Conférence de consensus Texte du groupe bibliographique Quelles

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Conférence de consensus Texte du groupe bibliographique Quelles
© MASSON
Rev Neurol (Paris) 2006 ; 162 : Hors série 2, 4S253-4S255
4S253
Conférence de consensus
Texte du groupe bibliographique
Quelles sont les modalités de thérapie physique symptomatique
dans la Sclérose Latérale Amyotrophique
(techniques de désencombrement bronchique exclues) ?
P.-O. Sancho, D. Boisson
Service de rééducation neurologique, Hôpital Henry Gabrielle, St-Génis Laval.
RÉSUMÉ
La sclérose latérale amyotrophique est une affection neurologique dégénérative, sans traitement curatif actuellement, et caractérisée par
une expression clinique variée en fonction de l’atteinte neurologique prédominante (atteinte bulbaire, de la corne antérieure ou du faisceau
pyramidal). Peu d’études d’un niveau de preuve scientifique suffisant ont été retrouvées dans la littérature concernant l’intérêt des différentes thérapies physiques dans la sclérose latérale amyotrophique. Des études randomisées de faible échantillonnage ont mis en évidence
le bénéfice apporté des exercices musculaires d’étirement, des exercices proprioceptifs et fonctionnels sur la spasticité, la douleur et la
qualité de vie. L’objectif principal de la rééducation paraît bien être celui de conserver une qualité de vie optimale tout au long de cette
maladie dégénérative incurable.
Mots-clés : SLA • Médecine physique • Rééducation • Douleur • Spasticité
SUMMARY
Physical therapy in ALS.
P.-O. Sancho, D. Boisson, Rev Neurol (Paris) 2006; 162: Hors série 2, 4S253-4S255
Amyotrophic lateral sclerosis is a neurodegenerative disease, without any curative treatment. Clinical expression is variable and related to
loss of motor neurons in the cortex, brain stem and spinal cord. There is little scientific evidence demonstrating the usefulness of physical
therapy in this disease. Only stretching exercises, proprioceptive neuromuscular facilitation techniques and functional mobility training seem
to have a real benefit in terms of spasticity, quality-of-life and pain. The main objective of physical therapy appears to be the preservation
of optimal quality-of-life throughout the course of this incurable degenerative disease.
Keywords: ALS • Physical therapy • Exercise movement techniques • Rehabilitation • Spasticity • Pain • Massage
INTRODUCTION
La sclérose latérale amyotrophique ou maladie de Charcot, est une affection neurologique dégénérative, d’aggravation inéluctable, aboutissant, à une échéance plus ou
moins grande, à une dépendance physique totale en
l’absence d’atteinte cognitive. Elle se caractérise par une
expression clinique variée (atrophie musculaire, syndrome
pyramidal, troubles de la déglutition) en fonction de
l’atteinte prédominante (corne antérieure, faisceau pyramidal, atteinte bulbaire). Les objectifs de la rééducation se
définissent en fonction de la symptomatologie clinique et
du stade de la maladie. Au début de la maladie, les objectifs
se centralisent sur le maintien d’une autonomie optimale et
de la meilleure qualité de vie possible. À un stade avancé,
l’orientation est axée sur la prévention des complications et
des soins de confort.
MÉTHODOLOGIE
La recherche bibliographique a été réalisée en interrogeant les bases de données Medline, Embase, B.D.S.P,
Pascal et les références de la Cochrane Library. Les mots
clés « amyotrophic lateral sclerosis, physical therapy, exercise movement techniques, rehabilitation, spasticity, pain,
massage » ont été croisés sans limitation de durée dans le
temps.
Tirés à part : P.-O. SANCHO, 20, route de Vourles, Service de rééducation neurologique, Hôpital Henry Gabrielle, 69230 St-Génis Laval.
E-mail : [email protected]
P.-O. SANCHO, D. BOISSON
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INDICATIONS
L’atteinte des motoneurones de la corne antérieure aboutit à une atrophie musculaire irréversible, intéressant tous
les muscles, hormis ceux de l’oculomotricité. L’objectif de
la rééducation est de prévenir les enraidissements articulaires et les rétractions musculo-tendineuses, de conserver les
performances fonctionnelles de l’organisme et de préserver
les muscles sains. Lorsque l’atteinte prédomine sur le faisceau pyramidal, la spasticité peut entraver les capacités de
déplacement du patient et le gêner dans ses transferts.
Après analyse des travaux d’Ashworth et al. (2004), une
seule étude a montré l’efficacité d’un traitement physique
de la spasticité chez des patients atteints de SLA (Drory,
2001). Dans cette étude, les sujets participant aux exercices
physiques bénéficient d’un programme personnalisé et
adapté à leur état de santé. Le protocole comprend un travail musculaire actif contre résistance modérée, d’une
durée au maximum de 15 minutes, et ces exercices sont
répétés 2 fois par jour. Les résultats de cette étude montrent
une amélioration des troubles du tonus en comparaison du
groupe témoin. Il est noté également une amélioration fonctionnelle significative appréciée par le score de l’échelle
ALSFRS.
Les techniques de kinésithérapie habituellement retenues
font appel à une mobilisation passive, un travail actif sans
ou à de faibles résistances (Brunon, 1998). Il existe un
consensus pour interdire tout travail musculaire actif contre
résistance, considéré comme délétère dans la SLA. Néanmoins, il n’a pas été retrouvé d’étude dans la littérature permettant d’affirmer ou d’infirmer le caractère aggravant de
cette technique. Certains auteurs s’accordent même à penser que, même dans le cadre de la SLA, un programme
d’exercices physiques pourrait avoir une action positive sur
l’atrophicité musculaire. Sanjak et al. (1987) ont évalué
l’action d’un programme d’entraînement physique sur
6 semaines chez un patient de 46 ans atteint d’une SLA,
avec des effets positifs rapportés sur le reconditionnement
cardio-respiratoire à l’effort et dans certains muscles
déficitaires par atteinte du premier motoneurone. D’autres
auteurs (Francis et al., 1999) proposent des exercices musculaires adaptés afin de conserver la trophicité des muscles
peu déficitaires. Ces différents travaux ne permettent en
aucun cas de conclure en l’absence d’étude randomisée
mais ils soulèvent la question de la place éventuelle d’un
programme de reconditionnement physique pour les muscles sains et ceux peu déficitaires.
Afin de lutter contre l’atrophie musculaire, l’électrothérapie a été proposée par Handa et al., 1995. Il s’agit d’une
étude rapportant le cas d’un patient bénéficiant d’une stimulation électrique intramusculaire, dans les muscles des
membres supérieur et inférieur droits, le coté gauche servant de témoin. Il est noté une amélioration de la force et
de la fonction du coté stimulé durant les 7 semaines de cette
étude. Ces résultats sont à considérer avec une grande
réserve car il s’agit d’un sujet unique et que l’outil d’évaluation est un testing musculaire. Il n’existe pas d’autre
étude permettant de définir la place de l’électrothérapie
dans cette indication, d’autant qu’elle pourrait d’après
Bouche et al. (1989) avoir une action néfaste sur le motoneurone dégénératif.
Les douleurs sont fréquentes au cours de l’évolution de
la maladie, attribuées aux crampes, aux douleurs articulaires liées à un enraidissement et aux rétractions musculotendineuses, et aux troubles statiques notamment rachidiens
par atteinte de la musculature axiale. Aksu et al. (2002) rapportent le bénéfice d’un programme de rééducation sur la
douleur. Durant 3 jours par semaine et pendant 8 semaines,
13 patients ont bénéficié d’exercices d’étirements, d’un
travail musculaire proprioceptif et de divers exercices
fonctionnels. Les outils d’évaluation utilisés sont l’échelle
visuelle analogique, la présence ou non de crampes, l’échelle
de la spasticité d’Ashworth et une évaluation de la force
musculaire isométrique sur 15 muscles. Comparé à un
groupe témoin, ces 13 patients soulignent l’effet positif de
ce programme de rééducation sur la douleur et la rigidité
musculaire. Même si l’effet d’émulation du groupe peut
expliquer une amélioration du ressenti des symptômes, ce
programme de rééducation semble améliorer la qualité de
vie de ces patients au pronostic sombre.
La balnéothérapie est également proposée comme thérapie physique dans la SLA. Il n’a pas été retrouvé d’étude
rapportant les effets positifs ou négatifs de cette pratique.
Johnson (1988) fait part d’un témoignage d’un patient
atteint de SLA ayant bénéficié de séances de balnéothérapie. Cette étude d’un cas ne permet pas de conclure quant
au bénéfice de cette pratique.
La sclérose latérale amyotrophique est une maladie dégénérative avec une vitesse et des caractéristiques d’évolution
différents pour chaque patient en fonction de l’âge du début
des troubles et du génie évolutif. Sinaki (1987) a proposé
des objectifs de rééducation précis en définissant cinq stades fonctionnels, d’un stade I ou le patient est autonome
pour les actes de la vie quotidienne et ne présente qu’une
faiblesse musculaire légère, au stade V ou le patient est grabataire. À chaque stade correspondent des objectifs précis
de rééducation, en introduisant progressivement des aides
techniques (fauteuil roulant, orthèses de membres). Dal
Bello-Haas et al. (1998) ont appliqué ce programme chez
une patiente de 59 ans. Il n’existe pas d’étude randomisée
validant ce protocole.
DISCUSSION
Peu d’études d’un niveau de preuve scientifique suffisant
ont été retrouvées dans la littérature concernant l’intérêt des
différentes thérapies physiques dans la sclérose latérale
amyotrophique. Des études randomisées, de faible échantillonnage (Drory, 2001 ; Aksu, 2002), ont mis en évidence
le bénéfice apporté des exercices musculaires d’étirement,
des exercices proprioceptifs et fonctionnels sur la spasticité, la douleur et la qualité de vie. Il n’existe pas, par
contre, d’étude de niveau de preuve élevé prouvant l’efficacité
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Conférence de consensus • Quelles sont les modalités de thérapie physique symptomatique dans la SLA
des exercices musculaires pour prévenir l’atrophie musculaire. L’évolution rapide de la dégradation neurologique
explique en partie la difficulté de constituer une cohorte
d’un nombre suffisant de patients avec un suivi régulier
dans le temps.
Les techniques telles que la balnéothérapie et l’électrothérapie, appliquées au cas par cas, n’ont pas fait l’objet
d’études de niveau de preuve suffisant pouvant apporter la
preuve d’un bénéfice pour le patient. Elles semblent néanmoins avoir un intérêt symptomatique réel pour certains
patients.
CONCLUSION
La sclérose latérale amyotrophique ne dispose pas
actuellement de traitement curatif. La grande variabilité
clinique de cette maladie nécessite un programme de rééducation au cas par cas. Peu d’études d’un niveau de
preuve scientifique suffisant ont apprécié l’efficacité des
différentes thérapies physiques dans la sclérose latérale
amyotrophique. L’objectif principal de la rééducation
paraît bien être celui de conserver une qualité de vie optimale en s’efforçant de suivre au cas par cas les déficiences rencontrées et répondre avec pragmatisme par des
mesures de réhabilitation compatibles avec le contexte
familial.
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