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LES ADOLESCENTS ET LES LIENS AMICAUX
©Marie-Clotilde Wurz-de-Baets (2007). En ligne sur detour.unice.fr
Sous la direction de Lydia Chabrier
Master 2 de psychologie clinique et gérontologique
Résumé :
Ce mémoire de M1 est construit sur l’hypothèse selon laquelle les relations amicales
intra-genre participent au positionnement et à la stabilisation de l’adolescent dans son
propre genre, et lancent un processus de différenciation Identité /Altérité à l’intérieur de
son groupe d’appartenance de genre. Dans le prolongement de ces acquisitions, si tout s’est
bien passé, l’approche de l’autre sexe en vue d’une relation amoureuse sera facilitée.
Mots clefs :
Adolescence, identité de genre, identité/altérité.
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Mon mémoire de M1 est construit sur l’hypothèse selon laquelle les relations amicales
intra-genre participent au positionnement et à la stabilisation de l’adolescent dans son
propre genre, et lancent un processus de différenciation Identité /Altérité à l’intérieur de
son groupe d’appartenance de genre. Dans le prolongement de ces acquisitions, si tout s’est
bien passé, l’approche de l’autre sexe en vue d’une relation amoureuse sera facilitée.
Mon étude s’est portée sur un groupe de 15 jeunes, composé de 7 filles et 8 garçons,
dont 7 ont entre 16 et 19 ans et 8 entre 20 et 24 ans.
Du modèle parental aux idéologies de groupe.
Selon H. Wallon, l’enfant est en interaction constante avec son milieu (parents et
éducateurs...). Les feedbacks échangés apportent un renforcement sur ce qu’il perçoit
comme étant un comportement adapté. Ils construisent aussi son identité sexuelle. L’enfant,
petit à petit, va intérioriser ces modèles. H. Wallon montre que le rapport organisme / milieu
s’organise dans l’enfance autour de la différenciation du Moi et de l’Autre. C’est le début de
la construction de genre.
Plusieurs années plus tard, à l’adolescence, de nouvelles acquisitions vont conduire à
une déstabilisation de l’équilibre de l’identité globale du jeune. Il va accéder à la pensée
abstraite, à la maturation sexuelle et à la temporalité. Comme pour les étapes précédentes
du développement, la quatrième étape débute par une phase de restructuration du rapport
Organisme/milieu. M. Cariou a mis en évidence que pendant cette période, la différenciation
du Moi et de l’Autre va évoluer vers la différenciation Identité/ Altérité de genre.
Durant toute son enfance, c’est l’entourage qui garantissait les modèles de conduites
adaptées. Au moment de l’adolescence, l’activité intégrée change de plan, c’est le groupe
social qui va déterminer l’idéologie. L’adolescent va reprendre pour lui les idéaux du groupe,
et changer de modèle de référence. Dans le livre « Adolescence et crise » Flammarion 1972,
p18, Erikson parle de l’incroyable place du regard des personnes choisies. « L’individu se
juge lui-même à la lumière de ce qu’il découvre être la façon dont les autres le jugent par
comparaison avec eux-mêmes ».
On peut donc percevoir l’impact que vont avoir les relations amicales sur cette tranche
d’âge. Ces liens affectifs vont être vécus avec une grande intensité et une propension à
l’absolu.
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Les amitiés intra-genres :
Ma recherche m’a permis de vérifier, qu’entre 12 et 14 ans, les amitiés qui s’étaient
nouées, étaient presque exclusivement intra-genre (à 74%). L’autre sexe impressionne, fait
peur, ou reste étranger. Selon le sexe, les valeurs attribuées à l’amitié sont différentes.
Pourtant, autant chez les filles que chez les garçons, on retrouve un modèle d’amitié qui se
généralise dans la première partie d’adolescence. Le jeune va chercher à trouver chez son
ami soit une extrême similitude, soit une complémentarité très forte. L’ami a un rôle
d’étayage sans qui l’adolescent est déstabilisé. Grace à l’autre, il arrive à avoir une meilleure
définition de lui-même, ou de ce qu’il voudrait être. Il apprend, à travers et avec l’autre, ce
qu’on attend de son genre d’appartenance. Cette relation fusionnelle, très investie, va
permettre au jeune de se positionner et de se stabiliser dans son identité de genre.
Le positionnement et la stabilisation du genre :
Au fils du temps, cette relation est appelée à se transformer ou à disparaitre. Dans
l’état actuel de mes travaux, mes calculs ont montré, que parmi les jeunes du groupe des
20/24ans, il existait une différence significative entre ceux qui avaient eu une amitié
fusionnelle entre 12 et 14 ans (gp 1) et ceux qui n’en avaient pas eu (gp 2). Dans la deuxième
partie leur adolescence, les membres du groupe 1 avaient une meilleure définition d’eux
même et de leur groupe d’appartenance de genre.
J’ai pu aussi comparer le groupe des 16/19ans (gp3) ayant eu une amitié fusionnelle et
le groupe des 20/24ans (gp2) n’ayant pas partagé d’amitié forte dans la première partie de
leur adolescence. Le Groupe 3 a une meilleure définition de son groupe d’appartenance de
genre.
Lorsque le positionnement et la stabilisation du genre se mettent en place, le jeune n’a
plus besoin de son ami intime pour se sentir bien et il peut faire des activités sans lui. Il se
renforce et ne se définit plus au travers du regard de l’autre. Le profil des liens amicaux va
alors changer.
Le lancement du processus de différenciation Identité /Altérité à l’intérieur du groupe
d’appartenance :
Si les conditions précédemment énoncées sont atteintes, alors le processus de
différenciation Identité /Altérité à l’intérieur de son groupe d’appartenance de genre va se
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lancer. On le voit dans le groupe 1, Les différences intra-genre sont acceptées sans que cela
mette en danger l’identité de la personne. L’ami est perçu comme pouvant être une Altérité.
Les différences sont repérées, respectées et prises en compte. Le jeune n’exige plus
l’exclusivité. Il accepte que lui ou son ami puisse avoir d’autres attaches amicales. Elles ne
mettent plus leur amitié en danger. Elles peuvent même être vues comme source
d’enrichissement.
L’approche de l’autre sexe :
L’amitié intra genre sera donc un facteur accompagnant et collaborant au processus de
différenciation Identité/ Altérité dans le groupe d’appartenance de la personne. Les grands
jeunes qui auront commencé à acquérir ce processus, pourront le mettre à profit lors de
leurs rencontres avec le sexe opposé. Fort de ce début d’intériorisation, le jeune abordera
l’autre sexe avec moins d’appréhension lorsqu’il envisagera d’avoir des relations
amoureuses. C’est à ce jour, ce qui se dégage de mes observations.
Les différences entre les sexes, autant physiques que psychiques, sont repérées mais
elles ne font plus peur. A l’intérieur du groupe du genre opposé, le jeune arrive à faire une
distinction entre les personnes.
Apports de ma recherche :
Comme le dit M. Cariou dans son livre « personnalité et vieillissement, » Delachaux
1995, p160 « l’organisation intégrée de la personne dans les termes d’une identité de genre
est un enjeu majeur de l’adolescent et du jeune adulte » de ce développement harmonieux
va dépendre le fonctionnement de la personne tout au long de sa vie et dans sa vieillesse.
Bien sur la différenciation Identité/altérité de genre ne dépend pas essentiellement
des relations amicales à l’adolescence. Cependant, on peut penser que ces liens auront un
rôle facilitant pour ces acquisitions. Les premiers chiffres obtenus par mes calculs viennent
appuyer cette affirmation et confirmer mon hypothèse.
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