Hommage à Jean Giraud / Moebius Jean Giraud - IAU île-de

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Hommage à Jean Giraud / Moebius Jean Giraud - IAU île-de
Hommage à Jean Giraud / Moebius
Jean Giraud s’est éteint le 10 mars.
La disparition de ce dessinateur visionnaire, connu sous les pseudos de GIR et de Moebius,
nous frappe tous.
Elle frappe certes le monde de la culture, et plus particulièrement tous ceux qui pensent la
métropole de demain.
Mais elle frappe aussi et surtout une génération – celle des baby boomers – que l’œuvre de
Moebius a profondément marquée en contribuant à forger notre imaginaire collectif sur le
monde de demain.
Au-delà de l’œuvre, l’interview qu’il nous a accordée à l’occasion de la publication du numéro
158 de nos Cahiers « Et demain ? » nous montre le foisonnement de sa pensée et sa
dimension philosophique.
Interrogé sur le rôle des dessinateurs de BD et des réalisateurs de films d’anticipation sur la
construction de notre vision du futur, il nous a fait part de son analyse personnelle : « J’ai pu
influencer l’imaginaire. Quand j’étais plus jeune, j’ai adhéré à une perception de l’évolution de
la société caractéristique des années 1960-1970. Une très grande confiance dans le progrès et
la modernité prévalaient. Cette philosophie nous venait des États-Unis. Les villes étaient des
jaillissements immaculés, spectaculaires, avec des engins volant partout [...]. Nous mettions en
scène une technologie de rêve. L’attrait pour ce rêve s’est épuisé, et nous sommes passés à
quelque chose de tout à fait différent [...]. Après l’effondrement de cette ville de rêve, nous
présentions alors les survivants de la catastrophe : l’anarchie, la violence, le crime organisé,
comme seuls recours pour accéder au pouvoir, ont commencé à primer. Il s’est produit toute
une mode, toute une modélisation d’une société post-apocalyptique. À l’heure actuelle, ces
deux modèles structurent encore notre inconscient urbain [...]. La cité idéale de demain sera
bien plus complexe. Elle devra intégrer des éléments de résistance à une modernité
caricaturale. Ce n’est pas un retour à la nature. Ce n’est pas un retour à la terre. C’est la Terre
qui revient ! […] ».
Mais « le paradis est perdu, et nous ne pouvons que recréer des villes qui deviennent des
biotopes sociaux et humains suffisamment corrects pour permettre la vie. Ils sont à la fois
instables et dynamiques, car chaque succès crée une situation intenable qui doit être remise à
plat par une révolution ou par une évolution […]. À l’heure actuelle, les problèmes
d’environnement sont drastiques et nous rapprochent du fantasme millénariste qui était
jusque-là toujours basé sur des prophéties. Maintenant, tout est étayé par une science qui se
perfectionne. Cependant, dans le monde scientifique, la prédiction de la catastrophe est
combattue. Néanmoins, si nous observons ce qui s’est produit au cours de l’Histoire, de
nombreuses sociétés étaient prévenues de la catastrophe, mais n’en ont pas tenu compte.
Elles ont sombré parce qu’elles n’ont pas voulu prendre les mesures douloureuses qui
s’imposaient. »
François Dugeny
Directeur général, au nom de toute l’équipe de l’IAU île-de-France
► Lire l’interview de Moebius par François Dugeny (mai 2011)