L`Estampe japonaise (exposition)

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L`Estampe japonaise (exposition)
Images d’un monde éphémère
Estampes japonaises
En partenariat avec
Dossier de presse
Sommaire
Communiqué de presse
3
Informations pratiques
4
Présentation de l’exposition
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Galerie Mazarine
6
La technique de l’estampe
Le théâtre et le sumo
Les beautés féminines et la vie quotidienne
Estampes parodiques, poèmes et surimono
Les estampes érotiques
La Crypte
16
Plans de l’exposition
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Publications
24
Estampes japonaises. Une exposition virtuelle sur bnf.fr
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Hokusai
Hiroshige
Exposition / Estampes japonaises. Images d’un monde éphémère
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Estampes japonaises
Images d’un monde éphémère
La Bibliothèque nationale de France présente du 18 novembre 2008 au 15 février 2009 une exposition
exceptionnelle consacrée aux estampes japonaises appartenant à l’Ukiyo-e - qui signifie « images d’un
monde flottant » ou « éphémère », par opposition aux images du monde sacré et immuable -, depuis leur
apparition à la fin du XVIIe siècle jusqu’au milieu du XIXe siècle.
Pour Bruno Racine, président de la BnF, « cette exposition permet de découvrir l’un des plus importants
fonds européens, constitué à partir du milieu du XIXe siècle et conservé au département des Estampes et
de la photographie de la Bibliothèque. »
Choisies parmi un ensemble de plus de six mille estampes et livres illustrés, cent cinquante œuvres
rarissimes ou uniques seront présentées dans la galerie Mazarine et la Crypte du site Richelieu.
L’Ukiyo-e est née du bouleversement socioculturel survenu lors de la prise de pouvoir par la dynastie des shoguns
Tokugawa au début du XVIIe siècle, dynastie qui installa sa capitale à Edo (Tôkyô) et assura au pays la paix intérieure
et la prospérité jusqu’à sa chute en 1868.
A cette époque, la bourgeoisie citadine fortunée était exclue de la culture traditionnelle et des divertissements
réservés aux seigneurs. Elle créa donc sa propre culture, avec ses héros, ses idéaux, ses loisirs et ses spectacles.
L’estampe fut l’expression privilégiée de cet art de vivre, notamment celui du quartier des théâtres et du quartier de
plaisir de Yoshiwara à Edo (Tôkyô). Elle atteignit un raffinement extrême à travers des couleurs chatoyantes, les fonds
micacés ou marbrés, le gaufrage, l’usage de la poudre d’or et d’argent...
Conçue de façon thématique, l’exposition débute en galerie Mazarine par une présentation didactique de la
technique : outils de graveur sur bois à la manière japonaise, planches de bois gravées, impressions. Les estampes
exposées sont regroupées autour de six grands domaines traditionnels de cet art qui sont le théâtre, les beautés
féminines, la parodie, l’érotisme, la faune et la flore, le paysage. Quelques livres illustrés s’y ajoutent ainsi qu’un album
de surimono (cartes de circonstances) collectionnés par une personnalité japonaise du XVIIIe siècle, véritable trésor de
la Bibliothèque. Monochrome à ses débuts, l’estampe devient polychrome à son apogée. Elle est d’ailleurs nommée
« image de brocart ».
Les plus grands maîtres sont représentés : Moronobu, Masanobu, Bunchô, Shunshô, Harunobu, Koryûsai, Kiyonaga,
Shunchô, Utamaro, Sharaku, Eishi, Toyokuni, Shunman, Hokusai, Hiroshige…
Support médiatique du théâtre kabuki, l’estampe offre au public les portraits de ses acteurs préférés, saisis dans les
scènes les plus intenses des drames ; il en est de même des portraits des courtisanes des « maisons vertes », de haut
rang, des beautés en vue, des danseuses, des chanteuses et musiciennes, des hôtesses des maisons de thé, des
sumôtori. Les images de printemps (shunga) ou estampes érotiques, sont un autre aspect très prisé de cette
production. Les femmes anonymes dans leur univers quotidien exercent une même fascination (mère à l’enfant,
activités féminines).
Une autre approche, plus subtile, est celle que livrent les images de parodie ou mitate, allégories en quelque sorte, qui
nécessitent une double lecture : allusion à la culture classique ou historique à travers un thème contemporain.
Au XIXe siècle, alors que l’ukiyo-e, confrontée notamment à une série d’édits de censure, commence à s’essouffler,
deux artistes hors normes, Hokusai (1760-1849) et Hiroshige (1797-1858), en renouvellent les thèmes traditionnels
et donnent une vigoureuse impulsion à cet art en fondant un genre nouveau, l’estampe de paysage. L’engouement est
immédiat. Les paysages, qui servaient jusqu’alors de cadre ou de décor en arrière-plan, sont désormais traités pour
eux-mêmes comme des sujets à part entière. Répondant aux aspirations de la société japonaise de l’époque, où le
sentiment de la nature est très fort, où les voyages et les pèlerinages à travers l’archipel se multiplient, les éditeurs
commandent aux artistes des séries d’estampes sur les sites pittoresques ou spectaculaires, les lieux célèbres
évoqués dans la littérature et les vues fameuses des villes et des provinces du Japon (meishoe). Partant tous deux
d’une observation réaliste, Hokusai et Hiroshige puisent dans la nature, la faune et la flore, les instantanés d’une
beauté éphémère et fragile, et restituent avec une sensibilité poétique, mystique ou mélancolique les impressions
fugitives et changeantes d’un « monde flottant et mouvant ». Utilisant un nouveau pigment, le bleu de Prusse, ils
représentent la montagne et la mer, constantes du paysage japonais, sous des lumières et des atmosphères variées.
On pourra découvrir leurs œuvres dans la Crypte qui leur est complètement dédiée.
Exposition / Estampes japonaises. Images d’un monde éphémère
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Estampes japonaises
Images d’un monde éphémère
Dates
18 novembre 2008 - 15 février 2009
Lieu
Bibliothèque nationale de France – site Richelieu
Galerie Mazarine et Crypte - 58 rue de Richelieu – Paris IIe
Métro : Bourse, Palais Royal, Pyramides - Bus : 20,21,27,85,74,39
Horaires
Commissariat
Coordination
Scénographie
Graphisme
Publications
Du mardi au samedi, de 10h à 19h, le dimanche, de 12h à 19h
Fermeture lundi et jours fériés
Entrée 7€ - TR : 5€
Gisèle Lambert, conservateur en chef honoraire, BnF
Jocelyn Bouquillard, conservateur au département des Estampes et de la photographie, BnF
Annie Gay-Waver, service des expositions, BnF
Pylone architectes
Les inventeurs du réel
Estampes japonaises
Images d’un monde éphémère
Coédition BnF/ Seuil
Catalogue de l’exposition sous la direction de Gisèle Lambert
Broché, 26,5 x 23,5 cm
340 pages et 200 illustrations couleurs
39€
Estampes japonaises. Mémoires & merveilles de la BnF
Coédition BnF/France Loisirs
Gisèle Lambert
21 x 27 cm, relié sous jaquette
176 pages et 125 illustrations couleurs
18,95€
Manga - Hokusai
Jocelyn Bouquillard et Christophe Marquet
coédition BnF/Seuil
160 pages - 57 illustrations couleurs - 15,5 x 24 cm
25€
Visites guidées
Les Trente-six vues du mont Fuji
Jocelyn Bouquillard
coédition BnF/Seuil
120 pages - 47 illustrations couleurs - 27 x 21 cm
29€
Visite individuelle : informations et réservation obligatoire au 01 53 79 40 43
Pour les groupes : informations et réservation obligatoire même pour les visites libres
au 01 53 79 49 49
Renseignements
01 53 79 59 59, bnf.fr
Contacts presse
Claudine Hermabessière, chef du service de presse
Tel : 01 53 79 41 18 - [email protected]
Jean-Noël Orengo, chargé de communication
Tel : 01 53 79 41 14 Fax : 01 53 79 47 80 - [email protected]
Exposition / Estampes japonaises. Images d’un monde éphémère
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Présentation
Une citation dans un ouvrage d’Asai Ryôi, Contes du monde flottant, vers 1665, livre en partie,
l’origine de l’appellation de l’estampe japonaise, ukiyo-e, apparue à la fin du XVIIe siècle, durant
l’époque d’Edo (1603-1868). : «…vivre uniquement le moment présent, se livrer tout entier à la
contemplation de la lune, de la neige, de la fleur de cerisier et de la feuille d’érable…, ne pas se
laisser abattre par la pauvreté et ne pas la laisser transparaître sur son visage, mais dériver comme
une calebasse sur la rivière, c’est ce qui s’appelle ukiyo ».
Le suffixe « e », image, associé au concept ukiyo dans des ouvrages au début des années 1680,
composa le terme ukiyo-e qui signifie littéralement image d’un monde flottant (uki, flottant, yo,
monde). Le caractère uki, imprégné de connotations bouddhiques, évoquait cependant la tristesse
du monde terrestre, misérable, celui des apparences, opposé au monde sacré et immuable. Par
homophonie, il évoquait aussi un monde de plaisirs.
Or, le monde du temps qui passe, le monde contemporain, celui des plaisirs de la société galante et
libertine de l’époque d’Edo (1603-1868) et de sa culture ludique, fut le thème essentiel de cet art
de l’estampe, qui connut son apogée au XVIIIe et dans la première moitié du XIXe siècle.
Le contexte
Vers la fin du XVIIe siècle, lorsque l’estampe japonaise apparaît, Tôkyô s’appelle encore Edo.
La naissance de l’ukiyo-e et son évolution surprenante s’expliquent par un contexte particulier, le
bouleversement politique, économique, social et culturel du pays. Après une longue période de
luttes de clans rivaux et d’instabilité politique, le shogun Tokugawa Ieyasu s’installa à Edo et
instaura un gouvernement militaire. L’empereur qui ne conservait qu’un rôle de prestige, résidait à
Kyôtô.
Durant deux siècles et demi, le pays s’isola du monde extérieur. Il connut la paix et la prospérité.
Une nouvelle classe bourgeoise marchande, de plus en plus aisée, éloignée de la culture et des
spectacles de la cour, créa sa propre culture, ses valeurs, ses héros, ses beautés idéales, ses
divertissements.
A Edo, deux pôles d’attraction, le quartier des théâtres et le quartier de plaisir de Yoshiwara,
fournirent alors des modèles à des artistes.
L’effervescence qui y régnait, fut le creuset d’un art nouveau, concrétisé principalement par
l’estampe gravée sur bois. Cette image multiple, facile à diffuser, servit d’abord de support
publicitaire aux spectacles, aux modes, aux produits et accessoires de luxe, aux lieux de plaisir.
Mais ces œuvres de commande, réalisées par des créateurs de génie, s’imposèrent bientôt comme
un art à part entière.
L’art de l’estampe ukiyo-e
Ces grands maîtres, non conventionnels, libérés des principes de l’art de cour, créèrent un style
nouveau en adaptant leurs œuvres à une technique. Soulignons que les artistes dessinaient et
dirigeaient la réalisation de la gravure mais ne gravaient pas eux-mêmes la planche. Ce travail
incombait à des artisans.
La gravure sur bois privilégie le trait et les aplats. Ce fut donc un art stylisé qui en découla,
entraînant une simplification des formes inspirées de l’idéogramme. De même, la ligne ondulante,
expressive, incisive, en pleins et déliés, dérivait de la calligraphie.
Dans cet art sans ombre, sans perspective occidentale, le rôle des aplats de couleurs est essentiel.
Ils structurent l’espace, créent le rythme, accentuent le mouvement. La composition contribue au
dynamisme de l’ensemble. Décentrée, fragmentée, asymétrique, jouant de ruptures d’échelle, de
plans contrariés, elle bouleverse la conception de l’espace. Cet art d’avant-garde, d’un modernisme
étonnant provoqua un engouement inattendu en Occident et se ramifia dans deux courants, l’art
nouveau et le japonisme.
Exposition / Estampes japonaises. Images d’un monde éphémère
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Galerie Mazarine
Parcours de l’exposition
L’exposition débute dans la galerie Mazarine consacrée principalement aux thèmes essentiels du
XVIIIe siècle et du début du XIXe siècle, et se poursuit dans la Crypte réservée entièrement au paysage,
à la faune et à la flore, sujets développés au XIXe siècle par Hokusai et Hiroshige.
A la fois thématique et chronologique, le parcours présente un panorama complet de l’art de l’estampe
ukiyo-e, depuis sa naissance à la fin du XVIIe siècle, jusqu’au milieu du XIXe siècle, à travers une
scénographie s’inspirant des panneaux coulissant des maisons traditionnelles japonaises.
La technique de l’estampe
A l’entrée, un aperçu sur la technique de la gravure sur bois, à l’aide de planches gravées d’Utamaro et
d’Hiroshige, accompagnées d’outils de graveur et des tirages des planches de trait, témoigne de
l’importance du tracé et des aplats dans ce procédé, et de leur incidence sur le style.
Sur une planche de bois dur encollée, de cerisier par exemple, taillée dans le sens des fibres, le
graveur applique le dessin de l’artiste réalisé au pinceau et à l’encre de Chine, sur un papier
transparent. A l’aide d’un couteau, il taille le bois, en dégageant le tracé du dessin et des aplats qui
apparaissent en relief, et qui seront imprimés. Il évide les surfaces avec des gouges et des ciseaux. Le
dessin original est détruit. Puis l’imprimeur encre les contours et les aplats à l’aide d’une brosse et y
appose une feuille qu’il presse sur le bois à l’aide d’un tampon circulaire, le baren.
Les premières gravures sont monochromes, puis
coloriées à la main. Dans les années 1740, Masanobu
expérimente les impressions en couleurs. L’évolution
de la technique connaît son apogée vers 1760, avec
les luxueuses gravures en couleurs, nishiki-e ou
« estampes de brocart », agrémentées de poudre d’or
ou d’argent, de gaufrages, de dégradés, de fonds
micacés, marbrés. Ces œuvres nécessitent autant de
planches gravées que de couleurs souhaitées.
Chaque planche reproduit les fragments d’une même
couleur. Le nombre de planches s’élève parfois à une
quinzaine. L’impression se fait par superposition des
planches encrées, sur une même feuille. Le tirage est
variable selon la qualité de l’impression et du papier
utilisé.
Les couleurs sont à base de pigments d’origine
végétale ou minérale. Le bleu de Prusse utilisé pour
les paysages, sera importé d’Europe au XIXe siècle.
Les variétés de papier le plus souvent utilisées sont le
masa et le hôsho de qualité supérieure. Les
composants principaux sont la mœlle de mûrier, kôsô,
et la colle végétale.
La variété des formats est une caractéristique de
l’estampe japonaise, notamment les formats
verticaux, ô-ôban et hashira-e, réminiscences du
kakemono, et les formats horizontaux, triptyques et
polyptyques, réminiscences des paravents et
makimono.
Exposition / Estampes japonaises. Images d’un monde éphémère
Kitagawa Utamaro
1753 - 1806
Bois de trait d’un portrait de jeune femme en plan
rapproché
Cerisier - 39 x 25,7 cm
©BnF, dépt des Estampes et de la photographie
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Le théâtre et le sumô
Dans cet espace se côtoient les différentes écoles de dessinateurs d’estampes d’acteurs.
Utagawa Toyokuni 1769-1825
Bandô Mitsugorô II dans le rôle d’un rônin
Sous ce nom de 1785-1799 - 38,7 x 26,2 cm
©BnF, dépt des Estampes et de la photographie
Ippitsusai Bunchô actif 1756 - 1790
L’acteur Segawa Kikunojô II interprétant la
danse Shakkyô - Vers 1769 - 29,3 x 13,5 cm
©BnF, dépt des Estampes et de la
photographie
Le théâtre suivi par le roman de mœurs et la poésie (waka, kyôka,
haikai) devint l’expression privilégiée de la culture profane citadine.
Trois formes de théâtre existaient : le nô - exaltant le spirituel et le
sacré - le bunraku - théâtre de marionnette - et le kabuki, théâtre
« profane », parlé, dansé et chanté, créé au début du XVIIe siècle qui
connut son âge d’or en 1740. Les acteurs de kabuki furent l’un des
principaux thèmes de l’estampe. Ce spectacle anticonformiste
proposait une action dramatique intense, une sensualité modérée.
Au masque du théâtre nô, il opposa le visage découvert et maquillé,
selon les sentiments et les passions du héros. Les mouvements
lents, décomposés, les déplacements effectués à un rythme étudié,
les expressions figées se doublant d’un strabisme, d’une torsion de la
tête captivaient le public. Le drame était soutenu par des
instruments de musique, la flûte, le shamisen, guitare à trois cordes
au son mélancolique, les instruments de percussion suggérant les
intempéries. La machinerie était très perfectionnée.
Les intrigues s’inspiraient de récits historiques (exploits des guerriers
et de l’aristocratie de l’époque antérieure à Edo) ou de faits divers
contemporains (meurtre sensationnel, adultère, suicide d’amants
illégitimes). La tradition littéraire se mêla à une inspiration populaire.
La violence, le crime et le suicide, constantes de ce théâtre, se
justifiaient par le sentiment de l’honneur. La classe bourgeoise qui
avait réclamé d’abord des idoles, s’identifia aux héros proposés par
les dramaturges et les écrivains.
Exposition / Estampes japonaises. Images d’un monde éphémère
Utagawa Toyokuni
L’acteur Sawamura Sôjûrô III dans le rôle de
Gengobei - 1798 - 35,3 x 24 cm
©BnF, dépt des Estampes et de la photographie
Okumura Masanobu - 1686 - 1764
Jeune homme tenant un parapluie fermé
Années 1740
©BnF, dépt des Estampes et de la
photographie
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Pour préserver la morale, la scène fut interdite aux femmes ; tous les
rôles furent alors joués par des acteurs hommes de grand talent, les
onnagata.
Les propriétaires de salle commandaient des affiches, des
programmes, des estampes pour faire connaître les spectacles et les
amateurs regroupés souvent en clubs privés, étaient désireux de
contempler chez eux le portrait de leur acteur favori ou la scène la
plus spectaculaire de la pièce.
Les principales écoles de dessinateurs de portraits d’acteurs portent
le nom de leur fondateur et de véritables lignées d’artistes se
distinguent.
Les premiers portraits d’acteurs apparaissent vers la fin du XVIIe
siècle. L’école Torii dans la première moitié du XVIIIe siècle, vise le
grand public. Elle se caractérise le plus souvent par la représentation
du personnage d’un rôle, isolé dans un espace vide, lors d’une scène
impressionnante du drame ou dans une pose spectaculaire. Puis
l’école Katsukawa fondée par Shunshô, étudie la personnalité et le jeu
théâtral de l’acteur avec subtilité. Apparaissent alors de véritables
portraits d’acteurs, notamment ceux très subtils, compte tenu de
l’ambiguïté de leur personnalité, des plus célèbres onnagata de
l’époque. Les estampes polychromes d’une grande qualité plaisent à
une clientèle fortunée, souvent regroupée en club autour d’un acteur.
Exposition / Estampes japonaises. Images d’un monde éphémère
Katsugawa Shunshô - 1726 - 1792
L’acteur Segawa Kikunjô III
Vers 1781 - 29,2 x 12,5 cm
©BnF, dépt des Estampes et de
la photographie
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Tôshûsai Sharaku - actif (1794-1795)
Le présentateur de Théâtre Miyako-za
1794 - 36,9 x 24,2 cm
©BnF, dépt des Estampes et de la photographie
Sharaku, un génie, impose le portrait psychologique, en
gros plan, caractérisé par son étrangeté. Enfin l’école
Utagawa, que Toyokuni illustre avec ampleur, privilégie
l’intensité de l’expression, la pose outrée, la gestuelle, les
portraits en plan rapproché.
Les estampes contribuèrent largement à la connaissance
du kabuki en Occident. Ce théâtre inspira des metteurs en
scène, des chorégraphes occidentaux et autres au XXe
siècle tels Maurice Béjart, Peter Brook, Ariane
Mnouchkine.
Quelques rarissimes ouvrages d’époque (encyclopédie du
théâtre, programme, drame illustré) attestent de l’intérêt
que suscitait le kabuki.
Une évocation rapide de la production d’estampes de
sumô (arbitre, lutteurs avant, pendant et après le tournoi)
réalisées par de grands maîtres, tels Shunshô à l’origine
du genre, Shunei et Kunisada, clôt l’espace des
spectacles.
Les estampes de sumôtori, images publicitaires mais aussi
souvenir d’un lutteur favori, d’un instant d’émotions, de
sensations fortes, connurent une grande vogue, d’autant
plus que dans le dernier tiers du XVIIIe siècle, ce sport
vécut son âge d’or. Les lutteurs très célèbres étaient
même sponsorisés par les daimyô, les seigneurs. Les
estampes érotiques s’inspirèrent parfois des prises de
sumô.
Exposition / Estampes japonaises. Images d’un monde éphémère
Kitagawa Utamaro - 1753-1806
Fidélité des sentiments comparés aux
sources de l’amour
Vers 1798-1799 - 37,5 x 25 cm
©BnF, dépt des Estampes et de la
photographie
Katsukawa Shunei - Vers 1762 - 1819
Les lutteurs de sumô, kaminari à droite et Narutaki
à gauche
32,7 x 23,7 cm
©BnF, dépt des Estampes et de la photographie
9
Les beautés féminines et la vie quotidienne
L’espace est introduit par quelques ouvrages de Harunobu, Utamaro, Shigemasa et Shunshô, qui
illustrent les occupations variées des courtisanes au rythme des quatre saisons dans les maisons
vertes (musique, poésie, jeu de cartes…).
Suzuki Harunobu
Vers 1725 - 1770
Beauté sautant dans le vide depuis
le balcon du temple Kiyomizu 1765 - 26 x 18,5 cm
©BnF, dépt des Estampes et de
la photographie
Suzuki Harunobu
L’averse
1765 - 28 x 20,7 cm
©BnF, dépt des Estampes
et de la photographie
Suzuki Harunobu
Crabe plein d’espiéglerie
Vers 1765 - 1770 - 27,5 x 21,3 cm
©BnF, dépt des Estampes et de la
photographie
A Edo, le quartier de plaisir de Yoshiwara, quartier réservé
entouré d’une enceinte, accueillait un public essentiellement
masculin dans ses maisons de plaisirs appelées « maisons
vertes », ses maisons de thé, ses restaurants, ses magasins de
soieries, de produits de luxe, ses boutiques de saké, ses
jardins, ses établissements de bains…L’estampe fut le support
médiatique de toute cette activité.
Des hommes d’affaire, des samouraïs, des dandys, une
jeunesse dorée côtoyaient des musiciens, des poètes, des
écrivains, des peintres, d’ailleurs considérés comme des
marginaux. Dans ce quartier, les distinctions sociales
s’effaçaient. Des guides du Yoshiwara destinés aux clients
furent publiés, décrivant les qualités des courtisanes et
distillant aux clients un code raffiné de l’amour, véritable
esthétique du plaisir. Les courtisanes recevaient une éducation
raffinée (musique, danse, poésie, cérémonie du thé, culture
littéraire, peinture, calligraphie). Les bourgeois aspiraient au
charme et à la culture de l’aristocratie. Les hôtesses des
maisons de thé, les geishas, avaient un rôle différent. Jeunes
filles tout autant cultivées, honorables, distinguées, elles
pouvaient être retenue pour tenir compagnie à des artistes
dans leurs ateliers.
Exposition / Estampes japonaises. Images d’un monde éphémère
Kitagawa Utamaro
Les dix types d’études
physiognomoniques de
femmes. Femme inconstante
vers 1792 - 38,4 x 25,4 cm
©BnF, dépt des Estampes et
de la photographie
Torii Kiyonaga
1752 - 1815
Les douze mois du quartier sud. Douzième mois
1783 - 24,7 x 17,6 cm
©BnF, dépt des Estampes et de la
photographie
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Les romans et les pièces de théâtre prirent parfois pour
héroïne des courtisanes ou des hôtesses.
Toutes ces beautés renommées, lançaient les modes. Les
estampes révèlent l’importance du vêtement, son rôle
dans l’expression du mouvement, du rythme, des formes,
du volume.
La chronologie, l’évolution de la technique, la diversité des
formats, les diptyques, triptyques et polyptyques très
nombreux font de cet ensemble le sommet de l’exposition.
Les variations de l’idéal féminin au cours du siècle sont
évidentes.
Kitagawa Utamaro - 1753 1806
Douze activités manuelles féminines
La coiffeuse. Vers 1798-99
37,8 x 25,1cm
©BnF, département des Estampes
et de la photographie
La personnalité d’Utamaro, figure centrale de l’ukiyo-e, qui mène cet art à son apogée, est mise en
valeur par un nombre d’œuvres important de grande qualité.
Les premières gravures représentant les beautés féminines diffusées à la fin du XVIIe siècle, se
caractérisent par la monochromie et un style issu de la calligraphie. Les femmes dessinées par
Moronobu, considéré comme l’une des personnalités fondatrices de l’ukiyo-e, évoquent parfois encore
les dames de cour de l’époque médiévale, poupées à la longue chevelure soutenues par des soieries.
L’atelier Kaigetsudô, « atelier languissant pour la lune », diffuse les premières figures de courtisanes en
estampe isolée. Le type féminin est alors celui d’une beauté altière, hautaine, à la silhouette cambrée
se déplaçant sur un fond neutre.
Kitagawa Utamaro
Takashima Ohisa
1793 - 37,5 x 24,5 cm
©BnF, département des Estampes
et de la photographie
Kitagawa Utamaro
Six poèmes élégamment illustrés
Okita de la maison Naniwaya
39 x 25,7cm
©BnF, département des Estampes
et de la photographie
Exposition / Estampes japonaises. Images d’un monde éphémère
Kitagawa Utamaro
Mère allaitant son enfant
38,5 x 25,5 cm
©BnF, département des Estampes
et de la photographie
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Une nouvelle esthétique de la femme apparaît avec l’ingénue gracile de Harunobu, suivie de la femme
épanouie, sûre d’elle, de Koryûsai, et de l’élégante souvent longiligne de Kiyonaga, qui se plaît à
suggérer des impressions, à rendre l’atmosphère du moment.
Enfin, Utamaro crée une beauté universelle, épouse, mère de famille, geisha, amante, courtisane,
prostituée. Tous les types de femmes défilent, de l’élégante précieuse, mystérieuse, séductrice, à la
femme active ou à la femme sauvage de légende. Il inaugure le portrait individuel en gros plan,
recherchant la psychologie de ses modèles. Quant à Eishi et Eiri, ils s’illustrent par l’extrême
raffinement de leurs modèles, des beautés féminines d’une distinction toute aristocratique, dans une
atmosphère feutrée.
Kitagawa Utamaro - Yamauba et Kintarô
Vers 1801-1804 - 37,5 x 25 cm
©BnF, dépt des Estampes et de la photographie
Kitagawa Utamaro - Coup d’œil furtif
Vers 1799-1800 - 38,2 x 25,4 cm
©BnF, dépt des Estampes et de la photographie
Exposition / Estampes japonaises. Images d’un monde éphémère
Rekisentei Eiri - Actif entre 1789-1801
Jeune fille préparant un jeu de Nouvel an
1799 - 36,1 x 24,2 cm
©BnF, dépt des Estampes
et de la photographie
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Estampe parodique, poèmes et surimono
La culture ludique des quartiers de plaisirs se refléta également dans les estampes parodiques :
symboles, blasons, rébus, jeux d’esprit, poèmes (haikai, kyôka), allusion, métaphore, homonymie.
Ces subtilités apparues dès le début de l’estampe sont parfois difficiles à interpréter, notamment
pour les occidentaux.
Des cercles privés d’esthètes, de lettrés, commanditaient des images au sens caché, qu’il fallait
décrypter. Des œuvres classiques, le Dit du Genji, roman composé par une dame de la cour,
Murazaki, au début du XIe siècle, les Contes d’Ise, premier roman d’amour japonais, du IXe siècle,
relatant les aventures amoureuses du courtisan Ariwara no Narihira, les poèmes et les épisodes de
la vie d’Ono no Komachi, poétesse du IXe siècle, à la beauté légendaire, des thèmes historiques,
des légendes, des récits du répertoire chinois, étaient transposés dans le monde contemporain.
Les personnages actualisés, travestis, empruntaient les traits de courtisanes, d’acteurs célèbres ou
évoluaient dans un lieu connu, célébré dans la littérature. Quelques éléments (fleur, éventail,
symbole, poème) livraient aux amateurs éclairés les sources de la scène représentée.
Suzuki Harunobu - vers 1725-1770
Kanzan et Jittoku
Vers 1765 - 1770
35,6 x 21 cm
©BnF, dépt des Estampes et de la
photographie
Exposition / Estampes japonaises. Images d’un monde éphémère
Isoda Koryûsai
Actif entre 1766-1788
Parodie de Genji. La belle du soir
Années 1770 - 26,2 x 19,7 cm
©BnF, dépt des Estampes et de
la photographie
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Une autre expression de ces jeux d’esprit se manifesta dans les surimono, apparus en 1765, dont
on distingue trois catégories : les cartes de circonstances ou cartes événementielles (jour de l’an,
anniversaire, commémoration) ; les images accompagnées d’un poème, kyôka (poème burlesque)
ou haikai, foisonnant de jeux de mots, d’allusions, de messages à décrypter ; les images de
calendriers (egoyomi) qui dissimulent les chiffres des mois longs et des mois courts dans les motifs
décoratifs des kimonos, chiffres indispensables pour les calculs calendaires dans le calendrier
lunaire. Diffusées en très petit nombre auprès de membres de clubs privés, leurs commanditaires,
lors de réunion, ces estampes luxueuses occupèrent une place prépondérante dans l’estampe
jusqu’à leur disparition en 1840.
Les surimono, cartes événementielles, où la nature morte apparut, sont l’une des caractéristiques
de ces jeux d’esprit. Un album, trésor du département des Estampes et de la photographie, en
contient 439 de 30 artistes célèbres, avec les textes accompagnant l’image. Il regroupe une partie
de la collection d’un lettré du XVIIIe siècle, Kizan. De la reliure en accordéon, quelques pages ont
été dépliées.
Trois albums, chef-d’œuvres d’Utamaro, traitant d’oiseaux, d’insectes, de coquillages accompagnés
de poèmes kyôka à double sens, agrémentent cette section.
Album de Surimono - Volume III - L’Homme
Impression polychrome
Vers 1796 - 1812 - 40,5 - 29,8 cm
©BnF, dépt des Estampes et de la photographie
Exposition / Estampes japonaises. Images d’un monde éphémère
Suzuki Harunobu - vers 1725-1770
Belle chevauchant un phénix
19,8 x 25,5 cm
©BnF, dépt des Estampes et de la photographie
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Les estampes érotiques
Dimension essentielle de l’ukiyo-e depuis les années 1670, les diverses appellations de l’estampe
érotique témoignent de l’attrait qu’elles suscitaient : « image d’oreiller », « image galante », « image
pour rire », « image secrète », « image de printemps » ou shunga…C’est ce dernier terme qui fut retenu
par les occidentaux.
Suzuki Harunobu
La femme jalouse à la boule de neige
Vers 1768 - 20,9 x 28,4 cm
©BnF, dépt des Estampes et de la photographie
Expression populaire des rouleaux et des peintures
érotiques destinés à l’aristocratie depuis le Moyen
Âge, elles ajoutent aux œuvres des artistes une
dimension fondamentale par la singularité du
traitement de ce thème, leur nombre et leur qualité.
La plupart des grands maîtres s’adonnèrent à la
réalisation de ce genre. Elles représenteraient
jusqu’à un tiers de la production de certains artistes.
Souvent imprégnées d’humour, ces estampes
distrayaient par leur fougue, mais dispensaient aussi
une éducation raffinée du plaisir. Les dessinateurs y
développèrent l’étude du nu sous les aspects les
plus divers, et les figures étranges qu’il engendre,
seul ou mêlé, avec une inventivité frôlant souvent la
fiction.
Cette production, bien que clandestine, bénéficiait
d’une certaine complaisance du gouvernement.
Une trentaine d’estampes et trois livres illustrés
clôturent l’exposition dans la galerie Mazarine. Elles
retracent l’évolution stylistique du genre avec
Masanobu, Harunobu, Utamaro entre autres. Parmi
celles-ci, deux séries de douze estampes de format
hashira-e horizontal, ensemble unique de Shûsui et
de Kiyonaga, chefs-d’œuvre de la gravure érotiques
sont exposées pour la première fois.
Exposition / Estampes japonaises. Images d’un monde éphémère
Katsukawa Shunshô
L’album érotique du coucou comique
1788 - 23,4 x 36,4 cm
©BnF, dépt des Estampes et de la photographie
Extraits de douze gravures sans titre
Sans signature à l’époque
Shimokôbe Shûsui
Vers 1771 - environ 71-75 x 52 -52,5 cm
©BnF, dépt des Estampes et de la photographie
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La Crypte
L’avènement de l’estampe de paysage au XIXe siècle
Alors qu’au tournant du siècle, l’estampe polychrome ukiyo-e a atteint son apogée, tout entière
consacrée aux quartiers réservés et au théâtre kabuki, monde éphémère des plaisirs chers à la
bourgeoisie marchande, elle n’en marque pas moins le pas, la culture d’Edo déclinant peu à peu. Les
autorités Tokugawa, qui ont cristallisé un ordre politique et social suranné, se raidissent et exercent
sur l’édition une censure de plus en plus sévère. Ces restrictions obligent les artistes à se remettre en
question et à se tourner vers des estampes à sujets historiques, héroïques, légendaires ou satiriques.
Hokusai (1760-1849) et Hiroshige (1797-1858) fondent quant à eux un genre nouveau, l’estampe de
paysage, renouvelant les thèmes traditionnels et le style de l’estampe japonaise.
La Crypte leur est entièrement dédiée.
Katsushika Hokusai (1760 - 1849)
Hokusai, né en 1760 dans un faubourg campagnard d’Edo, développe des aptitudes précoces pour le
dessin. Servi par une extraordinaire capacité de travail et une carrière prolifique, longue de soixantedix ans, il pratique tous les genres et laisse des milliers d’œuvres remarquables tant par leur qualité
esthétique que par leur variété stylistique, mais c’est dans ses grandes séries de paysages qu’il donne
toute la mesure de son génie. Tout au long de sa vie, mouvementée et difficile, il déménage
constamment et change perpétuellement de nom et de signature - pas moins de cent vingt
pseudonymes -, selon les étapes de son travail et l’évolution de son style.
Parmi les œuvres exposées d’Hokusai, on trouve
quelques unes des Trente-six vues du mont Fuji, série
emblématique de l’estampe de paysage, entreprise vers
1830, terminée trois ans après et qui marque l’apogée
de l’art d’Hokusai. Cette suite, luxueusement imprimée,
en largeur et en grand format, utilisant abondamment le
bleu de Prusse, constitue un événement éditorial
nouveau : le mont Fuji et les paysages environnants
forment le sujet principal de chacune des quarante-six
planches qu’elle comporte. Aux trente-six estampes
initialement prévues, sont venues s’ajouter, dans une
seconde étape, en raison du succès remporté par la
série, dix planches supplémentaires.
Exposition / Estampes japonaises. Images d’un monde éphémère
3e vue du mont Fuji
L’orage sous le sommet de la montagne
Vers 1829-1833 - 24,4 x 36,2 cm
©BnF, dépt des Estampes et de la photographie
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Dans cette série, Hokusai réalise une synthèse entre
son acquis oriental et l’assimilation des influences
occidentales. Certaines vues présentent une
conception purement japonaise, notamment celles qui
donnent une vision frontale du mont Fuji dans sa
magnificence, sa sérénité et son dépouillement. Point
de vue assez haut, absence de ligne d’horizon, insertion
de nuages et de nappes de brouillard, telles étaient les
caractéristiques de la perspective japonaise et la
méthode classique pour rendre la profondeur. Dans
d’autres vues, Hokusai utilise avec habileté les
techniques européennes pour rendre l’illusion spatiale ;
il y introduit de manière assez naturelle les principes de
la perspective occidentale, incorporant des plans
successifs pour donner une impression de profondeur
de champ.
14e vue du mont Fuji
Les champs du hameau de Umezawa dans la province de Sagami
Vers 1829-1833 - 25,5 x 37,4 cm
©BnF, dépt des Estampes et de la photographie
15e vue du mont Fuji
Kajikazawa dans la province de Kai
Vers 1829-1833 - 25,5 x 37,4 cm
©BnF, dépt des Estampes et de la photographie
32e vue du mont Fuji - Le village de Sekiya au bord du fleuve Sumida
Vers 1829-1833 - 24,8 x 37 cm
©BnF, dépt des Estampes et de la photographie
Rendant un hommage vibrant à la montagne sacrée, Hokusai la représente sous une infinie variété de
points de vue, de près comme de loin, avec un sens génial des cadrages ; il la saisit dans toutes les
situations possibles, dans des conditions climatiques différentes, sous des lumières changeantes, en
toutes saisons et par tous les temps : sous la neige ou l’orage, environnée de brumes ou dans un ciel
limpide, à l’aube ou au crépuscule, variant ainsi les atmosphères et les éclairages. Il figure parfois le
mont Fuji en gros plan, vierge de toute présence humaine, dressant majestueusement dans le ciel sa
cime blanchie par les neiges éternelles ; mais plus souvent il le représente à l’horizon, laissant se
dérouler au premier plan des scènes de la vie quotidienne. Il prête d’ailleurs une attention particulière
aux gens du peuple, artisans et paysans. Dans une vision cosmique, conjuguant shintoïsme et
humanisme, il dépeint l’homme dans ses activités ordinaires, en harmonie avec la nature. C’est ainsi
qu’il réussit à atteindre l’universel, sans doute la clef pour expliquer la profonde fascination que cette
œuvre exerce aujourd’hui encore.
Exposition / Estampes japonaises. Images d’un monde éphémère
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Feux d’artifices dans la fraîcheur du soir au pont
de Ryôgoku à Edo - Vers 1830 - 23 x 35 cm
©BnF, dépt des Estampes et de la
photographie
Hokusaï est également l’auteur de Manga, une encyclopédie
illustrée du Japon, répertoire inépuisable de modèles sur tous
les sujets pour les artistes.
C’est à juste titre que l’on considère Hokusai comme l’un des
plus grands artistes japonais, autant par la richesse et
l’originalité de son œuvre que par la force et la singularité de
son génie. Saisissant quelques-uns des traits les plus saillants
de la spiritualité et de l’âme japonaise, il laisse une production
monumentale, d’une infinie variété. Bouddhiste et shintoïste
fervent, il cherche tout au long de sa vie à pénétrer les
mystères de la nature et de la création. Suivant une démarche
à la fois réaliste et spirituelle, observateur minutieux du
monde qui l’entoure, il s’émancipe progressivement de la
tradition pour suivre sa voie. Son œuvre apparaît comme un
long cheminement vers la connaissance.
La Manga, Eléphant avec un groupe d’aveugles
1812 - 1878 - 22,7 x 15,5 cm
©BnF, dépt des Estampes et de la
photographie
Exposition / Estampes japonaises. Images d’un monde éphémère
Faucon et prunier
en fleurs
Vers 1832-1833
50 x 22 cm
©BnF, dépt des
Estampes et de la
photographie
Volubilis et rainette
Vers 1830-1834 - 26,8 x 38,2 cm
©BnF, dépt des Estampes et de la photographie
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Andô Hiroshige (1797 - 1858)
Issu d’une famille de samouraïs, Andô Hiroshige s’oriente très jeune vers le dessin, entre à l’âge de
quatorze ans dans l’atelier de Toyohiro Utagawa (1773-1828), et joint dès 1812 le caractère hiro (du
nom du maître) à son nom d’artiste. Vers les années 1830, après une période de formation durant
laquelle il pratique une estampe proche de ses ainés autour du thème des courtisanes, des acteurs et
des guerriers, il se tourne vers le paysage. C’est au retour d’une mission officielle, où il accompagne en
1832 le cortège du shôgun sur la route du Tôkaidô, qu’il réalise sa fameuse série des Cinquante-trois
relais du Tôkaidô (1833-1834), qui remporte un succès considérable et fait sa renommée ; il consacre
alors à cette route d’autres séries, de formats différents. Sa production énorme, comprenant plus de
huit mille œuvres, le conduit à parcourir sans cesse le Japon, qu’il transfigure dans son art, où il
conjugue réalisme et poésie. Parmi ses célèbres suites d’estampes, on peut citer les Soixante-neuf
relais du Kisôkaidô (1839), les Vues des sites célèbres des soixante et quelques provinces du Japon
(1853-1856), les Cent Vues d’Edo (1856-1858), ainsi que des gravures de poissons, de fleurs et
d’oiseaux (kachô-ga).
Les 53 relais du Tôkaidô
10e relais : Hakone. Vue du lac
vers 1835 - 25 x 38 cm
©BnF, dépt des Estampes et de la photographie
Les 53 relais du Tôkaidô
11e relais : Mishima. La brume matinale
vers 1835 - 25 x 38 cm
©BnF, dépt des Estampes et de la photographie
La série des Cinquante-trois relais du Tôkaidô est publiée en 1833-1834 par l’éditeur Takenouchi
Magohachi de la maison Hoeidô. Elle immortalise les étapes de cette route très ancienne et très
fréquentée, reliant Edo, la capitale shôgunale, siège du gouvernement, à Kyôto, la capitale impériale.
Exposition / Estampes japonaises. Images d’un monde éphémère
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Les 53 relais du Tôkaidô
39e relais : Chiryû. Foire aux chevaux
vers 1835 - 25 x 38 cm
©BnF, dépt des Estampes et de la photographie
Les 53 relais du Tôkaidô
48e relais : Sakanoshita. Le sommet d’où l’on jette son pinceau
vers 1835 - 25 x 38 cm
©BnF, dépt des Estampes et de la photographie
Hiroshige est le premier à réaliser une grande série de cinquante-cinq planches représentant
l’ensemble des relais, avec les villes de départ et d’arrivée (Edo et Kyôto), l’accroissement du public et
l’abaissement du coût de l’édition lui permettant ce tour de force. Il utilise pour cela les nombreux
croquis et esquisses qu’il a exécutés en 1832, au cours du convoi conduisant à Kyôto les chevaux
offerts par le shôgun à l’empereur. Séduit par la beauté des sites, il représente l’animation trépidante
de cette route et de ses différents relais de poste, tout en dépeignant les superbes panoramas qu’elle
offre. Bien qu’il ait effectué le voyage vers le mois de septembre, il se fie à son imagination et à son
sens poétique pour figurer ses vues aux différentes saisons de l’année et à divers moments de la
journée.
La série connaît un succès sans précédent et des tirages très importants, avec des dégradés et des
coloris très soignés pour les premiers tirages.
Lune d’automne à Seba
Vers 1839 - 22,5x32,5 cm
©BnF, dépt des Estampes et de la photographie
Exposition / Estampes japonaises. Images d’un monde éphémère
Langouste
Vers 1832 - 26 x 37 cm
©BnF, dépt des Estampes et de la photographie
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L’art d’Hiroshige se caractérise par son approche poétique de la
nature. Privilégiant les effets d’atmosphère, les phénomènes
climatiques, la lumière, il suggère avec lyrisme la saison, figure
avec un art consommé les intempéries – pluie de printemps,
orage, vent, neige, brouillard… – ou encore les moments de la
journée : aube dans la brume, lever de soleil, crépuscule du soir,
clair de lune, obscurité de la nuit. A travers les caprices du
temps, la floraison des cerisiers ou la chute soudaine des fleurs,
il évoque avec nostalgie la brièveté de la vie et les plaisirs
fugitifs. Attentif aux manifestations de la permanence et de
l’éphémère, observateur enthousiaste et parfois mélancolique de
la nature, sensible à sa beauté, à sa fragilité et à ses variations, il
cherche à en saisir les impressions instantanées et changeantes,
précurseur en ce sens des impressionnistes sur lesquels il
exercera une influence très nette. Ses estampes sont une
merveille de réalisme poétique : le maître parvient à représenter
un site réel de façon identifiable, tout en le baignant de cette
aura poétique et mystérieuse inhérente à la nature.
Les rizières d’Asakusa et la fête de
Torinomachi
Tiré de : Cent vues d’Edo,
1856-1859 - 33,5 x 22,5 cm
©BnF, dépt des Estampes et de la
photographie
Dans les dernières années de son existence, très productives,
Hiroshige réalise plusieurs séries admirables, notamment de
grandes suites topographiques, d’une ampleur inégalée. Il
publie ainsi, de 1853 à 1856, une suite de soixante-dix
planches, les Vues des sites célèbres des soixante et
quelques provinces du Japon, et, de 1856 à 1859, un
ambitieux recueil de cent dix-neuf planches, les Cent vues
célèbres d’Edo, rendant hommage à sa ville natale et
couronnant sa carrière. Dans ces deux suites, il utilise de
façon systématique le format vertical : cette contrainte l’amène
à adopter des compositions originales et variées, avec des
vues plongeantes, des perspectives ascendantes, des points
de vue multiples, des détails en gros plan, des cadrages
audacieux, de subtils dégradés de couleurs… Aussi ces vues
exercèrent-elles une forte influence au Japon comme à
l’étranger.
Les tourbillons de Naruto à Awa
Tiré de : Vues des Soixante et
quelques provinces célèbres du
Japon
1853-1856 - 32,4 x 21,1 cm
©BnF, dépt des Estampes et de la
photographie
Exposition / Estampes japonaises. Images d’un monde éphémère
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Plans de l’exposition
Galerie Mazarine
Exposition / Estampes japonaises. Images d’un monde éphémère
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La Crypte
Exposition / Estampes japonaises. Images d’un monde éphémère
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Publications
Estampes japonaises
Images d’un monde éphémère
Sous la direction de Gisèle Lambert
26,5 x 23,5 cm
340 pages et 200 illustrations couleurs
39€
Avec des textes de Gisèle Lambert, Jocelyn Bouquillard, Christophe Marquet,
professeur à l’Institut national des langues et civilisations orientales de Paris et Keiko
Kosugi, spécialiste des collections japonaises à la division orientale du département
des Manuscrits de la BnF.
Le catalogue de l’exposition propose une vision d’ensemble de l’estampe japonaise, depuis son
apparition, à la fin du XVIIe siècle, jusqu’au milieu du XIXe siècle. Deux cents reproductions
d’œuvres d’une qualité exceptionnelle, souvent rarissimes ou uniques, ont été sélectionnées
dans le fonds prodigieux du département des Estampes et de la photographie de la BnF.
L’estampe japonaise, ou ukiyo-e, révèle l’art de vivre et la nouvelle culture de la société urbaine
et marchande de l’ère Edo. Cette bourgeoisie citadine fortunée, exclue de la culture
traditionnelle et des divertissements réservés aux seigneurs, créa sa propre culture, ses héros,
ses idéaux, ses loisirs et spectacles. Ainsi les estampes sont-elles à la fois le reflet et le support
médiatique de l’univers ludique des quartiers de théâtres et de plaisirs. C’est dans ces lieux de
divertissements privilégiés, que les grands maîtres choisirent leurs modèles : acteurs du
théâtre de kabuki, courtisanes des « maisons vertes », hôtesses des maisons de thé…
Interprète d’un rôle ou silhouette anonyme évoluèrent vers le portrait réel, psychologique ; de
même l’estampe monochrome sumi-e devint de plus en plus élaborée, s’anima de couleurs
subtiles, rehaussées de gaufrage, de poudre d’or et d’argent, de fonds marbrés, micacés
offrant à une clientèle exigeante, un raffinement extrême.
Le modernisme de ces œuvres, l’audace des compositions, des formats, surprennent : ligne
souple, fluide, en arabesque, graphisme inspiré de la calligraphie, synthèse de la forme, aplats
de couleurs, asymétrie des constructions souvent fragmentées….. A travers le style transparaît
ainsi la vision hédoniste de cette société, son mode de vie, ses aspirations, sa culture, jusqu’à
ses fantasmes dans les estampes érotiques ou « images de printemps ».
Les auteurs de ce catalogue apportent leur concours à la recherche en se penchant sur les
provenances des œuvres, et sur les diverses inscriptions dont la calligraphie ornementale
prolonge le tracé du dessin, révélant un peu plus la créativité d’avant-garde des dessinateurs
de l’époque d’Edo.
Exposition / Estampes japonaises. Images d’un monde éphémère
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Véritable encyclopédie du Japon par l’image, la Manga de
Hokusai représente un ensemble étonnant de plus de huit cents
pages, de près de 4 000 motifs réunis en quinze volumes, publiés
entre 1814 et 1878. Une sélection d'une soixantaine de planches
est ici reproduite, à partir d’un exemplaire de la Manga conservé
au département des Estampes et de la photographie de la
Bibliothèque nationale de France. Elles donnent un aperçu de la
variété extraordinaire de ce recueil de modèles pour les artistes.
Manga-Hokusai
Coédition BnF/Seuil
Jocelyn Bouquillard et Christophe Marquet
15,5 x 24 cm - 160 pages et 57 illustrations couleurs - 25€
Les planches des Trente-six Vues du mont Fuji reproduites ici
sont conservées au département des Estampes et de la
photographie de la BnF. Elles proviennent de trois collections
datant de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, à la grande
époque du japonisme. Reproduisant les meilleurs tirages de ces
trois collections, l’ouvrage reconstitue une très belle série
complète des vues du mont Fuji. Cette œuvre exceptionnelle de
la culture japonaise trouve dans cette édition un appareil de
notes et de commentaires à sa mesure.
Les Trente-six vues du mont Fuji - Hokusai
Coédition BnF/Seuil
Jocelyn Bouquillard
27 x 21 cm - 120 pages et 47 illustrations couleurs - 29€
La cloche du soir à Dôjôji, la vague au large de Tanagawa,
pruniers dans la nuit sans lune, promenade parmi les iris,
pêcheuses d’abalones, prélude au désir, la belle Kisegawa chez
Matsubaya…, l’art de l’ukiyo-e – image du « monde flottant » –
qui s’épanouit dans le Japon des XVIIIe et XIXe siècles, reflète le
style de vie et la culture de la nouvelle bourgeoisie aisée des
cités urbaines, à l’ère d’Edo (Tokyo), la capitale shogunale. Une
esthétique du plaisir qui engendre un art d’un raffinement
extrême, que l’on découvre ici à travers une centaine d’œuvres
des plus grands maîtres parmi lesquels Harunobu, Hiroshige,
Hokusai, Sharaku, Toyokuni, Utamaro…
Estampes japonaises.
Mémoires & merveilles de la BnF
Coédition BnF / France Loisirs
Gisèle Lambert
21 X 27 cm - 176 pages et 125 illustrations couleurs - 18,95€
Exposition / Estampes japonaises. Images d’un monde éphémère
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Estampes japonaises
une exposition virtuelle sur bnf.fr
Conçue en écho à l’exposition qui se déroule sur le
site Richelieu de la BnF, l’exposition virtuelle
Estampes japonaises. Images d’un monde éphémère,
permet de retrouver en ligne les œuvres et les
principaux artistes de cet âge d’or de l’art graphique
japonais qu’est l’ukiyo-e.
L'exposition et son dossier reprennent les grandes
thématiques de l’estampe japonaise : scènes de
spectacles, portraits de femmes, parodies et
poèmes, paysages.
Le site ayant une vocation pédagogique, l'estampe
érotique est juste évoquée.
Gros plans sur Hokusai et Hiroshige
Deux œuvres intégrales sont proposées :
Les Trente-six vues du mont Fuji d’Hokusai au
sommet de son art.
Les Cinquante-trois relais du Tôkaidô qui font de
Hiroshige un des artistes les plus en vogue de son
époque.
Pour ces deux œuvres, un album permet de
feuilleter chacune d’elle dans leurs moindres détails.
Visite guidée
Pour la première fois, une visite guidée par la
commissaire de l'exposition est proposée en
téléchargement.
Le
public
retrouvera
une
numérotation des pièces dans l'exposition
correspondant à la succession des commentaires
sonores téléchargés sur son MP3. Sur le site, ces
commentaires peuvent s'écouter tout en explorant à
la loupe les œuvres exposées.
Enfin, une histoire de la collection d’estampes
japonaises conservée à la BnF, des repères sur les
techniques de l'estampe, un regard contemporain du
photographe Thierry Girard qui a refait le chemin des
cinquante-trois relais du Tôkaidô, complètent ce site
riche de plus de trois cents œuvres reproduites en
ligne.
expositions.bnf.fr/japonaises/index.htm
Exposition / Estampes japonaises. Images d’un monde éphémère
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