La prévention n`est pas un luxe

Transcription

La prévention n`est pas un luxe
entreprise conditionnement
Troubles musculosquelettiques
La prévention n’est pas un luxe
A
vancer petit à petit.
Le postulat de départ
de la politique de prévention des troubles musculosquelettiques (TMS) menée
depuis 2006 au sein de l’entreprise Fragrance Production,
à Chartres, est clair. Celle-ci
s’inscrit dans une démarche
globale de prévention durable
du Comité technique national
des industries de la chimie,
du caoutchouc et de la plasturgie (CTN E), impliquant la
Fédération des entreprises de
la beauté (Febea), la CNAMTS
et les CRAM, l’INRS et les services de santé au travail (cf.
encadré). Fragrance Production
fabrique et conditionne des
parfums pour des marques de
luxe. Avec une activité essentiellement manuelle.
Ces dernières années, l’entre­
prise a relevé un net accroissement du nombre de TMS
parmi ses salariés. Depuis
2002, 24 cas de maladies professionnelles ont été reconnus. En 2008, ce sont encore
200 journées de travail qui
ont été perdues pour cause
de maladies professionnelles.
« Notre activité présente beaucoup de gestes répétitifs. Même
si les personnes tournent toutes
les heures sur une ligne, la réi-
36
Travail & Sécurité ­­– Juin 2009 bles et donc des problèmes
spécifiques. Mais il en existe
sur toutes les lignes », décrit
Sergio Ramos, coordinateur
sécurité et environnement de
l’usine. Deux analyses ergonomiques sont menées successivement par l’INRS puis
par un cabinet d’ergonomie.
Elles permettent d’établir un
premier état des lieux. Les
Fragrance Production
F
ragrance Production appartient au groupe Coty. Créé en
1904, celui-ci possède six usines à travers le monde. Celle
de Chartres date de 1972 et s’étend sur 14 800 m2. Elle emploie
330 personnes à temps plein – 2/3 de femmes et 1/3 d’hommes
– dont environ 200 à la production. Lors des fortes périodes
d’activité, elle peut employer jusqu’à 80 intérimaires pour
compléter cet effectif. L’âge moyen y est de 40 ans, avec une
ancienneté moyenne de onze ans. L’usine produit 60 millions
d’unités par an, essentiellement commercialisées dans une
vingtaine de pays présents en Amérique, Europe et Asie. Elle
commercialise des gammes de produits de luxe (Calvin Klein,
Cerruti, Karl Lagerfeld, Marc Jacobs, Davidoff…).
tération des mouvements est à
l’origine de l’apparition de TMS
des membres supérieurs, décrit
Marie-Claire Philippe, membre
du CHSCT et chef de chaîne.
Aujourd’hui, il y a les cadences
à tenir, ce qui était moins le cas
auparavant. Les conditions de
travail ont évolué depuis dix
ans et ces modifications n’ont
pas été accompagnées des
aménagements nécessaires. »
En 2006, Fragrance Production
a décidé de s’attaquer aux
sources de ces maux afin de
protéger ses salariés. Première
difficulté : identifier les situations à risques. « La fabrications des différents produits
présente des contraintes varia
maladies professionnelles a
été créé à l’infirmerie ; des
groupes de travail ont été
formés pour définir la mise
en place de systèmes techniques et organisationnels. Des
mesures qui ont conduit à
une meilleure prise en compte
des problèmes ergonomiques
par les managers. De là, ont
découlé les premières actions.
« Nous nous sommes initialement focalisés sur les accidents
de travail (coupures et chutes),
et nous leur avons donné la
priorité par rapport aux maladies professionnelles, explique
Sergio Ramos. Aujourd’hui,
ces accidents ont nettement
diminué. On continue à s’y
consacrer mais désormais les
maladies professionnelles sont
également prises en compte. »
Les premières actions réalisées
dans le cadre de cette démarche ont été ciblées sur les deux
lignes automatisées. « Il y a
également d’autres problèmes
résultats sont ensuite présentés à la direction générale de
l’usine, à l’encadrement et au
CHSCT. Conclusion : un certain
nombre d’améliorations des
conditions de travail peuvent
être effectuées facilement.
Des actions ciblées
Dans le cadre de cette démarche, une organisation spécifique a été mise en place au
sein de l’entreprise : un comité
de pilotage TMS se réunit tous
les trois mois ; un registre de
Une succession de petites actions
ont vu le jour, parmi lesquelles
la semi-automatisation du port
des plaques supportant les flacons.
© Yves Cousson/INRS
Spécialisée dans la production
et le conditionnement de parfums, la société
Fragrance Production connaît une forte activité
manuelle. Et un nombre important de salariés
atteints de troubles musculosquelettiques.
Dans le cadre d’une action pilotée par le Comité
technique national E, l’entreprise a réalisé
de multiples aménagements contribuant
à améliorer les conditions de travail.
© Yves Cousson/INRS
La société Fragrance Production est
spécialisée dans la production et le
conditionnement de parfums. Des
activités essentiellement manuelles.
ailleurs, tout aussi importants :
mauvaise hauteur des rails,
ajustement de la hauteur des
tapis… », estime encore MarieClaire Philippe. « Au niveau
ergonomique, les points problématiques ont été identifiés,
et des actions d’amélioration
proposées. Le port des plaques
supportant les flacons a par
exemple été semi-automatisé avec l’emploi d’un outil de
manutention, décrit Olivier Le
Gouguec, responsable d’îlot de
production. L’entreprise a aussi
en projet d’acquérir des empileurs de palettes pour soulager
les manutentions manuelles. »
Plus largement, de multiples
aménagements ont vu le jour
au sein de l’usine. On peut
citer notamment : l’acquisition
de transpalettes à haute levée
électrique ; la mise à niveau
des cartons ; la création d’une
salle de détente ; la proposition de séances de sophrologie
d’une demi-heure une fois par
semaine ; la mise sur roulettes de tous les équipements
mobiles (convoyeurs) désormais réglables en hauteur ;
l’acquisition d’une filmeuse
semi-automatique à l’atelier
des échantillons ; la mise sur
ressorts des chargeurs, permettant d’ajuster leur hauteur ; la création de postes
assis-debout ; ou encore la
mise en place d’une machine à
lever les godets de convoyage
ou la suppression de tout ce
qui était au sol, dans le cadre
d’une démarche 5S (1).
Pérenniser
la démarche
« Nous n’avons rien fait de
révolutionnaire, il s’agit d’une
succession de petites actions,
présente Sergio Ramos. Il nous
a été conseillé d’agir par petites avancées. D’où le fait que
les actions réalisées paraissent
minimes pour certains salariés,
qui estiment que l’on n’en fait
pas assez ou que cela ne va pas
Démarche
de prévention
des TMS du CTN E
L
e Comité technique
national E (chimie,
caoutchouc, plasturgie)
s’est mobilisé à partir de
2006 pour lancer une action
spécifique dans les secteurs
d’activité qu’il regroupe.
Les trois organisations
professionnelles concernées
ont été volontaires pour
s’impliquer dans une
action de prévention des
TMS. L’INRS a apporté son
expertise sur le sujet. Les
CRAM ont accompagné les
entreprises en appui des
fédérations. À ce jour, sept
diagnostics ergonomiques
ont été effectués dans le
secteur de la parfumerie,
six en plasturgie (cf.
Travail & Sécurité n° 690,
décembre 2008) et six dans
le secteur du caoutchouc.
assez vite. » Néanmoins, il faut
noter que « toute cette démarche s’est accompagnée d’une
amélioration du climat social
dans l’usine », selon Francis
Navier, contrôleur de sécurité
à la CRAM du Centre.
Ces actions ne constituent
toutefois
qu’un
début.
L’entreprise, qui s’est approprié la démarche de prévention, va poursuivre son effort
en faveur d’une amélioration
des conditions de travail et
d’une meilleure prévention
des TMS. Car, comme le souligne Jean-Pierre Zana, de
l’INRS, « la prévention des TMS
doit se construire pas à pas
sans jamais s’arrêter. Il faut
toujours maintenir les efforts,
être attentif au vieillissement
des salariés et entendre les
premières plaintes ».
1. Méthode de management japonaise
basée sur cinq principes simples :
ordonner, ranger, dépoussiérer, rendre
évident, être rigoureux.
Céline Ravallec
Travail & Sécurité ­­– Juin 2009
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