action sociale, 4e éd., Paris : Montchrestien 2002, p. 316.
62
16
17
PREMIERE PARTIE :
L’accès des handicapés à l’emploi.
18
Les dispositions favorisant l’accès à l’emploi64 (titre 2nd) ne s’appliquent pas
automatiquement à tout individu atteint d’un handicap. En effet, le législateur a voulu éviter
une application sans discernement de ces mesures protectrices à toute personne invoquant une
déficience gênant son insertion en milieu de travail65.
Ainsi, pour pouvoir en bénéficier, les personnes handicapées doivent au préalable se voir
reconnaître la qualité de travailleur handicapé, et faire l’objet d’une orientation vers le milieu
ordinaire ou protégé (titre 1er).
Les développements qui suivent permettront notamment d’évaluer la politique menée par
les pouvoirs publics pour favoriser l’accès des personnes handicapées à l’emploi.
64
Par exemple, l’obligation d’emploi pesant sur les entreprises. De même, l’entrée dans un Centre d’Aide par le Travail ou
dans un atelier protégé est subordonnée à la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, et à une orientation vers le
milieu protégé.
65
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 125.
19
TITRE PREMIER :
La reconnaissance de la qualité de travailleur
handicapé et l’orientation de la personne.
Ces missions incombent aux commissions techniques d’orientation et de reclassement
professionnel (COTOREP), instituées au niveau départemental, qui apparaissent à ce titre
comme les clefs de voûte du dispositif d’insertion professionnelle (chapitre I). Mais
aujourd’hui, force est de constater que ces institutions sont affectées par de graves
dysfonctionnements, préjudiciables aux personnes handicapées (chapitre II).
20
CHAPITRE I : Les COTOREP, clefs de voûte du dispositif
d’insertion professionnelle.
La loi d’orientation n° 75-534 du 30 juin 1975 en faveur des personnes handicapées a
prévu la création dans chaque département66 d’une COTOREP. Il ne s’agit pas d’un organe
juridictionnel67, mais d’une commission administrative, investie d’un pouvoir de décision68.
Ses attributions sont définies par l’article L 323-11 du Code du travail. Dans le domaine
qui nous intéresse, ce sont ses missions de reconnaissance de la qualité de travailleur
handicapé et d’orientation vers le milieu ouvert ou protégé qui retiendront toute notre
attention. On peut néanmoins préciser qu’elle est également compétente pour se prononcer sur
les mesures propres à assurer le reclassement des personnes handicapées, pour désigner les
établissements ou les services concourant à la rééducation, au reclassement et à l’accueil des
adultes handicapés, pour apprécier si l’état ou le taux d’incapacité de la personne justifie
l’attribution de diverses allocations, telle que l’Allocation Adulte Handicapé (A.A.H.) ou
l’octroi d’une carte d’invalidité69. La pluralité des fonctions des COTOREP avait entraîné une
division en sections spécialisées, organes décisionnels de la commission70. Pour les
attributions qui nous intéressent, c’était la première section qui avait un rôle à jouer.
Cependant, la division de la COTOREP en sections produisait des conséquences
dommageables, souvent dénoncées. En effet, elle conduisait à saisir chaque section d’un
aspect particulier de la situation de la personne handicapée (par exemple, l’insertion
professionnelle pour la première section, l’attribution d’une allocation pour la seconde
section)71. Il n’y avait donc pas d’approche globale de la personne handicapée par la
COTOREP72. Mettant fin à cette critique, la circulaire du 27 février 200273 prévoit la fusion
des sections. L’objectif affiché par la circulaire est de réaliser un diagnostic cohérent et
complet portant sur les possibilités d’intégration professionnelle et sociale de la personne. Les
textes réglementaires fusionnant les sections sont en cours de modification. Dix départements
ont été choisis comme sites pilotes.
66
La COTOREP siège au chef-lieu du département, article D 323-3-13 du Code du travail.
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 135.
68
ALFANDARI (E.), Action et aide sociales, op. cit., note 54, p. 190.
69
CARCENAC (Y.), Les COTOREP à la recherche de leur « efficacité globale », RF aff. soc., n° spécial, L’intégration des
personnes handicapées : quelques éléments de bilan, mars 1998, p. 83.
70
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 135.
71
CROS-COURTIAL (M.-L), op. cit., note 10, p. 157.
72
FORGUES (P.), L’indispensable réforme des COTOREP, rapport d’information , n° 2542, A.N., 2000.
67
21
Après avoir précisé l’organisation et le fonctionnement des COTOREP (section 1), nous
étudierons les questions d’ordre procédural (section 2).
SECTION 1 : L’ organisation et le fonctionnement des
COTOREP.
Les COTOREP comprennent un secrétariat permanent et une équipe technique, qui sont les
premiers intervenants de la procédure, et les premiers interlocuteurs des personnes
handicapées (§1). L’examen de la demande par la commission unifiée marque la fin de la
procédure, dans la mesure où c’est en son sein qu’est prise la décision définitive (§2).
§1 Le secrétariat et l’équipe technique.
A- Le secrétariat.
Chaque COTOREP dispose, dans ses locaux, d’un secrétariat permanent, dirigé par un
secrétaire et un secrétaire-adjoint74. Ils sont nommés par le préfet, sur proposition conjointe
du directeur départemental du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle et du
directeur départemental des affaires sanitaires et sociales, et choisis parmi les agents des
services dépendant de ceux-ci.
En pratique, on constatait toutefois l’existence d’un secrétariat par section spécialisée75 : le
secrétaire (généralement un contrôleur du travail) se voyait confier la responsabilité de la
première section, et le secrétaire adjoint (un agent détaché de la Direction Départementale des
Affaires Sanitaires et Sociales) celle de la seconde section. Ce constat, déjà fait par Madame
Cros-Courtial en 198976, a été confirmé par Monsieur Forgues, dans son rapport77 sur le
fonctionnement des COTOREP, rendu public en 2000. En effet, il précisait que
73
Circulaire DGAS/DAGPB/DGEFP/DAGEMO n° 2002-114 du 27 février 2002 relative à la coordination des services pour
les personnes handicapées et à l’organisation des COTOREP, citée par THOLLET (G.), Le fonctionnement des COTOREP
unifié, Social Actualité mars 2002, p. 28.
74
Article D 323-3-4 du Code du travail.
75
Voir infra, page 24.
76
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 150.
77
FORGUES (P.), op. cit., note 72.
22
« généralement, le secrétaire est le responsable de la première section, dépendant de la
Direction Départementale du Travail, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle, tandis
que le secrétaire-adjoint est le secrétaire de la seconde section, relevant de la Direction
Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales ». Toutefois, une évolution s’était opérée,
puisque le rapport précisait ensuite que « treize COTOREP sur les quinze examinées
disposent aujourd’hui d’un secrétariat commun ». Pour illustrer cette évolution, il était fait
référence à la COTOREP du Nord, située à Lille, où le secrétariat est commun : il est dirigé
par deux secrétaires, l’une est contrôleur du travail, l’autre agent de la D.D.A.S.S., deux
agents de catégorie B.
Désormais, cette pratique ne sera plus possible, dans la mesure où la circulaire du 27
février 2002 prévoit la fusion des sections spécialisées, et la mise en place d’un secrétariat
unique.
Sont également affectés au secrétariat, en fonction des besoins, des personnels d’exécution
de catégorie C et D.
Le secrétariat de la COTOREP effectue les tâches administratives de la Commission
(rédaction des comptes rendus, notifications des décisions,...), et il établit les liaisons avec les
services concernés par l’accueil de la personne (A.N.P.E., ateliers protégés, Centres d’Aide
par le Travail,...)78. Mais sa mission principale est d’accueillir et d’informer des personnes
handicapées, d’enregistrer les demandes, et de recueillir toutes les pièces du dossier
nécessaires à l’instruction de la demande, effectuée par l’équipe technique79.
B- L’équipe technique.
Les demandes déposées au secrétariat sont transmises à une équipe technique, prévue par
l’article D 323-3-5 du Code du travail, qui est chargée de l’instruction des dossiers. Elle est
constituée en concertation entre le directeur départemental du Travail, et celui de l’Action
sanitaire et sociale. Elle revêt un caractère pluridisciplinaire, en vue de l’examen de la
situation de la personne handicapée sous chacun de ses aspects : médical, social,
psychologique, psychotechnique, et professionnel80. Ainsi, la circulaire du 25 mai 1984,
relative à l’amélioration du fonctionnement COTOREP, prévoit que l’équipe technique doit
78
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 150.
FORGUES (P.), op. cit., note 72.
80
HOYEZ (K.), op. cit., note 18, p. 286.
79
23
comporter un « noyau de base »81, comprenant soit un médecin conseil de la Sécurité sociale,
soit un médecin contrôleur de l’aide sociale, ainsi qu’un médecin de la main d’œuvre, une
assistante sociale, et un représentant du service public de l’emploi (psychologue de l’A.F.P.A.
ou prospecteur placier de l’A.N.P.E.). L’un des médecins (appelé médecin coordonnateur) est
nommé responsable de l’équipe technique, et en assure l’animation et la coordination.
Là encore, en pratique, l’existence de deux équipes techniques ( une équipe par section
spécialisée ) s’était généralisée. En effet, Monsieur Forgues, dans son rapport sur le
fonctionnement des COTOREP, constatait que contrairement au secrétariat, « l’unicité des
équipes techniques est encore moins bien avancée »82, constat que formulait déjà Madame
Cros-Courtial en 198983. Désormais, la circulaire du 27 février 2002 prévoit la mise en place
d’une équipe technique unique.
L’équipe a pour mission de recueillir les avis nécessaires, et de présenter la synthèse de ses
travaux à la commission unifiée (avant la circulaire du 27 février 2002, à la section
compétente), qui statue. Si une investigation plus approfondie s’avère nécessaire, l’article D
323-3-5 du Code du travail dispose que l’équipe peut faire appel à des spécialistes qui lui sont
extérieurs, et dont le concours lui paraît utile pour mener à bien l’instruction de la demande.
Elle a également pour rôle d’informer la personne handicapée sur les solutions qui
s’offrent à son cas, et de rechercher le plus large accord possible sur les propositions qui
seront soumises à la commission unifiée84. Enfin, l’article D 323-3-5 du Code du travail
précise que un ou plusieurs membres de l’équipe prend contact avec la personne handicapée
et, s’il y a lieu, avec les parents de celui-ci ou avec les personnes qui en ont la charge effective
ou qui sont ses représentants légaux. Cette précision est reformulée par la circulaire du 27
février 2002, qui dispose que la personne handicapée qui dépose une demande doit être reçue
par plusieurs membres de l’équipe technique, afin que soient mieux appréhendés sa situation,
ses besoins et ses droits.
L’instruction de la demande achevée, un membre de l’équipe technique sera rapporteur
devant la commission unifiée.
81
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 154.
FORGUES (P.), L’indispensable réforme des COTOREP, rapport d’information, n° 2542, A.N., 2000.
83
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p.153.
84
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 155.
82
24
§2 L’examen de la demande par la commission
unifiée.
Avant la circulaire du 27 février 2002, la COTOREP pouvait procéder à la constitution85
de deux sections spécialisées lors de sa première réunion, en répartissant ses vingt-quatre
membres selon leurs compétences86. L’effectif d’une section ne pouvait être supérieur à douze
membres (article D 323-3-10 du Code du travail), non compris le président87. Désormais, la
demande sera obligatoirement examinée par la commission unifiée. Des textes en préparation
préciseront l’aménagement de la composition de la commission unifiée (nombre de membres,
représentation des différentes instances,...).
Après avoir précisé quelles sont les personnes susceptibles de siéger dans la commission
(A), nous étudierons la décision rendue par cette commission unifiée (B).
A- Les membres appelés à siéger au sein de la commission.
Conformément aux dispositions de l’article D 323-3-1 du Code du travail, les membres de
la commission sont les suivants88 :
? trois conseillers généraux ainsi que trois suppléants, élus par l’assemblée dont ils font
partie ;
? quatre personnes proposées conjointement en raison de leur compétence par le directeur
départemental du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle et le chef du service
régional de l’inspection du travail, de l’emploi et de la politique sociale agricole, dont au
moins un représentant de l’Agence Nationale Pour l’Emploi et un médecin du travail ;
? deux personnes désignées, en raison de leur compétence en matière d’action sanitaire et
sociale, par le président du conseil général, dont un médecin, et deux personnes désignées en
raison de leur compétence par le préfet sur proposition du directeur départemental des affaires
sanitaires et sociales, dont un médecin ;
85
Comme l’exprime Mme CROS-COURTIAL, op. cit., p. 139, il ne s’agissait ici que d’une faculté offerte par la loi. En
effet, l’article L 323-11-I alinéa 1er disposait que la commission « peut comporter des sections spécialisées, selon la nature
des décisions à prendre ». Cependant, en pratique, cette possibilité s’était généralisée.
86
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 140.
87
Le président de la COTOREP est de droit président de chacune des sections spécialisées, voir MOREAU (N.), Travailleurs
handicapés, J.-Cl. trav. Fasc. 8-10, 2001, p. 10.
88
MOREAU (N.), op. cit., note 87, p. 10.
25
? une personne proposée en raison de sa compétence par le chef du service départemental
de l’office national des anciens combattants et victimes de guerre ;
? un médecin conseil des organismes de sécurité sociale sur proposition conjointe du
directeur régional des affaires sanitaires et sociales et du chef du service régional de
l’inspection du travail, de l’emploi et de la politique sociale agricole ;
? quatre représentants des organismes d’assurance maladie et des organismes débiteurs de
prestations familiales choisis sur proposition conjointe du directeur régional des affaires
sanitaires et sociales et du chef du service régional de l’inspection du travail, de l’emploi, et
de la politique sociale agricole, parmi les personnes présentées par les conseils
d’administration de ces organismes ;
? deux personnes choisies en raison de leur compétence par le préfet sur proposition
conjointe du directeur départemental du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle,
et du directeur départemental des affaires sanitaires et sociales, parmi les personnes présentées
par les organismes gestionnaires des centres de rééducation professionnelle, des ateliers
protégés et des centres d’aide par le travail du département, ainsi qu’une personne choisie en
raison de sa compétence par le président du conseil général, parmi les personnes présentées
par les organismes gestionnaires des foyers d’hébergement pour les personnes handicapées ;
? deux personnes choisies en raison de leur compétence par le préfet, sur proposition
conjointe du directeur départemental du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle
et du directeur départemental des affaires sanitaires et sociales parmi les personnes présentées
par les associations représentatives des travailleurs handicapés ;
? une personnalité qualifiée choisie sur proposition du directeur départemental du travail,
de l’emploi et de la formation professionnelle parmi les personnes présentées par les
organisations syndicales d’employeurs les plus représentatives ;
? une personne qualifiée choisie dans les mêmes conditions parmi les personnes
présentées par les organisations syndicales de salariés les plus représentatives.
Les vingt-quatre membres de la commission sont nommés par le préfet, pour une durée de
trois ans, renouvelable89. Ils sont tenus au secret professionnel, (article L 323-13 du Code du
travail), sous peine de sanctions pénales, prévues par l’article 226-13 du Code pénal.
La commission peut aussi, sur le fondement de l’article D 323-3-3 du Code du travail,
appeler à participer à ses travaux, occasionnellement et à titre consultatif, toutes les personnes
susceptibles de l’éclairer. De plus, l’article D 323-3-2 du Code du travail prévoit que dans
89
Excepté pour les conseillers généraux, élus à la suite de chaque renouvellement du conseil général, article D 323-3-1 du
Code du travail.
26
certains départements, l’effectif de la COTOREP peut être doublé ou triplé en fonction des
besoins du département concerné, à condition que l’équilibre de la représentation ne soit pas
modifié.
Enfin, l’article L 323-11 du Code du travail dispose que le président de la commission est
désigné chaque année, soit par le préfet parmi les membres de la COTOREP, soit, à la
demande du préfet, par le président du Tribunal de Grande Instance dans le ressort duquel la
commission a son siège, parmi les magistrats de ce tribunal90.
B- La décision de la commission unifiée.
L’objet de chacune des sections était précisé par l’article D 323-3-8 du Code du travail. La
première section était notamment chargée d’apprécier l’aptitude au travail, de reconnaître la
qualité de travailleur handicapé et de se prononcer sur l’orientation et le reclassement de
l’intéressé. La seconde section appréciait le taux d’incapacité en vue de l’attribution
éventuelle
d’allocations
diverses
(
A.A.H.,
allocation
pour
frais
professionnels
supplémentaires, ...), étudiait l’orientation vers un établissement social ou médico-social
(
Maison d’Accueil Spécialisée, foyer de vie occupationnel), et répondait aux demandes de
carte d’invalidité ou du macaron G.I.C.91.
Désormais avec la circulaire du 27 février 2002, toutes ces questions seront examinées par
la commission unifiée. Dans le domaine qui nous intéresse, ce sont la reconnaissance de la
qualité de travailleur handicapé et l’orientation de la personne qui retiendront notre attention.
1- La reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé.
La commission reconnaît la qualité de travailleur handicapé aux personnes répondant aux
conditions définies par l’article L 323-10 du Code du travail92. Aux termes de cet article, « est
considéré comme travailleur handicapé toute personne dont les possibilités d’obtenir ou de
conserver un emploi sont effectivement réduites par suite d’une insuffisance ou d’une
diminution de ses capacités physiques ou mentales ». La reconnaissance de la qualité de
travailleur handicapé est donc refusée si la COTOREP estime que la personne est apte à un
90
Dictionnaire Permanent Social, Handicapés, 2000, n° 7.
FORGUES (P.), op. cit., note 72.
92
CARCENAC (Y.), Les COTOREP à la recherche de leur « efficacité globale », op. cit., note 69, p. 83.
91
27
travail normal ou si au contraire, elle est inapte à tout travail93. On peut ici préciser les rôles
respectifs de la COTOREP et du médecin du travail, s’agissant de l’appréciation de
l’inaptitude au travail. Cette précision a été apportée par Madame Aubry dans une réponse
ministérielle en 199994. Ainsi, il existe deux notions de l’inaptitude. Il y a l’inaptitude au
travail, appréciée par la COTOREP, et l’inaptitude au poste, appréciée par le médecin du
travail. Chacune de ces institutions dispose d’une compétence propre, qui s’exerce dans des
conditions et à des moments distincts du processus d’intégration. En effet, la COTOREP a
pour fonction de reconnaître la qualité de travailleur handicapé et de prononcer son
orientation vers le milieu ordinaire ou protégé : c’est dans cette perspective qu’est appréciée
l’inaptitude au travail. En revanche, le médecin du travail est chargé d’évaluer l’aptitude du
salarié au poste de travail auquel le chef d’entreprise envisage de l’affecter. Ainsi, s’agissant
de l’orientation vers le milieu ordinaire, la ministre avait jugé nécessaire de préciser que la
COTOREP ne dispose que d’un pouvoir de proposition et non de décision, pouvoir qui relève
de la compétence du médecin du travail.
La COTOREP classe95 ensuite le travailleur handicapé, comme le prévoient les articles L
323-12 et R 323-32 du Code du travail, selon ses capacités professionnelles, à titre temporaire
ou définitif, dans l’une des catégories suivantes : A (handicap léger), B (handicap modéré), ou
C (handicap grave).
Cette décision de reconnaissance et de classification est prise au vu des divers éléments
dont dispose la commission, après audition de la personne handicapée, et éventuellement, de
toute autre personne intéressée96. On peut déduire de la formulation de l’article L 323-11-I 4°
du Code du travail que la convocation de l’adulte handicapé97 est une obligation, bien que le
législateur aurait pu être plus explicite, notamment par l’emploi du verbe « devoir ». En effet,
l’article dispose seulement que « l’adulte handicapé est convoqué par la commission » à la
séance au cours de laquelle la commission examine sa demande. L’article D 323-3-12 du
Code du travail précise que la convocation est envoyée au moins dix jours à l’avance. Elle
énonce l’heure et le lieu de convocation, et rappelle la faculté offerte au handicapé de se faire
93
DU GRANRUT (C.), Travailleurs handicapés, Rép. trav. Dalloz, 1989, p. 4.
Rép. min. n°16613, J.O.A.N. 1er février 1999, p. 625, commentée par BOCQUILLON (F.), RD sanit. soc. 1999, p. 832.
95
FORGUES (P.), op. cit., note 72.
96
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 135.
97
Et, s’il y a lieu, de son représentant légal, ou de la personne qui en a la charge effective : Liaisons sociales quotidien,
L’entreprise et les handicapés, octobre 2001, p. 75. L’auteur de la demande est également convoqué, voir infra, page 26.
94
28
assister par une personne de son choix. Il s’agit ici d’une formalité essentielle, puisque
destinée à associer l’intéressé et ses représentants à la décision98.
Enfin, il faut préciser que les décisions de reconnaissance de la qualité de travailleur
handicapé (R.Q.T.H) se répartissent de la manière suivante : 90% de reconnaissances, et 10%
de refus99. S’agissant de la décision de classification en catégorie A, B ou C, un auteur100
opère en 1992 la distinction suivante : Pour les handicapés physiques, il constate que la
R.Q.T.H. B est majoritaire, pour les handicapés mentaux, c’est la R.Q.T.H C qui est
majoritaire.
2- L’orientation de la personne handicapée.
La commission se prononce dans un deuxième temps sur l’orientation de la personne
handicapée. Plusieurs possibilités s’offrent ici à elle. Ses options sont les suivantes101 :
orientation vers un milieu professionnel, ou vers une formation. S’agissant de la première
option, la commission doit faire un choix entre une orientation vers le milieu ordinaire de
travail (entreprises), ou vers le milieu protégé (atelier protégé, centre de distribution de travail
à domicile, centre d’aide par le travail). Dans le premier cas, l’A.N.P.E., qui a mis en place
des prospecteurs placiers spécialisés pour les travailleurs handicapés, et les Equipes de
Préparation et de Suite au Reclassement (E.P.S.R.), aident la personne handicapée dans la
recherche d’un emploi102.
La COTOREP peut également se prononcer en faveur d’une formation. En effet, l’article L
323-15 du Code du travail pose en principe le droit pour toute personne handicapée, et
reconnue comme telle par la COTOREP, à la réadaptation, à la rééducation, ou à la formation
professionnelle. Elles peuvent avoir lieu soit dans des centres spécialisés publics ou privés,
soit dans des centres collectifs ou d’entreprise créés en vertu des dispositions législatives ou
réglementaires relatives à la formation professionnelle, soit en milieu normal de travail103.
98
Liaisons sociales quotidien, L’entreprise et les handicapés, octobre 2001, p. 75.
BLANC (A.), Les handicapés au travail, analyse sociologique d’un dispositif d’insertion professionnelle, 2e éd., Paris :
Dunod, 1999, p. 57.
100
BLANC (A.), L’insertion professionnelle des travailleurs handicapés : des interrogations pour aujourd’hui, RF aff. soc.
1992, p. 44.
101
Liaisons sociales quotidien, L’entreprise et les handicapés, octobre 2001, p. 74.
102
FORGUES (P.), op. cit., note 72.
Pour une présentation détaillée de ces structures, voir CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 201 et s.
103
Liaisons sociales quotidien, L’entreprise et les handicapés, octobre 2001, p. 8.
99
29
Nous limiterons toutefois notre étude aux hypothèses où la COTOREP oriente la personne
handicapée vers le milieu ordinaire de travail, ou vers le milieu protégé104.
Dans un arrêt rendu le 26 mai 1999105, le Conseil d’Etat a reconnu à la COTOREP un large
pouvoir d’appréciation de l’opportunité de la mesure à mettre en oeuvre. En l’espèce, une
COTOREP avait refusé une formation au profit d’un placement direct sur le marché du
travail, au motif que « la charge financière importante d’une formation de longue durée
n’offrirait à l’intéressé que des perspectives d’emploi limitées à son issue, compte tenu de son
départ possible en retraite à 60 ans et de l’état du marché du travail. ». L’intéressé a contesté
cette décision en estimant que la COTOREP ne pouvait se fonder sur le coût élevé de la
formation pour décider le placement direct. Mais le Conseil d’Etat a rejeté sa demande, au
motif que la COTOREP s’était fondée sur le bilan effectué à l’issue d’un stage préparatoire,
« qui avait mis en évidence l’incapacité de l’intéressé à poursuivre utilement la formation
initialement engagée ». Comme l’exprime Monsieur Bocquillon106, cet arrêt amène à réfléchir
sur la mise en place d’un guide de bonnes pratiques des COTOREP...
Lorsque la COTOREP éprouve des difficultés particulières pour se prononcer sur
l’orientation de la personne, difficultés qui n’ont pas pu être résolues par l’équipe technique,
elle peut opter, par décision motivée, pour l’admission de la personne dans un centre de
préorientation107 (articles L 323-11-II et R 323-33-1 du Code du travail). La préorientation est
opérée dans le cadre d’un stage d’une durée moyenne de huit à dix semaines sans pouvoir
excéder douze semaines (article R 323-33-3 du Code du travail). Durant cette période, la
personne handicapée est mise dans des situations de travail caractéristiques de catégories de
métiers nettement différentes les unes des autres ; informée des perspectives professionnelles
que lui offrent ces métiers ; mise en état d’élaborer un projet professionnel en liaison avec les
services de l’A.N.P.E. A l’issue de cette période, le centre adresse à la COTOREP un rapport
détaillé sur les souhaits et sur les
capacités d’adaptation intellectuelles et physiques de la personne observée, à l’exercice ou à
l’apprentissage d’un métier108.
104
Pour une présentation détaillée du dispositif de formation, voir Liaisons sociales quotidien, L’entreprises et les
handicapés, octobre 2001, p. 8 et s. ; CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 167 et s.
105
C.E. 26 mai 1999, Bena, RD sanit. soc. 2000, p. 190, note BOCQUILLON (F.).
106
BOCQUILLON (F.), note sous C.E. 26 mai 1999, ibid.
107
Ces centres ont une vocation interdépartementale, ou régionale, article R 323-33-2 du Code du travail.
108
Liaisons sociales quotidien, L’entreprise et les handicapés, octobre 2001, p. 76.
30
La commission se prononce alors au vu de ce rapport (article R 323-33-5 du Code du
travail)109. Elle ne peut valablement délibérer que si plus de la moitié de ses membres est
présente110. En cas de partage des voix, celle du président est prépondérante111. Si l’on se
réfère au rapport de la Cour des Comptes, rendu public en 1993112, ainsi qu’aux rapports plus
récents, la COTOREP orienterait majoritairement les personnes vers les structures du milieu
protégé, en particulier vers les Centres d’Aide par le Travail. Nous reviendrons sur ce point
dans les développements qui suivront.
Des règles procédurales particulières encadrent le recours à l’institution de la COTOREP,
ainsi que la contestation de ses décisions.
SECTION 2 : Les règles procédurales.
Elles concernent d’une part la saisine de la COTOREP et la demande (§1), et d’autre part
la décision de la COTOREP et les voies de recours (§2).
§1 La saisine de la COTOREP et la demande.
A- La saisine.
1- Les personnes habilitées.
Les personnes habilitées à saisir la commission sont énumérées à l’article D 323-3-7 du
Code du travail113. Ainsi, la COTOREP peut être saisie par114 :
? le handicapé lui-même ;
109
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 156.
MOREAU (N.), op. cit., note 87, p. 10.
111
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 134.
112
Rapport de la Cour des Comptes, Les politiques sociales en faveur des personnes handicapées adultes, 1993, p. 119.
113
On relèvera ici, pour la clarté de nos développements ultérieurs, que l’employeur n’en fait pas partie, voir HOYEZ (K.),
L’influence de la santé sur le travail, op. cit., note 18, p. 286 et 287.
114
MOREAU (N.),, op. cit. note 87.
110
31
? ses parents ou les personnes qui en ont la charge effective ou qui sont ses représentants
légaux ;
? le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales et le directeur départemental
du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle, ou le fonctionnaire qui exerce les
fonctions de ce dernier compte tenu de l’activité professionnelle de l’assuré ;
? l’A.N.P.E., avec l’accord du handicapé, lorsqu’elle a enregistré une demande d’emploi
de celui-ci ;
? l’organisme ou service appelé à payer une allocation à l’intéressé au titre de son
handicap ;
? l’autorité responsable de tout centre, établissement ou service médical ou social
intéressé.
On le voit, le handicapé peut donc faire l’objet d’une décision de la COTOREP sans l’avoir
voulu lui même115. Cependant, l’article D 323-3-7 du Code du travail dispose que dans tous
les cas, le handicapé, et, s’il y a lieu, les personnes qui en ont la charge effective ou qui sont
ses représentants légaux, sont informés de la saisine116.
2- La compétence territoriale et la compétence d’attribution.
Comme le précise l’article D 323-3-6 du Code du travail, la compétence territoriale de la
commission est déterminée par le lieu de résidence de la personne handicapée. Cette
compétence peut toutefois être renvoyée par le président de la commission du lieu de
résidence à celle du département où l’intéressé se trouve en traitement ou en rééducation117.
Les adresses des COTOREP peuvent être fournies par les préfectures du département, les
directions départementales du travail et de l’emploi, les directions départementales des
affaires sanitaires et sociales, l’A.N.P.E., les Centres Communaux d’Action Sociale118.
Par ailleurs, la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, ainsi que son
orientation, relèvent de la compétence exclusive de la COTOREP. C’est ce que rappelle
l’arrêt Centre d’Aide par le Travail Le Prieuré c/ B. », rendu par la Cour d’appel d’Aix en
Provence le 18 novembre 1991119.
115
CROS-COURTIAL (M.L.), op. cit., note 10, p. 139.
Liaisons sociales quotidien, L’entreprise et les handicapés, op. cit., note 98, p. 75.
117
MOREAU (N.), op. cit., note 87, p. 10.
118
Liaisons sociales quotidien, L’entreprise et les handicapés, op. cit., note 98, p. 75.
119
C.A. Aix en Provence, 18 novembre 1991, Centre d’Aide par le Travail Le Prieuré c/ B., RD sanit. soc. 1992, p. 318, obs.
LEVY (J.-M.).
116
32
B- Le formalisme de la demande.
Un formulaire unique de demande (voir annexe 1), intitulé « formulaire de demande –
personne adulte handicapée »120 est à la disposition des usagers, quelque soit la nature de leur
demande. Il comporte des rubriques relatives à121 :
? la nature de la demande (formation professionnelle, carte d’invalidité, prestations
sociales ou orientation vers un établissement spécialisé) ;
? la situation personnelle de l’intéressé (état civil, situation familiale, affiliation à la
sécurité sociale) ;
? la situation et l’expérience professionnelle (niveau d’études).
Le formulaire doit être accompagné, dans le domaine qui nous intéresse122, d’un
« Certificat médical – personne adulte handicapée ». Le formulaire est rempli par la personne
handicapée elle même, par la personne qui en la charge, ou par la personne qui la représente
légalement. Le certificat médical doit être rempli par le médecin traitant de la personne
handicapée, et adressé sous pli cacheté au médecin de l’équipe technique de la COTOREP123.
L’ensemble de ces documents constitue la base du dossier, qui transitera par le secrétariat et
par l’équipe technique, avant d’être étudié par commission unifiée.
Dès réception de la demande au secrétariat de la COTOREP, un récépissé doit être adressé
sous pli simple124.
§2 Décision et voies de recours.
A- Formalisme et portée de la décision de la COTOREP.
1- Formalisme.
L’article L 323-11-I du Code du travail dispose que la décision de la COTOREP doit être
motivée. Dans un arrêt rendu le 28 avril 1993125, le Conseil d’Etat a précisé que la simple
120
DU GRANRUT (C.), op. cit., note 93, p. 3.
MOREAU (N.), op. cit., note 87, p. 10.
122
Pour solliciter une allocation, le formulaire doit être accompagné d’une « Déclaration de ressources – personne adulte
handicapé », voir DU GRANRUT (C.), op. cit., note 93, p. 3.
123
DU GRANRUT (C.), ibid.
121
33
référence à des éléments médicaux ne saurait satisfaire à l’exigence de motivation. Selon un
auteur126, la référence à des éléments médicaux précis serait en outre une violation du secret
professionnel. Néanmoins, les observations contenues dans la décision pourront être
communiquées directement sous pli séparé au médecin traitant de la personne concernée, à la
demande de celle-ci127.
Par ailleurs, ce même article exige que la décision de la COTOREP fasse l’objet d’une
révision128 périodique. La décision doit préciser le délai dans lequel elle sera révisée, celui-ci
ne pouvant excéder cinq ans (article D 323-3-15 du Code du travail).
La décision doit être notifiée (voir annexe 2) dans le délai d’un mois au demandeur, ainsi
qu’aux autres personnes ou organismes intéressés (article D 323-3-15 du Code du travail). La
notification est faite par lettre recommandée avec accusé de réception (article R 323-77 du
Code du travail)129. Elle doit indiquer les voies de recours130 ouvertes en fonction de la nature
de la décision, ainsi que le délai dans lequel la décision peut être contestée, soit par la voie du
recours gracieux formé devant l’autorité compétente, soit par saisine de la juridiction
compétente131.
Enfin, il convient de préciser que le silence gardé par la COTOREP pendant plus de quatre
mois vaut décision implicite de rejet. Cette solution résulte d’un décret du 20 juin 2001132,
pris en application de la loi du 12 avril 2000133, relative aux droits des citoyens dans leurs
relations avec l’administration. Cette loi prévoit que le silence gardé pendant plus de deux
mois par l’autorité administrative vaut, en principe, décision implicite de rejet. Mais par
dérogation à cette disposition, la loi autorise le pouvoir réglementaire à fixer des délais
différents, lorsque la complexité ou l’urgence de la procédure le justifie134.
124
Liaisons sociales quotidien, L’entreprise et les handicapés, op. cit., note 98, p. 75.
C.E. 28 avril 1993, R.J.S. 1993, n° 921, cité par MOREAU (N.), op. cit., note 87, p. 10.
126
MOREAU (N.), ibid.
127
Liaisons sociales quotidien, L’entreprise et les handicapés, op. cit., note 98, p. 75.
128
Pour Madame CROS-COURTIAL, ce principe de révision s’explique par le caractère évolutif du handicap : la
reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé est le constat d’un état à un moment déterminé. Cette qualité ne peut
être attribuée qu’à titre temporaire pour permettre la mise en oeuvre des mesures nécessaires à l’insertion professionnelle,
op. cit., note 10, p. 138.
129
Liaisons sociales quotidien, L’entreprise et les handicapés, op. cit., note 98, p. 75.
130
Voir infra, page 34.
131
Liaisons sociales quotidien, L’entreprise et les handicapés, op. cit., note 98, p. 75.
132
Décr. N° 2001-532 du 20 juin 2001 relatif au régime des décisions implicites prises par les autorités administratives
relevant du ministère de l’Emploi et de la Solidarité, commenté par BOCQUILLON (F.), RD sanit. soc. oct.-déc. 2001, p.
848.
133
Loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, J.O. 22 juin 2001, p. 9891.
134
BOCQUILLON (F.), Le silence gardé par la COTOREP pendant plus de quatre mois vaut décision implicite de rejet, RD
sanit. soc. oct.-déc. 2001, p. 848.
125
34
2- Portée.
En ce qui concerne la personne handicapée, la reconnaissance de la qualité de travailleur
handicapé, et le classement par la COTOREP, ne lui sont pas juridiquement imposables, elle
reste libre de s’en prévaloir ou non135. De plus, la décision de la COTOREP vise un type
d’établissement, le choix d’un établissement particulier revenant à l’intéressé lui-même136.
En cas d’orientation en milieu ouvert, la COTOREP ne dispose d’aucun pouvoir, à l’égard
des employeurs, pour faire appliquer la décision de placement en milieu ordinaire de travail.
Selon Monsieur Blanc, obliger un chef d’entreprise à se soumettre à une telle décision irait à
l’encontre des bases du droit qui, dans la société libérale, suppose le libre consentement des
parties lors de la mise en place du contrat de travail137. En revanche, la décision s’impose aux
services de l’A.N.P.E., tenus de rechercher un emploi pour la personne handicapée138.
En cas d’orientation en milieu protégé, la décision, dès lors qu’elle respecte les règles de
forme ci-dessus énoncées, s’impose aux établissements d’accueil désignés139, dans la limite
de leur spécialité et des places disponibles (article L 323-11-I 3° du Code du travail).
B- Les voies de recours.
Les personnes habilitées à saisir la COTOREP peuvent exercer les voies de recours
ouvertes contre les décisions de cette institution140. Dans un arrêt récent141, la Cour de
cassation a précisé que la preuve de la régularité de la procédure suivie devant la COTOREP,
et notamment de la convocation de l’adulte handicapé, doit résulter de la décision de la
COTOREP, et n’incombe pas à la personne handicapée.
135
Liaisons sociales quotidien, L’entreprise et les handicapés, op. cit., note 98, p. 75.
Liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 56.
137
BLANC (A.), Les handicapés au travail, op. cit., note 99, p. 51.
138
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 137.
139
En vertu de l’article L 323-11-I 3° du Code du travail, « lorsque la personne handicapée fait connaître sa préférence pour
un établissement ou un service entrant dans la catégorie de ceux vers lesquels la commission a décidé de l’orienter et en
mesure de l’accueillir, la commission est tenue de faire figurer cet établissement ou ce service au nombre de ceux qu’elle
désigne » .
140
HOYEZ (K.), op. cit., note 18, p.287. Voir par exemple, pour l’individu ayant la charge effective de la personne
handicapée : soc. 24 octobre 1991, Solana c/COTOREP de la Nièvre, Bull. civ., V, n° 449., cité par HOYEZ (K.), op. cit.
141
Soc. 9 mars 2000, Opoczynski c/COTOREP des Yvelines et a., RD sanit. soc. 2000, p. 833, note BOCQUILLON (F.) ;
Bull. civ., V, n° 96.
136
35
Les décisions des COTOREP sont des actes administratifs142, qui, en tant que tels, sont
susceptibles de recours, contentieux et non contentieux.
S’agissant des recours non contentieux, seul un recours gracieux, porté devant l’autorité
même qui a pris la décision, est envisageable. En effet, le recours hiérarchique, porté devant
une autorité supérieure à celle qui a pris l’acte contesté, est exclu, dans la mesure où il
n’existe pas d’autorité hiérarchiquement supérieure à la COTOREP143.
S’agissant des recours contentieux, le tribunal administratif est juge de droit commun, en
l’absence de texte dérogatoire, comme l’a rappelé le Conseil d’Etat dans un arrêt rendu le 22
novembre 1985144. En réalité, le tribunal administratif ne connaît que d’une faible partie des
recours, l’essentiel du contentieux ayant été confié à des commissions spécialisées, véritables
juridictions administratives du premier degré145.
La compétence de ces commissions146 spécialisées est fonction de la nature de la décision
de la COTOREP. Dans le domaine qui nous intéresse, et pour la clarté des développements
ultérieurs, il convient de préciser que :
? La commission départementale des travailleurs handicapés est compétente147 pour
statuer sur les contestations relatives aux décisions concernant la reconnaissance de la qualité
de travailleur handicapé, le classement en catégorie A, B ou C, en matière d’abattement de
salaire, et d’avantages spéciaux accordés en cas de maladie. Par ailleurs, selon le Tribunal des
Conflits148, se fondant sur les travaux préparatoires de la loi du 30 juin 1975149, cette
commission est également compétente pour statuer sur les recours formés contre les décisions
relatives à l’orientation150 des personnes.
Le délai de recours est de huit jours en matière d’abattement de salaire, d’un mois dans les
autres cas, à compter de la notification de la décision (articles R 323-16 et R 323-78 du Code
142
LEVY (J.-M.), note sous C.A. Aix en Provence, 18 novembre 1991, RD sanit. soc. 1992, p. 319.
COMBETTE (J.-M.), Les recours intéressant la COTOREP, Dr. soc. 1987, p. 536.
144
C.E. 22 novembre 1985, Benamour, Rec. CE p. 331, cité par K. HOYEZ, op. cit., note 18.
145
COMBETTE (J.-M.), op. cit., note 143, p. 540.
146
La répartition des compétences paraît approximativement calquée sur le partage des attributions entre les deux sections,
voir CROS-COURTIAL (M.-L.),, op. cit., note 10, p. 143 ; COMBETTE (J.-M.), Les recours intéressant la COTOREP, Dr.
soc. 1987, p. 540.
147
Article L 323-35 du Code du travail. Cet article précise également la composition de la commission.
148
T.C. 14 mars 1988, Commission de la République de Saône et Loire, RD sanit. soc. 1988, p. 604, note LEVY (J.-M.), cité
par MOREAU (N.), op. cit., note 87, p. 11.
149
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 145.
150
Les textes sont muets sur ce point.
143
36
du travail). Enfin, la décision de la commission n’est susceptible que d’un recours devant le
Conseil d’Etat151.
? La commission régionale du contentieux technique de la sécurité sociale est notamment
compétente152 pour la désignation des établissements (notamment des Centres d’Aide par le
Travail et des Ateliers protégés) et pour l’attribution des différentes allocations. Le recours
doit avoir lieu dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision. La
commission nationale technique connaît en appel des décisions des commissions régionales.
Enfin, un pourvoi est possible devant la Cour de cassation153.
La pluralité des voies de recours n’est pas sans poser de problèmes : l’intéressé qui entend
contester une décision de la COTOREP devra identifier avec soin son motif, pour ne pas se
voir opposer l’incompétence de la juridiction saisie154.
A l’heure actuelle, on assiste à une inflation du contentieux ( + 25% entre 1993 et 1997),
qui démontre une forte insatisfaction des intéressés155. Cette inflation est le reflet des
dysfonctionnements qui affectent aujourd’hui les COTOREP.
CHAPITRE II : une institution affectée par de graves
dysfonctionnements.
Ce constat n’est pas nouveau : le mode de fonctionnement des COTOREP a dès l’origine
soulevé des difficultés, et suscité des critiques156. En effet, nous le verrons, bon nombre de
critiques, formulées par Madame Cros-Courtial en 1989, sont toujours d’actualité. Nous
n’examinerons que les dysfonctionnements en rapport avec la procédure de reconnaissance de
la qualité de travailleur handicapé et d’orientation de la personne157.
Les dysfonctionnements des COTOREP, que l’on constate à tous les stades de la
procédure, se traduisent par des conséquences préjudiciables aux personnes handicapées.
151
Article L 323-35 du Code du travail.
Article L 323-11 du Code du travail.
153
DU GRANRUT (C.), op. cit., note 93, p. 6.
154
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit. , note 10, p. 147.
155
FORGUES (P.), L’indispensable réforme des COTOREP, op. cit., note 72 : cette inflation s’expliquerait principalement
par des insuffisances dans la motivation des décisions.
156
BORGETTO (M.) et LAFORE (R.), op. cit., note 63, p. 337.
157
Pour une présentation d’ensemble des dysfonctionnements affectant les COTOREP, voir le rapport de Monsieur
FORGUES précédemment cité.
152
37
Cependant, prenant acte de ces difficultés, la circulaire du 27 février 2002 apporte quelques
modifications importantes, et dix départements ont été désignés pour expérimenter cette
démarche innovante. Nous étudierons successivement les difficultés du secrétariat, de
l’équipe technique (section 1), et les difficultés rencontrées par la commission au stade de la
prise de décision. (section 2).
SECTION 1 : les difficultés du secrétariat et de l’équipe
technique.
Les difficultés rencontrées par le secrétariat ont pour conséquence une mauvaise qualité
d’accueil et d’information des personnes (§1). Quant aux difficultés de l’équipe technique,
elles nuisent à la qualité de l’instruction du dossier (§2).
§1
Les
mauvaises
conditions
d’information des personnes.
d’accueil
et
A- Les causes.
Pour plusieurs raisons, l’organisation et le fonctionnement du secrétariat ne facilitent pas
l’accueil et l’information des personnes.
Les secrétariats ont dû faire face, avec des moyens en stagnation, à la très forte
augmentation du nombre de dossiers158. Le rapport de Monsieur Forgues fait état d’une
augmentation de 37% du nombres des dossiers, entre 1992 et 1997. En effet, les COTOREP
sont saisies d’un afflux de demandes, imputable au nombre sans cesse croissant de dossiers
déposés par des « handicapés sociaux » recherchant une aide, soit sous forme de secours
financier (Allocation Adulte Handicapé159, allocation compensatrice160,...), soit moins
158
FORGUES (P.), op. cit. note 72. Certaines COTOREP souffrent même de sous-effectifs.
BORGETTO (M.) et LAFORE (R.), op. cit., note 11, p. 338 : pour pouvoir bénéficier de l’A.A.H., le postulant doit
remplir plusieurs conditions, et notamment être dans l’impossibilité de se procurer un emploi. L’activité dans un C.A.T.
n’étant pas considérée comme un emploi, elle ne s’oppose pas à l’attribution de l’A.A.H. : Cass. soc. 18 mai 1988, Lecocq,
RD sanit. soc. 1988, p. 799, note LEVY (J.-M.).
160
BORGETTO (M.) et LAFORE (R.), op. cit., note 11, p. 342 : elle a pour but de compenser les dépenses résultant pour les
personnes handicapées du recours à une tierce personne et/ou de l’exercice d’une profession.
159
38
fréquemment sous forme de réorientation professionnelle. Ce constat, formulé en 1989161, est
toujours d’actualité. En effet, on relève aujourd’hui une pratique fréquente des services
sociaux (assistantes sociales, A.N.P.E.), des organismes d’assurance maladie, et des
professionnels de santé, qui conseillent de constituer un dossier COTOREP, alors que les
intéressés (personnes d’un certain âge qui n’ont pas de revenus, qui ne travaillent pas ou qui
n’ont jamais travaillé)162 relèvent d’autres mesures d’aide à l’emploi (programme de lutte
contre le chômage de longue durée, programme d’insertion pour les bénéficiaires du R.M.I.,
programme de lutte contre l’exclusion,...)163. Cela encombre les COTOREP, d’autant que ce
sont des dossiers qui n’aboutissent pratiquement jamais. Par exemple, dans le Val-de-Marne,
il est apparu au terme d’une enquête annuelle que 40% des dossiers reçus ne correspondaient
pas aux missions des COTOREP164.
Cette surcharge de travail a pour première conséquence des délais d’attente extrêmement
longs pour obtenir une décision de la COTOREP165. Pour illustrer cette idée, le rapport de
Monsieur Forgues cite en exemple un département de la région parisienne, où 27% des
demandes en instance avaient été déposées entre six et douze mois auparavant. En outre, la
Cour des Comptes, dans son rapport rendu public en 1993, précise que les délais les plus
longs entre le dépôt de la demande et la notification de la décision ont trait à l’orientation
professionnelle ; les plus courts concernent la reconnaissance de la qualité de travailleur
handicapé, l’attribution de l’A.A.H et de la carte d’invalidité. Pour reprendre les propos de
Monsieur Bernard166, directeur général de l’A.N.P.E., auditionné par la mission à l’origine du
rapport de Monsieur Forgues, « ces délais sont préjudiciables aux personnes handicapées,
particulièrement en première section ». Par conséquent, au vu du flux de dossiers à traiter, le
personnel n’a que peu de temps à consacrer à l’accueil des personnes, téléphonique ou sur
place.
De plus, le personnel du secrétariat, essentiellement constitué d’agents de catégorie C et
D, paraît insuffisamment formé et qualifié pour bien remplir la mission d’accueil et
161
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 150.
PICARD (S.), inspecteur des affaires sociales, auditionné dans le cadre du rapport de Monsieur Forgues sur le
fonctionnement des COTOREP, op. cit., note 72.
163
FORGUES (P.), op. cit., note 72.
164
FORGUES (P.), op. cit., note 72.
165
Rapport de la Cour des Comptes, op. cit., note, 112, p. 118 ; Rapport de Monsieur Forgues, op. cit., note 72.
166
BERNARD (M.), directeur général de l’A.N.P.E., auditionné dans le cadre du rapport de Monsieur Forgues, op. cit., note
72.
162
39
d’information167. Le recrutement de cadres A reste exceptionnel, l’essentiel de l’encadrement
étant de catégorie B168.
Enfin, les locaux ne facilitent pas l’accueil des personnes handicapées. Dans son rapport
rendu public en 1993169, la Cour des comptes décrivait une situation désastreuse, déjà
dénoncée par Madame Cros-Courtial en 1989170. En effet, il était fait état de locaux vétustes,
exigus, peu accueillants, ne comportant parfois aucun lieu d’attente. Il était même parfois
constaté que certains locaux étaient inaccessibles aux personnes handicapées à mobilité
réduite. Néanmoins, la situation s’est améliorée depuis, dans la mesure où le relogement et la
réhabilitation des COTOREP sont en cours. Le rapport de Monsieur Forgues relatif au
fonctionnement des COTOREP, rendu public en 2000, estime que la moitié des COTOREP
aura été relogée entre 1991 et la fin de l’année 2000.
Toutefois, ces critiques ne peuvent être généralisées. En effet, selon le rapport de Monsieur
Forgues, elles ne concernent pas toutes les COTOREP : dans certaines d’entre elles, l’accueil
se fait facilement et rapidement, alors que dans d’autres départements, les caractéristiques de
traitement sont complètement différentes. De même, selon les départements, la personne
handicapée obtient une réponse à sa demande dans un délai variant entre trois mois et un an.
On le voit, il existe une inégalité de traitement entre les personnes handicapées, non justifiée
par une différence de situation, ce qui permet de dire que ces personnes sont victimes de
discrimination négative.
B- Les remèdes.
Pour remédier à ces difficultés, différentes solutions ont été proposées par les rapports
successifs. Certaines ont été concrétisées par la circulaire du 27 février 2002.
Tout d’abord, le rapport Forgues proposait de poursuivre la remise à niveau des moyens
des COTOREP, notamment de renforcer l’encadrement, de former le personnel administratif,
et d’achever le relogement des commissions. Sur ce point, il faut noter qu’une circulaire du 30
juin 2000171 a prévu l’attribution de moyens supplémentaires aux COTOREP : moyens
financiers (29 millions de francs, soit environ 4,4 millions d’euros alloués aux 2000
167
CROS-COURTIAL (M.-L), op. cit., note 10, 1989, p. 151 ; Forgues (P.), op. cit., note 72, 2000.
Rapport de la Cour des Comptes, op. cit., note 112, 1993 ; rapport de Monsieur FORGUES op. cit., note 72, 2000.
169
Rapport de la Cour des Comptes, op. cit.
170
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 151.
171
Circulaire n° 2000/235 du 13 juin 2000, RD sanit. soc. 2000, p. 835, commentée par BOCQUILLON (F.).
168
40
COTOREP) et moyens humains (10 COTOREP se voient affecter un poste de catégorie B).
De plus, la circulaire du 27 février 2002 prévoit la possibilité de signer des contrats
d’objectifs et de moyens, passés par les directions départementales avec les services
d’administration centrale, en fonction des besoins répertoriés. Cette circulaire prévoit
également, dans l’optique d’un secrétariat unifié, le développement de la polyvalence des
agents administratifs, qui doivent être capables de traiter indifféremment les diverses
demandes présentées par les usagers. A cette fin doivent être mises en oeuvre des actions de
mise à niveau et de formation.
De plus, il apparaît nécessaire de sensibiliser les services et les institutions qui orientent les
demandeurs vers les COTOREP. La mission à l’origine du rapport de Monsieur Forgues
souhaitait qu’un effort d’information soit engagé à destination de l’ensemble de ces services
et institutions, qui sont amenés à proposer aux personnes dont ils ont la charge de formuler
une demande auprès de la COTOREP. Il conviendrait que des instructions soient données, de
telle sorte qu’il soit mis fin à de tels usages, qui contribuent à l’encombrement des
COTOREP. Les auditions menées par la commission ont démontré que la régulation des
demandes pourrait s’opérer plus facilement si des antennes locales, chargées d’une simple
mission d’information et d’accueil, pouvaient être mises en place dans certains départements.
§2 La mauvaise qualité de l’instruction.
L’insuffisance en personnel ne concerne pas que les secrétariats des COTOREP : elle est
également patente au niveau de la composition des équipes techniques. Pour illustrer cette
idée, on peut ici faire référence à l’exemple de la COTOREP du Nord, cité par la Cour des
Comptes dans son rapport de 1993 : l’équipe technique se compose d’un effectif à temps plein
de cinq agents. Si l’on reporte à cet effectif le nombre moyen de dossiers traités chaque année,
chaque agent a en charge, à Lille, 4768 dossiers.
Par conséquent, l’examen des situations individuelles s’effectue dans des conditions peu
satisfaisantes. En effet, l’équipe technique s’adresse alors à des services extérieurs
(Association pour la Formation Professionnelle des Adultes pour les examens psychotechniques préalables à l’orientation) ou à du personnel intervenant ponctuellement. De ce
fait, l’instruction des dossiers n’émane pas de l’équipe technique réunie échangeant ses vues
41
sur chaque situation individuelle172. L’instruction devient alors une juxtaposition d’avis173.
L’insuffisance des effectifs hypothèque la vocation pluridisciplinaire des équipes techniques,
qui dès lors ne sont plus à même de prendre en compte efficacement les problèmes des
personnes handicapées.
Pour remédier à des difficultés, la circulaire du 27 février 2002 prévoit que l’équipe
technique devra s’assurer du concours effectif lors de ses réunions de médecins, de conseillers
à l’emploi, d’assistantes sociales, de psychologues du travail ou d’autres spécialistes
extérieurs. En aucun cas, les modalités de réunion de l’équipe technique ne doivent conduire à
reproduire l’existence de deux équipes distinctes. De plus, le bon fonctionnement des équipes
techniques suppose que celle-ci puisse faire appel à des experts et des partenaires (A.N.PE.,
A.F.P.A.,...), avec lesquels doivent être passés des conventions.
Enfin, rappelons174 que l’article D 323-3-5 du Code du travail dispose que « dans tous les
cas, un ou plusieurs membres de l’équipe [technique] prend contact avec le handicapé et, s’il
y a lieu, avec les parents de celui-ci ou avec les personnes qui en ont la charge effective ou
qui sont ses représentants légaux ». Là encore, la variété des pratiques est de mise. En effet, le
rapport de Monsieur Forgues relève que en 1997, au niveau national, seuls 30,8% des primodemandeurs ont fait l’objet d’un examen clinique effectué par un médecin de la COTOREP
ou un médecin désigné par elle. L’examen par département confirme la variété des pratiques :
90% dans le Rhône, 27% dans le Loiret. Il existe donc un nombre important de dossiers
faisant l’objet d’une instruction uniquement sur pièces175. Il s’agit là encore d’une inégalité
de traitement, préjudiciable aux personnes handicapées. Désormais, la circulaire du 27 février
2002 prévoit que la personne qui dépose une demande doit bénéficier d’un dialogue avec
l’équipe technique, pour l’aider à formuler au mieux ses souhaits et à bâtir un projet. Comme
l’exprime Monsieur Thollet176, cette intention est fort louable, mais à condition que les
moyens humains et qualifiés existent.
172
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 154.
Rapport de la Cour des Comptes, op. cit., note 112.
174
Voir supra, page 23.
175
BLANC (A.), Les handicapés au travail, analyse sociologique d’un dispositif d’insertion professionnelle, op. cit., note 99.
176
THOLLET (G.), Le fonctionnement des COTOREP unifié, Social Actualité mars 2002, p. 28.
173
42
De graves dysfonctionnements sont également mis en évidence au moment de la prise de la
décision.
SECTION 2 : les difficultés de la commission au stade de la
décision définitive.
Trois critiques principales sont formulées à ce stade de la procédure : la variété des
pratiques des COTOREP s’agissant de la convocation des personnes (§1), les délibérations
n’ont qu’un caractère formel (§2), et les décisions d’orientation ne paraissent pas toujours
adaptées à la situation des personnes (§3).
§1 Le caractère exceptionnel des convocations.
Rappelons que la convocation de la personne handicapée est prescrite par l’article
L 323-11-I 4° du Code du travail177. Déjà en 1989, Madame Cros-Courtial avait relevé que les
commissions ne tenaient aucunement compte de l’obligation de convoquer les personnes lors
de la délibération de la section sur leur cas178. Puis en 1993, la Cour des Comptes précise que
les pratiques varient selon les départements, et que d’une manière générale, la personne n’est
convoquée que si elle exprime formellement le souhait d’être entendue, ou si elle a déposé un
recours gracieux. Ces disparités sont donc, là encore, à l’origine d’inégalités de traitement
préjudiciables aux personnes handicapées.
Cette absence de convocation des personnes est la conséquence de l’engorgement des
COTOREP, dont les causes ont été examinées ci dessus179. Dès lors, les personnes
handicapées ont le sentiment que les COTOREP « gèrent des dossiers, non
180
personnes »
pas des
. Comme l’exprime Monsieur Boulanger, délégué adjoint à l’emploi et à la
formation professionnelle, auditionné par la mission à l’origine du rapport de Monsieur
Forgues, « quand on est face à un flux, le premier objectif est d’évacuer le flux, ce n’est pas
de traiter les personnes ». Il paraît pourtant essentiel d’associer l’intéressé et ses représentants
à la mise au point des solutions à ses problèmes, et de lui fournir la garantie d’un débat sur
177
Voir supra, page 27.
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 162.
179
Voir supra, page 37.
180
Propos tenus par Madame Marie-Delphine Bénech au nom de la Fédération Nationale des Accidentés du Travail et des
Handicapés, auditionnée pour le rapport de Monsieur Forgues, op. cit., note 72.
180
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 162.
178
43
son cas181. La conséquence de cette absence de convocation est un enfermement de la
personne dans son handicap182.
§2 Le caractère formel des délibérations.
Par ailleurs, non seulement les COTOREP prennent des décisions sans avoir réellement
rencontré les personnes handicapées, mais en plus, sans avoir véritablement délibéré sur leur
cas. En effet, les COTOREP prennent un nombre important de décisions en approuvant des
listes préparées par le secrétariat, suivant les indications de l’équipe technique183. Cette
pratique a été clairement précisée dans le rapport de Monsieur Forgues, rendu public en 2000,
dont nous reprenons ici les développements. Elle consiste, avec des variantes selon les
départements, à présenter à la commission des listes de décisions, relatives à des cas examinés
par l’équipe technique, et pour lesquels une discussion en séance est jugée inutile. Un
bordereau récapitulatif comprenant les principaux éléments d’information et les propositions
de l’équipe technique est soumis à la commission, qui l’approuve en début ou en fin de
séance. Cette pratique n’est pas en elle-même contraire à la loi, car une note d’orientation du
ministre des affaires sociales et du travail en date du 1er août 1994, relative à l’activité et au
fonctionnement des COTOREP, autorise la pratique des listes, qui devaient être limitées à
certains cas types. Cependant, cette pratique connaît aujourd’hui des dérives, car les listes
recouvrent en fait au gré des départements et des périodes, tous les cas de figure.
On le voit, la collégialité des COTOREP est devenue une fiction, l’approbation sur listes
illustrant parfaitement le caractère purement formel des délibérations184. De plus, la Cour des
Comptes avait relevé, dans son rapport rendu public en 1993, que dans certaines COTOREP,
pour certains types de dossiers, c’est le président de la commission qui statue, seul, par
délégation de la commission, ou même le secrétaire de la COTOREP, par subdélégation du
président.
Néanmoins, assistant aux délibérations de la première section d’une COTOREP de la
région parisienne, la mission à l’origine du rapport de Monsieur Forgues avait pu constater
que le caractère collégial y était plus affirmé qu’en seconde section, même si les propositions
de l’équipe technique étaient, le plus souvent, suivies, et que l’audition de quelques uns des
181
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 162.
FORGUES (P.), op. cit., note 72.
183
FORGUES (P.), op. cit., note 72.
184
Ibid.
182
44
demandeurs avait permis une approche plus constructive et donné lieu à de véritables
échanges avec les membres de la commission.
En définitive, pour reprendre l’expression de Madame Cros-Courtial, la commission
semble jouer le rôle d’une véritable « chambre d’enregistrement »185 des propositions
formulées par l’équipe technique, dans la mesure où celles-ci sont le plus souvent suivies.
§3 Des décisions inadéquates.
Une autre critique est adressée aux COTOREP, qui concerne plus particulièrement
l’orientation des personnes vers un milieu professionnel. Selon Madame Cros-Courtial186, les
COTOREP orienteraient les individus vers les structures disponibles, sans prendre en
considération leurs aspirations, ni leurs possibilités virtuelles. Ce constat, formulé en 1989, est
confirmé par la Cour des Comptes, dans son rapport rendu public en 1993. Selon la Cour des
Comptes, l’orientation a fréquemment lieu par défaut, c’est à dire que l’on a tendance à
prendre davantage en considération la structure qui est en mesure d’accueillir immédiatement
la personne handicapée que celle qui convient réellement à ses possibilités d’insertion
professionnelle. Cette structure serait le Centre d’Aide par le Travail, qui connaît un
développement croissant187. Ainsi, un certain nombre de personnes travaillant en C.A.T.
aurait les capacités pour travailler en atelier protégé, voire en milieu ordinaire188. Or, il s’agit
là d’un problème lourd de conséquences. En effet, comme l’a écrit Madame Cros-Courtial189,
cette politique de placement en C.A.T. contribue à développer un contexte ségrégatif, dès lors
que les personnes qui y sont employées disposent d’une capacité de travail qui justifierait leur
insertion en milieu ordinaire, dans la mesure où ces centres sont davantage présentés comme
des structures d’accueil et de soutien que comme des entreprises190.
Les constats formulés par Madame Cros-Courtial en 1989 et par la Cour des comptes en
1993 sont toujours d’actualité. En effet, on constate une forte progression des orientations en
milieu protégé, de l’ordre de 33% en cinq ans, et notamment vers les C.A.T191. Par ailleurs,
185
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 155.
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 163.
187
Ceci s’explique en partie par les conditions moins exigeantes de création et de fonctionnement, voir infra, page 64.
188
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 337.
189
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 311 et s.
190
Voir infra, page 66.
191
Liaisons sociales 1994, lég. soc. n° 7016, D3 38, p. 8, cité par HOYEZ (K.), op. cit., note 18, p. 318.
186
45
selon les personnes auditionnées192 par la mission à l’origine du rapport de Monsieur Forgues,
on reproche aujourd’hui aux COTOREP une mauvaise appréciation de la situation des
personnes handicapées et une mauvaise orientation.
Or, comme l’expriment les personnes auditionnées, il ne faut pas tout imputer aux
COTOREP, qui fonctionnent dans un contexte d’offre. Les COTOREP adaptent leurs
décisions à l’état de l’offre, qui diffère beaucoup selon les départements. Ainsi, s'il n'existe
pas d'atelier protégé dans le département, la COTOREP oriente en C.A.T., alors que la
personne n'est pas faite pour y aller. D'autres personnes sont à la limite entre l'atelier protégé
et le milieu ordinaire, vers lequel elles sont orientées. Comme il n'y a pas d'atelier protégé,
elles sont en échec d'insertion par manque de soutien et en raison d'une crise de l'emploi. Dans
la mesure où les C.A.T. ont connu un développement plus important que les ateliers protégés,
et compte tenu de la répartition géographique inégale des ateliers protégés, les COTOREP ont
eu tendance à orienter dans les C.A.T., contrairement à la finalité première de ces institutions,
et à défaut d’autres solutions, des personnes qui auraient pu être accueillies en milieu
ordinaire de production avec un soutien ou du moins en atelier protégé193. Par ailleurs,
l’orientation par défaut est également due à l’insuffisante promotion de l’emploi en milieu
ordinaire. En effet, en économie libérale, l’action de
l’Etat dans le secteur privé ne peut
être qu’incitative194, et la personne handicapée doit faire l’objet d’une embauche. Enfin, on ne
peut nier que la conjoncture économique actuelle se prête peu à une orientation en milieu
ordinaire de travail, dans la mesure où l’on exige aujourd’hui une rentabilité et une
productivité de plus en plus élevées.
Pour remédier à ces problèmes, et pour avoir une décision réellement adaptée à la situation
de la personne handicapée, il faudrait réaliser une évaluation des besoins dans chaque secteur
géographique, qui permettrait de prévoir le nombre et le type d’établissements à créer dans
chaque département. En effet, l’intégration professionnelle implique de mettre en oeuvre une
véritable politique de l’emploi en milieu protégé, reposant sur une évaluation précise des
besoins et des possibilités des personnes195. Actuellement, il n’existe aucune étude donnant
une connaissance exacte de la réalité de la population handicapée capable de travailler.
L’absence d’analyse statistique rend souvent illusoire les efforts des pouvoirs publics visant à
192
Monsieur Philippe Calmette, directeur général de la Fédération Nationale des Accidentés du Travail et des Handicapés ;
Monsieur Joseph Fricot, administrateur bénévole à l’Association des Paralysés de France, auditionnés pour le rapport
Forgues, op. cit., note 72.
193
Liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 57 et 58.
194
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 33.
195
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 114 et 340.
46
arrêter des méthodes de programmation cohérentes pour la création de places nouvelles dans
les établissements196. Il est vrai qu’une telle étude est difficile à réaliser, en raison des
incertitudes relatives à la notion même de handicap197. Sans doute les données dont disposent
les COTOREP pourraient-elles être mieux exploitées. Mais on ne peut pas être certain que
leurs données n’intègrent pas pour une part non négligeable des « handicapés sociaux », qui
relèvent de dispositifs différents. De plus, de nombreux handicapés refusent de passer devant
la COTOREP, pour éviter que soit ainsi officialisée leur différence198. Cependant, une telle
étude constitue le préalable nécessaire à la réussite complète de l’intégration professionnelle
des personnes handicapées. Il faut ici signaler que l’I.N.S.E.E. a engagé, en 1998, la
réalisation sur le terrain d’une enquête nationale dite « Handicaps-incapacité-dépendance »,
dont la collecte s’est achevée à la fin de l’année 2001, et dont l’exploitation durera
probablement une dizaine d’années, mais dont les résultats n’ont pas encore été rendus
publics.
On voit donc que pour réussir l’insertion professionnelle des personnes handicapées, il faut
agir en amont, afin d’améliorer la qualité de la décision définitive de la COTOREP. En effet,
le respect de la dignité de la personne humaine commande que le handicapé bénéficie d’une
orientation correspondant à la réalité de sa situation.
Dès lors que la COTOREP a reconnu la qualité de travailleur handicapé, et qu’elle s’est
prononcée en faveur d’une orientation vers le milieu ordinaire ou protégé, la personne
handicapée va pouvoir bénéficier de l’obligation d’emploi pesant sur les entreprises199, ou
d’une place dans une structure de travail protégé. Il convient d’examiner si en pratique, la
décision de la COTOREP est ensuite suivie d’effets.
196
BORDELOUP (J.), Faiblesses et aléas d’une politique publique : les différentes actions menées en faveur des handicapés,
Dr. soc. 1994, p. 586.
197
ZUCKER (E.), RF aff. soc. mars 1998, n° spécial, L’intégration des personnes handicapées, quelques éléments de bilan,
p. 7.
198
BORDELOUP (J.), op. cit., note 196, p. 589.
199
Outre les personnes reconnues travailleurs handicapés par la COTOREP, d’autres personnes peuvent, sous certaines
conditions, bénéficier de l’obligation d’emploi, sans devoir passer devant la COTOREP, comme le précise l’article L 323-3
du Code du travail (victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles, anciens militaires, veuves de guerre et
orphelins de guerre, …). Un arrêt du Conseil d’Etat rendu le 25 octobre 1996 (R.J.S. 1996, 854, n° 1334) a toutefois précisé
qu’une COTOREP ne saurait refuser la qualité de travailleur handicapé à un accidenté du travail, au motif qu’à ce titre il
bénéficie déjà de l’obligation d’emploi, alors que cette circonstance n’est pas de nature à la priver des autres avantages
afférents à la qualité de travailleur handicapé.
47
TITRE SECOND :
L’évaluation du dispositif d’accès à l’emploi.
Rappelons que s’agissant de l’insertion en milieu ordinaire, la COTOREP ne dispose pas
d’un pouvoir de placement, mais que la personne handicapée doit faire l’objet d’une
embauche. En pratique, on constate malheureusement que la bonne volonté des chefs
d’entreprise ne s’est guère manifestée, d’autant que ceux-ci peuvent recourir à des solutions
alternatives pour s’acquitter de leur obligation d’emploi (chapitre I). Les structures de travail
protégé connaissent également des difficultés : l’absence d’évaluation réelle des besoins a
entraîné l’engorgement de ces structures, qui par ailleurs n’assument pas complètement leur
vocation de structures de transition vers le milieu ordinaire (chapitre II). Les personnes sont
donc tributaires des offres d’emploi en milieu ordinaire, et des places dans les établissements
de travail protégé200.Cette étude permettra en particulier de montrer que l’objectif assigné par
le législateur, à savoir, favoriser l’accès au milieu ordinaire de travail chaque fois que
possible201, est loin d’être atteint.
200
BLANC (A.), Les handicapés au travail, op. cit., note 99, p. 58.
En effet, comme l’a relevé Madame CROS-COURTIAL, op. cit., note 10, selon l’article 1er de la loi d’orientation du 30
juin 1975, la finalité de l’action poursuivie en faveur des personnes handicapées est l’accès aux institutions ouvertes à
201
48
CHAPITRE I : une obligation d’emploi vidée de sa
substance.
L’un des soucis essentiels du législateur de 1987 fut d’adapter les dispositions relatives à
l’insertion professionnelle des handicapés aux possibilités réelles des entreprises, et de ne pas
leur imposer des obligations incompatibles avec les contraintes économiques auxquelles elles
se trouvent soumises, dans une conjoncture économique difficile202. A ce titre, Madame CrosCourtial faisait remarquer que les nouvelles dispositions issues de la loi du 10 juillet 1987 ne
conféraient plus expressément comme objectif à l’obligation d’emploi d’assurer le droit à
l’emploi de tous les handicapés en état d’exercer une profession, comme le précisait la loi du
23 novembre 1957203. Par conséquent, les promoteurs de la loi de 1987 ont autorisé les
employeurs à s’acquitter de leur obligation légale par des solutions autres (section 2) que
l’embauche directe des handicapés (section1).
l’ensemble de la population, et le maintien dans un cadre ordinaire de travail, chaque fois que leur aptitude le permet. Cet
objectif est toujours d’actualité : le 14 mars 2000, devant le C.E.S., Mme Aubry déclarait qu’il faut « avancer en privilégiant
l’autonomie des personnes chaque fois que c’est possible, en privilégiant l’accès à la vie ordinaire (…) dans le milieu de
travail (…) ». Voir C.E.S., situations de handicap et cadre de vie, avis et rapports du C.E.S., J.O. septembre 2000, p. I-23.
202
Déclarations du ministre des Affaires sociales devant l’Assemblée nationale, J.O.A.N. 20 mai 1987, p. 1300, citées par
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p.65.
203
Madame CROS-COURTIAL, op. cit., note 10, p. 65, précise que les députés ont rejeté un amendement communiste et un
amendement socialiste tendant à maintenir la référence au droit à l’emploi des handicapés, J.O.A.N. 20 mai 1987, p.1327.
49
SECTION 1 : Le principe : l’embauche directe.
La loi du 10 juillet 1987, en fusionnant204 l’obligation d’emploi issue de la loi de 1924 et
celle instituée par la loi de 1957, a apporté des modifications à l’obligation d’emploi
s’agissant de son champ d’application (§1), et de son contenu (§2).
§1
Le
champ
d’application
de
l’obligation
d’emploi.
Il résulte de l’article L 323-1 du Code du travail, tel qu’issu de la loi de 1987, qu’est
assujetti à l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés tout employeur (A) occupant au
moins vingt salariés (B).
A- Les employeurs assujettis.
L’emploi de l’expression « tout employeur » suffit à assujettir les employeurs de tous les
secteurs d’activité : industrie, commerce, agriculture, quelque soit la nature de ces
établissements (coopératifs, laïques ou religieux), professions libérales, offices publics et
ministériels, sociétés, syndicats professionnels, associations, groupement de quelque nature
que ce soit205. Selon une étude menée en 1996206, les personnes handicapées travaillent
principalement dans l’industrie (48%) et le tertiaire (47%).
S’agissant des entreprises de travail temporaire, définies à l’article L 124-1 du Code du
travail, elles ne sont assujetties à l’obligation d’emploi que pour leurs salariés permanents207.
Enfin, il faut préciser que la loi de 1987 étend l’obligation d’emploi à l’ensemble du
secteur public208. En effet, il résulte de l’article L 323-2 du Code du travail que sont
également assujettis à l’obligation d’emploi l’Etat, les collectivités territoriales (communes,
départements, régions), et les établissements publics de l’Etat et des collectivités territoriales
204
Voir supra, page 10.
Débats J.O.A.N. 20 mai 1987, p. 1339, cité in Liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 13.
206
MENETRIER (P.), L’emploi des travailleurs handicapés, RPDS 1999, p. 12.
207
Article L 323-1 du Code du travail.
208
Si la loi de 1957 relative aux travailleurs handicapés concernait les administrations de l’Etat et des collectivités locales, la
loi de 1924 sur les mutilés de guerre visait seulement, dans le secteur public, les entreprises publiques et les entreprises
nationalisées. Toutefois, l’Etat, les départements et les communes de plus de 5000 habitants étaient tenus de réserver certains
205
50
autres qu’industriels et commerciaux, y compris les établissements publics hospitaliers209.
Toutefois, nous limiterons notre étude de l’obligation d’emploi au seul secteur privé.
B- Le seuil d’effectif.
En vertu de l’article L 323-1 du Code du travail, les employeurs susvisés ne sont assujettis
à l’obligation d’emploi que s’ils occupent au moins vingt salariés210 (1), cet effectif
s’appréciant dans le cadre de l’établissement (2).
1- Le calcul du seuil de vingt salariés.
Les modalités de calcul sont prévues par l’article L 323-4-II du Code du travail, qui
dispose que l’effectif de vingt salariés se calcule de la même manière que l’effectif de
référence pour la création d’un comité d’entreprise. Il faut donc se reporter à l’article
L 431-2 du Code du travail.
Sont ainsi comptabilisés, dans le calcul du seuil de vingt salariés :
Les salariés sous contrat à durée indéterminée, les travailleurs à domicile et les travailleurs
handicapés (prise en compte intégrale) ;
Les salariés sous contrat à durée déterminée ; sous contrat de travail intermittent ; les
travailleurs mis à la disposition de l’entreprise par une entreprise extérieure211, y compris les
travailleurs temporaires. Ils sont pris en compte au prorata de leur temps de présence dans
l’entreprise au cours des douze mois précédents212, sauf s’ils remplacent un salarié absent ou
dont le contrat de travail est suspendu, afin d’éviter de comptabiliser deux salariés pour un
même poste213.
Les salariés à temps partiel, quelle que soit la nature de leur contrat de travail, comptent
pour un effectif calculé en divisant la somme totale des horaires inscrits dans leur contrat de
travail par la durée légale214 ou conventionnelle de travail.
emplois aux anciens militaires, aux militaires bénéficiant d’une pension d’invalidité et aux invalides de guerre, voir CROSCOURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 55.
209
Liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 13.
210
La loi de 1924 ne visait que les établissements occupant plus de dix salariés ; la loi de 1957 ne fixait aucun seuil pour
l’assujettissement à l’obligation, voir CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 66.
211
Sauf les salariés des entreprises de sous-traitance, voir liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 13.
212
Selon la circulaire D.R.T./13 du 25 octobre 1986, les douze mois précédents s’entendent de la période d’un an qui précède
le mois pour lequel on veut calculer l’effectif, voir liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 14.
213
Liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 14.
214
La durée légale de travail est de 35 heures hebdomadaires, depuis la loi Aubry II n° 2000-37 du 19 janvier 2000.
51
Ne sont donc pas comptabilisés les chefs d’entreprises, les apprentis (article L 117-11-1 du
Code du travail) ; les titulaires d’un contrat de qualification, d’orientation, d’un contrat
emploi-solidarité ou d’un contrat emploi consolidé ; les stagiaires qui suivent un stage
d’études avec convention ; les titulaires d’un contrat d’adaptation ou d’un contrat initiativeemploi, pendant toute la durée du contrat si celui-ci est à durée déterminée et pendant deux
ans s’il est à durée indéterminée215.
D’autres salariés sont également exclus de l’effectif. En effet, l’article L 323-4 du Code du
travail dispose que « les salariés occupant certaines catégories d’emploi exigeant des
conditions d’aptitude particulières, déterminées par décret, ne sont pas décomptés dans
l’effectif ». Cette exclusion est guidée par l’idée de sécurité : protection du travailleur
handicapé, mais également de son environnement professionnel. Une circulaire du 23 mars
1988 a toutefois précisé que l’appartenance à l’une des catégories ne fait pas obstacle à ce que
cet emploi puisse être effectivement occupé par un travailleur handicapé s’il est en mesure,
compte tenu de son aptitude propre, d’exercer pleinement les tâches relevant de l’emploi en
cause. C’est ce qu’a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 28 mars 2000, en
décidant que « l’exclusion de certains emplois n’est édictée que pour le calcul des effectifs,
non pour définir les bénéficiaires de l’obligation d’emploi »216. Les travailleurs handicapés
employés dans de telles conditions seront donc décomptés normalement.
Comme l’exprime Monsieur Auvergnon217, l’article L 323-4 va permettre en pratique
d’élever le seuil d’application de l’obligation d’emploi, car une entreprise dont l’effectif sera
égal ou supérieur à vingt salariés ne sera pas soumise à l’obligation d’emploi, dès lors qu’un
certain nombre de ses emplois correspondront aux emplois mentionnés sur la liste issue du
décret du 22 janvier 1988218. De plus, la liste paraît entendre l’exclusion plutôt largement219.
Pour ne citer que quelques exemples, on comprend mal l’exclusion d’emplois tels qu’agents
ou hôtesses d’accompagnement, ou encore vendeur de grands magasins. Pour reprendre
l’expression de Monsieur Auvergnon, « le travailleur handicapé ferait-il fuir le client ? ».
Cette énumération paraît inacceptable, à l’heure où la technique permet de multiples
215
Liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 14.
Cass. soc. 28 mars 2000, Bull. civ. V, n° 130, cité in Liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 15.
217
AUVERGNON (P.), L’obligation d’emploi des handicapés, Dr. soc. 1991, p. 599.
218
Liste annexée à l’article D 323-3 du Code du travail. Elle vise 33 catégories d’emploi. Il s’agit notamment de certaines
professions fréquentes dans les secteurs du bâtiment et des travaux publics (maçons, couvreurs, ouvriers qualifiés et non
qualifiés du béton) et des transports (conducteurs, livreurs, matelots).
219
LEVY (M.), L’emploi des travailleurs handicapés : l’application de la loi du 10 juillet 1987, RD sanit. soc. 1988, p. 372.
216
52
aménagements des postes de travail220. Elle s’inscrit en contradiction avec la logique
d’insertion en milieu ordinaire, affichée par le législateur. Dans un avis221 rendu en 2000, le
Conseil Economique et Social a recommandé le réexamen de cette liste.
Par ailleurs, la circulaire du 23 mars 1988 précise que l’effectif de l’entreprise s’apprécie
au 31 décembre de chaque année, et que si le total des différents calculs se traduit par une
fraction de personnes, il convient d’arrondir au nombre inférieur222.
Enfin, toute entreprise qui atteint le seuil de vingt salariés lors de sa création, ou par suite
d’un accroissement de son effectif, dispose d’un délai de trois ans pour se mettre en
conformité avec l’obligation d’emploi (articles L 323-1 al.4 et D 323-1 du Code du travail).
Comme l’exprime Madame Cros-Courtial, cette disposition est contestable, et il semblerait
plus logique de prévoir l’embauche des travailleurs handicapés en même temps que le
recrutement de l’ensemble du personnel pour deux raisons. D’une part, ce recrutement
ultérieur suppose un besoin de personnel, ce qui ne sera pas nécessairement le cas. D’autre
part, l’insertion du travailleur handicapé se fera plus naturellement s’il est engagé en même
temps que les autres salariés223.
On voit donc que les petites entreprises échappent à l’obligation d’emploi. Or, celles-ci
représentent à peu près 40% de l’ensemble des emplois du secteur privé224, et ce sont elles qui
créent le plus d’emplois225. Comme l’exprime un auteur, l’instauration d’un seuil est
surprenante, lorsqu’on a la volonté de généraliser l’obligation d’emploi des personnes
handicapées. Le seuil empêche certes qu’une entreprise ne soit tenue d’embaucher une demipersonne handicapée, mais cette difficulté pourrait être résolue par le recours au travail à
temps partiel226. De surcroît, des responsables de l’Association de gestion des fonds pour
l’insertion
professionnelle
des
personnes
handicapées
(A.GE.F.I.P.H.)
soulignent
régulièrement les réussites réalisées en terme de placements dans les petites entreprises, en
raison de leur dimension à taille humaine, et ce malgré l’absence de contraintes légales227.
2- L’appréciation de l’effectif dans le cadre de l’établissement.
220
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 68.
C.E.S., Situations de handicap et cadre de vie, avis et rapports du C.E.S., J.O., n° 10, septembre 2000, p. I-20.
222
Par exemple, un effectif de 19,8 salariés correspond à un effectif de 19.
223
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 69.
224
LATTES (J.-M.), Handicap et insertion professionnelle, Mélanges Boyer, 1996, p. 347.
225
HOYEZ (K.), op. cit., note 18, p. 254.
226
AUVERGNON (P.), L’obligation d’emploi des handicapés, Dr. soc. 1991, p. 597 et 598.
227
LATTES (J.-M.), Handicap et insertion professionnelle, Mélanges Boyer, 1996, p. 358.
221
53
L’article L 321-1 du Code du travail précise que l’obligation d’emploi s’applique
établissement par établissement, et non au niveau de l’entreprise. Comme l’exprime Madame
Cros-Courtial, cette disposition a été délibérément élaborée pour soustraire légalement à
l’obligation les entreprises commerciales qui occupent plus d’une centaine de salariés, répartis
entre différentes succursales de moins de vingt salariés228.
Cependant, par un arrêt du 10 novembre 1999229, le Conseil d’Etat est venu limiter la
portée d’un tel risque, en précisant ce qu’il fallait entendre par établissement, dans le domaine
qui nous intéresse. En effet, il a reconnu comme élément distinctif de l’établissement la notion
d’autonomie de gestion du personnel. Il a ainsi jugé qu’une unité de travail ne constitue pas
un établissement distinct dès lors qu’elle ne décide pas elle-même du recrutement et ou du
licenciement de son personnel.
Le calcul de l’effectif dans les conditions précisées ci-dessus permet ensuite de déterminer
le nombre de personnes handicapées que devra embaucher l’entreprise.
§2 Le contenu de l’obligation d’emploi.
L’obligation d’emploi est exprimée en pourcentage de l’effectif total de l’établissement
assujetti230. Après avoir précisé les modalités particulières du décompte des travailleurs
handicapés (A), nous examinerons dans quelle mesure les entreprises recourent à l’emploi
direct (B).
A- Les modalités de décompte des travailleurs handicapés.
A l’occasion de la fusion des législations de 1924 et de 1957, la loi du 10 juillet 1987
adopte un nouveau mode de calcul du quota de personnes handicapées à embaucher231.
Désormais, le nombre de personnes handicapées que l’entreprise devra embaucher pour
satisfaire à son obligation d’emploi par l’embauche directe est égal, en vertu de l’article
L
323-1 du Code du travail, à 6% de l’effectif. Ainsi, dans une entreprise de cinquante salariés,
trois travailleurs handicapés devront être embauchés.
228
Voir débats Sénat, J.O. Sénat 3 juin 1987, p. 1416, cités par CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 66.
C.E. 10 novembre 1999, n° 196837-3e et 5e s.-s., Confédération départementale de la famille rurale, cité in Liaisons
sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 13.
230
Liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 15.
231
Avant la loi de 1987, des arrêtés ministériels avaient fixé un quota de mutilés de guerre de 10%, et un quota de handicapés
de 3%, l’obligation d’emploi des mutilés de guerre et des travailleurs handicapés devant s’apprécier dans la limite d’un
pourcentage de 10%, voir CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 54.
229
54
Sont pris en considération, conformément aux dispositions de l’article L 323-4-II du Code
du travail, dans le décompte des travailleurs handicapés de l’entreprise232 : les apprentis
handicapés et les salariés handicapés sous contrat à durée indéterminée dans l’entreprise ; les
travailleurs handicapés à domicile ; les salariés handicapés à temps partiel selon le mode de
calcul prévu à l’article L 431-2 du Code du travail233 ; les salariés handicapés sous contrat à
durée déterminée, sous contrat de travail intermittent, mis à la disposition d’une entreprise
extérieure, y compris les travailleurs temporaires, au prorata de leur temps de présence dans
l’entreprise234. De plus, la jurisprudence considère que les salariés dont le contrat de travail
est suspendu avec ou sans maintien de la rémunération doivent être pris en compte dans les
effectifs au titre de l’obligation d’emploi, et cela alors même qu’ils ne perçoivent aucune
rémunération de l’entreprise235.
Par ailleurs, la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002236 est venue compléter cette
liste. En effet, d’une part, au terme de l’article 132-I de la présente loi, les personnes
handicapées, titulaires d’un contrat d’insertion en alternance (contrat de qualification237,
contrat d’adaptation238, contrat d’orientation239), sont désormais décomptées comme
bénéficiaires de l’obligation d’emploi, alors même qu’elles ne figurent pas dans l’assiette
d’assujettissement240. L’objectif affiché par le législateur est de diversifier les conditions
d’accès de la personne handicapée à l’entreprise241. D’autre part, la loi de modernisation
sociale, dans son article 132-II, prévoit que les personnes handicapées accueillies au titre de la
formation professionnelle sont également prises en compte, dans une certaine mesure : « le
nombre de ces personnes comptabilisées au titre de l’obligation d’emploi ne peut dépasser 2%
de l’effectif total des salariés de l’entreprise ». Il s’agit ici d’une nouvelle alternative à
l’embauche directe pour les entreprises242, que nous examinerons plus précisément dans les
développements qui suivent243.
232
Liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 17. La seule différence avec le calcul du seuil de 20 salariés est que dans
ce dernier cas, on ne comptabilisait pas les apprentis, voir supra, page 50.
233
Voir supra, page 50.
234
L’article L 431-2 exclut ces salariés lorsqu’ils remplacent un salarié absent, ou dont le contrat est suspendu.
235
C.E. 21 juin 2000, n° 211656, 3e et 8e s.-s., cité in Liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 17.
236
Loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale, J.O. 18 janvier 2002, p. 1008.
237
Article L 981-1 du Code du travail.
238
Article L 981-6 du Code du travail.
239
Article L 981-7 du Code du travail.
240
PANSIER (F.-J.) et CHARBONNEAU (C.), commentaire de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, Petites
affiches 1er février 2002, p. 20.
241
TERRIER (G.), Rapport au nom de la commission des affaires culturelles sur le titre II (travail, emploi et formation
professionnelle) du projet de loi de modernisation sociale, rapport d’information, n°2809, A.N., 13 décembre 2000.
242
En effet, l’article 132-II de la loi de modernisation sociale complète l’article L 323-8 du Code du travail par un alinéa
ainsi rédigé : « les employeurs mentionnés à l’article L 323-1 peuvent s’acquitter partiellement de l’obligation d’emploi
instituée par cet article en accueillant en stage des personnes handicapées au titre de la formation professionnelle visée à
l’article L 961-3 ».
243
Voir infra, page 57.
55
Par ailleurs, on calcule le nombre de personnes handicapées à embaucher en arrondissant
l’effectif théoriquement exigé au nombre entier inférieur. Ainsi, un établissement de quaranteneuf salariés, sans poste nécessitant de conditions particulières d’aptitude, doit comprendre
2,94 handicapés, soit deux personnes244.
Enfin, il faut préciser que parmi les personnes handicapées citées ci-dessus, certaines
pourront faire l’objet d’une majoration (article D 323-2 du Code du travail).
Tout bénéficiaire compte pour au moins une unité245, mais pourra être pris en compte une
fois et demie ou plus en fonction246 :
de l’importance du handicap : les travailleurs handicapés classés par la COTOREP
comptent en catégorie B pour une unité et demie ; en catégorie C pour deux unités et demie.
du contrat de travail : un décret du 7 février 2000 a modifié l’article D 323-2 du Code du
travail, qui dispose désormais que les personnes handicapées titulaires d’un contrat à durée
indéterminée comptent au moins pour deux unités l’année d’embauche et l’année suivante.
de l’âge : les travailleurs handicapés reconnus par la COTOREP âgés de moins de 25 ans
ou de plus de 50 ans comptent pour une demie unité supplémentaire.
de la formation : les travailleurs handicapés reconnus par la COTOREP qui suivent une
formation professionnelle au sein de l’entreprise sont comptés pour une demie unité
supplémentaire dans la mesure où le cycle de formation est d’au moins 500 heures, pour
l’année pendant laquelle la formation est effectuée.
du placement antérieur : les travailleurs handicapés embauchés à la sortie d’un atelier
protégé, d’un centre de distribution de travail à domicile, d’un centre d’aide par le travail, ou
d’un institut médico-professionnel, sont comptés pour une unité supplémentaire. Cette
majoration de décompte est ici particulièrement importante, puisque destinée à faciliter le
passage du secteur du travail protégé vers le milieu ordinaire de production.
Les bénéficiaires de l’obligation d’emploi sont toutefois décomptés au maximum à 5,5
unités pour les personnes reconnues travailleurs handicapés par la COTOREP, 3,5 pour les
victimes d’accidents ou de maladies, 2 unités pour les autres bénéficiaires247.
244
HOYEZ (K.), op. cit., note 18, p. 256.
Ce sont les travailleurs handicapés classés en catégorie A qui comptent pour une unité. Avant la loi de 1987, ils ne
comptaient que pour une demie unité. Ainsi, les entreprises qui occupaient uniquement cette catégorie de handicapés au
moment de l’adoption de la loi, ce qui était le cas de la majorité d’entre elles, satisferont à cette obligation en employant deux
fois moins de handicapés, voir Cros-Courtial (M.-L.), op. cit., note 10, p. 71.
246
Liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 16 et 17.
247
Liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 17.
245
56
Un auteur a fait remarquer que aujourd’hui, les entreprises privilégient l’embauche des
personnes les plus lourdement handicapées248. Cette évolution peut s’expliquer par le système
de pondération exposé ci-dessus, qui permet aux employeurs de s’acquitter de leur obligation
en embauchant moins de personnes.
B- Le taux d’emploi direct.
L’indicateur retenu pour apprécier dans quelle mesure les entreprises remplissent leur
obligation d’emploi par le recours à l’embauche directe est le taux d’emploi direct. Il rapporte
le nombre d’unités bénéficiaires aux effectifs totaux des établissements, déduction faite des
emplois réglementairement exclus de l’obligation249.
L’attitude des entreprises vis à vis de l’emploi direct est relativement stable. En effet, en
1995250, 35,4% des entreprises assujetties atteignaient ou dépassaient le taux de 6% par le seul
emploi de personnes handicapées. En 2000251, une enquête évalue ce taux à 35%. En
revanche, 37%252 des entreprises s’acquittent de leur obligation d’emploi par le seul recours
aux possibilités alternatives. En 1993, la Cour des comptes avait relevé dans son rapport que
les entreprises du département du Nord privilégiaient l’embauche directe (2,93%), sans que le
quota légal soit pour autant respecté (4,78%). Le nombre de demandeurs d’emploi handicapés
était de 146 000 au 30/11/1999, soit 5% du nombre total de demandeurs d’emploi253.
Plusieurs raisons expliquent que peu d’entreprises recourent à l’embauche directe.
Tout d’abord, les travailleurs handicapés sont victimes d’un réflexe de rejet de la part des
employeurs et des salariés de l’entreprise. En effet, 59%254 des chefs d’entreprise pensent que
l’embauche d’un travailleur handicapé n’est pas une chose aisée. Alors que le handicap d’une
personne s’apprécie essentiellement par rapport à une situation donnée, ils ne prennent pas en
Mais un handicapé relevant de plusieurs catégories ne peut se prévaloir que de l’une d’entre elles, et non cumuler les unités
reconnues pour chacune d’entre elles, voir MOREAU (N.), op. cit., note 87, p. 5.
248
BLANC (A.), La loi de 1987, ambition et résultats d’une action collective, in RF aff. soc., L’intégration des personnes
handicapées : quelques éléments de bilan, mars 1998, p. 97.
249
MENETRIER (P.), L’emploi des travailleurs handicapés, RPDS 1999, p. 8.
250
Enquête M.T.A.S.-DARES 1995, citée in Semaine Sociale Lamy, pages économiques, L’emploi des travailleurs
handicapés en 1995, 1997, p. 12.
251
Enquête C.N.C.P.H., 25 janvier 2000, citée in rapport de M. V. ASSANTE au C.E.S., Situations de handicap et cadre de
vie, septembre 2000, J.O. avis et rapport du C.E.S., septembre 2000, p. II-46.
252
Source C.N.C.P.H. 25 janvier 2000, citée in rapport de M. V. ASSANTE, op. cit., note 251, p. II-46.
253
Ibid.
254
Rapport de M. ASSANTE (V.), op. cit., note 251, p. II-51 et II-87. Pour illustrer cette relativité, on peut rappeler la
campagne pour l’emploi menée par l’A.G.E.F.I.P.H., avec la diffusion à la télévision d’un spot qui montrait des travailleurs
sourds, laveurs de carreaux, attachés par des cordages et communicant entre eux par signes. L’environnement bruyant rendait
toute communication verbale difficile.
57
considération cette relativité, mais perçoivent l’ensemble des handicapés comme des inaptes à
tout travail, en tout cas comme un personnel nécessairement peu rentable255. En outre, les
employeurs craignent que les travailleurs handicapés ne s’intègrent pas bien à l’entreprise, en
raison de l’attitude méfiante des autres salariés, qui ont tendance à considérer les handicapés
comme des salariés subventionnés256. Pourtant, 84% des chefs d’entreprise ayant embauché
un candidat handicapé reconnaissaient ne pas avoir rencontré de problèmes particuliers.
Certains précisent même que les personnes handicapées ont un sens des responsabilités et une
motivation qu’ils ne trouvaient plus auprès du personnel valide257.
De plus, on assiste à la disparition progressive des postes de faible qualification258, et à
l’émergence de contraintes de productivité et de rentabilité de plus en plus élevées. Or, les
travailleurs handicapés disposent d’une « employabilité naturelle limitée »259, et ont
généralement un faible niveau de formation initiale260. Paradoxalement, on constate une
diminution des orientations de la COTOREP vers une formation. Pour que l’orientation vers
le milieu ordinaire ait plus de chances de succès, il faudrait développer un partenariat entre les
COTOREP et les différents acteurs de l’insertion, tels que l’A.N.P.E., l’A.F.P.A.,
l’A.G.E.F.I.P.H., les associations ou les médecins du travail, qui détiennent des informations
essentielles sur les besoins des secteurs professionnels261.
Enfin, selon certains auteurs, le système français d’aides financières ne serait pas des plus
incitatifs, notamment en raison de la complexité de la procédure d’octroi des subventions, et
des délais d’attribution262.
Les employeurs sont d’autant moins enclins à recourir à l’embauche directe que le
législateur a prévu d’autres modalités pour leur permettre de s’acquitter de leur obligation
d’emploi, modalités qui s’avèrent même parfois plus avantageuses que l’embauche directe.
255
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 51.
BLANC (A.), L’insertion professionnelle des travailleurs handicapés : des interrogations pour aujourd’hui, RF aff. soc.
1992, p. 44 ; Blanc (A), La loi de 1987, ambition et résultats d’une action collective, in RF aff. soc. mars 1998, op. cit., note,
248, p. 124.
257
Rapport de M. V. ASSANTE, op. cit., note 251, p. II-51.
258
VERNET (C.), philosophie d’un projet en cours : l’insertion des personnes handicapées chez Rhône-Poulenc, in RF aff.
soc., mars 1998, op. cit., note 248, p. 137.
259
BLANC (A.), op. cit., note 100, p. 45.
260
Rapport de M. ASSANTE (V.), op. cit., note 251, p. II-47.
261
HOYEZ (K.), op. cit., note 18, p. 292.
262
HOYEZ (K.), op. cit., note 18, p. 268. Pour une présentation complète des aides financières, voir liaisons sociales
quotidien, op. cit., note 98, p. 25.
256
58
SECTION 2 : les contre-incitations législatives à l’embauche
directe.
La loi du 10 juillet 1987 organise des « mécanismes d’évasion juridique »263, qui s’avèrent
fort peu en harmonie avec les objectifs proclamés par la loi d’orientation de 1975. Si cette loi
affirme la nécessité de maintenir les personnes handicapées dans un cadre ordinaire de travail,
la loi de 1987 offre une voie royale pour laisser ces travailleurs à l’écart264.
Ces diverses solutions, qui vont permettre à l’employeur de s’acquitter de son obligation
d’emploi autrement que par le recours à l’embauche directe, ne pèsent pas toutes le même
poids. Elles sont prévues aux articles L 323-8 à L 323-8-4 du Code du travail, et permettent
une exonération partielle (§1), ou totale (§2).
§1 Les possibilités d’exonération partielle.
La conclusion de contrats de sous-traitance avec le secteur protégé (A), ou l’accueil de
personnes handicapées au titre de la formation professionnelle (B), permettront à l’employeur
de s’acquitter partiellement de son obligation d’emploi.
A- La conclusion de contrats de sous-traitance avec le secteur
protégé.
L’employeur peut conclure des contrats de sous-traitance265 avec des ateliers protégés, des
centres de distribution de travail à domicile, ou des centres d’aide par le travail. S’il choisit
cette option, l’exonération n’est que partielle, elle ne peut excéder 50% de l’obligation
d’emploi, soit 3% de l’effectif de l’entreprise266. Pour atteindre le pourcentage légal de 6%,
l’employeur aura la possibilité soit d’embaucher le nombre complémentaire de travailleurs
handicapés, soit de recourir à l’une au l’autre des possibilités d’exonérations prévues aux
articles L 323-8, L 323-8-1 et L 323-8-2 du Code du travail.
263
LATTES (J.-M.), op. cit., note 227, p. 360.
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 72.
265
Article L 323-8 du Code du travail.
266
Article R 323-3 du Code du travail. Sur les modalités permettant de déterminer le nombre d’emploi représenté par la
conclusion de tels contrats, voir liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 19.
264
59
Les contrats doivent être écrits, et préciser les éléments comptables permettant le calcul de
l’équivalent emploi267.
Selon le ministre du travail de l’époque, cette mesure a pour objet de favoriser le passage
de travailleurs handicapés des établissements de travail protégé vers les entreprises. En réalité,
on constate actuellement que de tels passages sont plutôt rares. En effet, ils n’excèdent pas
1%268. Les personnes handicapées elles-mêmes ne sont pas toujours tentées de quitter le
secteur protégé pour l’entreprise ordinaire, par peur de devoir abandonner une situation
sécurisante269.
Les employeurs utilisent de plus en plus cette modalité270. En effet, le recours à cette
solution s’avère intéressant pour les entreprises. Les établissements de travail protégé sont
devenus de véritables acteurs économiques, et cette main d’œuvre a un coût avantageux271 :
dans la mesure où les travailleurs du secteur protégé bénéficient d’une rémunération garantie
par l’Etat272 le coût salarial pour les établissements de travail protégé n’est pas très élevé, ce
qui leur permet de proposer des prix attractifs.
B- L’accueil de personnes handicapées au titre de la formation
professionnelle.
L’article 132 de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 est venu compléter
l’article L 323-8 du Code du travail, qui dispose désormais que les employeurs peuvent
s’acquitter de leur obligation d’emploi en accueillant en stage des personnes handicapées au
titre de la formation professionnelle, le nombre de personnes comptabilisées à ce titre ne
pouvant excéder 2 % de l’effectif total des salariés de l’entreprise.
Les opinions divergent sur l’intérêt d’une telle disposition. Ainsi, les auteurs du projet de
loi mettaient en avant le fait que l’accès à l’emploi en milieu ordinaire se réalise souvent après
un stage effectué par le demandeur d’emploi dans l’entreprise d’accueil qui devient ensuite
l’entreprise d’embauche. D’autres auteurs considèrent en revanche que cette disposition
aboutit à amoindrir encore considérablement l’obligation d’emploi qui est faite aux
267
MOREAU (N.), op. cit., note 87, p. 7.
Rapport de M. ASSANTE (V.), op. cit., note 251, p. II-47.
269
HOYEZ (K.), op. cit., note 18, p. 262; MOULINIER (A.), L’emploi des travailleurs handicapés, le point de vue d’un
praticien, in RF aff. soc. mars 1998, op. cit., note 248, p. 133.
270
BLANC (A.), La loi de 1987 : ambition et résultats d’une action collective, in RF aff. soc. mars 1998, op. cit., note 248, p.
119. En 1988, 13% des établissements assujettis recouraient à cette solution, pour 20% en 1992.
271
DIEDERICH (N.), quelques effets pervers de la loi de 1987 sur la place accordée aux travailleurs handicapés mentaux
dans les entreprises, in RF aff. soc., mars 1998, op. cit., note 248, p. 59. Voir « le cas de Maryse », licenciée par son
employeur pour motif économique, qui avait affirmé qu’il la reprendrait quand les affaires seraient meilleures. Entre temps,
un C.A.T. de la région est venu lui proposer une main d’œuvre à 22 francs de l’heure T.T.C., et Maryse n’a jamais retrouvé
de travail.
268
60
entreprises. En effet, « favoriser des statuts de stagiaire ne permet pas directement de garantir
aux personnes handicapées des postes stables et durables dont ils ont besoin pour trouver leur
place dans la société273 ».
§2 Les possibilités d’exonération totale.
A-L’application d’un accord collectif de branche, d’entreprise ou
d’établissement.
En vertu de l’article L 323-8-1 du Code du travail, les employeurs peuvent s’acquitter en
totalité de leur obligation d’emploi en faisant application d’un accord de branche, d’entreprise
ou d’établissement, qui prévoit la mise en œuvre d’un programme annuel ou pluriannuel en
faveur des travailleurs handicapés.
Ces accords, conclus entre l’employeur et les syndicats représentatifs274, comprennent
obligatoirement275, depuis la loi de modernisation sociale276, un plan d’embauche en milieu
ordinaire, mis en œuvre par l’A.N.P.E, qui vise à mettre progressivement l’entreprise en
conformité avec le taux légal. Ils comprennent également deux au moins des actions
suivantes : plan d’insertion, dont les mesures visent à assurer la pérennité et la réussite de
l’embauche et de formation, par des cycles d’au minimum 300 heures dispensées tant à
l’intérieur qu’à l’extérieur de l’entreprise ; plan d’adaptation aux mutations technologiques,
réservé aux handicapés déjà embauchés ou en voie de recrutement, pour permettre une
meilleure connaissance des nouvelles technologies, ou l’aménagement des postes de travail ;
plan de maintien dans l’entreprise en cas de licenciement, pour permettre le reclassement
interne des travailleurs handicapés.
Pour avoir un caractère exonératoire, ces accords doivent recevoir l’agrément du ministre
chargé de l’emploi s’il s’agit d’un accord de branche, du préfet du département s’il s’agit d’un
accord d’entreprise ou d’établissement277. L’agrément sera délivré si l’accord traduit une
272
BLANC (A.), La loi de 1987, ambitions et résultats d’une action collective, op. cit., note 248 , p. 123.
PANSIER (F.-J.) et CHARBONNEAU (C.), Commentaire de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, Petites
affiches 1er février 2002, p. 20.
274
Selon Madame CROS-COURTIAL, cette mesure présente l’avantage de mobiliser les syndicats sur la question, op. cit.,
note 10, p. 74.
275
PANSIER (F.-J.) et CHARBONNEAU (C.), op. cit., note 240, p. 20.
276
Article 132 de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002. Avant cette loi, ils comprenaient au choix au moins
deux des quatre plans cités.
277
Liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 21.
273
61
réelle volonté d’insertion professionnelle des travailleurs handicapés. Généralement, ces
accords sont agréés pour trois ans278.
C’est un moyen qui est peu utilisé par les entreprises : en 1995, 2,8%279 des entreprises y
ont eu recours, que ce soit de façon unique ou combinée avec d’autres mesures.
Le principal risque mis en évidence280 par la conclusion de tels accords est que ceux-ci
restent de simples déclarations d’intention, dans la mesure où il est difficile de surveiller leur
réalisation. En effet, si les accords concernent un ou plusieurs établissements, situés dans un
même département, leur bonne application peut être surveillée par la D.D.T.E.F.P. En
revanche, si l’entreprise dispose de plusieurs établissements répartis sur le territoire national,
comme c’est le plus souvent le cas, le contrôle devient plus hypothétique. Quant aux accords
de branche, ils sont extrêmement rares en ce domaine281.
Cependant, un suivi de ces actions doit être organisé au sein de l’entreprise, par la tenue
régulière de réunions des parties signataires, et par la consultation périodique du Comité
d’Entreprise (article L 432-3 al.5) et du C.H.S.C.T. (article L 236-2 al.9). Enfin, l’ensemble
de ces actions doit faire l’objet d’un bilan au terme de l’application de l’accord, qui permettra
leur renouvellement282.
B-Le versement d’une contribution à l’A.GE.F.I.P.H.
En vertu de l’article L 323-8-2 du Code du travail, les employeurs283 peuvent s’acquitter de
leur obligation en versant au Fonds de développement pour l’insertion professionnelle des
handicapés, géré par une association privée, l’A.GE.F.I.P.H., une contribution annuelle pour
chacun des bénéficiaires qu’ils auraient dû employer. Le montant de la contribution est fixé
à284 500 fois le S.M.I.C.285 pour les entreprises comptant 750 salariés et plus ; 400 fois le
S.M.I.C. pour les entreprises comptant de 200 à 749 salariés ; 300 fois le S.M.I.C. pour les
entreprises comptant de 20 à 199 salariés.
Le fonds a pour objet d’accroître les moyens consacrés à l’insertion en milieu ordinaire, il
n’a pas à se substituer à l’Etat, les actions qu’il financera seront des actions nouvelles,
278
CHAIX (M.), La politique de l’emploi des personnes handicapées, in RF aff. soc. mars 1998, op. cit., note 248, p. 98.
Semaine Sociale Lamy, pages économiques, L’emploi des travailleurs handicapés en 1995, 1997, p. 12.
280
Cour des Comptes, Les politiques sociales en faveur des personnes handicapées adultes, 1993, J.O. doc. adm. 1993, p. 30.
281
En 1997, seuls deux accords de branche avaient été conclu, voir CHAIX (M.), La politique de l’emploi des personnes
handicapées, in RF aff. soc. mars 1998, op. cit., note 248, p. 98.
282
Circulaire du 23 mars 1993, citée par HOYEZ (K.), op. cit., note 18, p. 261.
283
A l’exception de l’Etat et des personnes publiques autres que les E.P.I.C.
284
Arrêté du 14 mars 1988, cité par HOYEZ (K.), op. cit., note 18, p. 263.
285
Le S.M.I.C. horaire s’élevait à 6,67 euros au 15 février 2002.
279
62
s’ajoutant aux aides déjà existantes et supportées par le budget de l’Etat286. Mais la mission de
l’A.GE.F.I.P.H. ne se cantonne pas à un soutien financier, elle recouvre également des actions
d’information et de conseil287.
Cette solution alternative à l’embauche directe est très avantageuse pour les employeurs.
En effet, comme l’a fait remarquer Madame Cros-Courtial288, le montant maximal de la
contribution ( 500 fois le S.M.I.C.) représente environ le tiers du salaire annuel d’un
travailleur payé au salaire minimum. Le montant peu élevé de la contribution incite donc les
employeurs à recourir à cette option. Ainsi, en 1996, 51% des entreprises assujetties
s’acquittaient de leur obligation d’emploi par le seul versement de la redevance289. La mesure
qui a le plus de succès est donc celle qui a le rapport le plus lointain avec l’objectif d’insertion
professionnelle. C’est pour cette raison que certains évoquent la nécessité d’accroître le coût
de l’alternative financière, par exemple après quelques années de versement de la cotisation,
afin de relancer le recrutement des personnes handicapées290.
Tout employeur du secteur privé assujetti à l’obligation d’emploi doit adresser chaque
année, à la D.D.T.E.F.P., une déclaration qui relate la manière dont il s’est acquitté de son
obligation, et les justificatifs correspondants (articles L 323-8-5 et R 323-9 et s. du Code du
travail). L’entreprise qui ne respecte pas son obligation d’emploi est tenue au versement d’une
pénalité291, dont le montant est égal à la contribution versée à l’A.GE.F.I.P.H., majorée de
25% pour chaque emploi non pourvu (article L 323-8-6 du Code du travail)292.
Malheureusement, l’obligation d’emploi n’est toujours pas correctement respectée par les
entreprises : le quota d’emploi de 6% stagne à un peu plus de 4% depuis plusieurs années293.
La conjoncture économique ne saurait être, à elle seule, tenue pour responsable de ce constat
décevant. En effet, nous l’avons vu, il s’explique également par l’insuffisante promotion de
l’emploi en milieu ordinaire, dans la mesure où le législateur a prévu des solutions qui ruinent
le principe de l’intégration au milieu ouvert.
286
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 75.
HOYEZ (K.), op. cit., note 18, p. 263: l’A.GE.F.I.P.H. propose des diagnostics et conseils aux entreprises, des primes à
l’insertion, des aménagements de postes de travail, des mesures en vue de l’accessibilité des lieux de travail, des aides à la
formation à l’alternance, à l’apprentissage, des bilans de compétence, un soutien et un suivi de l’insertion, …
288
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 75.
289
Bref soc. 1997, n° 12448, p. 4, cité par HOYEZ (K.), op. cit., note 10, p. 282.
290
LATTES (J.-M.), op. cit., note 227, p. 361.
291
Selon le Conseil d’Etat, cette pénalité est également dûe si l’employeur s’abstient de toute déclaration, mais pas si
l’employeur l’envoie en retard : C.E. 26 mars 1999, Ministère de l’Emploi et de la Solidarité, R.J.S. 1999, n° 876 ; RD sanit.
soc. 2000, p. 191, note BOCQUILLON (F.).
292
Liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 22 à 25.
293
Rapport de M. ASSANTE (V.), op. cit., note 251, septembre 2000, p. II-45.
La loi de 1987 avait prévu une période transitoire, au cours de laquelle le pourcentage devait augmenter progressivement :
fixé à 3% pour 1988, il devait ensuite augmenter d’un point par an, de telle sorte que l’année 1991 était la première où
s’appliquait le taux de 6%.
287
63
Les pouvoirs publics préfèrent concentrer leurs efforts vers les structures du milieu
protégé, qui connaissent actuellement des difficultés.
CHAPITRE II : La situation de l’emploi en milieu protégé.
Après avoir précisé quelles sont les différentes structures de travail protégé (section 1),
nous mettrons en évidence les difficultés auxquelles elles sont aujourd’hui confrontées
(section 2).
SECTION 1 : les différents types d’établissements de travail
protégé.
Un secteur de travail protégé existe dans la plupart des pays industrialisés, car pour
certaines personnes handicapées, l’insertion en milieu de travail ordinaire s’avère impossible,
ou tout au moins difficile dans un premier temps. La définition et la vocation de ces
institutions résultent de la loi du 23 novembre 1957, qui distingue les ateliers protégés,
auxquels sont assimilés les centres de distribution de travail à domicile (§1), et les Centres
d’Aide par le Travail (§2).
§1
Les
ateliers
protégés
et
les
centres
de
distribution de travail à domicile.
La finalité294 de ces établissements est précisée par l’article R 323-60 du Code du travail,
qui dispose que « les ateliers protégés et les centres de distribution de travail à domicile
constituent des unités économiques de production, qui mettent les travailleurs handicapés à
même d’exercer une activité professionnelle salariée, dans des conditions adaptées à leurs
possibilités. En outre, ils doivent favoriser la promotion des travailleurs handicapés et leur
accession à des emplois dans le milieu ordinaire de travail ».
S’agissant plus particulièrement des centres de distribution de travail à domicile, ils
procurent aux travailleurs handicapés des travaux manuels ou intellectuels à effectuer à leur
domicile. Ils regroupent les commandes passées par les entreprises et distribuent les ouvrages
aux personnes handicapées, servant ainsi d’intermédiaires avec les entreprises. Ils offrent des
64
emplois aux personnes immobilisées par des handicaps très divers : paralysie des membres,
insuffisances respiratoires graves, maladies cardiaques importantes)295. Ils sont assimilés aux
ateliers protégés (article L 323-30 du Code du travail), et sont par conséquent soumis aux
mêmes règles de création, de gestion et de fonctionnement que les ateliers protégés296.
Toutefois, ils tendent aujourd’hui à se raréfier : ils n’étaient que dix-neuf en 1991297.
Les ateliers protégés et les centres de distribution de travail à domicile peuvent être créés
par les collectivités et des organismes publics (2,6%) ou privés (97,4%)298, notamment par des
entreprises, mais leur mise en place est soumise à agrément (articles L 323-31 et R 323-62 du
Code du travail). La demande d’agrément est adressée au préfet du département où sera situé
l’établissement, qui la transmet, après enquête, au préfet de région, chargé de prononcer
l’agrément299. L’établissement ne pourra pas commencer ses opérations d’embauche ou de
production avant l’obtention de l’agrément, dont le retrait reste par ailleurs toujours
possible300.
L’organisme créateur assure la gestion de l’établissement, celui-ci étant placé sous
l’autorité d’un responsable301. L’établissement est tenu d’assurer par ses propres moyens son
équilibre financier. En effet, contrairement aux Centres d’Aide par le Travail, il fonctionne
comme n’importe quelle entreprise soumise aux aléas du marché302. Cependant, l’Etat, les
collectivités locales ou les organismes de Sécurité Sociale ont la possibilité d’ accorder des
subventions d’investissement ou de fonctionnement, qui ont pour finalité de compenser en
partie les charges spécifiques imposées par les caractéristiques de la main d’œuvre employée.
Par ailleurs, les organismes gestionnaires des ateliers protégés sont tenus d’adresser chaque
année au préfet de région un rapport d’activité, et de se soumettre au contrôle des agents de
l’administration du travail. Ces derniers peuvent effectuer des inspections administratives,
financières et techniques, dans les locaux de l’atelier protégé, au cours desquelles ils
s’assurent notamment de l’existence de tous les aménagements nécessaires à l’emploi des
294
Liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 54.
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 106.
296
Ibid.
297
CHARPAIL (C.), GUERGOAT (J.-C.), LUIZY (F.), Le milieu protégé, D.S.T.E. 1993, n° 100, p. 48, cité par HOYEZ
(K.), op. cit., note 18, p. 318.
298
ZRIBI (G.), L’avenir du travail protégé, centres d’aide par le travail et intégration, Rennes : éd. E.N.S.P., 1998, p. 32.
299
Liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 54.
300
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 105.
301
Ibid.
302
Liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 55.
295
65
travailleurs handicapés, à leur accès au poste de travail, et se font présenter tous les
documents relatifs à la gestion303.
Enfin, les ateliers protégés ne peuvent embaucher que des travailleurs dont la capacité de
travail, appréciée par la COTOREP au stade de l’orientation de la personne, est au moins
égale au tiers de la capacité normale de travail (article L 323-30 et D 323-25-1 du Code du
travail). Toutefois, sur décision de la COTOREP, un atelier peut embaucher pour une période
d’essai des handicapés dont la capacité de travail n’atteindrait pas ce minimum, mais paraît
pouvoir être atteinte au terme de la période d’essai (article R 323-63-3). A l’issue de cette
période, qui peut durer six mois au plus (article R 323-63-3), l’inspecteur du travail dans la
circonscription duquel l’essai a eu lieu établit un rapport, après consultation du responsable de
l’atelier protégé. Dans le mois qui suit l’expiration de la période d’essai, la COTOREP prend
sa décision d’orientation et se prononce soit pour l’embauche, soit pour le renouvellement de
l’essai, soit pour une nouvelle orientation (article R 323-63-5 du Code du travail)304.
Dans la mesure où les articles L 323-30 et D 323-25-1 du Code du travail ne mentionnent
pas les centres de distribution de travail à domicile, il semble qu’il n’existe aucune capacité de
travail minimale pour être admis au sein de ces structures305.
Enfin, selon les nécessités de leur production, les ateliers protégés peuvent embaucher des
salariés valides dans la limite de 20% de leur effectif, ce qui est justifié par le fait qu’ils
s’intègrent dans l’économie de marché306.
Les personnes handicapées qui peuvent difficilement faire l’objet d’une insertion en milieu
ordinaire ou en atelier protégé seront accueillies en Centre d’Aide par le Travail.
§2 Les Centres d’Aide par le Travail.
Créés par le décret du 2 septembre 1954307, les C.A.T. sont juridiquement des institutions
médico-sociales, relevant non pas du Code du travail, mais du Code de l’action sociale et des
303
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 105 et 106. Pour le détail des subventions, voir Liaisons sociales
quotidien, op. cit., note 98, p. 55.
304
Liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 54.
305
HOYEZ (K.), op. cit., note 18, p. 319.
306
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 104.
307
ZRIBI (G.), L’avenir du travail protégé, centres d’aide par le travail et intégration, Rennes : éd. E.N.S.P., 1998, p. 35.
66
familles. Ils ont été définis par l’article 30 de la loi d’orientation du 30 juin 1975, codifié à
l’article L 344-2 du Code de l’action sociale et des familles, qui dispose que les C.A.T. offrent
« aux adolescents et adultes handicapés qui ne peuvent, momentanément ou durablement,
travailler ni dans les entreprises ordinaires, ni dans un atelier protégé ou pour le compte d’un
centre de distribution de travail à domicile, ni exercer une activité professionnelle
indépendante, des possibilités d’activités diverses à caractère professionnel, un soutien
médico-social et éducatif, ainsi qu’un milieu de vie favorisant leur épanouissement personnel
et leur intégration sociale ».
Parmi les activités professionnelles pratiquées au sein des C.A.T., on peut citer la
blanchisserie, par exemple l’entretien des vêtements de travail pour les entreprises,
l’imprimerie, la décoration florale d’intérieur et le fleurissement urbain, ou encore des
activités de câblerie, de montage et de conditionnement, ces activités donnant lieu le plus
souvent à la passation de contrats de sous-traitance avec les entreprises. Mais les C.A.T.
mettent également en place d’autres activités appelées « soutien de premier type » ou
« soutien de deuxième type ». Le soutien de premier type est défini comme l’ensemble des
réponses qui permettent dans une situation autre que le travail de développer, maintenir et/ou
améliorer ses savoir-faire professionnels (formation A.F.P.A., stages extérieurs,…). Le
soutien de deuxième type n’a plus de rapport avec l’activité professionnelle. Il se définit
comme l’ensemble des réponses qui permettent le développement professionnel et le bien-être
des travailleurs (piscine, pétanque, cuisine, vélo,…).
La vocation308 des centres d’aide par le travail a été précisée par la circulaire n° 60 AS du
31 octobre 1978309 : « les centres d’aide par le travail ont une double finalité : faire accéder,
grâce à une structure et des conditions de travail aménagées, à une vie sociale et
professionnelle, des personnes handicapées momentanément ou durablement incapables
d’exercer une activité professionnelle dans le secteur de production, ou en ateliers protégés ;
permettre à celles d’entre ces personnes qui ont manifesté, par la suite, des capacités
suffisantes, de quitter le centre et d’accéder au milieu ordinaire de travail ou à un atelier
protégé ».
308
309
ZRIBI (G.), op. cit., note 298, p. 36.
Circulaire n° 60 AS du 31 octobre 1978, J.O. 16 janvier 1979, p. 517.
67
Le régime des C.A.T. a été fixé par le décret n° 77-1546 du 31 décembre 1977, et la
circulaire du 31 octobre 1978 précitée310.
Ils peuvent être créés par des associations sans but lucratif (94,5%), comme par exemple,
l’Association des Papillons Blancs, ou par des organismes publics (5,5%)311. La procédure de
création par une personne privée a été simplifiée par le décret du 26 mars 1993312 : pour
obtenir l’autorisation de fonctionner, tout centre d’aide par le travail géré par une personne de
droit privé doit passer une convention avec le préfet du département. Celle-ci précise
notamment les catégories de personnes reçues, le pourcentage maximum de personnes dont la
capacité de travail est supérieure ou égale au tiers de la capacité normale, la nature des
activités professionnelles ou extra-professionnelles offertes par le centre, le nombre et la
qualification des personnels d’encadrement nécessaires à l’exercice des activités
professionnelles, les modalités selon lesquelles seront assurés, en fonction des catégories de
personnes accueillies, les soutiens médicaux, éducatifs, sociaux et psychologiques ainsi que le
nombre et la qualification des personnels qui y contribuent, les bases de rémunération des
travailleurs handicapés, et, le cas échéant, elle prévoit la création d’un atelier protégé (article
3 du décret du 31 décembre 1977). En revanche, la création d’un C.A.T. de droit public ne
requiert l’établissement d’aucune convention. Il appartient à l’arrêté préfectoral portant
création du centre de régler l’ensemble des questions de fonctionnement de celui-ci313. Enfin,
la loi du 2 janvier 2002, qui modifie la loi de 1975 relative aux institutions sociales et médicosociales, précise notamment en son article 25 que l’autorisation est accordée pour une durée
de 15 ans (article L 313-3 du Code de l’action sociale et des familles modifié).
Les C.A.T. fonctionnent sur la base d’un prix de journée, qui peut être pris en charge par
l’aide sociale, et qui comprend d’une part, les frais d’hébergement et d’entretien du travailleur
handicapé ; d’autre part, les frais directement entraînés par le fonctionnement de l’atelier314. A
la différence des ateliers protégés, considérés comme des entreprises normales, tenus
d’assurer leur équilibre financier par le seul produit de leur exploitation, les C.A.T. sont
surtout des « lieux d’éducation, de soins, d’adaptation au travail, qui à ce titre, n’ont pas à être
rentabilisés »315. Ainsi, leur financement est principalement assuré par l’Etat, qui verse au titre
310
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 107.
ZRIBI (G.), op. cit., note 298, p. 36.
312
HOYEZ (K.), op. cit., note 18, p. 326.
313
HOYEZ (K.), op. cit., note 18, p. 37.
314
Liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 56.
315
Avis du C.E.S. du 14 mars 1979, Avis et rapports du C.E.S., 29 mai 1979, p. 861, cité par CROS-COURTIAL (M.-L.), op.
cit., note 10, p. 109.
311
68
de l’aide sociale une dotation de financement annuelle, et accessoirement par les recettes
provenant de leur activité productive. La dotation annuelle couvre exclusivement les frais de
fonctionnement proprement dits du centre, c’est à dire les salaires de l’encadrement, les frais
de gestion, de production. Les recettes du centre provenant de son activité productive sont
affectées à la couverture des charges directement liées à la production (achat de matières
premières), et à la commercialisation des produits, à la rémunération des travailleurs, et à la
constitution de provisions. L’importance des concours financiers consentis par la collectivité
aux C.A.T., et la nature particulière de ces établissements, justifient un contrôle de la
Direction départementale de l’action sanitaire et sociale, qui ne se borne pas à l’examen
comptable des dépenses donnant lieu à la dotation de l’Etat, mais qui englobe aussi
l’appréciation des capacités de l’établissement à remplir sa double mission sociale et
économique316.
Les C.A.T. ne peuvent accueillir317 que des personnes handicapées âgées d’au moins vingt
ans. Cependant, avec l’accord de la commission départementale de l’éducation spéciale,
l’accueil en C.A.T. peut se faire à partir de seize ans.
De plus, les C.A.T. accueillent les personnes handicapées dont la capacité est inférieure au
tiers de la capacité normale de travail, mais qui possèdent néanmoins une aptitude au travail.
Toutefois, les C.A.T. peuvent accueillir des personnes dotées d’une capacité supérieure,
lorsqu’elles ont un besoin indéniable d’assistance médico-psychologique, que seul ce type
d’établissement a les moyens de satisfaire (articles 5 et 8 du décret de 1977).
Enfin, l’accès à ce type d’établissement est subordonné à une décision de la COTOREP,
qui est provisoire : elle est prise pour une durée de six mois, renouvelable. A l’issue de cette
période, la COTOREP statue sur l’orientation définitive de la personne handicapée (article 6
du décret de 1977).
Aujourd’hui, force est de constater que les structures de travail protégé connaissent
certaines difficultés.
316
317
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 109.
Liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 56.
69
SECTION 2 : Les difficultés des structures de travail protégé.
Le législateur a confié à toutes les structures de travail protégé la mission de préparer
l’intégration des personnes handicapées au milieu de travail ordinaire, ou du moins, s’agissant
des C.A.T., à une structure moins protectrice. En pratique, cette mission n’a pas pu être
accomplie, ce qui conduit certains auteurs à qualifier cette vocation de théorique318 (§1). Par
ailleurs, ces structures sont affectées par de graves déséquilibres en terme de places et de
répartition sur le territoire national (§2).
§1
La
vocation
théorique
de
structure
de
transition.
S’agissant des ateliers protégés, cette vocation est prévue par l’article R 323-60 du Code
du travail, qui précise que les ateliers protégés et les centres de distribution de travail à
domicile « doivent (…) favoriser la promotion des travailleurs handicapés et leur accession à
des emplois du milieu ordinaire de travail ». Par ailleurs, la circulaire du 8 décembre 1978
relative aux C.A.T. précise que ceux-ci doivent « permettre aux personnes accueillies qui
manifestent ensuite des capacités suffisantes pour quitter le centre, d’accéder au milieu
ordinaire de travail et à un atelier protégé ». Diverses possibilités ont ainsi été consacrées par
les textes, afin de réaliser cette mission319 (A). En pratique, force est de constater que cet
objectif n’a pas pu être atteint (B).
A- Les formules de transition.
On relève l’existence de trois passerelles permettant l’accès à un milieu de travail moins
protecteur.
1-
La mise à disposition à des entreprises extérieures de
handicapés employés en ateliers protégés.
Cette possibilité est prévue à l’article L 323-32 du Code du travail, qui dispose que « un ou
plusieurs travailleurs handicapés employés dans un atelier protégé peuvent être mis à la
disposition provisoire d’un autre employeur ». Cette formule de transition vise à préparer un
travailleur handicapé à l’insertion en milieu ordinaire, en lui procurant un emploi en
318
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 357.
70
entreprise, sans qu’il y ait pour autant rupture des liens avec l’atelier protégé, ce qui permet au
travailleur d’aborder avec confiance le changement de contexte de travail320. Elle doit être
réalisée « en vue d’une embauche éventuelle »321. Ainsi, si l’intéressé s’adapte dans
l’entreprise, sans difficulté majeure, il sera en principe embauché par l’entreprise d’accueil ;
dans le cas contraire, il retrouvera sa place dans l’atelier protégé322. L’article L 323-32 précise
également que cette opération s’effectue dans le respect de l’article L 125-3 du Code du
travail, ce qui signifie que l’atelier protégé ne peut pas en retirer un bénéfice, auquel cas il y
aurait délit de prêt de main d’œuvre323.
Le Code du travail pose plusieurs conditions pour le recours à cette formule.
Tout d’abord, cette opération nécessite bien évidemment l’accord du travailleur
handicapé324.
De plus, un contrat écrit doit être conclu entre l’organisme gestionnaire de l’atelier protégé
et l’employeur utilisateur, d’une part ; entre l’organisme gestionnaire et le travailleur
handicapé, d’autre part. Ces contrats fixent les conditions de la mise à disposition, et sont
conclus pour une durée maximale d’un an, renouvelable une fois. Ils sont soumis au visa de
l’inspecteur du travail, et font l’objet d’une consultation des comités d’entreprise de l’atelier
protégé et de l’entreprise utilisatrice, ou à défaut des délégués du personnel325.
Un contenu minimal est prescrit pour les contrats. Le premier326 doit notamment préciser le
nombre de travailleurs demandés, les qualifications professionnelles requises, le lieu, l’horaire
et les caractéristiques particulières des travaux à accomplir ; la nature des travaux
incompatibles avec certains types de handicaps ; les modalités de la rémunération de la
prestation de service ; les conditions d’une offre d’embauche. Le second327 précisera la
qualification professionnelle du salarié ; la nature, le lieu et les caractéristiques du travail à
accomplir ; les éléments et les modalités de paiement de la rémunération due au salarié ; les
conditions d’une offre d’embauche.
319
Liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 62.
Rappelons également que les salariés mis à disposition sont pris en compte pour le calcul du quota d’emploi obligatoire,
au prorata de leur temps de présence.
321
Article D 323-25-3 du Code du travail.
322
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 358.
323
Liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 63.
324
Article D 323-25-3 du Code du travail.
325
Article D 323-25-3 du Code du travail.
326
Article D 323-25-4 du Code du travail.
327
Article D 323-25-5 du Code du travail.
320
71
Enfin, dans la mesure où il n’existe aucun lien contractuel entre l’employeur utilisateur et
le travailleur handicapé, celui-ci reste sous la responsabilité et sous l’autorité de l’atelier
protégé328.
2-
L’exercice d’une activité extérieure par les handicapés des
C.A.T.
C’est l’article L 344-2 alinéa 2 du Code de l’action sociale et des familles qui prévoit que
les personnes handicapées bénéficiant d’une admission dans un centre d’aide par le travail
peuvent être autorisées à exercer une activité à l’extérieur de l’établissement auquel elles
demeurent rattachées.
Le décret n° 86-510 du 14 mars 1986, dans son article premier, pose comme condition
préalable au recours à cette formule de transition que « l’activité à caractère professionnel
exercée à l’extérieur [soit de nature à favoriser] l’épanouissement personnel et l’intégration
sociale des travailleurs handicapés du C.A.T. ». Il prévoit deux formules329 : le travail en
équipe avec encadrement permanent d’éducateurs du centre ; ou le détachement individuel
auprès d’une entreprise, avec un soutien médico-social assumé par le centre.
D’autres conditions sont exigées par le décret du 14 mars 1986 pour pouvoir recourir à
cette formule. Là encore, l’accord de l’intéressé est nécessaire. Toutefois, un seul contrat est
conclu, il concerne le C.A.T. et la personne physique ou morale pour le compte de laquelle est
exercée l’activité330.
En cas de travail à l’extérieur en groupe, ce contrat doit préciser la nature de l’activité, le
lieu et les horaires de travail ; le nombre de travailleurs handicapés concernés ; la somme
versée en contrepartie au centre ; les modalités de l’encadrement permanent des travailleurs
handicapés par le personnel du C.A.T. ; les conditions dans lesquelles sera exercée la
surveillance médicale particulière des travailleurs handicapés331.
En cas de détachement individuel, il doit préciser le nom du travailleur handicapé ; la
nature de l’activité, le lieu et les horaires de travail ; la somme versée en contrepartie au
centre ; les conditions dans lesquelles le centre assure au travailleur handicapé l’aide et le
soutien médico-social qui lui incombent ; les conditions dans lesquelles sera exercée la
328
Liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 63.
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 361.
330
Article 1er et article 2 du décret n° 86-510 du 14 mars 1986, annexé au Code de l’action sociale et des familles, p. 1909.
331
Article 3 du décret du 14 mars 1986.
329
72
surveillance médicale particulière. Le contrat doit prévoir également les mesures destinées à
assurer l’adaptation de l’intéressé au milieu de travail332. D’une durée maximale d’un an, il est
renouvelable. Le directeur du C.A.T. doit le communiquer à la COTOREP dans les quinze
jours suivant sa signature, et le renouvellement est subordonné à l’accord de la
commission333. On remarquera que l’employeur n’est pas tenu de proposer une offre d’emploi
à l’issue du contrat334.
Enfin, les travailleurs handicapés ne sont pas décomptés dans les effectifs de l’entreprise
utilisatrice335, mais les dispositions concernant l’hygiène et la sécurité auxquelles est
assujettie l’entreprise utilisatrice sont applicables aux travailleurs handicapés336.
3-
Les ateliers protégés d’entreprise.
La possibilité pour les entreprises de créer elles-mêmes des ateliers protégés ou des centres
de distribution de travail à domicile, prévue par l’article L 323-31 du Code du travail issu de
la loi d’orientation de 1975, constitue également un moyen de favoriser le passage de
handicapés vers le milieu ordinaire.
Ces ateliers protégés présentent l’intérêt d’insérer des travailleurs handicapés dans un
ensemble économique normal, même s’ils travaillent dans une structure protégée. La création
de tels établissements présente également des avantages pour les entreprises elles-mêmes,
puisque les personnes embauchées dans l’atelier protégé entrent dans le pourcentage d’emploi
obligatoire de travailleurs handicapés337.
Ces ateliers doivent être agréés par le préfet de région. Par ailleurs, ils bénéficient des
subventions de fonctionnement accordées à ce type d’établissement (article L 323-31 du Code
du travail).
Toutefois, en pratique, ces dispositions n’ont pas permis de favoriser le passage des
travailleurs handicapés vers un milieu moins protégé.
332
Article 4 du décret du 14 mars 1986.
Article 5 du décret du 14 mars 1986.
334
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 362.
335
Article 9 du décret du 14 mars 1986.
336
Article 7 du décret du 14 mars 1986.
337
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 363.
333
73
B- La portée pratique de ces dispositions.
En réalité, le taux d’embauche définitive d’un travailleur handicapé dans une structure de
travail moins protectrice, ou en milieu ordinaire, est très faible. En effet, le taux de sortie vers
le milieu ordinaire s’élève à environ 2% pour les ateliers protégés, et à environ 1% pour les
Centres d’Aide par le Travail. Environ 1% également de travailleurs accueillis en C.A.T. sont
embauchés en ateliers protégés. Même si ces taux sont difficilement mesurables avec
précision, leur ordre de grandeur est significatif338. Par ailleurs, s’agissant de la possibilité
pour les entreprises de créer des ateliers protégés, elle est, d’une façon générale, largement
ignorée339.
Plusieurs raisons peuvent expliquer la faiblesse de ces taux.
Tout d’abord, a été avancée l’inquiétude des personnes handicapées340, qui craignent de
quitter un milieu de travail plutôt sécurisant. En effet, le système de la garantie de ressources
leur assure des revenus proches de ceux qu’ils percevraient en entreprise, et ils bénéficient
d’une sécurité de l’emploi plus grande. Au contraire, leur insertion en milieu normal nécessite
un effort d’adaptation d’autant plus grand qu’il n’existe en entreprise aucun soutien
particulier. Néanmoins, il conviendrait peut être de nuancer quelque peu cette affirmation. En
effet, si pour certains, la structure du milieu protégé constitue un milieu rassurant, qui garantit
leur épanouissement, d’autres en revanche ressentent mal cette exclusion. Pour ceux-ci la
volonté d’accéder au milieu ordinaire paraît primer sur le système protecteur des structures
spécialisées, et seule l’accession à l’entreprise pourra garantir leur épanouissement personnel.
Par ailleurs, Madame Cros-Courtial écrivait en 1989 que les structures de travail protégé ne
favorisaient pas suffisamment, malgré les moyens mis à leur disposition, les sorties vers
l’extérieur des travailleurs susceptibles de déboucher sur une intégration en milieu ordinaire
de travail. Elle expliquait cette attitude par le fait que ce n’est qu’une incitation qui est faite
par le législateur, celui-ci n’ayant pas imposé d’y recourir, ni institué de compensations
particulières les incitant à développer ce genre d’activités341. Les structures de travail protégé
n’auraient en effet pas intérêt à pousser les travailleurs handicapés performants à les quitter,
dans la mesure où ils permettent de réaliser la production demandée, et compensent la plus
338
Cour des Comptes, Les politiques sociales en faveur des personnes handicapées adultes, 1993, p. 41.
Cour des Comptes, op. cit., note 112, p. 40.
340
ZRIBI (G.), op. cit., note 298, p. 48.
341
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 363 et 365.
339
74
faible productivité des travailleurs moins performants342. Ce sont eux qui assurent la viabilité
de l’établissement, ce qui conduit Madame Cros-Courtial à dire que cette situation « aboutit à
une relative aliénation des handicapés »343.
Néanmoins, Madame Cros-Courtial avait relevé que certains établissements de travail
protégé étaient soucieux de créer une dynamique de sortie, notamment par des détachements
en entreprise. Ce constat semble aujourd’hui pouvoir être confirmé. En effet, par exemple, les
Ateliers de l’Ostrevent situés à Denain (Nord) ont conclu un contrat avec Auchan Petite-Forêt
(Nord), qui a permis le détachement de travailleurs handicapés chargés notamment du
nettoyage des parkings, et du rechargement des parcs à caddies, de l’entretien de la galerie
marchande, de l’atelier de réparation des caddies, etc. Par ailleurs, douze jeunes de ce centre
travaillent sur le site Babyliss du Cambrésis. Enfin, la section d’atelier protégé met les
travailleurs en mesure d’entretenir des espaces verts. On peut également citer l’exemple du
C.A.T. de Saint-Amand les Eaux (Nord), qui envisage la création d’un pressing discount dans
le centre ville de Saint-Amand les Eaux.
Toutefois, pour les exemples précités, subsiste toujours un lien avec la structure protégée.
Si c’est le cas, c’est que les personnes ont besoin du suivi médico-social proposé par les
établissements - l’argument selon lequel ces derniers veulent conserver les travailleurs
performants n’étant plus opérant - soutien qu’elles ne trouveront pas en milieu ordinaire.
L’objectif visant à terme à l’intégration en milieu de travail ordinaire n’était peut être pas très
réaliste, compte tenu du soutien dont ont besoin les personnes. De plus, on peut se demander
si cet objectif peut être mis en oeuvre en période de chômage344, alors que l’on exige des
conditions de rentabilité et de productivité de plus en plus élevées : il ne faut quand même pas
oublier que les personnes ne disposent que d’une capacité de travail réduite. Pour que
l’insertion en milieu ordinaire soit plus effective, il faudrait que soient mis en place des
soutiens spécifiques au sein même des entreprises, pour les personnes handicapées
embauchées de manière définitive, ou favoriser la création des structures de travail protégé
par les entreprises. C’est peut être en ce sens que devrait être dirigée la politique des pouvoirs
publics, plutôt que de continuer à favoriser le développement des structures de travail protégé.
Deux autres difficultés affectent le milieu de travail protégé : l’engorgement des structures,
ainsi que leur inégale répartition sur le territoire. Les pouvoirs publics tentent aujourd’hui de
corriger ces déséquilibres.
342
MOULINIER (A.), L’emploi des travailleurs handicapés, le point de vue d’un praticien, in RF aff. soc., mars 1998, op.
cit., note 248, p. 134.
343
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 367.
344
ZRIBI (G.), op. cit., note 298, p. 48.
75
§2 Les déséquilibres affectant les structures de
travail protégé.
A- L’inégale répartition des structures.
Dans la mesure où il n’existe pas de véritable politique de l’emploi en milieu protégé, les
structures ont connu un développement anarchique sur le territoire, au gré du poids des
associations345. Ce déséquilibre, mis en évidence en 1989 par Madame Cros-Courtial, s’est
toutefois quelque peu résorbé, dans la mesure où il existe aujourd’hui au moins un C.A.T. par
département346. Cependant, ce sont les structures les plus faciles à créer et à faire vivre qui se
sont multipliées, c’est à dire les C.A.T. Aujourd’hui, il existe 1300 Centres d’Aide par le
Travail et 515 ateliers protégés347. On peut préciser que sur ce point, la Cour des Comptes
avait relevé que dans le Nord, le nombre d’ateliers protégés était plus important348. Ce
déséquilibre s’explique par le fait que le mode de financement du C.A.T., par dotation de
l’Etat, assure l’équilibre de l’exploitation, quelques soient les aléas de la production. En
revanche, la création d’un atelier protégé suppose d’établir un projet économique viable, en
rassemblant les moyens nécessaires à l’investissement de départ, le coût de création n’étant
que partiellement couvert par les subventions accordées par les collectivités. De plus, la
gestion d’un atelier protégé s’avèrera plus contraignante que celle d’un C.A.T., puisque
l’atelier fonctionne comme une entreprise ordinaire, en situation de concurrence, et dans
l’obligation d’assurer son équilibre financier349. Or, l’équilibre financier des ateliers protégés
est précaire, en raison de la moindre capacité productive du personnel, associée à un besoin
d’encadrement important, ce qui entraîne des coûts de production élevés et des prix peu
compétitifs350. Ces contraintes découragent les associations cherchant à créer un établissement
de travail protégé351. Il faut néanmoins préciser que les C.A.T. ne sont plus aujourd’hui à
l’abri de difficultés financières, dans la mesure où le taux annuel d’évolution de la dotation
345
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 116.
Enquête menée par la D.R.E.E.S en 1999, citée par HAMMEL (F.), avis présenté au nom de la commission des affaires
culturelles, familiales et sociales sur le projet de loi de finances de 2002, n° 3321, A.N., 11 octobre 2001.
347
Source C.N.C.P.H. 25 janvier 2000, cité par ASSANTE (V.), op. cit., note 251, p. II-46.
348
Cour des Comptes, op. cit., note 112, p. 35.
349
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 114 et 118 et s.
350
Cour des Comptes, op. cit., note 112, p. 36.
351
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 114.
346
76
globale de l’Etat s’avère être insuffisant pour couvrir les charges des établissements. Cette
situation a pour conséquence que les C.A.T. cherchent à équilibrer leur budget en utilisant les
ressources de la partie commerciale de leur activité et donc, cherchent à rendre les C.A.T.
compétitifs, ce qui les détourne de leur mission d’origine352. La loi de finances de 2002 a
prévu d’augmenter la dotation des C.A.T. de 3,2%353. Pour l’année 1996, ce taux était de
3%354. Or si l’on se réfère au rapport de la Cour des Comptes, ces taux sont dépourvus de base
réaliste, car le financement des C.A.T. nécessiterait une hausse de 5 à 6% chaque année355.
Cette situation de déséquilibre s’agissant des places offertes par les ateliers protégés ou les
C.A.T. s’avère regrettable au regard de l’objectif de transition vers un milieu moins
protecteur, car une telle démarche supposait l’existence, entre les C.A.T. et le milieu
ordinaire, d’une importante infrastructure d’ateliers protégés, formule légère et relativement
souple permettant une transition sans rupture brusque d’un univers à l’autre356.
Cette situation a également pour conséquence que de nombreuses personnes handicapées
sont orientées vers les C.A.T.357, alors qu’elles auraient peut être leur place en atelier protégé
ou en milieu ordinaire. L’absence de réelles possibilités d’insertion en milieu ordinaire, et le
manque d’ateliers protégés, a fait des C.A.T. une solution de repli. Comme nous l’avons vu,
pour rétablir une situation d’équilibre, il paraît urgent de mettre en place une évaluation des
besoins de chaque département, d’autant que ces personnes viennent grossir les listes
d’attente des C.A.T, prenant alors la place d’autres personnes pour lesquelles un soutien
particulier est nécessaire.
B- L’engorgement des structures.
Si l’insertion en milieu de travail moins protégé est l’objectif assigné par le législateur,
pour certaines personnes handicapées, la transition ne sera pas possible. Or, l’absence
d’évaluation des besoins prive ces personnes du soutien qu’elles sont en droit d’attendre,
puisqu’elles sont confrontées aux listes d’attente des établissements. Ainsi, par exemple, en
mars 2002, dans le département du Nord, 3000 personnes sont en attente d’une place en
352
Cour des Comptes, op. cit., note 112, p. 38.
FORGUES (P.), rapport fait au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan sur le projet de loi
de finances de 2002, n° 3320, A.N., 11 octobre 2001.
354
RD sanit. soc. 1996, p. 384.
355
Cour des Comptes, op. cit., note 112, 39.
356
Cour des Comptes, op. cit., note 112, p. 34.
357
Voir supra, page 43.
353
77
atelier protégé ou en C.A.T., 2000 pour le Pas de Calais358. Ce constat n’est pas nouveau :
déjà en 1989, Madame Cros-Courtial avait relevé que les délais d’attente variaient en
moyenne de trois à six mois, et atteignaient parfois une ou plusieurs années dans certains
départements359. Pour pallier à cette situation, le législateur a autorisé le maintien des jeunes
handicapés mentaux au delà de l’âge de vingt ans dans les instituts d’éducation spécialisée
(Institut Médico-Educatif, ou Institut Médico-Professionnel)360.
Pour faire face à ces listes d’attente, les pouvoirs publics ont toujours choisi la voie de la
facilité, à savoir la création de places supplémentaires en milieu de travail protégé, au
détriment de l’insertion en milieu ordinaire. Ainsi, entre 1988 et 1998, le nombre de places a
augmenté de moitié361. Par ailleurs, le plan pluriannuel de création de places pour les
personnes handicapées (1999-2003) a prévu la création sur cinq ans, de 8500 places de C.A.T.
( 2000 en 1999 et en 2000 ; 1500 pour les années suivantes) sur le budget de la solidarité et de
2500 places en ateliers protégés (500 par an) sur le budget de l’emploi362. Or, cette solution
n’est pas satisfaisante, dans la mesure où elle ne repose sur aucune connaissance des besoins.
On ne sait donc pas si toutes les personnes figurant sur liste d’attente ont besoin d’une place
en structure de travail protégé, ou si elles seraient aptes à travailler en milieu ordinaire.
Comme l’exprime Monsieur Terrasse dans son rapport rendu en 2000, le risque est de ne pas
pouvoir asseoir de nouveaux projets sur des besoins stables et durables. Il faut sortir de la
logique des structures développées a posteriori, et connaître les besoins en amont de la
décision de la COTOREP363. De plus, outre la nécessité de réaliser une évaluation des
besoins, le désengorgement des structures protégées passe par la mise en place de moyens
permettant une application effective de l’obligation d’emploi, ou encore par le développement
des emplois protégés en milieu ordinaire. Cette dernière solution présenterait le mérite
d’aboutir à une intégration pleine et entière des personnes handicapées, tout en respectant leur
besoin de
bénéficier d’un soutien particulier. Ce n’est que sous réserve de ces deux
conditions - évaluation des besoins et mise en place d’une politique en faveur de l’emploi en
milieu ordinaire - que l’orientation de la COTOREP sera davantage en adéquation avec la
situation réelle de la personne handicapée.
358
Source U.R.A.P.E.I. du Nord-Pas de Calais, mars 2002.
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 112, p. 113.
360
Article 22 de la loi du 13 janvier 1989, dit « amendement Creton », modifiant l’article 6 de la loi d’orientation de 1975.
361
Enquête D.R.E.E.S. menée en 1999, citée par HAMMEL (F.), op. cit., note 346.
362
FORGUES (P.), op. cit., note 353.
363
TERRASSE (P.), rapport d’information sur la réforme de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions
sociales et médico-sociales, n° 2249, A.N., 15 mars 2000.
359
78
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
Le bilan du dispositif d’accès à l’emploi n’est donc pas très positif, dans la mesure où les
personnes handicapées ne bénéficient pas réellement d’une orientation en adéquation avec la
réalité de leur situation, et en raison du manque d’effectivité de ces orientations. Nous l’avons
vu, il s’avère très difficile d’accéder au milieu de travail ordinaire, car le législateur a dénaturé
l’obligation d’emploi, et parce qu’il paraît difficile d’assurer une transition du milieu protégé
vers le milieu ordinaire, sans garantir aux personnes le soutien dont elles ont besoin.
L’objectif visant à favoriser l’intégration au milieu ordinaire, affiché par le législateur, est
donc resté lettre morte. Pour certains auteurs, il est de l’intérêt des personnes handicapées
d’être insérées au milieu de travail ordinaire, car il constitue l’un des moyens permettant de
favoriser l’intégration pleine et entière des personnes handicapées dans la société. En réalité,
la réponse à cette question paraît délicate. Au delà des avantages procurés par tel ou tel
système, la solution paraît davantage être dictée par les sentiments de la personne, qui se
sentira exclue, ou au contraire protégée en milieu spécialisé.
De même, en milieu de travail protégé, les perspectives s’estompent, de part l’engorgement
des structures de travail.
Pour redynamiser l’accès à l’emploi en faveur des personnes handicapées, il paraît
nécessaire de mettre en œuvre une évaluation des besoins, et d’ « ouvrir les vannes » du
milieu de travail ordinaire. Sans nécessairement remettre en place le dispositif de la loi de
1957, il paraît envisageable de limiter les possibilités d’exonération à certaines catégories
d’entreprises, et à certaines situations exceptionnelles364.
Enfin, les institutions communautaires ne seront malheureusement pas le moteur d’une
meilleure accessibilité des personnes handicapées à un travail, car les textes élaborés en la
matière sont pour l’instant dépourvus de valeur juridique contraignante pour les Etats
membres365.
364
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 375.
BOCQUILLON (F.) et KESSLER (F.), Commentaire de la résolution du Conseil de l’Union Européenne du 17 juin 1999
sur l’égalité des chances en matière d’emploi pour les personnes handicapées, JOCE C 186, 2 juillet 1999, p. 3, RD sanit.
soc. 2000, p. 186.
365
79
Dès lors que le travailleur handicapé est accueilli en centre d’aide par le travail, ou est
employé en atelier protégé ou en centre de distribution de travail à domicile, il convient de se
demander quelles règles sont applicables à la relation de travail qui l’unit à l’entreprise ou à la
structure de travail protégé. Nous verrons que le choix effectué entre ces différentes
possibilités par la commission technique d’orientation de reclassement et professionnel va
influer sur le statut qui lui sera appliqué dans le cadre de son activité.
80
DEUXIEME PARTIE :
Le statut des travailleurs handicapés.
Il s’agit ici de faire une comparaison entre les règles applicables aux personnes
handicapées et aux personnes valides, d’une part ; entre le droit applicable aux personnes
handicapées travaillant en milieu ordinaire et en milieu protégé, d’autre part. Cette
comparaison permettra de mettre en évidence l’existence de statuts différents selon le milieu
de travail, mais parfois aussi la soumission aux mêmes règles. Il s’agira d’apprécier si ces
différences et ces assimilations sont justifiées. Les principales différences concernent les
C.A.T., exclus en grande partie du champ d’application du droit du travail. Nous montrerons
que cette exclusion ne paraît pas justifiée, et que par conséquent le statut des personnes
handicapées travaillant en C.A.T. s’avère incomplet, et insuffisamment protecteur.
81
Cette comparaison sera effectuée au niveau de la conclusion et de la rupture de la relation
de travail, d’une part (titre 1er), et de la vie de la relation de travail, d’autre part (titre 2nd).
82
TITRE PREMIER :
De la conclusion à la rupture de la relation de
travail.
Au stade de la conclusion de la relation de travail, les différences qu’il convient de relever
sont d’une part la mise en œuvre ou non d’une procédure de recrutement, d’autre part la
conclusion ou l’exclusion d’un contrat de travail (chapitre I). S’agissant de la rupture de la
relation de travail, elle se traduit par la mise en œuvre d’une procédure de licenciement ou
d’une procédure de sortie (chapitre II).
CHAPITRE I : La conclusion de la relation de travail.
Il convient dans un premier temps de préciser que seuls les travailleurs handicapés orientés
vers le milieu ordinaire de travail font l’objet d’une procédure de recrutement (section 1).
Par ailleurs, les travailleurs handicapés employés en entreprise, en atelier protégé ou en
centre de distribution de travail à domicile, concluent un contrat de travail, et ont la qualité de
83
salarié. Ce n’est pas le cas des personnes handicapées travaillant en C.A.T., qui ne sont pas
employées mais accueillies, sans conclure de contrat de travail (section 2).
SECTION 1 : le recrutement des personnes handicapées par les
entreprises.
Comme nous l’avons vu366, en vertu de l’article L 323-11-I 3° du Code du travail, la
décision de la COTOREP ne s’impose qu’aux établissements de travail protégé, dans la limite
de leur spécialité et des places disponibles, mais pas aux entreprises ordinaires. Par
conséquent, dans ce dernier cas, les personnes handicapées ne seront embauchées qu’à l’issue
d’une procédure de recrutement. Le principe du libre choix par l’employeur de ses
collaborateurs367 trouve ici application, comme pour le recrutement d’un salarié valide. On lui
connaît toutefois certaines limites.
Ainsi, s’agissant de la procédure de recrutement, diverses règles sont prescrites par le Code
du travail, notamment s’agissant des informations que l’employeur est en droit de demander
au candidat. En effet, l’article L 121-6368 du Code du travail pose un principe de pertinence369,
selon lequel les informations demandées doivent avoir un lien direct et nécessaire avec le
poste à pourvoir. Par exemple, l’employeur ne peut pas questionner le candidat sur la
profession de ses parents mais pourra l’interroger sur ses antécédents professionnels et ses
diplômes370.
Dans le domaine qui nous intéresse, on trouve des précisions s’agissant des questions
interdites dans l’article L 122-45 du Code du travail, qui pose un principe général
d’interdiction des discriminations. Après avoir examiné le principe de l’interdiction des
discriminations à l’embauche371 fondées sur le handicap et ses limites (§1), il conviendra de
préciser le régime juridique de cette interdiction (§2).
366
Voir supra, page 33.
Consacré par le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 20 juillet 1988, Dr. soc. 1988, p. 762.
368
Cet article est issu de la loi n° 92-1446 du 31 décembre 1992 relative à l’emploi, au développement du travail et à
l’assurance chômage (titre V relatif au recrutement et aux libertés individuelles), qui a consacré l’idée d’un sincérité
contractuelle gouvernant la formation de la relation de travail, J.O. 1er janvier 1993, p. 19.
369
BOSSU (B.), La protection des droits fondamentaux du candidat à l’emploi, actes du Colloque de Nancy II, 16 décembre
1997.
370
BOSSU (B.), ibid.
371
Cette prohibition des discriminations se retrouve à tous les stades de la vie de la relation de travail : voir infra, page 124
(prohibition des sanctions fondées sur un motif discriminatoire) ; page 103 (prohibition des licenciements fondés sur un motif
discriminatoire).
367
84
§1 L’interdiction des discriminations fondées sur
le handicap.
A- Le principe.
Le principe d’interdiction des discriminations trouve son fondement dans le respect dû à la
personne humaine. En effet, le salarié n’est pas un instrument mis entre les mains de
l’employeur, c’est un être humain qui doit être respecté en tant que tel et qui ne doit pas être
traité arbitrairement.
Ce n’est qu’en 1990 que le législateur est intervenu pour faire figurer, parmi la liste des
discriminations interdites, l’état de santé et le handicap. En effet, c’est la loi du 12 juillet
1990372 qui va poser pour la première fois le principe. La loi n’a pas pour origine la volonté
de lutter contre les discriminations fondées sur le handicap, mais plutôt l’ampleur prise par
l’épidémie du SIDA, et la situation de rejet dans laquelle se trouvent ces personnes. Le
législateur, pour éviter la stigmatisation des personnes atteintes du SIDA, n’a pas voulu la
promulgation d’une loi réservée à ses victimes, mais a préféré étendre le domaine des
discriminations interdites373. Il faut ici préciser que le législateur est intervenu récemment
pour étendre le domaine du principe d’interdiction des discriminations à tous les stades de la
relation de travail. En effet, est concernée « toute mesure discriminatoire, directe ou indirecte,
notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de
qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de
renouvellement de contrat, [fondée sur le handicap]374 ».
S’agissant du recrutement, l’article L 122-45 dispose que « aucune personne ne peut être
écarté d’une procédure de recrutement (...), en raison de son état de santé ou de son
handicap. ». Par exemple, l’employeur ne peut pas questionner le candidat à l’embauche sur le
port d’une prothèse ou sur une éventuelle infirmité, ou encore écarter de la procédure de
recrutement une personne en fauteuil roulant. Par ailleurs, le candidat ne peut pas se voir
372
Loi n° 90-602 du 12 juillet 1990 relative à la protection des personnes contre les discriminations en raison de leur état de
santé ou de leur handicap, J.O. 13 juillet 1990, p. 8272.
373
VERKINDT (P.-Y), Marché du travail 2000, p. 139, cité par VARGA (C.), Le travailleur handicapé et l’entreprise,
Mémoire D.E.A. Droit social, Lille 2, 1997, p. 46.
374
Article 1er de la loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations, J.O. 17 novembre
2001, p. 18311.
85
reprocher de ne pas avoir mentionné qu’il était atteint d’un handicap, par exemple le fait
d’être aveugle d’un oeil, car le non respect des règles légales légitime une réponse inexacte375.
Une enquête récente376 a montré une forte discrimination à l’embauche des travailleurs
handicapés. Les demandes d’emploi, en réponse aux offres formulées par les entreprises,
débouchent rarement dès lors que le candidat déclare son handicap, quelque soit son niveau
de formation. Pour réaliser cette enquête, il fut adressé une lettre de candidature et un
curriculum vitae identique pour un travailleur handicapé fictif et un travailleur valide lui aussi
fictif, et ce pour deux types de qualifications, l’une modeste (un C.A.P. d’aide comptable),
l’autre de haut niveau (études supérieures de gestion et D.E.S.S.) à un échantillon de la région
Ile de France. Le résultat fut sans appel : avec une très haute qualification, les candidats
handicapés avaient deux fois moins de chance d’avoir une réponse positive et avec une
qualification plus modeste, quatre fois moins de chances qu’un candidat valide.
L’employeur ne peut donc pas écarter arbitrairement la candidature d’un travailleur
handicapé sur le seul critère du handicap. La conséquence est qu’un employeur ne peut pas
mentionner dans une offre d’emploi sa préférence pour un travailleur valide. C’est ce que
précise un jugement rendu par le tribunal administratif de Besançon le 11 juillet 1996377. En
l’espèce, les juges ont annulé une délibération du conseil municipal autorisant le maire à
signer avec une entreprise un contrat de nettoiement de la ville, stipulant que « le personnel
devra être valide, robuste,... ». Le tribunal, se fondant sur l’interdiction de la discrimination
dans l’accès à un emploi posée par l’article L 122-45 qui résulte du principe d’égalité, a
estimé que l’exigence posée par la ville « introduit une clause restrictive non justifiée par la
nature de la tâche à accomplir et méconnaît le principe d’égalité ».
A contrario, on peut en déduire qu’une clause restreignant l’accès à l’emploi d’un
travailleur handicapé serait justifié par la nature d’une tâche nécessitant par exemple des
capacités physiques importantes378.
Or, la validité d’une telle clause, au regard du principe d’interdiction des discriminations,
reste contestable, car le législateur a expressément réservé au médecin du travail la capacité
d’évaluer l’aptitude d’une personne à un poste de travail.
375
BOSSU (B.), op. cit., note 369.
Enquête menée par RAVAUD (J.-F.), citée in ASSANTE (V.), rapport au C.E.S., septembre 2000, op. cit., note 251, p. II47.
377
T.A. Besançon 11 juillet 1996, Dr. soc. 1996, p. 970, note SAVATIER (J.), cité par VARGA (C.), op. cit., note 373, p. 48.
378
VARGA (C.), op. cit., note 373, p. 48.
376
86
B- Les limites.
L’article L 122-45 édicte une limite à l’interdiction des discriminations fondées sur le
handicap : si le médecin du travail constate l’inaptitude du travailleur handicapé, le refus
d’embauche379 ne sera pas discriminatoire. Cet article précise en effet que « aucune personne
ne peut être écartée d’une procédure de recrutement (...) sauf inaptitude constatée par le
médecin du travail dans le cadre du titre IV du livre II du présent code, en raison de son état
de santé ou de son handicap ».
Seul le médecin du travail est compétent pour relever l’inaptitude, et il ne peut le faire
qu’après une étude du poste et des conditions de travail, et à l’issue de deux examens
médicaux espacés de quinze jours380.
§2
Le
régime
juridique
de
l’interdiction
des
discriminations.
A- La preuve de la discrimination.
Pendant longtemps, la charge de la preuve de la discrimination pesait sur le candidat à
l’embauche, et était très difficile à établir. En effet, soit l’employeur était maladroit, et
invoquait directement un motif discriminatoire, auquel cas la preuve était facilement établie.
Mais le plus souvent, la discrimination était cachée, et l’employeur n’étant pas tenu de
motiver son refus d’embauche381, la preuve de la discrimination était quasi insurmontable.
Mais la loi du 16 novembre 2001382 relative à la lutte contre les discriminations prévoit de
nouvelles règles de preuve, en instaurant un partage entre le demandeur et le défendeur. Elle
379
Le licenciement d’un travailleur handicapé suppose également que le médecin du travail constate l’inaptitude, voir
l’article L 122-45 du Code du travail.
380
Article R 241-51-1 du Code du travail.
381
En vertu du principe du libre choix de ses collaborateurs.
382
Article 1er de la loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations, J.O. 17 novembre
2001, p. 18311.
Cette loi élargit la liste des causes de discrimination interdite, et étend le champ de la protection à tous les aspects de la
relation de travail : voir KELLER (M.), La loi du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations, D. 2002, n°
17, p. 1355.
87
transpose ainsi en droit français les dispositions de la directive communautaire du 15
décembre 1997383, appliquée par anticipation en jurisprudence384.
Il résulte de l’article L 122-45 alinéa 4 du Code du travail que la répartition de la preuve
s’opère de la manière suivante.
Dans un premier temps, le demandeur doit établir une présomption simple de
discrimination en sa faveur. Celle-ci existe lorsque le demandeur met en évidence une série de
faits qui peuvent laisser penser qu’il y a discrimination. On voit donc que ce système est plus
favorable au demandeur, car il n’a pas à démontrer les faits, mais seulement à les invoquer.
Ainsi, en matière d’embauche, un candidat peut mettre en évidence qu’il a franchi les
différentes étapes de la sélection, mais qu’il a été recalé à la dernière après avoir refusé un test
de dépistage. Les éléments de fait apportés par le demandeur seront éventuellement complétés
par des mesures d’instruction ordonnées par le juge.
Dans un second temps, l’employeur devra établir qu’il n’a pas violé le principe d’égalité de
traitement, en invoquant des éléments objectifs justifiant la différence de traitement constatée.
Ainsi, son refus d’embauche pourra être fondé sur un critère d’ancienneté ou sur une
qualification inférieure à celle du candidat retenu.
Toutefois, en pratique, cet aménagement de la charge de la preuve s’avèrera être d’une
portée réduite pour les personnes handicapées, du moins au stade de l’embauche. En effet,
l’employeur n’étant pas tenu de motiver son refus d’embauche, les traces d’un refus fondé sur
le handicap seront exceptionnelles. L’employeur est rarement maladroit au point d’invoquer
directement le motif discriminatoire.
Cet aménagement de la charge de la preuve aura davantage de portée aux autres stades de
la vie de la relation de travail, comme nous le verrons ultérieurement385.
Toutefois, ces nouvelles règles de preuve ne s’appliquent pas lorsque le candidat à
l’embauche a intenté une action au pénal. Dans ce cas, la charge de la preuve pèse sur le
ministère public et /ou le cas échéant, sur la victime qui s’est constituée partie civile386. Cette
383
Directive du 15 décembre 1997, T.P.S. mars 1998, n° 106, p. 27, citée par BOSSU (B.), op. cit., note 369.
Cass. soc. 23 novembre 1999, Dr. soc. 2000, p. 592, note LANQUETIN (M.-T.).
385
Voir infra, page 102.
386
Liaisons sociales quotidien, n° spécial, Discriminations, libertés individuelles et harcèlements, juillet 2002, p. 18.
384
88
exception s’explique par le principe de la présomption d’innocence387, selon lequel il
n’appartient pas à la personne mise en cause d’établir son innocence, mais il revient au
demandeur de prouver la culpabilité en démontrant l’existence des différents éléments
constitutifs de l’infraction.
De plus, dans l’hypothèse d’une action engagée au pénal, et contrairement à l’action civile
la victime doit prouver l’intention discriminatoire388, car le délit visé par l’article L 225-2 du
Code pénal est intentionnel.
B- Les sanctions.
1- Les sanctions civiles.
L’article L 122-45 du Code du travail prévoit la nullité de plein droit de tout acte contraire
à l’interdiction des discriminations. Par conséquent, l’acte doit disparaître rétroactivement, ce
qui suppose la remise en l’état de la situation telle qu’elle était avant l’acte discriminatoire.
Si cette sanction se conçoit aisément pour certains aspects de la relation de travail
énumérés par cet article389, elle est cependant difficilement applicable au stade de
l’embauche390. En effet, il n’est pas possible de rétablir la situation antérieure lorsqu’un
candidat à l’embauche a été victime d’une discrimination, car cela supposerait de le réinsérer
dans une procédure de recrutement terminée. L’embauchage forcé n’est pas davantage
envisageable, car l’employeur a probablement déjà attribué le poste à un autre candidat391.
Toute réparation en nature étant exclue, seule une sanction pécuniaire est envisageable. On
appliquera ici l’article 1382 du Code civil, et la perte d’une chance réelle et sérieuse d’accéder
au poste convoité392.
2- Les sanctions pénales.
387
Principe à valeur constitutionnelle : article 9 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789.
Liaisons sociales quotidien, op. cit., note 386.
389
rémunération, formation, reclassement, affectation, qualification, classification, promotion professionnelle, mutation,
renouvellement de contrat, sanction et licenciement. Cette énumération n’est pas exhaustive, car le législateur a introduit
l’adverbe « notamment » dans l’article L 122-45.
S’agissant du licenciement, il résulte de la loi du 16 novembre 2001 l’insertion d’un article L 122-45-2 dans le Code du
travail, que l’on peut interpréter comme édictant un droit à réintégration pour le salarié, réintégration que l’employeur ne
pourra pas refuser.
390
BOSSU (B.), op. cit., note 369.
391
BOSSU (B.), ibid.
392
BOSSU (B.), ibid
388
89
L’article 225-1 du Code pénal donne une définition de la discrimination, et l’érige en
infraction pénale.
Sa répression est prévue à l’article L 225-2, qui punira de 2 ans d’emprisonnement et de 30
000 euros d’amende le fait de refuser d’embaucher une personne en raison de son handicap.
En droit commun du travail, le terme de la procédure de recrutement est la conclusion du
contrat de travail entre le salarié et l’employeur. Cela concernera également les travailleurs
employés en atelier protégé. Mais dans les C.A.T., l’embauche définitive ne se matérialise pas
par la conclusion d’un contrat de travail.
SECTION 2 : l’embauche définitive.
Elle ne se traduit pas nécessairement par la conclusion d’un contrat de travail (§1). En
revanche, on remarque dans tous les cas la possibilité de décider d’une période d’essai (§2).
§1 Embauche ou accueil ?
A- Le cas particulier des C.A.T.
En cas d’orientation en milieu ordinaire de travail, l’embauche du salarié handicapé se
concrétise par la conclusion d’un contrat de travail, à durée indéterminée ou déterminée393.
Néanmoins, pour pouvoir s’acquitter de leur obligation d’emploi de la façon la plus large394, il
est probable que les employeurs optent davantage pour la conclusion de contrats à durée
indéterminée. Il faut enfin préciser que les personnes handicapées orientées vers le milieu
ordinaire ont un accès aux contrats aidés tels que les contrats initiative emploi, les contrats
emploi-solidarité, emploi-consolidé, emploi-jeune, etc. L’employeur bénéficiera alors des
aides attachées à la conclusion de ces contrats395.
De même, les personnes handicapées orientées en atelier protégé ou en centre de
distribution de travail à domicile ont la qualité de salarié, et sont liées à l’établissement par un
contrat de travail. En effet, l’article L 323-32 du Code du travail dispose que « l’organisme
393
Liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 38.
Rappelons que les travailleurs handicapés embauchés sous contrat à durée indéterminée comptent pour au moins pour
deux unités l’année d’embauche et l’année suivante, voir supra, page 55.
394
90
gestionnaire de l’atelier protégé ou du centre de distribution de travail à domicile est
considéré comme employeur et le travailleur handicapé comme salarié (…) ». Ces
établissements ont la possibilité de conclure un contrat à durée déterminée ou à durée
indéterminée, mais en pratique, ils recrutent habituellement par contrat à durée indéterminée,
car cette solution est conforme au besoin de stabilité des travailleurs396.
En revanche, dans les Centres d’Aide par le Travail, les travailleurs handicapés ne sont pas
liés à l’établissement par un contrat de travail, et ne sont pas considérés comme salariés. Sur
ce point, la position de l’administration et de la jurisprudence s’avère constante.
En effet, plusieurs circulaires ont refusé de conférer la qualité de salarié aux travailleurs
handicapés accueillis en Centre d’Aide par le Travail. Ainsi, la circulaire du 31 octobre
1978397 affirme que « les personnes accueillies dans les C.A.T. ne relèvent pas, contrairement
à celles embauchées en atelier protégé, du Code du travail dans les mêmes conditions que tout
autre salarié. Si les sommes qu’elles touchent du fait de leur travail, au titre de la garantie de
ressources en particulier, ont toutes les caractéristiques d’un salaire, cela ne suffit pas à leur
conférer la qualité de salarié ni l’ensemble des droits qui y sont rattachés ». Cette position a
été réaffirmée par la circulaire du 21 février 1987398, qui précise que « les personnes
handicapées [accueillies en C.A.T.] n’ont pas la qualité de salariés, ne sont donc pas électeurs
et ne peuvent saisir les conseils de prud’hommes ».
Certains juges du fond avaient néanmoins jugé que399 « les handicapés orientés vers un
centre d’aide par le travail sont titulaires d’un contrat de travail selon le sens donné à ce terme
par la jurisprudence ; en effet, en échange d’une rémunération, ils fournissent un travail dans
le cadre d’un lien de subordination dans lequel ils sont placés vis à vis de leur employeur ».
Mais la Cour de Cassation a affirmé à plusieurs reprises que ces travailleurs « sont soumis à
un statut qui leur est propre et bénéficient seulement d’un nombre limité de dispositions du
Code du travail ; doit être cassé le jugement énonçant qu’ils sont titulaires d’un contrat de
travail ».
395
Liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 31.
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 290.
397
Circulaire n° 60 AS du 31 octobre 1978, J.O. 16 janvier 1979, p. 517.
398
Circ. 21 février 1987, J.O. 3 mars 1987, citée par VERKINDT (P.-Y.), note sous Cass. soc. 18 mars 1997, Simon c/ C.A.T.
de l’association amicale des aveugles civils de la Côte d’Or, Dr. soc. 1997, p. 525.
399
T.I. Bordeaux, 15 février 1984, C.F.D.T. Gironde c/ A.D.A.P.E.I., T.I. Antony, 19 octobre 1978, non publiés, cités par
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 295.
396
91
Cette position a été récemment confirmée par la Cour de Cassation dans un arrêt du 18
mars 1997400. En l’espèce, la chambre sociale a jugé que « les travailleurs handicapés ne sont
pas liés aux Centres d’Aide par le Travail par un contrat de travail ; [par conséquent], la
juridiction prud’homale n’est pas compétente pour trancher les litiges opposant les intéressés
aux centres ». Cette solution a des conséquences regrettables, que nous aurons le loisir
d’examiner dans les développements à suivre401.
Selon Madame Cros-Courtial402, l’exclusion du salariat se justifierait par la nature mixte de
la relation liant les Centres d’Aide par le Travail aux personnes accueillies. En effet, la
relation de travail n’a pas seulement pour objet une prestation de services, l’établissement
procurant une aide médico-psychologique. Il paraît donc difficile de relever l’existence du
lien de subordination juridique, élément caractéristique du contrat de travail403.
Est également invoquée la difficulté d’envisager la conclusion d’un contrat de travail par
une personne souffrant d’un handicap mental, celle-ci ne possédant pas a priori le
discernement nécessaire404. En réalité, cette difficulté peut être facilement résolue, ce que
nous démontrerons ultérieurement405.
Il faut cependant préciser que le fonctionnement des Centres d’Aide par le Travail, en
raison de l’insuffisance du financement attribué par la dotation globale406, fonctionnent
aujourd’hui comme de véritables entreprises. Ils sont astreints à un certain niveau de
productivité, et soumis à la concurrence du marché407. Dans cette hypothèse, il paraît possible
de reconnaître l’existence d’un contrat de travail, si les conditions d’exercice de l’activité
laissent apparaître un lien de subordination408. Par ailleurs, on peut relever l’existence des
autres éléments de la définition du contrat de travail, telle qu’elle résulte de la jurisprudence :
on a bien une prestation fournie en contrepartie d’une rémunération ; par ailleurs, il y a un
accord de volonté tacite entre la personne handicapée et l’établissement, le travailleur
étant libre d’accepter ou non le placement proposé par la COTOREP409.
400
Cass. soc. 18 mars 1997, Simon c/ C.A.T. de l’association amicale des aveugles civils de la Côte d’Or, Dr. soc. 1997, p.
525, note VERKINDT (P.-Y.); D. 1998, note DAGORNE-LABBE (Y.); RD sanit. soc. 1997, p. 628 ; R.J.S. 6/97, n° 765;
T.P.S. 1997, p. 18, n° 223.
401
Voir infra, p. 123 et s.
402
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 293.
403
VERKINDT (P.-Y.), obs. sous Cass. soc. 18 mars 1997, Dr. soc. 1997, p. 525.
404
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 295.
405
Voir infra, page 91.
406
Voir supra, page 67.
407
HOYEZ (K.), op. cit., note 18, p. 326.
408
VERKINDT (P.-Y.), op. cit., note 403, p. 526.
409
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 296.
92
B- Les conditions de validité du contrat de travail.
Comme pour tout contrat, la validité du contrat de travail est subordonnée au respect des
conditions prescrites par le droit commun des obligations. Ainsi, au terme de l’article 1108 du
Code civil, « quatre conditions sont essentielles pour la validité d’une convention : le
consentement de la partie qui s’oblige ; sa capacité de contracter ; un objet certain qui forme
la matière de l’engagement ; une cause licite dans l’obligation. »
Dans le domaine qui nous intéresse, c’est la question de la capacité du cocontractant qui
retiendra toute notre attention. En effet, il paraît utile de s’interroger sur les modalités de la
conclusion d’un contrat de travail par une personne souffrant d’une altération de ses facultés
mentales.
Pour reprendre la distinction opérée par certains auteurs410, il paraît possible d’envisager
quatre situations différentes : le cas des handicapés mentaux non soumis à un régime de
protection (1), placés sous sauvegarde de justice (2), sous curatelle (3), ou sous tutelle (4).
1- L’absence de régime de protection.
Dans cette hypothèse, le contrat de travail conclu par la personne handicapée est a priori
valable. Il est toutefois susceptible d’annulation411 sur le fondement de l’article 489 du Code
civil, qui dispose que « pour faire un acte valable, il faut être sain d’esprit. ».
Il résulte également de l’article 489 que la preuve de l’existence d’un trouble mental
appartient à celui qui agit en nullité, et il faut établir la réalité du trouble au moment où l’acte
a été conclu. C’est ce qu’a rappelé la chambre sociale de la Cour de Cassation dans un arrêt
rendu le 8 juillet 1980, qui a jugé que412 « le trouble mental dont la preuve doit être rapportée
doit exister au moment précis où l’acte attaqué a été fait. ».
2- Le travailleur handicapé placé sous sauvegarde de justice.
410
CHAMPENOIS (G.), GHOZI (A.), LEVENEUR (L.), OLIVIER (J.-M.), sous la direction de TEYSSIE (B.), La personne
en droit du travail, éd. Panthéon Assas : L.G.D.J. Diffuseur, juin 1999, p. 17.
411
CHAMPENOIS (G.) et al., op. cit., note 410, p. 17.
412
Cass. soc. 8 juillet 1980, Bull. civ. V, n° 618.
93
La sauvegarde de justice n’est pas un régime de représentation, elle est un régime
d’assistance, n’entraînant pas d’incapacité. En effet, l’article 491-2 du Code civil dispose que
« le majeur placé sous sauvegarde de justice conserve l’exercice de ses droits. ».
Le principe de la conclusion d’un contrat de travail par un travailleur handicapé placé sous
sauvegarde de justice ne soulève donc pas de difficulté : celui-ci peut le conclure seul413.
Sa capacité rencontre néanmoins une limite414, posée par l’article 491-2 alinéa 2 du Code
civil : « les actes qu’il a passés et les engagements qu’il a contractés pourront être rescindés
pour simple lésion ou réduits en cas d’excès lors même qu’ils ne pourraient être annulés en
vertu de l’article 489. ». L’article 491-2 alinéa 3 pose quelques critères pouvant être retenus à
ce titre : la fortune de la personne handicapée, la bonne ou mauvaise foi des personnes qui ont
traité avec elle, et l’utilité ou l’inutilité de l’opération.
Enfin, à l’instar de tous les régimes de protection, la sauvegarde de justice est modulable,
pour pouvoir prendre en compte la diversité des situations des personnes. Ainsi, au terme de
l’article 491-5 du Code civil, le juge des tutelles, lorsqu’il décide de l’ouverture d’une mesure
de sauvegarde de justice, a la faculté de désigner un mandataire spécial, à l’effet de faire un
acte déterminé ou une série d’actes de même nature. La personne handicapée se trouve alors
privée du pouvoir de faire ces actes. Mais un mandataire spécial ne peut être désigné à un
majeur placé sous sauvegarde de justice que s’il y a nécessité d’agir pour le compte du majeur
protégé415.
Si un tel mandat visait le contrat de travail, celui-ci ne pourrait donc pas être conclu par le
majeur sous sauvegarde de justice seul416.
3- Le travailleur handicapé placé sous curatelle.
La curatelle est le second régime d’assistance prévu par le Code civil417, mais il se
distingue de la sauvegarde de justice dans la mesure où il prive la personne handicapée d’une
partie de sa capacité juridique.
413
HAUSER (J.), Incapacité juridique et emploi, Dr. soc. 1991, p. 553.
HAUSER (J.), op. cit., note 403, p. 557.
415
Cass. civ. 1re, 30 novembre 1983, Gaz. Pal. 1984, 2, 431, note MASSIP (J.) ; Cass. civ. 1re, 4 décembre 1990, J.C.P. éd. N.
1991, II, 198, note FOSSIER (T.).
416
CHAMPENOIS (G.) et al., op. cit., note 410, p. 18.
417
Articles 508 et s. du Code Civil.
414
94
La mise sous curatelle exige la constatation par les juges du fond d’une part, de l’altération
des facultés de l’intéressé et d’autre part, de la nécessité pour celui-ci d’être conseillé ou
contrôlé dans les actes de la vie civile418.
Dans ce régime, la personne handicapée doit, en vertu de l’article 510 du Code civil, être
assistée de son curateur pour les actes qui, sous le régime de tutelle, requerraient une
autorisation du conseil de famille. Il s’agit des actes les plus graves, c’est à dire des actes de
disposition
419
. Tout dépend alors de la portée que l’on donne à la conclusion du contrat de
travail. Sur ce point, la doctrine est divisée. Ainsi, pour Monsieur Hauser420, il s’agit d’un acte
suffisamment grave pour exiger l’assistance du curateur. En revanche, d’autres auteurs421
considèrent que le contrat peut être conclu par le majeur seul. Divers arguments sont avancés
par ces auteurs. Tout d’abord, le danger pouvant survenir de la conclusion d’un contrat de
travail ne serait pas si grand, car de toute façon les actes accomplis par un majeur sous
curatelle sont rescindables pour lésion ou réductibles pour excès (article 510-3 du Code du
travail). De plus, la nullité de l’article 489 du Code civil pourrait s’appliquer.
Enfin, dans l’hypothèse où le juge renforce l’incapacité422 de la personne en prévoyant
expressément l’assistance du curateur, ce qu’il pourrait faire pour la conclusion d’un contrat
de travail, la question ne soulève plus de difficulté.
4- Le travailleur handicapé placé sous tutelle.
Aux termes de l’article 492 du Code civil, le majeur sous tutelle est représenté de manière
continue dans les actes de la vie civile. Cependant, s’agissant de la conclusion d’un contrat de
travail, les auteurs423 s’accordent pour dire que
424
« la décision de principe, travailler ou non,
devra être prise par la personne elle-même ». Cette solution s’explique par le fait que le
contrat de travail est un acte partiellement lié à la personne. Dans ce cas de figure, la doctrine
et la jurisprudence considèrent que le consentement de la personne doit être impérativement
418
Article 508 du Code Civil ; voir Cass. civ. 1re, 19 octobre 1999, Dr. fam. 2000, note FOSSIER (T.).
Article 457 du Code civil, applicable sur renvoi de l’article 495 du même Code.
420
HAUSER (J.), op. cit., note 413, p. 557.
421
ANTONMATTEI (P.-H.), J.-Cl. Travail Traité, fasc. 17-12, 1997, n° 51, BRUN (A.) et GALLAND (H.), Droit du travail,
Sirey, tome 1, 1978, p. 517, cités par CHAMPENOIS (G.) et al., op. cit., note 410, p. 18.
422
En application de l’article 511 du Code civil.
423
CHAMPENOIS (G.)et al., op. cit., note 410, p. 19.
424
HAUSER (J.), op. cit., note 413, p. 556.
419
95
recherché, chaque fois que c’est possible425. Dans le cas contraire, il s’agirait d’une tutelle à la
personne, d’un gouvernement de la personne du majeur, qui constituent la limite à ne pas
dépasser dans un régime de représentation.
La tutelle se ramifie en plusieurs régimes de représentation.
a- La tutelle complète.
Il s’agit de la tutelle avec conseil de famille et tuteur, dont l’ouverture se justifie par
l’importance des biens du majeur426.
Dans cette hypothèse, le tuteur est compétent pour agir seul en matière d’actes
d’administration. En revanche, s’il s’agit d’un acte de disposition, il devra être autorisé par le
conseil de famille427.
Enfin, dès lors que l’acte concerne la personne du majeur, quelque soit sa nature, le tuteur
doit obtenir l’accord du conseil de famille. En cas de difficulté pour obtenir cet accord, il y a
lieu de recourir à l’arbitrage du juge des tutelles. Cette dernière solution résulte de la
jurisprudence, approuvée par la majorité de la doctrine428.
Dans la mesure où la conclusion d’un contrat de travail touche la personne du majeur, il y a
lieu de retenir le schéma suivant429 : la décision de principe doit être prise par la personne
handicapée elle-même, ce qui suppose un minimum de capacité ; la conclusion du contrat
appartient au tuteur ; cette conclusion devra être autorisée par le conseil de famille ; en cas de
difficulté l’arbitrage revient au juge des tutelles.
b- La tutelle en gérance.
Elle est prévue par l’article 499 du Code civil, lorsque la consistance des biens à gérer ne
justifie pas l’ouverture d’une tutelle complète. Dans ce cas, le juge désignera simplement un
gérant de tutelle. En vertu des dispositions du Code civil, seuls les biens sont concernés. Mais
dans un arrêt rendu le 18 avril 1989430, la Cour de Cassation a posé en principe que « les
régimes civils d’incapacité ont pour objet, d’une façon générale, de pourvoir à la protection de
la personne et des biens de l’incapable ». Puis un arrêt rendu par la première chambre civile
de la Cour de Cassation le 24 février 1993431 a précisé que « le gérant de tutelle ne peut
425
Voir Cass. civ. 1re, 25 mars 1997, D. 1998, jp., p. 333, note MASSIP (J.) ; C.A. Paris 15 mars 1996, J.C.P. G. 1996, II,
22733, note FOSSIER (T.).
426
Article 499 du Code civil.
427
Articles 456, 457 et 495 du Code civil.
428
HAUSER (J.), op. cit., note 413, p. 556.
429
Ibid.
430
Cass. civ. 1re, 18 avril 1989, J.C.P. G. 1990, II, 21467, obs. FOSSIER (T.).
431
Cass. civ. 1re, 24 février 1993, J.C.P. G. 1994, II, 22319, obs. FOSSIER (T.).
96
accomplir seul les actes relatifs à la personne du majeur protégé (…) ; il lui appartient à cet
effet de saisir le juge des tutelles qui pourra l’autoriser à faire l’acte ».
S’agissant de la conclusion d’un contrat de travail, le gérant de tutelle devra donc saisir le
juge pour obtenir son autorisation432.
c- L’administration légale sous contrôle judiciaire.
Ce régime prévu par l’article 497 du Code civil est mis en place lorsque la gestion des
biens de la personne handicapée peut être confiée à un parent ou un allié. Les pouvoirs de
l’administrateur sont définis par référence à l’administration légale sous contrôle judiciaire
prévue pour les mineurs. Pour ces derniers, ce qui concerne leur personne relève de l’autorité
parentale. Or pour les majeurs une telle assimilation est exclue par l’article 495 du Code civil.
En effet, il n’est pas concevable d’imaginer que le représentant légal soit investi d’un pouvoir
de direction sur la personne du majeur, d’une sorte d’autorité parentale, la doctrine
s’accordant pour dire que les tuteurs ne sont pas investis d’une mission d’éducation du
majeur433.
Pour régler la question de la conclusion du contrat de travail dans cette hypothèse, les
auteurs434 proposent de recourir à l’autorisation du juge des tutelles, en transposant la
jurisprudence précédemment citée.
Enfin, il faut préciser que toutes ces solutions s’entendent réserve faite du recours à
l’article 501 du Code civil, qui permet au juge des tutelles d’énumérer certains actes que la
personne handicapée pourra faire seule, ou avec l’assistance de son tuteur.
432
CHAMPENOIS (G.) et al., op. cit., note 410, p. 21.
POLROUX (R.), Guide des tutelles et de la protection de la personne, Paris: Dunod 1999, p. 192.
434
HAUSER (J.), op. cit., note 413, p. 557.
CHAMPENOIS (G.) et al., op. cit., note 410, p. 21.
433
97
§2 La période d’essai
A- L’essai en milieu ordinaire de travail.
Avant l’adoption de la loi du 10 juillet 1987435, tout bénéficiaire de l’obligation d’emploi
présenté par l’A.N.P.E. était soumis à une période d’essai, qui était destinée à l’appréciation
des aptitudes professionnelles du salarié, en vue de son affectation au poste de travail le
mieux adapté à ses capacités. Toute contestation pendant cette période d’essai, ou à son
expiration, devait donner lieu à la saisine de l’inspecteur du travail436.
La loi du 10 juillet 1987 a abrogé cette disposition. Aujourd’hui, il n’existe plus de mesure
spécifique à la période d’essai en matière d’emploi des personnes handicapées en milieu
ordinaire. La période d’essai pour les personnes handicapées est désormais régie par le droit
commun du travail437.
Sur ce point, nous reprendrons les développements de Messieurs Pélissier, Supiot et
Jeammaud.438.
Le Code du travail ne réglemente pas l’essai, mais il en reconnaît implicitement la licéité.
La période d’essai, prévue par une clause du contrat de travail, présente un intérêt pour les
deux cocontractants. En effet, elle permet à l’employeur d’apprécier la compétence et
l’aptitude professionnelle du salarié à tenir l’emploi ; ce dernier vérifiera si la tâche lui
convient.
C’est uniquement dans l’hypothèse d’un contrat à durée indéterminée que les parties sont
libres de fixer la durée de la période d’essai439. Toutefois, les parties doivent respecter les
dispositions de la convention collective, et ne peuvent y déroger que pour convenir d’une
durée inférieure. La durée doit également être justifiée par la finalité de l’essai.
Pendant la période d’essai, chacune des parties a la faculté de rompre le contrat à tout
moment, sans procédure particulière à respecter, et sans justification à donner. Cette période
435
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 247.
Pour une application, voir Cass. soc. 5 juin 1991, Bull. civ. V, n° 284, cité par MOREAU (N.), op. cit., note 87, p. 5.
437
Liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 38.
438
PELISSIER (J.), SUPIOT (A.), JEAMMAUD (A.), Droit du travail, 20e éd., Paris : Dalloz 2000, p. 305 à 310.
439
La durée de la période d’essai est au contraire réglementée lorsqu’il s’agit d’un contrat à durée déterminée, article L 1223-2 du Code du travail.
436
98
est donc particulièrement redoutable pour le travailleur handicapé440. Cependant, le droit de
rompre le contrat n’est pas absolu. Comme tous les droits, il est susceptible d’abus. Par
exemple, dans un arrêt rendu par la Cour d’appel de Versailles le 9 mai 1986441, il a été jugé
que l’employeur avait abusé de son droit dans la mesure où la rupture était justifiée par des
raisons de divergences politiques. Dans le domaine qui nous intéresse, on peut supposer que
la rupture serait abusive si elle était fondée sur le handicap du travailleur, et non sur
l’inaptitude consécutive au handicap. Encore faudrait-il réussir à le démontrer.
On trouve une application de la solution antérieure à la loi de 1987 dans un arrêt rendu par
la Cour de cassation le 5 juin 1991442. La Haute juridiction a jugé que l’employeur qui
conteste durant la période d’essai le rendement et l’aptitude du salarié handicapé à assurer son
emploi ne peut mettre fin à cette période qu’à la condition de saisir préalablement l’inspecteur
du travail.
A l’expiration de la période d’essai, le contrat de travail devient définitif.
Il n’y a donc plus de disposition particulière prenant en compte la différence de situation
entre les salariés valides et les salariés handicapés. Désormais, l’employeur apprécie
souverainement les capacités professionnelles du travailleur handicapé, et prend à son égard
toutes mesures qu’il juge nécessaires, notamment dans le choix de son affectation443. Il n’est
plus soumis au contrôle de l’inspecteur du travail. La disparition de cette disposition
particulière est regrettable. En effet, on peut considérer que la protection instaurée, permettant
d’éviter les ruptures abusives, était justifiée par la situation particulière des travailleurs
handicapés, certainement plus exposés à de telles ruptures.
B- L’essai en milieu de travail protégé.
1- L’essai en atelier protégé.
La période d’essai en atelier protégé est régie par les articles R 323-63-3 à R 323-63-5 du
Code du travail.
440
LABORDE (J.-P.), Santé mentale et perte d’emploi, Dr. soc. 1991, p. 565.
C.A. Versailles, 9 mai 1986, D. 1987, p. 5, note KARAQUILLO (J.-P.).
442
Cass. soc. 5 juin 1991, Bull. civ. V, n° 284, cité par MOREAU (N.), op. cit., note 87, p. 5.
443
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 247.
441
99
Elle n’est pas systématique, il ne s’agit que d’une faculté offerte à la COTOREP
lorsqu’elle décide de l’orientation du travailleur handicapé vers ce type de structure. En effet,
l’article L 323-30 dernier alinéa dispose que « la COTOREP peut prendre une décision
provisoire valable pour une période d’essai ». Par ailleurs, l’article R 323-63-3 du Code du
travail précise que « sur décision de la COTOREP, un atelier protégé peut embaucher, pour
une période d’essai, des personnes handicapées. ».
La COTOREP prendra en particulier ce type de décision si la capacité de travail de
l’intéressé est inférieure à la capacité minimale requise, mais semble pouvoir être atteinte à
l’issue de la période d’essai444.
La période d’essai peut durer six mois au plus, et doit être mise à profit, tant par l’atelier
protégé que par l’intéressé, pour rechercher les tâches dans lesquelles ce dernier peut, compte
tenu de son handicap, atteindre le meilleur rendement445.
A l’expiration de la période d’essai, l’inspecteur du travail compétent établit un rapport,
après consultation du directeur de l’atelier protégé. La COTOREP prend alors sa décision au
vu de ce rapport, et se prononce soit pour l’embauche définitive de l’intéressé dans l’atelier
protégé, soit pour le renouvellement de l’essai, soit pour une nouvelle orientation446.
On voit donc que contrairement à l’emploi en milieu ordinaire, le directeur de
l’établissement est totalement dessaisi du pouvoir d’apprécier l’aptitude professionnelle du
salarié au profit de la COTOREP447.
2- L’essai en Centre d’Aide par le Travail.
Il faut ici se reporter au décret n° 77-1547 du 31 décembre 1977.
Contrairement à l’emploi en entreprise ou en atelier protégé, l’essai est systématique en
Centre d’Aide par le Travail. En effet, l’article 6 du décret de 1977 dispose que « la
COTOREP prend une décision provisoire, valable pour une période d’essai. Celle-ci peut
durer six mois au plus. Elle est renouvelable une fois. ».
444
Article R 323-63-3 du Code du travail.
Article R 323-63-4 du Code du travail.
446
Article R 323-63-5 du Code du travail.
447
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 288.
445
100
La finalité448 de la période d’essai est précisée par la circulaire n° 60 AS du 31 octobre
1978. Il s’agit de vérifier les critères retenus par la COTOREP, afin de les infirmer ou de les
confirmer, en vue d’une orientation durable. Par ailleurs, le centre met à profit cette période
pour dispenser la formation nécessaire aux activités pratiquées dans l’établissement. Le
directeur du centre a compétence449, en cours d’essai, pour saisir la COTOREP, dès lors que
la prolongation de l’essai lui paraît inutile en raison de l’adaptation rapide de l’intéressé, ou, à
l’inverse, en cas d’inadéquation manifeste de la structure à ses besoins.
Au terme de la période d’essai, il résulte de l’article 7 du décret de 1977 que le directeur
doit informer la COTOREP de son déroulement, et lui proposer les enseignements à en tirer.
La COTOREP se prononce alors soit pour le renouvellement de la période d’essai, soit pour
l’admission dans le C.A.T., soit pour une autre orientation.
On remarque également l’existence de règles différentes entre le milieu ordinaire et le
milieu protégé s’agissant de la rupture de la relation de travail.
CHAPITRE II : La rupture de la relation de travail.
Il faut ici distinguer la rupture du contrat de travail en entreprise ordinaire et en atelier
protégé (section 1) de la rupture de la relation de travail en C.A.T. (section 2).
SECTION 1 : La rupture du contrat de travail en entreprise et en
atelier protégé .
L’initiative de la rupture peut venir du salarié ou de l’employeur.
S’agissant de la démission du salarié, elle n’appelle pas de développements particuliers,
dans la mesure où il n’existe pas de dispositions spécifiques, dans le domaine qui nous
intéresse. On peut néanmoins préciser450 que les juges refuseront de voir une démission si elle
n’est pas l’expression d’une volonté libre, en raison de l’altération des facultés mentales de la
personne. Mais l’absence d’une démission sérieuse n’entraînera qu’une inversion de
l’imputabilité de la rupture, qui sera requalifiée en licenciement. Cette solution débouchera
448
LEVY (M.-J.), Centre d’Aide par le Travail, statut, RD sanit. soc. 1979, p. 545.
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 301.
450
LABORDE (J.-P.), Santé mentale et perte d’emploi, Dr. soc. 1991, p. 563.
449
101
certes le versement des indemnités légales ou conventionnelles de licenciement, mais ne
permettra pas le maintien du salarié dans son emploi, ce qui n’a guère d’intérêt au regard de
l’objectif de l’insertion professionnelle des personnes handicapées.
C’est donc la question du licenciement qui retiendra toute notre attention. En la matière, les
règles sont identiques pour les travailleurs handicapés embauchés en milieu ordinaire ou en
atelier protégé : ils sont soumis en grande partie au droit commun du licenciement, dont
certaines dispositions ont été aménagées sur certains points. On distinguera le licenciement
pour motif personnel (§1) du licenciement pour motif économique (§2). S’agissant des effets
de la rupture du contrat de travail, les dispositions relatives au préavis de licenciement ont fait
l’objet d’un aménagement pour certaines catégories de travailleurs handicapés (§3).
§1 Le licenciement pour motif personnel.
A- En milieu ordinaire de travail.
Le salarié handicapé travaillant en milieu ordinaire se verra appliquer la procédure prévue
par l’article L 122-14 du Code du travail, qui dispose que « l’employeur ou son représentant,
qui envisage de licencier un salarié, doit, avant toute décision, convoquer l’intéressé par lettre
recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, en lui indiquant l’objet de
la convocation. Au cours de l’entretien, l’employeur est tenu d’indiquer le ou les motifs de la
décision envisagée et de recueillir les explications du salarié. En l’absence d’institutions
représentatives du personnel dans l’entreprise, le salarié a la faculté de se faire assister par un
conseiller de son choix et l’entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours
ouvrables après la présentation au salarié de la lettre recommandée de convocation ou sa
remise en main propre. Lors de cette audition, le salarié peut se faire assister par une personne
de son choix appartenant au personnel de l’entreprise. ».
Par ailleurs, l’employeur ne peut pas rompre le contrat de travail pour n’importe quel
motif : il ne peut le dénoncer que s’il existe une cause réelle et sérieuse451.
La cause est réelle452 si elle présente un caractère d’objectivité, ce qui exclut les préjugés,
et les convenances personnelles. Cela suppose également qu’elle soit à la fois une cause
451
Articles L 122-14-2 et L 122-14-3 du Code du travail.
102
existante et une cause exacte. Par exemple, l’employeur pourra invoquer une faute ou une
inaptitude professionnelle, à condition de faire état de manifestations précises de cette
inaptitude ou de cette faute.
La cause est sérieuse453 si elle revêt une certaine gravité, qui rend impossible sans
dommages pour l’entreprise, la continuation du travail, et qui rend nécessaire le licenciement.
S’agissant du licenciement d’un travailleur handicapé, il pourra par exemple trouver sa
justification dans une insuffisance professionnelle ou dans des absences répétées, à condition
qu’elles perturbent gravement la bonne marche de l’entreprise454. Mais l’employeur ne peut
pas se borner à invoquer la désorganisation de l’entreprise, à partir de différents éléments tels
que la taille de l’entreprise, l’organisation du travail ou la durée et la répétitions des absences ;
il doit également montrer que la perturbation causée par l’indisponibilité du salarié a rendu
nécessaire son remplacement définitif, ce qu’a précisé un arrêt rendu par la Cour de cassation
le 13 mars 2001455. En revanche, tout licenciement fondé sur le handicap de la personne serait
nul, car discriminatoire456.
L’inaptitude médicalement constatée peut également justifier le licenciement d’un
travailleur handicapé. En effet, il ne faut pas confondre457 le licenciement discriminatoire
fondé sur le handicap, qui est nul, et le licenciement fondé sur l’inaptitude du salarié,
consécutive à son handicap, qui est légal. Il faut ici préciser que l’employeur ne peut pas
licencier le salarié sans avoir au préalable fait constater l’inaptitude par le médecin du
travail458. C’est ce que rappelle un arrêt rendu par la Cour de cassation le 13 mars 2001459 :
« en l’absence de constatation par le médecin du travail de l’inaptitude du salarié à reprendre
l’emploi précédemment occupé ou tout emploi dans l’entreprise, le licenciement prononcé au
seul motif d’un classement en invalidité de la deuxième catégorie est nul. ».
452
J.O. débats A.N. 23 mai 1973, p. 1445, et J.O. débats A.N. 30 mai 1973, p. 1619, cités par PELISSIER (J.), SUPIOT (A.),
JEAMMAUD (A.), op. cit., note 438, p. 457.
453
J.O. débats A.N. 30 mai 1973, p. 1699, cités par PELISSIER (J.)et al., op. cit., note 438, p. 460.
454
Voir par exemple Cass. soc. 6 juin 1984, Bull. civ. V, n° 237, cité par CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p.
253 ; Cass. soc. 16 juillet 1998, Dr. soc. 1998, p. 950, note SAVATIER (J.).
455
Cass. soc. 13 mars 2001, Bull. civ. V, n° 84.
456
Article L 122-45 du Code du travail.
457
LABORDE (J.-P.), Quelques observations à propos de la loi du 12 juillet 1990 relative à la protection des personnes
contre les discriminations en raison de leur état de santé ou de leur handicap, Dr. soc. 1991, p. 616.
458
Article L 122-45 du Code du travail.
459
Cass. Soc. 13 mars 2001, Bull. civ. V, n° 88. Dans le même sens, Cass. soc. 28 janvier 1998, Dr. soc. 1998, p. 406, note
MAZEAUD (A.). Par ailleurs pèse sur l’employeur une obligation de reclassement : voir Liaisons sociales quotidien, n°
spécial, Discriminations, libertés individuelles et harcèlements, juillet 2002, p. 11.
103
Le licenciement discriminatoire sera frappé de nullité, sur le fondement de l’article
L 122-45 alinéa 3 du Code du travail. Il s’agit d’une nullité de plein droit, ce qui signifie que
le salarié doit retrouver son emploi dans les conditions originelles. Il peut donc être réintégré
dans l’entreprise. Mais le salarié peut préférer percevoir les salaires correspondant à la
période non travaillée, et des dommages et intérêts460. Cette sanction se distingue de celle de
l’absence de cause réelle et sérieuse461, qui peut se traduire par le versement d’indemnités ou
par une réintégration, mais cette dernière ne peut pas être imposée à l’employeur,
contrairement à la réintégration consécutive à l’annulation du licenciement prohibé par la loi.
Un jugement rendu par le Tribunal de Saint-Nazaire en 1992462 nous fournit une
illustration d’un licenciement discriminatoire d’un travailleur handicapé. En l’espèce, une
jeune femme avait été embauchée dans un établissement de thalassothérapie, en tant
qu’hôtesse d’accueil. Elle est renvoyée pour avoir dissimulé le port d’une prothèse à l’avantbras, alors que les personnes qui lui avaient fait passer des entretiens ne s’étaient pas aperçues
du handicap. Le tribunal a condamné l’employeur pour discrimination à l’égard de personnes
handicapées.
Il faut ici préciser que les règles de preuve et les sanctions pénales sont les mêmes que
celles évoquées au stade de l’étude du recrutement des personnes handicapées par les
entreprises463. L’aménagement de la charge de la preuve aura toutefois davantage de portée,
ainsi qu’aux différents stades de la relation de travail, dans la mesure où l’employeur est tenu
de motiver sa décision.
Si contrairement à d’autres catégories de salariés (femmes enceintes, représentants du
personnel), les travailleurs handicapés ne bénéficient d’aucune protection particulière en
matière de licenciement, l’appréciation des griefs invoqués doit cependant être faite avec une
attention particulière464. En effet, dans un arrêt rendu le 2 mars 1963, la Cour d’appel de Paris
a jugé que l’appréciation des griefs465 « ne doit pas être identique vis-à-vis d’un salarié en bon
état de santé et pleinement conscient des ses obligations et vis-à-vis d’un autre salarié
traumatisé à la tête ». Ainsi, la jurisprudence a parfois pris en compte la diminution des
460
PELISSIER (J.) et al., op. cit., note 438, p. 469.
Article L 122-14-4 du Code du travail.
462
LEBAUBE (A.), A chacun son handicap, Le Monde, 12 février 1992, cité par HOYEZ (K.), op. cit., note 18, p. 315.
463
Voir supra, page 86.
464
Liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 48.
465
C.A. Paris, 2 mars 1963, Laroche c/ Sté Sipreba, J.C.P. 1963, II, 13140, note B.P., cité par HOYEZ (K.), op. cit., note 18,
p. 315.
461
104
facultés mentales de la personne, pour exclure l’existence d’une faute grave466. Tel fut le cas
dans un arrêt rendu par la Cour d’appel de Dijon le 26 mars 1986467, qui a précisé, s’agissant
d’un handicapé mental qui avait dérobé un sac plastique contenant une bâche inflammable,
qu’on ne pouvait exiger de lui ce qu’on est en droit d’attendre d’une personne mentalement
normale. On peut encore citer un arrêt rendu le 24 octobre 1991, dans lequel la Cour d’appel
d’Orléans a considéré que468 « la fabrication et la remise d’un faux certificat médical, destiné
à justifier une absence, était une cause réelle de licenciement mais non une cause sérieuse dès
lors que l’employeur n’a pu être trompé sur la maladie du salarié qui ne possédait pas toutes
ses facultés mentales ». En l’espèce, le salarié était âgé de 63 ans, et avait 20 ans
d’ancienneté. La chambre sociale de la Cour de Cassation se montre elle-même favorable à
cette démarche. En effet, dans un arrêt rendu le 27 avril 1994469, elle a estimé que
l’insuffisance professionnelle n’était pas établie, « compte tenu des conditions de travail et du
handicap de l’intéressé ».
Les juges tiennent également compte des conséquences du licenciement pour le travailleur
handicapé : dans un arrêt rendu le 16 mai 1982470, la cour d’appel de Paris a considéré que
« l’employeur n’a pas de motif réel et sérieux pour licencier une salariée sourde souffrant de
grandes difficultés d’élocution, notamment parce qu’il ne pouvait ignorer que la mesure prise
aurait pour l’intéressé, en raison de son infirmité, les plus graves conséquences sociales et
financières ».
Mais cette bienveillance n’est pas systématique471. Par exemple, dans un arrêt rendu le 20
janvier 1993, la cour d’appel de Nîmes a estimé que le licenciement d’un salarié
manutentionnaire placé sous tutelle était justifié, car il se livrait à des actes de violence sur le
personnel et les clients de l’entreprise. Mais les juges ne se sont pas interrogés sur le degré
d’altération des facultés mentales du salarié, et sur l’éventuelle excuse que cela pourrait
constituer pour lui.
Pour unifier la jurisprudence, il serait peut être souhaitable que le législateur édicte des
règles particulières, s’agissant des modalités d’appréciation de la faute commise par une
personne handicapée mentale.
466
LABORDE (J.-P.), op. cit., note 457, p. 564.
C.A. Dijon 26 mars 1986, cité par LABORDE (J.-P.), op. cit., note 457, p. 564.
468
C.A. Orléans 24 octobre 1991, cité par CHAMPENOIS(G.) et al., op. cit., note 410, p. 23.
469
Cass. soc. 27 avril 1994, S.A. Automobiles Citroën c/ Estèves, jurispr. soc. UIMM, n° 94-574, p. 245; D. 1995, S.C. 359,
cité par HOYEZ (K.), op. cit., note 18, p. 316.
470
C.A. Paris 16 mai 1982, D. 1982, I.R., 371, cité par CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 253.
471
CHAMPENOIS (G.) et al., op. cit., note 410, p. 24.
467
105
L’absence de protection particulière des travailleurs handicapés en matière de licenciement
ne paraît pas justifiée. En effet, à l’instar des représentants du personnel, ils sont davantage
exposés à la perte de leur emploi que les autres salariés. Il serait donc souhaitable de mettre en
place des garanties particulières, qui pourraient être calquées, par exemple, sur celles prévues
pour les délégués du personnel et les délégués syndicaux : pourquoi ne pas imposer
l’autorisation préalable de l’inspecteur du travail ? Cette solution a été proposée par Madame
Cros-Courtial472 dans les termes suivants : préalablement à toute décision, l’employeur devrait
informer le médecin du travail de ses intentions, lui demander un avis motivé, puis organiser
un entretien avec le salarié. Serait également obligatoire la consultation du Comité
d’Entreprise et du C.H.S.C.T., au cours de laquelle l’employeur émettrait des propositions de
reclassement. Le projet de licenciement serait ensuite soumis à l’inspecteur du travail, qui
pourrait refuser le licenciement si le maintien du salarié s’avère possible sans préjudice
véritable pour l’entreprise, ou si l’employeur n’a pas fourni un effort suffisant pour le
reclassement. Cette discrimination positive473 serait susceptible de protéger efficacement les
salariés, mais elle pourrait aussi constituer un frein à l’emploi en faisant des personnes
handicapées une catégorie de personnes dont on ne peut se séparer qu’au terme d’une lourde
procédure.
Enfin, dans l’hypothèse d’un licenciement justifié par une inaptitude professionnelle, on
pourrait peut être imposer à l’employeur de saisir la COTOREP en vue d’une orientation plus
adaptée au cas de l’intéressé.
B- En atelier protégé.
Le travailleur handicapé employé en atelier protégé étant considéré comme salarié, les
dispositions légales et/ou conventionnelles relatives à la rupture du contrat de travail précitées
lui sont donc applicables474. Le directeur est notamment tenu de respecter les formalités
procédurales (entretien préalable, …).
Cependant, la pratique a apporté divers tempéraments475. Ainsi, pour licencier un salarié, le
directeur de l’atelier protégé ne se réfère pas uniquement à la gravité de la faute commise,
mais tient compte de la pathologie de la personne, et de ses facultés intellectuelles : des
472
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 323.
VARGA (C.), Le travailleur handicapé et l’entreprise, contribution à la notion de discrimination, mémoire D.E.A. Droit
social, Lille 2, 1997.
474
Article L 323-32 du Code du travail.
475
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 291.
473
106
licenciements ne sont prononcés qu’en cas d’actes de violence ou d’agression. De plus, on a
étendu à la rupture du contrat les formalités exigées par la loi à l’issue de la période d’essai :
le directeur de l’atelier protégé saisit la COTOREP et demande une réorientation vers une
structure plus adaptée au cas de l’intéressé.
Mais la jurisprudence ne s’est pas montrée aussi favorable. En effet, il résulte d’un arrêt
rendu par la Cour d’appel de Riom le 17 septembre 1990476 que des absences longues et
répétées peuvent constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement. L’attendu de la Cour
d’appel souligne que l’atelier protégé « n’est pas en mesure d’escompter une collaboration
suffisamment régulière eu égard à la vocation particulière de l’établissement qui, bien qu’il
soit destiné à fournir une activité professionnelle adaptée au handicap des salariés qu’il
accueille, n’en doit pas moins fonctionner normalement. ». Or, on ne trouve aucune référence
au fait que les absences répétées désorganisent réellement la marche de l’atelier.
C’est pourtant une distinction que l’on retrouve pour les travailleurs handicapés embauchés
en milieu ordinaire. En effet, le licenciement n’aura une cause réelle et sérieuse que si
l’organisation de l’entreprise s’avère gravement perturbée. Par exemple, dans un arrêt rendu
le 10 mars 1988477, la Cour de Cassation a considéré le licenciement régulier, car les absences
répétées « désorganisent réellement la marche de l’entreprise ». En revanche, dans un arrêt
rendu le 9 mai 1990478, elle a considéré le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
car « le travail du salarié handicapé était dénué de toute responsabilité, [par conséquent]
l’employeur ne pouvait prétendre que ces absences perturbaient la bonne organisation de
l’entreprise où il travaillait au point d’être obligé de le licencier ».
Cette solution devrait a fortiori être étendue aux ateliers protégés, car s’ils sont de
véritables entreprises, ils n’ont pas une finalité exclusivement productive : leur nature
d’établissement protégé leur impose des sujétions particulières, ils sont notamment tenus
d’instaurer des conditions de travail adaptées aux possibilités des travailleurs handicapés479.
§2 Le licenciement pour motif économique.
476
C.A. Riom, 17 septembre 1990, Maffre c/ Atelier ADIS, RD sanit. soc. 1993, p. 732, note KESSLER (F.).
Cass. soc. 10 mars 1988, Bull. civ. V, n° 169.
478
Cass. soc. 9 mai 1990, R.J.S. 6/90, p. 333.
479
KESSLER (F.), Licenciement d’un travailleur handicapé, atelier protégé, note sous C.A. Riom, 17 septembre 1990, RD
sanit. soc. 1992, p. 732.
477
107
A- En milieu ordinaire de travail.
La procédure de licenciement économique est applicable aux travailleurs handicapés
comme à tout autre salarié. Ainsi, il bénéficiera notamment d’un entretien avec l’employeur
en cas de licenciement individuel, et en cas de licenciement collectif de moins de dix
personnes dans une même période de trente jours480.
Il appartient néanmoins à l’employeur de prendre en considération la priorité d’emploi
dont bénéficie cette catégorie de travailleurs, s’agissant de l’ordre des licenciements.
En effet, l’employeur qui a décidé de procéder à un licenciement pour motif économique
doit s’appuyer sur des critères d’ordre pour déterminer quels seront les salariés licenciés.
Lorsque ces critères ne sont pas définis par la convention ou l’accord collectif, l’employeur
est tenu de procéder à la consultation du comité d’entreprise, ou, à défaut, des délégués du
personnel, sur les critères qui doivent notamment prendre en compte les critères légaux
énumérés à l’article L 321-1-1 du Code du travail. La loi de modernisation sociale n° 2002-73
du 17 janvier 2002 a supprimé de la liste des critères cités dans cet article celui des qualités
professionnelles481. Désormais, le nouvel article L 321-1-1 du Code du travail dispose que
« ces critères prennent notamment en compte les charges de famille et en particulier celles des
parents isolés, l’ancienneté de service dans l’établissement ou l’entreprise, la situation des
salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle
particulièrement difficile, notamment des personnes handicapées et des salariés âgés. Les
critères retenus s’apprécient par catégorie professionnelle. ».
Mais dans un arrêt rendu le 20 novembre 1963, la Cour de Cassation a précisé que l’ordre
des critères tel qu’il est fixé par la loi ne s’impose pas à l’employeur. Par conséquent, les
salariés handicapés peuvent occuper la première comme la dernière place de la liste des
personnes protégées.
Si un salarié handicapé est compris dans un licenciement collectif pour motif économique
et que l’employeur n’a pas, dans la fixation de l’ordre des licenciements, retenu parmi les
critères de choix les difficultés de reclassement des personnes handicapées, ce salarié serait en
droit de se plaindre. L’irrégularité est sanctionnée par des dommages et intérêts évalués par le
juge en fonction du préjudice qu’elle a causé au salarié. Mais la jurisprudence a décidé que la
méconnaissance par l’employeur des règles sur l’ordre des licenciements n’est pas
480
481
Article L 122-14 alinéa 3 du Code du travail.
MOULINIER (A.), Le point sur la loi de modernisation sociale, D. 2002, n° 5, p. 411.
108
sanctionnée par l’application de l’article L 122-14-4, au titre de l’absence de cause réelle et
sérieuse482.
Par ailleurs, le plan social doit prévoir des mesures adaptées au difficultés rencontrées par
certaines personnes pour retrouver un emploi, telles que les personnes handicapées483.
Enfin, le licenciement de la personne handicapée ne doit pas avoir pour conséquence de
rendre le nombre de travailleurs handicapés employés dans l’entreprise insuffisant, auquel cas
l’employeur serait passible de la sanction attachée à la violation de l’obligation d’emploi484.
Mais le fait que le licenciement économique ait pour effet de faire descendre le nombre de
bénéficiaires de l’obligation d’emploi occupés dans l’entreprise au dessous du pourcentage
légal de 6% ne rend pas ce licenciement abusif. Cette solution résulte d’un arrêt rendu par la
Cour de Cassation le 10 juin 1998485. En l’espèce, un travailleur handicapé avait fait l’objet
d’un licenciement économique. Il contestait ce licenciement, au motif que le licenciement
d’un salarié handicapé n’est possible que si les travailleurs handicapés représentent plus de
6% de l’effectif de l’entreprise. Selon lui, son licenciement était sans cause réelle et sérieuse,
car il entraînait la non observation par l’entreprise du pourcentage obligatoire d’emploi de
travailleurs handicapés. Mais la Cour de Cassation a rejeté sa demande. Cette solution est
logique, d’un point de vue juridique, dans la mesure où l’employeur est libre d’exécuter son
obligation d’emploi sous plusieurs formes.
B-En atelier protégé.
Les salarié handicapés employés en ateliers protégés sont également exposés au risque
d’un licenciement économique, dans la mesure où ces derniers sont comme toute entreprise
soumis aux aléas du marché.
Un exemple jurisprudentiel permettra d’illustrer cette soumission au droit commun.
Un arrêt rendu le 8 juin 1994486 par la Cour de Cassation évoquait le cas d’un salarié qui
avait refusé d’être affecté à un nouveau poste, suite à la réorganisation de l’atelier protégé
pour cause de difficultés économiques, et de percevoir une rémunération calculée sur le mode
482
Cass. soc. 14 janvier 1997, Dr. soc. 1997, p. 159, concl. LYON-CAEN (P.) et note SAVATIER (J.).
Article L 321-4-1 du Code du travail.
484
Voir supra, page 62.
485
Cass. soc. 10 juin 1998, Bellaaraj c/Sté Screg, Dr. soc. 1998, p. 952, note SAVATIER (J.).
486
Cass. soc. 8 juin 1994, Grimaldi c/ Association des Paralysés de France, R.J.S. 7/94, n° 849.
483
109
légal, c’est à dire de façon moins avantageuse. La chambre sociale a débouté le salarié de sa
demande en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle a en
effet jugé que la rupture du contrat de travail d’un travailleur handicapé employé en atelier
protégé, consécutive à son refus d’accepter une modification de son contrat, non contraire aux
dispositions légales sur le travail protégé, et imposée par la réorganisation de l’entreprise,
constituait un licenciement pour motif économique.
§3 Le préavis de licenciement.
En cas de licenciement pour motif économique ou personnel, fondé sur tout motif légitime
autre qu’une faute grave ou lourde, l’article L 323-7 du Code du travail dispose que la durée
du délai-congé prévu à l’article L 122-6 est doublée pour les bénéficiaires de l’obligation
d’emploi comptant pour plus d’une unité, dans la limite de trois mois. Mais ces dispositions
n’ont pas vocation à s’appliquer si un préavis d’au moins trois mois est déjà prévu par des
dispositions contractuelles, une convention collective ou des usages en vigueur dans la
profession.
A titre d’exemple, on peut citer une décision rendue par la Cour de cassation le 13 mars
2001487. En l’espèce, la chambre sociale a considéré que la cour d’appel avait débouté à tort le
salarié de sa demande de préavis sur le fondement de l’article L 323-7 du Code du travail, en
énonçant que le salarié n’établissait pas qu’il pouvait prétendre à être pris en compte pour
plus d’une unité au moment de son licenciement, alors qu’elle avait relevé que l’intéressé
avait été classé par la COTOREP dans la catégorie B des travailleurs handicapés.
Le ministre des Affaires Sociales et de l’Emploi à l’époque de l’adoption de la loi de 1987
avait justifié la limitation du nombre de bénéficiaires concernés par l’allongement du préavis
de licenciement par le souci de ne pas restreindre l’embauche des personnes handicapées488.
Cependant, il n’existe pas de réelle différence de situation entre un salarié handicapé
comptant pour une unité (catégorie A), ou pour une unité et demie (catégorie B). L’exclusion
des salariés comptant uniquement pour une unité ne paraît donc pas justifiée.
Si l’on combine489 les dispositions de l’article L 323-7 et celles de l’article L 122-6 du
Code du travail, la durée légale du préavis sera donc :
487
488
Cass. soc. 13 mars 2001, Bull. civ. V, n° 82.
J. O. A.N. 21 mai 1987, p. 1382, cité in Liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 48.
110
du double de la durée prévue par la loi, la convention collective ou les usages, si le
travailleur handicapé justifie chez le même employeur d’une ancienneté de service continu
inférieure à six mois ;
de deux mois si le salarié handicapé justifie chez le même employeur d’une ancienneté
comprise entre six mois et deux ans ;
de trois mois s’il justifie chez le même employeur d’une ancienneté d’au moins deux ans.
Enfin, on peut citer une décision jurisprudentielle qui a récemment apporté des précisions
en la matière. Ainsi, il résulte d’un arrêt rendu le 28 mars 2000490 par la Cour de Cassation
que les salariés handicapés exclus de l’effectif d’assujettissement à l’obligation d’emploi en
raison de leur appartenance à l’une des catégories d’emploi prévues à l’article D 323-3 du
Code du travail491 doivent bénéficier du doublement de la durée de leur préavis en cas de
licenciement. En effet, « l’exclusion de certaines catégories prévues à l’article D 323-3 du
Code du travail n’est édictée que pour le calcul des effectifs à prendre en compte pour
l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés, et non pour définir les bénéficiaires [de
cette obligation] ».
Le problème se pose tout à fait différemment pour les travailleurs handicapés accueillis en
Centre d’Aide par le Travail, dans la mesure où ils ne sont pas titulaires d’un contrat de
travail. En effet, cela a pour conséquence l’exclusion du droit du licenciement.
SECTION 2 : La rupture de la relation de travail en C.A.T.
Le départ du travailleur handicapé de sa propre initiative demeure toujours possible. Il
n’est soumis à aucune formalité particulière, contrairement à la démission.
S’agissant de la rupture émanant de l’employeur, dans la mesure où le financement des
C.A.T. est assuré en permanence par le versement d’une dotation globale de l’Etat, il ne
saurait y avoir de rupture pour motif économique492. Le C.A.T. n’est d’ailleurs pas assujetti au
489
Liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 49.
Cass. soc. 28 mars 2000, Ridel et autres c/Sté Seafrance, Dr. soc. 2000, p. 656, note CHAUMETTE (P.).
491
Voir supra, page 51.
492
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 298.
490
111
paiement des cotisations d’assurance-chômage493, et les travailleurs ne pourraient pas
percevoir les prestations de chômage, au cas où le C.A.T. serait réduit à l’inactivité, pour des
raisons économiques494. Cependant, le statut financier des handicapés leur assure, en tout état
de cause, des ressources495.
Par ailleurs, s’il n’existe pas de licenciement pour motif personnel, le directeur du C.A.T. a
toutefois la faculté de renvoyer une personne ne respectant pas du tout les règles de la vie
collective et perturbant gravement le fonctionnement de l’institution : en commettant par
exemple des vols répétés dans le centre, ou en refusant de travailler. Sur ce point, aucune
procédure n’a été prévue par le décret n° 77-1546 du 31 décembre 1977.
L’exclusion du droit commun du licenciement - qui s’explique par le statut non salarié et
l’absence de contrat de travail - peut avoir des conséquences fâcheuses. En témoigne un arrêt
rendu par la Cour de Cassation le 5 octobre 1994496. En l’espèce, le C.AT., se plaignant du
comportement incohérent du travailleur handicapé, qui rendait impossible son adaptation au
travail, a renvoyé ce dernier. Le travailleur handicapé a assigné l’association gérant le C.AT.
en dommages et intérêts, sur le fondement de l’article 1382 du Code civil. La Cour de
Cassation, confirmant la position des juges du fond, a fait droit à sa demande. En effet, les
juges ont considéré que le centre ne dispose pas d’un pouvoir discrétionnaire en la matière.
L’association aurait du saisir la COTOREP, qui aurait pu apprécier les motifs du renvoi, et
rechercher le cas échéant un placement mieux adapté à la situation personnelle du travailleur.
En procédant proprio motu au renvoi de l’intéressé, et « d’une manière brutale », l’association
a mis l’intéressé dans l’obligation d’accomplir lui-même les démarches de recherche d’un
autre placement, elle a donc commis une faute constitutive d’un préjudice, dont le travailleur
handicapé était fondé à obtenir réparation.
Cette décision apporte donc des éléments importants s’agissant de la procédure à suivre
lorsque le centre envisage de renvoyer le travailleur handicapé.
En pratique, le renvoi d’un travailleur handicapé accueilli en C.A.T. est exceptionnel. En
effet, au sein de ces établissements, un véritable dialogue s’instaure entre le travailleur et
l’équipe d’encadrement, et les difficultés se résolvent de cette manière. Cependant, il serait
493
Article 18 du décret n° 77-1546 du 31 décembre 1977.
HOYEZ (K.), op. cit., note 18, p. 330.
495
LEVY (M.-J.), Centre d’Aide par le Travail, statut, RD sanit. soc. 1979, p. 548.
496
Cass. soc. 5 octobre 1994, D. 1995, jp., p. 301, note DAGORNE-LABBE ; RD sanit. soc. 1995, p. 574, note
ALFANDARI (E.).
494
112
nécessaire que le législateur consacre la jurisprudence ci-dessus énoncée, afin de garantir la
mise en place d’une telle procédure pour chaque renvoi. Par ailleurs, il serait également
souhaitable d’étendre les dispositions du Code du travail prévoyant un entretien préalable,
même si en pratique, les directeurs de C.A.T. en organisent dans une telle hypothèse.
Enfin, l’article 8 du décret n° 77-1547 du 31 décembre 1977 régit l’hypothèse d’un départ
ré-orientation497. En effet, il dispose que « le directeur du C.A.T. doit saisir la COTOREP du
cas des travailleurs handicapés du centre qui viendraient en cours d’activité et d’une façon
durable à dépasser cette capacité de travail. La COTOREP apprécie alors l’opportunité du
maintien de ces travailleurs handicapés dans un centre d’aide par le travail.
D’une façon générale, il appartient au directeur du centre de soumettre à la COTOREP
toutes propositions de changement d’orientation des personnes handicapées qui paraissent
souhaitables. ».
Ainsi, le travailleur handicapé initialement accueilli en C.A.T. pourra être réorienté vers un
atelier protégé, voire en milieu ordinaire.
Si l’article 8 précité ne vise pas expressément le cas d’un travailleur révélant une capacité
de travail insuffisante pour rester en C.A.T., en pratique, le directeur du C.A.T. saisira
également la COTOREP d’une demande de réorientation498. La personne pourra alors être
orientée vers un C.A.T. proposant des activités professionnelles différentes, ou vers des
structures
d’accueil
dénuées
de
toute
activité
professionnelle
(foyers
d’activité
occupationnelle ou Maisons d’Accueil Spécialisées).
On voit donc que la conclusion et la rupture de la relation de travail en milieu ordinaire et
en atelier protégé sont essentiellement régis par le droit commun du travail, parfois aménagé
sur certains points, contrairement aux Centres d’Aide par le Travail.
C’est une distinction que l’on retrouve au cours de la vie de la relation de travail.
497
498
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 298.
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 299.
113
TITRE 2 :
La vie de la relation de travail.
S’agissant de la vie de la relation de travail, on retrouve la même distinction qu’au
niveau de la conclusion et de la rupture de la relation de travail.
Ainsi, les personnes handicapées travaillant en milieu ordinaire ayant la qualité de salarié,
elles
bénéficient
par
conséquent
des
dispositions
législatives,
réglementaires
et
conventionnelles du droit commun du travail afférentes à ce statut. Toutefois, certaines
dispositions ont fait l’objet d’aménagements.
Par ailleurs, les travailleurs handicapés des ateliers protégés bénéficient des mêmes
dispositions, car ils sont assimilés aux travailleurs handicapés du milieu ordinaire par l’article
L 323-32 du Code du travail, qui dispose que « les handicapés employés en atelier protégé ou
en centre de distribution de travail à domicile499 sont considérés comme des salariés pour
l’application des dispositions législatives, réglementaires, ou conventionnelles du droit
commun ». Ils bénéficient également de dispositions qui leur sont propres500.
Enfin, les travailleurs handicapés accueillis en C.A.T. ne sont pas soumis au droit du
travail, sauf pour l’application des règles relatives à l’hygiène, à la sécurité et à la médecine
du travail501. Cette exclusion s’avère contestable, dans la mesure où le statut de ces
travailleurs est en conséquence insuffisamment protecteur. C’est ce que nous montrerons en
comparant les obligations nées de la relation de travail (chapitre I) et les conditions de travail
(chapitre II).
499
Les salariés des centres de distribution de travail à domicile sont considérés comme des travailleurs à domicile en vertu
d’un arrêté du 2 mars 1978, et relèvent donc des dispositions du Code du travail spécifiques à cette catégorie de personnel
(article L 721-1 et s.). Voir CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 287.
500
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 287.
501
Articles 9 et 10 du décret n° 77-1546 du 31 décembre 1977.
114
CHAPITRE I : les obligations nées de la relation de
travail.
On ne traitera ici que des obligations principales de chaque partie à la relation de travail.
L’obligation principale de l’ « employeur » est de rémunérer la prestation de travail (section
1). Quant au travailleur handicapé, il est tenu d’exécuter correctement la prestation de travail,
sous peine de sanctions (section 2).
SECTION 1 : la rémunération de la prestation de travail.
Le rendement des travailleurs handicapés étant susceptible d’être inférieur à celui d’un
travailleur valide, les salaires alloués peuvent être réduits par rapport aux normes, sans
pouvoir descendre en dessous d’un certain seuil, fixé en fonction du S.M.I.C. La proportion
de l’abattement et le seuil varient selon le milieu de travail, ordinaire ou protégé502.
Toutefois, afin de leur assurer un revenu minimum et par conséquent une existence
décente, le législateur503 a instauré au bénéfice des travailleurs handicapés un revenu
minimum garanti, dit garantie de ressources (§2). Au salaire proprement dit (§1) vient
s’ajouter un complément de rémunération, à la charge de l’Etat pour le milieu protégé, et de
l’A.GE.F.I.P.H. pour le milieu ordinaire, éventuellement complété en milieu protégé par des
bonifications.
§1 Le salaire proprement dit.
A- En milieu ordinaire de travail.
Aux termes de l’article L 323-6 du Code du travail, le salaire des travailleurs handicapés
employés en milieu ordinaire de travail ne peut être inférieur à celui qui résulte de
l’application des dispositions législatives et réglementaires ou de la convention ou de l’accord
collectif de travail504.
Toutefois, des abattements de salaire peuvent être pratiqués, lorsque l’intéressé a un
« rendement professionnel notoirement diminué »(Article L 323-6 alinéa 2).
502
Dictionnaire Permanent Social, Handicapés, octobre 2000, n° 71.
Article 32 de la loi d’orientation en faveur des personnes handicapées n° 75-534 du 30 juin 1975.
504
Liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 39.
503
115
Les conditions dans lesquelles peuvent être pratiqués ces abattements sont précisées aux
articles D 323-13 à D 323-16 du Code du travail505.
Tout d’abord, l’abattement de salaire ne peut être appliqué qu’à un salarié reconnu
travailleur handicapé par la COTOREP. Par ailleurs, cet abattement est fixé par la COTOREP,
et il ne peut excéder : pour la catégorie B, 10% du salaire normalement alloué au travailleur
valide accomplissant la même tâche ; pour la catégorie C, 20%. Le salaire du travailleur
handicapé classé en catégorie A ne peut subir aucun abattement. La rémunération minimale
d’un travailleur handicapé embauché en milieu ordinaire est donc égale à 80% du S.M.I.C.
Si le salaire abattu devient inférieur au S.M.I.C., la décision revient au directeur
départemental du travail si le résultat n’est pas inférieur à plus de 10%, au directeur régional
s’il est supérieur.
Enfin, les décisions de la COTOREP relatives aux abattements de salaire sont prises pour
une durée déterminée, à l’issue de laquelle les parties peuvent solliciter une reconduction ou
une révision. Elles peuvent, dans les huit jours de leur notification506, faire l’objet d’un
recours devant la commission départementale des handicapés.
B- En milieu protégé.
1- Ateliers protégés et centres de distribution de travail à domicile.
Le travailleur embauché en atelier protégé ou en centre de distribution de travail à domicile
reçoit un salaire fixé, compte tenu de l’emploi qu’il occupe, de sa qualification et de son
rendement, par référence aux dispositions réglementaires ou conventionnelles applicables
dans la branche d’activité507.
La rémunération minimale de ces travailleurs est égale au S.M.I.C. affecté du même
pourcentage que celui du rendement atteint par l’intéressé par rapport à un rendement
normal508. Par exemple, si le travailleur handicapé a un rendement égal à 50% du rendement
normal, son salaire ne peut pas être inférieur à 50% du S.M.I.C., pour un emploi rémunéré au
S.M.I.C.
505
Dictionnaire Permanent Social, op. cit., note 502, n° 72.
Voir supra, pages 33 à 36.
507
Article L 323-32 du Code du travail..
508
Article D 323-25-2 du Code du travail.
506
116
Toutefois, le salaire perçu par le travailleur handicapé ne pourra pas être inférieur à 35%
du S.M.I.C509. Ainsi, si son rendement est seulement égal à 20% du rendement normal, son
salaire ne peut, en aucun cas, être inférieur à 35% du S.M.I.C.
2- Centres d’Aide par le Travail.
Les travailleurs handicapés admis en C.A.T. exercent une activité professionnelle mais ne
sont pas considérés comme salariés, en l’absence de contrat de travail. Ils perçoivent une
rémunération qui est fonction de leur rendement. Mais la rémunération versée par le C.A.T.
ne peut pas être inférieure à 5% du S.M.I.C510.
Lorsque le salaire proprement dit est inférieur à la garantie de ressources prévue par la loi,
l’Etat ou l’A.GE.F.I.P.H., selon que le travailleur handicapé est placé en milieu protégé ou
ordinaire, accordent un complément de rémunération destiné à porter les ressources des
travailleurs à ce niveau. Le montant des ressources garanties varie en fonction du milieu de
travail et même de la structure d’accueil.
§2 La garantie de ressources.
A- En milieu ordinaire de travail.
En milieu ordinaire de travail, si le salaire du travailleur handicapé subit un abattement, la
garantie de ressources est plafonnée à 130% du S.M.I.C.
Le complément de rémunération correspond donc à la différence entre le salaire abattu et la
garantie de ressources de 130% du S.M.I.C.
Toutefois, le complément de rémunération ne peut être supérieur à 20% du S.M.I.C., ni
porter les ressources garanties au delà de 130% du S.M.I.C511.
509
Articles L 323-32 et D 323-25-2 du Code du travail.
Article 5 du décret n° 77-1465 du 28 décembre 1977, complété par le décret n° 90-448 du 31 mai 1990, cité in
Dictionnaire Permanent Social, op. cit., note 502, n° 73.
511
Article 3 du décret n° 77-1465 du 28 décembre 1977, cité in Liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 40.
510
117
Le complément de rémunération est versé au travailleur en même temps que la
rémunération de son travail et figure sur le bulletin de paie. Il est avancé par l’employeur et
remboursé trimestriellement par l’A.GE.F.I.P.H512.
La garantie de ressources assure donc un complément de rémunération, mais dans certains
cas, celui-ci ne pourra compenser qu’une partie seulement de l’abattement513.
En effet, prenons par exemple le cas d’un travailleur handicapé occupant dans une
entreprise un emploi normalement rémunéré à 135% du S.M.I.C. Son salaire subit un
abattement de 10%. Le complément de salaire ne devant pas porter les ressources du
travailleur handicapé à un niveau supérieur à 130% du S.M.I.C., ce dernier percevra donc un
complément de rémunération de 5% du S.M.I.C.
La garantie de ressources devrait par conséquent essentiellement concerner des personnes
handicapées occupant des emplois de faible qualification et/ou de faible rémunération514.
Le salaire à prendre en compte pour calculer le complément à verser est le salaire horaire,
compte tenu de la durée effective du travail, dans la limite de la durée légale du travail. Les
heures supplémentaires en sont par conséquent exclues515.
Pour éviter, lors du passage aux 35 heures, une baisse automatique de la rémunération des
salariés payés au S.M.I.C. ou en pourcentage du S.M.I.C., l’article 32 de la loi Aubry II du 19
janvier 2000516 garantit le maintien de leur rémunération par le biais d’un complément
différentiel de salaire. Le calcul de la garantie de ressources doit donc intégrer le complément
différentiel517. Par ailleurs, les montants des remboursements du complément de rémunération
devront être majorés. Enfin, pour les entreprises du milieu ordinaire soumises à la nouvelle
durée légale du travail et qui continuent à pratiquer un horaire supérieur, les heures
supplémentaires sont à la charge intégrales de l’employeur et le complément de rémunération
est calculé strictement sur 35 heures sans majoration518.
Le complément de rémunération est dû pour les périodes ayant donné lieu à indemnisation
des absences pour maladie résultant des dispositions légales ou conventionnelles (maladie,
512
Dictionnaire Permanent Social, op. cit., note 502, n° 78.
Liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 40.
514
Liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 40.
515
Lamy protection sociale, Rémunération des handicapés, p. 175.
516
Loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000, J.O. 20 janvier 2000, p. 975.
517
Dictionnaire Permanent Social, op. cit., note 502, n° 77 b 2.
518
Liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 41.
513
118
maladie professionnelle, accident du travail). Il est également dû pour les périodes légales de
congés payés519.
Enfin, la garantie de ressources allouée aux travailleurs handicapés (salaire minimum +
complément de rémunération) a le caractère d’un salaire pour le calcul des cotisations
d’assurances sociales, des cotisations d’accidents du travail et des allocations familiales, des
cotisations d’assurance chômage, et des cotisations versées au titre des retraites
complémentaires520.
Ces charges sont intégralement compensées par l’Etat521.
La Cour de cassation a précisé que la garantie de ressources allouée aux travailleurs
handicapés exerçant leur activité dans le secteur ordinaire de production n’entrait pas dans
l’assiette ni de la cotisation au fonds national d’aide au logement, ni du versement
transport522. De même, il n’est soumis ni aux participations formation et construction ni à la
contribution à la médecine du travail523.
B- En milieu protégé.
1- Le complément de rémunération.
Tout comme les salariés handicapés employés en milieu ordinaire, les salariés handicapés
embauchés en ateliers protégés ou en centres de distribution de travail à domicile bénéficient
d’une garantie de ressources. Le montant de la garantie de ressources est au minimum égal à
90% du S.M.I.C.524.
Le complément de rémunération correspond en principe à la différence entre le montant
des ressources garanties par l’Etat et le salaire perçu par l’intéressé. Ainsi, lorsque le salaire
versé par l’employeur est compris entre 35% et 45% du S.M.I.C., l’Etat verse un complément
de rémunération uniformément fixé à 55% du S.M.I.C. Mais lorsque le travailleur handicapé
perçoit un salaire supérieur à 45% du S.M.I.C., il peut prétendre à des bonifications, et le
519
Liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98 p. 43.
Article 33 de la loi n° 75-534 du 30 juin 1975, voir Lamy protection sociale, Rémunération des handicapés, 1999, p. 176.
521
Liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 43.
522
Cass. soc. 26 mars 1992, Bull. civ. V, n° 219.
523
Circ. min. n° 94-40 du 10 octobre 1994, B.O. trav. 1994, n° 22.
524
Articles L 323-29 et décret n° 77-1465 du 28 décembre 1977, cités in Liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 40 et
57.
520
119
complément de rémunération est calculé en fonction de la garantie de ressources et des
bonifications, ce que nous expliquerons ultérieurement525.
S’agissant des travailleurs handicapés accueillis en C.A.T., le montant des ressources
garanties est au minimum égal à 55% du S.M.I.C. Mais la personne n’en bénéficie pas en
période d’essai526.
Le complément de rémunération versé aux travailleurs accueillis en C.A.T. est en principe
égal à la différence entre le montant des ressources garanties par l’Etat et le salaire perçu.
Ainsi, lorsque le travailleur perçoit du C.A.T. un salaire compris entre 5 et 20% du S.M.I.C.,
l’Etat verse un complément de rémunération qui ne peut être supérieur à 50% du S.M.I.C.
Mais lorsque le travailleur peut bénéficier du système de bonification, le complément de
rémunération est calculé en fonction des bonifications et de la garantie de ressources527.
Comme en milieu ordinaire, c’est l’employeur qui avance le complément de
rémunération, pour se faire ensuite rembourser par l’Etat. Par ailleurs, le calcul de la garantie
de ressources des travailleurs handicapés embauchés en ateliers protégés, centres de
distribution de travail à domicile, ou accueillis en Centres d’Aide par le Travail, doit intégrer
le complément différentiel prévu par la loi Aubry II, en cas de réduction de la durée du
travail528.
Enfin, il faut préciser que les ateliers protégés et les Centres d’Aide par le Travail sont
assujettis au paiement des mêmes cotisations sociales que les entreprises du milieu
ordinaire529.
2- Les bonifications en milieu protégé.
Les personnes handicapées embauchées en atelier protégé ou en centre de distribution de
travail à domicile peuvent prétendre au bénéfice de bonifications, dès lors qu’elles perçoivent
un salaire dépassant 45% du S.M.I.C. Le système des bonifications530 permet de tenir compte
du rendement effectif des travailleurs. Il doit être obligatoirement prévu par les ateliers
protégés, centres de distribution de travail à domicile et C.A.T.
525
Voir infra, page 118.
Liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 58.
527
Voir ci-dessous.
528
Dictionnaire Permanent Social, op. cit., note 502, n° 77 b et 78.
529
Article 33 de la loi n° 75-534 du 30 juin 1975. Mais les C.A.T. ne sont pas assujettis au paiement des cotisations
d’assurance chômage, voir supra.
530
Il doit être obligatoirement prévu par toute structure de travail protégé.
526
120
Ce système peut porter le total formé par la garantie de ressources et les bonifications à
130% du S.M.I.C531.
Par ailleurs, les travailleurs handicapés accueillis en C.A.T. bénéficient également d’un
système de bonifications, dès lors que le centre leur verse plus de 15% du S.M.I.C. Ce
système peut porter le total formé par la garantie de ressources et les bonifications à 110% du
S.M.I.C532.
Enfin, lorsque le travailleur handicapé bénéficie d’une bonification, le complément de
rémunération est soumis à un mode de calcul particulier : il est diminué de sorte que son
montant global croisse de façon inversement proportionnelle à celui de la rémunération
directe533.
3- Les accessoires de salaire en milieu protégé.
En application de l’article L 323-32 du Code du travail, le salarié travaillant en atelier
protégé bénéficie des dispositions conventionnelles applicables à l’organisme gestionnaire.
Dès lors qu’il remplit les conditions éventuellement prévues par le texte conventionnel, il peut
ainsi bénéficier, par exemple des dispositions prévoyant des primes534.
C’est ce qu’a jugé la Cour de Cassation dans un arrêt rendu le 29 juin 1999535, à propos
d’une prime d’ancienneté. Par ailleurs, cette décision apporte des précisions concernant
l’assiette de calcul des avantages conventionnels. En effet, la question posée était de savoir si
la prime d’ancienneté prévue par la convention collective devait être calculée sur la base du
salaire versé par l’employeur, ou de la rémunération totale, garantie de ressources comprise.
La Cour de cassation a jugé que « en l’absence de texte légal, de dispositions
conventionnelles ou d’accord des parties sur ce point, il appartient aux juges du fond de se
prononcer ». Ainsi, en l’espèce, les juges du fond avaient souverainement estimé que
l’assiette de calcul serait la rémunération totale. Il s’agit ici de la solution la plus favorable
aux travailleurs handicapés. Elle vient d’être consacrée par l’article 132 IV de la loi de
modernisation sociale du 17 janvier 2002, qui dispose que « les accessoires de salaire
résultant des dispositions législatives, réglementaires ou conventionnelles sont déterminés en
prenant pour assiette la garantie de ressources définie dans les articles L 243-4 et suivants du
531
Article 12 du décret n° 77-1465 du 28 décembre 1977, cité in Dictionnaire Permanent Social, op. cit., note 502, n° 76.
Article 12 du décret n° 77-1465 du 28 décembre 1977, cité in Liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 61.
533
Dictionnaire permanent social, op. cit., note 502, n° 76. Sur les modalités de calcul du complément de rémunération en cas
de bonification, voir Liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 58 et 61.
534
Liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 60.
535
Cass. soc. 29 juin 1999, RD sanit. soc. 2000, p. 833, note BOCQUILLON (F.).
532
121
Code de l’action sociale et des familles. La charge liée à cette rémunération est répartie entre
l’atelier protégé et l’Etat proportionnellement au montant du salaire direct et du complément
de rémunération. La participation de l’Etat est plafonnée dans des conditions fixées par
décret ».
En contrepartie de la rémunération versée, le salarié est tenu d’effectuer correctement sa
prestation de travail, sous peine de sanctions.
SECTION 2 : les sanctions de la mauvaise exécution de la
prestation de travail.
Si un travailleur handicapé employé en milieu ordinaire ou en atelier protégé commet une
faute, il est passible des sanctions disciplinaires prévues par le règlement intérieur (§1). En
revanche, en Centre d’Aide par le Travail, il n’existe pas de règlement intérieur au sens où
l’entend le droit commun du travail. Mais cela n’exclut pas la possibilité pour le directeur du
centre de prendre des sanctions (§2).
§1 Les sanctions en milieu ordinaire et en atelier
protégé.
La conclusion du contrat de travail entraîne la soumission du travailleur handicapé
embauché en milieu ordinaire au pouvoir disciplinaire de l’employeur, cette solution se
justifiant par le lien de subordination caractéristique du contrat de travail.
Dans la mesure où les travailleurs handicapés embauchés en atelier protégé sont titulaires
d’un contrat de travail, ils sont donc passibles de sanctions disciplinaires.
Depuis la loi du 4 août 1982, l’employeur ne peut plus prononcer de sanctions qui ne
figurent pas dans le règlement intérieur536. En effet, la fixation de « la nature et de l’échelle
des sanctions » qu’il peut prendre relève désormais de l’objet obligatoire de ce règlement, au
même titre que les dispositions relatives à l’hygiène et à la sécurité, aux droits de la défense,
au harcèlement sexuel, et depuis la loi de modernisation sociale, au harcèlement moral537.
536
537
PELISSIER (J.), SUPIOT (A.), JEAMMAUD (A.), op. cit., note 438, p. 887.
Article L 122-34 du Code du travail.
122
Comme l’expriment Messieurs Pélissier, Supiot et Jeammaud, cette disposition n’aurait plus
de sens, si des sanctions ne figurant pas dans le règlement pouvaient toujours être prononcées.
On peut ici préciser que d’une manière générale, le règlement intérieur ne doit pas
comporter de mesures discriminatoires, ce que précise l’article L 122-35 du Code du travail :
« il ne peut comporter de dispositions lésant les salariés dans leur emploi ou leur travail, en
raison de (...) leur handicap. ». Il est rare qu’un règlement intérieur comporte une disposition
ouvertement discriminatoire. Les clauses induisant indirectement une discrimination sont plus
courantes : par exemple, une clause obligeant tout salarié à procéder chaque jour au nettoyage
de sa machine, sous peine de suppression de la prime de salissure, peut léser le salarié
empêché, par son handicap, d’y procéder538.
Les ateliers protégés sont également tenus d’élaborer un règlement intérieur, dans les
conditions prévues aux articles L 122-33 et suivants du Code du travail539. On déduit de
l’article L 323-32 du Code du travail, qui énonce la soumission des ateliers protégés au droit
du travail, l’impossibilité pour le directeur de l’établissement de prononcer des sanctions
autres que celles prévues par le règlement intérieur.
Diverses sanctions sont susceptibles d’être prises par l’employeur.
Aux termes de l’article L 122-40 du Code du travail, « constitue une sanction toute mesure,
autres que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du
salarié considéré par lui comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter
immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa
rémunération ». Cette définition, par sa généralité, semble recouvrir non seulement des
mesures comme le blâme, l’avertissement, la mise à pied, la mutation disciplinaire, la
rétrogradation, le licenciement pour faute, mais aussi des mesures plus singulières vécues par
les salariés comme des sanctions ( retard dans l’avancement, changement d’horaire, refus
d’attribution d’une prime, retrait d’une place de parking…). L’article L 122-42 prohibe
toutefois les sanctions pécuniaires directes. Certains auteurs font remarquer que la formule
vague de l’article L 122-40 du Code du travail pourrait ouvrir la porte à un certain
subjectivisme, les employeurs n’ayant pas toujours à l’esprit que la faute disciplinaire suppose
la violation délibérée d’une obligation professionnelle540.
538
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 251.
Arrêté du 2 mars 1978, J.O. 7 avril 1978, cité in Liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 60.
540
PELISSIER (J.), SUPIOT (A.), JEAMMAUD (A.), op. cit., note 438, p. 885.
539
123
Divers principes conditionnent le prononcé d’une sanction disciplinaire.
Tout d’abord, l’article L 122-43 alinéa 2 du Code du travail dans sa rédaction issue de la
loi de 1982 pose un principe de proportionnalité entre la sanction et la faute commise. La
théorie de l’employeur seul juge n’a plus lieu d’être : il n’est plus possible par exemple
d’infliger des mises à pied de plusieurs jours pour des fautes légères.
Surtout, dans le domaine qui nous intéresse, l’article L 122-45 du Code du travail prohibe
les sanctions discriminatoires. Ainsi, l’employeur ne peut pas sanctionner plus gravement une
personne handicapée ayant commis une faute analogue à celle d’un travailleur valide. On
pourrait même peut être considérer que l’employeur doit prendre en compte la situation
particulière dans laquelle se trouve la personne handicapée, pour ne pas se voir reprocher un
comportement discriminatoire. Toute sanction discriminatoire serait susceptible d’être
annulée sur le fondement de l’article L 122-45 du Code du travail. Le seul motif licite de
distinction serait celui justifié par l’intérêt de l’entreprise.
Enfin, la jurisprudence541 a offert à l’employeur la faculté d’individualiser les sanctions,
sous réserve du respect du principe d’interdiction des discriminations. On peut espérer que la
jurisprudence étendrait cette solution aux travailleurs handicapés, afin d’apprécier la faute
commise par ces derniers de manière plus souple, à l’instar des solutions rendues en matière
de licenciement542. Là encore, pour éviter des solutions jurisprudentielles divergentes, il serait
peut être souhaitable que le législateur intervienne en posant un principe général
d’appréciation plus souple des fautes commises par les travailleurs handicapés. Il faudrait
peut être s’attacher davantage à la constatation d’un élément intentionnel pour sanctionner ces
personnes.
Cette application plus souple des règles disciplinaires contenues dans le règlement intérieur
est déjà de mise dans les ateliers protégés. Ainsi, Madame Cros-Courtial543 relève que dans
ces établissements, tout écart de conduite ne donne pas automatiquement lieu à une sanction.
Pour décider de sanctionner et choisir la sanction éventuelle, de la même façon que lorsqu’ils
décident d’un licenciement pour motif personnel, les directeurs des ateliers protégés ne se
réfèrent pas uniquement à la gravité de la faute commise, mais tiennent également compte de
la pathologie de la personne et de ses facultés intellectuelles.
541
Cass. soc. 14 mai 1998, Dr. soc. 1998, p. 709, note JEAMMAUD (A.), cité par PELISSIER (J.) et al., op. cit., note 438, p.
888.
542
Voir supra, p. 102.
543
Cros-Courtial (M.-L.), op. cit., note 10, p. 290.
124
En effet, la sanction n’a aucun intérêt si elle n’est pas comprise par le travailleur
handicapé. Mais il ne s’agit que d’une pratique, que le législateur devrait peut être imposer.
§2 Les sanctions en Centre d’Aide par le Travail.
Nous l’avons dit, le contrat de travail, et plus précisément l’élément de subordination,
fonde le pouvoir disciplinaire de l’employeur.
Mais en Centre d’Aide par le Travail, la conclusion d’un contrat de travail est exclue544. Il
n’y a conclusion d’un contrat de travail qu’entre l’association gestionnaire du centre, et le
personnel d’encadrement.
A partir de là, deux situations sont à distinguer : celles du personnel d’encadrement, et
celles des travailleurs handicapés.
Ainsi, il existe un règlement intérieur, comportant des règles relatives à la discipline, mais
qui ne s’applique qu’au personnel d’encadrement. Pour illustrer cette situation, on peut citer
un arrêt rendu par la Cour de Cassation le 17 décembre 1997545. En l’espèce, le règlement
intérieur d’une association pour enfants et adultes handicapés prévoyait que le licenciement
pour faute grave ne pouvait être ordonné que « pour des absences répétées et injustifiées après
application de sanctions inférieures ». Or un éducateur avait quitté son poste de surveillance,
alléguant un motif de santé, en informant un collègue, mais sans prévenir la direction. Il a
donc été licencié. Mais l’existence préalable de sanctions inférieures étant nécessaire au
licenciement en vertu du règlement intérieur, la direction ne pouvait pas le licencier sur le
fondement d’une seule faute, même si cette faute était admise comme « grave » par le
tribunal.
Il existe également un règlement de fonctionnement, prévu par la loi du 2 janvier 2002546,
rénovant la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales.
En effet, l’article 9 de la loi du 2 janvier 2002 prévoit l’insertion, dans le Code de l’action
sociale et des familles, d’un article L 311-7 ainsi rédigé : « dans chaque établissement et
service social ou médico-social, il est élaboré un règlement de fonctionnement qui définit les
droits de la personne accueillie et les obligations et les devoirs nécessaires au respect des
544
Voir supra, page 88.
Cass. soc. 17 décembre 1997, Dr. soc. 1998, p. 285, note JEAMMAUD (A.), cité par LHUILLIER (J.-M.), Libertés
individuelles et « règlement de fonctionnement » des établissements et services sociaux et médico-sociaux, RD sanit. soc.
1999, p. 811.
545
125
règles de vie collective au sein de l’établissement ou du service(…). Les dispositions
minimales devant figurer dans ce règlement ainsi que les modalités de son établissement et de
sa révision sont fixées par décret en Conseil d’Etat ».
Selon un auteur547, ce règlement pourrait comprendre trois parties : le statut juridique de
l’établissement ; les droits et obligations du personnel : dans cette partie serait intégrée le
règlement intérieur ; les règles relatives aux droits et obligations des usagers.
Dans cette dernière partie, il serait peut-être possible d’inscrire des règles disciplinaires.
Il n’existe donc pas de droit du règlement intérieur et de la discipline dans les Centres
d’Aide par le Travail. Or, l’exclusion de ces dispositions s’avère critiquable, car dans ces
centres, toutes les sanctions sont alors possibles. Rien n’interdit par exemple au directeur d’un
C.A.T. de prendre une sanction pécuniaire. De plus, il est peu probable que cette population
de travailleurs réagisse, car le caractère paternaliste des rapports entre les handicapés et les
responsables des établissements, qui s’instaure surtout dans le cas de travailleurs handicapés
mentaux, affaiblit l’esprit revendicatif : au sein de ces établissements, le personnel
d’encadrement assume une mission d’éducation, qui consiste à apprendre à être
consciencieux, ponctuel, à travailler dans le calme, etc.548. Enfin, les travailleurs handicapés
accueillis en C.A.T. ne bénéficient pas des dispositions du Code du travail relatives aux
institutions représentatives du personnel549.
Ces travailleurs sont donc bien démunis face au pouvoir du directeur de l’établissement.
Pour illustrer ces propos, on peut citer un arrêt rendu par la Cour de Cassation le 18 mars
1997550. En l’espèce, un travailleur handicapé avait été exclu du C.A.T. pour dix jours.
Estimant avoir été mis à pied, il a saisi le Conseil de prud’hommes pour faire annuler la
mesure et obtenir le paiement de la rémunération afférente à la période d’exclusion. Mais le
Conseil des Prud’hommes s’est déclaré incompétent, estimant que le travailleur n’avait pas pu
faire l’objet d’une sanction disciplinaire, dans la mesure où il n’était pas lié au centre par un
contrat de travail. Cette solution fut confirmée en appel et par la Cour de Cassation.
546
Loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002, J.O. 3 janvier 2002, p. 124.
LHUILLIER (J.-M.), Libertés individuelles et « règlement de fonctionnement » des établissements et services sociaux et
médico-sociaux, RD sanit. soc. 1999, p. 811.
548
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 350.
549
Voir infra, page 143.
550
Cass. soc. 18 mars 1997, Simon c/C.A.T. de l’association amicale des aveugles civils de la Côte d’Or, Dr. soc. 1997, p.
525, note VERKINDT (P.-Y) ; D. 1998, jp., p. 142, note DAGORNE-LABBE (Y.); RD sanit. soc. 1997, p. 628, note
HENNION-MOREAU (S.) ; R.J.S. 6/97, n° 765.
547
126
Dans cette mesure, que peut faire le travailleur handicapé pour contester la sanction ?
Saisir le Tribunal de Grande Instance, pour engager la responsabilité de l’association pour
faute dans l’exécution de ses obligations contractuelles, qui sont en la matière
particulièrement mal définies551 ? Certains objecteront qu’un recours est toujours possible
devant le président de l’association, qui constituerait en quelque sorte un recours hiérarchique,
au sens du droit administratif. Mais cette solution ne s’avère guère satisfaisante, dans la
mesure où il est peu probable que les travailleurs sachent qu’ils peuvent s’adresser à lui, et on
peut également craindre une certaine partialité.
On voit donc que les travailleurs accueillis en C.A.T. sont susceptibles de se voir appliquer
des sanctions disciplinaires au même titre que les travailleurs handicapés embauchés en
milieu ordinaire ou en atelier protégé, sans pour autant bénéficier des droits et des garanties
disciplinaires légales accordés à ces derniers. Le travailleur handicapé se trouve alors dans
une situation d’inégalité par rapport aux autres travailleurs, handicapés ou valides, qui ne
s’avère pas justifiée par un motif licite. L’exclusion des dispositions du Code du travail en
matière de règlement intérieur et de sanctions disciplinaires est donc source de discrimination.
Il serait par conséquent souhaitable d’envisager l’application du droit du règlement
intérieur et des sanctions disciplinaires dans les C.A.T.
Tout d’abord, parce que le règlement intérieur est soumis au contrôle de l’inspecteur du
travail, qui peut notamment exiger le retrait ou la modification de sanctions qui
méconnaissent des dispositions légales, réglementaires, ou conventionnelles, ou qui portent
atteinte aux droits fondamentaux sans justification et de manière disproportionnée552.
De plus, le droit commun du travail exige le respect d’une procédure particulière, prévue
par l’article L 122-41 du Code du travail, dont seule la gravité de la sanction envisagée
influence les modalités. Ainsi, pour une sanction mineure, le salarié bénéficie d’une
information par écrit des griefs retenus contre lui. Si la sanction est plus grave, la procédure
applicable ressemble à celle prévue en matière de licenciement : le salarié bénéficie d’un
entretien, au cours duquel il a la possibilité de s’expliquer, et de se faire assister.
Enfin, le salarié peut contester la sanction en saisissant le Conseil des prud’hommes d’une
demande d’annulation de la sanction ou d’une condamnation de l’employeur au versement de
dommages et intérêts. Le Conseil des prud’hommes apprécie, aux termes de l’article L 122-43
551
552
HENNION-MOREAU obs. sous Cass. soc. 18 mars 1997, op. cit., note 550.
Articles L 122-37 et L 122-35 du Code du travail.
127
du Code du travail, la régularité de la procédure suivie, l’existence d’une faute, et la licéité de
la sanction, qui peut être illicite parce que disproportionnée ou discriminatoire.
On voit donc que le statut des travailleurs handicapés employés en C.A.T. s’avère
incomplet, et insuffisamment protecteur des droits des personnes553.
Il faut toutefois nuancer quelque peu les critiques formulées ci-dessus.
En effet, dans les C.A.T., tout écart de conduite ne donne pas automatiquement lieu à une
sanction, comme cela a pu être constaté dans les ateliers protégés, puisque la démarche du
personnel d’encadrement est avant tout de tenir compte des difficultés des personnes
accueillies et d’instaurer une relation de confiance, par l’établissement d’un dialogue. La
plupart du temps, les difficultés se résoudront de cette manière, et les sanctions sont rares.
Néanmoins, pour éviter tout risque de dérive, l’extension des dispositions du droit du travail
relatives aux sanctions disciplinaires paraît souhaitable.
On peut ici faire le parallèle avec les personnes placées sous mesure civile de protection :
le juge des tutelles n’a-t-il pas vocation à intervenir, en cas de désaccord entre le tuteur ou le
curateur et la personne protégée ?
On voit donc que le statut des travailleurs handicapés accueillis en Centre d’Aide par le
Travail s’avère peu protecteur, et qu’il serait nécessaire de l’améliorer. On peut réitérer ce
constat au niveau des conditions de travail.
CHAPITRE II : les conditions de travail.
S’agissant des conditions de travail, trois points particuliers retiendront notre attention : le
temps de travail (section 1), l’hygiène, la sécurité et la médecine du travail (section 2), et la
représentation et l’expression des travailleurs (section 3).
553
DAGORNE-LABBE (Y.), obs. sous Cass. soc. 18 mars 1997, op. cit., note 550.
128
SECTION 1 : le temps de travail.
Le repos et les congés payés ne nécessitent pas de développements particuliers, car en
milieu protégé comme en milieu ordinaire, on applique les règles du droit du travail554. Il y a
lieu cependant de comparer la durée du travail en milieu ordinaire (§1) et en milieu protégé
(§2).
§1 La durée du travail en milieu ordinaire.
Si le législateur a institué des dispositions protectrices s’agissant de la durée du travail au
profit de certaines catégories de salariés555, les personnes handicapées n’en font pas partie.
Elles peuvent seulement bénéficier des possibilités d’aménagement du temps de travail
offertes par le droit commun du travail556.
Ainsi, en vertu de l’article L 212-1 alinéa premier du Code du travail, dans sa rédaction
issue de la loi Aubry II du 19 janvier 2000557, la durée légale du travail effectif des salariés
handicapés est de trente cinq heures par semaine, comme pour les salariés valides. Par
ailleurs, en vertu de l’article L 212-1 alinéa 2, la durée quotidienne de travail effectif ne peut
excéder dix heures.
Cependant, la durée effective de travail au cours d’une semaine peut légalement excéder
trente cinq heures, avec la pratique des heures supplémentaires558. En ce domaine, l’article L
212-7 dispose qu’au cours d’une même semaine, la durée du travail ne peut dépasser
quarante-huit heures ; mais la durée moyenne calculée sur une période de douze semaines
consécutives ne peut pas dépasser quarante-quatre heures. Enfin, il peut être dérogé à ces
maxima, sans que la durée du travail ne puisse jamais, même en cas de circonstances
exceptionnelles, dépasser soixante heures. De plus, la durée légale quotidienne peut être
portée à douze heures par une convention ou un accord collectif, ou par dérogation accordée
par l’inspecteur du travail en raison d’un surcroît temporaire d’activité559.
554
Les ateliers protégés et les centres de distribution de travail à domicile sont soumis aux règles du Code du travail en vertu
de l’article L 323-32 du même code ; en C.A.T., le nombre moyen de jours d’activités est le même qu’en entreprise
ordinaire : voir CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 307.
555
Les jeunes travailleurs, par exemple, articles L 212-13 et suivants.
556
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 249.
557
Loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000, J.O. 20 janvier 2000, p. 975.
558
PELISSIER (J.), SUPIOT (A.), JEAMMAUD (A.), op. cit., note 438, p. 921.
559
PELISSIER (J.), JEAMMAUD (A.), SUPIOT (A.), op. cit., note 438, p. 922.
129
Or, il n’est pas évident que les personnes handicapées, même jugées aptes à travailler en
milieu ordinaire, puissent supporter des variations aussi importantes de leurs horaires de
travail560.
Les personnes handicapées peuvent bénéficier des dispositions relatives à l’aménagement
du temps de travail, mais ces dispositions ne s’avèrent pas être d’une grande efficacité561.
Tout d’abord, le Code du travail autorise à déroger, par accord collectif étendu ou par
accord d’entreprise ou d’établissement, aux dispositions réglementaires concernant
l’aménagement et la répartition des horaires à l’intérieur de la semaine562. Il permet donc
l’instauration de mesures spécifiques au profit de certaines catégories particulières de salariés,
et notamment des travailleurs handicapés. Mais cela suppose que les partenaires sociaux
songent à prendre de telles mesures.
De plus, l’article L 212-4-1563 du Code du travail autorise les employeurs à déroger à la
règle de l’horaire collectif de travail et à pratiquer des horaires individualisés. Il suffit pour
cela d’obtenir le consentement du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués
professionnels. Cette solution peut offrir aux travailleurs handicapés le choix de leurs horaires
d’entrée et de sortie dans l’entreprise, tout en respectant la durée de travail fixée dans
l’entreprise : un salarié handicapé obligé d’utiliser les transports en commun pour se rendre à
son travail pourrait ainsi éviter les heures de pointe. Malheureusement, il ne s’agit que d’une
possibilité, laissée à la discrétion de l’employeur.
En outre, les articles L 212-4-2564 et suivants du Code du travail permettent aux
employeurs de recourir au travail à temps partiel. Cette solution serait particulièrement
adaptée aux travailleurs handicapés dans l’impossibilité d’assumer trente cinq heures
hebdomadaires, mais là encore, le recours à cette mesure dépend du bon vouloir de
l’employeur.
Enfin, en vertu de l’article L 241-10-1 du Code du travail, le médecin du travail peut être
sollicité par tout salarié en vue de proposer à l’employeur des mesures individualisées,
justifiées par des considérations relatives notamment à l’état de santé. Mais cela nécessite une
démarche de la part du travailleur handicapé, que celui-ci hésitera peut être à engager, en
raison du danger qu’elle comporte. En effet, si l’employeur est tenu de prendre en
560
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 248.
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 249.
562
Article L 212-2 du Code du travail.
563
Cité par HOYEZ (K.), op. cit., note 18, p. 310.
564
Cité par HOYEZ (K.), op. cit., note 18, p. 311.
561
130
considération les propositions du médecin, et en cas de refus, d’en faire connaître les motifs, il
pourra néanmoins licencier le salarié s’il démontre qu’il est dans l’impossibilité de mettre en
oeuvre la proposition.
Le législateur a également prévu la possibilité pour les entreprises de créer des emplois à
mi-temps ou emplois dits légers au bénéfice des personnes handicapées. L’A.N.P.E. répertorie
les entreprises susceptibles de proposer de tels emplois, qui sont ensuite recensés par le
secrétariat de la COTOREP565. Ces emplois sont attribués aux travailleurs handicapés qui ne
peuvent pas être employés, en raison de leur état physique ou mental, soit à un rythme
normal, soit à temps complet566. Pour pouvoir bénéficier des emplois légers, les travailleurs
handicapés reconnus comme tels par la COTOREP doivent avoir été orientés par elle vers ce
type d’emplois. En pratique, les bénéficiaires de ce type d’emploi relèvent en principe du
milieu protégé, mais ne peuvent y travailler du fait qu’il n’existe pas près de leur résidence
d’établissement de travail protégé, ou que leur état ou leur situation familiale ne se prête pas à
leur intégration dans ce type d’établissement567.
Ces emplois font l’objet de dispositions particulières. Les contrats de travail conclus au
titre des emplois légers peuvent être à durée déterminée ou indéterminée568. De plus, le
travailleur handicapé est soumis à une période d’adaptation ne pouvant excéder six mois569.
Cette période, distincte de la période d’essai, doit permettre au salarié de se familiariser avec
les tâches qui lui sont confiées. S’agissant du salaire570, il ne peut en aucun cas être inférieur
au salaire d’un travailleur valide accomplissant la même tâche. La COTOREP doit émettre un
avis motivé sur le salaire que doit percevoir le travailleur, avis émis au vu d’un rapport de
l’inspection du travail. Le salaire minimum est ensuite fixé par le directeur départemental du
travail et de l’emploi. Il est réexaminé dans les mêmes conditions à l’issue de la période
d’essai, afin d’ajuster la rémunération du travailleur handicapé au rendement atteint par lui.
Enfin, le travailleur bénéficie de la garantie de ressources égale à 80% du S.M.I.C571.
Ces emplois n’ont cependant pas connu le développement espéré, car il repose encore une
fois sur une initiative des employeurs.
565
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 260.
Article L 323-29 du Code du travail.
567
Liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 33.
568
Circ. n° 48 du 8 juillet 1981, citée in Liaisons sociales quotidien, ibid.
569
Article R 323-59-3 du Code du travail, cité par CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 260.
570
Articles R 329-59-1 à R 329-59-3 du Code du travail, cités in Liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 33.
571
Liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 34.
566
131
La soumission au droit commun du travail s’agissant de la durée du travail s’avère
contestable, dans la mesure où l’on ne prend pas en considération la situation particulière des
personnes handicapées. En effet, il faudrait tenir compte du fait qu’il s’agit de personnes plus
fragiles. La mise en place de dispositions particulières se justifierait, à l’instar des
prescriptions concernant les jeunes travailleurs. Par exemple, la durée quotidienne de travail
ne devrait pas pouvoir excéder huit heures.
§2 La durée du travail en milieu protégé.
A- En atelier protégé et centre de distribution de travail à domicile.
Bien qu’assimilés à des entreprises ordinaires, les ateliers protégés et les centres de
distribution de travail à domicile n’ont pas une finalité exclusivement productive, et leur
nature d’établissement protégé leur impose de « mettre les travailleurs handicapés à même
d’exercer une activité professionnelle salariée dans des conditions adaptées à leurs
possibilités572 ».
Ainsi, bien que soumis au droit commun sur le fondement de l’article L 323-32 du Code du
travail, ils sont néanmoins tenus de mettre en place des conditions de travail prenant en
compte la situation particulière des travailleurs. S’agissant de la durée du travail, ces
établissements ont en pratique recours à des durées hebdomadaires et quotidiennes inférieures
aux durées légales, car les personnes ne disposent généralement pas d’une capacité suffisante
pour travailler efficacement à ce rythme. Par ailleurs, la pratique du travail à temps partiel et
les aménagements d’horaires pour convenance personnelle sont beaucoup plus fréquents que
dans les entreprises du milieu ordinaire573.
B- En Centre d’Aide par le Travail.
Les travailleurs handicapés accueillis en Centre d’Aide par le Travail n’ayant pas le statut
de salariés, la loi Aubry I du 13 juin 1998 et la loi Aubry II du 19 janvier 2000 574 ne leur sont
572
Article R 323-60 du Code du travail, cité par CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 290.
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 290.
574
Loi n° 1998-461 du 13 juin 1998, J.O. 13 juin 1998, p. 9029 ; loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000, J.O. 20 janvier 2000, p.
975.
573
132
pas applicables. Cependant, une circulaire du 16 octobre 2000575 est venue préciser que par
assimilation, ces travailleurs doivent bénéficier de ces deux lois. En effet, depuis le décret du
31 décembre 1977 et la circulaire du 31 octobre 1978, la durée hebdomadaire de travail des
handicapés accueillis en C.A.T. est alignée sur la durée légale fixée par le Code du travail. Par
conséquent, la nouvelle durée du travail s’applique aussi aux travailleurs handicapés accueillis
en C.A.T., car il serait tout à fait inéquitable et discriminatoire que ces travailleurs ne
bénéficient pas de la réduction du temps de travail au même titre que le personnel qui les
encadre576.
Une circulaire du 20 février 2002577 précise que la mise en place de l’aménagement et
de la réduction du temps de travail doit être l’occasion d’apporter une attention particulière à
l’organisation des activités exercées en C.A.T., et à leur durée. Il est impératif que les
préconisations faites dans le cadre de la circulaire n° 60 AS du 31 octobre 1978578 soient
respectées dans l’ensemble des C.A.T., et qu’ainsi les travailleurs handicapés effectuent au
maximum trente cinq heures d’activités professionnelles par semaine, soutien de premier et de
deuxième type compris. Le respect de ces préconisations doit permettre aux travailleurs
handicapés d’exercer des activités professionnelles dans des conditions adaptées au mieux à
leurs capacités, celles-ci étant inférieures au tiers de la capacité normale.
Selon cette circulaire, il est également indispensable de veiller à ce que l’aménagement
et/ou la réduction du temps de travail n’aient pas pour conséquence la diminution, voire la
disparition des activités extra-professionnelles qui contribuent à justifier la vocation médicosociale des C.A.T. (soutien de deuxième type).
SECTION 2 : l’hygiène, la sécurité et la médecine du travail.
Les règles relatives à l’hygiène, la sécurité et la médecine du travail sont identiques pour
tous les travailleurs handicapés, qu’ils soient embauchés en entreprise ordinaire ou en atelier
protégé, ou accueillis en C.A.T.
Les personnes handicapées vont bénéficier des règles du droit commun applicables aux
travailleurs valides, mais également de dispositions particulières, édictées en matière de
575
Circulaire n° 2000/24 du 16 octobre 2000, Légis. Soc. -D3- n° 8119 du 14 novembre 2000, citée in Liaisons sociales
quotidien, op. cit., note 98, p. 61.
576
Rép. min. n° 38726, J.O.A.N. Q. 6 mars 2000, p. 1473. Rép. min. n° 35019, J.O.A.N. Q. 3 juillet 2000, p. 3979.
577
Circulaire DGAS/3B/5C n° 2002/107 du 20 février 2002 relative à la campagne budgétaire 2002 des centres d’aide par le
travail (chapitre 46-31 article 40), citée in Bulletin législatif de T.S.A., avril 2002, p. 15.
133
surveillance médicale (§1), d’accessibilité des locaux et d’aménagements des postes de travail
(§2). L’application de ces dispositions en milieu de travail protégé est fondée sur l’article L
323- 32 du Code du travail pour les ateliers protégés ; sur les articles 9 et 10 du décret du 31
décembre 1977579 pour les C.A.T.
§1 La surveillance médicale particulière.
Le droit commun du travail prévoit que tout salarié fait l’objet d’un examen médical avant
l’embauchage, ou, au plus tard, avant l’expiration de la période d’essai qui suit l’embauchage.
S’agissant des travailleurs handicapés, cette disposition a fait l’objet d’un aménagement. En
effet, il résulte des articles R 241-48 I et R 241-50 du Code du travail que le travailleur
handicapé doit obligatoirement bénéficier de cette visite médicale avant d’exercer toute
activité. Cet examen médical permet notamment de s’assurer de l’aptitude physique de
l’intéressé au poste de travail auquel on envisage de l’affecter, et de proposer des adaptations
de poste ou une affectation à un autre poste580. De plus, les travailleurs handicapés seront
soumis comme les travailleurs valides à une visite médicale de reprise après une absence pour
maladie ou accident581.
Par ailleurs, contrairement aux travailleurs valides, soumis à un examen annuel582, les
travailleurs handicapés, considérés comme une population à haut risque, sont soumis à une
surveillance médicale particulière, à l’instar des femmes enceintes ou des travailleurs de
moins de dix-huit ans. Le médecin du travail est seul juge de la fréquence et de la nature des
examens que comporte cette surveillance médicale particulière.583.
Cette surveillance est importante, car elle permettra notamment au médecin de proposer
des modifications des conditions de travail : changements d’horaires, adaptation du poste, etc.
§2 L’accessibilité des locaux et l’aménagement des
postes de travail.
578
Numéro 430 de la circulaire n° 60 AS du 31 octobre 1978 relative aux C.A.T., J.O. 16 janvier 1979, p. 517.
Décret n° 77-1546 du 31 décembre 1977 relatif aux centres d’aide par le travail, J.O. 12 janvier 1978, p. 333.
580
Article R 241-48 du Code du travail.
581
Article R 241-51 du Code du travail.
582
Article R 241-49 du Code du travail.
583
Article R 241-50 du Code du travail.
579
134
L’article L 111-7 du Code de la construction et de l’habitat issu de la loi n° 91-663 du 13
juillet 1991 édicte un principe général d’accessibilité des locaux, notamment des locaux de
travail, aux personnes handicapées584, puisqu’il dispose que « les dispositions architecturales
et les aménagements des locaux d’habitation, des lieux de travail et des installations recevant
du public (...) doivent être tels que ces locaux et installations soient accessibles aux personnes
handicapées ».
De plus, selon les articles R 232-1-8 et R 235-3-18 du Code du travail585, les travailleurs
handicapés doivent pouvoir accéder aisément à leur poste de travail, ainsi qu’aux locaux
sanitaires et aux locaux de restauration.
La loi du 13 juillet 1991 a toutefois été critiquée en raison des carences qu’elle présente.
Par exemple, s’agissant de l’accès au lieu de travail, il est prévu l’aménagement de la voirie
routière afin d’en permettre l’accès aux personnes handicapées, mais cette mesure ne
s’applique pas aux voies privées non ouvertes à la circulation publique. Les artères situées à
l’intérieur de l’entreprise ne sont donc pas concernées586.
S’agissant de l’accès aux locaux, il faut tenir compte de la présence des travailleurs
handicapés selon les principes suivants587 :
- lorsqu’un bâtiment est prévu pour recevoir un effectif compris entre 20 et 200 personnes,
au moins un niveau doit être aménagé pour permettre de recevoir des travailleurs handicapés ;
- lorsqu’un bâtiment est prévu pour recevoir un effectif supérieur à 200 personnes, tous les
locaux d’usage général et susceptibles d’accueillir des personnes handicapées doivent être
aménagés pour permettre de recevoir des travailleurs handicapés.
Les dispositions adoptées pour les accès, portes, dégagements et ascenseurs, desservant les
postes de travail et les locaux annexes tels que les locaux sanitaires, locaux de restauration,
parcs de stationnement, doivent permettre l’accès et l’évacuation des personnes handicapées,
notamment celles circulant en fauteuil roulant.
Enfin, des dispenses à ces dispositions peuvent être accordées par le directeur départemental
du travail et de l’emploi, après avis de la commission consultative départementale de la
protection civile, de la sécurité et de l’accessibilité pour les établissements recevant du public.
584
Liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 44.
Cités par HOYEZ (K.), op. cit., note 18, p. 308.
586
KESSLER (F.) et MEHIER de MATHUISIEUX (S.), L’accessibilité : la prise en compte du handicap dans le code de la
construction et de l’habitation, RD sanit. soc. 1992, p. 188.
587
Article R 235-3-18, cité in Liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 44.
585
135
S’agissant plus particulièrement des installations sanitaires, l’article R 232-6 du Code
du travail dispose que « les personnes handicapées doivent pouvoir disposer d’installations
sanitaires appropriées ». Un arrêt rendu par la cour d’appel d’Aix-en-Provence rendu le 6
décembre 1994588 a apporté des précisions en la matière. La cour a considéré qu’il appartient
à celui qui emploie un salarié présentant un handicap physique lourd de s’assurer, avant de
décider de son installation dans de nouveaux locaux, qu’elle sera conforme aux normes
légales, et il ne peut s’exonérer de son obligation en invoquant une impossibilité matérielle
d’aménagement due à la configuration des lieux. Dès lors, le salarié qui refuse sa mutation
dans un établissement situé dans une autre ville, et refuse de travailler dans un local dépourvu
de sanitaires ne peut être licencié, le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, et
constitutif d’un abus de droit manifeste.
S’agissant de l’aménagement des postes de travail, l’article R 232-1-8 alinéa 2 du Code
de travail dispose que « les postes de travail [des travailleurs handicapés] ainsi que les
signaux de sécurité qui les concernent doivent être aménagés si leur handicap l’exige ». De
plus, selon l’article R 235-3-18 du même code, « l’aménagement des postes de travail doit
être réalisé, ou rendu ultérieurement possible ».
Ces formules vagues n’ont pas manqué d’être critiquées. En effet, elles laissent beaucoup
de place à des différends sur la nature des obligations de l’employeur589.
Les employeurs peuvent bénéficier de subventions de l’Etat pour l’adaptation des
machines ou des outillages, l’aménagement des postes de travail et les accès aux lieux de
travail590. Une circulaire du 5 février 1985591 cite comme exemples l’aménagement des
commandes de machines individuelles, la réduction des exigences de posture, la réduction du
bruit, l’acquisition d’un équipement supplémentaire nécessaire à l’exécution des tâches
notamment pour les mal-voyants, les déficients auditifs, les handicapés moteurs, les déficients
intellectuels, la mise en place d’une rampe d’accès pour les handicapés moteurs,
l’aménagement des ascenseurs et des sanitaires, etc. Mais le montant de l’aide financière
588
C.A. Aix-en-Provence, 6 décembre 1994, R.J.S. 3/95, n°350.
KESSLER (F.), Accessibilité des locaux, locaux de travail (Décr. N° 92-332 et n° 92-333, 31 mars 1992, J.O. 1er avril
1992, p. 4611 et 4614), RD sanit. soc. 1992, p. 730.
590
Article L 323-9 du Code du travail.
591
Circulaire n° 7/DE du 5 février 1985, citée in Liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 27.
589
136
accordée à ce titre ne peut dépasser 80% du coût de l’adaptation ou de l’aménagement
envisagé592. L’employeur doit adresser sa demande d’aide au préfet du département593.
Enfin, les entreprises peuvent éventuellement bénéficier d’aides attribuées par
l’A.GE.F.I.P.H., qui ne se substituent pas à celles de l’Etat, mais les complètent.
L’A.GE.F.I.P.H. finance des études (étude des moyens techniques et organisationnels à mettre
en oeuvre pour faciliter l’accès ou les déplacements des personnes handicapées sur les lieux
de travail) et des travaux (accès et adaptation du site, des espaces de travail, des locaux à
usage collectif aux différentes situations de handicap)594.
Sur ce point, une circulaire du 14 avril 1995 a précisé que l’A.GE.F.I.P.H. peut être
sollicitée pour l’aide au financement des travaux destinés à l’adaptation des locaux et des
postes de travail595.
SECTION 3 : la représentation et l’expression des travailleurs
handicapés.
Contrairement aux travailleurs handicapés embauchés en milieu ordinaire, en atelier
protégé ou en centre de distribution de travail à domicile, les travailleurs handicapés accueillis
en Centres d’Aide par le Travail ne bénéficient pas des dispositions du Code du travail
relatives aux institutions du personnel. En revanche, l’adhésion à un syndicat ou l’exercice du
droit de grève sont envisageables pour les travailleurs handicapés accueillis en C.A.T.
§1 En milieu ordinaire, en atelier protégé et en
centre de distribution de travail à domicile.
Le législateur a confié au comité d’entreprise, aux délégués du personnel et au Comité
d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail, des attributions particulières à l’égard
des travailleurs handicapés. Mais ils ont également vocation à intervenir en leur faveur grâce à
leurs attributions générales.
592
Article R 323-117 du Code du travail, cité in Liaisons sociales quotidien, ibid.
Ibid.
594
Liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 29 et 30.
595
Citée par HOYEZ (K.), op. cit., note 18.
593
137
Ces institutions sont mises en place dans les ateliers protégés sur le fondement de l’article
L 323-32 du Code du travail.
Les travailleurs handicapés sont évidemment électeurs et éligibles pour la mise en place de
ces institutions au même titre que les travailleurs valides.
A- La participation aux élections des représentants du personnel.
Les travailleurs handicapés embauchés en milieu ordinaire, en atelier protégé et en centre
de distribution de travail à domicile sont électeurs et éligibles pour la mise en place des
délégués du personnel et du comité d’entreprise596, sous réserve de remplir les conditions
prévues aux articles L 423-7 et L 433-5 du Code du travail.
La Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler qu’ils sont électeurs dans un arrêt rendu le
17 décembre 1984597. En effet, la chambre sociale a considéré que « les travailleurs
handicapés employés dans des entreprises, des ateliers protégés ou des centres de distribution
de travail à domicile, qui sont pris en compte intégralement dans l’effectif de l’entreprise,
participent aux élections des délégués du personnel et des représentants du personnel au
comité d’entreprise. ».
Ces travailleurs sont également éligibles, mais au regard de la jurisprudence598 excluant de
l’éligibilité certains salariés jugés inaptes à exercer les fonctions électives, il n’est pas
impossible que les tribunaux excluent de l’éligibilité des salariés dont le handicap leur paraît
gêner l’exercice des fonctions599. Ce pourrait être le cas, par exemple, pour un travailleur
handicapé dont les facultés mentales sont altérées.
A l’égard des travailleurs handicapés devenus délégués, l’employeur ne doit commettre
aucun acte empêchant l’exercice de leur fonction. C’est ce qu’a jugé la Cour de cassation dans
un arrêt rendu le 13 novembre 1984600. En l’espèce, la chambre criminelle a reconnu
l’employeur coupable du délit d’entrave, car il avait décidé de tenir la réunion du comité
d’entreprise non pas au rez-de-chaussée comme à l’ordinaire, mais au premier étage,
596
L’article L 323-32 qui prévoit la soumission des ateliers protégés et centres de distribution de travail à domicile le
mentionne d’ailleurs expressément : « l’organisme gestionnaire de l’atelier protégé ou du centre de distribution de travail à
domicile est considéré comme employeur et le travailleur handicapé comme salarié pour l’application des dispositions
législatives, réglementaires et contractuelles en vigueur, notamment en ce qui concerne la représentation des travailleurs
(...) ».
597
Cass. soc. 14 décembre 1984, Juri-social 1985, S.J. 60, cité par CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 265.
598
Cass. Soc. 9 janvier 1985, Bull. civ. V, n° 16, s’agissant d’un salarié dont le contrat était suspendu depuis plusieurs mois,
cité par CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 267.
599
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 265.
600
Cass. crim. 13 novembre 1984, Juri-social 1985, S.J. 25, cité par CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 265.
138
uniquement accessible par un escalier. Un représentant syndical affecté d’un handicap
physique s’était en conséquence trouvé dans l’impossibilité d’assister à la réunion. Cet arrêt
met donc à la charge de l’employeur une obligation négative : ne rien faire qui gênerait un
délégué affecté d’un handicap. Mais l’employeur n’est-il pas tenu d’une obligation positive, à
savoir mettre à la disposition des délégués handicapés les moyens matériels nécessaires à
l’exercice de leur mission, dans les mêmes conditions qu’un travailleur handicapé valide ? Si
tel est le cas, l’employeur pourrait par exemple être tenu de procurer un accompagnateur à un
délégué aveugle, lors de ses déplacements dans l’entreprise ou à l’extérieur601.
Il faut toutefois préciser que la question du droit de vote et de l’éligibilité ne se pose pas
dans les mêmes termes s’agissant des travailleurs handicapés mentaux.
Si la question ne soulève guère de difficulté pour le majeur non soumis à un régime civil
de protection, ou placé sous sauvegarde de justice ou sous curatelle602, tel n’est pas le cas pour
un travailleur handicapé placé sous tutelle. On retrouve ici les lacunes du droit des incapacités
s’agissant des actes liés à la personne603. La solution n’est pas évidente et n’est pas donnée
par le droit positif. Certains auteurs considèrent qu’il y a lieu de leur appliquer les articles L 5
et L 44 du Code électoral qui frappent les personnes sous tutelle d’une incapacité électorale et
d’une inéligibilité. Et l’on sait que le tuteur n’a pas le droit de représenter le majeur sur ce
point. D’autres en revanche considèrent que à partir du moment où l’on possède la qualité de
salarié, les droits qui y sont attachés en découlent, parce qu’ils sont liés à la personne du
travailleur604. En fait, il paraît difficile d’envisager d’accorder le droit de vote aux personnes
placées sous un régime de tutelle et de les reconnaître éligibles, car il s’agit de personnes
influençables et qui ne sont pas à même d’exercer correctement un mandat.
B- Les attributions des institutions représentatives du personnel.
1- Le rôle du comité d’entreprise.
601
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 265.
Voir supra, page 92.
603
On sait en effet que les textes se consacrent avant tout à la protection des intérêts patrimoniaux de l’incapable et ne se
réfèrent que de manière discrète à la protection de la personne (mariage,...). Voir par exemple OPPELT-REVENEAU (M.E.), La protection de la personne de l’incapable majeur, Petites affiches 4 novembre 1999, p. 4.
604
Hauser (J.), incapacité juridique et emploi, Dr. soc. 1991, p. 553.
602
139
L’institution d’un comité d’entreprise est obligatoire dans les entreprises, les ateliers
protégés et les centres de distribution de travail à domicile embauchant au moins cinquante
salariés605. Le mode de calcul du seuil d’effectif est précisé par l’article L 431-2 du Code du
travail606.
Le comité d’entreprise a pour objet « d’assurer une expression collective des salariés,
permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la
gestion et à l’évolution économique et financière de l’entreprise, à l’organisation du travail, à
la formation professionnelle et aux techniques de production607 ».
Ses attributions sont précisées par les articles L 432-1 à L 432-10 du Code du travail.
S’agissant des travailleurs handicapés, l’article L 432-3 alinéa 5608 dispose que « le comité
d’entreprise, en liaison avec le C.H.S.C.T., est consulté sur les mesures prises – conditions de
leur accueil, période d’essai et aménagement des postes de travail – en vue de faciliter la mise
ou la remise au travail des (...) travailleurs handicapés, notamment sur celles qui sont relatives
à [l’obligation d’emploi] ». Mais dans un arrêt rendu le 26 mai 1981609, la Cour de cassation a
précisé que si le comité d’entreprise doit être consulté sur les problèmes généraux relatifs à
l’emploi des travailleurs handicapés, l’employeur n’est cependant pas obligé de le consulter
sur chaque cas individuel.
L’article L 432-3 alinéa 5 poursuit en précisant que le comité est consulté sur les
mesures qui interviennent au titre de l’aide financière attribuée par l’Etat610 notamment pour
l’adaptation des machines, l’aménagement des postes de travail, les accès aux lieux de travail,
ou la compensation des charges supplémentaires d’encadrement, ou dans le cadre d’un contrat
de sous-traitance et d’embauche progressive de travailleurs handicapés conclu avec un
établissement de travail protégé.
En outre, il résulte de l’article L 432-4-1611 du Code du travail que le comité d’entreprise
doit pouvoir prendre connaissance des contrats passés avec les établissements de travail
protégé lorsque ceux-ci prévoient la formation et l’embauche des travailleurs handicapés dans
l’entreprise. Il en est de même pour les contrats de mise à disposition des travailleurs
605
Article L 431-1 du Code du travail.
Voir supra, page 50.
607
Article L 431-4 du Code du travail, cité par CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 266.
608
Cité in liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 49.
609
Cass. soc. 26 mai 1981, Bull. civ. V, n° 466, cité par CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 267.
610
Article L 323-9 du Code du travail.
611
Cité in liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 50.
606
140
handicapés employés en atelier protégé612. De plus, au terme de l’article L 432-4-2613 du Code
du travail, l’employeur est tenu de remettre un rapport annuel au comité d’entreprise, dans les
entreprises de moins de trois cents salariés. Ce rapport doit notamment faire état des actions
menées dans l’entreprise en faveur de l’emploi des travailleurs handicapés. Le comité
d’entreprise reçoit également communication de la déclaration annuelle614.
En l’absence de comité d’entreprise, il résulte de l’article L 422-5 du Code du travail que
ces attributions sont dévolues aux délégués du personnel.
Enfin, l’article L 434-7615 prévoit que dans les entreprises de plus de deux cents salariés, le
comité d’entreprise doit constituer une commission, chargée de préparer ses délibérations
lorsqu’il est consulté au titre de l’article L 432-3 précité. Cette commission étudiera donc les
problèmes concernant les travailleurs handicapés, et fera des propositions au comité.
2- Le rôle des délégués du personnel.
Les délégués du personnel sont obligatoires dans les entreprises, les ateliers protégés et les
centres de distribution de travail à domicile d’au moins onze salariés616.
Ils ont pour mission essentielle de présenter aux employeurs les réclamations individuelles
ou collectives relatives aux salaires, à l’application du Code du travail et des autres lois et
règlements concernant la protection sociale, l’hygiène et la sécurité, ainsi que des conventions
et accords collectifs de travail applicables dans l’entreprise617. Ils ont donc vocation à
présenter les réclamations émanant des travailleurs handicapés et à faire respecter leurs
droits618.
Par ailleurs, l’article L 421-1-1 du Code du travail leur confère un droit d’alerte. En effet,
si un délégué du personnel constate directement, ou par l’intermédiaire d’un salarié, une
atteinte aux droits des personnes ou aux libertés individuelles dans l’entreprise ou dans
612
Article D 323-25-3 alinéa 4, cité in liaisons sociales quotidien, ibid.
Cité in liaisons sociales quotidien, ibid.
614
Article R 323-10 du Code de travail, cité in liaisons sociales quotidien, ibid.
Voir supra, page 62.
615
Cité par CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 267.
616
Article L 421-1 du Code du travail.
617
Article L 422-1 du Code du travail.
618
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 268.
613
141
l’atelier protégé, ni justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but
recherché, il en informe immédiatement l’employeur. Celui-ci est tenu de procéder sans délai
à une enquête avec le délégué et de prendre les dispositions nécessaires pour remédier à la
situation. En cas de carence de l’employeur ou de divergence sur la réalité de cette atteinte, et
à défaut de solution trouvée avec l’employeur, le salarié ou le délégué, si le salarié concerné
averti par écrit ne s’y oppose pas, saisit le conseil des prud’hommes qui statuera en référé.
Le législateur a récemment étendu le droit d’alerte à de nouvelles hypothèses.
Tout d’abord, avec la loi du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les
discriminations619, les délégués du personnel voient leur droit d’alerte étendu aux mesures
discriminatoires. En effet, l’article L 421-1-1 est ainsi complété620 : « cette atteinte aux droits
des personnes peut notamment résulter de toute mesure discriminatoire en matière
d’embauche, de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de classification,
de qualification, de promotion professionnelle, de mutation, de renouvellement de contrat, de
sanction ou de licenciement ». Les délégués du personnel ont donc vocation à intervenir s’ils
constatent qu’un travailleur handicapé fait l’objet d’une mesure discriminatoire.
De plus, il résulte de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002621 l’insertion dans
l’article L 421-1-1 précité de l’expression « à leur santé physique et mentale » après le mot
« personnes ». Les délégués ont donc également vocation à intervenir dans l’hypothèse d’un
harcèlement moral ou sexuel622.
3- Le rôle du C.H.S.C.T.
La constitution d’un comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, est
obligatoire dans les établissements occupant au moins cinquante salariés623. Dans les
établissements de moins de cinquante salariés, ses missions incombent aux délégués du
personnel624.
Il a pour mission625 de veiller à l’observation des prescriptions législatives ou
réglementaires en matière d’hygiène et de sécurité, et donne des avis au chef d’établissement
sur les mesures à prendre pour améliorer la sécurité et les conditions de travail. Le chef
619
Loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations, J.O. 17 novembre 2001, p. 18311.
Article 2 II de la loi du 16 novembre 2001, ibid.
621
Article 176 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 dite loi de modernisation sociale, J.O. 18 janvier 2002, p. 1008.
622
Liaisons sociales quotidien, n° spécial, Discriminations, libertés individuelles et harcèlement, juillet 2002, p. 91 et 92.
623
Article L 236-1 du Code du travail.
624
Article L 236-1 du Code du travail.
620
142
d’établissement doit le consulter avant toute décision d’aménagement important modifiant les
conditions d’hygiène et de sécurité ou les conditions de travail, et notamment avant toute
transformation importante des postes de travail découlant de l’organisation du travail, avant
toute modification des cadences et des normes de productivité, liées ou non à la rémunération
du travail. Comme le fait remarquer Madame Cros-Courtial626, de telles décisions concernent
en tout premier lieu les travailleurs handicapés.
De plus, le comité est consulté sur les mesures prises en vue de faciliter la mise, la remise
ou le maintien au travail des personnes handicapés, notamment sur l’aménagement des postes
de travail627.
A l’instar des délégués du personnel, les membres du C.H.S.C.T. disposent d’un droit
d’alerte, prévu par l’article L 231-9 du Code du travail. Lorsqu’un membre constate
directement ou par l’intermédiaire d’un salarié ayant exercé son droit de retrait, l’existence
d’une cause de danger grave et imminent, il en avise immédiatement l’employeur. Celui-ci est
tenu de procéder sur le champ à une enquête avec le membre du C.H.S.C.T. qui lui a signalé
le danger, et de prendre les dispositions nécessaires pour y remédier. En cas de divergence le
comité est réuni et l’employeur est tenu d’informer l’inspecteur du travail et l’agent du service
de prévention de la C.R.A.M. En cas de désaccord entre l’employeur et la majorité du comité,
l’inspecteur du travail est saisi par l’employeur. L’inspecteur peut saisir le directeur
départemental du travail qui mettra éventuellement le chef d’entreprise en demeure de prendre
les mesures propres à faire cesser la situation dangereuse ; ou saisir en référé le président du
Tribunal de Grande Instance.
Les membres du C.H.S.C.T. ont donc vocation à exercer leur droit d’alerte pour protéger
les travailleurs handicapés. Par exemple, constituerait une cause de danger grave et imminent
pour un travailleur handicapé en fauteuil roulant un dispositif d’arrêt d’urgence de la machine
installé en hauteur.
C- Adhésion à un syndicat et droit de grève.
Comme les salariés valides, les salariés handicapés sont libres d’adhérer au syndicat de
leur choix.
625
Article L 236-2 du Code du travail.
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 268.
627
Article L 236-2 alinéa 10, cité in Liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 50.
626
143
En revanche, la constitution d’un syndicat de travailleurs handicapés est exclue par l’article
L 411-2 du Code du travail. En effet, cet article dispose que « les syndicats de personnes
exerçant la même profession, des métiers similaires ou des métiers connexes (...) peuvent se
constituer librement ». Seul le regroupement des travailleurs handicapés au sein d’une même
profession s’avère donc possible, mais cette faculté n’est pas exploitée628.
Mais on remarque l’existence d’associations « loi 1901 », auxquelles l’article L 323-8-7 du
Code du travail reconnaît le droit d’agir en justice en cas d’inobservation des dispositions du
Code du travail relatives aux travailleurs handicapés, à condition que cette inobservation porte
un préjudice certain à l’intérêt collectif qu’elles représentent629.
S’agissant du droit de grève, la jurisprudence a été amenée à préciser sa définition. Comme
l’exprime Madame Cros-Courtial, cette définition conduit à s’interroger sur la licéité de
certaines actions auxquelles pourraient recourir les travailleurs handicapés630.
La Cour de cassation définit la grève comme « un arrêt collectif et concerté du travail, en
vue d’appuyer des revendications professionnelles631 ».
On peut tout d’abord se demander, dans le cas où l’entreprise n’emploierait qu’un seul
travailleur handicapé, si celui-ci peut cesser le travail afin d’obtenir une amélioration de ses
propres conditions de travail. Il n’existe pas à notre connaissance de jurisprudence sur ce
point. Certes, la grève implique une cessation collective du travail, mais juger le mouvement
illicite, ne serait-ce pas réduire considérablement la portée du droit de grève du travailleur
handicapé ?
Par ailleurs, des travailleurs handicapés embauchés en entreprise peuvent-ils faire grève
pour obtenir de l’employeur l’application de la législation relative aux travailleurs
handicapés ? Madame Cros-Courtial distingue deux hypothèses. Il semble que la réponse
devrait être positive si les revendications invoquées les concernent personnellement, comme
par exemple, réclamer le respect du taux d’abattement de salaire fixé par la COTOREP, car la
Cour de cassation admet que les salariés fassent grève pour obtenir de l’employeur qu’il
respecte ses obligations contractuelles et légales à leur égard632. En revanche, le mouvement
serait certainement jugé illicite s’il visait au respect par l’employeur de son obligation légale
628
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 261.
Liaisons sociales quotidien, op. cit., note 98, p. 25.
630
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 263.
631
Cass. soc. 13 novembre 1993, R.J.S. 1/94, n° 72 ; Cass. soc. 18 juin 1996, D. 1998, Somm. 258, note LYON-CAEN (G.),
cités par PELISSIER (J.) et al., op. cit., note 438, p. 1129.
632
Cass. soc. 14 mars 1979, D. 1979, I.R., 423, cité in PELISSIER (J.) et al., op. cit., note 438, p. 1129 ; Cass. soc. 11
décembre 1985, Juri-social 1986 F. 6, cité in CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 264.
629
144
d’embaucher un certain pourcentage de travailleurs handicapés, car il s’agirait d’une grève de
solidarité à l’égard d’une catégorie sociale, dont la Cour de cassation n’admet la légitimité
que se les revendications intéressent directement les conditions de travail du personnel633.
La situation des travailleurs handicapés accueillis en C.A.T. s’avère différente, dans la
mesure où ils ne sont pas soumis aux dispositions du Code du travail.
§2 En Centre d’Aide par le Travail.
A- La représentation des travailleurs.
Les travailleurs handicapés accueillis en Centre d’Aide par le Travail ne bénéficient pas
des dispositions du Code du travail relatives aux institutions représentatives du personnel. Les
seules institutions représentatives existantes concernent les salariés de la personne morale
gérant le C.A.T. (le personnel d’encadrement), et les travailleurs handicapés orientés par la
COTOREP ne peuvent pas participer aux élections.
C’est ce qu’a affirmé la jurisprudence à plusieurs reprises. Ainsi, dans un arrêt rendu le 21
juillet 1982634, la Cour de cassation a jugé que les handicapés accueillis en C.A.T. « sont
soumis à un statut qui leur est propre, le décret n° 77-1546 du 31 décembre 1977 n’ayant
expressément prévu l’application à leur cas des dispositions du Code du travail qu’en ce qui
concerne les conditions d’hygiène et de sécurité et la médecine du travail ». Elle en a déduit
que les travailleurs handicapés ne pouvaient pas participer aux élections du comité
d’entreprise de l’association gérant le C.A.T. Cette solution fut confirmée dans un arrêt rendu
le 17 décembre 1984635. En l’espèce, la chambre sociale a considéré que contrairement aux
travailleurs embauchés en entreprise, en atelier protégé ou en centre de distribution de travail
à domicile, les travailleurs handicapés accueillis en C.A.T. ne peuvent pas participer à
l’élection des délégués du personnel et des membres du comité d’entreprise. Par conséquent,
633
Crim. 12 janvier 1971, Dr. soc. 1971, 547, note SAVATIER (J.), cité in PELISSIER et al., op. cit., note 438, p. 1130.
Sur la grève de solidarité, voir PELISSIER et al., op. cit., note 438, p. 1130 et 1131.
634
Cass. soc. 21 juillet 1982, Bull. civ. V, n° 495.
635
Cass. soc. 17 décembre 1984, Bull. civ. V, n° 495.
145
devait être cassé le jugement énonçant qu’ils sont titulaires d’un contrat de travail et que leur
éventuelle incapacité électorale ne peut résulter que des articles L 5 et L 6 du Code
électoral636.
Il n’existe donc pas dans les C.A.T. de représentants des travailleurs handicapés au sens où
l’entend le droit du travail. Mais le législateur a mis en place un autre système de
représentation, avec l’institution des conseils d’établissements, devenus conseils de la vie
sociale avec la loi du 2 janvier 2002637. Ces conseils sont envisagés par l’article L 311-6
nouveau du Code de l’action sociale et des familles, qui précise qu’ils ont pour but d’associer
les usagers, les familles et les personnels au fonctionnement de l’établissement, et ils sont
régis par le décret n° 91-1415 du 31 décembre 1991638.
Il résulte de ce décret que la personne morale gérant le C.A.T. fixe le nombre et la
répartition des membres du conseil d'établissement, lequel comprend au moins neuf et au plus
dix-sept membres représentant : les usagers de l'établissement ; les familles ; les personnels ;
l'organisme gestionnaire.
Le nombre des représentants des usagers et de leur famille doit être supérieur à la moitié du
nombre total des membres du conseil d'établissement.
Le directeur de l'établissement ou son représentant participe aux réunions avec voix
consultative.
En outre, le conseil d'établissement peut appeler toute personne à participer à ses travaux, à
titre consultatif et en fonction de l'ordre du jour, notamment les personnes bénévoles
intervenant dans l'établissement, ou les représentants d'organismes ou d'associations
concernés par les activités de l'établissement.
Les représentants des usagers et ceux des familles sont élus respectivement par les usagers
et les familles au scrutin secret selon les modalités fixées par le règlement de l'établissement.
Il résulte du décret du 31 décembre 1991 que la représentation des personnes handicapées
mentales est plus souple que celui du 17 mars 1978639. En effet, le décret de 1991 mentionne
seulement que les représentants légaux peuvent être candidats, alors que celui de 1978
imposait obligatoirement leur représentation640.
636
Ces articles frappent les majeurs sous tutelle d’une incapacité électorale.
Article 10 de la loi du 2 janvier 2002 précitée, note 621.
638
Décret n° 91-1415 du 31 décembre 1991, J.O. 7 janvier 1992, p. 340.
639
Décret n° 78-377 du 17 mars 1978, abrogé par le décret du 31 décembre 1991 précité.
640
LHUILLIER (J.-M.), Le conseil d’établissement : de la démocratie au quotidien dans les établissements sociaux et
médico-sociaux décret du 31 décembre 1991, RD sanit. soc. 1992, p. 321.
637
146
Les représentants du personnel sont élus par le personnel salarié du C.A.T., ou dans le cas
des établissements occupant plus de onze salariés, par les membres du comité d’entreprise ou
les délégués du personnel.
Le ou les représentants de la personne publique ou privée gestionnaire de l'établissement
sont désignés par leur organe délibérant.
Le mandat des membres élus ou désignés a une durée de trois ans. Il est renouvelable.
Le président du conseil d'établissement est élu au scrutin secret parmi les membres de ce
conseil.
Si cette solution paraît appropriée aux établissements sociaux et médico-sociaux tels que
ceux accueillant des personnes âgées, ce n’est pas le cas pour les C.A.T., car le poids du
conseil d’établissement est faible, s’agissant de formuler les revendications individuelles ou
collectives, ou de veiller à ce que les droits des personnes handicapées soient respectées. En
effet, ses attributions s’avèrent restreintes. Elles sont définies par l’article 2 du décret du 31
décembre 1991.
Au terme de cet article, le conseil d'établissement donne son avis et peut faire des
propositions sur toute question intéressant le fonctionnement de l'établissement, et notamment
sur:
- le règlement intérieur641 relatif au fonctionnement de l'établissement;
- l'organisation intérieure et la vie quotidienne de l'établissement;
- les activités de l'établissement, l'animation socio-culturelle et les services thérapeutiques;
- les mesures autres que celles définies au présent décret tendant à associer au
fonctionnement de l'établissement les usagers, les familles et les personnels;
- l'ensemble des projets de travaux et d'équipement;
- la nature et le prix des services rendus par l'établissement;
- l'affectation des locaux collectifs;
- l'entretien des locaux;
- la fermeture totale ou partielle de l'établissement;
- les relogements prévus en cas de travaux ou de fermeture.
- Le conseil d’établissement doit être informé de la suite donnée aux avis et aux
propositions qu’il a pu émettre.
641
Il est ici fait référence au règlement de fonctionnement et non au règlement intérieur applicable aux salariés de
l’association. Voir supra, page 119.
147
Enfin, l’article 12 du décret précise qu’il doit se réunir deux fois par an, sur convocation de
son président642.
Cette institution n’a donc rien à voir avec celle des délégués du personnel, car bien qu’elles
aient pour vocation commune de formuler les revendications individuelles et collectives des
travailleurs643, on ne trouve aucune disposition équivalent au droit d’alerte. Par ailleurs, la
fréquence des réunions est beaucoup moins importante : les membres du comité
d’établissement se réunissent généralement deux fois par an, alors que les délégués du
personnel peuvent se réunir quinze heures par mois dans les entreprises de plus de cinquante
salariés ; dix heures dans les autres644.
Dans l’hypothèse d’un harcèlement moral ou sexuel, ou encore si le travailleur fait l’objet
d’une mesure discriminatoire, les travailleurs handicapés accueillis en C.A.T. n’ont donc pas
la possibilité d’être soutenus par un « délégué du personnel », d’une part parce qu’il n’est pas
certain qu’un travailleur handicapé ait été élu, d’autre part parce que quand bien même ce
serait le cas, il n’existe aucune disposition légale leur attribuant un droit d’alerte. Pourtant, il
paraît plus facile de pouvoir se référer à un délégué, plutôt que de devoir en référer
directement au directeur du C.A.T. Les travailleurs handicapés accueillis en C.A.T. sont alors
seuls pour se défendre, et on peut craindre qu’ils hésitent à dénoncer de telles pratiques. On
peut toutefois penser que si un travailleur handicapé était par exemple victime de
harcèlement, les éducateurs le remarqueraient et feraient cesser l’atteinte. On peut peut-être
également compter sur la relation de confiance qui peut s’établir entre un travailleur
handicapé et un membre du personnel d’encadrement. La situation paraît toutefois plus
délicate si le harcèlement est exercé par un membre du personnel d’encadrement : le
travailleur osera-t-il se confier ? Un éducateur prendra-t-il le risque de dénoncer un collègue ?
Sur ce point, la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale est venue
apporter quelques précisions. En effet, elle prévoit645 l’insertion d’un article L 313-24 dans le
Code de l’action sociale et des familles, ainsi rédigé : « dans les établissements et les services
mentionnés à l’article L 312-1646, le fait qu’un salarié ou un agent ait témoigné de mauvais
traitements ou privations infligés à une personne accueillie, ou relaté de tels agissements, ne
642
Le comité d’établissement peut également être réuni de plein droit à la demande, selon le cas, des deux tiers des membres
qui le composent, ou de la personne publique ou privée gestionnaire de l'établissement, article 12 du décret n° 91-1415 du 31
décembre 1991, J.O. 7 janvier 1992, p. 340.
643
Parmi les revendications formulées, on peut citer l’acquisition d’un nouveau camion benne, la perception d’un treizième
mois de salaire, ou encore l’amélioration des repas.
644
Article L 424-1 du Code du travail.
645
Article 48 de la loi du 2 janvier 2002 précitée note 621.
646
Les Centres d’Aide par le Travail en font partie, voir l’article 15 de la loi du 2 janvier 2002 précitée note 621.
148
peut être pris en considération pour décider de mesures défavorables le concernant en matière
d’embauche, de rémunération, de formation, d’affectation, de qualification, de classification,
de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement du contrat de travail, ou pour
décider la résiliation du contrat de travail ou une sanction disciplinaire. En cas de
licenciement, le juge peut prononcer la réintégration du salarié concerné si celui-ci le
demande. ».
Enfin, dans le but d’améliorer la protection des droits des personnes accueillies, la loi du 2
janvier 2002 prévoit l’institution d’un médiateur647. En effet, l’article L 311-5 nouveau du
Code de l’action sociale et des familles dispose que « toute personne prise en charge par un
établissement ou un service social ou médico-social ou son représentant légal peut faire appel,
en vue de l’aider à faire valoir ses droits, à une personne qualifiée qu’elle choisit sur une liste
établie conjointement par le [préfet du département] et le président du conseil général (...). La
personne qualifiée rend compte de ses interventions aux autorités chargées du contrôle des
établissements ou services concernés, à l’intéressé ou à son représentant légal dans des
conditions fixées par décret en Conseil d’Etat. ». Mais pour que cette disposition s’avère
effective, il faudra s’assurer que les intéressés aient connaissance de la possibilité d’avoir
recours à un médiateur, et qu’ils sachent à qui s’adresser.
Les auteurs ont parfois écrit qu’il serait souhaitable d’étendre les dispositions relatives aux
institutions du personnel aux travailleurs handicapés accueillis en C.A.T., surtout en ce qui
concerne l’institution des délégués du personnel648. Cette solution serait en effet pleinement
justifiée, car elle viendrait renforcer la protection des droits des travailleurs handicapés, et
permettrait de prévenir les risques de harcèlement ou de discriminations. Si de tels
comportements paraissent peu concevables, il y a cependant lieu de prévenir leur apparition, à
l’instar de ce que nous avions pu dire au sujet des sanctions disciplinaires649. Par ailleurs, les
travailleurs handicapés accueillis en C.A.T. sont souvent représentés par leur famille ou leur
représentant légal, il paraît pourtant légitime de leur étendre le droit à l’expression directe sur
l’organisation du travail, les conditions du travail ou encore la discipline650.
On a parfois objecté que cette solution serait difficile à mettre en oeuvre dans les Centres
d’Aide par le Travail, où les travailleurs accueillis sont en grande partie des déficients
647
Article 9 de la loi du 2 janvier 2002, précitée note 621.
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 355.
649
Voir supra, page 124.
650
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 355.
648
149
mentaux. En effet, sont à craindre des demandes et des plaintes anarchiques, et se posent les
problèmes de l’éligibilité et du droit de vote. Mais il faut préciser que les personnes souffrant
d’un handicap mental lourd ne sont pas majoritaires dans les C.A.T., ne serait-ce que parce
que comme nous l’avons vu, les COTOREP y orientent parfois des personnes par défaut. Par
ailleurs, Monsieur Terrasse, dans son rapport rendu public en 2000651, relevait que la
proportion de malades mentaux dans les C.A.T. était de l’ordre de 12,2%.
B-Adhésion à un syndicat et droit de grève.
Dans la mesure où les travailleurs handicapés ne bénéficient pas des dispositions du Code
du travail, ils ont seulement la possibilité d’invoquer les principes fondamentaux de notre
Constitution de 1958 et son Préambule de 1946652.
L’article 6 du Préambule affirme que « tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts
par l’action syndicale et adhérer au syndicat de son choix. ». L’emploi du terme « homme » et
non pas de celui de « salarié » permet d’étendre aux travailleurs handicapés accueillis en
C.A.T. le principe de la liberté syndicale.
Il en est de même pour le droit de grève, puisque le Préambule reconnaît ce droit à tout
citoyen, et non à tout salarié. Dans ce cas, il semble que les conditions posées par la Cour de
cassation pour admettre la légitimité de la grève doivent s’appliquer, car ces conditions ne
résultent pas de l’interprétation des dispositions du Code du travail, mais sont fondées sur le
principe général de l’abus de droit ou sur l’idée d’inexécution des obligations
contractuelles653.
651
TERRASSE (P.), La réforme de la loi n° 75-535 relative aux institutions sociales et médico-sociales, rapport
d’information, n° 2249, A.N., 15 mars 2000.
652
CROS-COURTIAL (M.-L.), op. cit., note 10, p. 348.
653
CROS-COURTIAL (M.-L.), ibid.
150
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE :
On voit donc que le statut des travailleurs handicapés mériterait d’être amélioré sur
plusieurs points. S’agissant des travailleurs handicapés soumis au droit commun du travail,
plusieurs modifications de leur statut devraient être envisagées par le législateur. Ces
discriminations positives seraient justifiées par la situation particulière dans laquelle se
trouvent les travailleurs handicapés par rapport aux salariés valides. Ces aménagements du
droit commun consisteraient à unifier la jurisprudence et à prévoir une protection particulière
en matière de sanctions, de licenciement, ainsi que des dispositions plus favorables s’agissant
de la durée du travail et de la rupture du contrat pendant la période d’essai.
Par ailleurs, il paraît nécessaire de mettre en place un statut de la personne handicapée
accueillie en C.A.T. Nous l’avons vu, leur statut actuel s’avère incomplet et insuffisamment
protecteur, notamment en matière de sanctions disciplinaires, et de représentation collective.
Il serait opportun de le compléter pas nécessairement par référence systématique à la
législation du travail, qui n’est pas toujours adaptée à cette catégorie de travailleurs et à ce
type d’établissements, mais par l’instauration de règles prenant en compte le double rôle
d’ « employeur » et d’assistance aux handicapés, qui caractérise les C.A.T654.
654
DAGORNE-LABBE (Y.), note sous Cass. 2e civ. 5 octobre 1994, D. 1995, p. 301.
151
152
CONCLUSION
On voit donc que l’objectif d’intégration professionnelle des personnes handicapées n’est
qu’imparfaitement atteint. Nous l’avons montré, le milieu protégé est aujourd’hui victime de
son succès, et les perspectives d’accès au milieu ordinaire sont très limitées. Or, pour
reprendre l’expression du doyen Boyer655, « de beaux et bons sentiments ne sauraient suffire
pour édifier le droit ».
Nous avons également pu constater, s’agissant du statut des travailleurs handicapés, que
d’autres discriminations positives pourraient être édictées par le législateur, afin de tenir
compte de leurs difficultés, et que le statut des travailleurs accueillis en C.A.T. mériterait
d’être complété.
Cette étude met en évidence le fait que les dispositions concernant le statut des travailleurs
handicapés sont éclatées dans différents codes (Code du travail, Code de l’action sociale et
des familles). On peut se demander s’il ne serait pas souhaitable d’envisager le regroupement
de toutes les dispositions les concernant dans un seul et même code, ce qui permettrait de
consacrer l’idée selon laquelle les personnes handicapées ont droit à l’intégration
professionnelle.
Au delà de la recherche d’une plus grande cohérence des textes s’agissant du statut des
travailleurs handicapés, on pourrait peut-être attendre du législateur un statut de la personne
handicapée. Pour certains auteurs656, cela serait de nature à faciliter l’information des
personnes handicapées, et cela aurait une portée symbolique en exprimant la reconnaissance
par la société des plus faibles de ses membres, et en consacrant l’idée que les personnes
handicapées ont leur place dans la société.
Mais on peut également se demander si une catégorisation des personnes handicapées ne
serait pas au contraire génératrice d’exclusions, et attentatoire à la dignité de ces personnes.
Ce qui compte davantage, c’est que les déclarations de principe du législateur soient suivies
d’effets, et ce n’est qu’à cette condition que le principe d’égalité de traitement et celui de
sauvegarde de la dignité de la personne seront respectés.
655
Cité par LATTES (J.-M.), Handicap et insertion professionnelle, in Mélanges Boyer, Presses de l’université des sciences
sociales de Toulouse, 1996, p. 347.
656
OPPELT-REVENEAU (M.-E.), La protection de la personne de l’incapable majeur, Petites affiches 4 novembre 1999, p.
4.
153
154
TABLE DES MATIERES
Introduction………………………………………………………………. …...1
1re partie : l’accès des handicapés à l’emploi………………………………..13
Titre 1er : la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé et l’orientation de la
personne…………………………………………………………………...…………………15
Chap I : Les COTOREP, clefs de voûte du dispositif d’insertion professionnelle………..….16
Section 1 : l’organisation et le fonctionnement des COTOREP……………..……………….17
§1 Le secrétariat et l’équipe technique…………………………………………………….…17
A- Le secrétariat……………………………………………………………………………....17
B- L’équipe technique………………………………………………………………..……….18
§2 L’examen de la demande par la commission unifiée……………………..……………….20
A- Les membres appelés à siéger au sein de la commission………………………….……...20
B- La décision de la commission unifiée……………………………………………….…….22
1. La reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé…………………….………22
2. L’orientation de la personne handicapée…………………………………….……….24
Section 2 : Les règles procédurales………………………………………………..………….26
§1 La saisine de la COTOREP et la demande………………………………………….…….26
A- La saisine……………………………………………………………………….…………26
1. Les personnes habilitées…………………………………………………………..…..26
2. La compétence territoriale et la compétence d’attribution………………..…………..27
B- Le formalisme de la demande……………………………………………………….…….27
§2 Décision et voies de recours……………………………………………………….………28
A- Formalisme et portée de la décision de la COTOREP………………………………...…..28
1. Formalisme……………………………………………………………………..……..28
2. Portée………………………………………………………………………………....29
B- Les voies de recours………………………………………………………………..……...30
Chap II : une institution affectée par de graves dysfonctionnements…………………..…….32
Section 1 : les difficultés du secrétariat et de l’équipe technique………………………….....33
§1 Les mauvaises conditions d’accueil et d’information des personnes……………..………33
A- Les causes………………………………………………………………………..………..33
B- Les remèdes…………………………………………………………………………….…35
§2 La mauvaise qualité de l’instruction……………………………………………………....36
155
Section 2 : les difficultés de la commission au stade de la décision définitive…………….....37
§1 Le caractère exceptionnel des convocations………………………………………….…...38
§2 Le caractère formel des délibérations……………………………………………….…….38
§3 Des décisions inadéquates………………………………………………………………....39
Titre 2nd : l’évaluation du dispositif d’accès à l’emploi……………………..…………….43
Chap I : une obligation d’emploi vidée de sa substance…………………………..………….44
Section 1 : le principe : l’embauche directe……………………………………..……………44
§1 Le champ d’application de l’obligation d’emploi…………………………………..……..44
A- Les employeurs assujettis………………………………………………………………....45
B- Le seuil d’effectif…………………………………………………………….……………45
1. Le calcul du seuil de vingt salariés…………………………………………….……..45
2. L’appréciation de l’effectif dans le cadre de l’établissement………………………...48
§ 2 Le contenu de l’obligation d’emploi………………………………………………….….49
A- Les modalités du décompte des travailleurs handicapés………………………….………49
B- Le taux d’emploi direct………………………………………………………….………...51
Section 2 : Les contre-incitations législatives à l’embauche directe………………………....53
§1 Les possibilités d’exonération partielle……………………………………………….…..54
A- La conclusion de contrats de sous-traitance avec le secteur protégé………………….…..54
B- L’accueil de personnes handicapées au titre de la formation professionnelle…….………55
§2 Les possibilités d’exonération totale……………………………………………….……...55
A- L’application d’un accord collectif de branche, d’entreprise ou d’établissement………...55
B- Le versement d’une contribution à l’AGEFIPH……………….………………………….57
Chap II : la situation de l’emploi en milieu protégé…………………….……………………58
Section 1 : les différents types d’établissements de travail protégé………….………………58
§1 Les ateliers protégés et les centres de distribution de travail à domicile……….…………59
§2 Les Centres d’Aide par le Travail…………………………………………………….…...61
Section 2 : les difficultés des structures de travail protégé…………………………………...64
§1 La vocation théorique de structure de transition………………………………………..…65
A- Les formules de transition……………………………………………………………..…..65
1. La mise à disposition à des entreprises extérieures de handicapés employés en atelier
protégé……………………………………………………………………………...…65
2. L’exercice
d’une
activité
extérieure
par
les
handicapés
des
C.A.T……………………………………………………………………..…………...66
156
3. Les ateliers protégés……………………………………………………………..……67
B- La portée pratique de ces dispositions…………………………………………….……....68
§2 Les déséquilibres affectant les structures de travail protégé………………………..……..70
A- L’inégale répartition des structures………………………………………………..………70
B- L’engorgement des structures……………………………………………………….…….72
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE……………………………………………....73
157
2e partie : le statut des travailleurs handicapés………………..……………75
Titre 1er : la conclusion et la rupture de la relation de travail….………………..…….…77
Chap I : la conclusion de la relation de travail………………………………………………..78
Section 1 : le recrutement des personnes handicapées par les entreprises……………………78
§1 L’interdiction des discriminations fondées sur le handicap……………………………….79
A- Le principe…………………………………………………………………………...……79
B- Les limites…………………………………………………………………………...…….81
§2 Le régime juridique de l’interdiction des discriminations……………………………...…81
A- La preuve de la discrimination…………………………………………………………….81
B- Les sanctions………………………………………………………………………………83
1. Les sanctions civiles…………………………………………………………………..83
2. Les sanctions pénales…………………………………………………………………84
Section 2 : l’embauche définitive……………………………………………………………..84
§1 Embauche ou accueil ?…………………………………………………………………….84
A- Le cas particulier des C.A.T……………………………………………………………....84
B- Les conditions de validité du contrat de travail……………………………………...……87
1. L’absence de régime de protection………………………………………………...…87
2. Le travailleur handicapé placé sous sauvegarde de justice……………………….…..88
3. Le travailleur handicapé placé sous curatelle………………………………………...88
4. Le travailleur handicapé placé sous tutelle………………………………………..….89
a) La tutelle complète…………………………………………………………...90
b) La tutelle en gérance……………………………………………………….…90
c) L’administration légale sous contrôle judiciaire……………………………...91
§2 La période d’essai………………………………………………………………………....92
A- L’essai en milieu ordinaire de travail………………………………………………….….92
B- L’essai en milieu de travail protégé…………………………………………………….…93
1. L’essai en atelier protégé……………………………………………………………..93
2. L’essai en C.A.T………………………………………………………………….…..94
Chap II : la rupture de la relation de travail…………………………………………….….…95
Section 1 : la rupture du contrat de travail en entreprise et en atelier protégé…………..……95
§1 Le licenciement pour motif personnel……………………………………………….……96
A- En milieu ordinaire de travail………………………………………………………..……96
B- En atelier protégé…………………………………………………………………….…..100
158
§2 Le licenciement pour motif économique………………………….……………………..101
A- En milieu ordinaire de travail………………………………………….………………...101
B- En atelier protégé…………………………………………………………….…………..103
§3 Le préavis de licenciement…………………………………………………………..…...104
Section 2 : La rupture de la relation de travail en C.A.T…………………………….……...105
Titre 2nd : la vie de la relation de travail…………………………………………….……108
Chap I : les obligations nées de la relation de travail………………………………….……109
Section 1 : la rémunération de la prestation de travail……………………………………...109
§1 Le salaire proprement dit…………………………………………………………..…….109
A- En milieu ordinaire de travail………………………………………………………..…..109
B- En milieu protégé……………………………………………………………………..….110
1. ateliers protégés et centres de distribution de travail à domicile…………………....110
2. Centres d’Aide par le Travail………………………………………………….……111
§2 La garantie de ressources……………………………………………………………..….111
A- En milieu ordinaire de travail…………………………………………………………....111
B- En milieu protégé………………………………………………………………………...113
1. Le complément de rémunération………………………………………………….....113
2. Les bonifications en milieu protégé………………………………………………....114
3. Les accessoires de salaire en milieu protégé……………………………………..….115
Section 2 : les sanctions de la mauvaise exécution de la prestation de travail……….……..116
§1 Les sanctions en milieu ordinaire et en atelier protégé……………………………..……116
§2 Les sanctions en C.A.T…………………………………………………………………..119
Chap II : les conditions de travail……………………………………………………….…..122
Section 1 : le temps de travail…………………………………………………………….…122
§1 La durée du travail en milieu ordinaire………………………………………………..…123
§2 La durée du travail en milieu protégé…………………………………………………....126
A- En atelier protégé et centre de distribution de travail à domicile………………………..126
B- En C.A.T…………………………………………………………………………............126
Section 2: l’hygiène, la sécurité et la médecine du travail........................………..................127
§1 La surveillance médicale particulière………………………………………………..…..128
§2 L’accessibilité des locaux et l’aménagement des postes de travail……………………...128
Section 3 : la représentation et l’expression des travailleurs handicapés…………………...131
159
§1 En milieu ordinaire, en atelier protégé et en centre de distribution de travail à
domicile………………………………………………………………………..…………….131
A- La participation aux élections des représentants du personnel………………….……….131
B- Les attributions des institutions représentatives du personnel……………………….…..133
1. Le rôle du comité d’entreprise……………………………………………………....133
2. Le rôle des délégués du personnel…………………………………………….…….135
3. Le rôle du C.H.S.C.T………………………………………………………………..136
C- Adhésion à un syndicat et droit de grève………………………………………………...137
§2 En Centre d’Aide par le Travail……………………………………………………….....139
A- La représentation des travailleurs…………………………………………………….….139
B- Adhésion à un syndicat et droit de grève…………………………………………….…..144
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE……………………………………….……144
Conclusion……………………………………………………………………147
Annexes………………………………………………………….……………148
160
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Cass. soc. 14 mai 1998, Dr. soc. 1998, note JEAMMAUD (A.).
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168

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