Évaluation du potenciel de développement de la diaspora de

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Évaluation du potenciel de développement de la diaspora de
Évaluation du potenciel
de développement
de la diaspora de Guinée-Bissau
au Portugal et en France
Organisation internationale pour les migrations
Mission à Lisbonne
ational Organization for Migration (IOM)
tion internationale pour les migrations (OIM)
ción Internacional para las Migraciones (OIM)
International Organization for Migration (IOM)
Organisation internationale pour les migrations (OIM)
Organización Internacional para las Migraciones (OIM)
Évaluation du potenciel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
Rua José Estevão, 137, 8º
1150-201 LISBOA
www.iom.int
Carlos Sangreman (coord.)
João Estêvão
Alexandre Abreu
Maria João Carreiro
Fernando Sousa Jr.
International Organization for Migration (IOM)
Organisation internationale pour les migrations (OIM)
Organización Internacional para las Migraciones (OIM)
Évaluation du potentiel de développement
de la diaspora de Guinée-Bissau
au Portugal et en France
Carlos Sangreman, João Estêvão, Alexandre Abreu,
Maria João Carreiro, Fernando Sousa Jr.
International Organization for Migration (IOM)
Organisation internationale pour les migrations (OIM)
Organización Internacional para las Migraciones (OIM)
Les auteurs sont des chercheurs du Centre d'études sur l'Afrique et du développement (CesA) de l'ISEG, Université
technique de Lisbonne. Les points de vue exprimés dans cette étude sont de la responsabilité exclusive des auteurs.
Cette publication est basée sur le rapport Assessment of the Development Potential of the Guinea-Bissau Diaspora in
Portugal and France (Final Report to 1035 Facility). Les auteurs remercient toutes les personnes qui ont
généreusement mis à disposition leur temps et leurs connaissances dans le contexte des entretiens réalisés dans le
cadre de ce projet. Nous adressons également des remerciements tout particuliers à Michel Tabet (anthropologue et
assistant de recherche dans le contexte du travail de terrain réalisé en France), Canha Nan Bunde, João Ribeiro Có,
Maria Pascoalina da Costa, Maria Teixeira, Moïse Gomis et Solène Guerinot. Pour finir, nous remercions
l'Ambassade de Guinée-Bissau en France pour son soutien et, plus chaleureusement, la FASCAE et ses dirigeants
pour le soutien essentiel qu'ils ont fourni à la réalisation du travail de terrain en France.
Index
Liste des tableaux et des graphiques
3
Abréviations et acronymes
4
Sommaire exécutif
5
1. Introduction
6
2. Développement, dynamiques migratoires et diaspora guinéenne
9
2.1. Une vision globale du processus de développement économique
9
2.2. Contraintes du processus de développement
14
2.3. Les migrations guinéennes : un panorama historique
19
2.4. La diaspora guinéenne dans l'actualité : un portrait statistique
23
3. Les communautés guinéennes au Portugal et en France
27
3.1. Aspects généraux
27
3.2. Pratiques et dynamiques transnationales
31
3.3. Caractéristiques du tissu associatif
35
3.4. La diaspora guinéenne hautement qualifiée
41
3.5. Synthèse de conclusion
45
4. Migrations internationales et développement humain dans le contexte
48
4.1. La dynamique migratoire dans les régions continentales et ses effets
48
4.2. Comparaison régionale des grandes tendances migratoires et de leurs
55
4.3. L’aide des migrants à leurs familles et communautés d'origine et son
63
4.4. Synthèse de conclusion
68
de la Guinée-Bissau : une analyse comparative de 45 tabancas
sur le développement des tabancas d'origine
effets sur les communautés d'origine
impact sur le développement de la Guinée-Bissau
5. Conclusions et recommandations
71
5.1. Conclusions générales
71
5.2. Recommandations et suggestions pour une politique nationale de la diaspora
74
5.2.1. Recommandations de nature politique et structurelle
74
5.2.2. Recommandations au niveau des projets et des programmes
79
Références bibliographiques
2
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
83
Liste des graphiques et des tableaux
Graphiques
Graphique 2.1 : Évolution du produit intérieur brut, 1975-2010
9
Graphique 2.2 : Évolution comparative du PIB et de la population, 1975-2010
10
Graphique 2.3 : Évolution comparative du RNB per capita, ppc, 1975-2010
11
Graphique 2.4 : Flux de financement international, 1975-2002
15
Graphique 2.5 : Principaux pôles de concentration de la population migrante
d'origine guinéenne
23
Graphique 3.1 : Montant moyen annuel des envois de fonds effectués par les
personnes interrogées
32
Graphique 5.1 : Architecture institutionnelle pour l'exécution de programmes et de
projets
80
Tableaux
Tableau 2.1 : Indicateurs de qualité de vie de la population, 1980-2010.
12
Tableau 3.1 : Coefficients du modèle explicatif de l'envoi de fonds par les personnes
interrogées de la communauté guinéenne en France
33
Tableau 3.2 : Caractérisation du tissu associatif guinéen au Portugal et en France
36
Tableau 4.1 : Migrants et initiatives promues par des migrants, par groupe ethnique
56
Tableau 4.2 : Pays africains de destination des migrants guinéens, par région
57
Tableau 4.3 : Pays européens de destination des migrants guinéens, par région
58
Tableau 4.4 : Poids des envois de fonds sur le bien-être des populations et
pourcentage des ménages ruraux qui reçoivent des envois de fonds
59
Tableau 4.5 : Projets de développement communautaire avec contribution des
migrants, par région
60
Tableau 4.6 : Activités génératrices de revenus promues par les migrants, par région
60
Tableau 4.7 : Perception des populations sur la contribution relative de différents
acteurs au développement des tabancas
61
Tableau 4.8 : Indicateurs moyens de services de base, par région
62
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
3
Abréviations et acronymes
ABP
ACIDI
ACIME
ACP
AEDES
Aguinenso
APD
AT
ATN
BM
CAGF
Camões IP
CEDEAO
CEE
CEsA
CIFAGP
CCDIGB
CPLP
DENARP
UE
FAGP
FASCAE
FEC
FLING
GRDR
IDE
IDH
ILAP
INE
INEC
INEP
INSEE
IPAD
ISEG
MICS
MIDA
OCDE
ODIGBO
OIM
ONG
ONGD
PAIGC
PIB
PGAD
PNUD
PFR
PRODIGB
RESEN
RGPH
RNB
SCMR
SEF
SISA
SNV
TESE
UAME
UE
UEMOA
ONU
UNDP
USB
4
Union des associations baboques au Portugal - Association
Haut-commissariat pour l'immigration et le dialogue interculturel
Haut-commissariat pour l'immigration et les minorités ethniques
Afrique, Caraïbes et Pacifique
Agence européenne pour le développement et la santé
Association guinéenne de solidarité sociale
Aide publique au développement
Assistance technique directe
Association de terre natale
Banque mondiale
Confédération des associations bissau-guinéennes de France
Camões - Institut de la coopération et de la langue
Communauté économique des états d'Afrique Occidentale
Communauté économique européenne
Centre d'études sur l'Afrique et le développement
Commission installatrice de la Fédération des associations guinéennes au Portugal
Conseil consultatif de la diaspora de la Guinée-Bissau
Communauté des pays de langue portugaise
Document de stratégie nationale de réduction de la pauvreté
Union européenne
Fédération des associations guinéennes au Portugal
Fédération des associations du secteur de Calequisse
Fondation évangélisation et cultures
Front de libération et d'indépendance nationale de la Guinée-Bissau
Groupe de recherche et de réalisation pour le développement rural
Investissement direct étranger
Indice de développement humain
Sondage léger d'évaluation de la pauvreté
Institut national de statistiques (Portugal)
Institut national de statistiques et recensement
Institut national d'études et de recherche
Institut national de la statistique et des études économiques (France)
Institut portugais de soutien au développement
Institut supérieur d'économie et de gestion
Multiple Indicator Cluster Survey
Migration for Development in Africa
Organisation pour la coopération et le développement économique
Observatoire de la diaspora de la Guinée-Bissau
Organisation internationale pour les migrations
Organisation non gouvernementale
Organisation non gouvernementale de développement
Parti africain de l'indépendance de la Guinée et du Cap-Vert
Produit intérieur brut
Politique gouvernementale de soutien à la diaspora
Programme des Nations-Unies pour le développement
Pays à faible revenu
Programme de relation avec la diaspora
Rapport de l'état du système éducatif national
Recensement général de la population et du logement
Revenu national brut
Sussex Centre for Migration Research
Service des étrangers et frontières
Système d'information pour la sécurité alimentaire
Stichting Nederlandse Vrijwilligers
Association pour le développement par la technologie, l'ingénierie, la santé et l'éducation
Union des associations Mandiakos en Europe
Union Européenne
Union économique et monétaire de l'Ouest africain
Nations-Unies
United Nations Development Programme
Unité de santé de base
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
Sommaire exécutif
Le projet Assessment of the Development Potential of the Guinea-Bissau Diaspora in Portugal
and in France a pour principal objectif de fournir des informations contextualisées à l'État de la
Guinée-Bissau sur la diaspora guinéenne au Portugal et en France et sur son potentiel pour
contribuer au développement de la Guinée-Bissau. Nous souhaitons ainsi contribuer à renforcer
la liaison entre l'État et la diaspora guinéenne et faciliter le développement de stratégies qui
favorisent les plus-values de la diaspora pour le développement durable de la Guinée-Bissau.
Au Portugal et en France, nous avons cherché à recueillir des informations sur les
communautés d'origine guinéenne résidant dans ces pays, sur le tissu associatif respectif et sur
les dynamiques et les pratiques transnationales qui relient la diaspora entre elle et avec la
Guinée-Bissau. À travers la combinaison de différentes stratégies de recueil de données, nous
avons souhaité obtenir un portait actuel et digne de foi des principales caractéristiques des
communautés présentes dans ces deux pays, de leurs activités associatives; du caractère et de
l'intensité de leurs pratiques transnationales et de leurs perceptions et points de vue concernant
le processus de développement de la Guinée-Bissau et le rôle actuel et potentiel de la diaspora
lors de ce processus. Les résultats obtenus confirment que la diaspora guinéenne au Portugal et
en France contribuent de manière régulière et significative au développement et au bien-être de
ses communautés d'origine et de la Guinée-Bissau en général. L'envoi régulier d'un volume
substantiel de fonds ; les multiples initiatives menées par les associations tant dans le pays
d'origine (où elles remplacent très souvent l'action de l'État) que dans les pays d'accueil (sur le
plan de l'assistance sociale mutuelle au sein de la propre communauté ou en tant
qu'ambassadeurs culturels); ou le retour au pays d'origine d'une proportion raisonnable des
cadres hautement qualifiés formés à l'étranger (en particulier au Portugal) n’est qu'une des trois
modalités les plus visibles de contribution d'une diaspora qui maintient un lien identitaire et
affectif notable par rapport à son pays d'origine.
En Guinée-Bissau, nous avons recueilli des informations sur les impacts de la migration sur les
niveaux de développement de 45 localités des 7 régions continentales du pays. Les résultats obtenus
dans le pays confirment, indubitablement, l'importance du lien entre la diaspora guinéenne et ses
localités d'origine. La forme que ce lien assume est hétérogène, selon le degré d'ancienneté du
processus migratoire, la situation des migrants dans le pays d'accueil, l'appartenance ethnique et le
degré d'organisation des propres migrants. Différents types d'initiatives promues par les migrants ont
été identifiés (construction d'écoles et don de matériel scolaire, construction de dispensaires, routes
et pompes à eau), ainsi que des investissements productifs dans l'agriculture, d'autres activités
génératrices de revenus et un soutien ponctuel en cas d'urgence médicale. Les envois de fonds ont
régulièrement été considérés comme fondamentaux pour la satisfaction des besoins de base. Nous
avons conclu que la migration guinéenne affecte substantiellement le bien-être des populations non
migrantes et qu'elle contribue au développement global du pays, étant d'ailleurs fondamentale pour
des aspects-clés comme la santé, l'éducation et la sécurité alimentaire.
Les informations obtenues ont servi de support à l'élaboration d'un ensemble de
recommandations qui visent à opérationnaliser des stratégies de renforcement de la liaison entre
l'État guinéen et sa diaspora au Portugal et en France et qui permettent de tirer au maximum
parti des liens économiques, sociaux, culturels et humains qui existent entre la diaspora et son
pays d'origine, en faveur du développement de la Guinée-Bissau. Les recommandations incluent
des dimensions structurantes importantes comme le besoin de l'État guinéen d'approfondir ses
connaissances par rapport à la diaspora, de définir une stratégie d'action, d'édifier et de soutenir
une politique de confiance mutuelle, de renforcer la capacité institutionnelle nationale et de
développer les liens entre la Guinée-Bissau et sa diaspora (notamment en ce qui concerne les
envois de fonds, l'investissement direct de la diaspora, le développement des capacités
institutionnelles, la philanthropie et le soutien au retour définitif). Pour finir, cette étude suggère
également au gouvernement guinéen une architecture organisationnelle pour la conception et
l'exécution de programmes et de projets avec la diaspora.
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
5
1.
Introduction
1. Introduction
La
La mobilité
mobilité et
et la
la migration
migration sont
sont un
un trait
trait distinctif
distinctif de
de la
la grande
grande majorité
majorité des
des groupes
groupes
ethnolinguistiques
ethnolinguistiques qui
qui constituent
constituent la
la population
population de
de la
la Guinée-Bissau.
Guinée-Bissau. Les
Les multiples
multiples mouvements
mouvements
de
de peuples
peuples dans
dans l'espace
l'espace régional
régional environnant
environnant ont
ont mené
mené àà des
des recompositions
recompositions populationnelles
populationnelles
successives
successives dans
dans ce
ce qui
qui est
est aujourd'hui
aujourd'hui la
la Guinée-Bissau,
Guinée-Bissau, lui
lui conférant
conférant cette
cette caractéristique
caractéristique très
très
particulière
particulière qui
qui est
est de
de constituer
constituer une
une véritable
véritable mosaïque
mosaïque ethnoculturelle
ethnoculturelle et
et linguistique.
linguistique. L'arrivée
L'arrivée
des
des Portugais
Portugais et
et des
des Européens
Européens et
et le
le parcours
parcours colonial
colonial subséquent
subséquent ont
ont généré
généré des
des mouvements
mouvements
de
population de
de grande
grande ampleur,
ampleur, enen conséquence
conséquencedes
des« «campagnes
de pacification
pacification»» et
de population
campagnes de
et
d'occupation
d'occupation effective
effective du
du territoire,
territoire, des
des mesures
mesures d'exploitation
d'exploitation et
et de
de répression
répression coloniales,
coloniales,
jusqu'aux
jusqu'aux effets
effets de
de la
la guerre
guerre de
de libération.
libération. Après
Après l'indépendance,
l'indépendance, la
la mobilité
mobilité de
de la
la population
population aa
gagné
gagné de
de nouvelles
nouvelles dynamiques,
dynamiques, avec
avec l'affirmation
l'affirmation croissante
croissante des
des migrations
migrations intercontinentales.
intercontinentales.
Les
développement de
de la
la Guinée-Bissau
Guinée-Bissau se
se sont
sont
Les différentes
différentes contraintes
contraintes qui
qui ont
ont empêché
empêché le
le développement
traduites
traduites depuis
depuis lors
lors par
par des
des vagues
vagues d'immigration
d'immigration successives,
successives, avec
avec l'augmentation
l'augmentation rapide
rapide du
du
nombre
nombre de
de migrants,
migrants, mais
mais également
également de
de leurs
leurs motivations,
motivations, de
de leur
leur origine
origine régionale
régionale ainsi
ainsi que
que
des
des destinations
destinations d'immigration.
d'immigration.
L'incapacité
développement et
du bien-être
la
L'incapacité de
de l'État
l'État de
de correspondre
correspondre aux
aux attentes
attentes de
de développement
et du
bien-être de
de la
population
au
cours
de
ces
presque
40
ans
d'indépendance,
ainsi
que
l'instabilité
politique
population au cours de ces presque 40 ans d'indépendance, ainsi que l'instabilité politique
permanente
et l'insécurité
et entrepreneuriale
entrepreneuriale qui
qui en
en résultent
permanente et
l'insécurité personnelle,
personnelle, professionnelle
professionnelle et
résultent ont
ont
conduit
conduit les
les émigrants
émigrants àà s'organiser
s'organiser en
en associations,
associations, avec
avec différents
différents degrés
degrés de
de formalisation
formalisation et
et
formes
dans le
le pays,
formes d'intervention
d'intervention dans
pays, mais
mais également
également avec
avec une
une attitude
attitude de
de critique
critique permanente
permanente au
au
pouvoir
enexercice,
exercice,et cela,
et cela,
indépendamment
de l'appartenance
politique.
Cette constitue
attitude
pouvoir en
indépendamment
de l'appartenance
politique.
Cette attitude
constitue
un
trait
commun
qui
donne
à
la
diaspora
guinéenne
des
caractéristiques
un trait commun qui donne à la diaspora guinéenne des caractéristiques très particulièrestrès
de
particulières
de méfiance
profonde
par rapport
aux initiatives gouvernementales.
Ce difficultés
sentiment
méfiance profonde
par rapport
aux initiatives
gouvernementales.
Ce sentiment crée des
crée
desrelations
difficultés
les relations
entre la
diaspora
et des
le conséquences
pouvoir politique,
avecsurdes
dans les
entredans
la diaspora
et le pouvoir
politique,
avec
évidentes
la
conséquences
évidentes
sur
la
capacité
de
formulation
et
d'exécution
de
politiques
destinées
capacité de formulation et d'exécution de politiques destinées à l'émigration. Les actions militairesà
l'émigration.
Les successifs
actions militaires
coups d'État
successifs quices
ontdernières
atteint la décennies
Guinée-Bissau
ces
et coups d'État
qui ontetatteint
la Guinée-Bissau
ont non
dernières
décennies
ont
non
seulement
approfondi
l'instabilité
politique
et
institutionnelle,
mais
seulement approfondi l'instabilité politique et institutionnelle, mais ont également retiré le crédit et
ont
égalementdans
retiré
le créditpolitique,
et la confiance
dans ainsi
le pouvoir
empêchant
ainsi
que se
le
la confiance
le pouvoir
empêchant
que le politique,
potentiel de
la diaspora
puisse
potentiel
la par
diaspora
puisse
se traduire
de fait
par une plus
grande et meilleure
contribution
traduire dedefait
une plus
grande
et meilleure
contribution
au développement
du pays.
au développement du pays.
L'avènement de nouvelles technologies de communication et la banalisation des transports
L'avènement
de nouvelles
technologies
de communication
la banalisation
des transports
aériens
ont cependant
permis aux
migrants d'augmenter
le lien etavec
leur pays d'origine,
d'une
aériens
aux migrants
d'augmenter
le lien Ces
avecdynamiques
leur pays d'origine,
d'une
manièreont
pluscependant
régulière,permis
multiforme
et, en grande
partie, inédite.
qui peuvent
se
manière
plusde
régulière,
et, traduire
en grande
inédite. sociaux,
Ces dynamiques
peuvent se
matérialiser
formes multiforme
diverses et se
parpartie,
des impacts
culturels,quipolitiques
et
matérialiser
formes
diverses
et se traduire par
des impacts
sociaux,
culturels,
politiques
et
économiquesdesont
appelées
transnationalisme
migrant
et il est
reconnu
aujourd'hui
qu'elles
économiques
sont appelées
migrant
il estd'origine
reconnuetaujourd'hui
qu'elles
possèdent un grand
potentieltransnationalisme
pour le développement
desetpays
d'accueil ainsi
que
possèdent
un grand potentiel
pourexternes
le développement
desimpliqués.
pays d'origine et d'accueil ainsi que
pour le renforcement
des relations
entre les pays
pour le renforcement des relations externes entre les pays impliqués.
Des recherches récentes accordent une attention particulière au phénomène. La recherche
Des recherches
récentes
une attention
particulière
au phénomène.
La recherche
développée
dans le cadre
du accordent
projet Architectes
d'un espace
transnational
lusophone,
réalisé au
développée
dans sur
le cadre
du projet
d'un (CEsA/ISEG)
espace transnational
lusophone,
réalisé au
Centre d'études
l'Afrique
et du Architectes
développement
et financé
par la Fondation
Centre
d'études sura, l'Afrique
et du permis
développement
(CEsA/ISEG)
et de
financé
par la
Fondation
Portugal-Afrique,
en particulier,
de conclure
qu'en raison
leur lien
historique
et
Portugal-Afrique,
particulier,
de conclure
qu'en raison
lien transnational
historique et
multidimensionnel,a,leenPortugal
et lapermis
Guinée-Bissau
configurent
déjàdeunleur
espace
multidimensionnel,
Portugal
et la Guinée-Bissau
déjà
un espace
consolidé, alimenté lepar
des liaisons
et des flux deconfigurent
biens et de
personnes
quitransnational
constituent
consolidé,
alimenté
par
des
liaisons
et
des
flux
de
biens
et
de
personnes
qui
indubitablement un élément fondamental du patrimoine de ces pays. Les contours deconstituent
cet espace
indubitablement
un élément
fondamental
du cependant
patrimoine pas
de ces
pays.dûment
Les contours
de cet et,
espace
et des dynamiques
de ses acteurs
ne sont
encore
caractérisés
par
et
des dynamiques
de ses acteurs
cependant
pas encore
dûment
et, par
conséquent,
leurs potentialités
dansnelessont
différents
domaines
demeurent
en caractérisés
deçà des multiples
conséquent,
leurs
potentialités dans les différents domaines demeurent en deçà des multiples
possibilités de
concrétisation.
possibilités de concrétisation.
Le sujet a été maintenant plus approfondi grâce à la recherche développée dans le cadre du
LeAssessment
sujet a été of
maintenant
plus approfondi
la recherche développée
le cadreand
du
projet
the Development
Potentialgrâce
of theà Guinea-Bissau
Diaspora dans
in Portugal
projet
Assessment
of the
Development Potential
the Guinea-Bissau
Diaspora
in Portugalpour
and
France,
sollicité par
le Gouvernement
guinéen,offinancé
par l'Organisation
internationale
France,
sollicité
par leet Gouvernement
guinéen,
financé par
internationale
pour
les migrations
(OIM)
réalisé aussi par
le CEsA/ISEG.
Ce l'Organisation
projet a pour principal
objectif
la
les migrations (OIM) et réalisé aussi par le CEsA/ISEG. Ce projet a pour principal objectif la
6 6 Évaluation
Évaluationdudupotentiel
potentieldededéveloppement
développementdedelaladiaspora
diasporadedeGuinée-Bissau
Guinée-BissauauauPortugal
PortugaletetenenFrance
France
construction d'informations contextualisées sur la diaspora guinéenne au Portugal et en France
et sur son potentiel pour soutenir le développement de la Guinée-Bissau afin d’aider à
l'élaboration d'un plan d'action qui permette à l'État de capitaliser ce potentiel et d'augmenter la
capacité d'interaction des acteurs en présence, pour une action plus dynamique en faveur du
développement et du progrès de l'ensemble de la société guinéenne.
Cette étude est une version réduite du projet Assessment of the Development Potential of
the Guinea-Bissau Diaspora in Portugal and France, préparé pour constituer un livre de
divulgation des résultats obtenus et des recommandations et suggestions qui sont proposées, en
tant que contribution à la conception d'une Politique gouvernementale de soutien à la diaspora
(PGAD) de la part du gouvernement guinéen. S'agissant d'une version réduite, ce livre n'inclut
pas un ensemble important d'éléments du processus de sondage et de sa conduite sur le terrain,
raison pour laquelle nous recommandons la consultation du projet original aux intéressés. Il a
été en particulier impossible d'inclure l'important chapitre sur la méthodologie, ainsi que les
annexes concernant les listes d'entretiens réalisés avec des représentants des associations et le
formulaire utilisé à l'occasion des entretiens (semi-structurés).
Le livre a donc une structure compacte par rapport au projet original. L'introduction inclut une
synthèse des aspects méthodologiques. Le chapitre 2, avec des contributions de différents chapitres
du projet original, souhaite introduire les aspects essentiels du processus de développement de
l'économie guinéenne et de ses principales contraintes, depuis l'indépendance du pays, ainsi qu'une
introduction sur les dynamiques migratoires de la Guinée-Bissau et la présentation d'un portrait
statistique actuel de la diaspora. Le chapitre 3 présente les résultats importants pour ce qui a trait à la
caractérisation, digne de foi et actualisée, des dynamiques des communautés guinéennes au Portugal
et en France et leur contribution actuelle et potentielle au développement de la Guinée-Bissau. Le
chapitre 4 a permis de vérifier que la dimension du phénomène migratoire et les stratégies
d'intervention des migrants en faveur du développement du pays varient significativement de région
en région, mais que malgré cette hétérogénéité, la migration guinéenne affecte substantiellement le
bien-être des populations et contribue au développement global du pays. Pour finir, le chapitre 5
inclut les conclusions générales du projet et synthétise les principales recommandations et
suggestions proposées à partir des résultats du projet.
Méthodologie
Outre le recours aux sources secondaires (statistiques et bibliographiques) mentionnées au fil du
texte, la recherche a également inclus le recueil de données primaires pendant les périodes de
travail de terrain en Guinée-Bissau, au Portugal et en France.
Dans le cas du Portugal et de la France, la recherche a eu pour principal objectif de
recueillir des informations sur les communautés d'origine guinéenne, le tissu associatif respectif
et les dynamiques et pratiques transnationales qui relient la diaspora entre elle et avec la
Guinée-Bissau. Au moment de la conception des stratégies de recueil des informations, nous
avons commencé par tenir compte du fait que deux autres études ont récemment été publiées,
réalisées à partir d'exercices de recueil de données directement importantes dans ce contexte: i)
un sondage auprès de 77 migrants d'origine et/ou de nationalité guinéenne résidant au Portugal,
réalisé en 2009 dans le contexte du projet de recherche exécuté par le CEsA, en partenariat avec
la Fondation Portugal-Afrique (Carreiro et Sangreman, 2011) et ii) un relevé d'informations
qualitatives et quantitatives auprès de 61 organisations de la communauté d'origine guinéenne
en France, mené en 2010 à l'initiative d'une association française de codéveloppement1 (GRDR
2010:6). Ainsi, afin de réduire la redondance et de maximaliser l'intérêt des informations
recueillies dans le contexte de cette étude, nous avons opté pour une stratégie de recueil de
données qui soit autant que possible complémentaire face aux informations déjà existantes et
disponibles publiquement. En ce sens, les principales stratégies de recueil de données adoptées
dans le contexte de la présente étude ont été les suivantes:
1
Groupe de recherche et de réalisations pour le développement rural (France). Voir www.grdr.org
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
7
•
Au Portugal: réalisation d'entretiens semi-structurés avec des représentants de 28
organisations de la communauté guinéenne, entre octobre 2011 et avril 2012 ;
•
En France: (i) réalisation d'un sondage sur la migration et les dynamiques transnationales
auprès de 103 individus d'origine guinéenne sélectionnés par la méthode snowballing,
effectué en mars et avril 2012 dans différentes localités de l'axe Paris-Le Havre et (ii)
réalisation d'entretiens semi-structurés avec des représentants de 21 organisations de la
communauté guinéenne, également en mars et avril 2012.
En même temps que les stratégies principales indiquées ci-dessus, différentes stratégies
secondaires de recueil d'informations ont également été adoptées, à savoir: entretiens avec
divers informateurs privilégiés sur la communauté d'origine guinéenne en France; deux groupes
focaux avec des dirigeants d'associations appartenant à la FASCAE sur le thème du processus
du développement de la Guinée-Bissau et le rôle de la diaspora dans ce contexte; et la création
d'un minisondage en ligne destiné à l'identification des individus hautement qualifiés d'origine
guinéenne, résidant au Portugal, susceptibles de mobilisation dans le cadre d'un éventuel
programme futur de transfert de compétences.
En ce qui concerne le travail de terrain réalisé en Guinée-Bissau, la recherche a impliqué le
recueil de données primaires dans un ensemble présélectionné de tabancas, ainsi que leur
analyse en articulation avec des données secondaires provenant de documents de référence, en
particulier le Document de stratégie nationale de réduction de pauvreté (MEPIR, 2011), le 3e
recensement général de la population et logement (INEC, 2009) et le Sondage léger d'évaluation
de la pauvreté (ILAP, 2010), entre autres.
Les tabancas ont été sélectionnées à partir des informations obtenues auprès de la diaspora
au Portugal et en France, en parallèle avec les tabancas référencées par les autorités locales dans
chaque région (directions régionales de l'éducation et de la santé, administrations de secteur)
comme ayant une grande expression migratoire. Aléatoirement, des tabancas ayant peu ou
aucun migrant ont également été prises en compte pour garantir une base de comparaison avec
les autres et pour isoler l'action d'autres acteurs de développement, comme les ONG, avec celles
qui possédaient une plus grande expression migratoire dans chaque région (d'après la référence
obtenue auprès des autorités locale s : Directions régionales d'éducation et de santé et
administrations de secteur).
Le recueil de données primaires a été fait grâce à un instrument de recherche produit à cet
effet (guide d'entretien collectif/groupe focal), constitué de questions ouvertes et fermées qui
avaient pour objectif de déterminer les principaux indicateurs de développement de chaque
tabanca, les contingents globaux de migrants et leurs principales destinations ainsi que les
actions développées par les migrants au sein de leurs communautés d'origine. La dernière partie
du questionnaire incluait des questions relatives à la perception des populations sur le rôle des
migrants pour le développement local et national et recueillait leurs recommandations sur les
stratégies pour augmenter les effets positifs de la migration.
Cet instrument a été appliqué dans des groupes focaux, constitués de préférence, mais pas
exclusivement, des principales figures de la communauté — leaders du pouvoir traditionnel
(roitelets et chefs de tabanca), anciens, représentants des associations locales, professeurs et
familles de migrants — afin d'obtenir une caractérisation globale de la tabanca. En tout, des
groupes focaux ont été réalisés dans 44 tabancas des 7 régions continentales de la GuinéeBissau (Bafata, Biombo, Cacheu, Gabu, Oio, Quinara et Tombali) et sur l'île de Jeta, dans la
région de Cacheu. Les groupes focaux ont été complétés par une observation participante et par
un grand relevé photographique, cette partie du travail de terrain ayant eu lieu entre octobre
2011 et mars 2012.
Des informations plus détaillées à propos des méthodes utilisées au cours du projet de
recherche qui a servi de support à cette étude — incluant les questionnaires et les formulaires
utilisés, ainsi que les listes des associations interviewées et des tabancas de Guinée-Bissau où
ont été réalisés des groupes focaux — sont disponibles dans le rapport final du projet.
8
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
2. Développement, dynamiques migratoires et
diaspora guinéenne
Ce châpitre analyse le parcours de développement de la Guinée-Bissau entre 1975 et 2010 en
particulier ses résultats, l'évolution des structures économiques et les contraintes qui limitent les
possibilités de transformation productive et de construction de bases plus solides pour améliorer
la performance économique. Cette analyse permet de construire un cadre de soutien important
pour l'analyse du processus migratoire et des potentialités de développement de la diaspora
guinéenne.
2.1. Une vision globale du processus de développement
économique
Lors d'une première approche, il importe d'analyser la performance de l'économie guinéenne à
long terme, de caractériser son parcours et d'évaluer les résultats en matière de revenu par
habitant. Cet indicateur dépend de la manière dont évoluent la croissance économique et la
croissance populationnelle, mais sa propre évolution à également des conséquences
significatives sur les conditions de vie des populations.
La croissance de l'économie guinéenne entre 1975 et 2010
300,0
Le processus politique, économique et social en Guinée-Bissau a été très perturbé dès les
premières années après l'indépendance. Cependant, si nous visualisons l'évolution du PIB, à des
prix constants, nous pouvons observer une tendance modérée de croissance économique, au
cours des 35 années analysées, de près de 2,0% par an. Le graphique 2.1 montre cette évolution
du PIB et nous permet de souligner trois sous-périodes principales dans le parcours de
croissance250,0
économique.
Millions de dollars USA, prix constants de 2000
Graphique 2.1 : Évolution du produit intérieur brut, 1975-2010
200,0
150,0
100,0
Source :50,0
World Bank, World Data Bank [en ligne.]
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
9
1998
1997
1996
1995
1994
1993
1992
1991
1990
1989
1988
1987
1986
1985
1984
1983
1982
1981
1980
1979
1978
1977
1976
1975
0,0
Les premières 8 années (1975-1983) montrent un mouvement très instable et un rythme de
croissance moyenne annuel de 1,5%, soit un parcours au-dessous de la moyenne observée pour
le total de la période analysée. Les fluctuations sont intenses en certaines années (-7,2% en 1977
et 13,1% en 1978 ou -16,0% en 1980 et 18,2% en 1981), ce qui révèle, de fait, la grande
instabilité économique de ces premières années.
La seconde sous-période, entre 1983 et 1997, constitue la période de plus grand rythme de
croissance de l'économie guinéenne, avec un taux moyen annuel de 4,6%. Il s'agit d'un parcours
ayant peu de fluctuations, relativement stable, avec quelques moments de croissance rapide,
comme en 1988-91 et 1995-97. Cette sous-période a atteint son maximum en 1997 et a été
suivie d'une chute brusque et intense en 1998, de près de 28,1%, ce qui marque une nette
rupture sur la voie stable de la croissance en cours depuis 1983. Le processus de croissance a
cependant repris en 1999 et l'économie a récupéré son parcours de croissance, d'abord d'une
façon fluctuante, entre 1999 et 2003, puis avec une plus grande stabilité. Bien que sans atteindre
le rythme de 1983-97, la tendance se situe légèrement au-dessous du rythme moyen de toute la
période, avec un taux moyen annuel de croissance de près de 1,8%.
-30,0
-40,0
2005
2004
2003
2001
1993
2002
2000
1999
1992
1998
1996
1989
1997
1995
1994
1988
1993
1991
1985
1992
1990
1989
1984
1988
1986
1981
1987
1985
1984
1980
1983
1981
1982
1980
1977
1979
1978
1977
1976
1996
1995
1994
1991
1990
1987
1986
1983
1982
1979
0,0
1978
-20,0
10,0
1975
-10,0
1976
Graphique 2.2 : Évolution comparative du PIB et de la population, 1975-2010
1975
0,0
Variations annuelles en pourcentage
Variations annuelles en pourcentage
Une lecture de la croissance de la population observée pendant les 35 ans analysés permet
une première évaluation des résultats de la croissance économique constatée. Au cours de la
30,0période, la population guinéenne a augmenté à un taux moyen annuel de 2,2%, avec une légère
tendance au déclin dans le temps. De fait, après les premières années pendant lesquelles la
population a observé un taux de croissance très proche de 4%, un déclin a été constaté entre
1979 et 30,0
1981, le rythme s'étant ensuite stabilisé aux alentours de 2% par an. En lisant le
20,0processus en termes de produit par habitant, ce qui ressort est sa stabilité dans le temps, malgré
un léger déclin de 0,2% par an. En comparaison avec l'évolution du PIB, les données nous
montrent une tendance identique de déclin de la production (2,0%) et de la population (2,2%),
mais légèrement plus faible en ce qui concerne la population, ce qui représente une tendance
10,0
longue de
déclin de la production par habitant.
20,0
-10,0
-20,0
Variations annuelles du PIB
Variations annuelles de la population
Source : World Bank, World data bank [en ligne.]
-30,0
Le graphique 2.2 compare l'évolution des variations annuelles du PIB avec celles de la
population totale, en permettant de visualiser des comportements très distincts entre les deux
indicateurs, en particulier, la fluctuation élevée des taux de croissance du PIB. Lors des
premières années de l'indépendance, entre 1975 et 1986, la production interne a présenté des
-40,0
10
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
Variations annuelles du PIB
Variations annuelles
fluctuations annuelles très intenses autour d'une tendance stable de décroissance de la
population, mais elle a diminué plus vite que la population, ce qui s'est traduit par un déclin de
la production par habitant (PIB per capita) de près de 0,6% par an.
Entre 1987 et 1997, l'économie guinéenne se trouvait dans sa période de croissance la plus
dynamique et le PIB a augmenté beaucoup plus vite que la population, de près de 2,9% par an,
constituant ainsi l'une des phases les plus importantes des gains de production par les habitants du
pays. Après la crise de 1998, la récupération de la croissance économique a été plus lente que
pendant la période précédente, avec une croissance du PIB d'à peine 0,2% au-dessus de la
population, ce qui s'est traduit par une situation de quasi-stagnation de la production par habitant.
Cette évolution peut être analysée selon une optique de revenu, en prenant le revenu
national brut (RNB) per capita2 comme indicateur de référence, ce qui permet d'inclure dans
l'analyse les entrées nettes de revenus primaires de l'extérieur. Si nous considérons le RNB per
capita en parités de pouvoir d'achat (ppc), nous pourrons inclure une analyse comparée de son
évolution avec des groupes de pays de référence, comme présenté dans le graphique 2.3
Dollars internationaux
Graphique 2.3 : Évolution comparative du RNB per capita, ppc, 1975-2010
Guinée-Bissau
Pays à faible
Afrique subsaharienne
subsaharienne
Guinée-Bissau
Pays àrevenu
faible revenu
Pays revenu
à faible
Guinée-Bissau
Afrique Afrique
subsaharienne
Source : World Bank, World data bank [en ligne]
Le graphique 2.3 nous permet de vérifier que le RNB per capita de la Guinée-Bissau révèle
une tendance de croissance depuis le début des années 19803. La tendance est plus accentuée
jusqu'en 1997, bénéficiant de la période de plus grande croissance observée ci-dessus. Deux
aspects sont importants dans cette évolution jusqu'en 1997: d'une part, la convergence avec les
pays d'Afrique subsaharienne et de l'autre, la position de la Guinée-Bissau toujours au-dessus
des valeurs de l'ensemble des pays à faible revenu4. Après 1998, l'évolution du RNB per capita
de la Guinée-Bissau révèle un parcours comparatif différent et l'on constate une nette
divergence par rapport à l'Afrique subsaharienne et ce qui semble également être le début d'un
parcours de divergence avec les pays à faible revenu. Dans les deux cas, le parcours récent de
divergence est un résultat de l'évaluation très positive des deux groupes de pays et de la
croissance plus lente de la Guinée-Bissau depuis 1998.
2
Le revenu national brut (ancien produit national brut) est égal au produit intérieur brut augmenté du solde net des revenus
primaires reçus de l'extérieur.
3
La Banque mondiale n'a pas de données en termes de parités de pouvoir d'achat disponible pour la période avant 1980.
4
Nous avons utilisé ici le classement de la Banque mondiale, basé sur des niveaux du RNB per capita. Le World Development
Report de 2012, considérant des valeurs de 2010, établit comme étant à faible revenu (low income) les pays ayant un RNB per
capita égal ou inférieur à 1005 dollars.
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
11
Les effets sur la qualité de vie de la population
Comme nous l'avons vu dans la section précédente, la Guinée-Bissau a démontré une meilleure
performance de la croissance économique que celle de la moyenne des pays à faible revenu, et
cela, malgré le recul de ces dernières années. Du début des années 80 à la moitié des années
2000, son parcours a clairement été supérieur, ce qui a permis quelques améliorations dans les
conditions de vie de la population guinéenne et un rapprochement des valeurs moyennes de
l'ensemble des pays à faible revenu. Les progrès ont cependant été timides dans de nombreux
aspects et très inégaux entre les dimensions qui définissent la qualité de vie de la population,
sans oublier que les références du groupe de pays sont, elles aussi, très faibles.
Le tableau 2.1 contient un ensemble synthétique d'indicateurs qui permettent d'évaluer
l'évolution en Guinée-Bissau et sa position par rapport aux montants moyens des pays à faible
revenu.
Tableau 2.1: Indicateurs de qualité de vie de la population, 1990-2010
PFR
Revenu national brut per capita (dollars)
Espérance de vie à la naissance (années)
1990
2000
2005
2010
2010
220
180
410
590
530
43
45
46
47
59
Taux de mortalité infantile (‰)
125
107
99
92
70
Taux de mortalité des moins de 5 ans (‰)
210
177
162
150
108
36
50
57
64
65
Accès à une source d'eau améliorée (% de la population)
Accès à l'assainissement amélioré (% de la population)
13
14
17
20
37
Taux d'analphabétisme (%)
nd
58,6
49,8
45,8
40,4
Scolarisation primaire brute (%)
50,9
78,7
119,8
123,1
96
Scolarisation primaire nette (%)
36,4
51,0
nd
73,9
73
Scolarisation secondaire brute (%)
5,4
18,5
33,8
46,6
49
Taux d'incidence de la pauvreté (% de la population)
49
64,7
nd
nd
nd
–
–
0,340
0,351
0,456
Indice de développement humain (IDH)
Sources : World Bank, World Data Bank [en ligne.]. PNUD, Rapport de développement humain, 2011.
Note :
nd – non disponible dans les bases statistiques. PFR - Pays à faible revenu
Le premier ensemble d'indicateurs reflète la qualité de vie de la population du point de vue
de la santé. L'espérance de vie à la naissance en Guinée-Bissau a progressé de près de 7 ans
entre 1980 et 2010, passant de 40 à 47 ans, ce qui continue à être une valeur assez faible et très
inférieure à l'espérance de vie de 57 ans dans les pays à faible revenu. Le taux de mortalité
infantile constitue un autre bon indicateur de santé, dans la mesure où il reflète les conditions de
vie et l'accessibilité aux soins de santé pendant la première année de vie, une période
extrêmement sensible. Les améliorations dans ces conditions sont rapidement traduites par le
déclin du taux de mortalité infantile, comme ce fut le cas en Guinée-Bissau ces dernières
décennies : d'un taux de l'ordre de 125 ‰ en 1990, nous avons constaté une diminution
importante, passant à 107 ‰ en 2000 et à 92 ‰ en 2010. Mais, ici aussi, le pays continue
encore éloigné de la moyenne des pays à faible revenu, de 70 ‰ en 2010. Le taux de mortalité
des moins de cinq ans est un indicateur qui élargit la perception des conditions de vie à l'âge
juvénile et est très important pour évaluer des contextes comme ceux de la Guinée-Bissau. Bien
12
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
qu'ayant des valeurs encore très élevées (150‰ en 2010) et clairement supérieures à celles des
pays à faible revenu (108‰), il a subi une diminution elle aussi importante, de presque 30%
entre 1990 et 2010.
Les accès à l'eau potable et à l'assainissement de base sont des indicateurs importants des
conditions de vie, compte tenu de leurs effets sur la santé des populations et de la forme rapide
comme leurs améliorations se traduisent en une amélioration des conditions de vie. L'accès à
l'eau potable à partir de sources améliorées5 a enregistré d'importants progrès en Guinée-Bissau
et est passé de 36% en 1990 à près de 64% en 2010, une valeur déjà pratiquement identique à
celle de la moyenne du groupe (65%). L'accès à l'assainissement de base amélioré 6 a également
enregistré un important progrès, mais avec des valeurs (20% en 2010) encore très en deçà de la
moyenne du groupe de pays (37%).
Les quatre indicateurs suivants seront du domaine éducationnel et nous donnent des
informations importantes sur l'acquisition de connaissances à un niveau encore élémentaire,
mais fondamental, du point de vue de la transformation de la qualité et des conditions de vie des
individus. C'est l'un des domaines où le progrès guinéen est évident, bien qu'il y ait encore de
nombreux progrès à faire. Le taux d'analphabétisme est encore plus élevé que celui de la
moyenne des pays du même groupe de revenu, bien qu'avec quelques progrès: d'un taux de
58,6% en 2000, le pays est passé à 45,8% en 2010, c'est-à-dire, plus proche de la moyenne des
pays à faible revenu. Par rapport aux niveaux de scolarisation, les progrès sont significatifs,
aussi bien dans l'enseignement primaire que dans le secondaire, bien que la Guinée-Bissau est
loin d'atteindre « l'objectif du millénium » de l'enseignement primaire universel en 2015. Les
progrès par rapport aux pays à faible revenu sont néanmoins très importants: dans
l'enseignement primaire, le parcours a été de 50,9% de scolarisation brute en 1990 à 123,1% en
2010, bien meilleur que la moyenne du groupe, tandis que pour la scolarisation nette, le pays est
passé de 36,4% en 1990 à 73,9% en 2010, sensiblement identique à la moyenne du groupe;
pour la scolarisation secondaire brute, le progrès a été notable, avec un passage de 5,4% en
1990 à 46,6% en 2010, une valeur très proche de celle des pays à faible revenu (49%).
L'indice de développement humain (IDH), publié annuellement par le Programme des
Nations-Unies pour le développement (PNUD), nous donne une image globale du
développement humain très fragile en Guinée-Bissau. L'IDH est un indicateur synthétique,
relativement simple dans sa construction, mais extrêmement utile en matière d'analyse
comparative, dont l'intégration d'informations relatives à la longévité (« vie longue et saine »),
l’acquisition de connaissance et le revenu per capita permet une vision multidimensionnelle des
progrès relatifs de chaque pays. En observant les données publiées par le PNUD, nous pouvons
constater que la Guinée-Bissau occupe, systématiquement, l'une des dernières places de la liste
ordonnée des niveaux d'IDH par pays, étant en 2011 à la 176e position sur 179 pays. L'évolution
de ses valeurs a été très lente, de 0,340 en 2005 à 0,351 en 2010 et 0,353 en 2011, ce qui
signifie une position très faible dans l'ensemble des pays à faible développement humain (0,456
en moyenne en 2010) 7.
La propre lecture des techniciens du PNUD révèle que la Guinée-Bissau n'est pas parvenue
jusqu'à présent à traduire ses résultats de revenu par habitant en gains de développement
humain. Elle continue donc d'être l'un des pays les plus pauvres du monde. Des près de 1,5
million d'habitants, 69,3% vivent dans la pauvreté (avec moins de 2 dollars par jour), 33%
étant en situation de pauvreté extrême, soit avec moins de 1 dollar par jour8. La pauvreté est
ressentie d'une manière généralisée dans le pays. Cependant, il a été constaté une aggravation de
la situation par rapport aux valeurs constatées dans le Sondage léger d'évaluation de la pauvreté
5
« Les sources d'eau améliorées incluent l'eau courante dans les logements, les terrains ou les jardins, les robinets ou les tuyaux
d'accès public, les puits tubulaires ou les forages, les puits creusés, protégés, les sources protégées et les eaux fluviales » (PNUD,
Rapport de développement humain 2010, p. 234).
6
« Les installations sanitaires améliorées incluent des chasses d'eau reliées à des systèmes de canalisation d'égouts ou des fosses
septiques, des latrines de fosse ventilées, ou avec dalle et toilettes sèches. Elles ne sont cependant pas considérées améliorées
lorsqu'elles sont partagées avec d'autres familles ou ouvertes au public » (Ibidem, p. 234).
7
Le PNUD utilise également un classement de pays, basé sur ses calculs de l'IDH. Il considère quatre groupes basés en quartis :
développement très élevé, élevé, moyen et faible. La Guinée-Bissau occupe l'une des dernières places du groupe à revenu faible.
8
V. OCDE, 2011, p. 23 (http://www.oecd.org/dataoecd/60/53/48899975.pdf).
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
13
(SLEP) antérieur à 2010 9. Bien que la grande majorité de la population réside dans les zones
rurales, Bissau a cependant actuellement près d'un tiers de la population totale, alors qu'en 1991
la population urbaine ne dépassait pas les 18%. La pauvreté est donc pour cette même raison
ressentie plus particulièrement à Bissau et dans les régions d'Oio, Bafatá, Quinara/Tombali et
Gabú. En ce qui concerne la pauvreté non monétaire, qui affecte près de 40% de la population
du pays, elle atteint surtout les zones rurales où elle dépasse les 60%10.
2.2. Contraintes du processus de développement
Dans la section précédente, nous avons vu que le processus de croissance économique de la
Guinée-Bissau est caractérisé par un lent parcours à long terme et des mouvements de grande
instabilité, ce qui lui donne une configuration d'avancées et de reculs successifs, bien qu'il soit
soutenu par une longue tendance de croissance modérée. La Guinée-Bissau se trouve cependant
aujourd'hui dans un parcours de divergence par rapport aux deux groupes de pays pris en compte,
d'une forme très claire par rapport à l'Afrique subsaharienne, mais encore très proche des pays à
faible revenu. Ce parcours de divergence résulte de l'incapacité que le pays révèle à générer un
processus dynamique de transformation productive, capable de proportionner des modifications
essentielles en facteurs décisifs de la croissance et du développement économique, comme la
croissance de la productivité de l'économie, l'augmentation de la capacité d'absorption productive
du travail et la création d'avantages comparatifs dans le commerce international.
L'absence de ces modifications s'exprime par un ensemble de caractéristiques que nous
avons vues par rapport à la Guinée-Bissau, mais qui prévalent également dans la plupart des
pays d'Afrique Subsaharienne: (i) l'approfondissement du fossé entre l'agriculture et les autres
secteurs de l'économie qui caractérise le fonctionnement de sociétés de plus en plus dépendantes
des activités agricoles traditionnelles qui reflète la difficulté de la transformation structurelle de
l'économie et du transfert de ressources vers des activités de plus grande productivité,
indispensables pour gérer et soutenir un processus de croissance économique; (ii) la
permanence du travail dans l'activité agricole est dans un contexte de niveau de sous-emploi
élevé qui finit par forcer les populations à la migration rurale-urbaine et à la concentration
marginalisée périurbaine qui reflète l'incapacité à absorber de manière productive l'excès de travail,
ce qui n'est possible que grâce à des politiques économiques et industrielles actives; (iii) la
reproduction d'une économie qui dépend d'une agriculture technologiquement traditionnelle ne
crée pas les conditions pour gérer de manière endogène une modification des avantages
comparatifs, sa capacité exportatrice étant entièrement dépendante de facteurs exogènes (prix
internationaux, conditions climatiques, etc.).
La Guinée-Bissau est confrontée, en fait, à un ensemble de contraintes qui ont entravé la
création de conditions pour un processus de transformation productive et d'affirmation d'un
processus soutenu de croissance et de développement économique. Les contraintes sont variées,
mais nous accorderons ici une attention particulière à quatre types fondamentaux: (i) les
contraintes de financement qui résultent de la fragilité de l'épargne interne, mais aussi de
l'absence d'un cadre institutionnel de confiance, capable d'attirer l'investissement étranger; (ii)
les contraintes résultant de l'instabilité politique, qui empêchent la mise en place d'un État
véritablement développementaliste et la construction d'une structure institutionnelle politique et
stable; (iii) les contraintes qui résultent de la manipulation de la diversité ethnique comme
instrument de lutte pour le pouvoir et (iv) les contraintes résultant de l'absence d'un modèle
d'intégration économique internationale, capable de contribuer à l'établissement de relations
économiques génératrices des gains de commerce nécessaires pour soutenir le financement et la
transformation productive de l'économie guinéenne.
9
Le premier SLEP en Guinée-Bissau a été réalisé en 2002. D'après la Banque mondiale, en 2006, la pauvreté atteignait près de
64,7 % de la population, dont 20,8 % se trouvaient en situation de pauvreté extrême. Voir : World Bank, 2009, p. 2 (http://ddpext.worldbank.org/EdStats/GNBstu09a.pdf).
10
Il s'agit d'un indicateur composite de bien-être, construit à partir d'indicateurs distincts qui relient l'habitat, l'accès à l'eau potable
et la possession de biens durables.
14
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
Le financement du développement
Si la transformation productive constitue un élément central de la construction du processus de
développement, l'inexistence de moyens internes de financement (épargne) devient un obstacle
majeur de cette transformation. Telle est la réalité à l'heure actuelle dans la généralité des pays
les moins développés. Au cours des années analysées, la Guinée-Bissau montre une énorme
fragilité, avec un niveau moyen d'épargne égal à - 1,8% du PIB et des valeurs positives
uniquement pendant la période entre 1978 et 1997. Si le faible niveau d'épargne est une
conséquence du faible niveau du revenu par habitant, c'est également un facteur limitatif de la
capacité à investir, ce qui rend évident le cercle vicieux de la pauvreté.
200
D'autre part, l'économie de la Guinée-Bissau est caractérisée par un niveau élevé du déficit
public, avec des valeurs moyennes annuelles bien proches de 25% du PIB. Étant un résultat à la
fois de la faible performance économique et de la fragilité du système d'imposition, le déficit
public est un facteur d'écart permanent de ressources pour l'État, réduisant ainsi davantage les
disponibilités de financement productif de l'économie et aggravant le cercle vicieux.
180
160
Graphique 2.4: Flux de financement international, 1975-2002
140
120
Millions de dollars USA courents
100
80
60
40
20
Aide publique au développement
Investissement direct étranger
Envoi d'argent d'émigrants
Source : World Bank, World data bank [en ligne.]
Incapable de s'autofinancer, la Guinée-Bissau dépend fortement des flux de financement
international. Le graphique 2.4 nous montre que la Guinée-Bissau est essentiellement financée
par l'Aide publique au développement (APD), que les flux privés n'ont pas beaucoup de
signification, ils sont relativement récents et pratiquement réduits à l'investissement direct
étranger (IDE)11. L’importance de l'APD est une caractéristique non seulement de la GuinéeBissau, mais également de l'Afrique subsaharienne en général, la région où l'Aide publique au
développement maintient encore un poids très élevé dans la structure du financement
international. La question centrale ici est que le poids réduit de l'IDE ne permet pas que le pays
11
Les flux publics reçus par la Guinée-Bissau sont essentiellement l'Aide publique au développement, aussi bien bilatérale que
multilatérale. Dans les cas des flux privés, les valeurs concernant les emprunts et les investissements de portefeuille sont
parfaitement négligeables et très occasionnels. Les valeurs sont celles de la base de données en ligne de la Banque mondiale.
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
15
2009
2008
2007
2006
2005
2004
2003
2002
2001
2000
1999
1998
1997
1996
1995
1994
1993
1992
1991
1990
1989
1988
1987
1986
1985
0
tire parti de ses multiples avantages, car, outre un flux de financement au sens strict, l'IDE est
également un instrument de transfert de technologie et un mécanisme important d'élargissement
des marchés externes. Cela veut dire que l'investissement direct étranger peut contribuer
directement à soutenir la transformation productive, l'augmentation de la capacité d'absorption
productive du travail et l'amélioration des conditions de participation au commerce
international. Il est donc fondamental que la Guinée-Bissau crée un cadre institutionnel de
confiance et capable d'ouvrir un espace pour la captation croissante d'IDE afin d'introduire un
nouveau mécanisme de dynamique économique et de changement structurel.
Le graphique 2.4 nous montre également que les envois de fonds des émigrants gagnent un
poids croissant sur la structure des flux internationaux. Il s'agit d'un flux important au niveau du
revenu des familles réceptrices, ce qui lui donne une caractéristique particulière par rapport aux
autres flux. Il n'a cependant pas la même nature macro-économique dans la mesure où il s'agit
plus exactement d'une agrégation de flux individuels et donc dépendants des options et des
objectifs des émigrants et de leurs familles respectives dans le pays. Il s'agit de toute façon d'un
flux très important en raison non seulement de sa contribution à l'amélioration des conditions de
vie des populations, mais également de sa contribution à l'équilibre des paiements externes.
L'instabilité politique et institutionnelle
Après son indépendance en 1974, la Guinée-Bissau a vécu dans un cadre institutionnel dessiné
autour d'un modèle autoritaire dans lequel l'économie était menée par l'État et celui-ci par un
unique parti politique. À partir de la moitié des années 80, avec un programme de stabilisation
et d'ajustement structurel conçu par la Banque mondiale, le pays a commencé à évoluer vers une
libéralisation économique qui devrait mener, en tout cas en théorie, à un modèle de
fonctionnement décentralisé dans lequel les « mécanismes de marché » substitueraient
progressivement les mécanismes de dirigisme gouvernemental. Ce modèle institutionnel de
« marché libre » devrait être suivi par un processus de libéralisation politique qui permettrait
une action politique décentralisée et reposant sur l'interaction entre les différents partis
politiques en tant que porte-paroles d'options et de stratégies concurrentes entre elles. Au
contraire, la Guinée-Bissau est entrée dans un processus qui a fini par dégénérer en une situation
de grande conflictualité et d'instabilité politique permanente.
Le contexte d'instabilité créé a provoqué, comme nous l'avons vu ci-dessus, une situation
fortement contraignante du développement de l'économie de marché en Guinée-Bissau et cela
pour plusieurs raisons: d'abord, parce que cela a empêché le pays de disposer d'un cadre
institutionnel stable, prévisible et générateur de confiance, indispensable au fonctionnement de
l'économie de marché. La stabilité est précisément indispensable parce que le marché est une
construction institutionnelle où le cadre normatif est nécessaire pour favoriser l'interaction entre
les agents économiques, en particulier, lorsqu'il s'agit d'interactions qui se développent dans le
temps et dans l'espace. Le fonctionnement du marché implique donc une combinaison
d'institutions stables, indispensables pour structurer, organiser et légitimer les relations
d'échange permettant aux agents d'anticiper des comportements et donc d'avoir confiance dans
le système. En second lieu, l'instabilité politique et institutionnelle limite l'État dans le
développement de ses fonctions, notamment sa capacité à dessiner, promouvoir et soutenir un
processus de développement de l'économie et de la société. Dans une économie avec le niveau
de développement de la Guinée-Bissau, l'expérience historique montre que l'activisme de l'État
est indispensable à la dure tâche de « construire » le développement économique.
La reprise du processus de développement en Guinée-Bissau implique qu'il soit possible
d'évoluer vers une véritable autonomie12 de l'État et de son engagement total envers le
développement du pays, en assumant un ensemble de fonctions indispensables pour relancer une
12
La littérature institutionnaliste accorde une attention toute particulière à ce thème de l'autonomie de l'État. D'après Peter Evans,
autonomie veut dire capacité pour l'État d'agir indépendamment par rapport aux pressions particulières de la société, ce qui permet
d'isoler l'administration des efforts pour capturer le pouvoir de l'État et de l'utiliser au profit des intérêts particuliers. L'exercice de
l'autonomie présuppose une administration hautement qualifiée, formée sur la base du mérite et capable de prendre des décisions
politiques de manière autonome. (Evans, Peter. Embedded Autonomy, 1995)
16
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
dynamique de développement. L'État doit être capable de pourvoir le pays d'une « vision » du
développement et de trouver les alliances politiques et économiques indispensables pour la mettre
en pratique. Cela ne signifie pas que l'État doive « remplacer le marché »13, bien au contraire, ce
que l'on attend c'est qu'il fonctionne comme un véritable « gestionnaire » du processus de
développement et qu'il soit capable de trouver les mécanismes de coordination les plus adéquats.
L'État doit également avoir un rôle central dans le processus de construction de la structure
institutionnelle du pays, en contribuant à la définition d'un ensemble d'institutions véritablement
régulateur de l'interaction entre les agents, c'est-à-dire, comme nous l'avons dit ci-dessus, un cadre
institutionnel stable, prévisible et générateur de confiance. Pour finir, l'État doit être capable
d'exercer une fonction essentielle pour sa « gestion» du processus de développement, celle de
gérer les conflits qui tendent à être générés dans les processus d'allocation de ressources, de choix
de secteurs, de transfert de ressources aux secteurs à haute productivité, d'investissement, etc.
La manipulation politique de facteurs ethniques
La période de fixation des peuples sur le territoire de la Sénégambie a été marquée par une
cohabitation parfois difficile entre les Mandingues et les Peules. Au XXe siècle, le Portugal a
cherché à tirer profit des alliances et des divergences entre les différentes ethnies, en particulier
par l'intermédiaire des islamisés, notamment les Peules, contre les animistes insurgés ou les
Grumetes (Pélissier 2001: 144-178). Lors de ce conflit, des blessures profondes entre les
différents groupes ethniques se sont accentuées. La lutte de libération menée par le PAIGC a
cependant eu un pouvoir conciliateur, en minimisant ces discordes et en unifiant les différentes
sensibilités autour d'un objectif plus grand qui était l'obtention de l'indépendance. Ce fut une
lutte pour le « sol » qui n'appartenait pas seulement à une ethnie, mais à toute la Guinée14.
L'instrumentation des questions ethniques est cependant utilisée dès qu'il existe des intérêts
évidents de dispute du pouvoir politique ou économique, générant ainsi une instabilité
généralisée dans la société guinéenne.
À la date de l'indépendance et fruit de la circonstance historique de dépendance de la
Guinée par rapport au Cap-Vert, outre les élites petites-bourgeoises natives, on trouvait dans le
pays des Cap-Verdiens qui, pour la plupart, assumaient des postes d'une certaine importance
dans l'administration et dans les activités économiques résultat, aussi bien du travail
précédemment développé auprès de l'administration coloniale que du fait qu'ils étaient
détenteurs de facteurs de production, notamment comme grands propriétaires terriens15 ou
propriétaires de maisons commerciales16. Après l'indépendance, les relations entre les natifs
(pretu-nok) et les descendants de Cap-Verdiens (burmejdos-wak) ont cependant été altérées par
la séparation en deux pays effectuée par le « mouvement réajusteur du 14 novembre » 1980. Ces
clivages à caractère ethnique ont été encore plus extrêmes en février 1991, pendant le IIe
Congrès exceptionnel du PAIGC, lorsque l'on souhaitait transmettre à l'extérieur l'image que le
Parti se démocratisait effectivement. Ce fut dans ce contexte que Malam Bacai Sanhá et Nino
Vieira ont débattu « l'éternelle rivalité entre les métis et les noirs ». En d'autres termes, le débat
a été plus centré sur les questions raciales qu'idéologiques (Nóbrega 2001: 272). Comme
résultat, un grand nombre de cadres du parti à qui l'on reconnaissait « une meilleure compétence
et formation culturelle » s'est vu écarté du processus de transition politique commencé par le
Parti17, certains d'entre eux venant à créer de nouveaux partis.
Le succès de la lutte pour l'Indépendance avait engendré l'idée que les guérilleros étaient « les
meilleurs enfants ». Et qu'en tant que tels, ils devaient jouir de droits spéciaux, raison pour laquelle le
13
Un thème auquel Joseph Stiglitz a donné beaucoup d’importance dans son analyse des causes du succès des expériences asiatiques
(Stiglitz, Joseph. « Some Lessons from the East Asian Miracle », 1996).
14
Voir Ferreira, 2012, p. 2.
Terme qui désigne les propriétaires de petites terres («as pontas») qui Ωcédaient aux indigènes en échange des taux d'intérêt élevés.
16
Alexandre e Dias, 1998, p. 254.
17
Le processus de scission surgit, aux yeux extérieurs, comme étant dirigé par ledit Groupe de la lettre des 121, composé de cadres
distingués exclus du congrès, qui ne sont pas tous Burmedjos. Idem.
15
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
17
reste de la société civile devait leur fournir une révérence particulière18. Il semble que ce sentiment se
soit maintenu au niveau de la coupole politique, mais qu'il s'agit d' une idée avec laquelle la société
civile guinéenne, en général, cesse peu à peu de s'identifier, fondamentalement, en raison de
l'accusation selon laquelle les guérilleros ont échoué dans la lutte pour le développement
(Sangreman et al, 2006). Les divergences ethniques continuent donc à être utilisées politiquement,
mais alliées à l'idée de légitimation de l'autorité accordée par la « Lutte » à ceux qui y ont combattu,
et cela, indépendamment des compétences professionnelles ou humaines que les individus
présentent19. Ce modus operandi adopté par les dirigeants ayant des responsabilités politiques a en
Koumba Yalá son principal représentant, en particulier entre 2000 et 2003, pendant la période de sa
présidence, car celui-ci réglait son gouvernement par l'appel aux affinités ethniques20. L'utilisation de
ces affinités a cependant inclus l'implication de hautes patentes du secteur militaire, majoritairement
de l'ethnie Balanta, le groupe responsable du coup d'État réalisé le 12 avril 2012.
Le modèle d'intégration économique internationale
Comme nous l'avons vu auparavant, la Guinée-Bissau dispose pratiquement d'un seul produit
d'exportation et a une structure d'importation avec un poids élevé de produits agricoles et
alimentaires et autres biens de consommation. C'est un modèle très commun dans des pays peu
développés, mais, ce qui est particulier c'est l'importance que la noix de cajou assume pour
l'économie guinéenne, ce qui peut causer certains risques à l'avenir. Or, si ce modèle
d'intégration économique internationale n'est pas très approprié pour une stratégie de croissance
et de changement structurel, le danger que l'augmentation de l'importance de la noix de cajou ait
des effets nocifs sur le processus de développement économique guinéen existe.
La Guinée-Bissau est l'un des pays qui consacrent le plus de surface agricole à la culture de
la noix de cajou, une plantation qui exige peu en moyens de production, incluant le travail, ce
qui lui confère une valeur ajoutée relativement élevée et, par conséquent, un grand potentiel
pour améliorer le revenu des agriculteurs. La noix de cajou est une production importante pour
la Guinée-Bissau parce que c'est la principale source de revenus du secteur agricole et la
principale source de recettes fiscales pour l'État, en plus d'être également la principale source de
revenus pour le secteur privé. Tout cela fait de la culture de la noix de cajou un cas très
particulier et ayant encore beaucoup d'espace pour progresser davantage. L'exploitation ne
bénéficie cependant pas des meilleures conditions en raison des graves problèmes auxquels le
pays fait face en matière de transports, d'infrastructures ou de capacité de financement.
La grande question qui se pose est que la Guinée-Bissau est très dépendante d'un unique
produit. Indépendamment des bonnes conditions naturelles et du climat pour la production de la noix
de cajou, son exportation est soumise à de nombreux facteurs exogènes qu'elle ne contrôle pas, ce
qui peut soumettre l'économie du pays à des risques élevés. D'autre part, le désir d'augmenter la
production de noix de cajou pourrait avoir pour effet le détournement de ressources d'autres
productions pour supporter cette augmentation, avec deux effets possibles, tous deux négatifs pour
l'économie guinéenne et pour la survie des petits agriculteurs: (i) d'une part, l'abandon d'autres
productions et le déclin de leur production, en augmentant la pratique d'utilisation de la noix de cajou
par les petits agriculteurs comme moyen d'échange direct avec d'autres produits qu'ils ne possèdent
pas, notamment le riz; (ii) la réduction d'autres productions pourrait augmenter le besoin d'importer
d'autres produits agricoles comme c'est également le cas avec le riz.
Un autre aspect important de ce modèle guinéen basé sur un produit de récolte est
également la grande concentration de la destination d'exportation, car la noix de cajou est
essentiellement vendue à des entreprises de traitement d'Inde (75,4% en 1990-2004 et 67,1%
en 2004-2009) et de Singapour (10,2% en 1990-2004, 16,9% en 2004-2006), celles-ci étant
remplacées depuis 2006 par des entreprises du Sénégal (15,8% en 2006-2009). Cette
concentration augmente, naturellement, les risques de l'exportation de la noix de cajou.
18
V. Ferreira, 2012 : 2.
Dans son article, aux points 13 et 17, Ferreira mentionne que l'on a nommé d'authentiques analphabètes à des postes de direction
et que l'incompétence et l'analphabétisme se sont chargés du gouvernement après le « mouvement réajusteur » (2012: 3). Ces
critiques sont néanmoins récurrentes même dans les gouvernements les plus récents.
20
V. Ferreira, 2012:3; International Crisis Group, 2012: 17.
19
18
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
Pour les raisons exposées, la Guinée-Bissau a un problème de diversification de la structure
des exportations au cas où elle voudrait réduire les risques de la concentration à un seul produit.
Mais la question du commerce international est plus vaste et est intimement liée au problème
central du processus de développement qui est la transformation productive, source des
transformations structurelles dans une économie en transition. La transformation productive
intègre en son sein les questions de la technologie, de l'innovation et du travail, avec en amont le
problème du financement et en aval la question du commerce externe. Cela veut dire que les
changements structurels dans le commerce dépendent du processus de transformation
productive, mais il est également vrai que les modifications dans le commerce peuvent favoriser
la dynamique des transformations productives. L'exemple posé ici de l'agriculture est très
adéquat, en reprenant l'importance de la diversification des exportations en Guinée-Bissau. La
création des conditions pour améliorer et augmenter la production de la noix de cajou peut avoir
des effets positifs sur l'économie si les gains supplémentaires des exportations de noix de cajou
sont canalisés pour soutenir la diversification de l'économie et des exportations, en améliorant
les conditions pour une articulation progressive entre changements dans le commerce externe et
transformations productives.
2.3. Les migrations guinéennes : un panorama historique
La mobilité humaine est un élément central de l'histoire de la Guinée-Bissau qui a caractérisé les
modes de vie de sa population et influencé la trajectoire sociopolitique de ce territoire depuis
bien longtemps. La mobilité et la migration, plus quotidiennes ou plus exceptionnelles, sont un
trait distinctif de la plupart des groupes ethnolinguistiques qui constituent la population de ce
pays — des Balantas (dont la migration vers le sud au siècle dernier constitue l'un des grands
déterminants récents de la recomposition de la population de ce territoire) aux Peuls (peuple
nomade pastoral par excellence de l'Afrique occidentale), en passant par les Manjaques (avec
leur histoire, vieille d'un siècle, de migration intercontinentale).
Les origines de la mosaïque ethnoculturelle qui caractérise la population de ce pays (dans
lequel coexistent, de forme hybride, deux matrices principales — respectivement animiste et
islamisée) remontent à l'expansion, à différents moments des derniers siècles et vers l'intérieur
de ce territoire, par deux grands groupes ethnolinguistiques de l'intérieur du continent africain
— les Mandingues et les Peuls —, qui dans ce processus ont « poussé » vers la côte, subjugué
militairement et influencé culturellement les communautés animistes qui habitaient la région
depuis une phase assez antérieure (Davidson, 1978; Pélissier, 1989).
Les contacts et l'influence croissances des navigateurs et des commerçants portugais à partir
du XVe siècle ont également généré des mouvements et des recompositions de la population
significatifs : d'une part, dans la mesure où les comptoirs et les entrepôts commerciaux fondés
par ceux-ci ont constitué des pôles d'attraction de la population en vertu des opportunités
économiques qu'ils représentaien t; de l'autre, le trafic des esclaves ayant influencé
profondément les rapports entre les différents groupes de populations locaux et ayant été à
l'origine de la ponction d'une partie significative de la population de cette région. Toutes les
conséquences de ce contact n'ont cependant pas été néfastes : par exemple, l'interaction
mercantile avec les Portugais au fil des siècles serait à l'origine de l'apparition d'une culture et
d'une langue véhiculaire, spécifiquement créoles, résultant des processus d'hybridation et
d'acculturation mutuelles entre les populations locales et européennes (Pélissier, 1989; Nafafé,
2007).
La période de colonisation effective — à partir de la fin du XIXe siècle — a également été
à l'origine de mouvements de population de grande ampleur. Lors d'une phase initiale, les
déplacements de population ont particulièrement été évidents en réaction auxdites « campagnes
de pacification » destinées à soumettre les différents groupes locaux (qui, dans certains cas, ont
été prolongées jusqu'aux années trente). D'autre part, l'imposition de plusieurs mesures typiques
d'exploitation et de violence coloniale, comme l'imposition de travaux forcés ou de cultures
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
19
agricoles obligatoires, a également engendré des flux de population spécifiques — comme c'est
le cas de la grande migration balanta à partir de la région d'Oio vers le sud du territoire, au cours
de la première moitié du XXe siècle, motivée en grande partie par le manque de terres résultant
de l'imposition de la culture de la cacahuète par l'administration coloniale (Van der Ploeg,
1990; Temudo, 2009). Lors de la décadence de la période coloniale, les déplacements de
population sont principalement associés aux effets de la répression politique et à la destruction
associée à la guerre d'indépendance (entre 1963-74): d'une part, le déplacement forcé de
communautés rurales entières a été fréquent, tant de la part du PAIGC que de l'administration
coloniale, afin de les soustraire au contrôle ennemi; d'autre part, la fuite vers l'extérieur du
territoire, notamment vers le Sénégal et la République de Guinée, a également constitué une
option pour des dizaines de milliers de Guinéens fuyant les effets directs du conflit et de la
répression politique.
Le rôle central de la mobilité de la population en tant que pratique sociale et stratégie de
subsistance au fil des siècles ne s'est cependant pas limité aux cas dans lesquels elle a été
motivée par des contacts — de nature belliqueuse, commerciale ou coloniale — avec des
groupes et des peuples originaires de l'extérieur du territoire. Même sur une base quotidienne, la
mobilité saisonnière ou permanente, motivée par des facteurs comme la pression
démographique sur la terre, la détérioration des sols ou la simple adaptation au cycle agricole
annuel, constituent des stratégies très communes pour la population qui habite ce territoire, dont
les origines se perdent dans les brumes de la mémoire. Les communautés de l'archipel des
Bijagós (région de Bolama) dont l'isolement et l'insularité permettraient difficilement de deviner
qu'elles sont caractérisées par des niveaux considérables de mobilité, possèdent également une
tradition ancestrale de mobilité saisonnière d'île en île au cours du cycle agricole annuel, afin de
pratiquer différentes récoltes.
La migration rurale-urbaine constitue une autre facette très importante des dynamiques de
mobilité qui caractérisent l'histoire de la Guinée-Bissau. Ses origines, en tant que processus
significatif, remontent à la période de la guerre d'indépendance et sont explicables par la fuite
provoquée par la destruction engendrée par le conflit (qui a en particulier touché les zones
rurales). L'afflux de la population vers des zones urbaines (en particulier Bissau) n'a toutefois
pas cessé avec la fin du conflit et avec l'indépendance. Au contraire, il a plutôt eu tendance à
s'accentuer au cours des décennies suivantes suite à la concentration d'opportunités
économiques dans les secteurs urbains et à la situation d'inconvénient cumulatif et d'abandon
relatif auxquelles ont été soumises les zones rurales, aussi bien pendant la période « dirigiste »
des premières années après l'indépendance que pendant la période qui a suivi le programme
d'ajustement structurel de la moitié des années 80 (Imbali, 1993). C'est ainsi que le pourcentage
estimé de la population guinéenne résidant dans des zones classées comme urbaines est passé de
moins de 15 % en 1960 à près de 30 % au milieu des années 90 (il s'est depuis stabilisé en
termes relatifs)21.
Si les paragraphes précédents illustrent largement jusqu'à quel point la mobilité interne est
un aspect central et récurrent de l'histoire de la Guinée-Bissau, il n'en est pas moins vrai que la
mobilité vers l'extérieur du territoire est également, et depuis longtemps, une pratique très
importante et extrêmement commune. Dans cette catégorie est incluse, en premier lieu, la
mobilité quotidienne des groupes ethnolinguistiques dont les territoires ont été traversés, de
manière arbitraire, par des frontières internationales tracées par des tiers (c'est le cas par
exemple des Felupes du nord de la Guinée-Bissau, appelés Diola dans la région de Casamance).
L'exemple le plus fini et significatif de la longue tradition de mobilité en dehors des frontières
de l'actuel territoire guinéen consiste cependant en un système migratoire qui unit depuis au
moins deux siècles la région nord de la Guinée-Bissau au Sénégal. Représenté principalement
(mais pas uniquement) par des éléments d'ethnie manjaque, les origines de ce système
migratoire remontent au rôle des Manjaques en tant qu'intermédiaires entre les commerçants
européens et locaux et les déplacements du nord de la Guinée-Bissau vers le Sénégal dans le
21
Source : World Bank, World Development Indicators (http://data.worldbank.org/indicator).
20
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
contexte de la culture de la cacahuète et de la récolte du caoutchouc (Diop, 1996; Carreiro et
Sangreman, 2011; Abreu, 2011).
Depuis une phase assez précoce (début du XIXe siècle, d'après Diop, 1996:47), la tradition
et l'expérience maritimes des Manjaques les a rendus particulièrement enclins à être recrutés par
les navires marchands qui opéraient sur la côte sénégalaise — ce qui a permis que lors d'une
phase postérieure, certains finissent par arriver, par l'intermédiaire de cette liaison maritime 22,
en France (en tant que métropole du Sénégal), commençant ainsi un courant migratoire
intercontinental. Reflétant également les origines historiques de ce processus, la nombreuse
communauté d'origine manjaque présente en France est encore aujourd'hui fortement concentrée
dans des villes portuaires ou dans leur voisinage — en particulier le long de la vallée de la
Seine, entre Le Havre et Paris, et dans la région de Marseille (idem, ibidem).
Outre ce prolongement intercontinental vers la France, qui allait gagner sa propre
dynamique et se consolider tout au long du XXe siècle, le courant migratoire lui-même à
destination du Sénégal (et aussi de la Gambie qui est fonctionnellement intégrée dans le même
système) s'est fortement renforcé au cours de la seconde moitié du XXe siècle, en conséquence
de l'augmentation de la pression démographique dans le nord de la Guinée-Bissau, de la
répression coloniale et, à partir de 1960, des effets directs de la guerre d'indépendance (qui ont
également amené un nombre significatif de Guinéens à chercher refuge en République de
Guinée ou Guinée-Conakry, qui constituait d'ailleurs la principale arrière-garde du PAIGC
pendant le conflit) (Galli et Jones, 1987).
L'indépendance de la Guinée-Bissau en 1973 et la fin de la guerre en 1974 ont introduit de
nouvelles transformations au niveau des flux migratoires internationaux provenant de la GuinéeBissau. D'une part, l'indépendance récemment conquise et la fin de la guerre ont permis le retour
d'une partie de la population qui se trouvait dans les pays voisins. La répression contre certains
groupes spécifiques pendant la période postindépendance a cependant eu pour conséquence de
faire en sorte que l'émigration mue, en tout cas partiellement, pour des raisons politiques ait
continué à être une réalité pendant la période postcoloniale. C'est le cas de la fuite d'un nombre
significatif de « luso-guinéens », caractérisé par différents types de liens avec l'administration
coloniale (incluant la participation à la guerre au service de l'armée coloniale) qui ont
accompagné les colons dans leur retour en métropole et ont constitué la première « vague » de
migrants guinéens qui se sont fixés au Portugal (Machado, 2002). C'est également le cas du flux
migratoire vers le Cap-Vert qui est le résultat des conditions plus hostiles par rapport aux
individus d'origine Cap-Verdienne après le coup d'État de 1980, dans le cadre duquel la
direction politique et l'administration publique de la Guinée-Bissau ont été purgées de
nombreux cadres et dirigeants Cap-Verdiens. C'est aussi le cas de la migration (ou permanence
à l'extérieur, typiquement au Sénégal) d’éléments, majoritairement d'ethnie manjaque, associés
au mouvement de libération et au parti politique FLING, qui ont été persécutés par le PAIGC au
cours de certaines phases de la période après l'indépendance.
Si, au cours de la première décennie après l'indépendance, les logiques fondamentales sousjacentes aux flux migratoires provenant de la Guinée-Bissau ont eu un caractère essentiellement
politique, à partir de 1980, la migration économique a commencé progressivement à s'imposer.
Dans ce contexte, caractérisé également par l'accélération de la migration rurale-urbaine
(comme mentionné), la migration intercontinentale vers l'Europe a constitué une soupape de
sécurité très importante face à la détérioration des conditions de vie dans les zones rurales,
permettant de mitiger ce qui aurait pu être un processus d'urbanisation encore plus explosif et
permettant l'accès, par de nombreuses familles, à un flux d'envois de fonds qui a assumé de plus
en plus d’importance à l'échelle nationale. Contrastant avec ce qui avait été jusque-là la
principale tradition de migration intercontinentale guinéenne (vers la France, via le Sénégal), la
partie la plus substantielle des flux migratoires vers l'Europe à partir de 1980 a reposé sur le lien
postcolonial et a eu le Portugal pour destination principale. Ont contribué à ce changement d'une
22
Curieusement, cela se reflète dans l'expression qui, en langue manjaque, désigne ces pionniers de la migration intercontinentale :
« napat ubabul » qui signifie littéralement « ceux qui rament vers la terre des blancs ».
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
21
part la politique migratoire plus restrictive adoptée en France suite à la crise économique des
années 70 qui a impliqué des restrictions significatives à la nouvelle immigration de main
d'œuvre (bien que d'autres canaux, comme le regroupement familial, aient continué à être assez
accessibles); d'autre part, la forte recherche de main-d'œuvre faiblement qualifiée par
l'économie portugaise (découlant de la modernisation infrastructurelle associée à l'adhésion à la
CEE en 1986), avec des liens linguistiques, culturels et historiques qui unissaient le Portugal et
les pays africains d'expression portugaise, dont la Guinée-Bissau.
Les décennies de 1980 et 1990 ont ainsi constitué l'apogée de la migration guinéenne de
main-d’œuvre vers le Portugal. Comme cela a été signalé par Machado (2000), cette seconde
grande vague migratoire vers le Portugal a présenté des caractéristiques assez distinctes de
celles de la première vague (de la période immédiatement après l'indépendance) que nous avons
mentionnée ci-dessus: tandis que la première vague était tendanciellement urbaine, originaire
de la « société créole » et plus qualifiée, la seconde vague, associée à l'immigration de main
d'œuvre des années 80, s'est révélée bien plus diverse en matière d'origines ethniques et
géographiques (en ce qui concerne les contextes d'origine en Guinée-Bissau) et était
typiquement moins qualifiée.
Le premier quart de siècle après l'indépendance, en ce qui concerne les caractéristiques
principales de la constellation migratoire guinéenne, a ainsi été dominé par les toujours
importantes dynamiques de mobilité sous-régionales (principalement vers le Sénégal, la Gambie
et le Cap-Vert); par le très progressif déclin du courant migratoire vers la France (motivée par
la faible rénovation des flux migratoires et par l'intégration progressive des descendants dans la
société d'accueil); et par l'apogée de la migration postcoloniale vers le Portugal dans les années
80 et 90 (qui enregistrera un nouveau pic au moment du conflit politico-militaire de 1998-99, en
vertu du flux de réfugiés qui a alors été constaté). De pair avec tout cela, nous avons également
constaté un flux, moins nombreux en termes agrégés, mais beaucoup plus divers en termes de
destinations, associé à la migration d'étudiants typiquement dans le cadre des accords
intergouvernementaux de coopération. Dans ce contexte, les pays de l'ancien bloc de l'Est ont
assumé une grande importance, en particulier pendant les premières années après
l'indépendance, mais également des destinations comme le Maroc, Cuba, l'Italie ou le Brésil (et
le Portugal naturellement). Dans quelques-uns de ces cas, la transition de certains de ces
étudiants vers le marché du travail des pays d'accueil devrait donner lieu à la formation de
communautés guinéennes ayant une certaine expression quantitative.
Pour finir, la dernière décennie correspond à la période de diversification de la migration
guinéenne en matière de modèles de dispersion géographique. Plusieurs facteurs ont contribué à
cela. En ce qui concerne les migrants déjà établis en Europe, l'accès à un statut légal stable, voire à la
nationalité du pays d'accueil (nommément le Portugal), en vertu des nombreuses années de séjour, a
rendu plus facile la mobilité intra-européenne pour de nombreux migrants. D'autre part, le
ralentissement (puis la contraction) de l'économie portugaise au cours des années 2000 — et, en
particulier, des secteurs des travaux publics et du bâtiment, particulièrement touchés par la trajectoire
économique adverse — a incité un grand nombre de migrants guinéens à émigrer de nouveau vers
un ensemble de nouvelles destinations européennes. L'Espagne, où la crise économique s'est
installée plus tardivement qu'au Portugal, a été un cas particulièrement expressif dans ce contexte et
a accueilli de nombreux milliers de migrants guinéens, dans leur grande majorité provenant du
Portugal, au cours de la seconde moitié de la décennie de 2000 (bien que toutes les indications
suggèrent que le pic aurait été atteint il y a de nombreuses années et que depuis la tendance est à la
diminution). La remigration vers la France (profitant des réseaux associés au système migratoire plus
ancien vers ce pays), le Luxembourg et le Royaume-Uni aurait cependant également assumé une
certaine importance quantitative et qualitative. Parallèlement à tout cela, la facilité relative de
circulation dans le cadre de la CEDEAO et la dynamique de croissance économique exhibée par
certains pays africains avec des liens particulièrement importants avec la Guinée-Bissau (comme le
Cap-Vert et l'Angola) ont également contribué, dans le contexte africain, à cette diversification des
destinations de la migration guinéenne qui se reflète sur les modèles actuels de dispersion de la
diaspora (Carreiro et Sangreman, 2011).
22
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
2.4. La diaspora guinéenne dans l'actualité: un portrait
statistique
La caractérisation de la dispersion quantitative de la diaspora guinéenne n'est pas une tâche facile.
Cette difficulté est due à des obstacles d'ordre divers, comme : i) l'invisibilité statistique des
communautés guinéennes présentes dans divers pays d'accueil, aussi bien en raison de la porosité
des frontières (notamment dans la CEDEAO et l'UE) que de l'acquisition de la nationalité des pays
de destination par un nombre élevé de migrants, nommément au Sénégal, en France et au
Portugal; ii) les limitations des instruments de recueil des données utilisées aussi bien par les
organismes statistiques des pays d'accueil que par les représentations consulaires de la GuinéeBissau; et iii) le fait que les communautés guinéennes résidant dans la plupart des pays d'accueil,
en vertu de leur dimension relativement réduite (face à la population totale de ces pays ou à la
dimension des autres communautés d'immigrants) ne fassent pas toujours l'objet d'une attention
statistique individualisée, en particulier en ce qui concerne la publication des données.
D'après la Global Migrant Origin Database,23 de 2007, les pôles les plus nombreux de la
diaspora originaire de la Guinée-Bissau (graphique 2.5) sont le Sénégal (32 628 individus), le
Portugal (21 435), la Gambie (17 130) et la France (8 125). En ajoutant à ces nombres les
communautés guinéennes (moins nombreuses) indiquées pour les autres pays, nous obtenons un
total global consistant avec les 111 300 migrants internationaux mentionnés par la Banque
mondiale en 2011, soit près de 7 % de la population totale de la Guinée-Bissau (World Bank,
2011). Cela étant, il existe toutefois de forts indices que ces chiffres sous-estiment
significativement la dimension et l'importance réelles de la diaspora guinéenne. Pour que nous
comprenions quelles en sont les raisons, examinons plus en détail chacun des principaux pays
d'accueil de la diaspora guinéenne.
Graphique 2.5 : principaux pôles de concentration de la population migrante d'origine
guinéenne
35.000
32628
30.000
25.000
21435
17130
20.000
15.000
8125
10.000
7448
7326
6107
5701
5.000
ag
ne
Al
le
m
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a
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l
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Sé
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l
0
Source : SCMR, Global Migrant Origin Database, 2007 (v.4.0).
Comme nous l'avons vu au point précédent, la Guinée-Bissau, le Sénégal (en particulier
Dakar et la région de Casamance) et la Gambie sont liés par une longue tradition de mobilité,
23
La base de données du Sussex Centre for Migration Research (SCMR), produite à partir de la compilation de plusieurs sources
officielles, utilise le lieu de naissance comme critère primaire et la nationalité comme critère complémentaire. Disponible sur
http://www.migrationdrc.org/research/typesofmigration/global_migrant_origin_database.html.
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
23
qui concerne essentiellement les groupes ethniques du nord de la Guinée-Bissau (Manjaques,
Mancagnes et Felupes), mais qui inclut aussi d'autres groupes, comme les Balantas et les Peuls,
en nombres significatifs. Les origines lointaines de ce système migratoire et la porosité de la
frontière ont pour conséquence qu'il est extrêmement difficile d'estimer le nombre d'individus
d'origine guinéenne présents tant au Sénégal qu'en Gambie. Il est en tout cas probable que
l'apogée des flux migratoires ait eu lieu lors de la phase finale de la période coloniale, comme
cela est soutenu par l'estimation, avancée par Galli et Jones (1987), de 87 000 Guinéens qui y
sont présents à la fin des années 80.
Malgré cela, que les 33 milliers indiqués par la base de données du SCMR constituent ou
pas une sous-estimation (comme cela semble probable), il semble certain que le Sénégal
constitue le plus nombreux et significatif pôle de la diaspora guinéenne — en particulier si nous
ajoutons au contingent qui s'y trouve les très nombreux milliers qui résident en Gambie (qui, en
termes fonctionnels, peuvent être considérés comme une partie du même système migratoire).
D'après diverses sources (e.g. Diop 1996), la grande majorité de cette population est concentrée
dans la région de Casamance, de Gambie et de Dakar ; elle présente un taux élevé de
féminisation et exerce majoritairement des professions peu qualifiées et faiblement rémunérées
(comme les ménages ou la production de broderies), ce qui contribue à expliquer leur capacité
limitée pour des envois de fonds (par rapport à la dimension de la communauté).
Les près de 20 500 migrants d'origine guinéenne indiqués par le SCMR comme résidant au
Portugal constituent également, d'après les différents indices, une sous-estimation — bien que la
grande tendance à la remigration ou le retour temporaire en Guinée-Bissau, ces dernières
années, rendent particulièrement difficile d'avancer des estimations avec un degré élevé de
crédibilité. Le Service des étrangers et des frontières portugais mentionne dans son rapport
annuel de 2010 (SEF, 2010) un total de 19 187 citoyens de nationalité guinéenne en situation
régulière au 31 décembre 2010 — ce qui représente une diminution significative par rapport aux
22 945 mentionnés à peine un an auparavant (SEF, 2009). L'Eurostat, pour sa part, indique une
population totale de nationalité guinéenne qui s'élevait à 23 672 en 2010 — impliquant une
réduction de près de cinq mille personnes par rapport à 2008 (28 871).24
Face à ces valeurs, il y a deux aspects que nous pouvons considérer comme certains: en
premier lieu, que n'importe lequel de ces nombres sous-estime de manière significative la
dimension et l'importance réelles de la communauté d'origine guinéenne résidant au Portugal
qui inclut également les migrants qui ont acquis la nationalité portugaise au fils des ans, ceux
qui se trouvent dans le pays en situation irrégulière, mais aussi les descendants de migrants
guinéens (motif qui mène certains chercheurs à indiquer une estimation totale de l'ordre de
40 000 (Abreu, 2011); d'autre part, que la communauté guinéenne résidant au Portugal a
enregistré ces dernières années une forte tendance à la diminution, suite aux stratégies de
remigration et de retour temporaire adoptées dans le contexte de la récession économique et de
la contraction du marché de travail enregistrés au Portugal ces dernières années. Ce dernier fait
ne doit cependant pas être compris comme impliquant une tendance inexorable à l'abandon
permanent du Portugal par cette communauté : les récits de stratégies de remigration temporaire
pour la recherche d'emploi, comme forme d'adaptation à la conjoncture défavorable où les
familles demeurent au Portugal et où il existe une intention de revenir dans ce pays lorsque la
situation au niveau du marché du travail enregistrera une amélioration sont très fréquents.
Le profil socioprofessionnel de la communauté d'origine guinéenne résidant au Portugal
reflète la superposition des différentes vagues migratoires qui ont été à son origine — incluant
notamment des flux migratoires relativement qualifiés, principalement les premières années
après l'indépendance et au moment du conflit de 1998-99; un important courant d'immigration
essentiellement de main-d'œuvre, masculine et relativement peu qualifiée, dont le pic a eu lieu
entre 1985 et le virage du millénaire; mais aussi l'immigration (et transition postérieure vers le
marché du travail) par un nombre considérable d'étudiants universitaires guinéens. En
conséquence de cette conjugaison de profils, nous constatons au sein de la communauté
24
http://epp.eurostat.ec.europa.eu/portal/page/portal/population/data/database#.
24
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
guinéenne, une tendance à la surreprésentation aussi bien dans des segments peu qualifiés du
marché du travail secondaire (bâtiment, ménages, surveillance et sécurité) que dans certains
segments hautement qualifiés (médecins, ingénieurs et autres professionnels hautement
qualifiés).
La France quant à elle est le plus ancien pôle européen de la diaspora guinéenne, mais c'est
également le pays où l'invisibilité statistique de cette communauté est certainement la plus
intense. Cela est dû à deux facteurs principaux: en premier lieu, le fait qu'une partie
substantielle de cette communauté se soit installée en France après avoir résidé pendant quelque
temps au Sénégal et, pour cela, possède la nationalité sénégalaise (et y est très souvent née),
malgré son lien identitaire très fort à la Guinée-Bissau (ou plus exactement au « sol Manjaque »);
en second lieu, le fait que les politiques françaises d'intégration et de nationalité ont une
tendance fortement assimilationniste et sont basées sur le jus soli, raison pour laquelle la plupart
des membres de cette communauté, indépendamment de l'effectivité des liens qui les unissent à
la Guinée-Bissau et de l'importance de leurs pratiques transnationales, possèdent la nationalité
française et n'apparaissent pas dans les statistiques comme étant guinéens. La communauté
d'origine guinéenne présente en France dépassera donc certainement les 15 000 personnes
estimées par Diop (1996: 61) dans les années 1980 (mentionnant exclusivement les individus
d'origine manjaque), de nombreux informateurs de cette communauté indiquent des valeurs
actuelles de l'ordre de 40 000 à 50 000, sans que cela ne soit reflété dans les statistiques
officielles: la base de données du SMCT indique à peine 8 125 (en 2007); l'Eurostat mentionne
2 491 en 2005 (de façon assez surprenante, compte tenu des 7 596 indiqués pour 1999) 25; et
l'INSEE ne signale que 1 714 individus économiquement actifs de nationalité guinéenne
résidents en France en 2006 26.
Comme indiqué au point précédent, certains pays européens ont récemment émergé comme
nouveaux pôles significatifs de la diaspora guinéenne, dans le contexte des stratégies de
remigration en réponse aux altérations des conditions du marché de travail (en particulier au
Portugal). L'Espagne et le Royaume-Uni assument une importance particulière parmi ces pays.
Cependant, le caractère très récent de ces flux migratoires et leur grande fluidité ont pour
conséquence l'absence de traduction statistique de ces nouvelles tendances. Dans le cas de
l'Espagne par exemple, il y a de forts indices ad hoc que la communauté guinéenne aurait
enregistré une croissance très significative il y a environ 5 ans (le marché du travail espagnol
ayant maintenu un certain dynamisme pendant plus longtemps que le portugais au moment du
choc initial de la crise économique), mais la tendance la plus récente est dans le sens d'une
réduction également abrupte, en raison de l'aggravation de la récession en Espagne et des taux
très élevés de chômage enregistrés par ce pays. Par conséquent, les valeurs statistiques relatives
à la communauté guinéenne résidant dans ce pays ont un degré de fiabilité très limité : le SCMR
indique 2 226 individus en 2007 (soit avant le pic de remigration depuis le Portugal) alors que
l'Eurostat mentionne 6 679 en 2010, mais il est probable que la communauté guinéenne dans ce
pays, au moment de son apogée, ait été beaucoup plus nombreuse — bien qu'il soit également
très probable qu'elle ait entretemps enregistré une forte réduction.
Pour conclure ce portrait indicatif de la distribution de la diaspora guinéenne dans
l'actualité, il est également important de mentionner un ensemble de pays qui, bien que moins
significatifs dans les statistiques officielles, assument une grande importance pour différentes
raisons : plusieurs pays de l'Afrique occidentale, comme la Guinée-Conakry (7 326 d'après le
SCMR 2007), le Burkina Faso (7 448) et le Ghana (6 107), dans le contexte desquels la
migration guinéenne est probablement liée au fonctionnement de réseaux commerciaux intraethniques et de mécanismes de recrutement de main-d'œuvre 'par la base' 27 ; l'Angola, une
'nouvelle destination' qui, du point de vue statistique, est encore invisible, mais dont de
nombreux indices montrent que ce pays a assumé une importance croissante ces cinq dernières
25
http://epp.eurostat.ec.europa.eu/portal/page/portal/population/data/database#.
http://www.insee.fr/fr/themes/detail.asp?reg_id=99&ref_id=pop-immigree-pop-etrangere.
Auxquels il faut aussi ajouter le Cap-Vert où des sources ad hoc désignent une population immigrante guinéenne de l'ordre de
10 000 individus, bien qu'une fois de plus, la plupart soient statistiquement invisibles.
26
27
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
25
années, notamment en raison de ses liens historico-linguistiques proches avec la Guinée-Bissau
et de ses importants taux de croissance économique, deux destinations principales sur le
continent américain, à savoir, le Brésil (principalement dans le contexte de la migration des
étudiants) et les États-Unis (en partie d'après des routes migratoires Cap-Verdiennes) ; mais
aussi d'autres destinations européennes comme l'Allemagne (5 701 d'après le SCMR 2007), le
Luxembourg et l'Italie, qui se sont renforcés comme pôles de la diaspora ces dernières années en
raison de la diversification des destinations découlant de la conjoncture économique dans les
destinations les plus traditionnelles (ce qui, dans certains cas, est venu s'ajouter à des
communautés préalablement existantes découlant de liaisons migratoires d'étudiants).
En résumé, les sources statistiques officielles sont assez limitées dans leur capacité à
transmettre un portrait fidèle et actuel de la distribution de la diaspora guinéenne. Cela découle
d'un ensemble de motifs difficilement contournables qui incluent la rapidité de réorientation des
flux en réponse à des changements de la conjoncture économique, ainsi que le fait qu'une partie
très significative de la diaspora qui, malgré l'intensité des liens identitaires et affectifs qui
l'unissent au pays d'origine, ne possède pas encore la nationalité guinéenne (ou ne la déclare pas
dans les exercices de recensement statistique).
Cela n'empêche cependant pas que nous puissions parvenir à une série de conclusions
principales, validées par le croisement de sources qualitatives et quantitatives, incluant les
contacts maintenus sur le terrain aussi bien en Guinée-Bissau qu'au sein de la diaspora: i) que la
migration dans la sous-région de l'Afrique occidentale représente, du point de vue quantitatif, la
grande majorité de la migration internationale originaire de Guinée-Bissau; ii) que la France et
le Portugal continuent à être les principaux pôles européens de la diaspora (aussi bien en termes
de contingent d'origine guinéenne qu'en tant que bases pour les processus de circulation intraeuropéenne); iii) que la dernière décennie correspond à la période de diversification
'cosmopolite' de la migration et de la diaspora guinéennes, dans le contexte duquel différentes
nouvelles destinations (Espagne, Royaume-Uni, Luxembourg, Angola, entre autres) se sont
assumées comme d'importantes nouvelles extensions de la diaspora ; et iv) qu'étant donné la
forte tendance à la sous-représentation statistique des communautés d'origine guinéenne résidant
dans chacun de ces pays existant, nous pouvons également conclure avec un degré élevé de
certitude que la véritable importance quantitative de la diaspora guinéenne globale dépasse
largement les 7% de la population totale de la Guinée-Bissau estimés par la Banque mondiale
(World Bank, 2011a).
26
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
3. Les communautés guinéennes au Portugal et
en France
Le Portugal et la France sont deux des plus importants contextes d'accueil de la diaspora
guinéenne en dehors du continent africain. De plus, les Guinéens immigrés dans ces deux pays
ont démontré une capacité inégalée à contribuer au bien-être de leurs familles, communautés et
régions d'origine, comme l'illustre le modèle géographique des envois de fonds vers la GuinéeBissau; en 2007, par exemple, 80,5 % du volume total des envois de fonds formels à
destination du pays ont eu pour origine le continent européen (lisons en grande partie le
Portugal et la France), comparé aux 17,7 % provenant d'autres pays africains28 (United Nations,
2010).
Les communautés d'origine guinéenne en Europe sont liées à la Guinée-Bissau et
contribuent à son développement socio-économique de bien d'autres formes, en plus de l'envoi
d'argent : en investissant dans des activités productives, aussi bien à distance qu'après le retour;
en envoyant des biens en vue de la satisfaction des besoins privés ou collectifs ou encore pour
une utilisation productive; en concevant et mettant en œuvre des projets communautaires qui
complètent le rôle de l'État ou colmatent les lacunes de l'action de celui-ci; en agissant comme
des ambassadeurs informels de la culture, de la société et de l'économie guinéenne auprès de
l'extérieur; en accompagnant et participant au débat politique; en finançant des activités
religieuses comme les déplacements à La Mecque ou en revenant en Guinée-Bissau de manière
temporaire ou permanente pour y appliquer les connaissances et les compétences acquises à
l'extérieur. Dans chacun de ces sens, les communautés guinéennes au Portugal et en France ont
joué de manière consistante un rôle déterminant dans le processus de développement de la
Guinée-Bissau - justifiant ainsi que nous nous intéressions plus en détail à celles-ci.
3.1. Aspects généraux
Lieu de naissance, nationalité et identité
Les communautés d'origine guinéenne en France et au Portugal possèdent des origines
historiques et des caractéristiques assez distinctes, comme nous l'avons vu au chapitre
précédent. D'une manière résumée, le courant migratoire de la Guinée-Bissau vers la France est
vieux de près d'un siècle; il a été en grande partie coordonné par un contexte migratoire
intermédiaire (le Sénégal); il provient dans sa grande majorité d'un contexte spécifique (zones
rurales du «sol Manjaque», dans le nord de la Guinée-Bissau) et il a atteint depuis longtemps la
maturité, tant en termes d'assimilation formelle de la communauté que parce que celle-ci se
trouve depuis plusieurs décennies dans une phase de déclin par rapport à la rénovation des flux.
En opposition, la migration guinéenne vers le Portugal est un phénomène essentiellement
postcolonial; elle n'a pas impliqué l'existence d'un contexte migratoire intermédiaire (à
l'exception, dans certains cas, de la ville de Bissau elle-même); elle est beaucoup plus
diversifiée en termes d'origines ethniques et géographiques, mais aussi en termes de profils de
qualifications et socioprofessionnels; et la tendance à la diminution quantitative constatée ces
dernières années semble en tout cas pour l'instant ne constituer qu'une réponse conjoncturelle
(par la voie de stratégies de remigration ou de retour temporaire) à la situation particulièrement
difficile constatée sur le marché du travail portugais (surtout dans les segments qui emploient le
28
Il est certain que la proximité géographique et l'adoption d'une monnaie commune dans l'espace de l'UEMOA augmentent
significativement la prédominance de l'envoi de fonds « de la main à la main » dans le cas des contextes d'accueil africains, en
particulier le Sénégal. Cependant, une partie très substantielle de ce différentiel est due au fait que la situation économique des
migrants en Europe soit en général bien plus favorable et permette l'envoi de plus grosses sommes.
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
27
plus les migrants guinéens) et bien qu'elle pourrait naturellement assumer des contours
structurels de fin de cycle.
Plusieurs de ces différences sont clairement illustrées par les résultats des sondages réalisés
dans le cadre de cette étude auprès des deux communautés en question. Un premier exemple est
la comparaison entre les distributions de la variable «année d'installation dans le pays de
destination». Parmi les 77 migrants guinéens concernés par le sondage au Portugal, la grande
majorité (86%) est arrivée en 1998 ou après, ceux qui se sont installés au Portugal avant 1986
étant résiduels (3%); parmi les 86 immigrés d'origine guinéenne concernés par le sondage en
France qui ont indiqué leur année d'installation (excluant ainsi les 14 qui sont déjà nés en
France), nous constatons au contraire une surreprésentation de la période 1974-1990 (avec 47%
des réponses), illustrant clairement le caractère plus ancien de la migration guinéenne vers la
France. D'ailleurs, le motif probable pour lequel les décennies avant 1970 ne sont pas plus
représentées dans le sondage réalisé en France (bien qu'elles aient correspondu, d'après toutes
les indications, à l'apogée de ce courant migratoire) est le fait que la plupart des migrants arrivés
à cette époque soient entre-temps décédés, revenus en Guinée-Bissau ou actuellement trop âgés
pour pouvoir être inclus dans l'échantillon.
Une autre différence fondamentale qui découle des différentes histoires de ces deux
courants migratoires est le fait que dans le cas portugais les liens identitaires, affectifs et
familiers avec la Guinée-Bissau sont accompagnés, dans la grande majorité des cas, par des
liens de nationalité et lieu de naissance tandis que dans le cas de la communauté d'origine
guinéenne résidant en France, nous trouvons une superposition de générations caractérisées par
différents types de liens en terme de lieu de naissance et nationalité. Il s'agit d'une question où la
comparaison directe avec les données relatives au contexte portugais n'est pas possible, car
l'échantillon utilisé par Carreiro et Sangreman (2011) a délibérément été sélectionné à partir du
critère de la nationalité (guinéenne), mais par rapport auquel le sondage réalisé maintenant en
France permet certaines conclusions très intéressantes.
Pour contextualiser cette relation entre identité, lieu de naissance et nationalité dans le cas
de la communauté d'origine guinéenne résidant en France, il est utile de commencer par attirer
l'attention sur la distribution de l'échantillon en ce qui concerne l'identité ethnique des personnes
ayant répondu, telle qu'elles l'ont elles-mêmes indiqué. Les faits permettent, en particulier, deux
conclusions principales: i) la très forte prédominance du groupe ethnique Manjaque (près de
29
90%) et ii) le fait que les référentiels identitaires correspondant aux groupes ethniques de la
Guinée-Bissau sont, pratiquement sans exception, assumés spontanément par les personnes
interrogées. Le résultat immédiatement antérieur assume un intérêt particulier, attendu qu'une
bonne partie (40%) de l'échantillon n'est pas née en Guinée-Bissau (incluant 24% des
personnes interrogées qui sont nées au Sénégal et 14% en France).
Ce croisement entre les liens d'identité, de lieu de naissance et de nationalité est complet
lorsque nous examinons les nationalités déclarées par les personnes interrogées, qui révèlent des
aspects très significatifs et intéressants. Parmi les personnes qui ont répondu de manière valide à
cette question, 61% ont déclaré posséder deux nationalités ou plus (y compris deux cas de
trinationalité: guinéenne, sénégalaise et française). Cependant, si elles sont considérées
isolément, la nationalité la plus commune de l'échantillon est la française (58% des réponses),
suivie par la guinéenne (48%), sénégalaise (44%) et portugaise (14%).
L'analyse conjointe des différents résultats indiqués jusqu'à présent révèle qu'au contraire
de ce qui se passe tendanciellement dans le cas de la communauté guinéenne résidante au
Portugal, la communauté guinéenne résidante en France présente une forte disjonction et
complexité en ce qui concerne l'articulation entre lieu de naissance, identité et nationalité. Tous
ou presque tous se considèrent liés identitairement à leur groupe ethnique d'origine (et, plus que
29
Cet aspect spécifique doit être interprété avec prudence, compte tenu du biais intrinsèque associé à l'échantillonnage snowballing
(il est plus probable que des individus ayant des identités ethniques identiques appartiennent aux mêmes réseaux sociaux).
Remarquons cependant que ce pourcentage approximatif (près de 90 %) est consistant avec l'estimative globale du poids relatif du
groupe ethnique manjaque sur la communauté d'origine guinéenne en France (85 %-90 %), comme cela est avancé par plusieurs
sources qualitatives (notamment, au moment des entretiens avec des dirigeants associatifs).
28
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
cela et dans le cas de la grande majorité, au 'sol manjaque') bien que 40% d'entre eux soient nés
dans un pays autre que la Guinée-Bissau et que moins de la moitié soient citoyens de la GuinéeBissau. Toutefois, comme nous l'avons suggéré, ni l'absence de citoyenneté formelle ni le lieu
de naissance non guinéen n'impliquent l'absence de lien identitaire. Au contraire: dans le cas
des individus qui sont nés au Sénégal et sont partis en France au cours de leur enfance ou
jeunesse, par exemple, ce que nous trouvons typiquement est l'assomption explicite d'une triple
identité, correspondant respectivement à la socialisation primaire (identité guinéenne ou plus
concrètement et typiquement, manjaque), au contexte de socialisation secondaire précoce
(identité sénégalaise) et au contexte de socialisation secondaire tardive (identité française). Il est
important de signaler qu'il ne s'agit pas d'une minorité: le pourcentage de personnes qui ont
résidé au moins un an au Sénégal (66%) est même supérieur à celui de ceux qui ont résidé au
moins un an en Guinée-Bissau (65%) 30.
Il s'agit d'un phénomène qui n'a pas de parallèle dans le cas de la communauté guinéenne au
Portugal, compte tenu du caractère beaucoup plus récent du courant migratoire et de l'absence
d'un contexte migratoire intermédiaire. Dans ces cas, nous sommes face à une communauté où:
presque tous (sauf les descendants presque toujours mineurs) sont des immigrants, dans le sens
où ils sont nés en Guinée-Bissau et ont immigré au Portugal; presque tous (une fois de plus sauf
quelques descendants) sont nationaux de la Guinée-Bissau (bien qu'une partie de ceux qui se
trouvent au Portugal depuis plus longtemps ait entre-temps acquis la nationalité portugaise) et
où le lien identitaire présente des traits moins complexes.
Les différences enregistrées à ce niveau entre les deux communautés impliquent certaines
conséquences importantes en ce qui concerne la liaison présente et potentielle au pays d'origine
qu'il faut prendre en compte. Dans le cas de la communauté guinéenne en France, l'absence d'un
lien juridique formel de citoyenneté guinéenne (pour la plupart), la conjugaison avec deux
autres référentiels identitaires susceptibles de mobilisation et le fait qu'un pourcentage élevé ne
soit pas né et n'est pas résidé en Guinée-Bissau constituent, tous, des « facteurs de risque » en ce
qui concerne la robustesse du lien avec ce pays. Jusqu'à présent, cependant, ces facteurs
semblent ne pas avoir empêché le maintien et la rénovation des dynamiques transnationales qui
relient cette communauté à la Guinée-Bissau (voir section suivante). Les dynamiques internes
de la communauté guinéenne en France (incluant sa densité associative et l'organisation
d'évènements et de célébrations communautaires) ont excessivement contribué à cela, de même
que l'importance donnée par la famille et la communauté en général à l'éducation et à la
socialisation selon des normes et des valeurs culturelles qui sont en partie celles du contexte
original en Guinée-Bissau (il est par exemple fréquent que les jeunes nés en France se rendent
pendant leur enfance ou leur adolescence en Guinée-Bissau afin de participer à des cérémonies
initiatiques de leur groupe ethnique).
Il ne faut cependant pas oublier que les facteurs de risque indiqués ci-dessus, en particulier
dans un contexte de manque de rénovation des flux migratoires vers la France mettent cette
communauté dans une phase charnière où les dynamiques transnationales tendront de plus en
plus à devenir une question d'option (par opposition à l'obligation sociale) et, comme tel, plus
conditionnelles et susceptibles d'abandon. C'est sous cette lumière que doivent être interprétées
les déclarations de plusieurs jeunes dirigeants d'associations de la communauté guinéenne
(socialisés au Sénégal et/ou en France et correspondants au profil indiqué ci-dessus) lorsqu'ils
mentionnent la mise en place de projets de développement en Guinée-Bissau. Comme l'a
mentionné l'un d'entre eux, « avec nous, les choses se sont passées d'une manière différente de
celle des plus vieux. Ils ont beaucoup fait pour la Guinée-Bissau et ont souffert de nombreuses
déceptions. Nous voulons aider, mais nous ne sommes pas disposés à tolérer ce qu'ils ont
toléré.»
30
À ce propos, il est intéressant de signaler que 22 % des personnes (communauté guinéenne en France) ont affirmé avoir résidé au
moins un an au Portugal, ce qui révèle des liens, plus forts que celui envisagé habituellement, entre ces deux communautés. Il s'agit
en grande partie d'un phénomène récent : La France est une destination pour une bonne partie de la remigration récente depuis le
Portugal et, effectivement, la grande majorité des 22 % susmentionnés affirme s'être installée en France ces dernières années. Il faut
également mentionner les 9 % qui ont résidé plus d'un an dans des pays outre que la Guinée-Bissau, le Sénégal et le Portugal
(typiquement en Gambie).
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
29
Profils de qualifications et trajectoires d'insertion socioprofessionnelle
L'apogée de la migration guinéenne en France a eu lieu dans le contexte des décennies «
dorées » de croissance économique après la 2e Guerre mondiale, époque où les nouveaux
migrants guinéens, pour la plupart Manjaques, correspondaient à la recherche accrue de maind'œuvre immigrante du secteur industriel français. Cette diversification au niveau des trajectoires
d'insertion socioprofessionnelle (des emplois liés aux activités maritimes et portuaires, dominantes
parmi les 'pionniers' des décennies précédentes, pour des emplois majoritairement dans le secteur
industriel) a également assumé une expression spatiale propre: c'est de cette époque que date la
dispersion géographique de la communauté d'origine guinéenne vers les villes et les régions de
concentration de l'industrie transformatrice française, en particulier pour le secteur de la
production automobile et, en termes spatiaux, vers la vallée de la Seine, entre Le Havre et Paris
(Rouen, Mantes-la-Jolie, Évreux…). Au cours des décennies les plus récentes (après des phases
maritime-portuaire et industrielle), une troisième période a eu lieu, caractérisée par la
diversification socioprofessionnelle (bâtiment, emplois à faibles qualifications dans le secteur des
services) à laquelle a également correspondu une diversification spatiale (les générations les plus
jeunes, correspondant à ce profil, ont tendance à se déplacer progressivement vers de nouvelles
zones résidentielles, notamment dans la région de Paris-Ile de France).
Dans le cas de la communauté guinéenne au Portugal, le modèle présente des similitudes,
mais également des différences importantes. Comme Carreiro et Sangreman l'ont signalé (2011),
les emplois sur le marché du travail secondaire, en particulier dans les secteurs du bâtiment et des
services (ménages, restauration) assument un poids prépondérant dans le profil socioprofessionnel
actuel de cette communauté — et, dans cet aspect, la communauté au Portugal ne se distingue pas
de la toute dernière mutation de la communauté guinéenne de France. Ce qui était absent, et l'est
encore, dans le cas de la communauté au Portugal, est l'élément concernant l'emploi industriel qui,
dans le cas français et par l'intermédiaire des migrants des générations plus âgées, trouve encore
une certaine expression dans les résultats du présent sondage.
Une autre question, qui assume une grande importance aux fins de la présente étude et qui
s'avère particulièrement intéressant d'analyser, à la lumière des histoires migratoires et des
profils socioprofessionnels, est celle des modèles de qualifications. D'une façon surprenante ou
pas, ce que nous trouvons est une différence très significative entre les communautés
guinéennes du Portugal et de France: la seconde présente un profil de qualifications scolaires
très en dessous de celui de la première. Cela s'explique par diverses raisons. Comme cela a déjà
été mentionné, la migration guinéenne vers la France a eu pour origine un contexte
sociogéographique assez spécifique — les zones rurales du « sol manjaque » (et ses extensions
au Sénégal)—, elle remonte à une époque plus lointaine (où l'offre de formation scolaire dans le
contexte d'origine, aussi bien guinéen que sénégalais, était plus limitée) et a été traitée, en
grande partie, par des réseaux migratoires associés à des processus de recrutement de maind'œuvre adressés à des emplois industriels à faibles qualifications. C'est cette conjonction de
facteurs, en particulier entre les générations plus âgées, qui explique que presque 60% des
personnes ayant répondu au sondage réalisé en France aient des qualifications inférieures à
l'enseignement primaire complet. Comme il fallait s'y attendre, les personnes interrogées
(relativement peu nombreuses) ayant des qualifications élevées dans le cas de la communauté
guinéenne en France sont beaucoup plus jeunes que la moyenne de l'échantillon.
Dans le cas de la communauté guinéenne au Portugal, au contraire, nous trouvons un profil de
qualifications beaucoup plus élevées, avec un pourcentage élevé de personnes interrogées (55%)
indiquant des niveaux de qualifications égales ou supérieures au niveau secondaire complet. Par
contraste avec la situation constatée dans le cas de la communauté guinéenne de France, ce
résultat s'explique (outre l'éventuel biais introduit par la méthodologie snowballing) par le
caractère plus récent de la migration guinéenne vers le Portugal (qui a impliqué un accès accru à la
formation scolaire dans le pays d'origine), par les différences au niveau du contexte d'origine en
Guinée-Bissau (moins concentré dans les zones rurales), par l'importance de la migration
30
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
d'étudiants vers le Portugal et par les caractéristiques des flux qui, à divers moments historiques,
ont donné origine à la communauté guinéenne au Portugal (dont certains ont présenté des profils
de qualification assez élevés). Curieusement, cette différence au niveau des qualifications ne se
reflète pas au niveau des trajectoires d'insertion socioprofessionnelle qui, à l'exception des
différences déjà signalées, sont d'une manière générale assez similaires entre les communautés
dans les deux pays. Comme Carreiro et Sangreman l'ont signalé (2011), cela reflète un problème
généralisé de non utilisation de compétences dans le cas portugais, découlant de problèmes
structurels du marché du travail de ce pays, aggravés par des mécanismes spécifiques de
discrimination dans le cas des Guinéens. Le cas français, par opposition, correspond à des
trajectoires d'insertion socioprofessionnelle relativement conformes aux profils de qualifications.
Ces conclusions ont quelques implications importantes en ce qui concerne l'évaluation du
potentiel de contribution de la diaspora guinéenne dans ces deux pays, notamment pour la
question du transfert de compétences: la conclusion de base, fondée sur les résultats des
sondages, mais également sur des éléments qualitatifs obtenus à partir de diverses sources,
montre que la diaspora guinéenne hautement qualifiée se trouve disproportionnellement
surreprésentée parmi la communauté résidant au Portugal — beaucoup plus qu'en France. Cela
ne veut pas dire qu'il n'existe pas de potentiel important dans le cas français correspondant à des
jeunes ayant une formation universitaire, des compétences dans des domaines avancés et
disponibles pour contribuer activement à des projets et des initiatives en Guinée-Bissau.
Néanmoins, à ce niveau spécifique, il n'y a pas de doutes que la plus grande partie du potentiel
(d'ailleurs, très souvent sous-utilisé) se trouve au Portugal.
3.2. Pratiques et dynamiques transnationales
L'un des indicateurs les plus significatifs de l'intensité des dynamiques transnationales entre les
communautés de la diaspora et leur pays d'origine est la fréquence des contacts réalisés avec le
pays d'origine. En plus de refléter d'une manière assez robuste l'intensité des liens — qu'ils
soient affectifs ou utilitaires —, la fréquence de ces contacts est elle-même constitutive
d'interactions transnationales, dans la mesure où, grâce à ces contacts, les individus dans la
diaspora et dans le pays d'origine renforcent des affections, élaborent des plans, partagent des
informations, donnent des instructions, font des demandes et exercent une influence culturelle et
politique, parmi de nombreuses autres possibilités.
Parmi les échantillons correspondant aux communautés guinéennes au Portugal et en France
concernées par les sondages, nous constatons que la fréquence de ces contacts est, effectivement,
très significative: 97% des personnes au Portugal et 66% des personnes en France affirment
maintenir un certain type de contact avec la Guinée-Bissau, au moins une fois par mois. Il ne cesse
cependant pas d'être évident que la communauté guinéenne au Portugal semble être liée à son pays
d'origine par des liens plus forts — ou en tout cas que ceux-ci se traduisent par une fréquence de
contacts significativement supérieure. Cette différence s'explique en grande partie, une fois de
plus, par les différentes histoires migratoires des deux communautés: le caractère plus ancien de
la migration vers la France et le fait qu'une partie substantielle de cette communauté maintienne
des liens familiaux déjà relativement distants avec le pays d'origine tendent à se traduire
directement par une plus faible fréquence des contacts.
Ainsi, tandis que 98% des personnes interrogées au Portugal affirment posséder de la
famille proche en Guinée-Bissau (Carreiro et Sangreman 2011:67), le pourcentage
correspondant, dans le cas des personnes en France, est de 71%. En termes désagrégés, 13%
affirment avoir des enfants qui résident en Guinée-Bissau; 61% ont un frère ou plusieurs dans
ce pays; 39% y ont un ou leurs deux parents et 11% y ont un(e) ou plusieurs époux (épouses).
Ces nombres sont tout de même étonnamment élevés, à la lumière de ce qui a été mentionné
précédemment sur le caractère plus ancien du flux migratoire et sur les caractéristiques de cette
communauté en matière de lieu de naissance et de résidence préalable (ou pas) en GuinéeBissau. Entre autres choses, ils suggèrent qu'effectivement le retour en Guinée-Bissau après la
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
31
retraite est une réalité très fréquente pour les migrants des générations plus âgées, le
pourcentage considérable des personnes interrogées nées au Sénégal ou en France qui ont au
moins l'un de leurs parents en Guinée-Bissau étant par exemple ainsi expliqué.
0
80
0
70
0
60
0
50
0
40
0
0
0
0
Avec les contacts réguliers par téléphone ou e-mail, les déplacements réguliers en GuinéeBissau constituent un autre indicateur important de l'intensité des liens et des pratiques
transnationales. Dans le cas de la communauté guinéenne au Portugal, Carreiro et Sangreman (2011)
ont conclu que le coût élevé des voyages et le statut irrégulier de la partie des éléments de
l'échantillon arrivés au Portugal plus récemment contribuent à expliquer une fréquence assez réduite
des déplacements au pays d'origine — considérée d'ailleurs quelque peu discordante de la fréquence
élevée des contacts à distance (par téléphone). Dans le cas de la communauté guinéenne en France,
la conclusion est, en termes comparatifs, inverse: bien que les éléments de cette communauté
concernés par le sondage réalisé en France révèlent une fréquence moyenne plus faible des contacts
à distance, la fréquence de leurs voyages en Guinée-Bissau est assez élevée, avec 84% des
personnes affirmant se rendre en Guinée-Bissau au moins une fois tous les 5 ans. Cette valeur très
80 élevée,80qui
80 est d'ailleurs surprenante, doit être interprétée à la lumière du pourcentage élevé de
qui80possèdent de80la famille directe dans le pays d'origine 31— mais également,
80 personnes interrogées
80
par opposition à celui indiqué pour le cas portugais, compte tenu du pouvoir d'achat plus élevé de la
communauté guinéenne en France et de la plus grande stabilité de la situation légale et
70 professionnelle
70 70
respective.
70
70
70
70
40
40
40 40
40
40
40
Parmi les différentes dimensions des dynamiques transnationales, celle qui est normalement la
plus soulignée dans le contexte de l'analyse du lien migrations-développement est l'envoi de fonds.
60 Dans le
60 cas
60 de la Guinée-Bissau, nous savons que l'argent et les biens envoyés par les migrants
60
60
60
constituent 60des ressources
extrêmement
importantes pour un pourcentage élevé des familles. Les
données recueillies dans cette étude confirment la prépondérance et l'importance de cette pratique:
par exemple,
75% des personnes interrogées dans le contexte portugais et 92% des personnes dans
50
50 50
50 le cas de la
50 communauté
50 guinéenne
50 en France affirment envoyer régulièrement de l'argent à
quelqu'un dans leur pays d'origine. Le graphique 3.1 révèle pour les échantillons correspondants aux
deux communautés en question la distribution des montants mensuels envoyés.
Graphique 3.1: Montant moyen annuel des envois de fonds par les personnes interrogées
(% des réponses valables)
30
30
30
20
10
0
NS/NR
30 30
30
30
30
20
20
20 20
20
20
20
10
10
10 10
10
10
10
0
0 NS/NR
Portugal
France
0 0
0 euros]0-600]
0]0-600]
0]0-600]
]0-600]
annuels
]600-1200]
euros
annuels
]1200-3000]
euros
annuels
Plus
de ]1200-3000]
3000
euros
NS/NR
euros]0-600]
annuels
]600-1200]
euros
annuels
]1200-3000]
euros
annuels
Plus
deannuels
3000Plus
euros
NS/NR
NS/NR
euros
annuels
]600-1200]
euros
euros
annuels
euros
annuels
annuels
]600-1200]
]1200-3000]
]600-1200]
euros
euros
euros
annuels
annuels
annuels
]1200-3000]
Plus
deannuels
3000
euros
euros
euros
annuels
annuels
Plus
deannu
3000
de
NS/NR
NS/NR
]0-600] eurosNS/NR
annuels
]0-600] euros
]600-1200]
NS/NR
annuels
]0-600]
euros
euros
]600-1200]
annuels
annuels
]0-600]
]1200-3000]
euros
euros
]600-1200]
annuels
annuels
euroseuros
]1200-3000]
annuels
]600-1200]
annuels
Plus
euros
de
]1200-3000]
euros
annuels
3000annuels
euros
Plus
euros
annu
d]
Sources: Portugal: Carreiro et Sangreman, 2011; France: Sondage de la communauté d'origine guinéenne, 2012.
Avec la plus grande prédominance de l'envoi de fonds dans le cas de la communauté guinéenne
en France, la distribution quantitative des montants soutient la conclusion que cette communauté
31
Les motifs indiqués pour les déplacements en Guinée-Bissau par les personnes ayant répondu au sondage réalisé en France
(réponses valables par une partie de ceux qui affirment se rendre régulièrement en Guinée-Bissau) sont, par ordre de fréquence
relative (catégories non exclusives): visiter la famille (81%); respecter des obligations familiales-communautaires (mariage,
funérailles, cérémonies) (70%) ; s'occuper d'affaires (20%) ; autres motifs (3%) et s'occuper d'affaires/obligations légales (1%).
32
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
assume un rôle plus important du point de vue de l'envoi total de fonds que la communauté
guinéenne au Portugal. Par exemple, presque 40% des personnes interrogées en France affirment
envoyer, en moyenne, plus de 100 euros par mois contre à peine plus de 10% dans le cas de celles
interrogées au Portugal. Cette différence s'explique très probablement par le fait que la communauté
en France se trouve dans des conditions relativement plus favorables pour le faire grâce à la plus
grande stabilité de sa situation socio-professionnelle (découlant d'un processus d'installation et
d'intégration plus ancien) et du niveau de vie plus élevé dans ce pays d'accueil (en comparaison avec
le Portugal). En analysant ce résultat, il importe tenir compte, en contrepartie, que la
prédominance élevée des individus d'origine ethnique manjaque parmi la communauté guinéenne de
France permet de deviner que la plus grande partie de ce flux de fonds est destiné, certainement, à la
région nord de la Guinée-Bissau (tandis que les envois de fonds effectués depuis le Portugal tendront
à se répartir d'une manière relativement plus déconcentrée sur le territoire guinéen).
Face à ces résultats, nous avons considéré important de vérifier quelles sont les variables qui
exhibent une plus grande association avec l'envoi de fonds — notamment afin de nous interroger sur
la «durabilité» de ces dynamiques de transnationalisme économique dans le cas de la communauté
française, dans la mesure où celle-ci est plus soumise aux facteurs de risques suggérés dans la
première section de ce chapitre. Or, dans le contexte de l'analyse des résultats du sondage réalisé au
Portugal, Carreiro et Sangreman (2011) ont identifié une importante relation statistique inversa entre
le niveau de scolarité et l'envoi de fonds (attribuée principalement au fait que les migrants les plus
qualifiés proviennent de contextes familiaux d'origine moins nécessiteuse).
Tableau 3.1: Coefficients du modèle explicatif de l'envoi de fonds par les
personnes interrogées de la communauté guinéenne en France
Coefficients non standard
Modèle
1
B
Écart type
(Constant)
3218,416
445,538
Sexe
-512,248
182,281
Âge
-33,543
6,870
Scolarité
-269,271
Famille
897,654
Coefficients
standard
Beta
T
Sig.
7,224
,000
-,214
-2,810
,006
-,379
-4,883
,000
53,427
-,469
-5,040
,000
244,523
,366
3,671
,000
Source : analyse à partir des données recueillies par les auteurs, 2012.
Dans le cas du présent sondage réalisé en France, nous avons considéré important de
construire et tester un modèle de régression linéaire en vue d'identifier les principales variables
explicatives de l'envoi de fonds. Dans ce modèle, la variable dépendante a correspondu au
montant annuel envoyé («0» en cas de non-envoi), tandis que les variables indépendantes prises
en compte ont été au nombre de quatre: sexe, âge, scolarité et le fait d'avoir ou pas de la famille
directe en Guinée-Bissau32. Malgré le nombre réduit de variables indépendantes prises en compte,
le modèle s'est révélé avoir une remarquable capacité explicative: ces quatre variables, prises
ensemble, expliquent 60% de la variance totale de la variable dépendante (
. Le
tableau 3.1 présente la grille de coefficients qui en résulte. Toutes les variables surgissent comme
extrêmement significatives: le sexe des personnes interrogées (le sexe masculin est associé, dans
le modèle, à l'envoi annuel moyen de 512 euros en plus); l'âge (chaque année en plus correspond
32
«Avoir ou pas de la famille directe en Guinée-Bissau» a été inclus dans le modèle comme variable dummy, c'est-à-dire qui
assume la valeur «1» en cas de réponse affirmative et «0» en cas de réponse négative (les parents, enfants, frères et époux/épouses
ont été considérés comme famille directe). Analogiquement, la variable «sexe» a également été incluse comme variable dummy («0»
pour «homme» et «1» pour «femme». «Âge» a été inclus comme variable continue (nombre d'années complètes). «Socalarité»
a été incluse comme variable ordinale à huit catégories (ne pas savoir lire ou écrire; savoir lire et écrire; primaire complet;
collège complet; lycée complet; université; cursus universitaire complet, troisième cycle, master ou doctorat).
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
33
en moyenne à l'envoi annuel de moins 34 euros); le fait que la personne interrogée possède de la
famille directe résidant en Guinée-Bissau (associé à l'envoi moyen de 898 euros annuels de plus) ;
et le niveau de scolarité (en général, plus il est élevé, plus faible est l'envoi moyen de fonds). Pour
ce qui est de cette dernière variable, il est intéressant de signaler que le montant moyen plus élevé
en matière d'argent envoyé est enregistré, étonnamment, parmi les 12 personnes interrogées qui ne
savent ni lire ni écrire.
En résumé, l'analyse des résultats du sondage révèle que l'envoi d'argent par la communauté
d'origine guinéenne en France, en plus d'être une pratique tendanciellement associée aux
éléments masculins de la communauté est surtout associé aux éléments plus âgés (qui possèdent
également un niveau de scolarité plus faible), en particulier lorsqu'ils ont de la famille directe en
Guinée-Bissau. Compte tenu de la tendance au déclin des flux migratoires vers la France ces
dernières décennies (malgré la légère inversion de ces 3 ou 4 dernières années, suite à la
remigration au départ du Portugal), ces résultats suggèrent que l'envoi de fonds de France vers
la Guinée-Bissau pourra, très probablement, présenter une tendance progressivement
décroissante à l'avenir — un aspect qui peut et doit être pris en compte lors de l'analyse
prospective du rôle des envois de fonds dans le développement de la Guinée-Bissau.
La dernière dimension du transnationalisme économique que nous avons mentionnée dans
ce chapitre concerne les activités entrepreneuriales transnationales — une pratique plus
fréquente dans le cas de l'échantillon au Portugal que dans celui de France. Ainsi, tandis que 13%
des personnes interrogées au Portugal affirment développer un type d'activité commerciale ou
entrepreneuriale à son propre compte (dont 70% dépendent pour cela de contacts avec la
Guinée-Bissau), parmi les personnes interrogées en France, 8% affirment développer une
activité entrepreneuriale ou commerciale et, parmi celles-ci, seule la moitié dit dépendre pour
cela de contacts avec la Guinée-Bissau. Jusqu'à un certain point, cette différence a une
dimension ethnique: tandis que l'échantillon au Portugal a impliqué différents individus
appartenant au groupe ethnique peule, dont la tradition commerciale ou les réseaux
transnationaux ont une longue histoire, cela n'est pratiquement pas arrivé dans le cas de
l'échantillon inclus dans le sondage en France (la migration peule guinéenne vers le Portugal est
d'ailleurs beaucoup plus significative que vers la France).
Pour finir, il est pertinent de mentionner certains aspects liés audit transnationalisme
politique. Dans ce domaine, nous avons cherché à comprendre quel était le degré de
participation politique des communautés d'origine guinéenne dans ces deux pays, en ce qui
concerne les processus politiques des contextes d'origine et d'accueil, mais aussi à obtenir des
informations sur les perceptions des éléments de cette communauté sur l'importance de cette
même participation politique. Bien que, naturellement, la participation politique ne se limite pas
aux actes électoraux (d'autant plus qu'en ce qui concerne la possibilité pratique de vote pour les
élections en Guinée-Bissau, ceux-ci ont été interdits aux communautés de la diaspora33), nous
utilisons cette dimension comme essentiellement indicative du degré d'implication et comme
représentative des perceptions quant au processus politique. Cela n'empêche cependant pas que
nous ayons conscience de l'importance des autres formes d'implication dans la micro et la
macro-politique, notamment par l'intermédiaire des structures associées, de forums de débat
présentiels ou virtuels, ou encore de l'influence exercée à distance sur la famille dans le pays
d'origine.
En tout cas, en ce qui concerne cette dimension spécifique de la participation politique, les
résultats obtenus au Portugal (Carreiro et Sangreman, 2011) indiquent un degré élevé de confiance
dans le processus politique: 62% des personnes interrogées considèrent important, ou très
important, de participer aux actes électoraux du pays d'accueil, tandis que 89% considèrent
important, ou très important, de participer aux actes électoraux de la Guinée-Bissau. Parmi
l'échantillon constitué d'éléments de la communauté guinéenne résidant en France, nous trouvons
des niveaux de confiance et d'implication similaires, bien que caractérisés par une différence
importante: en termes comparatifs, les personnes interrogées résidant au Portugal considèrent, avec
33
À l'exception d'un unique acte électoral, dans le cas de la communauté guinéenne au Portugal (Carreiro et Sangreman, 2011).
34
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
plus de fréquence, qu'il est important ou très important de participer au processus politique guinéen
par rapport au contexte d'accueil (89% versus 62%), tandis que dans le cas de la communauté en
France, l'inverse est constaté (78% versus 83%). Il s'agit d'un résultat de plus qui renforce l'idée
qu'une bonne partie de la communauté guinéenne en France, en raison du caractère plus avancé de
son processus d'assimilation formelle (notamment par le biais du lien de nationalité), se trouve, pour
certains aspects, déjà plus liée au contexte d'accueil qu'au contexte d'origine.
L'interprétation de ces résultats devient plus claire lorsque nous tenons compte de certains
résultats supplémentaires. Dans le cas de l'échantillon du Portugal, par exemple, seule l'une des
77 personnes a affirmé appartenir à un parti politique portugais — et seuls 9% ont affirmé avoir
exercé leur droit de vote lors d'élections portugaises (Carreiro et Sangreman 2011: 97-98).
Parmi les personnes interrogées de la communauté guinéenne résidant en France, 15% ont
affirmé appartenir ou avoir déjà appartenu à un parti politique français et 41% affirment avoir
déjà voté lors d'élections françaises34. De plus, les personnes interrogées au Portugal soutiennent
le degré d'importance élevé attribué à la participation aux processus électoraux en GuinéeBissau dans des affirmations qualitatives qui suggèrent une confiance élevée dans ces processus
et une forte confiance en la participation électorale des migrants comme un droit et un devoir
(Carreiro et Sangreman 2011:96). En France, au contraire, bien qu'une majorité considère cette
participation importante ou très importante, le degré d'importance relativement plus faible qui
lui est attribué apparaît associé, dans le cas d'un nombre considérable de personnes, à la
croyance dans le caractère « tendu » et « faussé » des processus électoraux réalisés dans le pays
d'origine. D'ailleurs, même parmi ceux qui considèrent la participation électorale des migrants
aux élections guinéennes importante ou très importante, beaucoup le justifient par l'importance
de contribuer à « consolider la démocratie ». Les expériences directes moins positives dans la
relation avec l'État et avec l'administration guinéenne sont ainsi reflétées sur la perception par
rapport au processus politique de la Guinée-Bissau d'une manière plus générale.
En conclusion, il importe signaler que les pratiques transnationales qui unissent ces deux
communautés dans la diaspora à leur pays d'origine sont, dans tous les cas, très intenses et
significatives — tant au niveau social qu'économique ou politique. Cependant, les modalités et
la magnitude qu'elles assument dans chacun des cas sont interreliées par deux variables
fondamentales: les caractéristiques des processus d'incorporation dans les sociétés d'accueil et
la nature des liens au pays d'origine. Dans le cas de la communauté guinéenne au Portugal, la
trajectoire d'insertion la plus récente et précaire contraint plus intensément, en termes
comparatifs, la capacité des migrants à intervenir (en se rendant dans leur pays d'origine ou en
envoyant des fonds, par exemple), au contraire de ce qui se passe dans le cas de la communauté
guinéenne la plus consolidée en France. En contrepartie, la communauté guinéenne au Portugal
semble unie par des liens de nature plus multidimensionnelle à son pays d'origine, au contraire
de ce qui se passe dans le cas de la communauté en France: pour cette dernière, la GuinéeBissau est très souvent le lieu de résidence de famille et le pays qui inclut son territoire
référentiel sur le plan mythico-culturel (le « sol manjaque ») — mais pas nécessairement un
espace national auquel ils feraient confiance ou pour le processus du développement général
pour lequel ils se sentiraient très motivés à contribuer.
3.3. Caractéristiques du tissu associatif
La diaspora guinéenne, aussi bien au Portugal qu'en France, comme dans la généralité des
contextes d'accueil où elle est présente, est connue pour la densité et le dynamisme de son tissu
associatif. Dans le cas des deux communautés spécifiques en question, deux indicateurs de cela
sont les nombres estimés des associations qui leur sont directement liées: 62 personnes
34
Le fait que 8,8% des personnes interrogées appartenant à la communauté guinéenne en France affirment appartenir ou avoir déjà
appartenu à un parti politique guinéen est encore plus notable — un pourcentage élevé qui ne peut être lu qu'à la lumière de la forte
relation historique entre le mouvement de libération/parti politique FLING et le groupe ethnique manjaque (bien que des questions
sur quel est le parti en question n'aient pas été posées et qu'il ne soit pas licite d'assumer cette simple correspondance dans le cas de
tous les éléments de la communauté résidant en France).
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
35
recensées, mais près de 200 estimées, dans le cas de la communauté guinéenne de France
(GRDR 2010); 56 recensées (par la CIFAGP), mais certainement beaucoup plus que cela
d'après certains critères (comme nous le verrons par la suite) dans le cas de la communauté
d'origine guinéenne résidant au Portugal.
Tableau 3.2 : Caractérisation du tissu associatif guinéen au Portugal et en France
Portugal
France
Nombre d'associations de la
communauté
56 (recensement CIFAGP, 2011)
62 (recensement GRDR - 2010);
près de 200 (estimation totale
GRDR, 2010: 7)
Pourcentage estimé des
éléments de la communauté qui
affirment appartenir à des
associations de la diaspora
64% (Carreiro et Sangreman, 2011) 92% (sondage auprès de la
communauté d'origine guinéenne,
2012)
Principaux secteurs de
concentration spatiale des
sièges (physiques, sociaux et/ou
aux fins de correspondance)
Ligne de Sintra (27%);
municipalité de Lisbonne (21%) ;
ligne de Cascais (16%); ceinture
sud du Tage (13%);
Loures/Odivelas/Vila Franca de
Xira (13%); en dehors de la zone
métropolitaine de Lisbonne (5%)
[Source: recensement CIFAGP 2011]
Paris-Ile de France (56%) ; Haute
-Normandie (31%); Provence
Alpes Côte d’Azur (3%); Centre
(2%); Midi Pyrénées (2%)
[Source: recensement GRDR 2010]
Principales organisations à
caractère fédératif
Fédération des associations
guinéennes au Portugal (FAGP,
en phase d'installation); Union
des associations baboques au
Portugal - Fédération (ABP)
Confédération des associations
bissau-guinéennes de France
(CAGF); Union des associations
mandiakos en Europe (UAME);
Fédération des associations du
secteur de Calequisse (FASCAE);
Fédération Babok de France
Sources : Données recueillies par les auteurs. Portugal : CIFAGP (2011), Carreiro et Sangreman (2011).
France : GRDR (2010).
La difficulté d'avancer des estimations rigoureuses du nombre total des associations de ces
deux communautés guinéennes est liée à l'informalité de la plupart des associations, unies en
général par des liens de parenté, de lignage ou de contemporanéité en vue de la poursuite
d'objectifs spécifiques. À titre d'exemple, l'une des personnes interrogées a mentionné la
participation de sa mère, migrante en France, à sept initiatives collectives différentes —
incluant, outre l'association de terre natale (Calequisse), six cercles informels d'épargne avec des
compositions distinctes: entre les femmes de Calequisse; entre frères et sœurs; entre cousines;
au sein de la famille maternelle; relative à la classe d'âge (uran, dans le cas des individus
d'origine manjaque) et entre les femmes d'origine guinéenne résidant à Rouen. Dans chacun de
ces cas, la cotisation — typiquement mensuelle — est destinée à la constitution d'un fonds
commun destiné à répondre à des situations d'urgence, à des besoins individuels (de manière
rotative), à des besoins et des objectifs spécifiques du groupe (construction d'une maison de
famille en Guinée-Bissau, organisation de fêtes) ou, dans le cas des associations plus structurées
et typiquement basées sur la terre d'origine, pour la mise en œuvre d'initiatives de soutien au
développement et au bien-être communautaires en Guinée-Bissau.
Nombre de ces initiatives collectives ont un caractère entièrement informel, fréquemment
intrafamilial, les participants ne ressentant aucun besoin de les formaliser. Dans ce contexte, le
processus de formalisation d'une partie des organisations guinéennes s'est essentiellement
déroulé au cours des dernières décennies (à partir de 1990, aussi bien dans le cas français que
36
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
portugais) et a correspondu, dans les cas où cela est arrivé ainsi, à leur transformation
progressive en ONG afin de donner une réponse plus structurée aux divers besoins, tant des
associés que de tiers (principalement les localités d'origine, dans le cas des associations de terre
natale). Pour celles qui ont suivi cette voie, le processus de formalisation a été considéré non
seulement comme un besoin, mais également comme une opportunité: un besoin dans la
mesure où l'augmentation du nombre d'associés et l'augmentation de l'échelle des activités
développées ont exigé des mécanismes internes de fonctionnement plus structurés; une
opportunité, dans le sens où la constitution formelle des associations a été une condition
nécessaire pour que celles-ci aient accès à des soutiens et à des ressources supplémentaires
susceptibles de faciliter la poursuite des objectifs. Dans le contexte portugais, un facteur
déterminant a été la création du Haut-commissariat pour l'immigration et le dialogue
interculturel (ACIDI, à l'époque ACIME) en 1996 — lequel, au cours des années subséquentes,
a créé une série d'incitations à la formalisation des associations de migrants et à leur constitution
comme partenaires institutionnels (des incitations qui ont inclus la mise à disposition de fonds à
diverses fins et activités). C'est en partie pour cette raison que la plupart des associations de la
communauté guinéenne au Portugal a formellement été constituée au début des années 2000,
même si dans la plupart des cas, elles existaient déjà depuis plusieurs années (dans certains cas,
dix ans ou plus) à la date où elles ont été formalisées.
Dans les deux contextes d'accueil, cette tendance relativement récente à la formalisation a
été accompagnée d'efforts en vue de la constitution de structures fédératives afin d'assurer la
coordination des efforts et une représentation unifiée auprès des interlocuteurs officiels des pays
d'origine et d'accueil. Ces structures sont essentiellement de deux types: les fédérations qui
regroupent un nombre limité d'associations de base locale, se rapportant à un même secteur
administratif en Guinée-Bissau (comme l'ABP au Portugal ou la FASCAE et la Fédération
Babok en France) et des structures de portée nationale qui regroupent et coordonnent toutes, ou
presque toutes, les organisations de la diaspora guinéenne dans chacun des contextes nationaux
de l'accueil (comme la CAGF et l'UAME en France ou la FACG au Portugal — cette dernière
étant encore en phase d'installation).
Ces incitatives fédératives sont louables à divers niveaux, dans la mesure où elles cherchent
à éviter des redondances, à atteindre des gains d'efficacité au niveau des projets développés et à
augmenter la capacité des communautés à faire entendre leur voix auprès des interlocuteurs
officiels. Cependant, aussi bien au Portugal qu'en France, elles ont affronté certains obstacles
qui ont remis en question le succès de l'effort fédératif: d'après de nombreuses personnes
interrogées dans les deux pays d'accueil, les efforts de constitution et de fonctionnement des
fédérations à contexte national ont été remis en question par une combinaison de rivalités
personnelles, de problèmes de manque de confiance et de craintes que le processus fédératif
implique une perte d'autonomie des associations — et cela a beaucoup retardé et entravé le
processus de constitution (au Portugal) et compromis l'efficacité de l'action des fédérations et/ou
amené certaines associations fédératives à s'éloigner (en France). Curieusement, les structures
fédératives qui semblent être mieux parvenues à éviter ces problèmes et à garantir des
mécanismes harmonieux de gouvernance interne sont celles qui articulent des associations à une
échelle plus limitées — comme l'ABP au Portugal ou la FASCAE en France. L'effort de
constitution et de consolidation des structures fédératives nationales pleinement représentatives
est ainsi encore incomplet dans les deux contextes d'accueil — et s'il continue à être considéré
un objectif méritoire et un pas nécessaire pour la plupart des dirigeants interviewés, les
difficultés inhérentes à ce processus ne doivent pas être ignorées ou minimisées.
Nous avons ainsi constaté que le tissu associatif des communautés guinéennes au Portugal
et en France est caractérisé par un continuum de formes organisatrices où à une extrémité se
trouvent les cercles informels d'épargne et de solidarité de base familiale, de lignage ou
compatriote et, à l'autre, les structures fédératives de portée nationale. Entre ces deux extrêmes
se trouvent celles qui constituent la majorité des associations formellement constituées: les
associations de terre natale (ATN) qui représentent 51% des 59 associations incluses dans le
recensement du GRDR (2010), en France et un pourcentage égal des 56 associations incluses
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
37
dans la liste de la CIFAGP au Portugal. Dans le contexte français, compte tenu de la
prédominance des individus d'origine manjaque dans la communauté, cet univers d'associations
de terre natale est une réalité concernant essentiellement les Tabancas de la région nord de la
Guinée-Bissau. Il en est de même au Portugal, et cela surtout parce que cette communauté
ethnique a une plus grande tradition de pratiques associatives. Ce phénomène provient
probablement de la division de la société manjaque en classe d'âge et de la pratique
traditionnelle qui fait que les individus appartenant à chacune de ces classes («uran »)
effectuent, surtout lorsqu'ils sont jeunes, des travaux agricoles collectifs pour des tiers en
échange d'une rémunération qui est, elle aussi, utilisée collectivement (pour des fêtes ou pour
acheter des costumes pour tous les éléments) — outre la solidarité renforcée qui advient de la
réalisation commune de cérémonies d'initiation des éléments de ces classes. Dans un contexte
migratoire, cette solidarité et cette pratique ont été adaptées dans le sens de la création de
mécanismes de soutien destinés à faciliter le processus d'installation des migrants arrivés
récemment et à garantir un réseau de solidarité mutuelle. Ce sont ces arrangements collectifs
informels qui sont à l'origine de la majorité du tissu associatif en contexte migrant ayant, lors
d'une phase postérieure (une fois garanti un minimum de stabilité pour les « pionniers » de la
tabanca) commencé à diriger une partie plus substantielle de leur attention au développement
d'initiatives dans les localités d'origine. Plus récemment, les migrants provenant des différentes
tabancas de la Guinée-Bissau où prédominent les groupes ethniques islamisés ont de plus en
plus adopté cette pratique bien que dans ces cas, celle-ci n'ait pas le même type d'enracinement
culturel «organique».
Outre les types de structures déjà mentionnées, les tissus associatifs des communautés
guinéennes dans ces deux pays ont également deux autres catégories principales: d'une part, des
associations à caractère national (dont la Casa da Guiné au Portugal est un exemple); de l'autre,
des associations basées sur des affinités et des objectifs spécifiques de nature religieuse,
culturelle ou socioprofessionnelle (comme l'Association Kalanda et l'Association des
entrepreneurs bissau-guinéens, en France; ou l'Association des étudiants guinéens et
l'Association des musulmans nés en Guinée-Bissau au Portugal). Ces deux types d'associations
sont relativement minoritaires (par rapport aux associations de terre natale), mais jouent un rôle
très important tant dans la poursuite des intérêts spécifiques de leurs membres que pour le
caractère plus transversal qu'elles assument (ce qui renforce la cohésion de la communauté d'une
manière plus générale). En contrepartie, il est moins fréquent qu'elles se consacrent au
financement et à la mise en œuvre d'initiatives de promotion du développement et du bien-être
en Guinée-Bissau (un domaine où les associations de base locale jouent le rôle principal).
En ce qui concerne le nombre de membres/associés, les associations de la communauté
guinéenne sont caractérisées par une hétérogénéité considérable. D'une manière générale, les
structures à caractère fédératif tendent évidemment à présenter un plus grand nombre d'associés
(comme c'est le cas de la FASCAE, en France, qui a près de 3 000 associés). Pour leur part,
certaines associations 'transversales' ont également un nombre particulièrement élevé de
membres (dont beaucoup ne sont pas guinéens dans la mesure où ces associations réunissent
également des personnes d'autres nationalités ou origines qui partagent des intérêts communs ou
qui décident de s'associer par solidarité) — c'est le cas de l'Aguinenso ou du Centre de culture
arabe ou Pulaar islamique (au Portugal) qui ont toutes deux près de 3 000 associés. Les
associations de terre natale, comme il fallait s'y attendre, ont une dimension moyenne moindre
— mais même dans ce sous-ensemble, nous constatons une hétérogénéité considérable (dans le
cas portugais, 40% des associations de terre natale ont entre 50 et 99 membres, mais près de 25%
ont 300 membres ou plus).
Un autre résultat important est le fait que les associations de terre natale de la communauté
guinéenne au Portugal ont une dimension moyenne franchement supérieure à leurs homologues
françaises, en ce qui a trait au nombre d'associés: dans le contexte portugais, il n'est pas rare
que les associations aient 200, 300 ou 400 membres, tandis que la plupart des ATN dans le
contexte français ont moins de 100 associés. Malgré cela, la quasi totalité des dirigeants
associatifs interviewés dans le contexte portugais a affirmé que, ces dernières années, leurs
38
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
associations sont confrontées à une réduction significative du nombre de membres en raison de
la forte tendance à la remigration dans le contexte de l'actuelle récession — un fait qui se révèle
problématique pour les associations dans la mesure où il implique une réduction des recettes
obtenues à titre de cotisations35.
La quasi-totalité des associations recensées au Portugal et en France dépendent principalement
des cotisations payées par les associés (qui oscillent généralement entre 5 et 10 euros par mois)
pour garantir le financement de leurs activités. Pour nombre d'entre elles, le financement/mise
en place de projets spécifiques, en particulier en Guinée-Bissau, donne également origine à des
collectes exceptionnelles de fonds. Cependant, dans certains cas minoritaires, le financement
régulier ou exceptionnel par les associés est complété par des recettes provenant d'autres sources
— à titre de subventions par des organismes du pouvoir local (en général au niveau des
collectivités locales, au Portugal et régionales en France) ou, dans le cas portugais, grâce à des
lignes de financement de l'ACIDI pour la poursuite d'activités spécifiques (activité d'insertion
professionnelle, promotion de la culture, etc.) Les soutiens « en espèces » résultant d'accords ou
de partenariats avec différents types d'organismes (mairies, églises, instituts universitaires)
moyennant lesquels ces derniers cèdent des espaces ou des équipements divers pour que les
associations réalisent des réunions et des activités. Malgré cela, seule une petite minorité des
associations interviewées (dans les deux contextes, mais surtout en France) dispose d'un espace
propre permanent — cédé, loué ou appartenant au patrimoine de l'association.
L'inexistence d'un siège social ou d'un espace propre est particulièrement problématique
dans le cas des associations guinéennes au Portugal, car ces dernières consacrent
tendanciellement une grande partie de leur attention au développement d'activités dans le
contexte d'accueil (en contrepoint avec les activités dirigées vers le pays d'origine, plus centrales
dans le cas des associations en France). Cette différence devient plus évidente lorsque nous
analysons plus en détail la question des domaines d'action des associations recensées. En
premier lieu, soulignons le fait que la plupart des associations de la communauté guinéenne au
Portugal privilégient l'intervention dans le contexte d'accueil; dans quatre domaines d'action
dans le pays d'accueil (santé, aide en cas de décès, convivialité et la catégorie résiduelle « autres
aides sociales »), le pourcentage d'associations intervenantes se rapproche ou dépasse les 50%.
En contrepartie, les deux domaines d'action en Guinée-Bissau les plus communs (éducation et
santé) concernent près d'un tiers de toutes les associations interviewées — et, d'une manière
générale, les pourcentages de réponses affirmatives sont beaucoup plus faibles dans les
différents domaines.
Ce fait ne doit pas être compris comme reflétant une plus faible liaison au pays d'origine ou
une plus faible disponibilité pour contribuer à son bien-être et à son développement — ce qui se
passe c'est que la communauté guinéenne au Portugal souffre elle-même de difficultés et de
précarités très pressantes (fruit des caractéristiques de son processus d'incorporation, du niveau
de développement du pays plus faible lorsqu'il est comparé à la France et du caractère moins
englobant et efficace des aides sociales et publiques), raison pour laquelle les associations
tendent à chercher à répondre, avant tout, à ces mêmes besoins. En effet, c'est exactement cela
que nombre de ces associations font d'une manière remarquable: la diversité des aides qu'elles
proposent et des activités qu'elles réalisent constituent, pour la plupart d'entre elles, un
authentique système de providence parallèle qui complète les aides sociales fournies par l'État
portugais (auxquelles les migrants ont, d'ailleurs, une difficulté particulière à accéder par
rapport à la population autochtone). Aide monétaire en cas de chômage; financement des
déplacements en Guinée-Bissau (en cas de maladie considérée incurable par la médecine
«occidentale» pour réaliser des cérémonies au nom de parents décédés voire pour des jeunes qui
ont des problèmes de toxicodépendance ou de criminalité); aide et représentation légales
35
Bien que, mentionnons-le, les situations de remigrations où les associés continuent à payer les cotisations de leur association au
Portugal ne sont pas rares, en particulier si le projet remigratoire est envisagé comme temporaire (35 la famille continue à vivre au
Portugal) et si le migrant en question ne choisit pas entretemps d'adhérer à une autre association dans le nouveau contexte d'accueil.
En contrepartie, l'actuelle situation économique exerce aussi un effet négatif sur les recettes des associations grâce à une autre voie :
de nombreux dirigeants associatifs au Portugal ont mentionné une augmentation de l'incidence de retards ou d'absences de paiement
des cotisations, motivés par des situations de chômage et de difficulté économique.
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
39
parfois moyennant le recours de l'association à des accords avec des avocats; initiatives
d'alphabétisation et formation professionnelle; groupes de danses traditionnelles; déjeuners
conviviaux et fêtes annuelles — dans des combinaisons variables et à des degrés divers, toutes
ces activités constituent des «services» fréquemment proposés aux membres par les
associations recensées. Certaines d'entre elles développent des activités dans la quasi-totalité des
domaines d'action énumérés ci-dessus — des activités comme la distribution d'aliments, les
visites en prison régulières à des reclus guinéens (sans liens familiaux ou d'origine
géographique) ou encore l'aide au niveau de l'hébergement et l'alimentation des migrants venus
au Portugal sous couvert de commissions médicales.
Même si pour les raisons indiquées les activités développées au Portugal assument un
caractère prioritaire, il est cependant vrai que 17 des 27 associations interrogées à ce propos
développent également ou ont déjà développé des initiatives au bénéfice de leur pays d'origine.
Naturellement, cela est particulièrement vrai dans le cas des associations de terre natale pour
lesquelles mettre en place, dès que possible, un projet significatif de soutien à la tabanca
d'origine constitue, en général, un objectif prioritaire. Compte tenu des difficultés que beaucoup
de membres de ces associations connaissent dans leurs vies personnelles et familiales, la
disponibilité démontrée pour aider leurs compatriotes en Guinée-Bissau ne cesse d'être
remarquable. S'ils n'en font pas plus, c'est très souvent parce qu'ils n'en ont pas la possibilité
comme l'a affirmé l'un des dirigeants interviewés : «en premier lieu, nous devons résoudre nos
propres problèmes et résoudre notre situation pour après être capables de mieux aider ceux qui
sont en Guinée ». Comme cela a déjà été mentionné, les domaines les plus communs
d'intervention en Guinée-Bissau sont l'éducation et la santé, ce qui reflète les besoins les plus
pressants ressentis dans les tabancas d'origine. La liste complète des projets développés dans le
contexte d'origine est cependant très variée, incluant des initiatives aussi diverses que, pour ne
citer que quelques exemples, la construction et l'équipement d'écoles et de dispensaires ; l'envoi
d'équipements sportifs; le financement de la réparation des routes; le paiement des frais de
voyage des professeurs détachés dans les tabancas en question; l'envoi de véhicules pour
assurer le transport médical ou d'embarcations pour le transport maritime; l'installation de
panneaux solaires ou encore la création de primes pour les meilleurs étudiants.
D'une manière générale, les associations qui développent ce type de projets (pour la plupart
ATN) tendent à le faire de manières relativement structurées: typiquement, avec la constitution
d'une association homologue en Guinée-Bissau, laquelle assume la responsabilité de recevoir et
gérer les fonds impliqués et de surveiller la mise en place du projet. Dans certains cas, des
acteurs collectifs supplémentaires sont également impliqués: la plupart des ATN manjakas, en
particulier, possèdent des associations homologues en France et d'après les personnes
interrogées, la coopération entre les 'filiales' de chacun des pays dans le contexte du cofinancement et de la co-mise en œuvre de projets dans la tabanca d'origine est une pratique très
commune. Rappelons que seule l'une des personnes interrogées a mentionné l'occurrence de
problèmes à ce niveau découlant de méfiances et de mésententes entre les associés au Portugal
et en France qui ont fini par retarder l'exécution d'un projet.
En ce qui concerne le tissu associatif en France, bien que nous ne disposions pas de
données parfaitement comparables, il est certainement possible d'effectuer une comparaison
indirecte. Un premier aspect à souligner est le fait que 23 des 59 organisations recensées par le
GRDR (2010) mentionnent le développement de projets ou d'initiatives en Guinée-Bissau. Pour
ce qui est de la répartition de ces initiatives par domaines d'activité, nous constatons que,
comme pour leurs homologues portugaises, les domaines de l'éducation et de la santé sont ceux
qui concentrent prioritairement l'attention de ces associations. En effet, les caractéristiques des
initiatives développées en Guinée-Bissau par des organisations de la diaspora guinéenne en
France ne se distinguent pas significativement de ce qui arrive dans le cas de la communauté
résidente au Portugal. Dans un contexte comme dans l'autre, le rôle principal à ce niveau est
joué par les associations de terre natale, concernant généralement des tabancas de la région nord
de la Guinée-Bissau. Dans la mesure où les priorités d'intervention sont directement liées aux
besoins les plus pressants ressentis dans les tabancas et que celles-ci font, en général, l'objet
40
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
d'un consensus relatif, les domaines d'intervention prioritaires ressemblent davantage à ceux des
associations au Portugal — et comme nous l'avons vu, les interventions elles-mêmes sont très
souvent mises en place en articulation avec leurs homologues dans cet autre contexte d'accueil.
Cependant, un aspect important très souvent mentionné par les personnes interrogées en France
— beaucoup plus qu'au Portugal — concerne le besoin ressenti de suivre directement la mise en
place des initiatives sur le terrain, suite à quelques expériences qui se sont mal passées
(exécution défaillante de projets, détournement de fonds). Cet aspect est lié à une caractéristique
spécifique des ATN dans le contexte français qui les distingue de leurs homologues portugaises:
tandis que la communauté guinéenne au Portugal comme un tout est, en moyenne, plus
qualifiée qu'en France, dans le cas spécifique des ATN, il semble y avoir une situation inverse,
car au Portugal, elles ont été constituées, en grande partie, suite à la migration prédominante de
main-d'œuvre et moins qualifiée des années 80 et 90, tandis que les origines plus anciennes de la
migration guinéenne en France ont déjà permis l'implication dans les ATN françaises de
générations plus jeunes, socialisées en France et plus qualifiées. L'assomption récente de
responsabilités directives par cette nouvelle génération est associée à la manifestation d'une
volonté de transformer les pratiques adoptées en vue d'une plus grande formalisation et
«professionnalisation» des procédures.
Une autre différence entre les deux tissus associatifs, que nous avons déjà mentionnée,
concerne l'emphase sur les activités sociales développées dans le contexte d'accueil. Les
données recueillies dans le contexte du recensement promu par le GRDR (2010) ainsi que les
informations obtenues lors des entretiens réalisés dans le contexte de la présente étude révèlent
qu'au contraire de ce qui se passe dans le contexte portugais, les associations de la communauté
guinéenne en France n'ont pas ressenti le besoin de promouvoir un «système de providence
parallèle» aussi englobant — ce qui s'explique par le fait que la situation socio-économique de
la communauté en France soit relativement plus stable qu'au Portugal et par les aides sociales
plus robustes proposées par l'État français. Par conséquent, les domaines d'intervention
privilégiés par les associations en France sont d'un autre genre et consistent surtout en la
promotion et la divulgation cultuelles (grâce à l'aide au fonctionnement de groupes musicaux et
de danse, de cours de langue manjaque, de journées culturelles, d'édition d'albums musicaux et
de programmes de radio); l'organisation de rencontres et de fêtes (rencontres régulières, fêtes
annuelles, concours Miss Mandjak); la promotion d'activités et de rencontres sportives et
l'organisation de débats et de colloques sur des thèmes politiques, sociaux et culturels.
Les seules activités d'intervention plus strictement sociales indiquées assez souvent par ces
associations sont les cours d'alphabétisation (mentionnés par trois associations recensées) et,
surtout, les caisses de solidarité (mentionnées par près d'un quart des associations recensées par
le GRDR) qui proposent une aide monétaire en cas de décès, ainsi que, plus communément, en
cas de maladie ou de mariage. Notons, entretemps, que cette dernière fonction (épargne et
solidarité mutuelles) est, comme nous l'avons déjà mentionné, exercée également par une
myriade de structures informelles à géométrie variable et qu’il est courant que l'un des éléments
de la communauté appartienne à plusieurs d'entre elles. En tout cas, il est clair que l'intervention
des associations dans le contexte de l'accueil français assume comme priorité typique le
domaine socioculturel tandis que dans le cas portugais, les difficultés les plus pressantes
auxquelles est soumise la communauté et le caractère plus récent du processus d'incorporation
orientent plus l'intervention vers les domaines socio-économiques, médico-sanitaires et juridicolégaux.
3.4. La diaspora guinéenne hautement qualifiée
L'aspect hautement qualifié de la diaspora guinéenne est le résultat de trois types de processus
survenus dans différentes proportions et à différents moments: l'émigration hautement qualifiée
à partir de la Guinée-Bissau; la transition vers le marché du travail des pays d'accueil des
étudiants guinéens émigrés et l'acquisition de qualifications et de compétences élevées des
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
41
descendants de migrants. En tant que contextes d'accueil, le Portugal et la France ont été
historiquement affectés par ces processus dans des proportions assez distinctes.
L'émigration hautement qualifiée à partir de la Guinée-Bissau est un phénomène récent et
relativement circonscrit car l'acquisition de qualifications de niveau supérieur par la population
guinéenne est, elle-même, assez récente et jusqu'à il y a très peu de temps, d'une ampleur très
limitée. Les trois grandes vagues de sortie de migrants dotés de qualifications plus avancées ont
toutes été associées à des facteurs à caractère politique. La première vague a eu lieu pendant la
période après l'indépendance de la Guinée-Bissau et s'est encadrée dans le flux, à destination du
Portugal, desdits «luso-guinéens» (Machado, 1998) qui a impliqué la sortie d'un contingent
significatif d'individus ayant des formations intermédiaires et techniques (incluant, d'après
plusieurs récits, un nombre significatif d'infirmiers). La seconde a eu lieu dans le contexte du
flux migratoire accentué en direction du Cap-Vert qui a eu lieu suite au coup d'État de 1980 et
qui a impliqué, en particulier, l'émigration d'un nombre significatif de professeurs de
l'enseignement primaire et secondaire36 (Có, 2012). Pour sa part, la troisième vague est survenue
au cours du conflit de 1998-99 et a correspondu à la fuite du pays d'un nombre considérable
d'individus — incluant, en particulier, beaucoup de médecins et de cadres de l'administration
publique — qui, tirant parti de leurs réseaux de connaissance et de leur capacité de mobilisation
d'épargnes, ont cherché refuge dans d'autres contextes (en particulier le Portugal, mais aussi, à
un moindre degré, d'autres pays incluant le Cap-Vert et la France), certains ayant fini par rester
dans ces pays après la fin de la guerre.
La transition vers le marché du travail dans un contexte d'émigration concerne aussi le
Portugal comme contexte d'accueil. Bien que divers autres pays (comme ceux de l'ancien bloc
de l'Est, Cuba, le Maroc, la Russie, le Brésil, entre autres) aient accueilli des contingents
significatifs d'étudiants universitaires guinéens au cours des dernières décennies, le Portugal a
toujours été la destination la plus importante, en termes quantitatifs, de ce type d'émigration et
celui où l'on a constaté une plus grande tendance à la permanence après la conclusion des
études. Outre la plus grande proximité linguistique et culturelle et l'existence des réseaux de
soutien associés à la nombreuse communauté guinéenne au Portugal, la plus grande facilité
d'accès au marché du travail portugais lorsqu'elle est comparée aux autres destinations y a
également contribué. En effet, dans le cas des migrants ayant des formations universitaires
acquises dans des pays de l'ancien bloc de l'Est ou à Cuba au cours des trois dernières
décennies, la trajectoire subséquente est passée par un nombre élevé de cas par le Portugal,
peut-être même plus que par la Guinée-Bissau elle-même. Cependant, à l'exception d'un secteur
ou l'autre, comme celui du personnel médical, l'incorporation sur le marché du travail portugais
n'a pas toujours eu lieu d'une manière conforme aux qualifications détenues par les migrants en
question. Au contraire, la tendance générale est dans le sens de la non-utilisation de
compétences, avec de nombreux cas de migrants hautement qualifiés qui ont fini par occuper
des segments du marché du travail secondaire distincts de leur secteur de formation (Có, 2012).
La troisième modalité mentionnée comme contribuant à la constitution d'une diaspora
hautement qualifiée (bien qu'au sens strict, il ne s'agisse pas de migrants hautement qualifiés)
consiste en l'acquisition de qualifications avancées par les descendants de migrants guinéens
dans les contextes d'accueil, en particulier dans les cas où la liaison effective à la Guinée-Bissau
continue à être significative. Il est facile de déduire que cette modalité concernera surtout les
communautés guinéennes au Portugal et en France, mais en vérité il y a une quasi complète
insuffisance de données sur cette question, à l'exception du type d'informations indicatives
obtenues grâce à des instruments comme ceux utilisés dans le cadre de cette étude. En tout cas,
compte tenu des difficultés de mobilité sociale ascendante ressenties par ces deux
communautés, il est assez probable qu'il s'agisse d'un phénomène limité.
À partir de cette énonciation des dynamiques sous-jacentes à la constitution de la diaspora
guinéenne hautement qualifiée, il est possible d'en tirer dès à présent quelques conclusions. En
36
D'après la forme d'opérationnalisation de la « migration hautement qualifiée » qui est le plus communément utilisée, ces deux «
vagues » ne correspondent pas, au sens strict, au concept. Elles ont cependant assumé à l'époque une grande importance étant donné
le manque de ressources humaines qualifiées ressenti en Guinée-Bissau dans les secteurs en question.
42
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
premier lieu, le Portugal est, certainement à grande distance, le plus important pôle de la
diaspora qualifiée guinéenne (bien qu'il soit indubitablement possible de trouver des Guinéens à
des postes importants dans les domaines les plus divers) 37. En second lieu, la diaspora
guinéenne hautement qualifiée a une dimension relativement limitée — estimée, même si ce
n'est que dans les pays de l'OCDE et en ce qui concerne les émigrants hautement qualifiés, à
24,4% de la population «nationale» totale hautement qualifiée (Marfouk et Abdeslam 2007,
cit. in Có 2012: 93). En troisième lieu, sauf quelques exceptions, cette diaspora n'a pas eu la
trajectoire d'incorporation sur le marché du travail la plus conforme à ses qualifications — ce
qui, entre autres répercussions, a certainement empêché l'utilisation et la potentialisation des
compétences acquises.
Dans le contexte portugais, la récente étude séminale de Có (2012), qui procède à la
compilation de données d'un ensemble élargi de sources, a recours à des données désagrégées
des recensements de 2001 (ceux de 2011 n'ont pas été mis à disposition) qui indiquent 792
citoyens guinéens, sur un total de 15 284 résidents au Portugal, détenteurs de niveaux de
qualification entre le collège et le doctorat. Parmi les individus en question, 103 sont infirmiers,
96 techniciens de recherche en physique et chimie, 61 médecins et similaires et 54 architectes,
ingénieurs et similaires (id, ibid : 24). Rappelons, pour que nous puissions avoir un terme de
comparaison plus récent qui permette de détecter une éventuelle modification de l'ordre de
magnitude de ces valeurs, que le nombre de médecins guinéens enregistrés à l'Ordre des
médecins portugais en mai 2012 était de 9538.
Dans les sondages auprès des communautés guinéennes au Portugal et en France sur
lesquels nous avons basé la grande majorité des analyses de ce chapitre, les individus ayant des
qualifications élevées apparaissent avec un poids relativement réduit et, en termes généraux,
conformes aux indications provenant d'autres sources que nous avons déjà mentionnées. Dans le
sondage sous-jacent à l'étude de Carreiro et Sangreman (2011), 12% des personnes interrogées
ont déclaré posséder au moins un cursus universitaire complet — une valeur qui est quelque peu
supérieure aux environ 7% indiqués par les données des recensements de 2001 probablement en
raison du biais inévitable de l'une ou l'autre variable qui résulte de la constitution de
l'échantillon par la méthode snowballing. Dans le présent sondage réalisé auprès de la
communauté guinéenne en France le pourcentage a été de près de 7%. En ce qui concerne ce
dernier résultat, et bien qu'il s'agisse d'un sous-groupe de l'échantillon très petit en termes
absolus, il est intéressant de signaler que seul un des individus en question est né en GuinéeBissau, qu'aucun ne possède la nationalité guinéenne et que la moyenne d'âge du sous-groupe
est relativement jeune (41 ans), ce qui renforce l'idée que la composante qualifiée de la diaspora
d'origine guinéenne en France correspond essentiellement à des individus qui ont effectué leurs
processus de socialisation et d'acquisition de qualifications en dehors de la Guinée-Bissau.
L'autre instrument utilisé qui permet d'extraire des informations indicatives sur la
composante qualifiée de la diaspora guinéenne — dans ce cas au Portugal — a consisté en un
mini-sondage en ligne à remplissage volontaire que nous avons divulgué auprès des associations
contactées. Comme mentionné précédemment, le nombre absolu de réponses a été très réduit —
et le fait que ce mini-sondage soit destiné exclusivement à des individus ayant des qualifications
de niveau universitaire empêche que des conclusions soient tirées sur la dimension relative de ce
groupe (par rapport à la communauté d'une manière générale). Il permet cependant d'identifier
certaines caractéristiques de ce mini-échantillon de 18 individus ayant des qualifications de
niveau supérieur qui, en adhérant spontanément à cette initiative, ont prouvé leur disponibilité à
participer à un éventuel programme de transfert de compétences. Ainsi, au sein de ce groupe, le
secteur de formation le plus commun est, de loin, l'ingénierie (9/18), suivi de
37
Un ensemble de données qui illustrent bien cela est la base publiée par Clemens et Petterson (2006), même si elle se réfère
exclusivement à des médecins et à des infirmiers et est basée sur le critère de la nationalité. Pour l'année en question, le Portugal
rassemblait d'après cette source, 160 des 251 médecins recensés pour le total des pays de l'OCDE (75 seraient en France et 15 aux
USA), ainsi que 212 des 262 infirmiers (45 en France et 5 au Royaume-Uni). Notons cependant que le nombre de médecins indiqué
par cette source n'est pas consistant avec le nombre (61) indiqué par l'INE à partir de l'analyse désagrégée des données des
recensements de 2001 (Có, 2012:24). Les nombres en questions doivent donc être considérés indicatifs de l'ordre de magnitude et
non pas totalement fiables.
38
Information mise à disposition par un courrier de l'Ordre des médecins portugais.
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
43
l'économie/gestion/comptabilité (5/18) et de la médecine (2/18). 14 de ces 18 personnes ont
réalisé leur formation universitaire initiale au Portugal, les autres quatre ayant effectué cette
formation dans des pays de l'ancien bloc de l'Est (Russie, Pologne et Biélorussie). Cependant,
parmi ces quatre derniers, deux ont fait, par la suite au Portugal, des formations universitaires
d'un niveau plus avancé (master ou troisième cycle).
Trois des entretiens réalisés au Portugal dans le cadre de cette étude ont permis de recueillir
des informations qualitatives particulièrement importantes pour les perceptions et les
préoccupations des éléments les plus qualifiés de la diaspora: avec le président de l'Association
des étudiants guinéens à Lisbonne, Edilson Santos; avec le président de l'Association culturelle
et récréative des natifs et amis d'Oio de la République de Guinée-Bissau, Augusto Mansoa
(médecin de profession) et avec deux dirigeants de l'Association universitaire des cadres
guinéens, José Baldé et Ansumane Cassamá. La première des associations mentionnées réunit
un grand nombre d'étudiants guinéens demeurant dans la zone métropolitaine de Lisbonne,
tandis que l'Association universitaire des cadres guinéens est l'une des trois associations dont
l'objet porte essentiellement sur les segments les plus qualifiés de la diaspora guinéenne (les
deux autres sont l'Association Bolanha et la Guinéaspora qu'il a été impossible d'interviewer et
qui, d'après plusieurs sources, sont actuellement beaucoup moins actives). Cette dernière
association affirme réunir parmi ces associés, près de 190 individus d'origine guinéenne ayant
des qualifications de niveau universitaire.
Dans le cadre de ces entretiens, l'un des principaux thèmes abordés a été la question du
potentiel de contribution de la diaspora hautement qualifiée résidant au Portugal au
développement de la Guinée-Bissau. D'une manière générale, les personnes interrogées
considèrent que le cas spécifique des médecins et autres professionnels de la santé est assez
distinct, dans la mesure où, en général, celles-ci sont assez bien intégrées dans leur profession.
Pour la généralité des autres éléments hautement qualifiés de la diaspora, la situation est très
souvent caractérisée par des difficultés diverses d'incorporation sur le marché du travail
primaire qui sont dues aussi bien à des difficultés au niveau de la reconnaissance des
qualifications (en particulier lorsqu'elles ont été obtenues dans des pays de l'ancien bloc de l'Est)
qu'à diverses formes de discrimination. En conséquence de cela, nombreux sont ceux qui ont
choisi des stratégies alternatives d'incorporation socio-professionnelle qui, dans un grand
nombre de cas, sont passées par le secteur du bâtiment (que ce soit en tant qu'employés ou soustraitants).
La question de la mobilisation des compétences des individus en question dans le contexte
du processus de développement de la Guinée-Bissau se pose de manière distincte pour chacun
de ces sous-groupes: dans le cas du personnel du secteur de la santé, la difficulté principale
passe par assurer, dans le contexte guinéen, des conditions propices au retour (temporaire ou
permanent), d'une manière qui ne remette pas en question les conditions entretemps atteinte
dans le contexte portugais — ce qui soulève des questions au niveau des rémunérations, des
conditions techniques pour l'exercice de la profession et de l'encadrement du processus de retour
afin de mitiger les problèmes de rapports entre les cadres qui sont revenus et ceux qui sont
restés en Guinée-Bissau. Ce dernier problème — les difficultés d'intégration dans la fonction
publique guinéenne — est également assidument mentionné par les personnes interrogées
lorsqu'elles se réfèrent au potentiel de retour temporaire ou permanent des autres cadres
qualifiés, y compris ceux qui ont subi des problèmes de non-utilisation de compétences dus à la
difficulté d'incorporation sur le marché du travail portugais. En particulier, le manque d'une
culture méritocratique, l'absence d'appels d'offres publics pour occuper la plupart des postes et
le ressentiment généralisé face aux cadres qualifiés qui reviennent de l'extérieur et cherchent à
occuper des fonctions élevées sont, tous, des obstacles auxquels de nombreux cadres guinéens
ont déjà été confrontés en essayant de revenir par le passé.
Face à tout cela, les personnes interrogées sont unanimes lorsqu'elles considèrent que
l'aspect clé pour qu'une éventuelle initiative de mobilisation de la diaspora qualifiée et du
transfert de compétences puisse être couronnée de succès réside dans la question de son
encadrement — dans le sens de la préparation soignée des conditions d'incorporation dans la
44
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
fonction publique (ou sur le marché du travail) de Guinée-Bissau. Elles signalent cependant
qu'il y a probablement des problèmes plus pressants à résoudre, notamment dans le sens de
promouvoir les conditions d'incorporation socioprofessionnelles des cadres qualifiés dans le
propre contexte portugais afin d'éviter la non utilisation de compétences et de doter les cadres en
question de conditions plus stables et favorables39, qui leur permettent de contribuer plus
efficacement et de diverses manières au développement de leur pays d'origine.
3.5. Synthèse de conclusion
Au cours de ce chapitre, nous avons cherché à croiser des données primaires et secondaires
provenant d'un ensemble élargi de sources afin de permettre une caractéristique digne de foi et
actualisée des dynamiques de la diaspora guinéenne au Portugal et en France et de leur
contribution actuelle et potentielle au développement de leur pays d'origine. L'évaluation de
cette contribution a principalement eu lieu en ce qui concerne la mobilisation de trois types
principaux de ressources: économiques, sociales (associatives) et humaines (qualifications et
compétences).
La première conclusion est que la diaspora guinéenne dans ces deux pays, malgré des
difficultés très significatives qu'elles traversent dans de nombreux cas (d'une manière
particulièrement aigüe au Portugal, mais également en France40), contribue déjà d'une manière
remarquable au développement et au bien-être de ses communautés d'origine et de la GuinéeBissau en général: l'envoi régulier d'un volume substantiel de fonds; les multiples initiatives
menées à bien par les associations tant dans le pays d'origine (où elles remplacent très souvent
l'action de l'État) que dans les pays d'accueil (sur le plan de l'assistance sociale mutuelle au sein
de la propre communauté ou en tant qu'ambassadeurs culturels); ou le retour déjà concrétisé
dans le pays d'origine d'une proportion raisonnable des cadres hautement qualifiés formés à
l'étranger (en particulier au Portugal). Ce ne sont que trois des modalités les plus visibles de
contribution d'une diaspora qui, indépendamment du sentiment généralisé que son action n'est
pas facilitée par l'État guinéen, maintient un lien identitaire et affectif remarquable par rapport à
son pays d'origine.
Nous voyons également que les différentes histoires des processus migratoires à destination
de la France et du Portugal placent actuellement les communautés guinéennes de ces deux pays
face à des questions et à des défis quelque peu distincts. La communauté en France, plus
avancée dans son processus d'assimilation et moins précaire du point de vue socio-économique
est surtout confrontée à des défis associés à une transition générationnelle où le maintien de ces
types de liens et pratiques envers le pays d'origine n'est pas garanti. Quant à la communauté au
Portugal, elle est essentiellement confrontée à un ensemble de graves difficultés sur les plans
socio-économiques et de l'insertion sur le marché du travail (aussi bien pour les plus qualifiés
que, d'une manière généralisée, pour la grande majorité qui occupe le segment secondaire du
marché du travail portugais) — des difficultés qui se sont aggravées en raison de l'actuelle
situation économique portugaise et qui non seulement empêche une contribution plus effective
au bien-être de leur pays d'origine, mais sont également à l'origine d'une vague remigratoire très
nombreuse qui peut finir par altérer le modèle de dispersion géographique de la diaspora
guinéenne d'une manière permanente.
En résumant certaines des principales conclusions par rapport à chacune des dimensions
susmentionnées (économique, associative et relatives aux qualifications et aux compétences),
nous avons tout d'abord constaté que la communauté guinéenne en France en raison du caractère
antérieur et plus stabilisé de son processus d'incorporation socio-économique ainsi que du
39
Il en est de même dans le cas des étudiants déplacés, dont beaucoup se trouvent dans des situations très difficiles et précaires suite
à leur besoin de garantir plusieurs nécessités à la fois: l'étude ; un travail qui permette de recevoir un revenu susceptible de payer les
frais universitaires et de supporter les frais quotidiens et le maintien d'un statut légal régulier (pour lequel il faut avoir ses frais
universitaires régularisés, ce qui exige normalement que l'étudiant travaille).
40
Où la question de la délinquance et le manque d'opportunités pour les jeunes continue par exemple à être un problème important,
malgré le degré plus avancé d'assimilation formelle de la communauté.
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
45
niveau de vie supérieur dans le contexte d'accueil, semble être associée — en termes moyens,
voire agrégés — à une capacité relativement plus importante de mobilisation d'épargne et
d'envoi de fonds. Il importe toutefois de signaler trois exceptions à ce propos: sa concentration
régionale élevée sur le «sol manjaque»; sa forte association aux éléments plus âgés de la
communauté, suggérant un risque considérable de diminution à l'avenir et la tendance pour que
les fonds qui sont envoyés à titre d'investissement, typiquement dans le secteur immobilier,
soient faits au Sénégal et non pas en Guinée-Bissau41. Pour ce qui a trait à la communauté
guinéenne au Portugal, les risques principaux sont ceux qui découlent des difficultés
économiques et de travail d'une grande partie de la communauté et de la recomposition
géographique suite à la remigration actuellement en cours.
En ce qui concerne les ressources liées à la diaspora qui trouvent leur expression la plus
achevée dans le tissu associatif des deux communautés, nous avons conclu que la diaspora
guinéenne est caractérisée par l'existence de dynamiques associatives d'une énorme richesse et
densité — et que le travail mené par ces associations joue un rôle essentiel, au moins à trois
niveaux: dans le maintien et la rénovation des liens identitaires qui unissent les communautés
migrantes entre elles et avec le pays d'origine; lors de la prestation d'assistance mutuelle dans
un ensemble de domaines fondamentaux et dans le financement et la mise en place d'initiatives
de promotion et de bien-être des communautés d'origine et, d'une manière plus générale, de la
Guinée-Bissau. À ce propos, les principales différences entre les communautés dans les deux
pays concernent surtout les priorités d'intervention dans les pays d'accueil, car les interventions
dans les pays d'origine ont non seulement en général un caractère analogue (bien que dans le cas
français, plus concentrées dans la région nord de la Guinée-Bissau), mais sont aussi très souvent
mises en place de manière conjointe ou en partenariat par des associations homologues au
Portugal et en France.
Pour finir, pour ce qui a trait aux ressources humaines (qualifications et compétences) des
communautés guinéennes à l'extérieur, nous avons constaté que la diaspora la plus qualifiée, en
vertu de la spatialité des processus historiques qui lui ont donné naissance, est surreprésentée au
sein de la communauté guinéenne au Portugal. Le retour en Guinée-Bissau de cadres et
d'individus ayant une formation supérieure est, depuis longtemps, une réalité bien qu'elle soit
contrebalancée, à diverses occasions, par des flux de sortie. Dans ce contexte, le problème de la
'fuite des cerveaux' concerne surtout les médecins, les infirmiers et les autres membres du
personnel du secteur — un domaine dans lequel les ressources humaines guinéennes à
l'extérieur dépassent probablement celles dont le pays dispose actuellement. Dans la plupart des
autres domaines de spécialisation, les principaux problèmes sont liés à l'utilisation des
compétences déjà existant dans la diaspora: tant dans les contextes d'accueil où se propagent les
situations de non utilisation de compétences que lors des trajectoires de retour non encadré,
fréquemment confrontées à des difficultés d'ordre divers au niveau de l'insertion sur le marché
du travail ou dans la fonction publique.
Les migrants, dirigeants associatifs et autres informateurs privilégiés sur ces deux
communautés présentent un degré de convergence très élevé lorsqu'ils sont interrogés sur ce que
devraient être les priorités en matière d'action politique pour la diaspora. En premier lieu, il faut
reconstruire la confiance entre l'État et la diaspora — une confiance qui a été minée par des
décennies de méfiances mutuelles — avec des pas simples, mais solides, qui révèlent une
volonté consistante de considérer la diaspora comme un partenaire. En second lieu, il faut
renforcer le flux d'informations — en mettant à disposition de la diaspora des informations par
l'intermédiaire de différents canaux sur les procédures à adopter pour différents effets en
Guinée-Bissau et en créant des mécanismes de consultation régulière et englobante de la
communication (par le biais de représentations consulaires dotées de moyens renforcés et en
utilisant les associations comme partenaires et interlocutrices privilégiées). En troisième lieu, il
est fondamental de garantir la prévisibilité et la transparence des procédures administratives en
ce qui concerne les différentes activités et initiatives développées par la diaspora en Guinée41
Cela est essentiellement dû, d'après les personnes interrogées à une plus grande transparence et prévisibilité des procédures et des
garanties légales dans ce pays.
46
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
Bissau, de réduire les abus et de garantir l'effectivité des droits de propriété afin d'encourager
l'investissement. En quatrième lieu, la simplification administrative du processus du passage de
la douane avec des conteneurs et des biens provenant de l'extérieur serait une mesure importante
et bien reçue par la diaspora — permettant de réduire les abus et les temps d'attente et,
idéalement, exonérant la diaspora du paiement des taxes douanières dès que les biens ne sont
pas destinés à des fins commerciales. En cinquième lieu, la concrétisation effective du droit de
vote des communautés à l'extérieur constituerait non seulement un pas symbolique très
important, mais renforcerait aussi les liens entre la diaspora et le pays d'origine et favoriserait
certainement les dynamiques de différents types que nous avons mentionnés.
Outre ces domaines, la diaspora avance avec des suggestions dans de nombreux autres
domaines — comme le développement d'efforts politiques en vue de la réduction des prix des
voyages d'avion et des appels téléphoniques vers la Guinée-Bissau (mais aussi afin de créer des
vols directs de et vers la France); l'annonce publique aussi bien en Guinée-Bissau qu'auprès de
la diaspora des concours pour la fonction publique guinéenne — et la sélection méritocratique
des candidats ou l'encadrement adéquat des processus de retour de cadres qualifiés pour garantir
un ensemble de conditions minimales et de préparation des équipes et des services qui
accueilleront le migrant de retour. Les cinq grandes lignes d'action indiquées ci-dessus
demeurent cependant, du point de vue de la diaspora au Portugal et en France le centre de la
question et les domaines d'action prioritaires. Une nouvelle politique pour la diaspora qui atteint
des avancées significatives dans chacun de ces cinq domaines apportera, dès lors, une réponse à
ses principales craintes dans sa relation avec l'État et la société guinéens.
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
47
4. Migrations internationales et développement
humain en Guinée-Bissau: une analyse
comparative de 45 villages « tabancas »
L'investigation développée en Guinée-Bissau a eu pour objectif d'identifier les effets de la
migration dans le développement des tabancas d'origine des migrants et sa contribution en ce
qui concerne le développement régional et global de la Guinée-Bissau. 45 tabancas ont fait
l'objet d'études, toutes distribuées parmi toutes les régions continentales de la Guinée-Bissau —
Bafatá, Biombo, Cacheu, Gabu, Oio, Quinara et Tombali — en même temps qu'a été faite
l'analyse de données secondaires se trouvant dans des documents de référence, notamment le
Document de Stratégie Nationale de Réduction de Pauvreté (MEPIR, 2011), l'Enquête Nationale
à la Population (INEC, 2009), et l'Enquête non détaillée d'Évaluation de la Pauvreté (ILAP,
2010), entre autres.
Les données obtenues montrent que la dimension du phénomène migratoire, ainsi que le
degré d'implication et les stratégies d'intervention des migrants en faveur du développement de
leur pays, changent significativement d'une région à l'autre. Le degré d'ancienneté du processus
migratoire et les pays prédominants de destination sont des éléments explicatifs importants en
ce qui concerne l'hétérogénéité constatée, ainsi que l'appartenance ethnique et le degré
d'organisation des propres migrants. Il a été également constaté qu'il existe d'autres acteurs de
développement, en particulier l'État et les ONG, dont l'intervention affecte de manière
significative les dynamiques de développement local et que, dans ce scénario complexe,
l'importance de la migration pour le bien-être des populations est relative, variant en fonction
des priorités définies et de la mesure dans laquelle ils complètent, ou pas, d'autres interventions
existantes. Malgré l'hétérogénéité de la réalité analysée, les données obtenues permettent de
conclure que la migration guinéenne affecte de façon substantielle le bien-être des populations
qui en bénéficient, qu'elle contribue au développement global du pays et qu’elle est
fondamentale pour des aspects clés comme la santé, l'éducation et la sécurité alimentaire.
4.1 La dynamique migratoire dans les régions continentales et
ses effets dans le développement des tabancas d'origine
L'information obtenue à partir des 45 groupes focaux réalisés s'est focalisée sur (i) les
caractéristiques du tabanca (la localisation, le nombre d'habitants, les principales activités
économiques, les projets de développement en cours, les infrastructures sanitaires, l'éducation,
l'eau et l'énergie existantes et leur degré de fonctionnement); (ii) les modèles, les destinations et
le degré d'organisation des diasporas respective; (iii) les actions réalisées par les migrants (tant
à titre individuel que collectif) dans le tabanca d'origine, tant dans le volet social que dans les
activités génératrices de revenus; (iv) les perceptions des populations locales en ce qui concerne
l'importance relative de la contribution des migrants au développement local et national, en
comparaison avec le rôle d'autres acteurs, notamment l'État et les ONG.
La région de Bafatá
Les tabancas analysés dans la région de Bafatá présentent un taux moyen d'émigration de
16 %. Le début du processus migratoire a commencé lors de la période postindépendance,
même si dans 3 des tabancas enquêtées on fait référence à la décennie des années 1960. C'est
une réalité hétérogène: quelques-uns des groupes focaux ont affirmé que la migration a
commencé à baisser ces dernières années, tandis que d'autres ont souligné son augmentation
progressive, en dépit de la croissante difficulté du processus. Le Portugal est la destination
48
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
européenne à laquelle on fait le plus référence, suivi par la France. D'autres pays comme
l'Espagne, le Royaume-Uni, la Hollande, l'Allemagne et l'Italie se détachent également, comme
de façon plus aléatoire, l'Australie, le Brésil, le Canada et les États-Unis. Cependant, les pays
voisins continuent d’être les destinations les plus anciennes et les plus importantes, notamment
le Sénégal et la Gambie, suivis du Cap-Vert. L'Angola a été citée comme une destination
récente, qui a attiré un nombre croissant de migrants ces dernières années.
Les tabancas de Kamsamba, Djabicunda, Amedalai et Bangacia possèdent des associations
de migrants qui se trouvent au Portugal, en France, en Espagne, au Sénégal et au Cap Vert. L'école
primaire de Kamsamba a été réhabilitée par l'association de migrants et les salaires des
professeurs locaux sont également versés par l'association. Il en est de même à Bangacia où les
salaires des professeurs ont été versés par les migrants durant sept ans. La ville de Bambadinca
a reçu une donation de matériel scolaire. Un forage d'eau potable, construit par une ONG, a
obtenu une contrepartie locale grâce à la contribution des migrants.
Pour 4 tabancas sur 7 analysées, les groupes focaux réalisés ont confirmé l'envoi de
médicaments, de draps et de couches pour les dispensaires de santé locaux. Une ambulance a été
donnée par les migrants au dispensaire de santé de Bambadinca, qui dessert également les
tabancas environnants. Dans toutes les tabancas, les personnes interrogées ont souligné
l'importance de l'aide fournie par les migrants pour garantir que les familles aient un meilleur
accès à la santé, à l'éducation, à l'alimentation et à la capacité pour gérer de graves maladies ou
des situations de détresse.
On a constaté un nombre élevé d'habitations construites ou rénovées, par les migrants dans
les tabancas analysées dans cette région. Djabicunda présente un aspect unique dans l'univers
considéré, étant la seule tabanca sur un total de 45 où il a été constaté que plus de 90 % des
habitations existantes sont de construction définitive, avec un toit en zinc et des murs en briques
qui délimitent chacune des résidences. Les associations de migrants de cette tabanca envisagent
maintenant de rénover l'école locale et de construire un dispensaire de santé. En général, les
activités agricoles sont soutenues par les migrants et, sur 3 des tabancas étudiées, l'achat des
terrains et l'acquisition du bétail et des instruments servant à labourer ont été considérés comme
des pratiques ordinaires.
Dans les 7 tabancas analysées dans cette région, l'aide aux cérémonies religieuses a
fréquemment été évoquée, et compte également, dans la mesure du possible, avec la présence
des migrants eux-mêmes. Il est fréquent d'envoyer des parents de migrants à la Mecque et à
Djabicunda, une partie de la mosquée locale a été construite avec l'aide de l'association des
migrants locaux.
D’une manière générale, les tabancas analysées dans la région de Bafatá présentent
d'importants signes de l'impact de la migration et les liens symboliques maintenus par les
migrants sont importants et sont exprimés au travers du soutien et d'une participation fréquente
aux cérémonies religieuses et traditionnelles. L'aspect des tabancas est marqué par l'influence
des migrants et tous les groupes focaux ont souligné l'importance du soutien reçu en ce qui
concerne le bien-être des populations locales. Dans 6 des 7 tabancas étudiées, les groupes
focaux ont considéré que ce sont les migrants qui ont le plus contribué au développement local,
suivi des ONG, alors que la contribution de l'État apparaît, à l'unanimité, comme celui qui est le
moins important des trois.
Région de Biombo
Le taux moyen d'émigration dans cette région avoisine les 5% et l'Europe n'est pas la
destination principale. Même si l'émigration, dont la destination est le Portugal, la France et
l'Espagne est mentionnée, la plupart des émigrants dans les tabancas analysées se trouvent en
fait dans les pays voisins, notamment au Sénégal et au Cap-Vert, avec une minorité également
en Guinée-Conakry et en Mauritanie. L'Angola est mentionnée comme destination récente et
néanmoins significative. L'émigration est vue comme un phénomène récent dans la région:
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
49
même si le début du mouvement migratoire est parfois mentionné comme étant situé dans les
années 1970, le conflit de 1998 est en fait indiqué comme étant le tournant dans la quantité des
contingents et dans la diversité des destinations. Les populations ont la perception que
l'émigration a commencé à augmenter très récemment. Malgré les difficultés accrues, l’absence
de perspectives, la réduction de la production locale du riz et l'amélioration potentielle de la
qualité de vie dans d'autres pays constituent les principales causes en ce qui concerne cette
augmentation.
Aucune des tabancas analysées ne possède une association de migrants dans la diaspora. La
nature fondamentalement individualiste du groupe ethnique majoritaire dans cette région — les
rôles — a été indiquée comme la raison principale pour le manque d'organisation et de
contribution systématique de sa diaspora. Les aides qui sont effectivement envoyées par les
émigrants ont lieu à un niveau strictement familial et sont considérées comme irrégulières et peu
significatives en ce qui concerne le bien-être de la communauté comme un tout. La nature
récente de cette émigration, les difficultés des émigrants eux-mêmes, et le fait que la majorité
réside dans d'autres pays africains constituent les raisons évoquées comme étant celles qui ont
provoqué la moindre participation des migrants dans les procédures de développement local.
Les principales sources de revenus des populations locales sont la cueillette de noix de cajou, la
pêche et le tissage traditionnel.
Aucun projet de développement n'a été identifié — en éducation, santé, eau, assainissement
ou infrastructures de base — ni aucune activité générant des revenus promue par les émigrants.
Seul Bissauzinho s’est vu attribué, par un migrant et à titre individuel, un équipement pour son
club de football local. En cas d'urgence familiale, il se peut que l'émigrant aide sa famille, mais
cela est considéré comme une pratique peu fréquente dans les 6 tabancas analysées.
Dans ce scénario, les populations enquêtées considèrent que se sont les ONG, suivies
immédiatement par l'État de la Guinée, qui contribuent le plus pour leur bien-être. L'aide des
migrants est considérée comme peu importante et ces derniers ne sont pas considérés comme un
acteur important pour le développement local. Il est intéressant de constater que, dans 2 des
tabancas analysées (Sidja et Bissa), les populations interrogées ont considéré que ceux qui
aident le plus la tabanca respective est l'association locale elle-même.
D’une manière générale, la dynamique migratoire de la région de Biombo est de petite
dimension, caractérisée par la basse intensité de pratiques transnationales et orientée en majorité
vers d'autres pays africains. Les impacts de la migration dans cette région sont pratiquement
inexistants — le peu d'investissement réalisé est sporadique et est concentré au niveau de la
famille, sans aucun bénéfice au niveau collectif, soit à travers de projets locaux ou à travers
d'activités productives. Le paysage de la tabanca est marqué par la construction traditionnelle et
les quelques maisons au toit en zinc identifiées appartiennent aux habitants locaux liés à la
production de noix de cajou.
Région de Cacheu
Les tabancas interrogées dans la région de Cacheu présentent les contingents de migrants
les plus importants de toutes les régions analysées. Dans toutes les tabancas analysées et dans
l'île de Jeta, le nombre de migrants et environ 50 % du total de la population. Certains groupes
focaux ont mentionné que le nombre de migrants était supérieur à celui des non-migrants. C'est
aussi la région qui montre la dynamique migratoire la plus ancienne. Dans 4 des 7 tabancas
étudiées, les personnes interrogées ont situé le processus migratoire à la fin du XIXe siècle, avec
comme destination, la France, bien qu’il soit parfois mentionné des dates encore plus anciennes,
qui soulignent la nature saisonnière de la migration vers le Sénégal, dans le contexte de la
récolte de la cacahuète.
Jusqu'à nos jours, la principale destination des migrants des tabancas analysés dans cette
région est la France, suivie du Portugal, même si le Sénégal continue d’être également une
destination de référence. Cependant, nous assistons à une croissante diversification des flux
50
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
migratoires, avec des pays comme l'Espagne et le Royaume-Uni qui émergent comme des pays
importants, tout comme le Luxembourg, la Suisse et l'Italie. Même si cela est de plus en plus
difficile, la migration a commencé à augmenter dans la plupart des tabancas analysées.
L'appauvrissement progressif de la Guinée-Bissau, la constante instabilité politique et les forts
réseaux établis par les migrants les plus anciens — qui encouragent fréquemment et aident à la
migration de leurs parents et amis les plus jeunes — constituent les principales raisons du
maintien de la dynamique migratoire.
Le lien de ces migrants avec leur communauté d'origine est significatif, en effet toutes les
tabancas étudiées avaient des associations de migrants en France, au Portugal, en Espagne, au
Royaume-Uni et au Sénégal, parmi d'autres pays de destination. Dans 4 des 6 tabancas, l'école
primaire locale a été construite ou réhabilitée par les associations de migrants. À Jeta, le projet
de réhabilitation de l'école, développé initialement par les migrants, a été conclu par la
coopération américaine, qui a également équipé l'école. En conséquence, l'école bénéficie
maintenant d'aides d'autres partenaires internationaux. Toutes les tabancas ont évoqué l’aide
reçue dans ce secteur à travers la mise à disposition d’équipement et de matériel scolaire. À
Tame et à Calequisse, les associations de migrants assurent le paiement d'une allocation aux
professeurs, garantissant ainsi la non-interruption des cours lors des fréquentes périodes de
grève de la fonction publique. À Binhante, des panneaux solaires ont été envoyés à l'école locale
par les migrants résidants en France. De plus, les personnes interrogées ont été unanimes
lorsqu’elles ont souligné l'importance des envois de fonds destinés à assurer les conditions
nécessaires pour que les enfants puissent fréquenter l'école régulièrement.
La santé a aussi été un des secteurs fortement soutenus par les associations de migrants. Dans la
tabanca de Calequisse, le dispensaire de santé local a été construit par l'association de migrants
résidants en France, et a été postérieurement équipé par une ONG française. Également sur l'île de Jeta,
le dispensaire de santé local a été construit par les migrants en France et au Portugal, l'association au
Portugal ayant obtenu une aide de la Fondation Calouste Gulbenkian afin d'équiper le centre avec des
panneaux solaires et de l'approvisionner en médicaments de façon régulière. À Pelundo, le projet de la
construction d'un dispensaire de santé a été conçu, avec l'aide des migrants de France et du Portugal.
Tous les enquêtés ont parlé de l'envoi de médicaments, ainsi que de l'aide mise à disposition en cas de
maladie, y compris les cas d'évacuation médicale vers le Portugal ou le Sénégal.
Également au niveau des infrastructures routières, l'investissement réalisé par les migrants a
été significatif. La route reliant Tame à Canhobe et celle qui relie Pelundo à la route principale
de Canchungo ont été réhabilitées avec l'aide des associations de migrants. Les véhicules
destinés au transport public envoyés par les migrants pour leurs familles sont également souvent
mentionnés. Sur l'île de Jeta, les migrants ont envoyé des vedettes à moteur pour remplacer les
canoës à rames qui assuraient les liaisons avec le continent, en particulier à l'hôpital de Caió.
Des forages d'eau et des fontaines construites grâce à l'aide financière des migrants ont
également été mentionnés.
Dans les 7 tabancas analysées, des activités génératrices de revenus promues par les
migrants, par leurs familles ou par d'anciens migrants ont également été identifiées. Des
machines à décortiquer le riz, des générateurs, dont l'énergie est vendue aux voisins, des
épiceries, des discothèques, des petites pensions et des maisons de passage, ayant été également
souligné de façon fréquente, des investissements pour l'acquisition de terrain, de bétail ou
d’équipements pour le labourage des terres.
Le nombre d'habitations de construction définitive est important et la plupart ont des toits
en zinc. De petits bâtiments de trois étages maximum ont également été identifiés dans certaines
tabancas, ayant tous une couverture téléphonique intégrale des trois opérateurs existants. Dans
l'une d'elles, Calequisse, une filiale de la Western Union est en train d'être créée. Seule l'île de
Jeta présente un paysage où le traditionnel prédomine, avec peu de maisons aux toits de zinc.
Globalement, la relation des associations et des migrants avec leur famille et la
communauté est dans l'ensemble forte et régulière. Les principales activités et les cérémonies
traditionnelles sont réalisées avec l'aide des migrants et certaines d'entre elles comptent même
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
51
sur leur présence. Ils ont également identifié des cas de migrants qui, étant déjà à la retraite,
sont revenus pour assumer des positions de dirigeants dans la communauté (comme le roitelet
de Calequisse, par exemple, émigré en France pendant 20 ans), ou également ceux qui visitent la
tabanca avec régularité et qui y résident une partie de l'année. Dans cette région, les interrogés
ont considéré que ce sont les migrants qui ont le plus contribués au développement local, avec
les ONG et l'État se disputant ex aequo la deuxième place.
Région de Gabu
Le taux d'émigration dans les tabancas analysées dans la région de Gabu avoisine les 8% et
les données obtenues montrent une réalité hétérogène. Alors que dans certaines tabancas, la
migration a débuté juste après l'indépendance, dans d'autres, il est mentionné que cela n'a débuté
que dans les années 1990. La destination européenne la plus évoquée est le Portugal, suivi de la
France, de l'Espagne, du Royaume-Uni et de l'Allemagne, même si dans l'une des tabancas —
Dembube — aucune migration vers l'Europe n’est mentionnée. Les pays voisins sont évoqués
comme les destinations les plus anciennes et les plus importantes, en particulier le Sénégal, et à
une plus petite échelle le Cap-Vert, la Gambie et la Mauritanie. L'Angola est la destination
récente, est considérée importante dans 5 des 7 tabancas analysées. Alors que la migration vers
l'Europe, la plus récente, est en relation directe avec l'augmentation provoquée par la pauvreté
de la Guinée-Bissau, la migration vers les pays voisins fait partie d'une ancienne tradition de
mobilité transfrontalière, maintenue par des liens familiaux et par le fréquent engagement des
populations locales sur les routes commerciales de la sous-région.
Aucune des tabancas analysées n'a évoqué l'existence d'associations de migrants. De cet
ensemble, seule la ville de Sonaco a souligné le don d'une ambulance à l'hôpital local et aucune des
restantes n'a présenté de projets de développement promus par les migrants et visant la communauté
en tant que telle. Dans cette région, la contribution des migrants est surtout remarquée au niveau
symbolique. Il a été souligné le soutien apporté aux cérémonies religieuses, en particulier, le
Ramadan et le Gamo, ainsi que le financement des déplacements des familles à la Mecque. À
Cumpanghor, la mosquée locale a été construite grâce à l'aide des migrants résidants en Angola.
Cependant, l'aide fournie par les migrants au niveau familial est considérée comme
extrêmement importante par l'ensemble des tabancas de cette région, en particulier dans des
situations de maladie, ou d’insécurité alimentaire. Dans 2 des tabancas étudiées — Oco Maunde
et Dara —, il a été rapporté l'aide des migrants pour l'acquisition d'outils agricoles, de graines et
de bétail. À Nemataba, on a également rajouté l'acquisition de terrain pour la pratique du
labourage. D'autres activités génératrices de revenus, telles que des petites épiceries et des
commerces ambulants (de vêtement, entre autres) ont été soulignées comme ayant été soutenues
par des migrants, même si cela ne se concrétise pas au niveau de la tabanca mais au niveau de la
capitale de la région, Gabu. C'est également dans cette ville que se trouvent la plupart des
investissements des migrants en ce qui concerne l'acquisition ou la construction d'habitation, ce
qui arrive peu de fois et qui n'est pas significatif au niveau des tabancas.
Effectivement, c'est dans la ville de Gabu que se concentrent les principaux investissements
promus par les migrants. Contrairement à la majorité des villes guinéennes, Gabu possède un
système d'électricité fonctionnel, garanti par une entreprise locale, propriété d'un ancien
émigrant qui a résidé en Hollande pendant 20 ans. La plus grande entreprise de construction
civile de la ville, qui emploie plus de 50 personnes, a été créée par un migrant qui réside
toujours au Portugal, alors que la seule usine de glace de toute la région appartient à un ancien
migrant qui a vécu au Portugal pendant environ 30 ans. La ville allie le trait colonial classique
avec des bâtiments de style européen contemporain, certains ayant trois étages.
Globalement, les effets de la migration dans la région de Gabu sont très diffus. Au niveau des
tabancas analysées, ils s'expriment surtout au niveau familial et par les aides fournies à
l'infrastructure et à des pratiques religieuses. Ici, les maisons présentent une construction de type
traditionnel (adobe et paille, ponctuellement avec une construction définitive et toit en zinc) et
c'est surtout dans la capitale de la région que l'on constate les effets significatifs résultants de la
52
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
dynamique migratoire, exprimés, tant au niveau des entreprises et des petites entreprises existantes
qu’au niveau du type de construction visible dans la ville. La perception des populations
interrogées concernant la contribution des différents acteurs de développement locaux est aussi
hétérogène: alors que certaines valorisent le rôle de l'État (4 des interrogés), 2 donnent la primauté
aux ONG et une seule considère les migrants comme les acteurs qui se détachent le plus.
Région d’Oio
Dans la région d’Oio, le taux d'émigration moyen dans les 6 tabancas analysées tourne
autour des 7%. Les interrogés situent le début de la dynamique migratoire vers l'Europe dans les
années 1960, avec une augmentation significative lors de la période postindépendance et au long
des années 1980. La tendance à l’augmentation de la pression migratoire ces dernières années se
confirme, en conséquence de l'aggravation du sous-développement de la Guinée-Bissau et de
l'augmentation de l'espérance de vie, surtout chez les jeunes.
Le Portugal est le pays de destination le plus important en Europe, suivi de l'Espagne et de la
France. D'autres destinations européennes, telles que le Royaume-Uni, l'Italie, la Belgique et
l'Allemagne ont également été citées. Cependant, et à l’instar des autres régions, ce sont les pays
africains, notamment le Sénégal et la Gambie, qui se détachent en tant que destinations les plus
importantes pour les migrants, ainsi que le Cap-Vert, la Mauritanie et la Côte d'Ivoire, mais à un
moindre degré.
Quatre des six groupes focaux réalisés ont confirmé l'existence d'associations de migrants au
Portugal, en Espagne, en France, au Sénégal et en Gambie. En dépit de posséder une diaspora
apparemment bien organisée, dans cette région, on ne trouve pas de projets de développement promus
par les migrants au niveau de la communauté. Dans les six villes analysées seule — Farim — a signalé
la donation de matériel hospitalier. Cependant, les interrogés sont unanimes lorsqu’ils soulignent
l'importance des envois de fonds d'argent pour améliorer les conditions de vie des populations locales.
L'aide apportée au niveau familial est la garantie d'un accès accru à l'éducation, à la santé, à
l'alimentation et à une plus grande capacité à surmonter les moments de crise et de grande détresse.
Outre les envois de fonds, il a également été mentionné l'envoi de matériel scolaire. Dans 2 des
6 tabancas étudiées, on a cité l'envoi par les migrants de véhicules utilisés ici comme transports
publics. Par rapport aux activités génératrices de revenus, il a été mentionné l'acquisition de terrains
et d'outils agricoles, afin d'augmenter et de diversifier la production agricole locale. À Farim, il a été
évoqué le financement pour l'acquisition de canoës et de moteurs qui traversent le fleuve qui relie la
ville à la route, ainsi que l'envoi de vêtements du Portugal destinés à la vente locale. Bien que des
maisons de construction définitive aient été mentionnées et observées, la plupart des tabancas
possèdent encore une majorité de maisons de construction traditionnelle.
L'aide fournie par les migrants aux cérémonies traditionnelles et religieuses a été
mentionnée dans tous les groupes focaux, ainsi que leur participation directe, ce qui est fréquent
pour ceux qui résident dans les pays voisins.
Globalement, la région d’Oio présente une expression migratoire peu dynamique. Ses effets
sont peu visibles, tant au niveau des infrastructures existantes, qu’au niveau de projets de
développement visant à bénéficier toute la communauté. La perception des enquêtés au sujet du
rôle des différents acteurs de développement local confirme le peu d'importance des migrants,
qui arrivent en dernière place, alors que l'État et les ONG se détachent, au même niveau, comme
étant ceux qui contribuent pour le bien-être des populations locales.
Région de Quinara
Cette région présente un taux d'émigration pratiquement marginal, qui ne dépasse pas les 4 %
dans les 6 tabancas analysées. Une des tabancas — Buba Tumbum — a rapporté l’absence de
migrants. Dans les restantes, le phénomène migratoire a débuté avant l'indépendance, ayant
comme destination principale le Sénégal, préférence qui se maintient encore de nos jours. Le CapÉvaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
53
Vert ressort aussi comme une destination importante et dans l'une des tabancas, N'Tunghane, il a
même été souligné comme étant le pays le plus important. Seules deux des tabancas — SambaSabali et Uane — ont mentionné l’existence d’un contingent important de migrants en Europe,
surtout au Portugal. D’autres moindres ont également été mentionnés en Espagne, Hollande, Italie
et en Allemagne. La pression migratoire semble être hétérogène, la moitié des tabancas
interrogées mentionne une diminution et tandis que l’autre moitié souligne une augmentation. Le
manque de perspectives pour l’avenir, qui encourage au départ concoure avec la peur du parcours,
étant vu comme dangereux à cause de sa nature de plus en plus irrégulière.
Aucune association de migrants dans les 6 tabancas analysée n'a été identifiée et il n'a été
rapporté aucune initiative visant le développement de la communauté. À ce niveau, seules deux
des tabancas interrogées, N'Tunghane et Batambali, ont parlé de la contribution des migrants
pour équiper la mosquée locale, ainsi que de leur aide pour réaliser des festivités religieuses. La
contribution des quelques migrants existants se manifeste au niveau familial, mais elle est tout
de même présentée comme irrégulière, étant surtout associée à des urgences familiales.
Cependant, cette aide est considérée comme très importante si l’on tient compte des limitations
des services de base nationaux.
Dans 2 des 5 tabancas ayant des migrants, il a été souligné leur aide aux petites activités
génératrices de revenus, notamment, l'acquisition de terres pour l'agriculture et la plantation de
noix de cajou, de machines à décortiquer le riz et des voitures de transport public. Dans 3
d'entre-elles, les interrogés ont dit que les migrants ont réhabilité ou construit des maisons, pour
eux ou pour leur famille, mais en si petit nombre que cela n'affecte pas l'aspect général du
paysage. Et ainsi, globalement, les tabancas analysées sont caractérisées par des maisons de
construction traditionnelle, avec peu de toits en zinc.
D'une façon générale, cette région se caractérise par une faible expression migratoire et par le peu
d'importance de ses effets en ce qui concerne le développement de la tabanca et des infrastructures
existantes. Selon les enquêtés, la migration ne fait pas partie des stratégies de vies typiques pour les
groupes ethniques résidents — pour la plupart des Beafadas et, à une moindre échelle, les Balantas —
et les déficits de développement observés sont le résultat de la Guerre coloniale, qui a sévèrement
pénalisé la zone sud du pays. Ce sont les ONG — suivis de loin par l'État de la Guinée — qui
contribuent le plus, selon l'opinion des interrogés, au bien-être des populations: 5 des 6 écoles des
tabancas analysées ont été construites ou réhabilitées par des ONG internationales ou locales et tous les
points d'eau existants ont été construits par des ONG. Les migrants ne sont pas considérés comme des
acteurs du développement dans 3 des 6 tabancas analysées et dans les restantes ils ont peu
d'importance, lorsqu’ils sont comparés avec l'État et surtout avec les ONG.
Région de Tombali
Les 6 tabancas analysées dans la région de Tombali présentent un taux d'émigration moyen
de 5%. Le Portugal est clairement la destination européenne la plus importante, mais il existe
aussi des références à la France, à l'Espagne, au Royaume-Uni et à l'Italie, entre autres. De
nouveau, ce sont les pays voisins qui regroupent le plus grand nombre d'émigrants, avec
d'importantes références au Sénégal, mais aussi au Cap-Vert, à la Guinée-Conakry, à la Gambie
et à la Mauritanie. L'Angola est une destination récente, mais l'une des plus recherchées. Dans la
plupart des cas, la migration a débuté après l'indépendance, et dans 4 des 6 tabancas analysées
son augmentation a été soulignée, alors que pour les 2 autres c’est sa diminution qui prédomine.
Généralement, le sous-développement du pays face aux attentes accrues, surtout de la part des
jeunes, contribue à l'augmentation de la pression migratoire, ce qui entre en concurrence avec la
perception de la crise, qui pousse d'autres à dévaloriser l'option migratoire, surtout si l’on
considère les difficultés inhérentes au processus dans le cas de l'Europe.
Dans aucune des tabancas analysées les groupes focaux ne se réfèrent à l'existence des
associations de migrants 42. Cependant, des groupes de migrants ou des migrants à titre individuel ont
42
Cependant, au Portugal, a été identifiée l'Association de Migrants de Mampata Forea.
54
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
contribué de façon significative au développement de leur tabanca d'origine. À Mampata Forea, les
migrants ont réhabilité le dispensaire de santé, pour lequel ils ont également envoyé l'équipement
hospitalier et les médicaments. Dans cette même tabanca, les migrants ont contribué à un projet
d'électrification et d'approvisionnement en eau potable promu par une ONG internationale. À Colibuia,
les migrants ont donné un véhicule qui est utilisé comme ambulance, également par d'autres tabancas
voisines. À Háfia, les migrants ont donné l'équipement et le matériel scolaire. Cependant, dans les 2
tabancas analysées, plus au sud de la région — dans le secteur de Catió, où les populations sont
majoritairement d'ethnie balanta et où l'isolement par rapport aux autres communautés est élevé,
surtout pendant la saison des pluies — il n'a pas été identifié de projet en faveur de la communauté.
À Sintchã-Sambel, un migrant résidant en Espagne a donné un générateur avec la capacité
de desservir toute la communauté, 2 tracteurs pour aider aux activités agricoles et un camion qui
permet d’écouler la production locale de cajou vers les marchés régionaux. La même chose a été
réalisée par un émigrant à Colibuia. Dans ces 2 tabancas, des machines ont également été
envoyées pour décortiquer le riz et des voitures ont été données et sont utilisées comme
transport public. Les revenus générés par ces activités sont reversés aux populations locales. De
nouveau, dans les 2 tabancas du secteur de Catió — Mato Farroba et Ilhéu Infanda —, il n'a pas
été identifié d'activité génératrice de revenus promue par les émigrants.
Dans 4 des tabancas étudiées, il a été rapporté l'envoi de fonds et souligné l'importance de
ces ressources financières pour le bien-être des familles, notamment en temps de crise, où l'aide
des migrants est expressément sollicitée et, chaque fois que cela est possible, envoyée. Dans ces
4 tabancas, les migrants apportent également leur soutien aux cérémonies traditionnelles ou
religieuses et à Colibuia, la mosquée locale a été construite et équipée avec l'aide des migrants.
Globalement, la région de Tombali présente un profil migratoire hétérogène et les effets
associés au processus sont différents. Alors que dans les 4 tabancas au nord de la région, situées
dans la zone de Quebo, quelques investissements ont été observés, qui se font également
remarqués au niveau du paysage de la tabanca, avec un nombre élevé de maisons réhabilitées ou
construites (notamment à Háfia), dans les tabancas du Sud, situées dans la zone de Catió, les
effets de la migration sont pratiquement inexistants. La perception des populations locales
correspond aux données obtenues: dans les tabancas au nord de la région, les principaux acteurs
du développement sont les ONG et les migrants. Dans les tabancas du Sud, les ONG jouent le
rôle principal, avec l'état qui apparait en deuxième place et les migrants qui sont considérés
comme peu importants en tant qu'acteurs du développement.
4.2 Comparaison régionale des grandes tendances
migratoires identifiées et de leurs effets dans les
communautés d'origine
Les données obtenues dans cette enquête suggèrent que la dynamique migratoire en GuinéeBissau est importante. Le taux moyen global de l'émigration est d’environ 14%, nettement audessus de la moyenne officielle nationale de 8 % (Banque Mondial, 2010), une donnée à
laquelle on s'attendait si l’on tient compte du fait que les résultats incluent les migrants guinéens
dans l'espace CEDEAO et ceux qui se trouvent en Europe en situation irrégulière. Cependant, le
phénomène migratoire n'est pas une réalité homogène sur tout le territoire national, variant de
région en région et dans chacune selon le groupe ethnique.
Effectivement, ce sont les tabancas de populations majoritairement manjaques qui présentent un
taux élevé d'émigration, ainsi qu’un important retour de cette migration vers leur tabanca d'origine.
Les populations peules, suivies de près par les Mandingues, présentent des valeurs vraiment
inférieures. Cependant, les deux groupes montrent des taux élevés de l'investissement dans leur
tabanca d'origine, en particulier au niveau des activités génératrices de revenus. D'un autre côté, ce
sont les tabancas majoritairement papeis, balantas et beafadas qui enregistrent, non seulement une
baisse de la dynamique migratoire, mais aussi un bas (ou aucun) retour de migration.
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
55
Nous constatons aussi que l'organisation administrative du territoire ne coïncide pas
totalement avec la distribution des populations des différents groupes ethniques43.
Tableau 4.1: Migrants et initiatives promues par des migrants, par groupe ethnique
Balantas
Beafadas
Mandingues
Manjaques
Papéis
Gabu,
Bafata, Oio,
Tombali
Quinara
Gabu,
Bafata, Oio
Cacheu
Biombo
0,8%
10%
7%
50%
5%
Peu
important
dans 100%
des tabancas
Peu
important
dans 100%
des tabancas
Très
important
dans 87%
des tabancas
Très
importants
dans 80%
des tabancas
Très
importants
dans 100%
des tabancas
Peu
important
dans 100%
des tabancas
0/3
(0%)
0/3
(0%)
9/16
(56%)
2/5
(40%)
7/7
(100%)
0/6
(0%)
Quinara,
Tombali
Quinara
Taux moyen de
migration
4%
Importance des
envois de fonds
Projets de
développement
communautaire
Région
Peuls
Source : Enquête collective réalisée dans 45 tabancas guinéens, 2012.
Malgré l'impossibilité de tirer des conclusions généralisées, compte tenu de la dimension de
l'univers considéré, les résultats actuels, conjointement avec les études déjà réalisées (Carreiro,
2007; Carreiro et Sangreman, 2011), suggèrent: (i ) que la migration n'est pas une ambition
uniforme, c’est-à-dire qu'elle n'est pas considérée comme une stratégie de vie privilégiée par tous les
groupes ethniques; (ii) que la migration a lieu avec plus d'intensité lorsqu’elle est associée à un rituel
de passage, comme dans le cas des Manjaques, ou à une pratique professionnelle qui implique une
mobilité, comme le commerce, dans le cas des Peuls et des Mandingues (Carreiro, 2007; Carreiro et
Sangreman, 2011); (iii) que, dans les contextes où l'immigration n'est pas collectivement perçue
comme une stratégie de vie préférable, alors, elle a lieu à une moindre échelle, en tenant compte que
l'investissement financier, associé au processus migratoire (pour l'Europe) est important et que le
migrant rural, ayant peu d'étude, aura difficilement les capacités de l'amorcer tout seul; (iv) ce qui
confirme que l’investissement dans la migration internationale et tendanciellement, une décision et
un investissement familial (voire presque communautaire) et qu'il existe en retour une attente
semblable, ce qui en grande partie justifie les différents types d'investissements réalisés par les
migrants en faveur de leur famille et de leur communauté d'origine.
La variété des attentes et des comportements migratoires identifiés se reflètent dans l'hétérogénéité
des résultats dans les différents domaines analysés dans cette étude. Dès lors, dans les pays de
destination préférentiels, qui varient selon les régions. Cependant, les données obtenues sont
contondantes dans un aspect-clé: L'Afrique est la principale destination de la migration guinéenne, une
réalité transversale à toutes les régions analysées. Dans ce contexte, le Sénégal apparait comme la
principale destination et des 45 tabancas considérées, seulement deux affirment ne posséder aucun
migrant dans ce pays. Il y a aussi d'autres destinations africaines également importantes.
En plus d'être la destination la plus représentée, le Sénégal a également été considéré la
destination la plus importante pour 51% des tabancas interrogées, étant important dans toutes les
43
En fait, il n'y a qu'à Biombo qu'il existe une cohérence presque intégrale entre la région et le groupe ethnique (AEDES, 2009). À
Oio, une bonne partie de la population est balanta (AEDES, 2009), mais les tabankas inclus dans cette étude sont majoritairement
mandingues. La plupart de la population de Cacheu est manjaque, ainsi que les tabankas présentés dans cette étude. Mais Gabu et
Bafatá possèdent déjà des populations majoritairement peules et mandingues (AEDES, 2009), qui ont des comportements
migratoires semblables et qui se trouvent également présents dans les résultats recueillis. De la même façon, les populations qui sont
aussi majoritairement balantas et beafadas de Tombali et Quinara présentent des modèles migratoires identiques, mais dans ces
régions ont également été analysées des tabancas dont la majorité est peule, c'est pourquoi, pour éviter la perte de la spécificité de
l'analyse régionale de ces 2 régions, les deux zones seront dédifférenciées entre elles.
56
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
régions. Le Cap-Vert se détache également comme la destination la plus importante pour les
migrants de Biombo et c'est néanmoins l'un des moins importants pour Cacheu. À noter également la
Gambie, mentionnée par 36 des 45 tabancas interrogées, mais dont les contingents sont extrêmement
petits dans les régions de Tombali et Biombo. L'Angola est une destination extrêmement récente et
toujours avec des contingents peu nombreux, mais elle a été mentionnée par plus de 55 % des
tabancas analysées – mais aucune dans la région de Cacheu, où le Sénégal domine comme la
destination africaine la plus importante — apparaissant de manière évidente, selon la perception des
populations, comme la meilleure destination où l'on doit migrer actuellement.
Tableau 4.2: Pays africains de destination des migrants guinéens, par région
Nombre de références à des pays de destinations africaines
Sénégal
Gambie
Cap Vert
Mauritanie
Angola
Autres
Total
Bafatá
7/7
6/7
7/7
2/7
3/7
6/7
7/7
Biombo
5/6
3/6
6/6
3/6
6/7
1/6
6/6
Cacheu
7/7
7/7
2/7
3/7
0/7
1/7
7/7
Gabu
7/7
3/7
3/7
4/7
4/7
1/7
7/7
Oio
7/7
7/7
4/7
4/7
2/7
3/7
7/7
Quinara
(beafada)
3/4
2/4
3/4
0/4
1/4
0/4
3/4
Quinara (peul)
2/2
2/2
2/2
1/2
1/2
2/2
2/2
Tombali (peul)
3/4
4/4
3/4
1/4
4/4
3/4
4/4
Tombali
(balanta)
2/2
2/2
2/2
0/2
0/2
2/2
2/2
43/45
36/45
32/45
18/45
21/45
19/45
44/45
Total
Source: Enquête collective réalisée dans 45 tabancas guinéens, 2012.
En comparaison, l'Europe est une destination peu expressive. Même si les références sont
fréquentes, les contingents sont globalement peu nombreux, à l'exception de la région de Cacheu et à
un moindre degré, Bafatá. Le Portugal est la destination européenne la plus citée, mais elle ne se
révèle importante que pour 24% des tabancas analysées, la majorité fait partie de la région de Bafatá
et à un moindre degré, dans la zone peule de Tombali. Bien que ce soit le deuxième pays européen
le plus cité, l'Espagne est une destination importante pour 3 des tabancas, mais pour les restantes, les
contingents pour ce pays sont très bas. La France a été citée comme la destination la plus importante
pour la région de Cacheu et à un moindre degré, Bafatá. Cependant, ses contingents migratoires
n'ont pratiquement pas d'importance dans les tabancas des régions de Tombali, Quinara et Biombo.
D'autres pays européens ont été cités, mais parmi ceux-ci, seul le Royaume-Uni ressort comme une
destination intéressante, avis partagé par 44 % des tabancas, même si leur contingent est peu
nombreux. Il a également été constaté une croissante diversité des destinations, avec des pays
comme le Luxembourg, l'Allemagne, la Hollande, ainsi que des destinations non européennes,
notamment le Brésil, mais avec des contingents pratiquement marginaux.
Les envois de fonds se trouvent aussi distribués de façon inégale au long du territoire
national. Dans l'impossibilité de quantifier les montants reçus, et compte tenu de la
méthodologie utilisée, le poids relatif des envois de fonds a été évalué pour le bien-être des
populations en comparaison avec les données mises à disposition par le projet SISA (AEDES,
2009), pour les régions considérées44.
44
Cette source ne contemple pas les versements qui sont canalisés pour des investissements productifs, ou pour des projets sociaux,
ni ceux reçus ponctuellement lors de situations d'urgence médicale et alimentaire, et qui ont été citées par 98% des tabancas
interrogées.
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
57
Les données obtenues suggèrent que les montants reçus dans les tabancas interrogées ont des
montantes et une importance supérieure à ceux suggérés par les montants officiels dans les régions de
Bafatá, Oio, Quinara (peul) et Tombali (peul), mais surtout Cacheu. La différence significative
observée dans cette dernière région est, en grande partie, justifiée par sa composition ethnique,
constituée par deux réalités très différenciées. Au nord du fleuve Cacheu, la population est
majoritairement felupe et balanta (AEDES, 2009), deux groupes ethniques orientés vers l'agriculture et
sans tradition migratoire (Carreiro et Sangreman, 2011). C'est surtout au sud du fleuve Cacheu que se
trouvent les populations manjaques, qui ont une vieille et forte tradition migratoire, dont les contingents
et effets ont été illustrés dans cette étude. Dans l'ensemble, les deux réalités placent le poids moyen des
envois de fonds dans le revenu des ménages autour d’un pourcentage modeste 10 % (AEDES, 2009).
D'un autre côté, cela révèle l'aide significative que les tabancas interrogées dans cette enquête
reçoivent, ce qui les place dans une situation avantageuse en comparaison avec les autres.
Tableau 4.3: Pays européens de destination des migrants guinéens, par région
Nombre de références aux pays de destinations européennes
Portugal
France
Espagne
RoyaumeUni
Italie
Autres
Total
Bafatá
7/7
6/7
5/7
4/7
2/7
5/7
7/7
Biombo
4/6
3/6
4/6
1/6
2/7
2/6
6/6
Cacheu
7/7
7/7
7/7
5/7
2/7
2/7
7/7
Gabu
5/7
2/7
5/7
2/7
0/7
3/7
6/7
Oio
6/6
5/6
6/6
4/6
1/6
3/6
7/7
Quinara (beafada)
2/4
0/4
2/4
0/4
1/4
2/4
2/4
Quinara (peul)
2/2
1/2
1/2
0/6
0/2
1/2
2/2
Tombali (peul)
4/4
1/4
3/4
2/4
1/4
2/2
4/4
Tombali (balanta)
Total
2/2
0/2
1/2
0/2
1/2
0/2
2/2
39/45
25/45
34/45
18/45
10/45
20/45
43/45
Source: Enquête collective réalisée dans 45 tabancas guinéens, 2012.
Gabu, la région la plus bénéficiée par les envois de fonds, selon les données officielles, présente
une spécificité intéressante. En effet, c'est la région où l'on constate les plus importants investissements
productifs, mais concentrés dans la capitale de la région, au détriment de la tabanca d'origine. Ce
phénomène justifie le manque d'unanimité dans l'importance attribuée aux envois de fonds pour le
bien-être des familles, probablement parce qu'une partie de ces revenus potentiels au niveau familial est
en train d'être canalisée pour la création d'activités génératrices de revenus. Cependant, également
dans les tabancas interrogées dans cette région, les résultats ont été frappants en ce qui concerne la mise
à disposition d'aide financière lors de situations ponctuelles d'urgence familiale.
À Bafatá, les données officielles placent cette région légèrement derrière Gabu et Cacheu,
avec 9,6 % des revenus familiaux attribués à la migration (AEDES, 2009). Cependant, les
contingents migratoires et les investissements identifiés dans cette étude pour cette région sont
supérieurs aux officiels, ce qui montre que les tabancas analysées se trouvent au-dessus de la
moyenne régionale présentée.
Oio présente aussi des caractéristiques intéressantes. Bien que les données obtenues attribuent
un poids important aux envois de fonds pour 5 des 6 cas analysés, la source citée situe le poids
concernant les envois de fonds de cette région en dessous de 1%. Il est important de souligner que
les tabancas analysées à Oio étaient issues de populations majoritairement mandingue, même si la
région compte dans son ensemble un contingent important de population balanta, surtout dans les
58
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
zones de Nhacra et de Bissorã (AEDES, 2009), que cette enquête n'a pas prise en compte. Les
tabancas analysées s'affirment ainsi, clairement au-dessus de la moyenne régionale, ayant à leur
disposition une capacité financière additionnelle par rapport aux tabancas qui ne se trouvent pas dans
des circuits migratoires, ou qui ne bénéficient pas de ces derniers, et qui seront la grande majorité, en
tenant compte du faible montant des envois de fonds au niveau régional.
Tableau 4.4: Poids des envois de fonds en ce qui concerne le bien-être des populations et le
pourcentage des ménages ruraux qui les perçoivent
Poids des envois de fonds en ce qui concerne le bien-être des
populations, selon les tabancas interrogées
Sans rapport
(ne reçoit pas)
Importants
Très
importants
% de
migrants
Pourcentage des
ménages ruraux qui
reçoivent des envois de
fonds des émigrants
(AEDES 2009)
Bafata
0/7
0/7
7/7
14
9,6
Biombo
0/6
6/6
0/6
5
0,0
Cacheu
0/7
0/7
7/7
50
10,2
Gabu
1/7
1/7
5/7
8
11,7
Oio
0/6
1/6
5/6
7
0,8
Quinara (beafada)
1/4
3/4
0/4
0,8
Quinara (peul)
0/2
0/2
2/2
5,5
Tombali (peul)
0/4
0/4
4/4
7
Tombali (balanta)
0/2
2/2
0/2
3,5
Total
2/45
13/45
30/45
14
0,0
4,4
–
Source: Enquête collective réalisée dans 45 tabancas guinéens, 2012. AEDES, 2009.
Dans la région de Tombali, cette enquête a observé des différences significatives en ce qui
concerne les investissements faits par les migrants dans les différentes tabancas analysées, un
aspect qui montre des différences significatives entre les zones de population peule et les zones
de population balanta, à cause des raisons déjà citées. La prédominance de populations balantas
justifiera la valeur de 4% (AEDES,2009) qu’ont les envois de fonds dans le revenu des familles
dans la région, en même temps qu’est révélé le revenu supplémentaire dont les tabancas peules
bénéficient, contrairement aux restantes.
Mais dans les régions de Biombo et Quinara, où les deux citées ne reçoivent pas de envois de
fonds (0%), il est intéressant de voir que les tabancas interrogées ont mentionné leur existence,
même si cela est ponctuel et souvent lié à des situations d'urgence familiale. En conséquence
on constate, également dans ce cas, que les tabancas analysées sont favorisées par rapport aux
rapport aux restantes, ayant à disposition des aides additionnelles en cas de besoin.
Globalement, on constate que ce sont les régions ayant le plus grand nombre de migrants et, à
l'intérieur de celles-ci, celles qui sont les plus liées à des circuits migratoires européens – surtout
Cacheu et à un moindre degré, Bafatá, Gabu, Oio et les zones peules de Quinara et Tombali –
celles qui bénéficient le plus des envois de fonds. Cependant, les investissements sociaux promus
par les migrants ne suivent pas la même tendance dans toutes les régions considérées.
On constate que ce sont les tabancas de la région de Cacheu qui se détachent, sur la totalité des
tabancas enquêtées qui reçoivent au moins une aide sociale, celle-ci étant de 100 % pour le secteur de
l'éducation. Vient ensuite Bafatá, avec 5 des 7 tabancas analysées qui bénéficient d'au moins une
initiative et avec une distribution équilibrée des investissements dans trois domaines sociaux
considérés. Les tabancas peules de Tombali présentent aussi des investissements, plus accentués dans
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
59
le secteur de la santé. Pour Gabu et Oio, seules 2 des tabancas analysées dans les deux régions ont reçu
une aide, et toutes deux dans le secteur de la santé. Tandis qu’à Biombo, Quinara et dans les zones
balantas de Tombali, les migrants n'ont promu aucun projet de développement des services de base.
Globalement, 38 % des tabancas considérées ont reçu un certain type d’aide sociale.
L'éducation, avec 44 % du total des interventions, est le secteur le plus soutenu, suivi de la
santé, qui regroupe 36 % des investissements réalisés. Le secteur de l'eau a concentré 20 % du
total des interventions réalisées.
Tableau 4.5: Projets de développement communautaire avec une contribution des migrants, par
région
Nombre d'initiatives par tabanca
Santé
Éducation
Eau
Total
Bafatá
3/7
3/7
2/7
5/7
Biombo
0/6
0/6
0/6
0/6
Cacheu
3/7
7/7
2/7
7/7
Gabu
1/7
0/7
0/7
1/7
Oio
1/6
0/6
0/6
1/6
Quinara (beafada)
0/4
0/4
0/4
0/4
Quinara (peul)
0/2
0/2
0/2
0/2
Tombali (peul)
2/4
1/4
1/4
3/4
Tombali (balanta)
0/2
0/2
0/2
0/2
Total
9/45
11/45
5/45
17/45
Source : Enquête collective réalisée dans 45 tabancas guinéens, 2012.
Concernant les activités génératrices de revenus promues par les migrants, les résultats
obtenus suivent un modèle légèrement différent de ce qui est observé pour les projets du
développement social. Dans ce domaine, l’accent est également mis dans les régions de Bafatá,
Cacheu et les zones peules de Tombali, en tant que bénéficiaires des activités génératrices de
revenus promues par les migrants. Mais, contrairement au domaine antérieur, Gabu, Oio et les
zones peules de Quinara montrent également des initiatives de ce genre, et importantes compte
tenu de l'univers considéré. Seuls Biombo et les zones beafadas et balantas ne font référence à
aucune initiative, à l'exception de la construction d'habitations.
Tableau 4.6: Activités génératrices de revenus promues par les migrants, par région
Pourcentage de tabancas analysées par région
Habitation
Agriculture
Commerce
Autres
Total
Bafatá
7/7
6/7
3/7
1/7
7/7
Biombo
2/7
0/7
0/7
0/7
2/7
Cacheu
7/7
4/7
2/7
3/7
7/7
Gabu
6/7
4/7
1/7
1/7
6/7
Oio
4/6
0/6
1/6
2/6
4/6
Quinara (beafada)
¼
0/4
0/4
0/4
1/4
Quinara (peul)
2/2
2/2
2/2
2/2
2/2
60
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
Tombali (peul)
4/4
Tombali (balanta)
Total
4/4
2/4
3/4
4/4
0/2
0/2
0/2
0/2
0/2
33/45
20/45
9/45
12/45
33/45
Source : Enquête collective réalisée dans 45 tabancas guinéens, 2012.
Globalement, les initiatives les plus nombreuses concernent la construction d'habitations,
avec 33 des tabancas citant les actions promues par les migrants dans ce domaine. L'agriculture
est également soulignée, correspondant à 60 % du total des initiatives réalisées, en particulier
dans les zones peules du Sud et Bafatá et, à un moindre degré, à Cacheu et Gabu. Le petit
commerce représente 36 % du total des initiatives réalisées (dont se détache l'envoi de voitures
destinées au transport public).
La perception des populations sur qui a le plus contribué au développement local reflète
largement le degré d'investissement fait par les migrants dans chacune des régions et permet de
pondérer les effets de leurs interventions en ce qui concerne le bien-être des populations locales.
L'analyse de la perception des populations est révélatrice de la relation entre les interventions des
émigrants et le bien-être des populations. Effectivement, dans toutes les régions où les migrants ont
le plus soutenu leurs tabancas d'origine en ce qui concerne les équipements sociaux — Cacheu,
Bafatá et les zones peules de Tombali — les respectives populations ont considéré leurs migrants
comme étant les principaux acteurs du développement local, au détriment de tout autre acteur. Il est
intéressant de constater que, même dans les régions où les migrants revêtent une importance
moindre par rapport aux trois acteurs considérés — Biombo, Gabu et Oio — et qui enregistrent peu
ou aucune intervention sociale, leur aide est tout de même reconnue, ce qui suggère la valorisation
d'un autre genre de contributions, telles que les envois de fonds, ou les initiatives génératrices de
revenus, d’ailleurs importantes dans les deux régions de l’est. Il n'y a que dans la zone beafada de
Quinara que les migrants sont considérés comme non pertinent en tant qu'acteurs de développement,
une donnée à laquelle on s'attendait, étant donné qu’il n’a pas été possible d’identifier d'activités
génératrices de revenus ni de projets sociaux.
Tableau 4.7 : Perception des populations en ce qui concerne la contribution relative des
différents acteurs pour le développement des tabancas.
Perception ayant comme base un classement attribué sur une échelle prédéfinie (0 à 3)
État
(%)
ONG
(%)
Migrants
(%)
Nombre de
projets sociaux
développés par les
migrants
Nombre
d'activités
génératrices
de revenus
Bafatá
17
35
47
8
17
Biombo
38
41
20
0
2
Cacheu
23
28
47
12
16
Gabu
38
38
22
1
12
Oio
38
38
22
1
7
Quinara (beafada)
45
50
5
0
1
Quinara (peul)
25
50
25
0
8
Tombali (peul)
16
45
38
4
13
Tombali (balanta)
25
75
0
0
0
Total (moyen)
30
40
30
26
73
Source : Enquête collective réalisée dans 45 tabancas guinéens, 2012.
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
61
D'un autre côté, l'État est particulièrement valorisé dans les zones beafadas de Quinara, même
si dans aucune des autres régions cela n’est considéré comme un acteur plus important, à
l'exception d’Oio et de Gabu où il arrive en première place à égalité avec les ONG. Cependant,
l'État arrive en troisième place dans trois des régions considérées. Ce sont les ONG qui recueillent
la reconnaissance la plus unanime et la plus véhémente, occupant la première place dans les
régions de Biombo, Gabu, ONG, Quinara et Tombali, et la deuxième place dans toutes les autres.
Globalement, on constate que les migrants sont particulièrement valorisés dans les zones où
ont été réalisés des équipements sociaux qui ont bénéficié l'ensemble de la communauté. Mais,
lorsqu’ils sont comparés avec les initiatives génératrices de revenus, les projets sociaux sont
beaucoup moins nombreux, étant donné qu'ils exigent un plus grand investissement et, en
conséquence, une plus grande concertation entre les migrants, en plus du fait qu'ils ne produisent
aucun retour financier. D'un autre côté, les initiatives génératrices de revenus ont, en général, un
caractère privé et, même si à court ou moyen terme elles contribuent à réduction une importante
de la pauvreté, elles n'affectent pas directement le collectif de la communauté et sont donc
perçues comme moins importantes pour le développement des communautés locales.
La comparaison entre les résultats obtenus dans les tabancas analysées dans chaque région
et les données officielles mises à disposition pour les indicateurs-clés de développement de
chaque région (INEC, 2009)45 révèlent une réalité différente et confirment la multiplicité des
facteurs et des acteurs qui affectent les processus de développement.
Tableau 4.8: Indicateurs moyens de services de base, par région
Dispensaire de santé
par habitant
Écoles par enfant
Forage d'eau
habitant
par
Bafatá
Biombo
Cacheu
Gabu
Oio
Quinara
Tombali
1/2.114
1/7.156
1/2.011
1/2.477
1/2.625
1/1.321
1/1.282
1/170
1/498
1/236
1/244
1/250
1/188
1/198
1/447
1/1.979
1/911
1/584
1/828
1/613
1/690
Source: INEC, 2009.
En matière d'éducation, c'est la région de Bafatá qui présente les meilleurs indicateurs, si l'on
tient compte des interventions des migrants dans ce secteur, mais aussi des nombreuses ONG,
desquelles se détache le Plan Internacional. S'en suivent les régions de Quinara et Tombali et
ensuite Gabu, Cacheu et Oio, dans cet ordre, avec une moyenne de 1 école pour chaque 200
enfants. Il est pertinent de remarquer que Cacheu, en dépit des investissements de ses migrants
dans ce domaine, présente des valeurs moyennes. Biombo se détache négativement, avec un
indicateur qui met en avant la moyenne de 1 école pour chaque 498 enfants.
Également dans le domaine de la santé, la région de Biombo apparait comme la moins
développée, avec 1 dispensaire de santé pour chaque 7.156 habitants, très loin de la moyenne de
la région la plus bénéficiée, Tombali, suivie de près par Quinara, avec 1/1321 habitants. Les
régions restantes ressemblent à Cacheu, Bafata, Gabu et Oio (dans cet ordre), montrant une
moyenne de 1 dispensaire de santé pour chaque 2.300 habitants. C'est pourtant les deux régions
du Sud qui présentent les meilleures conditions dans ce secteur de développement.
En ce qui concerne l'accès à l'eau, Bafatá est la région qui présente les meilleures
conditions, juste après Gabu. Il est intéressant de voir qu’à Bafatá des initiatives
communautaires des migrants ont été identifiées dans ce domaine, malgré l'intervention
beaucoup plus importante des ONG, comme le Plan international et la TESE. S'en suivent les
45
En tenant compte d'éventuelles restrictions concernant la fiabilité de cette source.
62
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
régions de Quinara, Tombali et Oio. Cacheu n’a que deux puits pour chaque 911 habitants.
Cependant, c’est de nouveau Biombo qui présente la valeur la plus critique, avec 1 puits pour
chaque 1.979 habitants, pour les mêmes raisons identifiées au point précédent.
Globalement, on constate qu'il n'existe aucune relation directe entre les niveaux de
développement régional et le nombre et genre d'intervention des migrants dans leur tabanca
d'origine. C'est le Sud qui présente les résultats les plus positifs dans l'agrégation des trois
domaines considérés, une zone où l'intervention des ONG est extrêmement importante et où
les migrants sont peu ou pas du tout considérés.
La contribution des migrants pourra être expressive à Bafatá, qui présente également des
résultats positifs, mais les ONG sont également considérées comme un acteur très important dans
cette région et leur impact devra être pris en compte. Bien que Cacheu soit une région
particulièrement bénéficiée par la migration, la disparité de la dynamique migratoire existante
entre les rives Nord et du Sud du fleuve aura tendance à diluer sa contribution positive potentielle
dans les indicateurs régionaux. Cette région présente, donc, les résultats moyens, au même niveau
que les régions des contingents migratoires nettement inférieurs, tels que Gabu et Oio.
En contrepartie, Biombo, qui recueille peu d'aides des ONG et aucune de la part de ses
quelques migrants, apparaît avec des valeurs fréquemment critiques dans tous les domaines et
est clairement la plus fragile de toutes les régions considérées.
Nous concluons que la procédure de développement en Guinée-Bissau se concrétise de façon
hétérogène dans les différentes régions du pays. Cette variété est le résultat de différents facteurs,
dans lesquels sont inclus les priorités et les investissements de l'État lui-même, le genre d'activités
économiques développées par les populations et l'intervention des différents agents, comme les
ONG et les organisations internationales (Union Européenne, Banque Mondial, Nations Unies),
entre autres. Cependant, et tel que le révèle cette enquête, les migrants aussi sont des acteurs dans
les processus de développement local et leur intervention, dans les différentes formes et effets
qu'elle revêt, constitue aussi une contribution au développement régional.
4.3 L'aide des migrants aux familles et aux communautés
d'origine et leur impact sur le développement de la
Guinée-Bissau
L'agrégation régionale des effets de la migration observés au niveau des tabancas offre des
éléments intéressants pour apprécier la contribution des migrants au développement global de la
Guinée-Bissau. L'analyse nationale sera réalisée à partir d'une grille d'indicateurs d'éducation;
santé; eau; assainissement et énergie; économie; et gouvernance et droits humains, dans une
adaptation libre de la typologie proposée par l'Observatoire ACP de la migration (2012).
Éducation
Au niveau national, les indicateurs de base de l'éducation en Guinée-Bissau sont en dessous de
la moyenne des Pays les moins développés du monde (PNUD, 2011). Avec un taux
d'analphabétisme d'environ 46 %, un ratio d'un professeur pour chaque 61 élèves, 1 salle de cours
pour chaque 44, un taux d'abandon scolaire qui frise les 10 % et un tiers des enseignants en exercice
n'ayant pas de formation à cet effet (RESEN, 2009), le pays a également des difficultés de
gouvernance chroniques, qui provoquent des grèves fréquentes de la fonction publique et la
réduction, voire l'annulation des années scolaires. Dans ce scénario, les effets des investissements
que les migrants ont réalisés dans le secteur de l'éducation sont significatifs. Dans 18 % des tabancas
analysées au niveau national, il a été constaté la construction et/ou la réhabilitation des
infrastructures scolaires. La question de la réhabilitation des infrastructures est particulièrement
pertinente dans le contexte de la Guinée-Bissau, où 32 % des écoles sont dégradées (Banque
Mondial, 2010), situation aggravée par les conditions climatiques du pays, avec une forte saison des
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
63
pluies qui couvre un tiers de l'année scolaire, période pendant laquelle les écoles de construction non
définitive (baraques), ou celles qui sont en situation précaire ne peuvent pas fonctionner.
Les années scolaires qui ont eu lieu entre la fin du conflit politico-militaire de 1998 et la
relative stabilisation des finances publiques, à partir de 2009, ont été caractérisées par des
retards récurrents en ce qui concerne le paiement des salaires de la fonction publique – dans
certains cas jusqu’à six mois – et, en conséquence, par des grèves, fréquentes des enseignants
(Banque Mondial, 2010). Dans 25 % des tabancas analysées dans cette étude, les migrants ont
mis à disposition une aide financière pour assurer le maintien du salaire des professeurs,
permettant ainsi la continuité du processus éducatif sans interruption, à l’inverse de ce qui s’est
passé dans la généralité des écoles qui n'ont pas eu cette aide.
En 2011, la Direction Régionale de l'Éducation de Cacheu a réalisé une campagne de
sensibilisation en vue de diminuer l'abandon scolaire et de promouvoir la scolarisation des filles,
grâce aux six radios communautaires existantes dans la région. Pour assurer le succès de la
campagne, la Direction régionale a sollicité la collaboration des migrants résidents au Portugal,
qui ont enregistré des messages de soutien quant à l'éducation des enfants, et qui ont ensuite été
transmis par la radio (SNV, 2011).
Pour ce qui est de la qualité de l'éducation, notamment, la question de la formation des
professeurs, l'effet de l'aide des migrants est moins évident. En raison du manque de coordination de
leurs actions avec les institutions publiques et de la faible capacité de l'État guinéen, il est fréquent
qu'une école construite par les migrants continue à ne pas être opérationnelle à cause du manque de
professeurs. Dans ces cas, une solution souvent avancée par les communautés est le choix du
membre le plus apte à assumer le rôle de professeur, même s'il ne possède aucune formation pour
cela. Le phénomène de ces écoles appelées communautaires est une réalité significative en GuinéeBissau, où cela correspond à 20 % du total des écoles primaires existantes (Banque Mondial, 2010).
Une ONG portugaise qui intervient en Guinée-Bissau depuis 2001, la Fundação Evangelização e
Culturas (FEC), s'est concentrée sur l'aide et la formation des professeurs de ces écoles
communautaires. Dans la région de Cacheu, la totalité des écoles qui, en 2009, bénéficiaient de leur
intervention étaient des écoles réhabilitées ou construites par les migrants et dont les professeurs
étaient partiellement ou entièrement financés par les associations de migrants. On constate ainsi que
la région de Cacheu est la seule des régions considérées ayant un ratio professeur/élève, meilleur que
la moyenne nationale, de 1/55.
Compte tenu des interventions effectivement réalisées par les migrants, leurs donations et
leur reconnaissance exprimée quant à l'importance de l'éducation, on considère que l'impact de
la migration dans le développement des conditions éducatives au niveau du pays est important.
Il a également été constaté que les investissements des migrants ont tendance à attirer l'aide
d'autres ONG, qui dans plusieurs cas étudiés ont complété ou amplifié les impacts de leurs
interventions. De plus, on considère comme positif l'effet des envois de fonds au niveau des
ménages bénéficiaires, dont les enfants ont une plus grande capacité à fréquenter et à conclure
l'école. Combinés, les effets des interventions des migrants sur ces différents fronts contribuent
à combattre quelques-uns des principaux obstacles de la scolarisation primaire universelle en
Guinée-Bissau : la pauvreté (et en conséquence, le travail des enfants46), le manque de
professeurs, d'infrastructures et de matériels éducatifs, et le peu d'importance donnée à la
scolarisation, en particulier à celle des filles (et en conséquence, le mariage précoce).
Santé
Comme dans l'indicateur de développement humain précédent, l'état de santé de la GuinéeBissau révèle également une situation critique. L'espérance de vie moyenne n’atteint pas les 48
ans (PNUD, 2011), la deuxième moyenne la plus basse au monde ; 1 enfant sur 10 meurt avant
d'avoir un an (MEPIR, 2011). En dépit d'avoir été déclarée illégale en 2012, 50 % de la
population féminine a souffert de certaine façon de mutilation génitale (MICS, 2010). À cause
46
Qui regroupe 65 % des enfants en milieu rural en Guinée-Bissau (MICS,2010)
64
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
de la fragilité du système de santé, du manque d'informations, de la distance et du manque de
moyens financiers, en 2010, seulement 38% (et 9% dans les couches les plus pauvres) de la
population avait accès à des soins de santé de base (Banque mondiale, 2010). Il existe 1
médecin pour chaque 10. 000 habitants et un infirmier pour chaque 5000 (Banque Mondiale,
2010). Les chirurgies les plus élaborées ne sont pas réalisées dans le pays et seuls ceux qui ont
les possibilités financières pour faire un voyage international, ou ceux qui arrivent à accéder à
des protocoles internationaux d'évacuation médicale ont accès à ce genre de traitement.
C'est dans ce contexte que s'inscrivent les interventions des migrants dans le domaine de la
santé. La construction, ou la réhabilitation, des infrastructures de santé ont été identifiées dans
seulement 3 de la totalité des tabancas analysées, étant peu significatives lorsque comparées aux
interventions des ONG et de l'Église Catholique dans ce domaine, responsables de la
construction et de la réhabilitation de Dispensaire de santé dans 13 des tabancas étudiées. Même
comme ça, le dispensaire de santé de Calequisse, construit par les émigrants et qui dessert au
moins 3 des tabancas environnantes, bénéficie un ensemble d'environ 5.000 personnes. Il en est
de même pour le dispensaire de santé de Jeta, où le seul dispensaire de santé pour les 1.700
habitants de l'île (qui se trouve à six heures de distance de l'hôpital le plus proche) a été
construit, équipé et est régulièrement approvisionné en médicaments envoyés par des émigrants,
en partenariat avec la Fundação Calouste Gulbenkian. Dans 13 % des tabancas étudiées, il a
également été mentionné la donation de moyens de transport qui sont utilisés comme
« ambulances ». Cependant il a été constaté que, de la totalité des dispensaires de Santé 47
identifiés dans cette étude, 32 % ne fonctionnent pas, soit à cause du manque de ressources
humaines qualifiées ou à cause du manque de matériaux et d'équipements.
Quant à la qualité des ressources humaines dans ce secteur, l'investigation réalisée confirme
que les migrants n’exercent aucun rôle dans cette matière. Il n'a pas non plus été rapporté le
paiement de salaires des médecins et infirmiers au travers des migrants et de leurs associations.
À également été réitérée l'attraction des initiatives des migrants auprès d'autres acteurs de
développement — l'ONG française qui a complété le dispensaire de santé de Calequisse, ou
l'aide de la Fundação Calouste Gulbenkian au dispensaire de santé de l'île de Jeta, à la suite des
contacts développés par l'association de migrants au Portugal — a également été réitérée, mais
aucun des projets identifiés ne s’est traduit expressément par la capacitation des ressources
humaines existantes, donc la qualité du secteur ne devra pas être affectée, même de façon
indirecte avec les initiatives des migrants.
Même si elle possède un système de santé publique, la Guinée-Bissau est dépendante à 86% de
financements de partenaires internationaux pour le fonctionnement du secteur qui est, donc,
profondément instable (Banque Mondial, 2010). L'État ne participe pas à l'achat de médicaments,
l'accès — ou pas — des soins nécessaires dépend de la la capacité financière du ménage à. Dans ce
pays, seuls 51% des enfants ont accès aux traitements contre le paludisme, la principale cause de
mortalité infantile dans le pays (Banque Mondial, 2010) et qui touche 69% de la population (ILAP,
2010). L'enquête réalisée a montré qu'il y a un envoi de médicaments dans 31 % des tabancas
analysées, même si leur utilisation ne se concrétise pas dans certains des cas considérés.
C'est clairement du point de vue familial qu’à travers des envois de fonds, on constate les
principaux effets de la migration dans l'amélioration de la situation de santé des non-migrants.
Dans toutes les tabancas analysées — y compris dans celles où a été rapporté un faible lien des
migrants aux communautés d'origine — le soutien fourni par les migrants en cas de maladie a
été évoqué. Même une aide à caractère ponctuel a, dans le scénario en question, une importance
significative pour assurer l'accès aux soins médicaux et aux médicaments, et dans les cas de
maladies graves, pour permettre l'évacuation du malade vers le Sénégal, voire vers le Portugal.
Contrairement à ce qui a été constaté dans le secteur de l'éducation – où l'aide des migrants
a souvent été rapportée quant à la scolarisation des enfants et, en conséquence, une influence
dans la perception de la valeur de l'école — l'influence des migrants dans les pratiques de santé
est très ambigüe. La valorisation de la médecine traditionnelle persiste toujours pour le
47
Le terme utilisé en Guinée Bissau est Unité de Santé de Base (USB)
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
65
traitement de beaucoup de maladies, et se voit renforcée par le comportement des migrants euxmêmes, qui se rendent spécialement à la tabanca pour soigner des maladies qui ne peuvent pas
être soignées grâce à la médecine conventionnelle (Info Pelundo, 2007). Leur contribution a,
donc, une fonction surtout palliative et non préventive.
Considérant le portrait global du secteur de la santé en Guinée-Bissau et les initiatives que
les migrants ont développées dans ce contexte, on constate que les effets de la migration dans ce
domaine sont positifs, mais complexes. D'une part, les migrants soutiennent de manière
significative leur famille en matière de santé, leur garantissant un plus grand accès aux soins
médicaux et aux médicaments, ce qui contribuera à des impacts positifs en termes d'indicateurs
comme l'espérance de vie moyenne, le taux de mortalité infantile et les récidives de maladies
comme la malaria et la typhoïde. Cependant, la nature de leurs interventions ne contribue pas à
surmonter d'autres problèmes existants dans ce secteur, précisément ceux qui le maintiennent
chroniquement sous-développé: le manque de ressources humaines, la faible qualification
des ressources existantes et surtout les perceptions et les pratiques de santé des populations
locales, qui déterminent qu’aujourd'hui encore, environ 40% des femmes soient en faveur de la
mutilation génitale féminine (MICS, 2010).
Eau, assainissement et énergie
Les indicateurs de base de l'eau et de l'assainissement présentent des valeurs préoccupantes en
Guinée-Bissau. En milieu rural, l'accès à l'eau potable est limité à un peu plus de 53% de la population,
alors que seulement 5% des personnes ont accès à des structures améliorées d'assainissement (MICS,
2010). Cet élément, associé au manque d'information, mène à ce que 48% de la population pratique la
défécation à l'air libre, un des plus grands vecteurs de maladies en Guinée-Bissau, surtout du choléra
(MICS, 2010). Il n'existe pas d'approvisionnement public de l'énergie électrique dans les zones rurales,
où seulement 10% de la population a accès à une source d'énergie, grâce à des projets des ONG, ou à
leur propre investissement privé (Banque Mondial, 2011).
Les investissements des migrants dans ce domaine sont globalement peu nombreux. Seulement
dans 5 des 45 tabancas étudiées ont été identifiées des initiatives promues par les migrants dans le
domaine de l'eau : construction de puits, donation d'électropompes ou cofinancement de projets
promus par d'autres acteurs. Quant à l'approvisionnement en énergie, 5 projets ont été identifiés: la
donation de panneaux solaires pour les écoles et les dispensaires de santé et la donation de
générateurs de grande capacité, pour approvisionner en énergie les tabancas. Grâce à son innovation,
son degré de fonctionnalité et sa couverture à grande échelle, nous soulignons de nouveau l'initiative
de l'émigrant en Hollande de la ville de Gabu. Aucune initiative en matière d'assainissement n'a été
identifiée, soit au niveau de la construction ou de la réhabilitation d'infrastructures ou au niveau de la
participation des migrants dans des campagnes d'information ou de sensibilisation pour le
changement de comportements. Il n'est cependant pas possible de vérifier dans quelle mesure les
migrants ont influencé directement (à travers le partage d'information et de pratiques) et
indirectement (à travers l’installation sanitaire des maisons qu'ils construisent pour eux et/ou pour
leurs parents) les conditions d'assainissement dans leurs tabancas d'origine.
Globalement, nous constatons que les pratiques des migrants n’ont pas influencé de façon
significative les indicateurs-clés considérés dans ce domaine. Les interventions en matière d'eau et
d'énergie ne sont pas communes et leurs impacts pourraient être considérés comme marginaux si ce
n'était pas la grande et significative exception de la ville de Gabu et de ses 41 612 habitants. D’autres
parts, les initiatives communautaires en matière d'assainissement sont pratiquement inexistantes,
mais les données recueillies suggèrent qu’ici, également, les migrants peuvent avoir des effets que le
contexte de cette enquête et la méthodologie utilisée ne permettent pas d’identifier convenablement.
Économie
Dans ce domaine, la Guinée-Bissau présente aussi des indicateurs-clés extrêmement faibles,
même si ces derniers ont commencé à s'améliorer sensiblement ces 3 dernières années. Le PIB per
66
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
capita était le 4e le plus bas de l'ensemble des pays considérés dans l'Indice de Développement
Humain de 2010. Mais en 2011, environ 48% de la population vivait encore avec moins de 1,25 dollar
EUA (PNUD, 2011) par jour et la malnutrition affectait 31% de la population (PNUD, 2010). Plus de
40% de la population considère qu'elle n'a pas assez d'aliments pendant toute l'année (AEDES, 2009).
Cette enquête ne s'est pas proposée de quantifier le montant des envois de fonds, ni de
préciser les façons dont ces derniers sont utilisés par les familles bénéficiaires. Mais les données
obtenues montrent que, dans 98% des tabancas, les envois de fonds sont utilisés prioritairement
pour l’alimentation, la santé et l’éducation, dans cet ordre. Ils sont également considérés comme
fonds d'urgence, mobilisables en cas d'accident, ou toute autre fatalité. À titre d'exemple,
environ 32% des groupes focaux ont souligné l'importance des envois de fonds dans l'aide à la
population pendant le conflit militaire de 1998. Une fois les besoins de base satisfaits, les
tendances ont une pré disposition à diverger. Dans certains cas cela peut servir à créer, ou amplifier les
activités génératrices de revenus, alors que dans d'autres, les envois de fonds servent à acquérir
des biens de consommation, comme des télévisions, des portables ou des vêtements. Dans tous
les cas, on souligne l'effet multiplicateur que ces envois de fonds ont envers les économies
locales, si l’on considère que l'augmentation du pouvoir d'achat augmente avec l'acquisition de
biens et de services locaux. À ce niveau, il est important de souligner la construction
d'habitations — citées dans 73% des tabancas et dans certaines d'entre-elles à une échelle
importante, comme dans le cas de Djabicunda — et les effets engendrés, soit dans l'emploi de
main-d'œuvre locale, soit dans l'acquisition de matériaux et d’équipements nécessaires.
Dans 22% des tabancas l'investissement des migrants dans l'acquisition de terre a été souligné,
que ce soit à des fins d'horticulture ou pour la production de la noix de cajou. L'acquisition de bétail
a également été mentionnée. Comme dans le cas de l'achat de produits de consommation et
d'équipements agricoles, ces derniers sont des investissements qui permettent aux familles de
diversifier et d'augmenter leurs sources de revenus. En plus petit nombre, les investissements dans
l'acquisition de machines à décortiquer le riz, de tracteurs et de camions pour écouler les produits
agricoles dans les marchés régionaux et sous-régionaux, notamment le cajou ont également été
identifiés. Dans ce cas particulier, les effets de l'investissement des migrants sont ambigus. D'un
côté, ils contribuent à l'augmentation significative du revenu des familles, étant donné que le cajou
contribue, en moyenne, à 66% du revenu global des ménages ruraux (AEDES, 2009). Mais, d'un
autre côté, cela permet d'augmenter la logique de la monoculture du cajou qui a commencé à
s'imposer en Guinée-Bissau ces dernières années et, en dernière analyse, de diminuer la sécurité et la
souveraineté alimentaire, mettant le pays dans une situation de vulnérabilité et de dépendances
accrues face aux fluctuations des prix sur les marchés internationaux.
D'autres activités génératrices de revenus résultants des investissements des migrants ont
également été identifiées. Des petites épiceries, des restaurants, des discothèques, des boutiques
et des voitures pour le transport public ont été rapportés dans 26% des tabancas analysées. Les
investissements réalisés dans la ville de Gabu, dans le bâtiment et l’approvisionnement en
électricité, celles de plus grande dimension et de plus grands impacts dans le tissu productif en
ce qui concerne la création d'emplois, ont déjà été mentionnées.
Globalement, les effets de la migration dans l'économie de la Guinée sont considérés
comme extrêmement positifs. Les envois de fonds sont une source de revenus très importante
pour les familles bénéficiaires et, même s'ils sont utilisés en priorité pour la satisfaction des
besoins de base, ils ont des effets directs sur le PIB, contribuant avec 8% dans la production
nationale (World Bank, 2011a). La migration a également contribué au dynamisme des
économies locales, que ce soit par les effets multiplicateurs des envois de fonds, ou à travers des
investissements productifs réalisés par les migrants, qui contribuent positivement à la
stimulation de la production, du revenu et de l'emploi dans leur pays.
Gouvernement et droits humains
De ce point de vue, nous considérons deux genres d'indicateurs, tous deux de nature
qualitative. Le premier prétend vérifier le degré et la nature de l’influence des migrants en ce
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
67
qui concerne le comportement politique des non-migrants. Le deuxième a trait à la capacité de
la diaspora à exercer — ou non — une pression au sujet des décideurs politiques, au travers de
campagnes, de manifestations et de projection médiatique en ce qui concerne les questions
relatives à la gouvernance et aux droits humains.
Dans le collectif des tabancas analysées, plus de 45 % ont mentionné que les migrants
essayent d'influencer leurs parents et amis au moment des élections, leur suggérant en qui voter.
Dans les tabancas restantes, les interrogés ont affirmé que les migrants ne cherchent pas à
influencer les votes. Cependant, et parce que cela concerne la moitié de l'univers analysé,
l'influence des migrants peut être considérée importante dans ce domaine et tendanciellement
positive, compte tenu du fait que leur vécu dans les pays de destination leur permet de connaître
des formes de gouvernance et de citoyenneté potentiellement plus développées.
Quant à la pression directe des migrants en faveur de l'amélioration de la gouvernance et
de la protection des droits de l’homme, le cas du coup d'État du 12 avril 2012 peut être
considéré un cas exemplaire. Dans un contexte où, tant le Chef d'État que le Gouvernement ont
été inconstitutionnellement retirés de leurs fonctions et où les manifestations populaires ont été
réprimées, la diaspora de la Guinée-Bissau a assumé un rôle important dans les principaux pays de
destination des migrants — le Portugal, la France, le Cap-Vert — la diaspora a organisé les
manifestations de soutien à la restitution de l'ordre constitutionnel. Également dans des pays
comme les États-Unis, l'Allemagne et le Royaume-Uni des manifestations ont été organisées
dans le même but. Dans certains des cas, les manifestations ont été accompagnées par des
actions d’advocacy concrètes, avec la remise de lettres formelles auprès d'institutions-clés de la
communauté internationale, comme les Nations Unies au Cap Vert et le CPLP au Portugal.
En considérant ces deux indicateurs, on constate que l'influence des migrants non
seulement est importante comme elle est clairement positive, et son action tend à améliorer les
indicateurs-clés de la gouvernance considérée.
4.4 Synthése de conclusion
D'une façon générale, les investissements réalisés par les migrants en faveur de leurs
communautés d'origine sont une contribution modeste, mais réelle, dans les répercussions
globales du développement de la Guinée-Bissau, malgré leur caractère aléatoire, leur petite
dimension et leur fréquente désarticulation. Parfois, les initiatives des migrants n'atteignent pas
l'effet escompté — comme les machines à décortiquer le riz qui ont besoin d'énergie pour
fonctionner, les médicaments obtenus sans critère (ou périmés), ou les manuels scolaires qui ne
sont pas utilisés. D'autres fois, les investissements réalisés par les migrants n'ont aucun impact,
car ils ont besoin des ressources humaines nécessaires pour les faire fonctionner — les
professeurs, les médecins et les infirmiers — et un bâtiment destiné à un dispensaire de santé,
ou une école, ne peuvent pas fonctionner en tant que tel. Dans d'autres situations, les priorités
des migrants — qui vont souvent dans le sens de ce qui est exprimé par les communautés — se
concentrent surtout sur les aspects les plus symboliques, ou religieux, comme des rites de
passage (fanados), des enterrements ou la construction de mosquées, mais ne se traduisent pas
par une amélioration palpable des conditions de vie des populations, bien qu'ils soient importants
du point de vue financier et expressif par rapport à l'importance des liens symboliques et
religieux maintenus par les migrants avec leur communauté d'origine. Cependant, compte tenu
de la sévérité des déficits du développement auxquels le pays est confronté, les initiatives
promues par les migrants sont révélatrices de leur effort en ce qui concerne le bien-être du pays
et de leur potentiel en tant qu'acteurs du développement. Leurs efforts, notamment lorsqu'ils
sont associés à ceux d'autres acteurs, constituent une contribution effective et non négligeable.
De fait, l'enquête confirme que dans les situations où les interventions des migrants
complètent, ou sont complétées par l'État ou par les ONG, leur importance est considérable.
C'est le cas de Calequisse, Canhobe ou Tame, où les écoles construites/réhabilitées par les
migrants fonctionnent effectivement, grâce à la formation des professeurs fournie par une ONG.
68
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
Toujours à Calequisse, les efforts des migrants en ce qui concerne la construction d'un lycée
local ont été complétés par la Mission catholique, qui a garanti la présence de professeurs et des
équipements nécessaires. Il en est de même avec les dispensaires de Santé de Jeta et de
Calequisse et avec les projets d'approvisionnement en eau dans le Sud, à Mato-Forrea, où les
migrants cofinancent l'initiative de l'Union Européenne.
En raison de l'utilisation de canaux informels de transfert, il est extrêmement difficile
d'estimer les montants envoyés par les migrants à leur famille. Cependant, la dimension des
contingents migratoires et le lien que les migrants entretiennent avec leur famille d'origine,
suggèrent que les envois de fonds bénéficient plus de 70% des familles guinéennes (Carreiro et
Sangreman, 2011). Leur utilisation sera sûrement variable, mais les données sont différentes en
ce qui concerne leur utilisation prioritaire dans l'alimentation, la santé, l’éducation et donc à ces
niveaux, les envois de fonds ont une importance incontournable. Il est important de souligner,
aussi, l'effet démultiplicateur que les envois de fonds ont dans les économies locales, pouvant,
avec les investissements de nature productive des migrants, se traduire également par des
impacts positifs sur les indicateurs économiques du pays, en dépit des défis mentionnés.
De la même façon, l'effet des migrants dans les pratiques et les perceptions des populations
locales n’est pas négligeable dans les différents domaines. Ce sont des personnes qui ont habité
pendant des dizaines d'années dans d'autres contextes, ayant appris et incorporé de nouvelles
perspectives en matière d'éducation, de santé, de participation politique et de citoyenneté. La
façon dont ces personnes influencent les pratiques et les perceptions locales suggère un
syncrétisme culturel qui combine des éléments de modernité (priorité à l'éducation, logiques
d'investissements à moyen et long terme, meilleure capacité critique en termes politiques) avec
des éléments traditionnels, comme le recours à la médecine traditionnelle et au maintien de
cérémonies de passage, religieuses ou funèbres. Dans tous les cas, leur influence est
potentiellement importante, grâce à leur statut et à leur légitimité accrue.
Globalement, il a été constaté qu'il y a une augmentation de la pression migratoire, même
si ce n'est pas de façon uniforme et en dépit des difficultés accrues du processus. Dans ce
scénario, il est important de pondérer les stratégies qui permettent de retirer le meilleur d'une
éventuelle dynamique migratoire existante et potentielle. Bien que cette étude ne se penche pas
spécifiquement sur le sujet, les groupes focaux ont souvent mentionné la migration par des voies
irrégulières et les migrants qui vivent en situation irrégulière. Cela a été considéré comme l'un
des principaux problèmes associés à la migration et les groupes focaux ont été unanimes en ce
qui concerne la sollicitation de l’attention du Gouvernement guinéen par rapport à cette
question. En plus de la vulnérabilité des migrants eux-mêmes, ceux qui se trouvent dans cette
situation sont moins capables d'aider leur famille d'origine, ou de promouvoir toute espèce
d'initiative de développement local.
Globalement et unanimement, les enquêtés considèrent qu’un des principaux obstacles à
l'augmentation des bénéfices de la migration est le manque de soutien de l'État de la Guinée à
sa diaspora. Dans 89 % des groupes focaux, le besoin d'améliorer le fonctionnement des
services consulaires guinéens pour garantir l'information et la protection nécessaires aux
citoyens résidants à l'étranger a été mentionné. Il a également été suggéré un renforcement des
initiatives diplomatiques de l'État auprès des pays qui accueillent les migrants guinéens, en
particulier le Portugal, surtout dans le contexte de CPLP et de l'Union Européenne. Dans la
même ligne, le besoin de restructurer l'Institut d'Aide à l'Émigrant, a également souvent été
mentionné non seulement pour encourager et faciliter l'investissement des migrants dans leurs
pays d'origine, mais aussi pour informer les migrants potentiels au sujet de la meilleure façon
d’amorcer le processus migratoire.
Ces aspects légaux, institutionnels et politiques doivent découler d'une reconnaissance
formelle et effective de la contribution des migrants au développement de leur pays d'origine. Et
cette reconnaissance doit aussi être traduite dans d'autres actions concrètes, notamment, la
création de taxes favorables à la douane pour les biens importés par les migrants, non seulement
pour ceux qui ont un but productif, mais aussi et surtout pour ceux qui ont un caractère social.
Les taxes douanières ont fréquemment été considérées comme l'aspect qui décourage le plus les
migrants à donner, ou à investir dans leur pays d'origine, contrairement à ce que l'on voit au
Cap-Vert, un exemple de bonnes pratiques fréquemment mentionné.
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
69
Finalement, la faible qualité de la gouvernance et l'instabilité politique constituent les
éléments qui découragent l'investissement, mais, aussi, et surtout, le retour. Le mention à ce
sujet, de plusieurs cadres qualifiés existants dans la diaspora, qui ont tendance à retarder ou
annuler leur retour au pays, surtout parce qu’ils n'ont pas d'opportunités de travail (ce qui est
perçu comme étant disponible seulement pour une petite élite), ou par peur de l'instabilité du
pays. L’amélioration de la transparence, de l'égalité des chances et du respect de l'ordre
constitutionnel sont des éléments fondamentaux pour attirer et/ou développer des mécanismes
de coopération avec la diaspora, considérée pour 100 % des groupes focaux comme une
composante fondamentale pour le développement durable du pays.
70
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
5
Conclusions et recommandations
5.1 Conclusions générales
Cette étude a été développée au long de trois chapitres, à travers une articulation de niveaux
d’investigation et d'analyse, cherchant à combiner les résultats de lecture du parcours du
développement économique et social de la Guinée-Bissau, et de ses contraintes, avec les
résultats des études de terrain réalisées auprès des communautés de la diaspora au Portugal et en
France et auprès de 45 tabancas distribuées dans toutes les régions continentales du pays.
L'objectif principal était la construction d'information contextualisée au sujet de la diaspora
guinéenne au Portugal et en France et son potentiel pour aider au développement de la GuinéeBissau, afin de supporter l'élaboration d'un plan d'action qui permet à l'état de capitaliser ce
potentiel et d'augmenter la capacité d'interaction des acteurs en présence pour une action plus
dynamique en faveur du développement et du progrès de la société guinéen dans son ensemble.
Le premier chapitre a permis de constater que la Guinée-Bissau présente un ensemble
d'indicateurs économiques et sociaux qui révèlent un niveau de développement plus faible, en
particulier, quand il est comparé à l'Afrique Subsaharienne et à l'ensemble des pays à faible
revenu. Après une période où le parcours de la Guinée-Bissau révélait quelques convergences
avec la moyenne des pays d'Afrique subsaharienne, après 1998, le pays est entré en nettes
divergences avec les deux ensembles de pays cités. Cette divergence reflète l'énorme incapacité
que la Guinée-Bissau révèle dans la gestion d’un processus de transformation productive
capable de promouvoir des changements essentiels au niveau de facteurs décisifs de croissance
et de développement économique, comme la croissance de la productivité de l'économie, la
création d'avantages comparatifs dans le commerce international et, surtout, l'augmentation de la
capacité d'absorption productive du travail. Dans ces conditions, le pays finit par vivre dans une
situation de reproduction permanente, et même d'approfondissement, de la pauvreté et du faible
développement humain.
Le contexte d’instabilité politique, institutionnelle et économique qui s'est établi dans le
pays a provoqué une situation très désagréable dans le développement de l'économie de la
Guinée-Bissau, et ce, pour diverses raisons: d'abord, parce que cela a empêché que le pays
puisse avoir une situation institutionnelle stable, prévisible et génératrice de confiance,
indispensable au fonctionnement de l'économie de marché et à l'attrait de l'investissement
productif. En deuxième lieu, l'instabilité politique et institutionnelle a limité l'État dans le
développement de ses fonctions, notamment, dans sa capacité à dessiner, promouvoir et soutenir
un processus développementaliste de l'économie et de la société. Dans une économie avec le
niveau de développement de la Guinée-Bissau, l'expérience historique montre que l'activisme
développementaliste de l'État est indispensable pour cette dure tâche de « construire » le
développement économique et social et le progrès du bien-être collectif.
Les diverses contraintes qui empêchent le développement de la Guinée-Bissau se sont
traduites, depuis son indépendance, par des vagues successives d'immigration, avec une
croissance du nombre de migrants, mais aussi de motivations, de provenance régionale et de
destinations. Une migration de motivation essentiellement politique dans la première décennie
après l'indépendance, qui a été d'origine essentiellement urbaine, provenant de la « société
créole » et relativement qualifiée, alors que dans les décennies de 1980 et 1990 on a assisté à un
boom migratoire, d'origine ethnique et régionale diversifiée, essentiellement lié au travail
(motivation économique) et non qualifiée. Plus récemment, et avec les crises successives
politicomilitaires, la combinaison des motivations a donné lieu à une nouvelle vague avec la
migration d'étudiants, qui ont opté pour une transition entre leurs études et les marchés de
travail des pays d'accueil. Les courants migratoires ont également évolué de leurs destinations
traditionnelles vers de nouveaux pays d'accueil, une dispersion dans de nouvelles destinations
européennes et africaines pouvant être observée dans la dernière décennie.
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
71
Les résultats du Chapitre 3 ont permis quelques conclusions importantes en ce qui concerne
la caractérisation, réelle et actualisée, des dynamiques des communautés guinéennes au Portugal
et en France et de leur contribution actuelle et potentielle pour le développement de la GuinéeBissau. En termes généraux, il a été possible de conclure que ces deux communautés ont déjà
contribué de manière significative au développement et au bien-être de leur communauté
d'origine et du pays en général, notamment, grâce à: l'envoi régulier d'un volume important de
de fonds; à de multiples initiatives menées à bien par les associations de la diaspora, tant dans
le pays d'origine que dans le pays d'accueil; et au retour au pays d'origine d’une proportion
raisonnable de cadres hautement qualifiés et formés à l'étranger (en particulier au Portugal). Ce
sont trois des modalités de contribution les plus visibles de la part d'une diaspora qui,
indépendamment du sentiment que son action n'est pas été facilitée par l'État guinéen,
conservent un lien identitaire et affectif extraordinaire avec leur pays d'origine.
L'évaluation des contributions de la diaspora a eu pour base trois dimensions principales:
économique, sociale (associative) et humaine (qualifications et compétences). Par rapport à la
première, on constate que les communautés en France présentent une plus grande capacité de
mobilisation d'épargne et d’envois de fonds que celles qui résident au Portugal, même si cette
plus grande capacité est fortement orientée vers le «sol manjaque» en Guinée-Bissau. Dans les
deux cas, l'envoi de fonds présente quelques risques significatifs : le poids élevé des plus
vieilles générations dans les communautés en France et quelques tendances montrant une envie
d'investir dans l'immobilier au Sénégal; et dans les communautés résidant au Portugal, les
risques qui résultent des actuelles difficultés économiques et liées au travail, ainsi que de la
recomposition géographique à travers la remigration qui est en cours. En ce qui concerne la
dimension sociale, on peut conclure que la diaspora guinéenne se caractérise par l'existence de
dynamiques associatives d'une énorme richesse et grande densité et que les associations jouent
un rôle essentiel, au moins à trois niveaux: le maintien et le renouvellement des liens d'identité
qui unissent les communautés migrantes entre elles et au pays d'origine; la prestation d'une
assistance mutuelle dans un ensemble de dimensions fondamentales; financement et exécution
d’initiatives de promotion du bien-être des communautés d'origine et de la Guinée-Bissau en
général. Et par rapport à la dimension humaine, nous avons constaté que la diaspora la plus
qualifiée se trouve surreprésentée au sein de la communauté guinéenne au Portugal. Le retour en
Guinée-Bissau de cadres et d'individus ayant une formation supérieure est depuis longtemps une
réalité, bien que contrebalancée en diverses occasions, par des flux de sorties. Dans ce contexte,
le problème de «fuite de cerveaux» concerne essentiellement les médecins, les infirmiers et le
reste du personnel du secteur — un domaine où les ressources humaines guinéennes à l'extérieur
dépassent, probablement, le nombre de celles qui se trouvent dans le pays à l’heure actuelle.
Dans la généralité des autres domaines de spécialisation, les principaux problèmes viennent du
fait que l'on exploite des compétences qui existent déjà dans la diaspora: que ce soit dans les
contextes d'accueil, où abondent les situations de non-utilisation de compétences, ou lors des
trajectoires de retour non encadré, souvent confronté aux difficultés d'ordre divers au niveau de
l'inclusion dans le marché de travail, ou dans la fonction publique.
La recherche développée en Guinée-Bissau, dont les résultats étoffent le Chapitre 4, a eu
comme objectif d'identifier les effets de la migration dans le développement des tabancas d'origine
des migrants et leur contribution au développement régional et global de la Guinée-Bissau. 45
tabancas distribuées dans toutes les régions continentales de la Guinée-Bissau ont été étudiées, en
même articulation avec l'analyse de données secondaires figurant dans des documents de référence.
Les résultats obtenus montrent que la dimension du phénomène migratoire, ainsi que le degré
d’implication et les stratégies d'intervention des migrants en faveur du développement de leur pays
varient de manière significative selon les régions. Mais, en dépit de cette hétérogénéité, nous
pouvons conclure que la migration guinéenne affecte énormément le bien-être des populations
bénéficiaires et que cela contribue au développement global du pays, étant même fondamental dans
certains aspects-clés comme la santé, l'éducation et la sécurité alimentaire.
Il est extrêmement difficile, en raison de l'utilisation de canaux informels, d'estimer les montants
envoyés par les migrants à leur famille. Cependant, la dimension des contingents migratoires et le
72
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
lien que les migrants entretiennent avec leur famille d'origine, suggèrent que les envois de fonds
bénéficient plus de 70 % des familles guinéennes. Leur utilisation est variée, mais les résultats
obtenus montrent une utilisation prioritaire, comme cela a été dit plus haut, dans l'alimentation, la
santé et l'éducation, des niveaux où les envois de fonds ont une importance incontournable. Au
niveau de l'investissement, leur contribution pour le développement global du pays est modeste,
mais réelle, en dépit de leur caractère aléatoire, de leur petite dimension et de leur fréquente
désarticulation. L'enquête a montré que dans des situations où les efforts d'investissements des
migrants complètent, ou sont complétés par les actions d'autres acteurs du développement, comme
l'État et les ONG, l'importance de ces investissements est considérable. Nombreux sont les cas où les
migrants guinéens ont investi en partenariat avec d'autres acteurs et avec des résultats intéressants,
comme celui de la construction et de la réhabilitation d'écoles, de la construction de dispensaire de
santé, ou dans des projets d'approvisionnement en eau.
Les résultats des travaux de terrain en Guinée-Bissau montrent l'opinion globale et unanime
que l'un des principaux obstacles de l'augmentation des bénéfices de la migration est le manque
d'aide de la part de l'État guinéen envers sa diaspora. Cette opinion est en conformité avec les
résultats des travaux réalisés auprès des communautés guinéennes au Portugal et en France. Les
migrants, dirigeants d'associations et autres informateurs privilégiés de la diaspora, ainsi que leur
famille résidant en Guinée-Bissau ont montré un degré de convergence élevé lorsqu'interrogés au
sujet de quelles doivent être les priorités en matière d'action politique du Gouvernement envers la
diaspora. Quelques-unes des suggestions les plus importantes sont les suivantes:
•
Reconstruire la confiance entre l'État et la diaspora, en faisant participer les institutions
guinéennes ayant un certain prestige et en organisant un espace de dialogue et de conseil
entre la société civile de la diaspora et l'État.
•
Améliorer le fonctionnement des services consulaires guinéens et mettre à disposition
l'information auprès de la diaspora, grâce à différents canaux, en créant des mécanismes de
consultation régulière et complète des communautés et en utilisant les associations comme
des partenaires et des interlocuteurs.
•
Garantir la prévisibilité et la transparence dans les procédures administratives relativement
aux diverses activités et initiatives développées par la diaspora en Guinée-Bissau, réduisant
ainsi l'aspect arbitraire et garantissant la mise en place de droits de propriété, de façon à
encourager l'investissement.
•
Restructurer l'Institut d'Aide à l'Émigrant, non seulement pour encourager et faciliter
l'investissement des migrants dans leur pays d'origine, mais aussi pour informer les
potentiels migrants sur la meilleure façon d’amorcer un processus migratoire.
•
Simplifier la procédure administrative de traversée de la douane avec des biens provenant
de l'extérieur, réduisant l'aspect arbitraire et le temps d'attente et, idéalement exemptant la
diaspora des paiements des taxes douanières dès lors que les biens n'ont pas de buts
commerciaux.
•
Rendre concret le droit de vote des communautés, ce qui constituerait un pas symbolique
très important, cela permettrait aussi de renforcer les liens entre la diaspora guinéenne et son
pays d'origine et de potentialiser différents types de dynamiques analysées au long de cette
étude.
Finalement, la faible qualité de la gouvernance et l'instabilité politique constituent les éléments
qui découragent l'investissement, mais aussi, et surtout, le retour. Relativement à cela, ont été
mentionnés les nombreux cadres qualifiés existants dans la diaspora et qui tendent à retarder, ou
annuler, leur retour au pays, surtout, parce qu’ils n’ont pas d'opportunités de travail (perçu comme
n'étant disponible que pour une petite élite), ou par peur de l'instabilité du pays. L'amélioration de la
transparence, de l'égalité des opportunités et le respect de l'ordre constitutionnel sont les éléments
fondamentaux pour attirer la diaspora et pour développer des mécanismes efficaces de coopération
entre les communautés émigrées et les autres acteurs qui se trouvent sur le terrain, avec des bénéfices
évidents pour le processus de développement de la Guinée-Bissau.
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
73
5.2 Suggestions et recommandations pour une politique
nationale de la diaspora
L'enquête réalisée a permis de conclure que la diaspora guinéenne construit, en
permanence, un espace transnational qui unit la Guinée-Bissau au Portugal et à la France,
supporté par des liens réguliers et subventionnés que les migrants guinéens entretiennent avec
leur pays d'origine dans les domaines social, culturel, économique et politique. Cette relation
dynamique influence, clairement, les conditions de vie des migrants et de leur famille, mais
étant donné son échelle et sa nature, elle a aussi de forts impacts sur le développement global de
la Guinée-Bissau. Mais cette relation est inhibée par des difficultés et des obstacles qui n'ont pas
permis une augmentation durable des bénéfices de la migration guinéenne. Son identification
constitue un pas important pour la conception d'une politique nationale de la diaspora.
Cette section présente un ensemble de recommandations et de suggestions construites
comme une contribution pour la conception d'une Politique Gouvernementale d'Aide à la
Diaspora (PGAD), adressée, naturellement, à l'ensemble de la diaspora et pas seulement à ceux
qui vivent dans les deux pays concernés par l’étude. Sa mise en place exigera, dans la plupart
des cas, un leadership politique crédible auprès de la diaspora, des familles et d'autres habitants
des localités d'origine en Guinée Bissau et, aussi, des entités internationales qui peuvent aider
financièrement et politiquement les mesures nécessaires. Un plan d'action basé sur ces
recommandations, et avec des suggestions de calendriers et de priorités, sera présenté au
gouvernement guinéen une fois que la situation du pays sera normalisée.
5.2.1 Recommandations à caractère politique et structurant
Les recommandations ici considérées comprennent des dimensions structurantes
importantes comme le besoin de l'État guinéen d'approfondir sa connaissance par rapport à la
diaspora, d'édifier et de soutenir une politique de confiance mutuelle, de renforcer la capacité
institutionnelle nationale, de définir une stratégie par rapport à la diaspora et de développer les
relations entre la Guinée-Bissau et sa diaspora, en tenant compte des différents domaines
considérés dans cette étude et qui ont été soulignés par divers intervenants lors de l'enquête.
Connaitre la diaspora
La définition d'une PGAD suppose que le Gouvernement connaisse les différentes capacités
financières, les savoirs techniques, les disponibilités et les motivations de la diaspora, et que
celle-ci se connaissent aussi elle-même. Comme la connaissance est évolutive, la création d'un
instrument comme une page Web48, avec la biographie et les contacts des professionnels de la
diaspora, devient importante49 en tant que « pont d'information » entre les différents
intervenants. Une page qui ait des liens dans les pages des ambassades et des ministères, mais
qui soit hébergée dans le site de l'INEP50 de manière à garantir qu’elle se maintient en ligne,
quel que soit le fonctionnement du gouvernement. La page dédiée à la diaspora devra, aussi,
avoir des liens à des blogs, ou sites, des associations de la diaspora. Cette connaissance
implique, également la réalisation d'études, avec une méthodologie similaire à celle utilisée dans
cette enquête, dans des pays comme le Cap-Vert, la Gambie, le Sénégal et l'Espagne, où sont
48
Consultez le site du projet MIDA pour la région des Grands Lacs comme un des bons exemples. Disponible sur
http://www.rwandandiaspora.gov.rw/
Comme l'ont démontré d'autres projets, notamment, le Who Is Who in BiH” Diaspora Project, du Département pour la Diaspora
de la Bosnie-Herzegovine.
50
L'Institut National des Études et recherches à Bissau est l'une des rares institutions de Guinée reconnue internationalement, avec
des publications et des enquêtes faites par eux depuis 1984. Ils ont la seule bibliothèque et archive du pays dans de bonnes
conditions de fonctionnement, qui aide l'Université Amílcar Cabral. Son actuel directeur est le Prof. Mamadu Jao et le premier
directeur a été le Prof. Carlos Lopes, actuellement, Secrétaire Exécutif de la Commission Économique des Nations Unies pour
l'Afrique.
49
74
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
également citées d'importantes communautés de la diaspora guinéenne. Et il faudra, également,
chercher à comprendre les mouvements de ces communautés, en détectant quels sont les pays
où leur présence croît, ou décroît, comme les exemples de l'Espagne ou de l'Italie.
Définir une stratégie
La définition d'une stratégie dans la relation avec la diaspora est essentielle pour la
construction de politiques et d'identification des principales mesures qui devront être prises. En
général, les principaux objectifs d'une stratégie gouvernementale peuvent inclure : i) la
promotion de la participation de la diaspora dans le développement du pays; ii) établissement
d'actions et de priorités gouvernementales pour les différents domaines dans lesquels les
migrants sont en relation avec le pays: l'éducation, la santé, les envois de fonds (financiers et de
biens), investissement direct et symbolique, etc.; iii) faciliter les procédures légales consulaires
et définir les bénéfices fiscaux pour les émigrants; iv) établir des protocoles avec les pays de
destination qui facilitent la sortie temporaire d'émigrants pour participer directement à des
activités définies au préalable, dans une philosophie similaire à celle de la migration circulaire;
v) promouvoir des droits de citoyenneté des migrants, tant dans leur pays de destination, qu’en
Guinée-Bissau. Ce sont quelques-uns des nombreux aspects considérés dans cette étude, qui
permettent au Gouvernement guinéen une diversité d'éléments pour supporter les décisions
politiques nécessaires à l'élaboration d'une stratégie.
Construire une politique de confiance
Une politique consistante pour la diaspora qui puisse créer une confiance entre ses membres
et l'État, peu importe le Gouvernement en fonction, exigera l'approbation et la diffusion auprès
des communautés de la diaspora des mesures structurelles qui facilitent l'action des migrants,
individuellement et dans leurs associations, pour la promotion d'une confiance mutuelle. Une
confiance très fragilisée par des erreurs, des malentendus du passé et par l'évolution politique et
sociale récente du pays. Dans les réponses obtenues, les promesses non respectées ont été
systématiquement montrées comme un élément qui affaiblit la crédibilité des gouvernants
auprès des diasporas. La présente enquête indique que l'établissement d'une confiance mutuelle
doit inclure des mesures telles que:
i)
la création de mécanismes systématiques et réguliers de consultation de la diaspora par les
représentations consulaires, à travers, par exemple, d'une enquête annuelle sur la satisfaction
individuelle;
ii) la divulgation par les ambassades des opportunités d'emploi en Guinée-Bissau, notamment
dans les organisations internationales ayant une représentation à Bissau;
iii) l'approbation de célébrations annuelles du jour de l'Émigrant, tant dans les pays de
destination, qu'en Guinée Bissau, incluses dans les fonctions normales des ambassades et du
bureau du secrétaire d'État de la tutelle;
iv) l'approbation de règlements pour le recrutement du personnel technique pour
l'Administration publique guinéenne, qui soit transparent et ouvert à la candidature
d'émigrants, sans que ces derniers aient à se déplacer en Guinée Bissau à cet effet;
v) la création d'un conseil consultatif de la diaspora, par pays de destination et avec des membres
élus par les associations, pouvant compléter les réunions personnellement en GuinéeBissau avec une participation grâce aux technologies d'information et de communication;
vi) la mise en place de la législation qui existe déjà en ce qui concerne la capacité de vote du
peuple guinéen de la diaspora;
vii) la mise en place de mesures d'aide aux migrants qui ne possèdent pas de documents légaux
concernant les cartes de séjour dans les pays d'accueil.
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
75
Renforcer la capacité institutionnelle nationale de l’État
Il n'existe pas de modèle d'architecture institutionnelle qui puisse être considéré comme idéal
dans tous les pays. Des fondations au Maroc et en Corée de Sud; des fonds publics ou semi-publics
au Pakistan, Philippines et Thaïlande, des instituts publics ayant leur propre statut, ou intégrés dans
un ministère, ou un bureau de secrétaire d'État au Mexique, en Inde et au Mali; des commissariats
ayant un statut d'institutions non gouvernementales, comme au Portugal, ce sont des exemples
différents ayant aussi des succès différents, mais sans aucune corrélation entre les modèles et les
succès. La Guinée-Bissau a eu un Institut d'Aide à l'Émigrant, qui n'a eu aucun succès significatif, et
qui a aujourd'hui une Direction générale dans le bureau du secrétaire d'État des communications
avec les mêmes fonctions. Il ne nous paraît pas possible de créer une institution spécifique d'aide à la
diaspora, comme cela existe dans beaucoup de pays, étant donné la phase actuelle de fragilité
institutionnelle que le pays traverse. Il est préférable que la politique concernant la diaspora
fonctionne en réseau, englobant l'institution centrale du pays — Ministère des Affaires
étrangères/Secrétaire d'État — un technicien qui ait la responsabilité des relations entre la diaspora
de chaque ambassade où cela se justifie (Portugal, France, Sénégal et Cap-Vert, au moins), les
associations d'émigrants, les émigrants individuels et les familles en Guinée Bissau. Cela est possible
grâce à l'articulation des instruments les plus formels de l'État, comme les forums en ligne à
participation permanente, une Rencontre annuelle de diasporas51 et avec l'élaboration et la mise en
place de législation qui favorise et motive la relation entre la diaspora et le pays.
Développer la relation entre la diaspora et la Guinée Bissau
Les domaines qui sont concernés ici sont ceux qui nous semblent en adéquation avec la
situation sociale de la diaspora guinéenne et de ses pratiques de participation dans le
développement du pays, jusqu'à nos jours, comme cela a été analysé dans cette étude, tout
comme la capacité de l'État guinéen. Dans d'autres pays, il est possible de développer d'autres
politiques (par exemple, au niveau des investissements financiers, grâce à des produits
spécifiques promus par la banque, ou au niveau des participations gouvernementales dans des
projets, comme dans le programme mexicain 3×1), mais comme nous l'avons vu dans les
chapitres précédents, la réalité de la Guinée-Bissau et la capacité et la stabilité de sa
gouvernance nous indiquent que la diaspora guinéenne doit être le point de départ pour les
propositions que, nous croyons, pouvoir produire un résultat positif.
Envois de fonds
Pendant le processus d'enquête, nous avons constaté que les envois de fonds sont considérés
comme étant un sujet qui fait partie de la sphère privée des familles, sur lesquels les
informations qu'ils donnent ne sont que très générales. Dans une situation de diminution de
l'activité économique dans les pays de destination, surtout en Europe et aux USA, il faut
s'attendre à certaines réductions du flux d’envois de fonds, tout comme à une période de
déplacement de ses origines, comme cela semble arriver entre le Portugal et l'Espagne quand les
personnes déménagent à la recherche d'emploi dans un autre pays, qui n'est pas leur destination
initiale de migration. Actuellement, les envois de fonds en numéraire circulent par des canaux
formels de virement, comme la banque et le Western Union, ou informels, « de main à la
main», pouvant même reproduire la métrologie de cette dernière institution, mais entre privés.
Comme l'expérience d'autres pays le montre, le Gouvernement guinéen n'a rien à gagner à
essayer de contrôler ces flux de forme rigide. L'information donnée à la diaspora au sujet des
avantages et des inconvénients à utiliser les différents canaux, sans faire l'apologie d'aucuns d'entre
eux, et le traitement de ces flux comme ressources fréquentes des familles sont le meilleur service
que l'État peut avoir, pour que la diaspora gagne confiance dans les institutions formelles. Cette
information doit être disponible sur Internet, mais aussi sur papier dans les associations de la
51
Ceux qui ont répondu à cette enquête ont parlé d'une promesse de réalisation d'un «Congrès» de la diaspora. Étant donné qu'il y a
une certaine connotation de partis en ce qui concerne le terme, nous suggérons l'appellation «Rendez-vous».
76
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
diaspora et dans les ambassades, étant donné le nombre significatif d'émigrants qui ont ou pas
Internet. La même chose s'applique en ce qui concerne les envois de biens de consommation, ou les
petites ventes. En plus de l'information sur la façon d'effectuer ces envois, le gouvernement doit
approuver un régime d'exonération fiscale douanière à partir de l'émission de cartes d'émigrants,
mais en tenant toujours compte du fait que cela peut être une voie qui peut faciliter le trafic illicite.
Investissement direct de la diaspora
Comme vous avez pu le constater dans cette enquête, l’investissement direct de la diaspora
guinéenne existe et dans certaines régions il s’avère même très important pour le bien-être des
populations. Gabu est un cas particulier, la seule ville où ce genre d'investissement atteint toute
la population.
Le mauvais fonctionnement de la justice en ce qui concerne la solution de conflits, le
recouvrement de recettes fiscales au migrant que l'État ne facture pas aux résidants et la vision
des migrants comme source globale de revenu, sont des difficultés qui empêchent que
l'investissement des migrants sorte de la sphère purement familiale, ou du cercle d'amis, et
puisse avoir une plus grande contribution quand au développement du pays. Cet investissement
peut avoir des dimensions très variables, qui vont de la compagnie d'électricité de Gabu, au
générateur qui permet de vendre de l'électricité aux voisins, au taxi à Bissau ou à la camionnette
de transport public, au capital pour les petites boutiques et les étals de marché, jusqu’aux
machines à décortiquer le riz et les équipements agricoles de moindre importance, ou même les
graines et le bétail dans les zones rurales.
La recommandation la plus évidente est la mise à disposition de l'information en ligne,
adressée aux potentiels investisseurs de la diaspora, tout en sachant qu'il existe des niveaux
d'instructions très différents et qu’ils peuvent avoir l'habitude ou non d'investir. Une autre
recommandation est l'inclusion dans les célébrations de la Journée de la Diaspora d'un
évènement orienté vers l'investissement des migrants. La construction d'un réseau de techniciens
et d'hommes d'affaires travaillant toujours, y compris des personnes guinéennes et d'autres qui
ont un intérêt pour le pays, afin de diffuser l'information et d’établir des contacts, ce qui est une
réalisation importante et qui dans d'autres pays s'est révélée de grande utilité. La charge fiscale
sur l'investissement doit être réduite, notamment, en ce qui concerne la construction d'écoles, de
dispensaire de santé et d'autres équipements sociaux. L'introduction d'une période gratuite pour
d'autres investissements, grâce à un instrument fiable, est une mesure qui doit aussi être prise en
compte. À cet effet, il pourra être utile d'analyser le fonctionnement de ce qu'a été la "carte de
l'émigrant", qui a existé jusqu'en 1990, selon l'information recueillie.
Une autre dimension de cette sous-zone est l'aide aux émigrants dans les pays d'accueil, avec
des programmes qui vont du microcrédit aux candidatures pour l'investissement en Guinée-Bissau
à partir du crédit bancaire obtenu dans le pays d'accueil52. Merci de noter que l'investissement dans
des projets qui ont un rapport avec la diaspora, mais de concrétisation dans les pays d'accueil,
peuvent également être l'objet de politiques du gouvernement d'origine, en général, se résumant à
des lignes de crédit pour les entreprises des émigrants qui ont une activité en relation avec la
production du pays d'origine. Mais les pays de destination ont tendance à regarder de tels
programmes comme quelque chose de favorable dans un environnement de concurrence.
Capacitation institutionnelle à travers le transfert des ressources
Ce sous-domaine peut être le centre des politiques du Gouvernement guinéen adressées aux
professionnels hautement qualifiés. Cela correspond également à ce qui a été désigné de «retour des
cerveaux», «banque de cerveaux», «circulation de cerveaux», etc. Les ressources sont en général,
comprises comme des ressources humaines, mais l'expérience des autres pays nous indique que dans
la plupart des cas de succès, on constate également des transferts de ressources physiques, comme
52
Le haut Commissariat pour l'Immigration et le Dialogue Interculturel, “Promoção do Empreendedorismo Imigrante”, em
www.acidi.gov.pt/es-imigrante/informacao/promocao-do-empreendedorismo-imigrante. Un autre exemple est le guide pour
l'investissement de la diaspora du Burundi, surhttp://pt.scribd.com/doc/21836481/BURUNDI-GUIDE-dinvestissement.
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
77
l'équipement hospitalier ou agricole. Cela implique certaines conditions que l'expérience permet de
dire qu'elles sont nécessaires, mais pas suffisantes pour que les activités se passent bien:
i)
que dans le pays de destination soit clair le processus d'absence temporaire d'un émigrant
qui veut aller aider son pays d'origine, durant une courte période, et ensuite revenir, mas
sans perdre les droits de travail qu'il a réussi à avoir entre temps53.
ii) que soit pris en considération que les émigrants ne sont pas toujours capables de gérer les
limitations qu'ils trouvent dans leur pays d'origine (surtout les plus qualifiés et ceux qui sont
hors circuit depuis longtemps), montrant de surprenants manques d'adaptation s'ils n'ont pas
les informations nécessaires au préalable.
iii) que les niveaux de rémunération pour ces activités de courte durée soient définis selon les
niveaux locaux, de façon à ce que la collaboration des professionnels résidants soit assurée54.
iv) que les institutions locales d'accueil soient impliquées dans ce processus dès le début, pour
ne pas provoquer de tensions entre «ceux qui restent» et «ceux qui sortent», comme cela
est arrivé dans d'autres pays (Libérie, Sierra Leone, Soudan du Sud, etc.).
v) que soit évitée la tendance de n'avoir que des participations des élites de la diaspora pour ce
genre de projet, tenant compte plus spécifiquement de la différence de qualifications
détectée entre la diaspora guinéenne au Portugal et en France.
Il est à noter que la participation de la diaspora peut également avoir une composante
digitale, qui ne contraint pas à des déplacements, comme l'enseignement par le biais de tuteur,
ou des cours brèves à distance, et qui en contrepartie peut être plus élargie, mais en ayant
toujours en considération que l'accès et la capacité de fonctionnement d'Internet n'est pas encore
une réalité universelle ni pour la diaspora guinéenne, ni pour la population d'origine.
Cette composante de politiques est vue comme ayant comme leitmotiv la capacitation
d'institutions publiques, ou privées, au travers du remplissage temporaire de spécialités de
ressources humaines dans le pays d'origine avec des professionnels émigrants ayant les capacités
de le faire. En général, cela veut dire que les secteurs comme la médecine, l’infirmerie spécialisée,
l'enseignement universitaire et la formation professionnelle (les professionnels guinéens existants
dans les municipalités en jumelage peuvent être une plus-value) sont prioritaires et réussissent à
respecter les objectifs mieux que quiconque. Avec la méthodologie de « retour virtuel », il est
évident que les possibilités se sont agrandies, allant de l'aide tutorielle technique aux étudiants ou
professeurs jusqu'à la réalisation d'études spécialisées qui peuvent être élaborées pendant une
période plus grande à partir d'un déplacement de courte durée au pays55.
La mise en place de cette politique doit être faite avec une procédure mixte de candidatures
individuelles pour les activités où il existe beaucoup de professionnels guinéens (comme le
personnel de santé au Portugal, comptant 95 éléments inscrits dans l'Ordre des Médecins, selon
l'information donnée en juin 2012) et de contacts directs à travers une invitation individuelle, à
partir d'une structure dynamique centrale. Le peu d'adhésion à l'instrument pilote de la base de
données, créée dans le cadre de l'enquête, nous permet de conclure qu'il faut un certain travail
pour gagner la confiance des migrants.
Philanthropie, ou investissement en capital social
Dans ce sous-domaine, nous incluons les activités dans le pays de destination, ou d'origine,
avec la participation de ressources fournies par les migrants et sans buts lucratifs. Ce sont les
activités ci-après, et qui contribuent au prestige social de ceux qui les pratiquent : l'aide au
53
La législation portugaise et européenne au sujet de la migration circulaire peut servir d'exemple. Cf. SEF, 2010.
Dans différents pays, ces programmes sont réalisés sur une base de volontariat altruiste. On croit que dans une première phase,
cela peut être difficile pour la Guinée-Bissau.
55
Nous ne considérons pas que la participation en tant que chercheurs, ou consultants, dans des projets de recherche soit une activité
faisant partie de ces recommandations, étant donné qu'elle se situe à un niveau de choix et de contacts personnels qui ne permettent
pas l'adoption de procédure de généralisation. Et la Guinée n'a pas assez de chercheurs concentrés dans un seul et même pays de
destination, ni assez de crédibilité institutionnelle nationale, pour pouvoir justifier auprès des créanciers internationaux, un
programme d'aide pour les projets concernant le pays, à l'exception de ceux qui sont faits à partir de Bissau par l'INEP.
54
78
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
pèlerinage à la Mecque, les donations à l'église ou à la Mosquée, les écoles (construction,
mobilier, matériel didactique et paiement de l’enseignant), dispensaire de santé (construction,
mobilier spécifique, médicaments, ambulances et salaires d'infirmiers), «bourses d'études» (en
frais d'inscription, livres, matériel didactique, sac à dos et tabliers), promotion de rendez-vous et
débats, aide aux cérémonies de mariage, ramadan, initiation sociale (fana), enterrement (toqua
tchor), assainissement, puits et pompes à eau, électricité, amélioration des accès et réparation
des rues, des maisons et des tabancas (le plus commun, ce sont les toits en plaque de zinc qui
remplacent la paille traditionnelle) ou des bâtiments de villages et de villes de la zone d'origine,
l'aide aux groupes de danse, de sports et de musique ou à des artistes individuels.
Le modèle typique de politiques consiste en une aide financière de l'État aux initiatives prises
par les migrants (Mexico Programa 3×1). Cependant, il ne nous semble pas qu'en Guinée-Bissau,
l'État soit en mesure d'assumer toutes sortes de compromis de ce genre. Nous pensons, donc, qu'il
est préférable de concevoir une méthodologie d'exécution de projets qui fasse également appel aux
émigrants pour l'aide, mais aussi avec des objectifs très bien définis : une école dans une tabanca,
des médicaments pour un dispensaire de santé de quartier, etc. Mais aussi où l'État ou les
institutions privées nationales, puissent garantir un peu d'aide, au cas par cas.
Aide au retour définitif
Dans les entretiens, il n'y a pas d'indications importantes concernant les intentions de retour
définitif en Guinée-Bissau. Ce que l'enquête montre c'est que les personnes qui reviennent au
pays affirment toujours qu'elles émigreront de nouveau si elles en ont l'opportunité. Les
émigrants interrogés au Portugal et en France, en général, affirment qu'un jour ils reviendront,
mais ils placent cette action loin dans le temps, apparaissant plutôt comme une manifestation
qu'ils ne répudient pas le pays où ils sont nés, qu'une réelle intention de repartir. En dépit du fait
que l'analyse des données nous suggère (Chapitre 3) que, à l'âge de la retraite, le retour est plus
fréquent que ce qui est attendu et des exemples de personnes qui sont repartis une fois à la
retraite et qui ont opté pour l'exercice d'activités socialement notoires, comme mentionné au
Chapitre 4. Le gouvernement peut approuver, avec la participation des émigrants, les politiques
d'aide au retour définitif survenant des suggestions présentées dans ce travail, mais il nous
semble plus logique que ce débat ait lieu ces prochaines années, après que la relation entre la
diaspora et le gouvernement ait changé grâce à des actions concrètes.
5.2.2 Recommandations au niveau des programmes et projets
Dans cette section nous suggérons au Gouvernement guinéen une architecture
organisationnelle pour une politique de relation avec la diaspora, qui nous semble faisable, et
qui cherche à répondre à la situation financière du peu de ressources du pays et à la fragilité de
ses institutions, ainsi que l'existence dans la diaspora de professionnels qui pourront colmater
les besoins nationaux qui existent dans différents secteurs, si la politique approuvée et appliquée
réussit à gagner leur confiance. Mais ces suggestions supposent une situation de normalité dans
le fonctionnement de l'Administration, du Gouvernement et des ambassades, sans laquelle nous
pensons que la mise en place ne sera pas possible. Et la situation actuelle n'est pas du tout
favorable, étant donné le contexte actuel où la situation politique et militaire ne favorise pas la
crédibilité nationale et internationale du pays.
Architecture institutionnelle pour l'exécution de programmes et de projets
Nous pouvons considérer un axe d'organisation, où l'on suggère l'ascension d'un compromis de
stabilité de structure de la relation du Gouvernement avec la diaspora, au travers d'une conception
qui ait des éléments indépendants des cycles et des crises politiques. Nous suggérons ici qu'il n'existe
qu'un seul programme, sous-divisé en projets, avec l'appellation de Programme de Relation avec la
Diaspora (PRODIGB). Ce programme a pour acteurs centraux le secrétariat d'État de la tutelle, ou
son équivalent dans de futurs gouvernements, les ambassades et un conseil consultatif de la Diaspora
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
79
(CCDIGB), qui possède une existence juridique légalisée dans le pays de destination, de façon à
pouvoir recevoir les financements publics pour les projets. Le secrétariat d'État aura la responsabilité
de l'exécution de projets et d'établir la relation avec les deux autres acteurs.
En parallèle, il existera un programme conçu comme un partenaire national, mais non
dépendant du PRODIGB – l’Observatoire de la Diaspora guinéenne (ODIGB), dont le siège est
à l'INEP, avec comme fonction l'élaboration d'études, le recueil de données et des propositions
de projets de lignes de financement internationales. L'observatoire aura une assistance technique
directe (AT) de l'OIM.
Le conseil consultatif de la Diaspora (CCDIGB) sera élu par les associations légalisées dans le
pays d'accueil et aura comme fonctions celles de participer à la définition des politiques, aux études à
élaborer et aux projets, et surtout, il aura un rôle central dans la politique de confiance.
Les entités – PRODIGB, CCDIGB et ODIGB – auront avec les ambassades les
responsabilités définies au cas par cas pour chaque projet commun. L'axe Observatoire +
Associations donne un peu de stabilité indépendamment des changements et des crises
gouvernementales.
l'exécution de programmes et de projets
Graphique 5.1 : Architecture institutionnelle pour l’exécution
PRODIGB/SE/MNE
PRODIGB/SE/MAE
CCDIGB
AMBASSADES
ASSOCIA
TIONS
ODIGB
AT
Les projets
Indépendamment des projets, nous pouvons considérer deux axes de financement auxquels
le pays pourra recourir, étant donné que le Budget général de l'État n'a pas la capacité d'assurer
les subventions nécessaires:
L'axe de politique nationale. Dans la phase actuelle du budget national très déficitaire, cet
axe attribuera en gros des fonctions à l'intérieur des projets qui sont suggérées plus loin comme
bons pour les fonctionnaires et les installations déjà existantes.
L'axe des lignes internationales de financement de la Coopération. Élaboration de projets à
inclure dans les programmes de coopération avec des partenaires bilatéraux, suivant l'exemple de ce
qui se passe déjà dans les pays comme la Belgique, ou le Canada, pour les diasporas d'autres origines,
ou les organisations internationales comme la Banque Mondiale, l'Union Européenne et surtout l'OIM,
en tenant compte du fait que la Guinée-Bissau est un état dont la situation fragile est connue.
80
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
Les réunions avec les autorités guinéennes à Bissau, dans le cadre de cette enquête, nous mène à
croire qu'elles sont conscientes de l'existence de programmes adressés aux diasporas, dans différents
pays, ou dans des organisations internationales, qui pourront permettre l'organisation de candidatures
d'associations de la diaspora à des lignes de financement pour l'exécution de projets concrets dans les
zones d'origine, que ce soit dans l'optique de coopération bilatérale, ou dans une optique
multilatérale. La diaspora guinéenne a une grande variété de compétence, certaines plus qualifiées
que d'autres, pouvant postuler à des programmes/projets transversaux à tous les domaines relatifs à
la coopération, par exemple, ceux qui sont éligibles dans les lignes de financement de l'Union
Européenne. Au Portugal, pour pouvoir postuler à ces financements, les associations doivent être
reconnues par l'ACIDI, devenir des ONGD reconnues par l'IP Camões56et chercher, dans les
premières années, des alliances avec d'autres acteurs non gouvernementaux et gouvernementaux
pour les candidatures, ayant comme exigence une intervention d'au moins 3 ans. Il est à noter qu'il
existe plusieurs ONG en Guinée Bissau qui peuvent, facilement, être des parts nationales de projets,
s'il n'existe pas de structures nationales dans les zones/régions/tabancas où les migrants veulent
intervenir. Comme on l'a vu au Chapitre 4, ces ONG, telles que les internationales, jouissent d'un
capital social positif, en général supérieur à celui de l'État (voir Chapitre 4)
Dans une phase pilote, nous suggérons que le PRODIGB soit composé de deux projets –
«Faire confiance» et «Développement» – et l’ODIGB d'un projet – «Connaitre». À partir
d'une exécution qui satisfasse les intervenants et les créanciers, de nouveaux projets pourront
être conçus dans une deuxième phase, individualisant les activités du «Développement».
Projet Faire Confiance
Institutions impliquées: PRODIGB, Ambassades et CCDIGB
Résultats souhaités :
i)
organisation, avec le CCDIGB, d'un conseil consultatif de la diaspora, par pays de
destination, avec des membres élus par les associations, la participation permanente avec le
pays grâce à l’Internet et une réunion annuelle avec le Gouvernement guinéen.
ii) enquête annuelle permanente au sujet de la satisfaction individuelle de la diaspora, en
articulation avec l’ambassade respective.
iii) des feuilles mensuelles de diffusion, dans les ambassades, des opportunités d'emploi en
Guinée-Bissau, y compris dans les organisations internationales avec une représentation à
Bissau, ayant comme source minimale les journaux de la ville.
iv) organisation de la Journée de la Diaspora, ou de l'Émigrant, réalisée annuellement dans les
pays de destination et en Guinée-Bissau.
v)
Approbation par le gouvernement de règlements pour le recrutement du personnel technique
pour l'Administration publique guinéenne, qui soient transparents et ouverts à la candidature
d'émigrants, sans que ces derniers aient à se déplacer en Guinée Bissau à cet effet.
vi) Mise en place de la législation déjà existante relative à la capacité de vote des Guinéens de
la diaspora, permettant ainsi que, au moins dans les pays ayant les plus grands contingents,
il soit possible de voter.
Projet Développement
Institutions impliquées: PRODIGB et CCDIGB
Résultats souhaités:
En général, l'élaboration et la distribution, par les associations de la diaspora et par les ambassades,
d'un manuel de la diaspora qui contienne des informations importantes, détaillées et écrites en ayant la
56
L'actuel Institut da Língua e de Cooperação, IP Camões est le fruit d'une fusion de l'ancien Instituto Camões (IC) avec l'ancien
Instituto Português de Apoio ao Desenvolvimento (IPAD), le nouvel institut passant à réunir la politique de promotion de la langue
et de la culture portugaise avec les politiques de coopération internationale.
Évaluation du potentiel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
81
préoccupation de pouvoir aider en ce qui concerne toutes les étapes nécessaires en ce qui concerne les
différents actes que la diaspora pratique. Plusieurs pays ont un manuel de ce genre, qui peut servir
d'inspiration pour l'élaboration d'un manuel adapté aux besoins de la diaspora guinéenne.
a) Envois de fonds (PRODIGB)
i)
Mettre à disposition l'information du manuel par le biais de l’Internet, mais aussi sur papier,
dans les associations de la diaspora, les Ambassades et en Guinée Bissau.
ii) Approbation d'un régime d'exonération ou de réduction fiscale en ce qui concerne la
douane, à partir de l'émission d'une carte du migrant.
b) Investissement direct (PRODIGB et CCDIGB)
i)
Inclure dans les célébrations de la Journée de la Diaspora un évènement orienté vers
l'investissement.
ii) Définir une période de gratuité pour les investissements, grâce à un instrument légal et
fiable, conçu, éventuellement, à partir de l'analyse de l'ancienne "carte de l'émigrant" qui a
existé jusqu'en 1990, selon l'information recueillie.
iii) Proposer aux entités des pays de destination la création de lignes de crédit destinées aux
immigrants guinéens, pour une aide à l'investissement en Guinée Bissau.
c)
Retour temporaire (PRODIGB et CCDIGB)
i)
Organisation, avec les entités locales de la Guinée-Bissau, d'un nombre déterminé au préalable de
déplacements de membres de la diaspora qualifiée, sur de courtes périodes de temps (un à trois
mois) et à partir d'accord de définition de besoin, avec une planification annuelle divulguée.
ii) Garantir, avec les pays d'accueil, que leur cadre légal ne porte pas préjudice aux immigrants
lors de ces sorties temporaires.
Le bon fonctionnement du programme pourra permettre un agrandissement temporaire de la
présence, mais répétée au long de l'année, de professeurs et de chercheurs qui accumulent la
recherche avec le soutien en matière d'enseignement, ou d'orientation de thèses, à l'Université
Hamilcar Cabral ou dans des institutions privées.
d) Investissement social (PRODIGB et CCDIGB)
i)
Rechercher des fonds pour soutenir une méthodologie d'exécution de projets d'émigrants,
mais avec des objectifs bien définis et une procédure de candidature ouverte et transparente.
ii) Réduire la charge fiscale concernant les investissements pour la construction d'écoles, de
dispensaires de santé et autres équipements sociaux, y compris les routes.
Projet Connaître
Institutions partenaires impliquées: ODIGB et CCDIGB
Résultats souhaités:
i)
Création d'une page Web de la diaspora à inclure dans le site de l'INEP.
ii) Définition des contenus et du travail correspondant pour la manutention de la page, avec
l'introduction permanente d'informations.
iii) Élaboration d'une étude similaire à la présente pour le Sénégal, le Cap-Vert et l'Espagne.
iv) Étude d'un programme de soutien aux migrants sans documents de résidence légaux dans
les pays d'accueil, afin de les présenter au Gouvernement guinéen.
Comme dans le cas précédent, le bon fonctionnement du programme pourra permettre un
élargissement de la présence temporaire, mais répétée au long de l'année, de professeurs, de
chercheurs qui accumulent la recherche et le soutien dans l'enseignement, ou l'orientation de
thèses, dans l'Université Amílcar Cabral ou les institutions privées.
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L'OIM pose le principe selon lequel les migrations s'effectuant en bon ordre et dans le respect
de la dignité humaine sont bénéfiques pour les migrants et la société. En tant qu’organisation
intergouvernamentale, l’OIM agit avec ses partenaires de la communauté internationale en
vue de: contribuer à relever concrétement les défis croissants que pose la gestion des flux
migratoires; favoriser la compréhension des questions de migration; promouvoir le
développement économique et social à travers les migrations, et œuvrer au respect de la
dignité humaine et au bien-être des migrants.
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Évaluation du potenciel
de développement
de la diaspora de Guinée-Bissau
au Portugal et en France
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Évaluation du potenciel de développement de la diaspora de Guinée-Bissau au Portugal et en France
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