LA PROFESSION D`AVOCAT SOUS L`ANCIEN REGIME EN FRANCE

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LA PROFESSION D`AVOCAT SOUS L`ANCIEN REGIME EN FRANCE
Décembre 2011
LA PROFESSION D'AVOCAT SOUS L'ANCIEN REGIME EN FRANCE
Notice élaborée et publiée par le Barreau de Briey
voir http://www.barreaudebriey.fr/index.html
Dans le « Dictionnaire de droit et de pratique » de Ferrière (XVIIIe siècle), on peut lire cette définition des
avocats « ceux qui ayant les qualités requises, peuvent maintenir et défendre les droits de leurs parties, soit
en plaidant, soit en faisant des écritures, ou en assistant les parties et leurs conseils ».
Deux traits sont essentiels : les conditions d’accès et l’exercice de la profession.
L'organisation de la Profession à partir du XIVème siècle
Si la profession d’avocat est ancienne – les origines sont grecques et romaines – pour la France, c’est au
XIIIe siècle qu’apparaissent les premiers éléments de son organisation.
Deux textes sont fondamentaux, l’ordonnance du 13 février 1327 et un arrêt de règlement du Parlement de
PARIS de 1344. L’un et l’autre fixent pour cinq siècles les règles essentielles, réaffirmées par quelques
ordonnances royales, notamment de François Ier (1537) et la plupart des grandes ordonnances de
réformation de la justice, Villers-Cotterêts (1539) et les ordonnances sur la procédure civile (1667) et
criminelle (1670).
Les conditions requises pour exercer
Ainsi, pour être avocat, il faut être âgé d’au moins seize ans, ni incapable, ni indigne, ni sous le coup d’une
excommunication et à partir de la révocation de l’Edit de Nantes (1685) confesser la religion catholique.
Le candidat doit avoir obtenu sa licence en droit civil ou canonique délivrée par une faculté du royaume
(obligation imposée par François Ier en 1537).
Avant d’être reçu, il faut prêter serment et être inscrit, immatriculé au rôle d’un barreau.
Enfin, avant d’accéder au titre d’avocat, le jeune aspirant doit accomplir un stage.
Le « novus advocatus » (ancêtre de notre stagiaire), c’est le titre que l’on trouve le plus souvent, apprend son
métier dans le cabinet d’un autre avocat plus ancien. Très fréquemment, il aura appris la pratique chez un
procureur (notre actuel avoué).
La durée du stage est en principe de deux années (arrêt de règlement de 1693) mais ce temps varie d’un
Parlement à un autre. A Paris, à la demande des avocats eux-mêmes, ce délai sera porté à quatre années par
un arrêt du 7 mai 1751.
A l’issue de ce temps d’épreuve, il est inscrit sur le tableau de l’Ordre qui depuis l’ordonnance de 1667 a un
caractère légal. Le jeune avocat peut alors choisir librement sa clientèle.
En réalité, il doit pendant longtemps se contenter de travailler chez un « patron », préparer les dossiers et ne
plaider que rarement. L’avocat était dit alors « écoutant ».
Par la suite, il pouvait affronter la barre.
Le Barreau
L’Ordre est organisé par les avocats eux-mêmes. Ils considèrent qu’ils ne sont pas une corporation, mais
qu’ils sont d’une compagnie libre dont les membres sont liés entre eux par l’exercice d’un ministère. Tous les
avocats qui plaident devant une juridiction constituent un barreau organisé librement, sous l’autorité du
Bâtonnier.
L’avocat a droit à un costume particulier, qui n’est que la transformation progressive au cours des âges, du
costume ecclésiastique.
Muni de son titre, l’avocat peut exercer son ministère ; négligeons ici tous ceux, fort nombreux, qui n’ont
aucune pratique et se contentent du titre, soit en attendant une proposition dans la magistrature, ou
simplement pour avoir une position sociale.
Le rôle de l'avocat sous l'Ancien Régime
Pour son client, l’avocat est un conseil et un défenseur. L’avocat est un auxiliaire, il conseille, il assiste, il
défend les parties. Les relations de l’avocat et du client sont libres. Toutefois, l’avocat veillera à ne prêter son
concours qu’à de justes causes ; il devra mettre en garde son client contre des procédures téméraires et
déconseiller les procès dans les affaires douteuses.
Au pénal
L’avocat peut déposer dans l’intérêt de ses parties des mémoires auprès du juge ; c’est la seule forme de
défense possible au grand criminel. Depuis l’ordonnance de Villers-Cotterêts, en effet, l’avocat ne peut
plaider.
Au civil
En revanche, en matière civile, l’avocat plaide, c’est même son activité principale ; c’est celle que l’on retient,
celle qui a valu toutes les critiques et pour quelques-uns toutes les éloges.
On reproche en effet aux avocats de plaider trop longuement (malgré de nombreuses ordonnances qui
réclament la concision), de farcir leurs discours de citations qui n’ont rien à voir avec l’affaire (les critiques de
Racine ne sont pas sans fondement) et de procéder par affirmations, voire par mensonges…
Des grands noms du barreau
Quelques avocats en revanche ont laissé un grand nom et se sont distingués par leur éloquence.
Ainsi, au XVIIe siècle, Lemaître, retiré très jeune à Port-Royal, Olivier Patru, modèle de beau langage, et
moins délicat mais peut-être plus efficace, Gauthier.
Au XVIIIe siècle, on retient généralement les noms de Cochin, Lenormand, Gerbier, sans doute le plus
célèbre, Loyseau de Maulon qu’admirait Rousseau et à la veille de la Révolution, Elie de Beaumont et Target,
élu bâtonnier en 1789.
Avocats plaidants et consultants, certains ont acquis notamment quelque notoriété comme jurisconsultes.
Ainsi, Loisel et Lyseau au XVIe siècle, Domat au XVIIe et Argou, Boutaric, Boucher d’Argis et Furgol au
XVIIIe.
Arrivé à la célébrité, l’avocat se retire dans son cabinet et limite son activité à la consultation ; il atteint alors le
stade suprême, celui d’avocat « consultant ».
La rémunération
Si l’avocat choisi librement sa clientèle, il ne peut refuser d’assister ceux qui n’ont pas les moyens d’avoir un
défenseur ; le juge peut le désigner d’office. Devant certaines juridictions, existait même un avocat des
pauvres.
Le client verse à son défenseur des honoraires, considérés comme un bienfait, un cadeau. Ils ne doivent
jamais être réclamés et l’avocat ne peut pas en principe les récupérer en justice si le client a refusé de les
verser.
Il est également interdit à l’avocat de traiter avec son client d’un honoraire proportionné au succès de l’affaire.
Sur la question des honoraires, les avocats ont toujours été très sensibles et ne toléraient aucune ingérence.
L’ordonnance de Blois de 1579 prévoyait qu’au bas de leurs écritures, ils devaient mentionner le montant des
honoraires perçus ; cette ordonnance n’a jamais été respectée et lorsqu’au début du XVIIe siècle (1602) on a
voulu l’appliquer, la mesure a provoqué la grève du barreau de Paris que Loisel a rapportée dans son «
Dialogue des avocats ».
La suppression de l'ordre des avocats à la Révolution
Tel apparaît l’Ordre des avocats à la fin de l’Ancien Régime, que la Constituante allait supprimer par ses
décrets des 2 et 11 septembre 1790.