Le rôle infirmier dans l`acceptation de l`image corporelle suite à une

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Le rôle infirmier dans l`acceptation de l`image corporelle suite à une
Institut de Formation de Professions de Santé
Formation infirmière
44 Chemin du Sanatorium
25030 Besançon Cedex
LE ROLE INFIRMIER DANS L'ACCEPTATION DE L'IMAGE CORPORELLE
SUITE A UNE AMPUTATION
UE 3.4 S6 : Initiation à la démarche de recherche
UE 5.6 S6 : Analyse de la qualité et traitement des données scientifiques
UE 6.2 S6 : Anglais rédaction de l'abstract du travail de fin d'étude
Présenté par :
Salomé BIICHLE – Hélène CHAPATTE – Hélène REYLE – Loréline ROY
Promotion 2012/2015
Formatrice de guidance :
Madame Anne-Laure MARCHAL
Institut de Formation de Professions de Santé
Formation infirmière
44 Chemin du Sanatorium
25030 Besançon Cedex
LE ROLE INFIRMIER DANS L'ACCEPTATION DE L'IMAGE CORPORELLE
SUITE A UNE AMPUTATION
UE 3.4 S6 : Initiation à la démarche de recherche
UE 5.6 S6 : Analyse de la qualité et traitement des données scientifiques
UE 6.2 S6 : Anglais rédaction de l'abstract du travail de fin d'étude
Présenté par :
Salomé BIICHLE – Hélène CHAPATTE – Hélène REYLE – Loréline ROY
Promotion 2012/2015
Formatrice de guidance :
Madame Anne-Laure MARCHAL
«De tous les maux qui affligent l'espèce humaine, il n'en est peut-être pas de plus
grand que celui qui nous réduit à la triste nécessité de perdre un membre, afin de
conserver la vie.» (1)
REMERCIEMENTS
Nous souhaitons tout d’abord remercier Madame Anne Laure MARCHAL, notre formatrice de
guidance, pour l’aide précieuse qu’elle nous a apportée pour la réalisation de notre travail de
fin d’étude.
Nous remercions également les 3 infirmières qui ont accepté de nous accorder du temps afin
de répondre à notre questionnaire.
SOMMAIRE
•
Introduction
p.1
•
I- Situation d'appel
p.2
•
II- L'amputation
•
•
•
2.1) Recherches conceptuelles
p.3
2.2) Rôle IDE
p.5
2.3) Analyse
p.6
III- L'image corporelle
3.1) Recherches conceptuelles
p.8
3.2) Rôle IDE
p.9
3.3) Analyse
p.10
IV- L'acceptation
4.1) Recherches conceptuelles
p.10
4.2) Rôle IDE
p.12
4.3) Analyse
p.12
Conclusion
p.15
GLOSSAIRE
IDE : Infirmière Diplômée d’État
SSR : Soins de Suite et Réadaptation
CPR : Contrat Personnalisé de Réadaptation
APA : Activités Physiques Adaptées
INTRODUCTION
1
Notre sujet du travail de fin d'études a été choisi en fonction de situations vécues lors
de nos stages, qui avaient toutes pour thème l'amputation. En effet nous avons été
confrontées les quatre à la prise en charge de patients amputés.
« L'amputation ou perte d'un membre, qu'elle soit partielle ou complète, qu'elle soit
traumatique d'emblée ou programmée, est une pratique très ancienne remontant à plusieurs
siècles avant J-C. Hippocrate proposait déjà des ligatures contre les hémorragies ainsi que
l'amputation en cas de gangrènes ». (1)
Nous avons conscience que l'amputation n'a pas comme seul impact l'altération de l'image
corporelle : il y a d'autres composantes à prendre en compte telles que la douleur du
membre fantôme, l'appareillage ou encore le handicap. Néanmoins, nous pensons que la
perturbation de l'image corporelle est un problème récurrent dans tous les services, et
qu'une connaissance plus approfondie à ce sujet peut nous être utile dans notre future
carrière professionnelle.
Par ailleurs, nous avons choisi de cibler les personnes amputées suite à un accident. En
effet, la composante brutale et imprévue de la situation n'a pas le même impact sur
l'acceptation que peut avoir une pathologie chronique. Effectivement, le patient n'est pas
préparé à ce changement soudain, comme pourrait l'être un patient ayant eu, au préalable,
connaissance d'une éventuelle amputation suite à sa pathologie.
De plus, nous ciblons la population dans un service de soins de suite et de réadaptation car
pour nous c'est dans cette unité que l'accompagnement infirmier dans les étapes de
l'acceptation est le plus pertinent pour notre démarche d'analyse.
Pour finir, nous avons centré nos recherches sur des patients âgés d'au moins 18 ans.
DEVELOPPEMENT
2
I- Situation d'appel
La situation d'appel que nous avons choisie pour débuter notre raisonnement
concerne une dame de 68 ans qui a subi une amputation trans-tibiale à gauche puis une
amputation trans-métatarsienne à droite sur mal perforant plantaire. Elle explique que sa
prothèse lui permet de marcher mais qu'elle n'ose pas sortir de chez elle car sa prothèse et
sa chaussure adaptée à son pied droit lui font des pieds « d'éléphants » selon ses propos.
Sa crainte principale est d'avoir à subir à nouveau une amputation car en plus des douleurs
qu'une telle intervention engendre, Mme G dit avoir beaucoup de mal à accepter sa nouvelle
apparence. Elle se disait déjà complexée par sa petite taille et qu'avec ses amputations, elle
se sentait encore plus diminuée, elle disait même se sentir « inexistante ».
Mme G était une personne très active, elle appréciait aller se balader, faire des courses, aller
rendre visite à ses enfants et ses petits enfants ainsi qu'à des amis, mais, depuis sa
première amputation, elle dit avoir perdu le goût de sortir de chez elle. Elle exprime le
sentiment que lorsqu'elle sort de chez elle, elle sent le regard des gens autour s'appuyer sur
elle, ce qui la rend très mal à l'aise. Elle continue tout de même quelque fois à aller faire des
courses avec son mari, dans son fauteuil roulant mais elle n'y prend plus aucun plaisir
comme auparavant car elle dit ne pas « assumer son apparence physique ».
Mme G se dit également mal à l'aise face à ses enfants mais surtout face à ses petits
enfants. Elle qui adorait aller se balader avec eux, ne le fait désormais plus, ou très
rarement. Elle pense que ses petits enfants auraient honte d'être avec elle face aux regards
des gens.
Même si Mme G sait que les amputations qu'elle a subies étaient inévitables, et qu'il fallait y
arriver un jour, elle ne pensait pas que la modification de son image corporelle allait être si
difficile pour elle à supporter au quotidien.
Cette situation conduit à nous poser de nombreuses questions telles que :
–
Quel est l'impact psychologique d'une amputation ?
3
-Quels sont les moyens existants afin d'améliorer l'image corporelle suite à une amputation ?
- Quelle image les patients amputés ont-ils d'eux même lors des soins ?
- Quel est le rôle infirmier pour la prise en charge de patients amputés ?
- Quelles sont les solutions face aux amputations afin de garder une autonomisation dans la
vie quotidienne ?
- Peut on parler d'acceptation ?
- Qu'est-ce que l'image corporelle finalement ?
- Peut-on réellement arriver à faire le deuil de son ancienne apparence ?
- Quelles actions peuvent être mises en place afin d'aboutir à l'acceptation de cette nouvelle
image corporelle ?
Face à cette situation, nous avons toutes été interpellées par la difficulté que peuvent avoir
ces patients à accepter leur nouvelle image corporelle.
Suite à nos nombreuses interrogations, nous avons effectué des recherches. Celles-ci nous
ont permis de cibler plus précisément notre sujet afin d'aboutir à notre question de départ :
Quel est le rôle IDE dans l'acceptation de l'image corporelle d'un patient amputé suite
à un accident en SSR ?
Pour répondre à notre question, nous avons réalisé trois entretiens dans des services de
Soins de Suite et de réadaptation, où nous avons interrogé trois infirmières diplômées d’État.
Deux de ces infirmières avaient plus de 8 ans d'expérience en centre de réadaptation, tandis
que la troisième infirmière travaillait dans ce domaine depuis un an.
II- L'amputation
2.1) Recherches conceptuelles
4
« L'amputation consiste à enlever une extrémité du corps, normalement par la
chirurgie, mais peut parfois être indépendante de la volonté sous forme du résultat d'un
traumatisme où le membre est arraché ». (2)
Il y a plusieurs types d’amputations. Plus fréquemment, ce sont des amputations des
membres inférieurs ou supérieurs, des mains ou des pieds, doigts ou orteils. De plus, il peut
y avoir des amputations d’ordre gynécologique, telle que l’ablation d’un sein. Tous ces
éléments constituent une amputation dès lors qu'il y a ablation.
Pour une population générale française de 66 millions d'habitants, approximativement, il y
aurait 90 000 à 100 000 amputés en France avec 8 000 nouveaux amputés par an. En ce qui
concerne les amputations de membres inférieurs, ils représentent 85% des amputations.
69% de ces personnes sont des hommes contre 31% de femmes. Il y a donc seulement 15%
d’amputations du membre supérieur.
L’amputation peut avoir plusieurs origines. Elle peut provenir d’un accident, ce qui représente
20% des amputations. Cela peut être des accidents de la route, domestiques, de travail, des
brûlures ou gelures. En ce qui concerne les accidents, l’amputation peut survenir
immédiatement après l’événement, ou quelques temps après lorsque le membre ne peut
plus être conservé.
La seconde cause des amputations relève de la maladie. Elles représentent à elles seules
80% des amputations. Elles touchent 65% des personnes de plus de 65 ans. Les maladies
les plus courantes causant l’amputation sont le diabète engendrant l’artériosclérose, les
affections veineuses, ou encore les cancers provoquant des affections comme le sarcome ou
ostéosarcome.
La troisième cause relève des malformations congénitales. La fréquence des grandes
malformations des membres semble se situer autour de 10 à 15 cas pour 100 000
naissances.
Pour finir, il peut y avoir des amputations suite à des infections, des guerres et mines anti
personnelles, ou encore suite à des conflits religieux.
Quant aux répercussions de l’amputation, il y a trois types de conséquences, au niveau
physique, psychologique et social.
Au niveau physique, c’est la perte d’un membre, un élément nouveau qu’il faut intégrer à une
représentation de son propre corps. Cette perte peut provoquer un bouleversement au
5
niveau de la vie quotidienne : elle peut engendrer une perte ou diminution de l’autonomie. La
personne ayant subi une amputation doit alors réapprendre à vivre autrement sans le
membre amputé.
Au niveau psychologique cela constitue une perturbation dans la conception du schéma
corporel et dans l'estime de soi.
Enfin, au niveau social, la représentation et la pression sociale autour du handicap
constituent un réel sentiment d'être différent, une crainte de ne plus être accepté par la
société. Il peut donc y avoir une répercussion au niveau professionnel, si l’emploi de la
personne ne permet pas de reprendre le travail après l’amputation tel qu'auparavant.
Une autre conséquence entre en compte lorsqu'on parle de l'amputation : La douleur du
membre fantôme. En effet, après une amputation, l'image corporelle est perturbée et
incomplète de par la modification de l'intégralité du corps. « Cette situation induit une douleur
fantôme souvent perçue en distalité du membre amputé comme une crampe, une brûlure, un
serrement, parfois des sensations électriques ». (1)
Ces douleurs apparaissent généralement une semaine après l'amputation. Cela concerne 30
à 80% des personnes amputées. Il est difficile de traiter ce type de douleur.
2.2) Rôle IDE
D'après nos recherches, nous avons pu identifier une partie du rôle IDE en ce qui
concerne le concept d'amputation. En effet, l'IDE se doit de :
«- Faire participer le malade aux soins, l’inciter à les effectuer et à les compléter si besoin.
- Accueillir les membres proches de la famille, leur permettre d’exprimer leurs sentiments et
leurs difficultés.
- Ne pas juger les membres de la famille.
- Respecter l’intimité lors des visites ». (3)
6
- « Apporter une oreille attentive et une aide opportune permettra au patient de surmonter
ses peurs. L’infirmière aide le patient à supporter son traitement en lui prodiguant conseils,
réconfort et disponibilité ». (4)
Il est également nécessaire de préciser que l'IDE prodigue les soins techniques visant à la
cicatrisation de la plaie ainsi que les surveillances qui en découlent.
2.3) Analyse :
En réponse à nos questions d'entretiens, toutes les infirmières s'accordent à dire que
l'amputation au niveau physique se définit par l'ablation d'un membre. L'IDE 1 précise qu'il
s'agit soit d'un membre inférieur soit d'un membre supérieur et que l'origine est soit
pathologique soit accidentelle, ce qui rejoint la définition théorique que nous avons trouvée.
Pour toutes les trois, l'amputation au niveau psychologique se définit par la perte d'une partie
de soi. Cependant, l'IDE 2 insiste sur la dégradation de l'image corporelle, et souligne
comme exemple une nouvelle féminité à appréhender. Nous remarquons que cette dernière
est la seule à avoir bénéficié d'une formation concernant l'amputation ce qui pourrait
expliquer le fait qu'elle ait apporté des éléments de réponse plus précis. Selon la théorie, on
parlerait plus de perturbation du schéma corporel. Enfin, pour deux de ces infirmières (IDE 2
et 3) l'amputation se définit, au niveau social, par le regard des autres et l'image que l'on
renvoie. L'IDE 1 définit plutôt ce terme en énumérant les conséquences d'une amputation au
point de vue social telles que les difficultés à se mobiliser, à créer des relations sociales de
par ce handicap. Au niveau théorique, l'impact au niveau social représenterait un sentiment
d'être différent et une difficulté à la réinsertion professionnelle.
Au niveau de la mise en place de prothèse, les IDE 2 et 3 insistent sur le rôle de l'infirmière
au niveau de l'éducation thérapeutique (absence de plaies, respect du temps de port des
prothèses). L'IDE 1 décrit son rôle au niveau de la surveillance cutanée (absence d’œdème,
de plaies, veille à une durée optimale d'utilisation) et de la surveillance des douleurs lors de
la mise en charge. Par ailleurs, elle n'oublie pas d'être à l'écoute, d'accompagner et de
conseiller le patient. D'après ces propos, nous avons donc pu remarquer que le rôle IDE
dans la mise en place de prothèses repose principalement sur l'aspect éducatif, sur la
surveillance clinique et sur le soutien psychologique.
7
Il n'y a pas de protocole établi dans la prise en charge d'un patient amputé en revanche l'IDE
2 nous informe de l'existence d'un contrat personnalisé de réadaptation (CPR) dont le but est
d'établir des objectifs centrés sur le patient avec tous les professionnels qui gravitent autour.
En fonction de ces CPR un retour à domicile peut être envisagé. Par ailleurs, un suivi
psychologique est systématiquement proposé.
Concernant les personnes ressources pour le patient, les IDE 2 et 3 ont évoqué l'importance
des associations, de l'entourage et de la mise en relation avec d'anciens patients. Tandis que
pour l'IDE 1 les personnes ressources sont le psychologue ainsi que la famille qui peut
apporter un regard différent sur le patient. L'IDE 2 a également mentionné que des
formations pouvaient être une ressource pour eux. On constate cependant que sur les trois
infirmières interrogées, l'IDE 2 est la seule à avoir suivi une formation sur la prise en charge
des patients amputés mais elles sont toutes en accord pour dire que cela peut être
bénéfique.
En SSR, l'IDE collabore avec plusieurs professionnels tels que le kinésithérapeute,
l'ergothérapeute, les médecins, les psychologues, l’assistance sociale, le professeur d'APA
(activités physiques adaptées), la stomathérapeute et l'orthoprothésiste pour une
rééducation optimale du patient. En revanche les infirmières n'ont pas évoqué la
collaboration avec les aides soignantes.
Selon les IDE leurs priorités divergent par rapport à celles des services de SSR. En effet,
l'objectif premier des infirmières est d'accompagner le patient et de s'assurer qu'il puisse
s'épanouir dans sa nouvelle vie. La théorie quant à elle, décrit une prise en charge plus
globale allant des soins techniques jusqu'à l'accompagnement de l'entourage. Alors que la
priorité du service est plutôt basée sur l'appareillage dans le but d'une autonomie permettant
un retour à domicile. Celui-ci est organisé plus particulièrement par l’ergothérapeute qui
s'assure d'un environnement accessible et que le matériel soit adapté et par l'assistante
sociale qui s'occupe de l'aspect financier pour un réaménagement si nécessaire. Nous
pouvons donc supposer que les priorités des IDE et celles du service ne soient pas les
mêmes car la proximité quotidienne qu'ont les infirmières avec les patients permet de les
accompagner plus particulièrement sur le plan psychologique. En revanche, un service de
SSR a pour objectif de rééduquer le patient en vue d'une plus grande autonomie ce qui
concerne plutôt le rôle des kinésithérapeutes et des ergothérapeutes.
Enfin, comme nous l'avons également constaté dans nos lectures et dans les dires de l'IDE
1, la douleur du membre fantôme semble jouer un rôle dans l'acceptation de sa nouvelle
image.
8
III- L'image corporelle
3.1) Recherches conceptuelles
« L'image corporelle se définit par la représentation du corps, par la perception qu'a
une personne de son propre corps. Cette perception concerne aussi bien son regard que
celui des autres. Une image corporelle positive est très importante pour l'épanouissement et
le bonheur. Elle se construit à partir des sentiments et des valeurs de la personne, des
messages transmis par l'entourage et du contexte socioculturel. Elle peut se modifier au fil
du temps ». (5)
En effet, l'image corporelle se trouve modifiée tout au long de la vie d'un individu, notamment
lors de certaines étapes de la vie telle que l'adolescence avec la puberté, la grossesse ou
encore la vieillesse. Ces facteurs sont d'origine naturelle, ils sont incontournables.
En revanche, d'autres facteurs modifiant l'image corporelle d'un individu peuvent avoir une
origine pathologique ou accidentelle. Il est important tout d'abord de différencier l'image
corporelle du schéma corporel car ils sont souvent confondus.
Le schéma corporel est la représentation que chaque individu se fait de son propre corps, lui
permettant de se situer dans l'espace, il permet d'établir les frontières corporelles et de
mieux en définir les limites. Tandis que l'image corporelle correspond à la représentation
mentale de l'expression du corps. Elle dépend des valeurs esthétiques et sociales et de la
perception de chacun.
.
Cependant, tous deux ne coïncident pas obligatoirement car ils peuvent être altérés
indépendamment l’un de l’autre. Il est possible que notre image corporelle s'éloigne de la
réalité objective du fait de l'idéalisation de ce qu'on voudrait qu'elle soit. Le psychisme prend
alors le dessus sur la perception anatomo-physiologique.
Comme nous l'avons évoqué plus haut, l'image corporelle d'une personne est perçue non
seulement par elle même mais également par autrui. Le regard des autres est un élément
important dans la façon qu'a un individu de se représenter. En effet, pour se sentir bien et
9
intégré dans la société, chaque individu aspire à un besoin d'acceptation afin de valoriser
l'estime qu'il a de lui-même. C'est pourquoi dans les cas où il y a modification corporelle, une
curiosité mais aussi un sentiment de répulsion peut naître chez certaines personnes,
d'autant plus si la cause est incomprise ou inconnue. La personne souffrant de modification
corporelle éprouve généralement des difficultés à accepter son corps, celles ci peuvent être
majorées par un sentiment de rejet, une impression d'être différent des autres.
Les expériences vécues, qu'elles soient douloureuses ou agréables, influent sur la
construction et l'évolution de l'image que l'on se fait de son corps.
Nous avons tous un modèle physique auquel nous voudrions ressembler, mais qui ne nous
caractérise pas. Ce déphasage entre cet idéal et la réalité peut faire naître un sentiment de
honte et de culpabilité.
Comme le souligne Smith en 1984 « Nous avons tous une image de notre corps (...). Notre
image est renforcée par les comportements sociaux et notre environnement. Nous aspirons
tous à la perfection qui se révèle impossible à atteindre ». (6)
3.2) Rôle IDE
Grâce à nos lectures, nous avons pu mettre en exergue le rôle qu'a l'infirmière par
rapport à la modification de l'image corporelle suite à une amputation. Effectivement, l'IDE se
doit d'observer, d'analyser et de transmettre les réactions du patient face au changement
physique et psychologique lié à sa nouvelle image corporelle . Par ailleurs il faut lui laisser le
temps et la liberté d'exprimer son ressenti, qu'il soit négatif ou positif (peur du regard des
autres, honte, perte d'estime de soi).
Selon Mave Salter, « Pour les patients subissant des changements dans l’image de leur
corps, le soutien moral est un paramètre indispensable et les attitudes positives du soignant
peuvent être le moteur dans l’acceptation d’une nouvelle image corporelle ». (4)
3.3) Analyse
10
Les trois infirmières ont une vision différente de ce qu'est l'image corporelle, l'IDE 2 la
définit comme étant la première barrière lors d'une rencontre, et que c'est ce que l'on renvoie
à soi même et ce qu'on peut renvoyer aux autres, ce qui rejoint la théorie. Contrairement à
l'IDE 1 qui pense que c'est uniquement l'image que l'on a de son propre corps et non le
regard que peuvent avoir les autres. L'IDE 3 complète que cela est propre à chacun, pour
elle, lorsque l'on parle d'image corporelle, on parle de beauté et d'estime de soi. Ce qui se
rallie à la théorie qui mentionne qu'une image corporelle positive est importante dans
l'épanouissement et le bonheur. D'après la diversité des propos recueillis, nous pouvons
constater que la vision de l'image corporelle est une perception propre à chacun.
Pour l'IDE 2, ce qui est important dans l'image corporelle, c'est d'être en accord avec celle ci
en permettant une adéquation avec ce qu'on a envie de dégager. Pour l'IDE 1 il est important
d'être déjà à l'aise dans son corps avant l'amputation car pour elle, cela faciliterait
l'acceptation. Elle insiste sur le fait que celle ci serait beaucoup plus difficile pour quelqu'un
mal dans sa peau avant l'intervention.
Au niveau du vécu du patient sur sa nouvelle image corporelle, les trois IDE nous ont
renvoyé que chaque patient vivait sa nouvelle image corporelle différemment, que cela est
propre à chacun. Ce qui confirmerait que la singularité et le caractère de chaque individu
influent sur la manière de vivre avec son nouveau corps. Pour les IDE 1 et 3 le vécu de cette
nouvelle image dépend du moment où se situe le patient dans son cheminement du deuil du
membre amputé.
IV- L'acceptation
4.1) Recherches conceptuelles
L'acceptation se définit par : « action d'accepter, de recevoir, d'agréer quelque chose :
consentement, accord : donner son acceptation à un projet. Action d'accepter l'adversité ;
soumission, résignation : une attitude passive faite d'acceptation ». (7)
11
Tout d’abord nous nous posions beaucoup de questions sur le terme d’acceptation.
Nous ne savions pas s’il fallait l’employer ou non, mais après réflexion nous avons décidé de
garder ce terme car pour nous, l’acceptation désigne « vivre avec » et non accepter
complètement.
Selon Costello, l'acceptation de l'altération corporelle est acquise lorsque plusieurs signes
sont identifiables chez la personne :
« Il faut donner au patient le temps d’accepter l’apparence de la plaie opératoire. Il doit la
toucher, l’explorer. Il doit accepter la nécessité d’apprendre à se prodiguer des soins. Il faut
qu’il devienne indépendant et acquiert la maîtrise des soins quotidiens. Il doit reconstruire
une nouvelle image de son corps et si possible y adapter son style de vie ». (4)
Pour accepter la perte d'un membre, le patient doit parvenir à en faire le deuil. Pour se faire il
traversera plusieurs étapes. Selon Elisabeth Kübler-Ross, psychiatre et psychologue
helvético-américaine, en 1969, voici les différentes phases du deuil :
« - Phase du déni : la personne refuse la gravité de la situation, le rôle infirmier est de
permettre à la personne de verbaliser sa douleur et ses souffrances.
- Phase de colère : la personne exprime sa révolte face à ce qui lui a été imposé. Elle peut
être agressive face à son entourage, aux professionnels de santé (notamment les
chirurgiens) ou aux autorités divines afin de savoir qui est le responsable de son malheur.
- Phase de marchandage : la personne accepte la situation, mais celle-ci tente de gagner du
temps en priant pour échapper à la situation.
- Phase de dépression : la personne se replie sur elle, s’inquiète pour ses proches et ne
cherche plus à lutter. Prise de conscience de la perte et de la séparation.
- Phase d’acceptation : la personne se sent revivre, c’est une période de paix avec soimême, elle désire aller de l’avant et cela passe bien souvent par l’implication dans la
rééducation ». (8)
Lorsque un patient subit une amputation, des mécanismes de défense se mettent en place.
En effet l'aspect brutal et traumatique de l'amputation provoque chez le patient certaines
réactions pour se protéger face à ce choc. Celles-ci représentent les mécanismes de
défense que nous allons présenter succinctement : le refoulement, la sublimation,
l'identification, la projection, la régression, le déni, la dénégation, les formations
réactionnelles, le déplacement. Suite à nos entretiens et à nos lectures nous avons pu
12
constater que le déni est le mécanisme de défense qui ressort de façon évidente. « C'est le
refus de reconnaître un fait réel existant (en niant la réalité même de la perception) ». (9)
Il se traduit souvent chez les patients par le refus, la peur de toucher ou de regarder le
moignon.
4.2) Rôle IDE
Après avoir effectué des recherches, nous avons déterminé le rôle IDE en SSR quant
au concept d'acceptation.
L'infirmière doit adapter son attitude pour favoriser l'acceptation de la nouvelle image
corporelle du patient. Elle doit également lui laisser le temps nécessaire pour faire son deuil.
Si le patient refuse de regarder son nouveau corps, elle doit respecter sa décision. Elle se
doit de lui laisser la possibilité de mettre des mots sur tout ce qu'il ressent en respectant ses
réactions tels que les pleurs ou les silences.
Il est important pour l'IDE de faire preuve de réassurance en lui expliquant que ses réactions
font partie d'un processus normal et nécessaire pour cheminer vers l'acceptation. L'infirmière
peut souligner ses progrès pour que le patient puisse en prendre conscience.
L'IDE travaille en équipe afin d'établir un projet de soins permettant au patient de franchir les
étapes qui le mèneront à l'acceptation.
4.3) Analyse
Suite à nos réponses d'entretiens, l'acceptation pour ces infirmières est en voie
d'acquisition lorsque le patient est actif dans les soins, regarde et touche le moignon,
accepte les solutions pour pallier au handicap, se projette dans la vie sociale et
professionnelle, réussit à se réapproprier le membre. En mettant en parallèle les propos de
Mr Costello et les dires de l'infirmière, nous pouvons voir que tous deux ont une vision
13
similaire des signes d'acceptation. Par ailleurs, l'IDE 2 ajoute : « Je ne sais pas s'ils
acceptent vraiment, je crois qu'ils font plutôt avec », pour nous, cette idée résume bien ce
qu'est l'acceptation.
À contrario, les IDE 1 et 2 constatent que le patient n'accepte pas son image lorsqu'il se met
en danger, qu'il est maltraitant avec lui même. De plus, pour l'IDE 3, le patient n'accepte pas
quand il est renfermé, et quand il refuse les soins.
Selon les infirmières de soins de suite, il y a plusieurs facteurs qui influent dans l'acceptation
d'un membre amputé. Tout d'abord, il y a le contexte de l'amputation, si c'est une urgence ou
non, l'âge du patient, si l'entourage est ressource, la présence ou absence de douleurs. Ces
éléments sont propres à chaque situation.
En ce qui concerne les actions infirmières et le rôle infirmier, l'IDE 1 insiste sur l'importance
de la prise en charge de la douleur, ainsi que sur la reconnaissance des difficultés que peut
vivre le patient. Cette infirmière exprime qu'il est nécessaire d'être rassurante, en parlant des
diverses solutions et du devenir. Toutes les trois s'accordent à dire qu'il est important de faire
verbaliser le patient sur son ressenti, en collaboration avec un psychologue ou non,
d'apporter des réponses à ses questions et de faire preuve d'empathie. Ces deux aspects de
la prise en charge (réassurance et le faire verbaliser sur son ressenti) sont en accord avec la
théorie. L'IDE 2 précise qu'elle fait participer les patients à leurs soins comme le démontre le
résultat de nos recherches. L'IDE 3 quant à elle ajoute que l'infirmière en service de SSR a
un rôle primordial dans la prise et la continuité des rendez vous du patient amputé. Ce que
nous pouvons retenir c'est que l'IDE a un large panel d'actions à mettre en place dans sa
prise en charge globale telle que la surveillance clinique et psychologique tout en incitant le
patient à être acteur de ses soins.
Les trois infirmières nous ont relaté des situations marquantes, et nous avons pu en tirer des
éléments plus ou moins facilitants pour elles dans la prise en charge. Pour les IDE 1 et 3 le
fait de verbaliser est bénéfique pour l'orientation des actions à mettre en place. L'IDE 1
précise que l'état d'esprit positif du patient et son envie d'avancer sont des facteurs
facilitants. De plus, dans le cas où il y une volonté du patient de se faire amputer, cela aide à
la prise en charge. L'IDE 3 ajoute que lorsque le patient constate qu'il y a une bonne
évolution de la cicatrisation, cela est plus facile pour les professionnels de cheminer avec le
patient.
En revanche ce qui a été non facilitant pour l'IDE 3 est le refus de soins du patient. La
théorie indique qu'il est important de respecter la volonté de ce dernier. L'IDE 1 s'est trouvée
déstabilisée à cause de l'humeur fluctuante d'un patient. Elle ajoute également qu'elle a vécu
14
un phénomène de projection avec une personne amputée et que les patients nostalgiques
de leur vie antérieure constituent un frein à la prise en charge. Les soignantes mentionnent
le fait que ces facteurs ne sont pas forcément récurrents mais qu’il est possible d'en
retrouver certains dans plusieurs situations.
CONCLUSION
15
Grâce aux entretiens réalisés, nous avons pu compléter notre recherche théorique
par des apports concrets afin de répondre précisément à notre questionnement concernant
l'acceptation de l'image corporelle suite à l'amputation.
Au terme de cette réflexion, nous avons pu remarquer que les infirmières avaient toutes une
manière de faire propre à elles mêmes mais que la vision de la prise en charge des patients
amputés dans l'acceptation de leur nouvelle image corporelle restait la même.
De plus, le fait de réaliser ce travail nous a permis d'avoir une posture réflexive sur un thème
auquel nous sommes sujettes a être confrontées en tant que futures professionnelles de
santé.
Suite à nos entretiens et à nos recherches, nous avons réalisé que lorsqu'on parlait
d'acceptation d'un membre amputé, la notion de douleur du membre fantôme revenait à
plusieurs reprises. C'est pourquoi nous nous demandons s'il existe un lien entre les douleurs
du membre fantôme et l'acceptation de cette perte.
BIBLIOGRAPHIE
16
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http://www.dematice.org/ressources/PCEM1/psychiatrie/P1_psy_005/co/Module_MECANIS
MES_DEFENSE_9.html (Consulté le 10/05/2015)
ANNEXE
17
Grille d'entretien
Notre questionnement porte sur des personnes récemment amputées suite à un accident.
1-
Pouvez-vous
vous
présenter
succinctement,
ainsi
que
votre
parcours
professionnel ?
2.-Qu'est-ce que pour vous l'amputation ?
· D'un point de vue physique ?
· D'un point de vue psychologique ?
· D'un point de vue social ?
3- Comment le patient accepte-il l'amputation ?
4 - Qu'est-ce que pour vous l'acceptation ?
5 - Pour vous qu'est-ce que l'image corporelle ?
· Qu'est ce qui est important pour vous dans l'image corporelle ?
· Comment le patient vit-il sa nouvelle image corporelle ?
· Comment voyez-vous que le patient accepte? (Quels signes identifiez-vous ?)
· A contrario, Comment voyez-vous qu'il n'accepte pas son image ? (Quels signes
identifiez-vous?)
6 -Quels moyens ou actions mettez-vous en place afin de favoriser l'acceptation de
ce nouveau corps ?
7 - Quel est votre rôle dans la mise en place de prothèse ?
8 - Pouvez-vous nous raconter une situation qui vous a marquée (qu'elle soit positive
ou négative) ?
· Qu'est-ce qui a été facilitant/non facilitant pour vous dans la prise en charge?
· Ces facteurs facilitants ou non facilitants sont-ils propres à votre situation ou les
retrouve-t-on de manière récurrente ?
18
9 - Quelle est la priorité du service vis à vis d'une personne amputée ?
· Quelle est votre priorité en tant qu'IDE ?
10 - Comment est faite la prise en charge des patients amputés (protocole, prise en
charge particulière, suivi psychologique… ) ?
11- Comment est préparé le retour à domicile ?
· Pouvez-vous nous parler du devenir des patients amputés concernant leurs
activités et leur vie professionnelle?
· Comment les conséquences sur la vie sociale et affective des patients se
manifestent t-elles ?
· Concrètement, comment intervenez-vous ?
12 - Avec quels professionnels de santé collaborez-vous pour une rééducation
optimale?
· Comment collaborez-vous ?
13. Quelles sont les personnes ressources ou les organismes auxquels vous pouvez
vous référer ?
· Pour le patient ? (vous aidez-vous de la famille ? Comment ?)
· Pour l'IDE ?
· Comment collaborez-vous avec eux ?
· A quoi cela vous sert-il ?
14. Avez-vous suivi des formations spécifiques pour prendre en charge une personne
amputée?
· Si oui, lesquelles?
· Que vous ont-elles apportées ?
· Si non, pensez-vous que cela serait nécessaire ? en quoi ?
ABSTRACT
Amputation : vers l'acceptation d'une nouvelle image corporelle
Suite à une amputation due à un accident, la personne subit un changement brutal dans son
image corporelle. Il faut en faire l'acceptation. Pour accepter, l'Homme a besoin de plusieurs
étapes plus ou moins longues selon les personnes amputées.
Pour répondre à cette problématique nous avons effectué des recherches et interviewé trois
infirmières dans des centres de rééducation différents. Nous avons fait nos recherches dans
des revues, des livres écris par des psychiatres et dans nos apprentissages.
En effet, suite à ces recherches nous avons pu identifier le rôle de l'infirmière dans la prise
en charge des patients amputés. Il est composé de trois aspects : les soins techniques
(pansements, surveillance de la plaie), la prise en charge psychologique (rendez-vous avec
la psychologue, écouter le patient), l'appréhension du retour à domicile et du devenir du
patient (aménagement de son logement).
Lors de nos entretiens plusieurs infirmières nous ont évoqué la douleur du membre fantôme.
Nous n'en avions pas parlé dans nos recherches. Nous nous posons donc la question
suivante : Existe t-il un lien entre les douleurs du membre fantôme et l'acceptation de cette
perte ?
Amputation: towards a new body image
After an amputation due to an accident, the person suffers a sudden change in his body
image. This has to be accepted. To accept, the human needs several more or less long
stages according to the amputated people.
To address this issue, we have conducted researches and interviewed three nurses in
different rehabilitation centers. We have done our researches in reviews, books write by
psychiatrists and in our learning.
Indeed, following this researches, we have identified the role of the nurse in the care of
amputees. It consists of three aspects: technical care (bandages, supervision of the wound),
psychological care (meeting with psychologist, listen to the patient) and foreseeing the
patient’s return home and his future (arrangement of his apartment).
During our meetings, several nurses have mentioned the phantom limb pain. We had not
spoken about it in our researches. We therefore ask ourselves the question: Is there a link
between the phantom limb pain and acceptance of this loss?
Mots clés :
français
anglais
- amputation
- amputation
- image corporelle
- body image
- acceptation
- to accept
- rôle infirmier
- the role of the nurse
- douleur du membre fantôme
- the phantom limb pain
BIICHLE Salomé
CHAPATTE Hélène
REYLE Hélène
ROY Loréline
ENTRETIENS
Entretien TFE N°1 SSR de SALINS LES BAINS (IDE 1)
1. Pouvez-vous vous présenter succinctement, ainsi que votre parcours
professionnel ?
Aline, infirmière, j'ai 33 ans. Je suis diplômée depuis 2005 et cela fait 10 ans que je travaille
en centre de rééducation. Je n'ai pas grande expérience ailleurs.
2. Qu'est-ce que pour vous l'amputation ?
D'un point de vue physique ?
L'amputation c'est l'ablation totale d'un membre, soit les membres supérieurs soit les
membres inférieurs du corps. Suite à une maladie ou à un accident.
D'un point de vue psychologique ?
Je pense que c'est la perte d'une partie de soi. Visuelle déjà, dans un premier temps, mais
pas complètement... Psychologiquement il faut un peu plus de temps pour que le patient
accepte de reconnaître qu'il n'a plus son membre.
D'un point de vue social ?
Je dirais que c'est quand même un frein, pas une barrière mais c'est quand même un
handicap pour tout ce qui est acte de la vie quotidienne et relations sociales à l'extérieur du
domicile. Principalement pour les amputés de membres inférieurs qui ne sont pas appareillés
dans un premier temps.
3. Comment le patient accepte-il l'amputation ?
Lorsque ça se produit lors d'un accident, très souvent ça se fait en urgence, donc c'est un
membre de la famille qui est informé en premier lieu et donc l'amputation est découverte par
le patient qu'au réveil. Ou alors, l'urgence est modérée et là le patient est informé mais bien
souvent il est dans une situation d'état de choc psychologique, déjà post-traumatique à
l'accident.
Après, ça peut être très différent selon l’âge, car les personnes jeunes auront peut-être plus
de difficultés, après ça dépend de quelle amputation on parle, si c’est par exemple une main
ou un bras ou une jambe, c’est quand même difficile parce que c’est une partie de nousmême qui part, surtout le regard des autres quand on est jeune c’est difficile à porter. Ensuite
il y a tout ce qu’il va avec le devenir, une personne jeune de 18 ans à qui on vient de lui
couper la main, il va devoir toute sa vie apprendre à se débrouiller autrement avec des
techniques différentes. Après chez les personnes moins jeunes on va dire qu’il y a des
personnes qui sont plutôt fatalistes en se disant « bon ben j’ai perdu un membre mais c’est
plus pour mon bien qu’autre chose ». Après il y a des mêmes gens qui demandent
l’amputation parce qu’ils ont trop de douleurs. On a déjà vu ça, une dame qui a eu un
accident de voiture et sa jambe était tellement abimée et elle a eu tellement d’opérations, et
du coup elle était tellement algique qu’elle a fini par demander à ce qu’on lui ampute sa
jambe parce qu’elle ne supportait plus les douleurs. Donc voilà il y a plusieurs facettes.
4. Qu'est-ce que pour vous l'acceptation ?
L'acceptation de l'amputation, c'est l'acceptation du handicap, c'est l'acceptation de son
corps tel qu'il est : amputé. C'est à ce que le patient arrive à se projeter dans la vie après
l'amputation, c'est à dire qu'il arrive à se projeter différemment, qu'il accepte le port de la
prothèse quand il est appareillable, parce que toutes les amputations ne peuvent pas être
appareillées. Et qu'il soit acteur, ici, en rééducation, qu'il soit acteur dans sa prise en charge
c'est à dire qu'il adhère et qu'il aille dans le sens pour que l'appareillage devienne possible
pour que l'on puisse trouver des solutions, c'est à dire qu'il participe activement à la prise en
charge. Qu'il arrive à se projeter dans la vie après l'hôpital, à son retour à domicile dans la
vie sociale, dans la vie familiale, dans la vie professionnelle. Si le patient arrive à se projeter
et que les difficultés deviennent un peu moins importantes et que ça devienne «plus facile»,
pour moi c'est quelqu'un qui a accepté son handicap et son amputation.
5. Pour vous qu'est-ce que l'image corporelle ?
L'image corporelle pour moi, c'est l'image que l'on a de son corps, donc ce n'est pas
forcément l'image que les autres ont de nous, c'est vraiment différent. C'est propre à soi,
c'est la perception physique que l'on a de soi.
Qu'est ce qui est important pour vous dans l'image corporelle ?
C’est déjà de savoir comment la personne se sent dans son corps, si quelqu’un se sent pas
très l’aise dans son corps, et si en plus il lui arrive une amputation de quoi que ce soit ça
peut être fatal, mais si quelqu’un est bien dans son corps, c’est pas qu’il en a rien à faire,
c’est pas ce que je veux dire, mais cette personne acceptera peut-être plus facilement
l’image qu’elle renvoie qu’une personne qui ne se sent pas bien dans son corps.
Comment le patient vit-il sa nouvelle image corporelle ?
On a un jeune dans le service, 18 ans qui a 3 doigts en moins, il dit rien, tout va bien, c’est
délicat chez des gens qui sont renfermés et que du coup on arrive pas à savoir ce qu’ils
ressentent, en plus voilà, il a 18 ans, avec une main on a plein de choses à faire, et là
aucune réaction, c’est déstabilisant pour nous, on ne sait même pas comment appréhender
la chose, parce qu’on se dit que si on le pousse à verbaliser, on va peut-être lui faire se
poser des questions qu’il ne s’était même pas posées avant et engendrer quelque chose de
pas positif derrière, ça peut être délicat.
Après il y a des réactions fatalistes comme «j’aurais mieux fait d’y rester plutôt que d’être
comme ça» mais c’est souvent par rapport au regard des autres, de l’image qu’on renvoi, et
après il faut aussi le temps d’accepter, le temps d’apprendre à revivre avec un membre en
moins, cela peut être pas du tout accepté, auquel cas il y aura d’immenses douleurs qui
peuvent apparaitre avec des conflits familiaux qui vont se greffer car forcément si la
personne n’est pas bien dans son corps, ça va se répercuter au niveau du comportement, et
après, il y a des gens qui, comme la dame qui a demandé à ce qu’on lui coupe la jambe,
revivait après car elle disait que la douleur est partie et que maintenant elle pouvait vivre.
Comment voyez-vous que le patient accepte ? (Quels signes identifiez-vous ?)
À partir du moment où il a moins de douleurs du membre fantôme, où il accepte et regarde
volontiers son membre, où il a une surveillance accrue au niveau cutané, où il respecte bien
les temps de port de prothèse, où il en fait pas trop au risque de se blesser, où il respecte
bien toutes ces consignes là et où il arrive à parler de l'avenir en disant «Je ne pensais pas
que je pourrais faire ça mais avec la prothèse je vais pouvoir.». A partir du moment où on voit
qu'il a pris conscience qu'il n'a plus son membre, à partir du moment où on voit que sans la
prothèse au moment de faire les transferts au fauteuil il se met en danger, parce que bien
souvent, au début, ils ont toujours l'impression de l'avoir ce membre, donc ils sont
imprudents. Donc du coup on voit qu'à partir de ces petites choses là, ça y est, il a pris
conscience que...
Si il arrive à en parler à nous ou au psychologue, c'est là que l'on voit qu'il accepte son corps
et qu'il accepte tout ça.
A contrario, comment voyez-vous qu'il n'accepte pas son image ? (Quels
signes identifiez-vous ?)
Après ça dépend de son état psychologique c'est sûr que quelqu'un qui est en pleurs, qui ne
veut pas regarder, qui est réticent au port de la prothèse ou qui sait qu'il peut être appareillé
mais qui n'a pas envie car il ne se sent pas encore prêt, là on se dit que c'est encore un peu
trop tôt et qu'il n'est pas encore dans l'acceptation. C'est quand même un deuil à faire, c'est
le deuil d'une vie antérieure.
6. Quels moyens ou actions mettez-vous en place afin de favoriser
l'acceptation de ce nouveau corps ?
Je pense qu'à partir du moment où on atténue déjà la douleur physique et qu'en parallèle, on
traite la douleur psychologique avec les séances d'entretiens avec le psychologue, je pense
que ça nous permet de voir que le patient est en train de faire un chemin et d'accepter.
En tant qu’infirmière on va essayer de faire verbaliser au mieux ce qui se passe dans leur
tête, ce qui vraiment les travaille le plus, et ce que ce sont les images qu’ils renvoient, et ce
que c’est quelque chose de plus interne, parce que si c’est le regard des autres c’est pas
évident, parce qu’on se dit des fois que si ça m’arrivait, je sais pas comment je réagirais, si je
réagirais pareil, c’est pas évident, on leur dit toujours que c’est pas évident, qu’on a le droit
d’avoir des hauts et des bas, on a le droit ce jour-là de ne pas être bien, de pas vouloir
parler, mais quand même essayer de lui parler du devenir en lui disant ce qu’il va se passer,
qu’il peut avoir une prothèse, la prothèse on peut l’améliorer un peu, essayer de trouver des
points positifs dans le négatif.
7. Quel est votre rôle dans la mise en place de prothèse ?
Nous, au niveau de l'appareillage en centre de rééducation, ici en tout cas, on a un rôle de
surveillance cutanée c'est à dire qu'au début on surveille qu'il n'y ait pas d’œdème, le port de
prothèses se fait progressivement c'est quinze min, c'est une demi-heure, c'est une heure...,
après tout ce qui est adaptation de prothèse c’est avec le prothésiste donc nous on est un
peu hors circuit là-dessus et nous on fait une surveillance locale, on surveille que le moignon
n'ait pas de plaie, n'ait pas de blessures n'ait pas d’œdème. Qu'il n'y ait pas de douleur à la
mobilisation et à la mise en charge quand le patient se met debout pour les membres
inférieurs. C'est une surveillance cutanée d'un point de vue physique, après, bien sûr on
accompagne le patient, on est à l'écoute, on rassure, on conseille, en parallèle quand même.
8. Pouvez-vous nous raconter une situation qui vous a marquée (qu'elle soit
positive ou négative) ?
J'ai une situation qui m'a marquée, j'étais jeune diplômée, je venais d'arriver. On a eu un
jeune patient, un jeune père de famille d'une petite fille d'un an, qui a eu un accident de moto
et qui s'est heurté à un véhicule et du coup qui a eu une amputation mi-cuisse. Du coup, ça a
été très très très très dur pour moi d'accompagner ce patient parce que de ce qu'il me
renvoyait, il était jeune, il avait une petite fille qui avait à peine un an, toute la vie s'ouvrait à
lui et du coup ben... Voilà ça a été difficile parce que moi en tant que jeune diplômée je
n'avais pas forcément le recul, ni l'expérience, ni les mots parce qu'il devait avoir peut être 5
ans de plus que moi donc forcément il me renvoyait des choses, donc je n'étais pas très très
à l'aise.
Aussi, l’exemple de cette dame qui a eu un accident de voiture, qui était blessée à la jambe
droite, qui a eu une grosse fracture et qui est passée pas loin de deux ans dans les hôpitaux
à se faire opérer avec des douleurs horribles et au final, elle a demandé à être amputée
parce qu’elle n'en pouvait plus de ses douleurs, et une fois qu’elle a été amputée, bon il y a
eu des bas, elle en a pleuré, mais quand elle s’est commandée une robe pour le mariage de
son fils, là elle franchissait le pas, elle se disait qu’elle allait mettre telle chaussure avec sa
prothèse et sa robe, et qu’elle amènerait son fils à l’autel.
Qu'est-ce qui a été facilitant/non facilitant pour vous dans la prise en charge?
Ce qui n’était pas facilitant c’est que cette dame avait des hauts et des bas donc des fois, ça
n’allait pas, donc c’était l’adaptation à son état et à son humeur.
Ou alors les patients qui nous renvoient des choses ou des patients qui sont toujours dans la
vie passée «je faisais ça avant, maintenant je ne pourrai plus... » selon leur âge, leurs
antécédents médicaux des fois même avec une prothèse, ils ne pourront plus donc c'est ça
qui est un petit peu difficile à un certain âge de les faire se projeter quand même.
Après le jeune homme verbalisait très bien les choses donc ça c’était très facilitant aussi.
Dès qu’il n’allait pas bien, voilà, on prenait notre temps, on allait se poser vers lui, et voilà il
nous disait ce qui allait, ce qui n'allait pas, donc c’était beaucoup plus facile pour nous
d’orienter nos actions pour qu’il aille mieux. Et heureusement, ce patient avait un moral
d'acier et une envie d'avancer qui fait que ça s'est bien passé.
Ces facteurs facilitants ou non facilitants sont-ils propres à votre situation ou
les retrouve-t-on de manière récurrente ?
Tous les éléments ne sont pas forcément récurrents mais il est possible de retrouver certains
des éléments dans plusieurs situations.
9. Quelle est la priorité du service vis à vis d'une personne amputée ?
S'ils viennent chez nous, généralement, c'est pour être appareillés parce qu'on a un
orthoprothésiste. Après, l'objectif premier, c'est d'être cicatrisé, que la cicatrisation se passe
bien, qu'ils puisses être appareillés et qu'ils tolèrent bien la prothèse. Et qu'ils puissent après
rentrer à la maison, ça c'est la priorité du service, l'autonomie.
Quelle est votre priorité en tant qu'IDE ?
Comme je le disais au début, c'est que le patient accepte sa prothèse, arrive à se projeter et
qu'on puisse l'accompagner là dedans. Que ce soit dans les actes simples de la vie
quotidienne ou l'aider à retrouver sa place au sein de la famille, au sein de la société. Le rôle
infirmier n'est pas que de guérir et soigner la plaie au niveau physique c'est un
accompagnement et une écoute au quotidien.
10. Comment est faite la prise en charge des patients amputés (protocole,
prise en charge particulière, suivi psychologique… ) ?
Il n'y a pas vraiment de protocole établi, après comme je vous dis, les gens qui arrivent ici, ils
ne sont pas encore cicatrisés et tant qu'il n'y a pas de cicatrisation acquise il n'est pas du
tout encore question de prothèse. S'ils peuvent être appareillés quand ils sont cicatrisés et
qu'ils acceptent l'appareillage, il y a des moulages qui sont fais par l'orthoprothésiste, quand
le moulage est fait, il y a des essais donc ce sont des essais de 10min, 15min, on augmente
progressivement, on surveille s'ils tolèrent bien, s'il n'y a pas d’œdème et après il y a le
travail de «remusculation». C'est un travail qui se fait en parallèle avec les kinésithérapeutes,
les orthoprothésistes, les ergothérapeutes... C'est vraiment tous ensemble qu'on avance,
aussi bien au niveau psychologique, que démarches sociales, que ergothérapie pour
réapprendre les gestes du quotidien, au niveau kiné aussi pour remuscler et l'entraînement
aussi vasculaire cardiaque à la marche, tout ça, ça se fait en parallèle. Tout ça se fait en
coordination, c'est le médecin qui décide quand on va pouvoir commencer la marche, «tiens
toi le kiné tu vas pouvoir commencer à remuscler cette partie là, à faire des relevés de sol,
des demi-tours des montées d'escaliers...»
Il n'y a pas d'ordre précis si ce n'est qu'il soit cicatrisé et appareillable.
Moi j'ai connu que des amputations de membres inférieurs ici avec des appareillages.
11. Comment est préparé le retour à domicile ?
En fait c'est avec les ergothérapeutes et l'assistante sociale. On s'inquiète de savoir si le
patient est propriétaire ou locataire, si le logement sera accessible ou pas, s'il y a des
escaliers, s'il y a des ascenseurs. Même si un port de prothèse est possible, il ne va pas la
porter toute la journée en fonction de son âge donc s'il y a un fauteuil roulant, si ça passe
les portes. Tout ce qui est accessibilité, tout ça c'est évalué par l'ergothérapeute qui se rend
à domicile, qui fait une visite à domicile avec le patient souvent, et parfois sa famille, en
situation réelle, qui fait des essais, des transferts de voiture, la montée des escaliers avec la
prothèse, s'il y a des ascenseurs, si le fauteuil passe les portes, s'il peut accéder aux
toilettes, à la salle de bain, s'il y a une douche à l'italienne, que tout soit adapté. Une fois que
le domicile a été évalué s'il y a des choses à mettre en place, des aides techniques à
apporter, c'est l'ergothérapeute qui fait les démarches avec le patient, si ce sont des gros
travaux à prévoir, comme casser les murs de la salle de bains, agrandir des portes, casser
des cloisons, mettre une rampe extérieure... tout ça il y a des dossiers d'aides qui peuvent
être fais, ça c'est l'assistante sociale qui monte les dossiers et qui envoie les dossiers à
différents organismes.
Pouvez-vous nous parler du devenir des patients amputés concernant leurs
activités et leur vie professionnelle ?
Le jeune homme que j'ai connu quand j'étais jeune diplômée, du coup son employeur lui a
trouvé un poste adapté, dans un bureau. Tout dépend s'ils sont jeunes, s'ils sont retraités,
s'ils ont des proches, des enfants, une femme, s'ils sont seuls, tout ça oriente le retour ou
pas à domicile et l'activité professionnelle aussi car des fois, c'est une reconversion totale qui
est envisagée. Après, si vraiment il y a une grosse reconversion à prévoir parce que
l'employeur ne peut pas emménager un poste, les ergothérapeutes aussi travaillent ça, elles
essayent de voir, elles font un espèce de petit bilan de compétences, elles mettent en
relation avec des associations pour voir dans quel secteur ils pourraient se diriger. Les gens
amputés d'une main, elles travaillent à taper au clavier avec l'autre main ou alors des autres
techniques. Il y a des petites astuces ou des aides techniques qui peuvent être mises en
place pour l'activité professionnelle.
Comment les conséquences sur la vie sociale et affective des patients se
manifestent t-elles ?
Souvent, c'est le patient qui a le plus peur du regard des autres, qui a l'impression que le
regard du conjoint a changé sur lui, c'est son sentiment à lui après c'est vrai qu'il y a un
accompagnement aussi des époux et des enfants s'ils le souhaitent. Il y a toujours un suivi
psychologique qui est proposé quand même. Après j'ai pas plus d'éléments que ça, les
médecins revoient les gens en consultation suite à l'hospitalisation donc nous on ne les voit
plus en service de soins.
Concrètement, comment intervenez-vous ?
Nous, concrètement, pour les amputés, c'est particulier. On intervient pas beaucoup nous
dans le cadre du retour à domicile, les permissions thérapeutiques du week-end nous
permettent déjà d'évaluer comment ça se passe, quelles ont été les difficultés et du coup
transmettre au reste de l'équipe soignante des éléments pour pouvoir rectifier le tire. Ce sont
plus les permissions de week-end qui nous permettent d'évaluer un petit peu. Après dans le
retour à domicile à proprement dit, nous c'est plus rappeler les conseils avec la prothèse, de
bien surveiller son état cutané, c'est plus de l'éducation.
12. Avec quels professionnels de santé collaborez-vous pour une rééducation
optimale ?
La psychologue, l'assistante sociale, l'ergothérapeute, l'orthoprothésiste, le médecin, la
famille aussi ils sont importants dans la rééducation, le prof de gym, le kinésithérapeute, la
neuropsychiatre...
Comment collaborez-vous ?
Il y a une synthèse toutes les semaines, on se retrouve tous ici, tous les professionnels qui
interviennent, avec alternance une semaine pour tout ce qui est neurologie et la suivante
pour tout ce qui traumatologie, donc tous les 15 jours les patients amputés sont évoqués en
synthèse, chaque thérapeute dit où il en est avec cette personne, quelles sont les
améliorations, les soucis, les problèmes, comment y remédier, on en parle tous ensemble en
synthèse. Après c'est vrai qu'on communique aussi beaucoup par téléphone quand on a
besoin d'avoir une info, on descend voir les thérapeutes ou ils viennent dans le service. Mais
c'est beaucoup grâce aux synthèses et il se peut aussi qu'il y ait des synthèses où l'on inclut
le patient ainsi que la famille pour que tout le monde entende la même version et les mêmes
consignes, c'est important.
13. Quelles sont les personnes ressources ou les organismes auxquels vous
pouvez vous référer ?
Les associations, on a des fascicules avec des adresses, sinon les personnes ressources ça
peut être aussi bien la famille ou d’autres patients, car quand ils sont ici, ça arrive qu’ils
créent des liens avec d’autres patients, ils sont toute une bande de copains car ils se
connaissent tous. Ils sont ressources car les personnes qui ont un handicap peuvent avoir
un autre regard et ils peuvent lui ouvrir les yeux en disant, «Il y a pire», «moi j’ai des
solutions pour me mettre debout» par exemple, ça les booste parfois.
Pour le patient ?
On peut se servir de la famille si on voit que le patient est pas bien et que l’entourage lui fait
du bien, on peut les appeler, savoir comment la personne se comporte avec eux, parce des
fois il y a des comportements tout à fait différents avec nous professionnels et la famille
Pour l'IDE ?
C’est plus les psychologues en général, car nous on évacue aussi ce qu’on ressent car des
fois on fait l’intermédiaire entre la psychologue et le patient quand ils ne veulent pas trop se
voir, après ça peut nous donner des solutions, et pour nous et pour le patient.
Comment collaborez-vous avec eux ?
On passe un coup de téléphone.
A quoi cela vous sert-il ?
D’avoir une meilleure prise en charge au niveau du patient, parce qu’il y a des patients qui
ne vont pas se confier à nous mais qui vont se confier à des personnes de leur entourage et
c’est vrai qu’après nous, on est un peu démuni car on ne sait pas dans quel état d’esprit est
le patient donc on ne peut pas prendre en charge un patient comme il faut si on ne sait pas
ce qu’il ressent, et le fait d’avoir un contact avec ses gens-là, ça nous permet de mieux
s’occuper du patient car on sait quelles sont ses difficultés. Nous, si ça se trouve, on va se
focaliser sur un truc alors que le patient c’est pas du tout ce qu’il voit, c’est autre chose, et si
on le sait pas on peut passer à côté du problème.
14. Avez-vous suivi des formations spécifiques pour prendre en charge une
personne amputée ?
Non.
Si oui, lesquelles ?
Que vous ont-elles apporté ?
Si non, pensez-vous que cela serait nécessaire ? en quoi ?
Je pense que ça serait nécessaire pour l'infirmière, une formation peut-être sur … je sais
pas, quand l'orthoprothésiste nous dit c'est une amputation du tiers supérieur, ça va être
chaud à appareiller, nous tout ça on … on sait que des fois quand c'est haut, c'est difficile à
appareiller... Peut-être plus dans l'appareillage, ça nous permettrait de comprendre un petit
peu mieux mais après ça changerait rien à notre pratique quotidienne, mais c'est plus pour
notre culture professionnelle j'ai envie de dire.
ENTRETIEN n°2 SSR de Quingey (IDE 2 )
1. Pouvez-vous vous présenter succinctement, ainsi que votre parcours
professionnel ?
Bien sûr, alors je suis Nathalie, j'ai 38 ans et je suis infirmière depuis novembre 2008. Alors
j'étais éducatrice sportive mais du coup j'ai arrêté pour devenir infirmière. Et j'ai fait de la
rééducation car c'est un bon lien avec mon ancien travail pour le prendre en soins.
2. Qu'est-ce que pour vous l'amputation ?
D'un point de vue physique ?
Une dégradation de l'image corporelle, c'est la perte d'un membre.
D'un point de vue psychologique ?
C'est peut-être encore pire que ce qui est physique, c'est la perte de quelque chose, un
morceau de sa propre personne. Donc s'il faut faire le deuil de sa vie d'avant, de son image
corporelle, on a des femmes qui portaient des robes, donc plus de collant, les paires de
chaussures, les femmes qui étaient fans de paires de chaussures c'est un grand grand et
long cheminement. Malgré l'effet que de temps en temps on a l'impression que ça fait 6 mois
qu'ils ont accepté on s'est dit ça y est c'est bon. Il y a des gens qui n’arrivent pas à toucher
ou regarder leur moignon donc c'est quand même quelque chose de difficile. C'est long en
fait. On pense qu'en 6 mois c'est bon, une fois qu'ils ont un appareillage mais en fait c'est
encore un cheminement malgré l'appareillage.
D'un point de vue social ?
C'est très compliqué parce-que pour les gens, les amputés c'est ou des accidentés de la
route ou quand c'est des personnes âgées, on associe à l'alcool, à la négligence, surpoids et
en plus du fait d'être amputé on leur colle une étiquette pas forcément très sympathique et
c'est difficile de garder le lien avec tout ce qu'on renvoie ça fait peur. Là, ils sont plusieurs et
bizarrement ils se retrouvent beaucoup ensemble, ça les rapproche.
3. Comment le patient accepte-il l'amputation ?
Alors ça va dépendre de beaucoup de choses, ça va dépendre de sa vie d'avant, de son
entourage, de s'il arrive à se projeter aussi parce qu'il y a des gens qui se disent «oui je suis
amputé mais c'est qu'un passage je vais avoir à nouveau une jambe entre guillemets, une
prothèse et je vais continuer ma vie». On a un patient qui est comme ça, il travaillait dans la
pâtisserie et tous les week-ends, il part en permission pour faire ses chocolats. Donc lui voilà
il est bien, il a vécu des choses dans sa vie , mais il ne s’arrête pas là. Il y a d'autres gens
qui décident de refaire du tracking, il y a plein de gens qui l'abordent un peu comme une
transition mais ces gens ils ont des ressources. C'est à dire ils ont un entourage, c'est
compliqué de vivre une amputation. Sachant qu'il y a souvent derrière l'angoisse de perdre
un autre membre et c'est dur d'aller toujours de l'avant avec ça en tête. Donc il y a ceux qui
sont positifs, qui vont de l'avant et il vont continuer à vivre. Et il y en a d'autres qui sont pas
forcement aidés en plus, qui tombent un peu dans l’engrenage de l'assistanat et ça devient
compliqué pour eux.
Donc oui nous dans tout ce qu'on a pu voir, l'entourage joue énormément.
4. Qu'est-ce que pour vous l'acceptation ?
L’acceptation c'est quand heu... je ne sais pas s'il l'accepte vraiment un jour mais je crois
qu'il font plutôt avec. Et ils avancent avec cette histoire. L’acceptation ça va être déjà de
toucher le moignon. C'est une étape énorme. Ils vont déjà commencer à toucher leur
membre lors de la toilette et puis après ça va être pouvoir l'examiner. C'est à dire qu'on les
aide à le regarder. Mais il y a des gens qui n'y arrivent pas. Cela fait 6 mois qu'ils sont
appareillés mais ils doivent faire la vérification de leur peau mais ils peuvent pas parce que
ça leur renvoie quelque chose qui est encore vraiment trop douloureux.
Donc l'acceptation ça va être le gérer, le regarder, se le réapproprier. Parce que il y a des
gens qui n'arrivent jamais à s'approprier leur prothèse. Ils ont eu tellement de mal à accepter
l'amputation, que se réapproprier une nouvelle jambe c'est trop leur demander. Ils ont réussi
à trouver une autonomie sans leur prothèse, «j'arrive à faire mes transferts lit/fauteuil, j'arrive
à me suffire à moi-même». Donc des fois en pensant les aider avec une prothèse on va faire
l’inverse. Donc il faut vraiment être à l’écoute de ce qu'ils veulent. On a tendance à sortir tout
de suite l'appareillage et c'est pas forcement ce qu'ils attendent en fait.
5. Pour vous qu'est-ce que l'image corporelle ?
L'image corporelle c'est déjà ce qu'on se renvoie à soi même, et ce qu'on peut renvoyer aux
autres. Ça peut être une façon de communiquer entre guillemets parce que c'est la première
chose qu'on voit chez une personne, c'est quelque chose qui renvoie tout de suite à notre
ressenti. Pour moi c'est la première barrière.
Qu'est ce qui est important pour vous dans l'image corporelle ?
Ce qui est important c'est qu'il faut être en accord avec elle tout simplement. Après il y a des
gens qui réussissent à se réapproprier une nouvelle image, qui continuent à pouvoir se sentir
bien malgré une prothèse et je crois que c'est ça. C'est être en adéquation avec ce qu'on a
envie de dégager pour soi.
Comment le patient vit-il sa nouvelle image corporelle ?
Alors, il y en a qui le vive très bien, mais encore une fois ça va être propre à eux même et
énormément à cause de l'entourage. Quand les gens sont en couple et que leur conjoint
continue de leur dire qu'ils sont beaux et il y en a à qui ça va vraiment donner des ailes et qui
vont du coup s'accepter parce qu’ils se rendent compte que le regard de l'autre n'a pas
changé finalement. Ils se rendent compte qu'ils continuent à être des personnes à part
entière et qu'ils sont capables de pleins de choses. Et il y en a d'autres qui ont des conjoints
qui ont énormément de mal avec ça après c'est compliqué pour les gens de vivre avec,
même s'ils ont un bon mental quand le compagnon ne le voit plus de la même manière c'est
compliqué.
Comment voyez-vous que le patient accepte?
C'est quand il va vouloir ressortir par exemple, quand il va vouloir renouer avec sa famille
qu'il n'a pas vu depuis longtemps, qu'il va vouloir aller aux fêtes familiales, voilà c'est
vraiment signe qu'ils reprennent leur vie en main, qu'ils continuent avec leur prothèse et avec
leur amputation.
A contrario, comment voyez-vous que le patient n'accepte pas son image ?
Ça va être vraiment un renfermement et il va se retrouver souvent maltraitant envers lui
même c'est à dire que ce soit conscient ou inconscient il va pas faire gaffe à ses glycémies, il
va oublier son traitement, il va cogner le moignon dans les coins. C'est pas toujours
conscient mais en général, les gens qui chutent souvent sur leur moignon ou qui ont du mal
à stabiliser leur diabète, c'est des gens qui ne s'inscrivent plus dans une spirale positive et
qui on du mal à trouver du sens. Il y en a qui n'ont plus l’énergie donc c'est avec ça qu'on le
voit souvent. C'est vrai que c'est des petits signes.
6.Quels moyens ou actions mettez-vous en place afin de favoriser
l'acceptation de ce nouveau corps ?
Alors il va y avoir déjà tout un travail avec les kinés. Il va y avoir déjà la première fois qu'ils
vont laver leur membre, déjà ça va commencer par là. Quand on fait le pansement on leur
demande aussi s'ils veulent le voir, on les sollicite et je pense qu'ils ont besoin aussi à un
moment donné d’être sollicités. Après, quand ils vont mettre leur contention tout seul, ils vont
s'en occuper, après ils vont apprendre à mettre leur prothèse et c'est tous des gestes qu'ils
vont apprendre à faire eux mêmes c'est des choses qu'ils vont faire qu'ils vont se
réapproprier leur membre amputé ou leur nouvelle jambe. Qu'ils prennent soins. C'est tout
une éducation qui se fait .Et c'est souvent pendant les pansements qu'ils nous posent des
questions, sur l'après, qu’est ce qu'ils vont pouvoir faire, qu'est ce qu'ils vont pouvoir se
permettre de faire, qu'est ce qu'ils peuvent envisager. Et ils se rendent compte que c'est à
eux de l'écrire. Et c'est vrai que ça demande beaucoup d'énergie.
7. Quel est votre rôle dans la mise en place de prothèse ?
Alors nous on prend le relais par exemple avec la kiné. Après nous on va prendre le relais,
on va intervenir aussi souvent pour les rassurer après le port de prothèse c'est à dire qu'on
va leur apprendre à ausculter correctement leur moignon et à prendre soin de leur prothèse
une fois qu'ils l'ont enlevée.
8. Pouvez-vous nous raconter une situation qui vous a marquée (qu'elle soit
positive ou négative) ?
Oui. Donc on a accueilli une mamie, une dame diabétique qui devait être appareillée. Mais
cette dame a toujours crié haut et fort qu'elle ne voyait pas l'utilité pour elle d’être appareillée
et qu'elle ne voulait pas. Elle n'avait plus envie d’être debout. C’était plus quelque chose qui
lui tenait à cœur, qu'elle était trop fatiguée. Mais on a voulu absolument l'appareiller malgré
qu'elle disait qu'elle n’en avait pas besoin. Et cette dame ne s'est jamais servie de sa
prothèse, elle a toujours regardé sa prothèse comme si c’était un ennemi ou un truc en plus
qui venait la perturber. Et oui sur ce coup-là on ne l'a pas écoutée et c'est dommage parce
que c'est une dame qu'on a gardée presque 8 mois et au bout de quatre à cinq mois, elle
était autonome et elle ne demandait pas plus, elle se trouvait très bien comme ça. Alors
après il y a plein d'exemples positifs mais elle avait déjà subi son amputation, elle n'avait pas
envie de resouffrir entre guillemets pour finir le reste de sa vie .Donc après ça nous a appris
aussi qu'on a vraiment envie d'accompagner les gens mais que de temps en temps, si une
autonomie au fauteuil leur suffit il faut respecter et s’arrêter là. Donc maintenant on est un
peu plus attentif quand même au désir des patients .
Qu'est-ce qui a été facilitant/non facilitant pour vous dans la prise en charge?
Alors facilitant, c’était qu'elle savait exactement ce qu'elle voulait cette dame, elle nous avait
vraiment donné la marche à suivre.
Ce qui ne nous a pas facilité les choses, c’était de vouloir trop bien faire et du coup d'oublier
le désir de notre patiente.
Ces facteurs facilitants ou non facilitants sont-ils propres à votre situation ou
les retrouve-t-on de manière récurrente ?
Alors on a quand même souvent des gens bien cortiqués et ils savent ce qu'ils veulent à
moins qu'ils soient en grande dépression . Après, maintenant on a des CPR qui permettent
de justement replacer le patient au centre pour que lui pose ses objectifs et du coup on part
plus dans un mauvais sens. On met les choses à plat avec le patient et l'entourage et ça
permet vraiment de faire une rééducation adaptée à la personne.
9. Quelle est la priorité du service vis à vis d'une personne amputée ?
Qu'il parte en ayant commencé son chemin par rapport à son amputation et surtout qu'il
essaie de préserver l'autre membre. L'objectif ça va être de les mettre sur le chemin de
prendre leur vie en main.
Quelle est votre priorité en tant qu'IDE ?
L’accompagner mais pas de l’assister, essayer de lui redonner confiance en elle et la
responsabiliser par rapport à sa prothèse .
10. Comment est faite la prise en charge des patients amputés (protocole, prise
en charge particulière, suivi psychologique… ) ?
Les personnes amputées sont inscrites systématiquement à la psychologue qui les voit et le
médecin les voient aussi et redit a la psy de passer les voir. Nous IDE, on est en contact
avec eux tout le temps, autant pour les pansements, pour l'éducation avec les
kinésithérapeutes donc dès qu'il y a quelque chose qui cloche, ça va vite, on a des réunions
interdisciplinaires toutes les semaines avec médecins, kinésithérapeutes, ergothérapeutes,
professeurs d'APA. Dès qu'il y a un petit problème, ça se sait tout de suite, ça va vite. Puis
on a des transmissions ciblées que l'ont fait sur ordinateur et sur papier.
11. Comment est préparé le retour à domicile ?
On a une assistante sociale dans le service et en général, très tôt, comme pour les patients
neurologiques qui restent pour une durée de plus de trois mois, on réalise un CPR (contrat
personnalisé de réadaptation) c'est pour établir les objectifs de soins du patient par les
soignants, c'est le patient qui est au centre de sa rééducation et c'est lui qui détermine ses
objectifs de rééducation. On se donne un temps pour faire un bilan entre kinésithérapeutes,
ergothérapeutes, médecins, professeurs d'APA, IDE et après on fait une réunion, on invite la
famille, le patient et on lui demande ses objectifs de rééducation. Pour un patient amputé, ça
va être de marcher, de réaliser ses transferts. Le CPR est un gros atout, en plus c'est écrit,
ça reste dans le dossier du patient et on remet un exemplaire a la famille. L'assistante
sociale est présente à ce moment là, si la famille a besoin de changer de logement, car des
fois, ce n'est pas adapté, il n'y a pas d'ascenseur donc ils se dirigent vers l'assistante
sociale. La psychologue peut être présente. Tous les professionnels de rééducation sont
présents, c'est vraiment interdisciplinaire. On fait un CPR en début de rééducation puis avant
de quitter la réunion, on prévoit un CPR pour le milieu de séjour pour voir où il en est et si
ses objectifs ont été atteints. S'ils n'ont pas été atteints on se laisse un délai supplémentaire.
En général on fait trois CPR : un en début de séjour, un au milieu et un à la fin où on fixe la
date de sortie et après ils sortent.
Pouvez-vous nous parler du devenir des patients amputés concernant leurs
activités et leur vie professionnelle ?
En ce qui concerne les activités, c'est sur qu'un patient de 80 ans ne va pas faire de la
course, pour lui ça va être une autonomisation de la vie courante, de pouvoir aller à la salle
de bain, sortir un petit peu dehors etc. Mais des patients jeunes qui couraient ont déjà réussi
a recourir avec leur prothèse mais c'est rare, ce n'est pas la majorité. C'est vraiment en
fonction du patient, en fonction de son état clinique, de son âge, de ce que lui, avait
déterminé en objectif. Au niveau de la vie professionnelle, souvent ceux qui avait une activité
reprennent leur travail.
Comment les conséquences sur la vie sociale et affective des patients se
manifestent t-elles ? Concrètement, comment intervenez-vous ?
On a eu quelques cas de personnes jeunes, accidentées par exemple, où leur objectif était
d'être appareillées rapidement pour pouvoir reprendre leur travail et ceux-ci y sont arrivés
mais c'est pas la majorité. Au niveau affectif, ce n'est pas évident l'image qu'on renvoie à
l'autre, surtout quand c'est un proche. Il y a des familles qui ont du mal à voir leur proche
amputé. A partir du moment où le conjoint accepte, je pense que c'est déjà mieux vécu par le
patient et nous, on le ressent bien si la famille rebute un petit peu, ne serait-ce que de
regarder, des fois on insiste auprès des conjoints, on leur demande s'il veulent voir où ça en
est, il y en a qui refusent. C'est vrai que l'affectif joue pas mal. A partir du moment où le
conjoint accepte, c'est plus facile pour le patient. S'il sent qu'il y a des réticences, c'est plus
dur pour lui.
12. Avec quels professionnels de santé collaborez-vous pour une rééducation
optimale ? Comment collaborez-vous ?
Médecins, psychologues, diététiciens, kinésithérapeutes, professeurs d'APA et nous IDE, on
descend voir où ils en sont sur le plateau technique. C'est intéressant de voir ce qu'ils leur
font faire, car nous ne travaillons pas les mêmes choses.
13. Quelles sont les personnes ressources ou les organismes auxquels vous
pouvez vous référer ?
Pour le patient ?
On leur dit qu'ils peuvent rencontrer des anciens patients avec qui ils peuvent garder contact.
Pour l'IDE ?
Ça passe par la formation, j'ai demandé à être formée sur les amputés, sur ce qui est
psychologique etc, sur Mulhouse. Ils travaillent beaucoup sur la prise en charge sociale, la
reconversion professionnelle s'ils n'arrivent pas à reprendre leur boulot, ils sont beaucoup
plus organisés qu'en Franche-Comté.
Comment collaborez-vous avec eux ?
Au téléphone, en les croisant dans les couloirs ou lors des réunions pluridisciplinaires.
A quoi cela vous sert-il ?
De pouvoir s'appuyer sur quelqu'un d'autre, de ne pas être seul.
14. Avez-vous suivi des formations spécifiques pour prendre en charge une
personne amputée ?
Si oui, lesquelles ?
Oui sur Mulhouse, sur les patient amputés, l'image corporelle, le devenir, la psychologie. Je
ne sais plus comment s'intitule la formation.
Que vous ont-elles apporté ?
C'était très bénéfique. Il faut savoir de quoi on parle, je pense qu'on devrait tous être formés
dans ce type de service. Maintenant ils ont plutôt tendance à faire des formations en interne.
C'est très bien d'aller voir ailleurs ce qu'il se passe. C'est bien d'être formé.
Entretien TFE N°3 en SSR au CHRUB JEAN MINJOZ (IDE 3)
1. Pouvez vous vous présenter succinctement, ainsi que votre parcours
professionnel ?
Cela va faire 20 ans que je travaille, j'ai fait un parcours de 15 ans en réanimation
chirurgicale et médicale puis après j'ai fait de la chirurgie ophtalmo-ORL et ça va faire un an
et demi que je suis en SSR.
2. Qu'est-ce que pour vous l'amputation ?
D'un point de vue physique ?
L'ablation d'un membre.
D'un point de vue psychologique ?
La perte d'une partie de soi.
D'un point de vue social ?
C'est être différent par rapport aux autres, au regard des autres et puis aussi la relation avec
les personnes et tout l'environnement qui n'est pas toujours adapté que ce soit à la maison
ou à l'extérieur.
3. Comment le patient accepte-il l'amputation ?
Nous c'est un petit peu spécial. On les voit, ils ont déjà fait leur deuil de l'amputation. Il y a
aussi toute la problématique lorsque c'est du à un traumatisme, à un accident de voiture ou
autre chose. Il y a aussi le cas d'une dame par rapport à son cancer mais c'est plus rare.
4.Qu'est-ce que pour vous l'acceptation ?
L'acceptation ce serait de pouvoir sortir sans angoisse et de participer à la vie sociale au
long cours, sa vie personnelle.
5. Pour vous qu'est-ce que l'image corporelle ?
C'est propre à chacun, généralement, quand on parle d'image corporelle on parle de beauté
et d'estime de soi.
Qu'est ce qui est important pour vous dans l'image corporelle ?
Je dirais qu'elle est propre à chacun. Ma propre image serait complètement différente par
rapport à quelqu'un d'autre, que ce soit l'amputation d'un bras ou l'ablation d'un sein, je
pense que c'est personnel.
Comment le patient vit-il sa nouvelle image corporelle ?
Généralement, quand ils arrivent, ils sont déjà pris en charge au niveau psychologique et ils
sont renfermés. Puis après, au fur et à mesure de ce que je vois dans l'hospitalisation, ils
commencent à parler à être agressifs, pas envers le personnel mais envers eux même,
envers ce qui leur arrive et ils se posent beaucoup la question de comment je vais faire
après ? Parce que nous, ont est beaucoup dans la rééducation, donc on est beaucoup à les
booster à participer dans les transferts, dans la mobilisation, dans tous les gestes de la vie
quotidienne. Donc là, quand ils arrivent dans une période, ils sont en plein boost je dirais, à
se dire je vais peut être faire autre chose de ma vie et récupérer un peu mon autonomie. Et il
y a une autre période où on s'aperçoit que malheureusement, ils ne vont pas récupérer tout
ce qu'ils espéraient. Après, l'acceptation dépend des personnes.
Comment voyez vous que le patient accepte ? (Quels signes identifiez vous ? )
Je dirais qu'il y a plusieurs phases : déjà de voir leur membre amputé, lors d'un pansement
par exemple, il y a déjà une première phase, c'est déjà l'acceptation de l'amputation, de voir
un peu ce qu'il en est. Après, quand ils commencent à avoir une prothèse mais aussi quand
ils voient qu'ils peuvent faire leur transfert eux même et de ne plus être dépendants.
A contrario, comment voyez-vous qu'il n'accepte pas son image ? (Quels
signes identifiez-vous ?)
Lorsqu'ils n'acceptent pas, c'est dans le sens contraire : ils se laissent complètement aller, ils
refusent les soins, ils ne nous parlent plus, ils n'ont plus le sourire. Mais il faut se méfier des
sourires, ça peut être très trompeur ! Et puis aussi la relation qu'ils ont avec leur famille,
parce que nous pouvons voir des choses qui ne donnent pas le même reflet à la famille et ça
des fois c'est la famille qui nous interpelle.
6. Quels moyens ou actions mettez vous en place afin de favoriser
l'acceptation de ce nouveau corps ?
Les moyens classiques pour tous les services, je dirais la continuité avec les psychologues,
les psychiatres. Puis nous sommes une équipe pluridisciplinaire, on parle beaucoup du
patient, des progrès qu'ils font et à chaque moment de la journée où on peut rajouter quand
un patient est en difficulté par rapport à des soins, des exercices qu'il a à faire, on peut aller
le voir pour en discuter ou au contraire pour remettre les soins à plus tard. On essaie
d'équilibrer notre travail, que ce soit infirmier, kiné etc. Et beaucoup par le rire, beaucoup
parler, et le rire c'est super important parce que dès qu'on arrive et qu'on fait une triste mine,
voilà... Eux, ils ont déjà du mal à s'accepter. Et puis parler de leur amputation et de ce qu'ils
vont faire aussi s'ils ont envie c'est toujours pareil. Même s'ils acceptent, ils n'ont peut être
pas envie qu'on leur rabâche tout le temps.
7. Quel est votre rôle dans la mise en place de prothèse ?
Ce n'est pas le patient qui décide, ce sont les médecins qui vont lui proposer la mise en
place d'une prothèse par rapport à ce qu'ils ont comme amputation. Après, il y a les kinés
qui vont remuscler. Il y a aussi des essayages avec les prothésistes. Nous , infirmiers, on
intervient très peu dans la mise en place. On est là pour surveiller si le patient la met
bien, s'il n'y a pas de blessures, si elle est adaptée parce que des fois les patients
perdent de la masse musculaire. Mais vraiment l'essayage de la prothèse, c'est plus les
kinés et le prothésiste qui va faire plusieurs moulages, plusieurs essais et après il y a
l'éducation qui est généralement plus pour les kinés, mais nous on est pas vraiment
dans l'apprentissage d'une prothèse spécifique car elles sont différentes pour chacun.
8. Pouvez vous nous raconter une situation qui vous a marquée (qu'elle soit
positive ou négative) ?
Je me souviendrai toujours d'une dame qui a été amputée par rapport à un osteosarcome. Il
y avait donc déjà eu acceptation de sa maladie. Elle refusait catégoriquement de voir son
amputation. C'était difficile pour l'équipe de lui expliquer, de mettre en place cette relation de
confiance et qu'elle puisse regarder son amputation, avancer et trouver les mots justes.
C'était difficile car elle pleurait, elle était très renfermée donc il fallait passer ce cap.
Qu'est-ce qui a été facilitant/non facilitant pour vous dans la prise en charge?
Elle voyait qu'au niveau de sa cicatrice, ça s'améliorait. On lui expliquait qu'il y avait une
bonne cicatrisation, elle avait peur de ça et qu'on l'ampute à nouveau. Ça a fait beaucoup
avancer les choses une fois qu'elle a pris conscience de cela. On a donc pu avancer plus
vite au niveau des soins techniques comme le pansement mais aussi au niveau de toute la
mobilisation, les transferts, les soins d'hygiène, pour qu'elle puisse s'autonomiser et être a
l'aise avec elle même et avec son corps.
Et les non facilitants, elle ne voulait pas qu'on la touche. Les soins pour les pansements
étaient très délicats parce qu'il fallait y aller doucement, prendre notre temps, discuter avec
elle, pas automatiquement dans les premiers temps de son amputation, mais d'autre chose,
qu'elle avait envie, la télé, de sa famille, des soins réalisés avec les kinés si elle avait envie.
Ces facteurs facilitants ou non facilitants sont-ils propres à votre situation ou
les
retrouve-t-on de manière récurrente ?
Oui je dirais qu'il y a quand même une progression.
9. Quelle est la priorité du service vis à vis d'une personne amputée ?Et en
tant qu'IDE ?
C'est de participer aux soins et à la bonne marche de la relation entre nos soins infirmiers
(que ce soit pansement, ou des soins d'hygiène) et avec la relation avec les kinés. Mais tous
les rendez-vous, parce-que ici, ils ont énormément de rendez vous par rapport à leurs
antécédents et puis une prise en charge très globale par exemple si c'est dû à un accident
ophtalmologique, urologique, chirurgical, un contrôle de chirurgie. Donc il faut essayer de
mettre tout en place correctement, sans stress, car ça les stresse beaucoup d'aller se
balader et la façon dont ils sont pris en charge dans notre service jusqu'aux examens en
règle générale.
10. Comment est faite la prise en charge des patients amputés (protocole, prise
en charge particulière, suivi psychologique…) ?
Non on a pas de protocole. Systématiquement nous, un suivi psychologique est déjà mis en
place dans les services avant. Après c'est en fonction de comment ils sont et de leur
demande aussi. Parce-que des fois ils peuvent s’accepter facilement et d'un seul coup
s'écrouler et soit le demander ou nous leur proposer et le mettre en place. Et là c'est les
médecins qui gèrent les rendez-vous.
11. Comment est préparé le retour à domicile ?
Je dirais de différente manière parce-que j'ai beaucoup oublié de parler de l'ergothérapeute
qui travaille sur les soins d'hygiène et de tout le matériel qui peut être mis en place pour la
maison ou pour ici c'est à dire des petites brosses, des petites pinces pour attraper, des tapis
pour manger, enfin, pleins de matériels que l'on met en place et qui peut être aussi mis en
place à la maison. Alors une fois que le matériel est trouvé après les médecins, s'il y a un
retour à domicile, vont commander le matériel. Nous on leur demande dès l'arrivée tout
l'environnement. On pose beaucoup de questions à la famille comme les habitudes de vie et
l'environnement tout simplement s'il y a des marches ou quelque chose comme ça. Soit
améliorer, soit leur proposer du matériel plus adapté. Il y a l’assistante sociale aussi qui peut
aider pour une prise en charge financière et aussi parfois l'ergothérapeute va accompagner
le patient à domicile pour voir un peu comment se déroule une journée si la famille n'est pas
là. Elle leur apprend aussi dans le service à voir un peu tout ce qui est manipulation dans la
cuisine, elle fait des recettes avec eux.
Les kinés font aussi une fiche de liaison et aussi on les transfère assez régulièrement dans
un autre centre de rééducation, qui va les accueillir soit en hôpital de jour soit en hôpital pour
une petite période pour beaucoup se remuscler. Renforcer tout ce qui est musculature et
adaptation à l'environnement.
Pouvez-vous nous parler du devenir des patients amputés concernant leurs
activités et leur vie professionnelle ?
Par rapport au devenir professionnel, les médecins leur posent beaucoup de questions par
rapport à ça mais dans ce service, ils ne sont pas encore dans l'apprentissage de leur
devenir professionnel, ce serait plus après une autre étape dans un autre service de
rééducation.
Comment les conséquences sur la vie sociale et affective des patients se
manifestent t-elles ?
Déjà des conséquences sur leur famille. La famille, quand ce sont des personnes âgées, il y
a toute l'angoisse des enfants, que va devenir cette personne ? Quand ce sont des
personnes jeunes c'est le regard des enfants. Après la relation mari ou concubin et toujours
très difficile. Pour l'instant, de ce que j'ai vu, il y a toujours une acception du patient tel qu'il
est car il y a eu tellement d’angoisse de perdre la vie que voilà. Et du coup il y a une relation
généralement assez forte. Mais alors est-ce qu'elle continue après, ça je ne peux pas vous
dire.
12. Avec quels professionnels de santé collaborez-vous pour une rééducation
optimale ?
J'ai oublié aussi, la stomathérapeute. Par rapport à l'auto-sondage. Parce que généralement
quand il y a amputation il faut qu'elle lui apprenne à se mobiliser comme il faut avec le
membre qui est valide, le plus autonome pour s'installer et s'autosonder tout simplement.
13. Quelles sont les personnes ressources ou les organismes auxquels vous
pouvez vous référer ?
Les associations en fin de compte, j'en parle très peu car une fois on a demandé de l'aide à
une association qui nous a pas trop aidé du coup. Si je me souviens bien, ils ne nous ont pas
apporté de solution.
Après c'est beaucoup l’assistante sociale qui va rechercher tous les organismes qui peuvent
aider. Que ce soit financer ou pour une recherche de maison .
Il y a aussi la famille car c'est eux qui sont là aussi pour que le patient se raccroche à eux
donc automatiquement on s’appuie beaucoup sur eux. Et j'ai oublié de vous parler par
rapport à la famille, j'ai déjà eu un cas pour un monsieur on a demandé à la famille qu'elle
vienne avec sa voiture pour qu'on lui apprenne le transfert fauteuil/voiture. On travaille aussi
avec le système de permission pour avoir le retour du patient qui s'est vu dans son
environnement.
14. Avez-vous suivi des formations spécifiques pour prendre en charge une
personne amputée ?
Non mais je pense que ça existe. Les autres collègues c'est pareil, comme le service est
neuf, on verra après . Je pense que ça pourrait être bien.

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