Nouveaux visage de la migration portugaise d`aujourd`hui
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Nouveaux visage de la migration portugaise d`aujourd`hui
LE NOUVEAU VISAGE DU MIGRANT D’AUJOURD’HUI Les migrants portugais des années 60 et 70 venaient majoritairement de petits villages de l’intérieur du Portugal. Les familles étaient nombreuses ; ils travaillaient la terre, avaient peu étudié et étaient peu cultivés. La dictature forçait les jeunes hommes à aller défendre les colonies portugaises en Afrique, au péril de leurs jeunes vies, pendant de très longs mois. Réunissant le peu d’argent donc ils disposaient, abandonnant une partie de leur famille, leur pays, ils se cachaient pour partir, traversant les frontières grâce à des passeurs peu scrupuleux qui les dépossédaient de presque tout ce qu’ils possédaient. Pour ne pas mourir dans la pauvreté et garantir le futur des leurs, ils partaient à la recherche d’une autre terre. Leur unique objectif était d’arriver à cette autre terre et de travailler... Pendant très longtemps, ils ont vécu dans des lieux extrêmement pauvres, souvent dans des taudis, économisant le plus possible, rêvant d’une maison dans leur pays natal où, un jour, ils pourraient retourner vivre. Ils partaient pauvres et arrivaient tout aussi pauvres s’adaptant à des emplois inconnus au Portugal, mais leur courage et leur profond désir de sortir de leurs conditions de vie précaires en ont fait une main d’œuvre appréciée, surtout dans le secteur du bâtiment. Aujourd’hui, cette génération d’émigrés qui, au Portugal, n’avait connu que la misère, se retrouve dans des conditions bien meilleures grâce aux économies réalisées, à une bonne organisation, aux nombreux sacrifices consentis et aux nombreux renoncements. Lors de leur arrivée, les migrants d’hier avaient aussi le souci de continuer à vivre leur foi. Pour cela, ils se sont réunis, formant des communautés autour de prêtres venus du Portugal ou du Brésil et qui les ont accompagnées. L’Eglise locale, par l’intermédiaire de ceux-ci, s’est sensibilisée à cette réalité. Dans d’autres cas, ce sont les migrants eux-mêmes qui ont cherché quelqu’un pour les accompagner. Nombre de communautés, fruits de cette foi enracinée, continuent de vivre aujourd’hui, d’une manière différente et bien souvent grâce aux migrants de la première génération. Sans compter tous ceux qui, avec simplicité, se mettent au service des paroisses locales. Les nombreuses associations fondées par eux étaient des lieux de rencontre, de lutte contre la nostalgie, de maintien des liens, de partage de vie avec ses joies et ses difficultés mais aussi de maintien des traditions. Aujourd’hui, nous entendons beaucoup de lamentations. “Je suis responsable de cette communauté depuis 30 ans. Même si, actuellement, nous n’avons pas de prêtre qui nous accompagne, nous nous réunissons une fois par mois. Cependant, je constate avec tristesse, le nombre de participants diminué tout comme l’énergie des responsables. La deuxième génération ne veut pas prendre le relais et les nouveaux émigrés qui arrivent n’ont pas comme priorité la communauté, la foi et la pratique religieuse.” Dans les années 90, le Portugal, aidé par l’Europe, a reçu beaucoup d’argent qui a facilité la réalisation de nombreux projets et poussé les portugais à investir, à dépenser sans que les banques n’exercent aucun contrôle, voir fassent de fausses promesses au peuple. La majorité a même arrêté de cultiver son petit potager. Ce développement économique était connu et le Portugal a accueilli, durant cette période, de nombreux migrants originaires d’Afrique, du Brésil et de l’Europe de l’Est. Les portugais, qui habitaient en villes et dépendaient totalement de leur seul salaire, se sont retrouvés sans aucune ressource en perdant leur emploi. Ce sont majoritairement eux les migrants portugais d’aujourd’hui. Ils avaient un emploi qui leur permettait d’avoir une vie confortable, souvent propriétaires de leur maison et d’une belle voiture (provocant même parfois une certaine jalousie parmi les migrants en vacances). Ce sont des hommes, des femmes, des jeunes ayant une formation, cultivés et Courrier PM n°133 novembre 2012 qui ont connu une bonne situation économique. Pour eux, le grand défi n’est pas de sortir du Portugal, puisque aujourd’hui il est très facile de circuler entre les pays, mais bien de devoir recommencer une nouvelle vie en partant de rien. Aujourd’hui, le migrant qui quitte le Portugal part avec sa famille et les dettes qu’il y laisse. Le premier argent gagné est envoyé aux banques pour rembourser celles-ci. Si les migrants d’hier étaient vus comme ceux qui sacrifiaient tout pour remplir leur bas de laine, ceux qui, aujourd’hui, se lancent dans l’aventure ont une relation différente à l’argent. Habitués à ne pas se priver, ils semblent avoir un mode de vie plus décontracté. Dans certains cas, le migrant d’aujourd’hui, arrivant ici et ne trouvant pas de logement “distribue” sa famille dans des différentes maisons et familles. Pour ce qui est de la foi, les migrants portugais d’aujourd’hui sont à l’image de la majorité des baptisés portugais qui, ces dernières années, se sont éloignés de l’Eglise, de la pratique de la religion. En arrivant, ils ne ressentent pas la même nécessité que les premiers migrants, n’éprouvent pas le besoin de se retrouver au sein de la communauté, de vivre la foi, ne deviennent pas membre des associations. Les moyens de communication actuels leur permettent de rester constamment en lien avec le Portugal. Les nouveaux migrants font appel à la solidarité des membres de leur famille migrants d’hier. La priorité est de trouver un travail bien rémunéré pour régler les dettes contractées auprès des banques portugaises. Il leur faut aussi trouver un logement car ils ne peuvent rester trop longtemps chez la famille qui les héberge. Mais les migrants d’aujourd’hui, tout comme ceux d’hier, n’échappent malheureusement pas aux conséquences inhérentes à l’immigration. La recherche désespérée d’un emploi pour se sortir de la difficile situation dans laquelle ils se trouvent en fait des proies faciles pour les personnes peu scrupuleuses qui les exploitent. Le plus dramatique étant que les exploiteurs sont ceux qui vivent ou ont vécu la même situation : d’interminables journées de travail, des salaires très bas et payés en retard, des logements précaires ... Ils ont besoin d’aide, de gestes de solidarité, même si parfois ils demandent avec une certaine peur, voir honte, du fait de l’actuelle situation économique. Ils sont conscients d’avoir été mal gouvernés, mais reconnaissent aussi avoir commis certaines erreurs. Tout cela peut entrainer la dissimulation de situations très précaires. Si pour les premiers migrants, le Portugal est resté un pays où ils rêvaient de rentrer un jour, pour ceux d’aujourd’hui, la première réaction est plutôt de lui tourner le dos et de l’oublier. Cette réalité, au delà de tous les a-prioris et des attitudes moins solidaires voir de rivalité qui peuvent nous choquer, nous invite à rester attentifs pour que ceux qui arrivent aujourd’hui à la recherche d’une nouvelle vie ne perdent pas espoir et trouvent toute l’aide et l’accueil nécessaires à leur épanouissement. Afin que restent présentes dans nos vie les paroles de Jésus : “Tout ce que tu as fait à l’un de mes frères, c’est à moi que tu l’as fait” Père Geraldo Finatto Courrier PM n°133 novembre 2012