Orientation diagnostique devant une éosinophilie

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Orientation diagnostique devant une éosinophilie
Orientation diagnostique devant une éosinophilie1
Introduction
L’hyperéosinophilie est définie par la présence de polynucléaires
éosinophiles circulants à plus de 0,5 G/l (500/µl) (quel que soit leur pourcentage
dans la formule sanguine) constatée sur plusieurs hémogrammes successifs. On
parle d’hyperéosinophilie "modérée" entre 0,5 et 1,5 G/l et d’hyperéosinophilie
"majeure" au-delà de 1,5 G/l.
L’hyperéosinophilie chronique, quelle qu’en soit la cause, peut être responsable de
lésions tissulaires par toxicité des enzymes protéolytiques et des protéines
contenues dans les granulations des polynucléaires éosinophiles. Les
manifestations peuvent être cutanées, pulmonaires, neurologiques, cardiaques…
L’hyperéosinophilie se rencontre au cours d’affections variées, les plus
fréquentes étant les allergies et les parasitoses, plus rarement des maladies
cutanées, des maladies systémiques et des affections malignes.
Elle est souvent de découverte fortuite.
Eléments d’orientation
L’interrogatoire doit faire préciser les antécédents personnels allergiques
en particulier, les prises médicamenteuses, l’existence d’une symptomatologie
fonctionnelle (prurit, manifestations digestives, manifestations respiratoires),
les déplacements récents ou lointains en zone d’endémie parasitaire.
L’examen clinique s’attache à trouver des signes directement évocateurs :
examens des téguments à la recherche d’une dermatose, de signes de prurit
pouvant évoquer une parasitose ou une réaction allergique, recherche d’une
hépato-splénomégalie et d’adénopathies.
L’hémogramme peut donner une orientation lorsque l’hyperéosinophilie est
accompagnée d’anomalies évoquant une hémopathie.
Dans la majorité des cas, l’hyperéosinophilie est isolée. Son caractère
modéré ou au contraire important, et surtout son évolution au cours du temps
(hyperéosinophilie durable, transitoire, fluctuante) peuvent constituer une aide
au diagnostic.
Etiologies
Les allergies
Elles sont les causes les plus fréquentes d’hyperéosinophilie dans les pays
industrialisés.
• De nombreux médicaments peuvent provoquer une hyperéosinophilie d’origine
allergique. C’est donc à eux qu’on doit penser en premier lors de la découverte
fortuite d’une hyperéosinophilie. Parmi les plus fréquents, on peut citer des
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Dr V DEMAS (Laboratoire d’Hématologie)
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antibiotiques (β-lactamines), des antituberculeux, des antifongiques
(amphotéricine B), des psychotropes (imipramine, phénothiazines), des agents
cytotoxiques (bléomycine, méthotrexate), des sulfamides, les AINS, les sels
d’or, les dérivés iodés, les extraits hépatiques, la vitamine B12, l’allopurinol.
L’hyperéosinophilie est en général modérée et n’apparaît qu’après plusieurs
semaines de traitement. Elle disparaît après l’arrêt du produit en cause.
Certaines affections entrent également dans ce cadre : l’asthme atopique,
l’eczéma constitutionnel, l’urticaire, les rhinites et sinusites allergiques, la
trachéobronchite spasmodique. Dans ce cas, l’hyperéosinophilie est souvent
transitoire mais à rechutes. Le ou les allergènes en cause sont recherchés par
des tests cutanés.
Le dosage des IgE totales ne présente pas d’intérêt pour affirmer le caractère
allergique d’une hyperéosinophilie. En revanche, le dosage des IgE spécifiques
peut s’avérer utile pour le diagnostic allergologique.
En dehors du phénomène allergique, l’hyperéosinophilie peut être un effet
secondaire attendu de certains médicaments particuliers : l’IL2, le GM-CSF.
Les parasitoses
L’hyperéosinophilie est dans ce cas presque exclusivement liée aux
helminthiases. Elle est plus importante lors de la phase invasive ou en cas
d’impasse parasitaire (toxocarose). Elle est modérée ou absente à la phase
chronique, lorsque le parasite est localisé dans un organe creux ou enkysté.
En général, l’hyperéosinophilie est accompagnée d’une augmentation des IgE. Le
diagnostic repose sur l'examen parasitologique des selles répété et sur les
sérologies parasitaires.
Chez un sujet n’ayant pas quitté l’Europe, il faut rechercher en priorité :
• une distomatose hépatique : régions d’élevage, ingestion de cresson sauvage
souillé.
• une ascaridiose : zone rurale, ingestion de végétaux souillés
• une trichinose : ingestion de viande de porc ou de sanglier importée mal cuite.
• une toxocarose : syndrome de larva migrans viscérale, impasse parasitaire liée
à une contamination accidentelle de l’homme par des déjections de chiens ou
de chats (propriétaire de chien, enfant)
• une oxyurose : banale chez l’enfant, caractérisé par un prurit anal nocturne
• un taeniasis : très fréquent, ingestion de viande de bœuf ou de porc mal cuite
• une hydatidose : régions d’élevage du mouton (l’hyperéosinophilie n’est pas
importante sauf en cas de rupture du kyste).
Chez un sujet ayant voyagé en zone endémique, il faut rechercher :
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Antilles : bilharziose intestinale (bain en eau douce), anguillulose
(hyperéosinophilie ondulante et durable), ankylostomiase (pénétration
transcutanée), filarioses
Afrique noire : en plus des diagnostics précédents, penser à une bilharziose
urinaire et à une onchocercose
Afrique du Nord : en plus des diagnostic européens, penser à la bilharziose
urinaire et à l’échinococcose
Asie : distomatose et filarioses
Les dermatoses
Les dermatoses prurigènes (pemphigus, psoriasis, dermatite herpétiforme,
eczéma), autres que les dermatoses allergiques ou parasitaires peuvent
également entraîner une hyperéosinophilie.
Les maladies systémiques
L’hyperéosinophilie est un élément important du tableau clinique de certaines
maladies : la périartérite noueuse (dans les formes pleuropulmonaires), la
fasciite à éosinophiles (maladie de Schulman) (forme particulière de
sclérodermie dépourvue d’atteintes viscérales), les angéites allergiques
(manifestations viscérales diffuses), les formes graves de polyarthrite
rhumatoïde, avec lésions viscérales multiples.
Les affections malignes
• Les hyperéosinophilies des hémopathies malignes :
Au cours de la leucémie myéloïde chronique, l’éosinophilie s’inscrit dans le
cadre d’une hyperleucocytose avec polynucléose neutrophile et myélémie.
Certaines leucémies aiguës myéloïdes, de type M2 ou M4, peuvent comporter
une hyperéosinophilie sanguine et médullaire.
Au cours de certaines leucémies aiguës lymphoblastiques, des lymphomes
malins à cellules T, de la maladie de Hodgkin, une hyperéosinophilie modérée
peut être présente et suit alors l’évolution de la maladie.
• Les hyperéosinophilies des cancers : cancer du sein et des bronches.
Le syndrome hyperéosinophilique idiopathique
Il est très rare. Il est défini par une hyperéosinophilie à plus de 1,5 G/l,
d’évolution chronique (persistant plus de 6 mois), sans étiologie apparente mais
avec des lésions viscérales (cardiaques, cutanées, pulmonaires, hépatiques,
rénales, neurologiques) en relation avec l’infiltration des tissus par les
éosinophiles et les lésions endothéliales qui l'accompagnent. Le pronostic de
cette affection est péjoratif et évolue généralement vers la mort en moins de 6
mois.
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Dans de très rares cas, il s’agit d’un syndrome myéloprolifératif proche de la
leucémie myéloïde chronique, désigné sous le terme de leucémie à éosinophiles et
susceptible d'évoluer vers une leucémie aiguë.
En l’absence d’argument étiologique
Lorsqu’aucune de ces causes n’a été retrouvée pour expliquer une éosinophilie,
il faut distinguer 2 cas :
• les hyperéosinophilies isolées avec syndrome inflammatoire (VS accélérée).
Dans ce cas, il faut s’acharner à retrouver une cause sous-jacente notamment
maligne. En cas de négativité de cette enquête, il faut assurer une
surveillance rapprochée.
• les hyperéosinophilies avec vitesse de sédimentation normale qui sont
beaucoup plus fréquentes. Dans ce cas, on recommande un traitement
antiparasitaire polyvalent et, si ce traitement est sans effet (pas de
disparition de l’hyperéosinophilie), une surveillance espacée de l’hémogramme
(tous les 6 mois ou un an).
Dans la pratique on retiendra….
1- L’hyperéosinophilie est définie par la présence de polynucléaires éosinophiles à
plus de 0,5 G/l (500/µl) constatée sur plusieurs hémogrammes successifs.
2- Elle se rencontre au cours d’affections variées, les plus fréquentes étant les
allergies et les parasitoses, plus rarement des maladies cutanées, des maladies
systémiques et des affections malignes. Elle est souvent de découverte fortuite.
3- Les allergies sont les causes les plus fréquentes dans les pays industrialisés.
De nombreux médicaments peuvent être à l'origine d'une éosinophilie de
mécanisme allergique. Les affections atopiques entrent dans ce cadre : asthme,
eczéma, urticaire, rhinite et sinusite et trachéo-bronchite spasmodique.
4- Les parasitoses éosinophiliantes sont presque exclusivement les
helminthiases. L'hyperéosinophilie est plus importante lors de la phase invasive
ou en cas d’impasse parasitaire (toxocarose). La recherche étiologique doit
s'appuyer sur la notion de voyage. Chez un sujet n’ayant pas quitté l’Europe, il
faut rechercher : distomatose hépatique, ascaridiose, trichinose, toxocarose,
oxyurose, taeniasis et hydatidose. Chez un sujet ayant voyagé en zone
endémique, il faut orienter les recherches en fonction de la zone : Afrique du
Nord, Antilles, Afrique noire et Asie (en connaissant l'incidence des parasitoses
dans chacune de ces zones).
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5- Les dermatoses prurigènes (pemphigus, psoriasis, dermatite herpétiforme,
eczéma), autres que les dermatoses allergiques ou parasitaires peuvent
également entraîner une hyperéosinophilie.
6- L’hyperéosinophilie est un élément important du tableau clinique de certaines
maladies systémiques : périartérite noueuse, fasciite à éosinophiles, angéites
allergiques, formes graves de polyarthrite rhumatoïde.
7- Une hyperéosinophilie peut être observée au cours d'hémopathies malignes :
certaines LMC et leucémies aiguës myéloïdes (M2 et M4). Mais aussi, certaines
leucémies aiguës lymphoblastiques, lymphomes malins à cellules T, maladie de
Hodgkin. Une hyperéosinophilie peut être aussi rencontrée lors de l'évolution de
certains cancers (sein et bronches).
8- Le syndrome hyperéosinophilique idiopathique est très rare. Il est défini par
une hyperéosinophilie à plus de 1,5 G/l. Son évolution se fait généralement vers
la mort en moins de 6 mois, avec des lésions viscérales multiples (cardiaques,
cutanées, pulmonaires, hépatiques, rénales, neurologiques).
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