Item 145 : Tumeurs malignes de l`oro

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Item 145 : Tumeurs malignes de l`oro
Item 145
Item 145 : Tumeurs malignes de l'oro-pharynx.
OBJECTIFS
•
savoir diagnostiquer une tumeur de l’oropharynx
•
apprécier les signes de gravité et les facteurs pronostiques
•
l'étudiant doit connaître les stratégies de prévention, de dépistage, de diagnostic et de
traitement des principales tumeurs bénignes et malignes afin de participer à la décision
thérapeutique multidisciplinaire et à la prise en charge du malade à tous les stades de la maladie.
GENERALITES
Les tumeurs des voies aéro-digestives supérieures (VADS) représentent à peu près 20 % de la
totalité des cancers, ce qui suffit à souligner leur fréquence élevée. Elles se composent
majoritairement de carcinomes épidermoïdes et sont le plus souvent très lymphophiles.
Il faut suspecter un cancer des VADS devant tout symptôme d'appel au niveau des voies aérodigestives supérieures ou de la région cervicale surtout lorsqu'il est fixe dans sa topographie,
unilatéral et persiste depuis plus de trois semaines.
Les tumeurs malignes ORL (oro-pharynx, rhinopharynx, larynx, hypopharynx) ont entre elles de
nombreux points communs sur le plan histologique, épidémiologique, évolutif et thérapeutique.
D'un point de vue histologique, il s'agit le plus souvent d'épithéliomas malpighiens, plus rarement
de lymphomes non hodgkiniens développés aux dépens des organes lymphoïdes comme les
amygdales palatines, pharyngées ou linguales.
D'un point de vue épidémiologique, le carcinome épidermoïde touche essentiellement les sujets de
sexe masculin entre 50 et 70 ans. En fait, des cas plus jeunes sont de moins en moins rares.
Les facteurs de risque sont connus (tabagisme, alcoolisme chronique) ; d'autres facteurs plus
généraux sont également retrouvés dans certaines localisations, notamment au niveau du cavum
avec un facteur géographique et un facteur viral.
D'un point de vue pronostique, le pronostic de ces tumeurs reste sombre et constitue un véritable
problème de santé publique. Il faut souligner d'une part la fréquence de l'envahissement
ganglionnaire cervical dont dépend le pronostic, d'autre part la fréquence des cancers multiples,
c'est-à-dire des doubles localisations au niveau des VADS ou pulmonaires ou oesophagiennes.
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D'un point de vue thérapeutique, le traitement fait appel à toutes les techniques utilisées en
oncologie. Il aura pour but de traiter la tumeur primitive et de traiter systématiquement les aires
ganglionnaires cervicales.
TUMEURS MALIGNES DE L'ORO-PHARYNX
1 - Rappel anatomique
L'oro-pharynx comprend différents secteurs anatomo-cliniques :
en haut le voile du palais et la luette
en bas les vallécules
en bas et en avant la base de la langue
latéralement les loges amygdaliennes et les amygdales palatines
en arrière la paroi postérieure de l'oro-pharynx
se poursuivant en haut avec la paroi postérieure du cavum et en bas avec la paroi
postérieure de l'hypopharynx.
Le drainage lymphatique s'effectue vers la chaîne jugulo-carotidienne préférentiellement vers le
groupe sous-digastrique, siège du ganglion de Küttner.
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2 - TUMEUR MALIGNE DE L'AMYGDALE PALATINE
Les tumeurs malignes de l’amygdale sont fréquentes (15 % des cancers ORL). Il s'agit
essentiellement de carcinomes épidermoïdes (90 % des cas). Les lymphomes malins se rencontrent
dans 10 à 15 % des cas compte tenu de la richesse de cet organe en formations lymphoïdes.
2-1- LES CARCINOMES EPIDERMOIDES
1 – Epidémiologie
Ces tumeurs malignes sont rencontrées essentiellement chez les sujets de sexe masculin
(90 % d'hommes) avec un âge moyen de 55 ans.
Les facteurs de risque sont bien connus : le tabac et l'alcool. 90 % des patients atteints d'un
carcinome épidermoïde de l'oro-pharynx sont alcoolo-tabagiques et l'action de ces deux agents
carcinogènes est maintenant démontrée. Si chacun pris isolément a une action carcinogène
prouvée, leur action se potentialise lorsqu'ils sont associés et cette action est dose-dépendante.
2 – Clinique :
*Les signes d'appel sont pharyngés et/ou cervicaux :
simple gêne pharyngée
dysphagie haute
odynophagie (dysphagie avec otalgie lors de la déglutition)
otalgie isolée homolatérale
adénopathie sous-angulo-maxillaire dure, le plus souvent indolore et de découverte
fortuite par le patient
l'existence d'une voix pharyngée et d'un trismus témoigne d'une tumeur localement
évoluée.
Ces signes persistants doivent attirer l'attention d'autant qu'ils sont caractérisés par leur
unilatéralité.
*L'examen clinique
Cet examen se fait à l'aide d'un miroir de Clar, d'un abaisse-langue. Il est précédé
par l'inspection et la palpation qui doivent être systématiques. Cet examen peut montrer une tumeur
bourgeonnante, ulcérée ou infiltrante, saignant au contact et/ou au toucher. Le diagnostic peut être
plus difficile devant une petite tumeur bourgeonnante masquée par le pilier antérieur ou localisée
au fond d'une crypte amygdalienne ou siégeant au niveau du sillon amygdalo-glosse. Ces petites
lésions ne sont découvertes qu'à la palpation sous la forme d'une induration localisée douloureuse,
saignant au contact.
L'examen cervical comporte la palpation de toutes les aires ganglionnaires, systématique,
bilatérale. La découverte d'une adénopathie lors du premier examen n'est pas rare. Ces
adénopathies siègent au niveau sous-digastrique ou sous-mandibulaire et sont, le plus souvent,
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homolatérales à la lésion. Elles sont classiquement dures et indolores, plus ou moins fixées au plan
superficiel et au plan profond.
*Endoscopie
L'endoscopie des VADS sous anesthésie générale (pan endoscopie) permettra d'une part
de préciser le point de départ exact ainsi que l'extension précise de la lésion. L'intérêt de cet
examen est également de rechercher une autre localisation tumorale et de permettre la biopsie qui
ne fait le plus souvent que confirmer le diagnostic fortement suspecté à l'examen. Cette biopsie
renseignera sur le caractère plus ou moins différencié de la tumeur.
Au niveau des ganglions, une ponction cytologique à l'aiguille fine avec étalement sur
lame peut être réalisée. Par contre, toute biopsie ganglionnaire est à proscrire formellement. Une
forme clinique particulière est représentée par la métastase ganglionnaire kystique d'un cancer de
l'amygdale. Elle précède souvent de nombreux mois et de nombreuses années, l'apparition de la
tumeur primitive au niveau de l'amygdale. Cette découverte pose le problème de la lésion primitive
parfois passée inaperçue et de diagnostic différentiel avec un kyste amygdaloïde bénin.
*Examen général
L'examen clinique de la cavité buccale et du pharyngo-larynx doit être systématique, de
même que la palpation de toutes les aires ganglionnaires cervicales, sus-claviculaire et axillaires.
3 – Bilan
Les examens complémentaires sont demandés afin de compléter le bilan d'extension et
pour préciser des éventuelles contre-indications thérapeutiques.
3.1 – Bilan d'extension
Le bilan d'extension loco-régional comprend :
un bilan clinique avec évaluation de l'extension tumorale
précise par l'examen endoscopique des VADS sous AG avec oesophagoscopie et
biopsies de toutes les zones suspectes .
un bilan paraclinique :
tomodensitométrie de l'oro-pharynx et du cou, parfois IRM, afin de préciser
l'extension tumorale exacte et une éventuelle atteinte osseuse mandibulaire ;
cliché thoracique ;
échographie abdominale.
Le bilan préthérapeutique comprend un bilan clinique :
-
bilan biologique ;
électro-cardiogramme ;
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Au terme de l'examen clinique et du bilan paraclinique, il est possible de classer de la lésion
tumorale selon la classification TNM.
T1
T2
T3
T4
=
=
=
=
tumeur de grand axe < à 2 cm ;
tumeur de grand axe entre 2 et 4 cm :
tumeur de grand axe < à 4 cm ;
tumeur étendue à l'os, aux muscle et à la peau.
N0
N1
N2A
N2B
N2C
N3
pas de ganglion cervical ;
ganglion unique homolatéral < à 3 cm ;
ganglion unique homolatéral entre 3 et 6 cm ;
ganglions multiples homolatéraux < à 6 cm ;
ganglions multiples bilatéraux ou controlatéraux < à 6 cm ;
ganglion(s) supérieur(s) à plus de 6 cm.
M0
M1
absence de métastase à distance ;
présence de métastase(s) à distance.
4 - Traitement
La décision thérapeutique doit se faire après concertation pluridisciplinaire
associant chirurgiens, radiothérapeutes, chimiothérapeutes, anatomo-pathologistes, radiologues.
4.1
Les moyens thérapeutiques
*La chirurgie
- La chirurgie d'exérèse tumorale
Les gestes réalisables sont les suivants :
- Exérèse tumorale par voie transmandibulaire (bucco-pharyngectomie transmandibulaire
ou BPTM) conservatrice ou non de la mandibule, nécessitant le plus souvent une reconstruction par
lambeau musculo-cutané de grand pectoral.
- Glosso-laryngectomie totale en association avec la bucco-pharyngectomie
transmandibulaire pour les volumineuses tumeurs atteignant le sillon glosso-épiglottique latéral et
la vallécule.
- La chirurgie d'exérèse ganglionnaire : on réalise des évidements ou curages
ganglionnaires, c'est-à-dire l'ablation de l'atmosphère cellulo-ganglionnaire du cou.
Cet évidement est dit radical car il emporte la totalité des coulées cellulo-ganglionnaires.
Il comporte :
- un évidement sous-mento (Ia) - sous-mandibulaire (Ib) ;
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- un évidement jugulo-carotidien emportant tous les sites ganglionnaires du
groupe rétrospinal (IIb) sous-digastrique (IIa) sus-omo-hyoïdien (III) et susclaviculaire (IV).
Cet évidement est dit fonctionnel lorsqu'il respecte le muscle SCM, le nerf spinal et les éléments
artério-veineux du cou.
Il est dit modifié selon que l'adhérence et l'extension tumorale justifient l'exérèse d'un ou de
plusieurs de ces éléments.
*La radiotherapie
La radiothérapie externe est une cobaltothérapie qui délivre environ 70 grays sur la tumeur et 50
grays sur les aires ganglionnaires. Elle fait le plus souvent suite à la chirurgie tumorale.
*La chimiotherapie
Elle fait appel au CISPLATINE et au 5 FU. Elle peut être associée à la radiothérapie dans
les carcinomes de l’oropharynx non opérables ou en postopératoire lorsqu’il existe des éléments de
mauvais pronostic.
4.2 Les indications
Le traitement des carcinomes épidermoïdes de l'amygdale est actuellement relativement
bien codifié.
°Traitement de la tumeur :
T1/T2 : radiothérapie externe
T3/T4 : si le patient est opérable : chirurgie d'exérèse à type de BPTM conservatrice de l'angle
mandibulaire ; une radiothérapie externe complémentaire est indiquée dans tous les cas.
La chirurgie comporte le plus souvent un temps de reconstruction afin de combler les pertes de
substance et de limiter au maximum le préjudice fonctionnel.
°Traitement des aires ganglionnaires :
N0 : soit évidement sous-mento-maxillaire et jugulo-carotidien radical fonctionnel, soit
radiothérapie externe
N+ : évidement radical fonctionnel ou modifié en fonction de l'extension locale. La chirurgie
ganglionnaire est suivie d'une radiothérapie complémentaire avec un surdosage si le ganglion est en
rupture capsulaire (R+).
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5 - Protocole de surveillance
La surveillance sera systématique afin de dépister d'éventuelles récidives et de s'assurer d'une
bonne récupération fonctionnelle de ces patients. Le rythme des consultations de surveillance est
habituellement le suivant : tous les trois mois les deux premières années, tous les six mois les deux
années suivantes puis tous les ans ensuite.
Les consultations sont souvent alternées entre le chirurgien et le radiothérapeute.
La surveillance est essentiellement clinique.
6 - Evolution et pronostic
La survie à 5 ans est de 30 à 35 % ; l'évolution est essentiellement marquée par les récidives locales
ganglionnaires, l'apparition de deuxièmes localisations ou les métastases.
Le facteur pronostique le plus important est représenté par l'état ganglionnaire : présence de
métastases ganglionnaires surtout de métastases en rupture capsulaire.
2-2 LE LYMPHOME DE L'AMYGDALE
* Epidemiologie
Il s'agit essentiellement de lymphomes malins non hodgkiniens qui représentent environ 50% des
lymphomes malins des VADS. Les localisations oro-pharyngées des autres lymphomes malins
(maladie de Hodgkin, plasmocytome) sont très rares.
Les lymphomes malins non hodgkiniens (LMNH) se voient à tout âge avec un maximum de
fréquence vers 60 ans. La prédominance masculine, bien que nette, n'est pas aussi caricaturale que
dans les carcinomes épidermoïdes. Il n'y a pas de relation directe avec la consommation tabagique
ou la consommation d'alcool.
*Les signes d’appel
-
hypertrophie unilatérale d'une amygdale avec gêne pharyngée et modification de
voix ;
adénopathie cervicale révélatrice ferme, mobile, parfois polyganglionnaire.
Le diagnostic est affirmé par la biopsie de la tumeur amygdalienne et l'examen histologique qui
permettra le typage de ce lymphome. Le diagnostic peut également être affirmé par la ponction
cytologique à l'aiguille fine, de l'adénopathie (qui ne permet cependant pas le typage tumoral).
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*Bilan
Le bilan général est confié aux spécialistes de l'oncologie médicale.
Il sera :
- clinique (examen du foie, de la rate, de la vésicule, examen de tout l'anneau de Waldeyer et des
aires ganglionnaires cervicales) ;
- radiologique : scanner thoraco-abdominal.
- hématologique : hémogramme, myélogramme, éventuellement biopsie osseuse.
L'affection peut être ainsi classée en plusieurs stades :
-
Stade I : tumeur limitée à la région cervico-faciale
Stade II : envahissement ganglionnaire sus-diaphragmatique
Stade III : envahissement ganglionnaire sous-diaphragmatique
Stade IV : envahissement disséminé.
*Traitement
Le traitement fait appel à la radiothérapie et/ou la polychimiothérapie, suivant des
modalités variables en fonction du stade. Les lymphomes ne relèvent pas d'un traitement
chirurgical.
*Pronostic
Il dépend du stade, avec un taux global de survie à 5 ans de 50 à 60 %.
3 - LE CANCER DU VOILE DU PALAIS
Le cancer du voile du palais est en règle générale un carcinome malpighien. L'alcoolo-tabagisme et
les lésions leucoplasiques pré-néoplasiques sont des facteurs favorisants certains.
Ils se manifestent par des signes cliniques habituellement discrets : gêne lors de la déglutition,
otalgie unilatérale, rhinolalie.
L'examen clinique retrouve en général une ulcération indurée du voile mou, plus ou moins
saignotante. La palpation cervicale retrouve dans plus de la moitié des cas, des adénopathies
satellites.
La biopsie est facile au cabinet et affirme le diagnostic.
Le bilan est le même que celui décrit précedemment
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Le traitement est le plus souvent radiothérapique intéressant la tumeur et les aires ganglionnaires.
La chirurgie est réservée au traitement des aires ganglionnaires chez les patients présentant des
adénopathies cliniques et radiologiques.
4 – LE CANCER DE LA BASE DE LA LANGUE
Il s'agit en règle générale d'un carcinome épidermoïde bien différencié infiltrant et lymphophile : le
mauvais pronostic de cette lésion est lié au caractère le plus souvent mal limité de la tumeur
infiltrant la musculature linguale.
Le lymphome malin non hodgkinien est également possible à ce niveau, mais il est très rare.
L'alcool et le tabac représentent les facteurs favorisants habituels.
*Les signes cliniques
Les signes cliniques sont marqués par une dysphagie haute avec otalgie.
La présence d'adénopathies est très fréquente, le plus souvent bilatérale.
L'induration de la base de la langue à la palpation ainsi que la gêne à la protraction linguale
représentent deux signes cliniques suspects.
*Bilan
L'examen endoscopique des VADS sous anesthésie générale avec biopsie affirme le diagnostic.
L'examen TDM et l'IRM permettent un bilan d'extension loco-régionale précis.
*Traitement
Le traitement fait appel essentiellement à la chirurgie par voie transmandibulaire suivie de
radiothérapie avec ou sans chimiothérapie.
*Pronostic
Le pronostic de ces tumeurs est mauvais du fait de l'évolution insidieuse (diagnostic retardé) et de
l'infiltration diffuse au muscle lingual ainsi que de la lymphophilie de ces lésions.
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