fiscalite des sfd - Microfinance au Sénégal

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fiscalite des sfd - Microfinance au Sénégal
LA FISCALITE DES SYSTEMES FINANCIERS DECENTRALISES
Abdou FALL
Ancien Conseiller Technique n°1du Ministre de la Microfinance et de l’Entreprenariat
féminin
Conseiller à la Direction générale des Finances/ Ministère de l’Economie et des Finances
Le Sénégal a connu un développement rapide des institutions de microfinance (IMF).
Autrefois réservé à des structures investies d’une mission de développement social, d’entraide
ou de soutien et à des populations à faible revenu, exclues du financement des banques
classiques, le secteur est marqué aujourd’hui par la diversification de ses intervenants mais
également le volume d’opérations et de fonds mobilisés. Cet essor du secteur a été
accompagné par des instruments de promotion notamment la défiscalisation des opérations
inscrites dans le champ réglementaire.
En ce qui concerne la fiscalité des Systèmes Financiers Décentralisés (SFD) dans l’UEMOA,
elle est caractérisée par :
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une uniformisation du texte fiscal s’appliquant aux institutions ou coopératives
d’épargne et de crédit (IMCEC) ;
une diversité dans l’interprétation par les Etats membres du texte susvisé et dans
l’imposition des SFD de forme juridique différente.
Ainsi, les IMCEC bénéficient d’un régime fiscal dérogatoire de droit commun. A ce titre, les
articles 118 et 119 de la loi portant réglementation des Systèmes financiers Décentralisés
prévoient un régime fiscal de faveur en ces termes : « Les institutions mutualistes ou
coopératives d’épargne et de crédit sont exonérées de tout impôt direct ou indirect, taxe ou
droit afférent à leurs opérations de collecte de l’épargne et de la distribution du crédit ».
« Les membres de ces institutions sont également exonérés de tous impôts et taxes sur les
parts sociales, les revenus tirés de leur épargne et les paiements d’intérêts sur les crédits
qu’ils ont obtenus de l’institution ».
Quant à l’étude sur la fiscalité des SFD au Sénégal, elle vise les objectifs ci-après :
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identifier les impôts et taxes supportés par l’ensemble des SFD ;
apprécier l’interprétation et l’application pratique des dispositions des articles 118 et
119 de la loi 2008-47 ;
relever les distorsions constatées ;
formuler des recommandations.
Toutefois, l’administration fiscale sénégalaise retient une interprétation restrictive de la
disposition fiscale sur l’exonération. Elle l’applique uniquement aux opérations stricto sensu
de mobilisation de l’épargne et de distribution du crédit aux membres excluant de ce fait,
toutes les opérations effectuées en amont par les IMCEC pour collecter une épargne et
distribuer du crédit.
A ce titre, seules les IMCEC sont bénéficiaires de cette exonération, tandis que les SFD
constitués sous forme de sociétés commerciales (SA ou SARL) sont exclus et restent soumis
au régime fiscal des sociétés commerciales.
Cette différence de traitement fiscal entre les IMCEC et les sociétés commerciales,
intervenant pour des cibles identiques, situées sur un même espace territorial, entraîne une
distorsion au niveau de la concurrence en faveur des IMCEC.
La particularité et les limites de l’exonération fiscale des IMCEC
La fiscalité différente qui est appliquée aux SFD suivant leur forme juridique cause des
distorsions de concurrence entre d’une part les IMCEC et les autres SFD constitués sous
forme associative ou sous forme de sociétés commerciales.
Les seules exonérations accordées par l’Etat sur la base des articles 118 et 119 de la loi n°
2008-47 ne s’appliquent qu’aux SFD constitués sous forme d’IMCEC et sont relatives à
l’impôt sur le revenu de créances exigible sur le produit de l’épargne des membres des
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IMCEC et celui exigible sur les intérêts perçus par ces institutions dans le cadre des
opérations de refinancement.
En accordant cette exonération uniquement aux IMCEC dont le fonctionnement est fondé sur
les principes d’union, de solidarité et d’entraide mutuelle, l’Etat vise à participer à la
réduction du coût des opérations facturées aux membres et clients de ces institutions.
Selon les termes de l’article 119 précité, ne sont donc concernés que les sociétaires des
IMCEC et la preuve de la qualité de membre ne pose aucune difficulté. En effet, on ne devient
membre de ces institutions qu’après avoir versé obligatoirement une part sociale et fourni les
pièces exigées pour l’adhésion.
En outre, seuls les membres peuvent bénéficier des services financiers offerts par l’institution.
Par ailleurs, l’article 118 de la loi 2008-47 a énuméré les opérations visées ci-dessous :
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collecte de l’épargne ;
−
distribution de crédit.
Toute autre opération est exclue : achat de biens ou de services, paiement des salaires, etc.
Pour cette catégorie d’opérations, les IMCEC sont exonérées :
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de la retenue à la source sur les revenus des créances, dépôts et cautionnements pour
l’application de l’impôt sur les revenus, intérêts, arrérages et tous autres produits (article
100 du Code Général des Impôts). En application des dispositions de l’article 118 de la
loi n° 2008-47 du 03 septembre 2008 portant réglementation des SFD au Sénégal ou
celles de l’article 104 du Code Général des Impôts (CGI) ne doit pas opérer la retenue à
la source sur les intérêts générés par les sommes inscrites dans les comptes des membres ;
du droit de timbre sur les quittances de versement d’espèces par exemple : constitution
d’épargne libre, apport personnel dans le cadre d’un prêt. Cet impôt est prévu par l’article
509 du CGI qui prévoit que les droits de timbre comprennent le droit de timbre des
quittances. Or, en vertu des dispositions de l’article 118 de la loi n° 2008-47 du 03
septembre 2008 portant réglementation des SFD au Sénégal, les SFD ne sont pas soumis
au droit de timbre des quittances uniformes de 200 francs ;
la taxe sur les activités financières (TAF), appelée anciennement la Taxe sur les
Opérations Bancaires (TOB). La taxe sur les activités financières est instituée par les
dispositions des articles 402 et suivants du CGI. Elle s’applique à toutes les
rémunérations perçues sur les opérations financières réalisées au Sénégal, notamment les
commissions et les intérêts perçus sur les crédits, prêts, avances, engagements par
signature et les transferts d’argent réalisés à partir du Sénégal, à l’exclusion du mandat
postal. Le taux de la TAF est de 17%. Ce taux est réduit à 7% pour les intérêts,
commissions et frais perçus à l’occasion de toutes les opérations finançant les ventes à
l’exportation. Sont exonérés de la TAF les intérêts, commissions sur des opérations de
collecte de l’épargne et de distribution du crédit par les SFD telles que définies par la loi
n° 2008-47 du 3 septembre portant réglementation des SFD ;
la patente, en application des dispositions de l’article 316 du CGI, on peut considérer que
les IMCEC sont exonérées de la patente pour la simple raison qu’elles sont exemptées de
l’impôt sur les bénéfices. Il s’y ajoute que parmi les exonérations listées à l’article 317 du
CGI figurent les caisses d’épargne ou de prévoyance administrées gratuitement, comme
c’est le cas des IMCEC.
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Les exonérations fiscales des IMCEC connaissent cependant des limites. Sauf une disposition
expresse ultérieure de la loi, les IMCEC doivent, en l’état actuel de la législation fiscale en
vigueur au Sénégal, s’acquitter des impôts et taxes suivants :
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les impôts et taxes sur salaires ainsi que la retenue de 5% sur les sommes versées aux
tiers. Les employés des SFD ne sont pas exemptés des retenues fiscales prévues sur les
salaires versés. De même, les SFD sont assujettis à la retenue de 5% devant être opérée
sur les sommes versées aux tiers, personnes physiques ;
la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) et les droits de douane sur les achats de biens et
services. Pratiquement, la TVA et les autres droits grevant ces achats sont enregistrés
directement en charges du SFD comme c’est le cas des établissements d’enseignement
scolaire ou universitaire privés ou les cabinets de soins médicaux et paramédicaux.
L’exclusion des sociétés commerciales et associations du champ d’application des incitations
fiscales
La loi relative à la réglementation des SFD au Sénégal se caractérise, entre autres, par la
distinction de trois catégories d’institutions (article 15) :
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les SFD constitués sous forme de sociétés commerciales (SA et SARL) ;
−
les SFD agréés sous forme de sociétés coopératives ou mutualistes ;
−
les SFD constitués sous forme d’associations.
En outre, cette loi précise que les incitations fiscales prévues par les dispositions des articles
118 et 119 ne concernent que les IMCEC exclusivement. En d’autres termes, les sociétés
anonymes et les sociétés à responsabilité limitée ayant obtenu l’agrément pour effectuer des
activités d’épargne et de crédit ne sont pas visées par ces exonérations.
Quant aux associations agréées comme SFD, la loi ne donne pas de précision supplémentaire
concernant leur régime fiscal.
Concernant les sociétés anonymes et les sociétés à responsabilité limitée agréées comme
institutions de microfinance, elles n’entrent pas dans le champ d’application des incitations
fiscales prévues par les dispositions des articles 118 et 119 de la loi n° 2008-47 portant
réglementation des SFD au Sénégal.
Cette exclusion pourrait s’expliquer par le fait que cette catégorie de SFD est créée dans un
but lucratif. En effet, faut-il le rappeler, les actionnaires ou associés de ces sociétés ont réuni
leurs apports dans le seul but de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie pouvant
résulter de l’entreprise commune.
A ce titre, il y a lieu de noter que le législateur a considéré la forme juridique de ces sociétés
communément appelées « Sociétés de capitaux » qui est commerciale plutôt que l’activité
exercée.
Or, en vertu de l’article 4 du CGI, les sociétés de capitaux, quel que soit leur objet, sont
passibles du régime de l’impôt sur les sociétés (IS).
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L’exclusion des Sociétés commerciales de Microfinance (SCM) ou d’autres, du champ
d’application des incitations fiscales de la nouvelle loi révèle des incohérences et des
contradictions dans la démarche du législateur sénégalais.
Au total, il convient de relever que le cadre fiscal des SFD au Sénégal est caractérisé comme
suit :
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la fiscalité est un surcoût pour tous les SFD ;
la fiscalité appliquée aux SFD suivant leur forme juridique cause des distorsions de
concurrence entre d’une part, les SFD mais également des différences de traitement de la
cible des différents SFD d’autre part ;
la fiscalité des SFD constitue un facteur de risques fiscaux pour les opérations
normalement taxables mais non soumises aux impôts applicables ;
l’administration fiscale interprète de façon restrictive les exonérations accordées aux
IMCEC ;
les SFD méconnaissent leurs obligations fiscales.
Au titre d’allégement de la charge fiscale sur les SFD, il est recommandé :
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une interprétation du texte de l’exonération fiscale plus conforme à l’esprit et à l’objectif
visé qui est la promotion de l’épargne des populations défavorisées et leur accès au
crédit ;
un traitement adéquat des différences de statut fiscal des SFD ;
une réduction du poids de l’impôt en étendant le champ de l’exonération à toutes les
opérations susceptibles d’alourdir le crédit et en précisant le champ de l’exonération par
un mécanisme réglementaire plus sécurisant pour les SFD.
Cependant, le manque de précision du texte sur l’exonération fiscale des IMCEC ne cadre pas
avec l’application que l’administration fiscale sénégalaise en fait.
La pratique actuelle à l’égard des IMCEC impose la reformulation de manière plus précise
des dispositions des articles 118 et 119.
Compte tenu de l’impact de la fiscalité sur le développement du système financier, il s’avère
nécessaire de procéder à une réforme de la taxation sénégalaise des produits financiers et une
harmonisation de la fiscalité au sein de l’UEMOA.
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