Transformation des matières plastiques
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Transformation des matières plastiques
fOCUS 42 Travail & Sécurité – Décembre 2008 ergonomie Ergonomie et TMS La solution dans les détails Les activités manuelles sont nombreuses dans l’industrie de la plasturgie. Et par conséquence les troubles musculosquelettiques (TMS) également, qui représentent les trois quarts des maladies professionnelles du secteur. L’usine Inergy Automotive de Compiègne (Oise) se consacre depuis plusieurs années à leur prévention. Elle a été l’une des premières impliquées dans la démarche de la Fédération de la plasturgie sur cette thématique. © Yves Cousson/INRS A près une journée de travail, toute personne doit avoir récupéré ses facultés physiques et mentales le lendemain. » Telle est la volonté de Raymond Basthiste, directeur de l’usine Inergy Automotive de Compiègne impliqué dans les questions de santé au travail. Néanmoins, cette usine de plasturgie, qui compte 250 salariés et produit 600 000 réservoirs à carburant pour voitures (PSA, Renault…) par an, n’échappe pas au fléau des troubles musculosquelettiques. « Les TMS ont des conséquences sur © Patrick Delapierre pour l’INRS Comme toutes les industries aux activités manuelles développées, la plasturgie est confrontée au problème des troubles musculosquelettiques. Ces maux entraînent des coûts considérables pour la branche et atteignent les entreprises au cœur même de leur fonctionnement. À l’initiative du Comité technique national E puis de la Fédération de la plasturgie, des entreprises du secteur se sont lancées dans la lutte contre ce fléau et mènent des actions de prévention basées sur la recherche ergonomique et l’automatisation. Exemples. © Patrick Delapierre pour l’INRS Transformation des matières plastiques les gestes quotidiens, au-delà du métier, ajoute-t-il. Il est donc indispensable de lutter contre ces maux en identifiant en permanence les gestes nocifs qui les génèrent. » La Fédération de la plasturgie n’a pas manqué de se saisir du problème en 2007 (cf. encadré ci-contre), en lançant un vaste programme de sensibilisation auprès de ses adhérents. Raymond Basthiste a été parmi les premiers dirigeants d’usine à répondre présent. Chez Inergy Automotive, l’un des postes les plus problématiques est le décarottage. Lorsque le réservoir de voiture sort du moule, après l’opération de soufflage, l’opérateur découpe manuellement le surplus de matière plastique, la « carotte », à l’aide d’un couteau avant de le jeter sur un tapis roulant avoisinant. Ce geste, répété toutes les 72 secondes, a provoqué plusieurs cas de TMS au niveau des épaules, du coude et du poignet. Une autre usine de l’entreprise, à Nucourt (95), confrontée au même problème, l’a résolu en automatisant le poste. Mais une automatisation simultanée de tous ces postes dans le groupe n’étant pas possible d’un point de vue financier – il faut compter 150 000 € l’unité –, des aménagements ont dû être envisagés. Une démarche fédératrice L e Comité technique national des industries de la chimie, du caoutchouc et de la plasturgie a initié en 2006 une démarche de prévention des troubles musculosquelettiques. Plusieurs entreprises de plasturgie, dont celles figurant dans ce focus, se sont impliquées dans l’action. Entretien avec Béatrice Victor, responsable des affaires sociales à la Fédération de la plasturgie. ■ Travail & Sécurité. Quelle est la situation de la plasturgie en matière de TMS ? Béatrice Victor, responsable des affaires sociales à la Fédération de la plasturgie. En plasturgie, les troubles musculosquelettiques représentent 70 % des maladies professionnelles. Avec 3 800 établissements dans le secteur, employant 150 000 personnes, cela représente des coûts humains et des coûts financiers directs et indirects conséquents. C’est pourquoi le CTN E a souhaité se lancer dans une action de prévention impliquant entreprises et partenaires sociaux. ■ Quel en est le principe ? B. V. L’idée est de former dans les entreprises des personnes aux moyens de prévention des TMS (notions d’ergonomie, de gestion des flux…), afin d’avoir en interne plusieurs référents capables de coordonner les problématiques de santé au travail. Réfléchir aux TMS, c’est penser à une forme d’organisation. Cela passe par une autre approche, impliquant tous les acteurs et plus particulièrement en donnant la parole aux salariés, qui connaissent le mieux les postes de travail. C’est ce vers quoi tend notre action. ■ Depuis quand est-elle entrée en vigueur ? B. V. Pour la plasturgie, l’action a commencé début 2007. Au départ, il n’a pas été facile de trouver des entreprises volontaires. Notamment parce qu’elles ne sont pas forcément conscientes de la problématique TMS. Les deux tiers des entreprises ont moins de 20 salariés : elles ont d’autres préoccupations et donc besoin d’un moteur pour démarrer une telle action. ■ Quel premier bilan peut-on tirer ? B. V. L’action est très positive et commence à porter ses fruits. Les entreprises qui ont participé à cette action doivent désormais continuer à avancer. Et il faut démultiplier durablement l’action, que l’expérience des premières entreprises fasse boule de neige. Cela demande en premier lieu de convaincre les employeurs. Sans eux, rien ne peut se faire. Dans ce cadre, nous collaborons à la rédaction d’un guide des bonnes pratiques avec l’INRS, dont la sortie est prévue en 2009, afin de donner des pistes d’actions aux entreprises et les inciter à entrer dans la démarche. Cela va dans leur intérêt et elles le comprennent de plus en plus. Désormais, la table est réglable en hauteur et un couteau à lame chauffée facilite la découpe du plastique. « Si S’étant approprié depuis plusieurs années la problématique de la santé au travail, Inergy a logiquement adhéré à la démarche de prévention des TMS lancée par la Fédération de la plasturgie. © Patrick Delapierre pour l’INRS Conception en 3D vous preniez ma place, vous ne tiendriez pas longtemps », nous explique en souriant l’opérateur pour montrer les contraintes du poste. Une rotation des opérateurs sur le poste toutes les deux heures a également été mise en place. « Le fait de se relayer régulièrement est une bonne chose », poursuit-il. Cette illustration n’est qu’un exemple parmi d’autres évolutions initiées au sein de l’usine. Diverses adaptations voient fréquemment le jour, pour améliorer les conditions de travail, réduire la répétitivité des tâches, les Travail & Sécurité – Décembre 2008 43 fOCUS Une action continue à pérenniser © Patrick Delapierre pour l’INRS Afin de limiter les ports de charge, l’entreprise a élaboré un système de rails qui permet le transfert des pièces d’un poste de travail à un autre au fur et à mesure de leur traitement. déplacements, diminuer les ports de charge… L’action de la fédération a conforté l’entreprise dans sa démarche. « Il n’y a rien de révolutionnaire dans nos solutions, il faut être attentif aux détails, faire preuve de bon sens », précise encore Raymond Basthiste. En amont, l’entreprise s’appuie largement sur la conception en 3D pour monter ses futures lignes. « Cela permet une meilleure visualisation des opérations d’usinage, des volumes, et c’est un bon outil de communication avec les opérateurs et le CHSCT », explique Frank Bourson, responsable méthodes. Les postes de la nouvelle ligne lancée courant novembre ont ainsi été aménagés de façon que tous les composants nécessaires soient positionnés face à l’opérateur. « Nous avons un principe de base : 44 Travail & Sécurité – Décembre 2008 Trois questions à Monique Burgaud, ingénieur-conseil à la direction des risques professionnels de la CNAMTS. ■ Travail & Sécurité. Comment est née la démarche de tout doit être à portée de main, afin de supprimer certains gestes et déplacements. Or, c’est compliqué de faciliter l’accès à tous les composants sans dégrader le fonctionnement et l’ergonomie du poste, souligne-t-il. En revanche, cela permet également d’adapter les accès pour les opérations de maintenance. » Cette question des accès aux machines pour la maintenance a été prise en compte sur la nouvelle ligne. « L’espace a été organisé pour que les techniciens de maintenance aient la place d’intervenir dans de bonnes conditions et avec des postures adaptées. » « Lorsque l’on évoque la prévention des TMS, la première réaction des différents acteurs est : “Ça coûte cher.” C’est faux. Une démarche TMS bien menée fait au contraire gagner en productivité. Car cela se répercute sur le taux d’accidents du travail, l’absentéisme, l’ambiance au travail… On gagne à tous les niveaux », résume Raymond Basthiste. Pour être payante, une telle culture doit se transmettre depuis la direction jusqu’au terrain, via différents relais, pour que le message se transmette bien. D’où la nécessité d’avoir un encadrement motivé et moteur dans une telle démarche. « Il faut créer une émulation chez les salariés, transformer cela en jeu pour trouver des solutions ingénieuses et inventives », conclut le dirigeant. Céline Ravallec prévention des troubles musculosquelettiques dans le CTN E ? Monique Burgaud. C’est dans le cadre des actions prioritaires du Comité technique national des industries de la chimie, du caoutchouc et de la plasturgie (CTN E) que le thème « Impulser la prévention des TMS dans les entreprises du CTN E » a été retenu dès 2002 par l’ensemble des partenaires sociaux. Compte tenu de la grande diversité des activités des entreprises relevant de ce CTN, les partenaires sociaux ont défini trois secteurs cibles plus particulièrement impactés : parfumerie, plasturgie et caoutchouc. Une démarche globale a été définie pour cette action qui a réellement démarré fin 2005. Nous avons rapidement observé une adhésion forte des trois fédérations concernées. Les premières entreprises qui ont entrepris des « actions terrain » sont celles du caoutchouc en février 2006, puis de la parfumerie dans les mois suivants et de la plasturgie début 2007. ■ Concrètement, comment cela se déroule-t-il ? M. B. Nous nous déplaçons dans les entreprises. Sont présents des représentants de la Fédération concernée, de l’INRS, de la CRAM locale et, éventuellement, de la CNAMTS/DRP. Cela débute par une analyse des postes, avec des prises de vues des salariés en action réalisées par Jean-Pierre Zana de l’INRS. Une restitution a ensuite lieu dans les entreprises pour formaliser un état des lieux et sensibiliser tous les niveaux de l’entreprise : salariés, dirigeants, partenaires sociaux. Grâce à ce matériel concret, c’est généralement l’occasion d’une réelle prise de conscience des conditions de travail au sein de la société. Des restitutions sont également prévues au sein de la commission TMS du CTN E, avec un point d’avancement régulier. ■ Comment se positionnent les partenaires institutionnels ? M. B. C’est une action continue, à pérenniser. Notre rôle est de faire le nécessaire pour que les entreprises s’approprient ces questions de santé au travail, en leur apportant un mode d’emploi. Cela nécessite en premier lieu d’impliquer le chef d’entreprise, pour qu’il porte l’action durablement. C’est d’ailleurs bien le cas des entreprises « volontaires » avec lesquelles nous avons travaillé jusqu’à présent. Puis il faut que soient formés des relais dans l’entreprise, qui puissent constituer une équipe pluridisciplinaire. Une fois l’action lancée, nous restons en accompagnement des entreprises, mais c’est à elles de choisir les actions, les méthodes. Cela doit être une démarche participative et itérative. C’est long et il faut être tenace, mais les résultats commencent à apparaître. La prochaine étape est un déploiement de cette action auprès de l’ensemble des adhérents des fédérations concernées, avec témoignages d’expériences et incitation du plus grand nombre d’entreprises à agir pour la prévention des TMS. Un management participatif © Patrick Delapierre pour l’INRS Analyse et diagnostic Confrontée à des cas de troubles musculosquelettiques reconnus comme maladies professionnelles, la direction de Key Plastics dans l’Orne a initié une démarche de prévention. L’action de la Fédération de la plasturgie sur les TMS a permis de sensibiliser l’entreprise à ces questions. La formation de plusieurs salariés à l’approche ergonomique a parallèlement complété la démarche mise en œuvre avec le concours de la CRAM de Normandie. Q uatre reconnaissances de maladies professionnelles en 2005, quatre en 2006, deux en 2007… L’apparition de ces cas de TMS dans l’usine de Bellême (Orne) de Key Plastics a subitement généré une prise de conscience de la direction du site. L’usine, qui produit des pièces destinées à l’industrie automobile, n’avait jusqu’alors pas été confrontée à cette problématique. « Nous nous sommes posé des questions sur les maladies professionnelles, mais étions démunis sur les réponses à apporter et les façons d’agir et nous ne savions pas vers qui nous tourner pour formaliser une démarche », explique Pascal Le Petit, directeur du site. À cette même période, est arrivée la proposition de la Fédération de la plasturgie de participer à son action de prévention des TMS. L’occasion d’un prédiagnostic sur les conditions de travail, reposant sur des séquences vidéo et des photos, réalisé dans l’usine par l’INRS. La restitution des résultats à tout le personnel, fin 2007, a permis une prise de conscience générale et ouvert les yeux à tous les acteurs de l’entreprise sur les situations de travail. Parallèlement, trois salariés de l’entreprise ont suivi une formation à l’approche ergonomique des situations de travail (AEST) proposée par la CRAM de Normandie. « L’objectif était de former des “relais” de la démarche ergonomique, proches du terrain et aptes à agir en interne », décrit Philippe Penel, contrôleur de sécurité ergonome à la CRAM. Les salariés ont alors été consultés dans le cadre de réunions pour exposer les problèmes qu’ils rencontraient à leur poste de travail et les défauts à pallier. « Ces consultations ont suscité, depuis, une réelle attente du personnel dans les ateliers. Avec le risque de générer de possibles frustrations si l’on n’agit pas suffisamment vite », souligne Mickaël Tessier, technicien méthodes et copilote de la démarche AEST. S’appuyant sur l’analyse du travail réel, cette dernière a abouti à des diagnostics qui ont permis, sur la base de propositions travaillées avec les opérateurs, la mise en œuvre de solutions. Approche ergonomique L’entreprise a orienté dans un premier temps ses efforts sur Travail & Sécurité – Décembre 2008 45 fOCUS La ligne de flocage a été la première à faire l’objet d’aménagements dans l’entreprise pour améliorer les conditions de travail des salariés. Key Plastics en chiffres K ey Plastics possède 14 usines en Europe, dont trois en France. Le site de Bellême est constitué de deux entités : une usine et les services centraux. Au total, 280 personnes y travaillent, dont 170 à la production. Dans ces locaux, sont élaborées 800 références de produits : équipements de planche de bord (aérateurs, façades, porte gobelets, grilles de hauts parleurs…), équipements de portes (poignées…) et équipements électriques (support de bac de batterie, support calculateur…). Ses clients sont des constructeurs automobiles (Renault, PSA, Volvo…) et des équipementiers automobiles (Visteon, Faurecia…). 46 Travail & Sécurité – Décembre 2008 © Patrick Delapierre pour l’INRS la ligne de flocage, qui compte cinq postes et concerne une dizaine d’employés. Cette ligne consiste à apposer du floc (poussière de polyamide) à l’intérieur des futurs videpoches de Laguna. L’opération se déroule en cinq étapes, correspondant à autant de postes de travail : dépose primaire, encollage, flocage proprement dit, dépoussiérage et contrôle. « Le poste de colle a été le premier désigné par les opérateurs comme nécessitant des aménagements », indique Jean-Luc Rivet, responsable de l’atelier assemblage et pilote de la démarche AEST au sein de l’entreprise. La rotation du support sur lequel est posée la pièce le temps de l’opération, initialement manuelle, a été automatisée et son niveau abaissé. Le poste de flocage a été repensé, les EPI améliorés. « Avant, nos masques protégeaient uniquement le nez et la bouche. Avec les nouveaux casques, les yeux et les oreilles sont également bien à l’abri des projections de floc, explique Valérie, opératrice à ce poste. Et on change de poste toutes les heures. Bouger et être polyvalent soulage des efforts physiques. » Le poste de dépoussiérage, qui consiste à retirer le surplus de floc déposé sur les pièces, a été totalement automatisé. L’exposition au floc et les contraintes manuelles liées à l’opération ont été ainsi supprimées. Enfin, pour le poste de contrôle, un deuxième système d’éclairage a été installé, offrant un meilleur confort et n’obligeant plus l’opérateur à se contorsionner pour vérifier l’intérieur de la pièce, relativement profonde. « Avec ces aménagements, on a gagné à la fois en confort et en productivité », remarque Pascal Hersent, secrétaire du CHSCT. Manager autrement Des améliorations ont également vu le jour sur les autres lignes. À l’unité verrouillage sur la ligne d’assemblage, une opération de lubrification des pièces, auparavant manuelle, a par exemple été automa tisée. « Ainsi, nous ne sommes plus incommodées par l’odeur du produit et nous ne ressentons plus d’irritation aux yeux », précise Naïma, opératrice. Là également, l’aménagement a permis un gain de cinq secondes par cycle. « D’un prix de 753 euros, ce système a été amorti en trois mois », précise Jean-Luc Rivet. « L’entreprise a bien compris et s’est bien approprié la démarche », constate Stéphane Huet, contrôleur de sécurité de la CRAM de Normandie. Comme le résume Pascal Le Petit, « l’AEST est une démarche qui a impliqué tout le monde. Elle a changé la façon de manager et permis un meilleur dialogue entre les différents niveaux ». D’autre part, « elle offre plus de contacts avec le personnel. Mais cela demande du temps et l’on manque parfois de disponibilité », reconnaît JeanLuc Rivet. Afin de pérenniser l’action au sein de l’entreprise, deux nouvelles personnes ont débuté en septembre dernier la formation AEST. Dans un contexte actuel peu favorable dans le secteur automobile, l’entreprise affiche ainsi sa volonté de combattre dans la durée les troubles musculosquelettiques. Céline Ravallec