PRÉSENTATION - Editions Tchou
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PRÉSENTATION - Editions Tchou
L’ALCHIMIE DE LA PENSÉE PRÉSENTATION PIERRE ETÉVENON, POURQUOI AVEZ-VOUS ÉCRIT CE LIVRE ? Cette question est primordiale. Il s’agit tout d’abord de l’homme et de ses expériences de vie qui sont étudiées et décrites par les physiologistes et chercheurs de diverses disciplines sous le nom d’« états de conscience » qui restent à préciser. Il nous faudra ensuite choisir et préciser ces « états de conscience » qui sont des objets d’études et de recherches des physiologistes et psychophysiologistes, des médecins et en particulier des psychiatres et des neurologues, des psychologues et des pharmacologues. Les ouvrages scientifiques abondent sur ce thème, qu’ils soient pour un large public intéressé (M. Jouvet, 1992 et 2000 ; P. Buser, 1998) ou spécialisés, et nos références sont elles-mêmes un choix personnel nécessairement limité. Un congrès international en l’honneur de Michel Jouvet intitulé « Le paradoxe du sommeil : une histoire non terminée » s’est tenu à Lyon en septembre 2003, dont les rapports et résumés sont cités sur le site internet du Pr Jouvet. Ce Symposium international a été publié ensuite dans un numéro spécial des Archives italiennes de biologie. Cet ouvrage collectif (M. Jouvet, 2004) illustre bien le très grand développement international et l’essor des recherches sur le sommeil en médecine ainsi que sur le vaste sujet des états de conscience. Cet ouvrage n’est pas une encyclopédie, nous choisirons donc trois thèmes, trois domaines d’états de conscience que nous appellerons : les états de conscience naturels, tels que l’éveil, le sommeil et le rêve; les états de conscience 1111 ÉTATS DE CONSCIENCE, SOPHROLOGIE ET YOGA PRÉSENTATION altérés en pathologie mentale ou sous drogues et les états de conscience modifiés par des pratiques de méditations et techniques apparentées. C’est là un choix délibéré qui exclura, entre autres, les expérimentations contrôlées par des protocoles stricts d’études récentes en neurosciences tels que l’attention, les tâches mentales, les différents types d’intelligence et de mémoires, les études de psychosociologie qui portent sur les caractères, les tempéraments et les interactions sociales, celles de l’environnement hommemachine, ou bien encore des études de réalité virtuelle, etc. confusion mentale, les amnésies et les démences, ainsi que les différents stades de coma, dont le dernier s’achève par la mort. Les états de conscience confus ou hallucinatoires relèvent à la fois de la psychiatrie et de la pharmacologie des toxiques et stupéfiants, mais aussi de « l’expérience sauvage » qui n’est pas éloignée des états de transe ni des états d’hypnose qui sont étudiés par les ethnologues et sociologues. Les expériences proches de la mort (Near Death Experiences, NDE) peuvent encore être considérées comme des états altérés de conscience (R. Moody, 1980). Ce sont des états particuliers où le sujet est proche de la mort réelle et où il doit souvent choisir de lutter pour revenir à la vie et ne pas glisser dans la mort. Il s’en souvient parfois parfaitement ensuite et parle de tunnel blanc dont il a dû revenir. Une telle expérience semble mobiliser toutes les ressources de l’être et les forces vives de son corps tout entier dans une absolue lucidité. Mais extrêmement rares, ces états proches de la mort ne peuvent être étudiés scientifiquement en laboratoire. Présentation du chapitre I : Les états de conscience Le champ de connaissances et d’expériences des états de conscience est vaste et il dépend de la perspective, du point de vue à partir duquel nous l’abordons et l’observons : soit d’une façon scientifique et objective, soit au contraire en tant que sujet vivant une expérience unique, subjective et individuelle, ici et maintenant. Ces deux approches, aux antipodes l’une de l’autre, ne sont pourtant pas opposées ni réciproquement exclusives. Chez l’homme, les « états de conscience » peuvent être considérés selon trois critères : naturels, altérés, ou modifiés plus ou moins volontairement. Les états de conscience modifiés volontairement Les états de conscience altérés (cf. C. T. Tart) sont d’abord les états de conscience pathologiques. Tels ceux qui sont étudiés en psychiatrie, psychopathologie et neurologie, comme les psychoses, les délires et la Toujours du domaine de l’expérience humaine, il est possible de qualifier d’états de conscience modifiés volontairement les états de concentrations et de méditations, ainsi que les « relaxations » selon différentes méthodes, comme la sophrologie, le zen, les différentes pratiques de yoga. Ces états modifiés de conscience sont pour nous différents des deux précédents états naturels et altérés de la conscience humaine. Cela peut être recherché par EEG quantitative et maintenant vérifié scientifiquement grâce aux récentes méthodes d’imagerie cérébrale fonctionnelle, comme nous le verrons. C’est pourquoi les méditateurs sont différents, tout comme ceux qui sont capables de concentrations prolongées – tels sans doute les aiguilleurs du ciel dans les tours de contrôle des aéroports, les surveillants d’installations nucléaires, les commandants de bord. La maîtrise qu’ils ont acquise après des années de pratique de méditations et de concentrations peut faire l’objet d’études et de recherches scientifiques. Elle relève encore d’une intériorité plus personnelle et donc plus subjective. Parler d’états de conscience, c’est non seulement distinguer et tenter d’analyser le plus objectivement possible des « états » différents de la conscience. C’est aussi vivre et « être en conscience ». Ce dernier terme de « conscience » est si fondamental qu’il peut apparaître comme base 12 13 Les états de conscience naturels Parler des états de conscience chez l’homme, c’est évoquer d’abord les états de conscience naturels que nous vivons de jour comme de nuit : l’éveil, l’endormissement, le sommeil, le rêve. C’est aussi tenir compte de certaines conditions psychophysiologiques et de comportements, par exemple «l’état d’être amoureux » ou bien encore « la plénitude de la femme enceinte », etc. Nous ne développerons pas ces derniers thèmes propres aux vécus individuels, qui sont très bien étudiés par des psychologues connus et spécialisés. Les états de conscience altérés ÉTATS DE CONSCIENCE, SOPHROLOGIE ET YOGA PRÉSENTATION fondatrice de l’expérience humaine et constitue donc, de ce fait, un des thèmes majeurs en philosophie et tout particulièrement en métaphysique. Au titre de l’expérience vécue, de « l’expérience intérieure » chère à Jung et aux poètes, ce terme relève aussi des croyances et professions de foi qui vont souvent en teinter l’approche. C’est ainsi que la « conscience » concerne aussi bien le croyant des religions que l’athée ou le matérialiste et le libre penseur, tout comme le rationaliste le plus convaincu. Chacun abordera alors différemment, selon sa sensibilité et son engagement, tout ce qui pourra se rapporter à la « conscience ». Cela sera souvent plus perçu implicitement et valorisé émotionnellement chez le croyant qu’un simple « concept » et « percept » mental auquel se référera plus spécifiquement le rationaliste convaincu. Nous ne prendrons pas partie et respecterons les positions de chacun. Nous adoptons ainsi, à titre personnel, une position bien française de « laïcité politique » tout à fait neutre. Après notre synthèse et conclusion viendront s’ajouter des « annexes » plus techniques qui constitueront des compléments d’information plus précis et détaillés à propos des « états de conscience ». Cette première partie sur les états de conscience servira ensuite de cadre scientifique et méthodologique pour introduire et présenter les deux autres parties de cet ouvrage. Damasio est proche du philosophe Spinoza, pour lequel l’esprit et le corps sont indissociables. Nous verrons par la suite que c’est aussi la position philosophique de Sri Aurobindo, auquel nous ferons référence dans la troisième partie de ce livre. De la physique contemporaine à la physiologie des états de conscience L’éminent neurologue Antonio Damasio, dans L’Erreur de Descartes, présente la croissance du cerveau de l’homme depuis sa naissance, du point de vue du développement des aires cérébrales en fonctionnement. Cette croissance apparaît comme d’abord « fondée » sur les sensations et perceptions, les fonctions et les actions qui concernent le corps, puis sur les émotions, et enfin sur les pensées. Cela rejoint et complète l’hypothèse plus ancienne des trois cerveaux de Mac Lean : le cerveau « physique », le cerveau « limbique » et le cerveau « cortical », qui croissent particulièrement et au fur et à mesure au cours de l’enfance et de l’adolescence puis de la vie adulte. Le romancier Arthur Koestler a écrit sur ce sujet un très bel essai intitulé Le Cheval dans la locomotive. Damasio va à l’encontre du dualisme cartésien qui sépare le corps et la raison, et c’est pourquoi il parle de l’erreur de Descartes. Il s’y oppose aussi et va plus loin que ceux qui voudraient encore réduire l’esprit humain au primat de la pensée et à de froids calculs dignes d’un super-ordinateur, ce que Mac Lean avait appelé auparavant « la tendance paranoïde chez l’homme » (1970). En un sens, En 2005, année du centenaire d’Einstein, de nombreux livres sont parus (de Closets, 2004 ; Damour, 2005 ; Einstein aujourd’hui, 2005), célébrant à sa juste valeur la révolution de la physique que nous vivons quotidiennement à partir des applications du laser, du GPS, des cellules photoélectriques, etc. Les cycles de conférences de l’Université de tous les savoirs et de l’Institut d’astrophysique de Paris nous ont familiarisés avec les théories de la relativité restreinte et générale d’Einstein qui régit le cosmos et le macrocosme et la mécanique quantique qui régit le microcosme et l’infiniment petit. Lorsque nous avons un rendez-vous, nous notons sur notre agenda le lieu et la date. Nous vivons dans un univers qui n’est pas seulement notre espace habituel à trois dimensions qui définit un lieu, il faut ajouter la dimension du temps. L’espace-temps d’Einstein est à quatre dimensions et nous y sommes plongés tous les jours. Les physiciens modernes remettent en cause le réel et ses « dimensions » qui ne cessent de croître et de se diversifier (cf. G. Cohen-Tannoudji et E. Noël). Einstein rechercha toute sa vie à unir la gravitation et ses deux théories de la relativité avec la mécanique quantique issue des travaux de De Broglie, Bohr et Heidelberg. La mécanique quantique s’applique à l’infiniment petit, et commence même à quelques centièmes de millimètre. Les physiciens font appel à la mécanique quantique pour découvrir et expliquer les « événements non locaux » qui sont imbriqués entre eux, ainsi que pour interpréter les collisions des particules élémentaires dans les grands appareils accélérateurs de particules, tel que le Cern à Genève. Il existe encore actuellement des différences profondes de concepts entre les physiciens de l’univers et du cosmos et ceux de l’atome et des structures subatomiques. Les premiers triomphent en astrophysique et les seconds dans les nouvelles recherches issues, en France, des expériences de l’équipe d’Alain Aspect, à Orsay, qui donnèrent naissance à ce que l’on appelle la 14 15 ÉTATS DE CONSCIENCE, SOPHROLOGIE ET YOGA PRÉSENTATION cryptographie quantique et l’informatique quantique (Einstein aujourd’hui). Tous les physiciens considèrent quatre forces fondamentales dans notre présent univers, qui furent sans doute unifiées au début du Big-Bang. Ils recherchent, à la suite d’Einstein, une théorie de la grande unification de ces quatre forces. Les théories actuelles des cordes, puis des supercordes (cf. B. Greene) vont dans ce sens. Elles considèrent, non plus quatre dimensions, mais des dimensions supplémentaires cachées, enroulées sur elles-mêmes au-delà de notre espace-temps à quatre dimensions, dans des espaces à dix et onze dimensions qui interviennent à des échelles de plus en plus petites. Pour les physiciens théoriques et les mathématiciens théoriciens de la physique, il est du domaine de la recherche de considérer des espaces de dimensions supérieures. Qu’en est-il pour la physiologie des états de conscience qui nous intéressent ici et pour leurs applications concrètes que nous prendrons en compte ensuite ? Est-il possible de transposer ces idées clés où « les théories logico-mathématiques définissent le réel » à la suite de Kant, dans le champ de la physiologie et de la biologie des états de conscience ? Il est encore trop tôt pour le dire. Nous allons cependant voir que des électrophysiologistes considèrent des « microétats » et vont jusqu’à présenter des métaphores « d’atomes de pensée » et de « quanta de pensée ». En fait, cela revient à préciser les échelles de temps et d’espace des méthodes scientifiques employées. Il nous faudra tout d’abord considérer attentivement les échelles temporelles. Il existe des rythmes infradiens, des rythmes circadiens et des rythmes ultradiens. Les rythmes infradiens sont ceux des rythmes de croissance de plusieurs dizaines d’années et de plusieurs années et les rythmes saisonniers. Les premiers ne doivent pas être traités comme les rythmes saisonniers et encore moins des rythmes circadiens de vingt-quatre heures. C’est ainsi que l’on distingue l’enfance, l’adolescence, l’état adulte et la vieillesse chez l’homme. Mais l’âge biologique n’est pas le même que l’âge cérébral ni l’âge psychologique. Les neurones, nos cellules cérébrales, sont très complexes et nombreux (10 puissance 15 = 1 suivi de 15 zéros). Il est d’usage courant de considérer que ces cellules, tout comme celles du rein, ne se régénèrent pas et meurent progressivement sans être remplacées. Très vite, après l’adolescence, nous perdons ainsi de nos neurones régulièrement chaque jour, mais la « plasticité » cérébrale des multiples connexions des neurones et de leurs prolongements synaptiques compense avantageusement et très longtemps cette perte cellulaire inexorable. Les rythmes saisonniers sont grandement liés à l’éclairement solaire. Les psychiatres considèrent actuellement l’existence d’états dépressifs saisonniers comme ceux liés à l’apparition de l’automne. Les rythmes circadiens de vingt-quatre heures sont aussi dépendants d’événements extérieurs comme l’éclairage ambiant et solaire, mais pas seulement, puisqu’ils persistent dans l’obscurité totale avec une horloge interne de durée supérieure à vingt-quatre heures. Ils sont liés à des rythmes biologiques et biochimiques qui croissent ou décroissent en un jour et une nuit. Les endocrinologues et les neurobiologistes étudient sur vingt-quatre heures de nombreuses sécrétions d’hormones (cortisol, mélatonine, hormone de croissance) qui régulent notre éveil et nos stades de sommeil ainsi que nos comportements quotidiens. Beaucoup de ces hormones sont liées au stress et un ouvrage leur a été consacré par rapport aux méthodes de relaxation sophrologiques (cf. A. M. Brochet-Raymond et J.-P. Raymond). Nous introduirons par la suite, à propos des états de conscience, les cycles dits ultradiens de veille-sommeil de 90 à 100 minutes qui se répètent régulièrement au cours d’une nuit de sommeil. Nous verrons encore que des « événements électroencéphalographiques » (EEG) brefs, des « micro-états » de l’ordre de 100 ms de durées temporelles et moins, peuvent actuellement être considérés comme des « quanta » ou « atomes de pensées élémentaires » qui conduisent à une « segmentation » fine des processus mentaux explorés par des méthodes nouvelles d’électroencéphalographie informatisée grâce à de nouveaux logiciels d’analyse mathématique (cf. D. Lehmann, 1990 ; P. Etévenon, 1997 ; P. Etévenon et al., 1999, C. M. Michel et al., 2004 ; J. P. Changeux et C. M. Michel, 2005 in press). Il y a toujours eu une séparation entre les chercheurs qui étudient globalement le cerveau en fonctionnement et les chercheurs en physiologie unitaire, ceux qui traquent les décharges électriques et biochimiques des neurones et des synapses, qui dissèquent encore avec raffinement les composants cellulaires des neurones, et participent au vaste domaine de la génétique et de l’ingénierie moléculaire en plein essor. Les premiers 16 17 Des différentes échelles de temps et d’espace dans les études du fonctionnement cérébral ÉTATS DE CONSCIENCE, SOPHROLOGIE ET YOGA PRÉSENTATION ressemblent par analogie aux astrophysiciens et astronomes du cerveau, tandis que les seconds sont des microphysiciens des composants de plus en plus petits du cerveau. Les échelles explorées par les diverses méthodes sont à l’avenant. C’est ainsi que la précision de localisation de l’imagerie cérébrale 3D anatomique (IRM, IRMf) et métabolique (TEP) est maintenant de l’ordre de 5 mm, avec des échelles de temps qui vont de quelques minutes à une seconde. En électrophysiologie, la cartographie EEG actuelle, avec 128 et 256 électrodes sur le scalp, est moins bien résolue spatialement que temporellement : jusqu’à une milliseconde, pour l’EEG de surface et pour la magnétoencéphalographie 3D (MEG). Ces deux grandes techniques d’études générales du cerveau global sont complémentaires et de plus en plus appliquées conjointement, sinon alternativement, chez de mêmes groupes de sujets et de patients. Les expérimentations changent aussi et se diversifient selon les disciplines et les techniques utilisées. Pour les physiologistes, nos diverses sensations et perceptions sont autant de domaines qui nous permettent d’appréhender le réel selon notre environnement extérieur. Il est encore possible pour les psychologues et les psychanalystes d’étudier nos expériences subjectives intérieures telles que les rêves. Ils peuvent être aidés par des électrophysiologistes qui, dans leurs laboratoires d’études du sommeil, sont capables de réveiller des sujets à la fin d’une phase de sommeil paradoxal généralement associée à un vécu de rêve. Mais tous nos sens peuvent participer à nos rêves en simulant des activités oniriques qui restent cependant le for intérieur de l’intimité du rêveur. Maintenant, nous savons aussi que nos sens sont susceptibles d’apprentissages et de perfectionnements diurnes quotidiens. C’est ainsi qu’un musicien à « l’oreille » entraînée peut distinguer, lire, composer et jouer des notes et d’infimes variations harmoniques sur de multiples octaves. L’œil exercé d’un fabricant de tissus tels que les tartans écossais peut distinguer et assembler des trames de fils parmi des millions de couleurs différentes. Le nez d’un créateur parfumeur peut composer sur des mouillettes de papier-filtre des parfums complexes aux notes exquises et uniques à partir d’un orgue de milliers d’odeurs qu’il a appris à connaître et maîtriser. Le palais et la bouche d’un grand chef cuisinier ou d’un œnologue reconnaîtront l’origine, le lieu et l’année d’un mets ou d’un cru, jusqu’à la plus grande subtilité des bulles de champagne (cf. E. Zarifian et al). Un acupuncteur ou un ostéopathe, un masseur-kinésithérapeute à l’écoute du corps de ses patients, percevra des signes très discrets de déséquilibre, de désordres qui sont la cause de douleurs ou de maladies qu’il sera alors à même de soigner. Nos sens, nos sensations, puis nos perceptions plus globales, sont en eux-mêmes des « univers de communications multidimensionnels » dans lesquels nous vivons et par lesquels nous agissons. C’est encore plus vrai, semble-t-il, pour nos émotions, pulsions, sentiments et pour nos pensées, concepts et idées, qui ne cessent de se multiplier et d’interagir au cours de notre vie. Alors, si nous vivons dans de tels univers multidimensionnels, ne sommes-nous pas nous-mêmes multidimensionnels ? Par ces multiples « dimensions », nous considérons des « qualités » différentes de domaines divers (sensations, perceptions, émotions, pensées, etc.) par lesquels et dans lesquels nous vivons et communiquons, tant dans notre environnement qu’avec et qu’en nous-mêmes. Dans ce sens large, nous pouvons dire sans se tromper que nous vivons, ressentons et agissons dans un univers multidimensionnel et pluridimensionnel. Il nous est alors possible d’« observer, surveiller, contrôler et maîtriser » notre environnement et notre être tout à la fois et, ainsi, de pouvoir « évoluer en conscience » tout au long de notre vie. Existe-t-il alors des « modèles » de ce type à propos des « états de conscience » qui nous intéressent tout d’abord, et pouvons-nous en proposer d’analogues pour les deux applications que nous considérerons ensuite dans la pratique de la sophrologie et du yoga ? Oui, il existe de tels modèles de compréhension que nous préciserons par la suite. Est-ce que finalement cette brève revue des états de conscience nous conduira à nous poser la question : « Qu’est-ce que la conscience ? » Forcément et nous ne pourrons l’éviter. Mais nous aborderons cette question philosophique et métaphysique, qui est hors du domaine scientifique pour beaucoup de chercheurs et universitaires, surtout lors des deux dernières parties de ce livre qui sont, d’une part, une présentation de la sophrologie et, d’autre part, une présentation du yoga tel qu’il est pratiqué en Occident à partir des diverses sources d’origine indienne. Ces deux méthodes peuvent être rassemblées sous le nom de « développement personnel » et sont souvent pratiquées comme des techniques de « relaxation » conduisant à des états de conscience modifiés volontairement permettant de diminuer les stress de la vie quotidienne et aussi d’« évoluer en conscience », comme nous le verrons. 18 19 ÉTATS DE CONSCIENCE, SOPHROLOGIE ET YOGA PRÉSENTATION Au terme de cette étude, nous chercherons à établir une synthèse entre nos trois parties, en partant d’un cas général pour finir par un cas particulier. Nous montrerons la complémentarité entre la sophrologie et les concepts philosophiques développés par Sri Aurobindo (1872-1950) dans sa Synthèse des yogas. Nous aurons ainsi exploré un peu plus cette notion d’« être humain multidimensionnel » qui nous est chère, sans pour cela tenter d’aucune manière une critique quelconque du matérialisme, ni du spiritualisme, qui se rattache plus au domaine de la foi et de la religion. Si, à la fin de ce livre, encore plus de questions se posent à nous, nous aurons alors atteint en partie notre objectif, qui est celui de chercheurs épris de toujours plus de connaissances et donc de questions nouvelles. Chaque fois que cela est possible, le travail en groupe est recommandé, de même que les techniques de relaxation dynamique. BERNARD SANTERRE, POURQUOI AVEZ-VOUS ÉCRIT CE LIVRE ? La sophrologie existe maintenant depuis plus de quarante ans et a fait ses preuves dans tous les domaines intéressant l’être humain. De nombreux ouvrages sont parus sur cette discipline ainsi que de nombreux articles dans des revues spécialisées ou de grande vulgarisation. Les approches en sont variées, souvent parcellaires, les interprétations fréquemment éloignées de sa réalité théorique et pratique. Nous souhaitons présenter ici une méthode précise, claire, s’appuyant sur des années de pratique en clientèle et de formation de praticiens. Notre souci est avant tout l’efficacité, hors de toute querelle d’école ou d’idéologie. L’entraînement est nécessaire, comme dans n’importe quelle discipline, artistique, sportive ou autre, mais ce n’est pas une fin en soi. Le but de la sophrologie est de développer progressivement la capacité à vivre le présent, dans toutes ses dimensions, sensorielles, perceptives, émotionnelles, dans les activités ordinaires du quotidien. À partir de la qualité de présence ainsi conquise, le passé cesse d’être un bagage trop souvent encombrant et devient un véritable réservoir d’expériences. De même, il est possible d’envisager l’avenir autrement que comme une répétition sans fin d’un passé qui ne veut pas mourir ou comme quelque chose de forcément angoissant puisque inconnu. La personne prend sa vie en main, ose s’affirmer dans sa réalité propre et dans le respect d’elle-même et de l’autre. La relation au monde se transforme et permet à chacun d’être plus actif et efficace dans la vie de tous les jours. Les techniques proposées sont simples à mettre en œuvre, mais elles demandent malgré tout un minimum d’apprentissage avec un sophrologue compétent ; la sophrologie ne s’apprend pas dans les livres. Nous tenons à préciser dès maintenant que la sophrologie est plus une pédagogie qu’une thérapie, étant entendu qu’elle aura fréquemment des effets thérapeutiques. Le sophrologue ne travaille pas sur le symptôme, il aide la personne à mieux se connaître, à se renforcer, à dynamiser ses capacités, ses potentiels, à donner du sens à son existence. Il ne s’agit pas de rêve éveillé, ni de psychothérapie, au sens traditionnel du terme. Les visualisations ne sont qu’un aspect très parcellaire de la sophrologie. La simplicité d’une méthode entraîne fréquemment le doute quant à son efficacité, la difficulté apparaissant généralement comme un gage de fiabilité. Ici, pas de difficulté, si ce n’est la répétition, qui ne reçoit pas non plus l’adhésion des masses. Répétition rime trop souvent avec ennui. Or, objectivement, chaque fois que nous respirons ou effectuons un pas, chaque fois que nous réalisons quelque chose, c’est réellement la première fois, même si nos structures cérébrales reconnaissent l’événement et nous laissent à penser que « je connais cela », que « je l’ai déjà fait ». Si nous parvenons à nous placer, ne serait-ce que de temps à autre au cours de la journée, et bien sûr dans l’entraînement, dans la dynamique de la première fois, l’ennui n’existe plus. Nous sommes riches de nos expériences passées et nous nous enrichissons des expériences présentes, quelles qu’elles soient. Notre regard sur nous-même et sur le monde se transforme. La sophrologie s’adresse à toute personne, en bonne santé, qui a envie de le rester, à celle qui désire mieux se connaître, ou qui se trouve confrontée à une épreuve, voulue ou non, ou encore à celle qui souffre et désire se prendre davantage en charge. 20 21 ÉTATS DE CONSCIENCE, SOPHROLOGIE ET YOGA PRÉSENTATION Au cours d’une séance, le niveau de vigilance se modifie, le niveau de conscience également. Les travaux sur la physiologie donnent un éclairage tout à fait intéressant sur le phénomène. Mais l’être humain se réduit-il à un simple fonctionnement organique ? Les apports du yoga ont enrichi la sophrologie, lui donnant sa dimension existentielle. Ainsi donc, partant de données physiologiques, contrôlables, la personne qui pratique la sophrologie découvre d’autres possibilités d’existence qui lui permettent de vivre en harmonie avec elle-même et son environnement. L’histoire de l’hypnose est longue et mouvementée. On peut considérer qu’elle remonte à la nuit des temps. Déjà, les Grecs anciens utilisaient la parole incantatoire pour modifier l’état de conscience des personnes souffrantes et obtenir un effet curatif. En Europe, pendant longtemps, la parole n’était pas le vecteur de l’hypnose. Les méthodes pratiquées étaient la grande et la petite passe magnétique, la fixation et la fascination. Ce n’est qu’à partir du XIXe siècle que l’on a eu recours à la parole, parole suggestive, persuasive, monotone et monocorde. Parmi les nombreux pionniers de l’hypnose moderne, il faut citer Franz Anton Mesmer (1734-1815), qui parle de magnétisme animal et utilise son fameux baquet, le marquis Armand de Puysegur (1751-1825), James Braid (1795-1860), qui créa le mot « hypnose », Auguste Liebault (18231904), Jean-Martin Charcot (1825-1893), célèbre pour les « mardis de la Salpêtrière » et ses travaux sur l’hystérie, Hippolyte Bernheim (18371919), fondateurs de l’École de Nancy et Émile Coué (1857-1926), qui a montré l’efficacité de l’autosuggestion. Sigmund Freud (1856-1939) et Carl Gustav Jung (1875-1961) se sont également intéressés à l’hypnose avant de s’en détourner. L’hypnose, longtemps déconsidérée (entre autres à cause de l’hypnose pratiquée dans le cadre du music-hall), a trouvé un second souffle grâce à l’Américain Milton Erickson (1901-1980), qui l’a modernisée et sérieusement revisitée (cf. M. Erickson ; G. Salem). Erickson commence par travailler en hypnose classique, avec l’utilisation d’un type d’induction dite « universelle » qu’il juge assez vite comme un leurre. Il choisit alors l’induction personnalisée, c’est-à-dire adaptée en permanence à ce qui vient de la personne. C’est son travail sur les névroses traumatiques lors de la Seconde Guerre mondiale qui fait évoluer plus nettement sa méthode : en effet, à ce moment-là, il utilise l’hypnose comme catharsis pour faire revivre la situation traumatisante. Il définit sa méthode comme une hypnose sans hypnose : c’est le patient qui « fait », sans formalisation de la part de l’hypnothérapeute, en partant du principe que le patient sait ce qui est bon pour lui et qu’il est plus pertinent d’utiliser ce qu’il y a de bon en lui. Par le biais de cette prise de position, Erickson définit alors son travail comme une thérapie stratégique. L’hypnose ericksonienne, dont l’objectif est identique à celui de toutes les techniques qui utilisent les états modifiés de conscience, s’affirme davantage comme technique à médiation langagière, avec tout un éventail de stratégies de communication. 22 23 Présentation du chapitre II : La sophrologie et ses sources Introduction À l’origine, la sophrologie était définie comme « l’étude de la conscience humaine (états et niveaux) et des moyens de la faire varier ». Elle se fonde sur la capacité qu’a tout être humain de modifier volontairement ses états de conscience afin d’obtenir une action thérapeutique ou d’aller vers une meilleure gestion de sa vie. Elle constitue un ensemble de techniques mises au point dans les années soixante par un médecin neuro-psychiatre colombien, Alfonso Caycedo, à partir de l’hypnose, de diverses méthodes de relaxation occidentales – training autogène de Schultz (1965), relaxation différentielle de Jacobson (1948) – et de l’application de la phénoménologie à la psychiatrie (cf. L. Binswanger). Pour se démarquer de l’hypnose, il crée le néologisme « sophrologie » et met au point des techniques originales qu’il nomme « sophronisations ». Puis il s’initie au yoga et au zen lors d’un long séjour en Orient, et propose alors une synthèse entre les méthodes occidentales et orientales. Ainsi naissent les « relaxations dynamiques ». L’apport de l’hypnose ÉTATS DE CONSCIENCE, SOPHROLOGIE ET YOGA PRÉSENTATION Pour Erickson, ce qui pose problème, c’est la conscience qui cherche des solutions classiques et qui s’obstine dans des chemins inopérants: un patient est quelqu’un qui ne sait plus apprendre par rapport à son problème. L’hypnose ericksonienne a pour but de permettre à la personne de déconnecter certaines vigilances, de détourner son activité cérébrale, de focaliser l’attention sur autre chose pour accéder à la transformation ; le processus de dissociation permet la prise de conscience qu’une partie de nous-même peut agir de manière différente. L’hypnose ericksonienne, comme l’hypnose classique, est un mode spécifique de communication et d’interaction différent de la relation ordinaire et qui s’adresse à la partie non langagière du cerveau. L’intérêt de l’hypnose ericksonienne est qu’elle permet des thérapies brèves. La communication en hypnose ericksonienne Pour ce faire, le thérapeute utilise une communication non verbale particulière qui s’appuie sur des techniques de lien : la mise en miroir, la position et les postures, la synchronisation respiratoire et vocale. En ce qui concerne le verbal, la caractéristique essentielle du flux verbal du thérapeute, c’est l’abondance, et la caractéristique essentielle du contenu, c’est la confusion et la métaphore. Le thérapeute décrit ce qu’il voit du patient et ce qu’il imagine : il s’appuie sur ses observations des réactions, des retours, du non-verbal, pour faire évoluer sa parole. Il questionne, il est celui qui ne sait pas. Il utilise un langage analogique, largement connotatif et différents procédés comme : – le saupoudrage (parsemer son discours de termes d’un même champ lexical), – les truismes, les gratifications, les connotations positives, – la suggestion directe, indirecte, l’implicitation, – le choix illusoire, les séquences d’acceptation, – la métaphore : elle permet d’opérer un changement dans le sens habituel des mots. Elle est proche de la comparaison, mais au contraire de la comparaison qui pose explicitement la relation entre le comparant et le comparé, la métaphore se libère d’un des deux objets. Cela explique son choix comme outil thérapeutique : c’est une image qui semble éloignée du réel, qui le figure autrement et qui, cependant, parle de la même chose. Le patient peut donc se laisser aller dans le processus proposé par la métaphore puisqu’il ne reconnaît pas son problème, qu’il ne se fige donc pas à nouveau devant lui et qu’étant cependant au cœur du problème, il peut le considérer autrement. L’hypnose ericksonienne englobe mythes, contes, légendes et symboles dans le processus métaphorique. Elle utilise la métaphore pour enclencher une transformation : alors que l’hypnose classique suggère directement la disparition du symptôme, l’hypnose ericksonienne utilisant contes, mythes, légendes et symboles et métaphores occulte le lien avec le symptôme. Par exemple, le thérapeute racontera plutôt le rythme des saisons que le déroulement de la thérapie. Il s’agit de s’approcher du patient, de sa culture pour construire des métaphores ; la métaphore associe ordre et désordre, compréhension et chaos. Elle ne propose pas de solution, c’est le patient qui va la reprendre à son compte en terme d’apprentissage. Cependant, c’est le thérapeute qui garde le contrôle de la métaphore, pour veiller à ce qu’à travers elle le patient atteigne son objectif. La dissociation métaphorique est l’état où le patient, captivé par le contexte métaphorique, se projette dans l’histoire tout en sachant qu’à un niveau, il est ici et maintenant, et à un autre niveau, il est ailleurs et dans un autre temps. La métaphore produit une confusion propre à l’induction hypnotique. 24 25 Les modalités d’action L’hypnose ericksonienne est une thérapie individuelle au cours de laquelle le patient est accompagné par le thérapeute et dispose et décide. Le travail est une collaboration où le thérapeute va amener le patient où il l’a demandé. Le thérapeute respecte la congruence : il est le plus proche possible du patient, il veille à maintenir la relation et vérifie constamment l’accord, le retour ; il reste ouvert et souple pour changer, proposer plusieurs possibilités. Une séance comporte trois temps : une entrée progressive, le temps de dissociation, la re-association (corps, espace, temps). La parole du praticien est abondante pour saturer l’hémisphère cortical gauche, logique, du cerveau, ce qui permet la réceptivité préférentielle corticale droite, qui ne s’exprime pas par le langage. La communication vise à lasser l’hémisphère gauche du cerveau. • • ÉTATS DE CONSCIENCE, SOPHROLOGIE ET YOGA PRÉSENTATION L’hypnose ericksonienne est efficace pour un symptôme précis dont l’évolution est mesurable, pour accompagner les plaintes psychologiques (notamment les peurs, l’agitation et la fixité mentales, la tristesse et le désintérêt), les plaintes somatiques (après vérification par le somaticien compétent) ou relationnelles. Elle est indiquée pour tout ce qui est préparation à un événement que la personne appréhende (interventions chirurgicales, voyages, grossesses, examens). Le travail hypnotique peut conduire à la libération et à l’utilisation de ressources restées inconscientes pour mettre en place une solution pertinente. psychique, lorsque nous sommes tendus sur le plan psychique, des tensions physiques apparaissent. Et inversement, lors de la détente/décontraction. Il a alors l’idée d’apprendre à ses patients à mieux sentir et contrôler leur tonus musculaire afin de générer un meilleur contrôle de leur mental. L’apprentissage de la tension/contraction-détente/décontraction se fait région corporelle après région corporelle, c’est la relaxation progressive. Dans un deuxième temps, le patient apprend à n’utiliser dans la vie de tous les jours que les groupes musculaires indispensables ; il évite les tensions/contractions inutiles, ce qui mène à un meilleur tonus psychique, plus équilibré. L’apport des méthodes de relaxation L’apport de la phénoménologie La sophrologie a également puisé ses sources dans le training autogène de Schultz et dans la relaxation progressive et différentielle de Jacobson. La relaxation progressive et différentielle (Jacobson, 1948) Dans les années quarante, grâce à l’électro-neuro-myomètre qu’il a luimême mis au point, Edmund Jacobson, psychiatre américain, met en évidence le parallèle entre le tonus physique et le tonus psychique : lorsque nous sommes tendus physiquement, il y a en même temps une tension Alfonso Caycedo a très rapidement perçu l’intérêt de la phénoménologie dans l’approche du malade psychiatrique : elle permet de prendre en compte la personne malade dans sa réalité plutôt que de se centrer uniquement sur le symptôme et de ne la considérer qu’au travers de ce symptôme (cf. Sacks). L’important est la personne (pas la maladie), sa relation à la maladie, sa manière d’aborder, de vivre la situation particulière que représente la maladie. La démarche phénoménologique est difficile, puisqu’elle implique de laisser de côté les préjugés, les a priori, de voir la personne à chaque séance comme si c’était la première fois, tout en gardant les acquis antérieurs. Mais cette approche permet au praticien d’être au plus juste de la relation thérapeutique, puisque l’important est la réalité du patient et non l’idée que le soignant s’en fait (cela est vrai également dans toute relation humaine). Lorsque nous voyons une personne ou une chose, même nouvelle, nous la voyons avec ce que nous en savons a priori, l’idée que nous nous en faisons, notre imagination, nos expériences antérieures. Cela est forcément limité, et gêne, sinon empêche, la possibilité d’une expérience nouvelle. Si le sophrologue s’inscrit dans la démarche phénoménologique, il pratique la réduction phénoménologique, c’est-à-dire qu’il met entre parenthèses ce qu’il sait ou pense savoir, les idées préconçues. Il suspend son jugement, pour tenter de regarder la personne ou la chose avec un regard neuf, comme si c’était la toute première fois, sans jugement. Il s’approche ainsi toujours davantage de la réalité du moment présent (cf. R. Esposito). 26 27 • Le training autogène (Schultz, 1965) Cette méthode, mise au point dans les années vingt par le psychiatre allemand Johannes Heinrich Schultz (1884-1969), est aussi appelée « autohypnose ». Schultz s’était aperçu qu’au cours de séances d’hypnose pratiquées pour faciliter la verbalisation de ses patients, ceux-ci présentaient presque toujours des sensations identiques et apparaissant dans le même ordre. Aussi eut-il l’idée de mettre en forme cette réalité afin de gagner du temps au cours de la séance : la personne s’entraînant à reproduire les sensations chez elle entre les séances parvenait rapidement à un état de relaxation profonde propice à la psychothérapie. Six exercices constituent le cycle inférieur (le cycle supérieur étant le temps de la verbalisation, de l’analyse) : le sujet ressent d’abord la pesanteur au niveau de ses membres, puis de la chaleur, puis les battements du cœur, puis la respiration, puis la chaleur du plexus solaire, puis le front frais. L’apprentissage se faisait sur une douzaine de semaines. • ÉTATS DE CONSCIENCE, SOPHROLOGIE ET YOGA PRÉSENTATION En même temps que l’on s’efforce de voir le monde sous tous ces aspects, nous élargissons notre champ de possibles, et donc notre champ de conscience. Cela mène également à plus de respect, plus de tolérance de l’autre, de son style de vie, de sa façon de construire le monde. En sophrologie, l’expérience prime : dans les pratiques, il est demandé de vivre toute expérience comme une première fois, avec curiosité, et même « naïveté ». Chaque instant est nouveau et unique, différent du précédent. C’est un entraînement à vivre le présent, avec aussi peu de parasitage que possible. des revues de yoga. Le Dr Caycedo avait aussi été à Pondichéry avant de développer la sophrologie. C’est en partie à cause de cela que Pierre Etévenon et Bernard Santerre ont voulu explorer l’apport réciproque de ces deux méthodes et ont été à même, à la fin de ce livre, de présenter une synthèse des connaissances. Sri Aurobindo (1872-1950) est un grand penseur contemporain. Il a écrit, parmi les trente livres de son œuvre en anglais, une Synthèse des Yoga, où il présente une perspective évolutive de l’homme, de l’humanité, de l’univers, qui manifeste de plus en plus de conscience (« involuée » initialement) dans la matière, dans la vie, dans le « mental » de l’homme qui « est un être de transition » vers ce qu’il appelle le « supramental ». Si nous sommes en évolution, c’est parce qu’il y a eu une « involution », c’est-à-dire une présence non encore actualisée du supraconscient (les plans supérieurs que sont l’existence, la conscience et la béatitude de la tradition indienne) dans la matière. Selon le Veda, « nous sommes les fils du ciel par le corps de la terre » et notre être intérieur n’est « pas plus grand qu’un pouce et situé derrière le cœur ». Être de plus en plus conscient de notre vie, de nous-même et de chaque instant est donc fondamental dans la tradition indienne et en particulier pour Sri Aurobindo. Saint-Exupéry l’écrit dans Le Petit Prince d’une façon poétique : « On ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux. » Fritjof Capra dans Le Tao de la physique a été l’un des premiers physiciens théoriques à réfléchir sur les relations entre les physiques modernes et les mystiques orientales, telles que l’hindouisme, le bouddhisme et le taoïsme, concrétisant cette réflexion dans de nombreux articles. Présentation du chapitre III : Le yoga (écrit par P. Etévenon) Le Rig-Veda est actuellement considéré comme la plus ancienne écriture sacrée, en particulier à partir des nouvelles découvertes archéologiques qui ont révélé progressivement « la civilisation de l’Indus-Sarasvati » en Inde, au Pakistan, en Iran et en Afghanistan. À la suite des Veda, les Upanishad et les Purana, puis les « points de vue » ou écoles philosophiques de la tradition indienne (Samkhya, Yoga-sutra de Patañjali, etc.), se sont beaucoup préoccupés de « conscience », bien avant la civilisation gréco-latine, les religions monothéistes et nos philosophies classiques et modernes. Cette recherche spirituelle n’a cessé de vivre et de croître avec le bouddhisme et le Vedanta, le tantrisme et des contemporains comme Vivekananda et Sri Aurobindo. Dans cette troisième partie du livre, le hatha-yoga sera présenté dans sa pratique de détente et relaxation, après celle présentée par Bernard Santerre en sophrologie. Le hatha-yoga est enseigné en Occident par diverses écoles et fédérations, dont l’École française de yoga (EFY), dont Micheline Etévenon avait suivi la formation de professeur et qui devint conférencière auprès de cette école, avant d’être en 1993 l’auteur d’un livre, Le Chemin du corps. Détente dynamique. L’exposé de cette pratique de relaxation est ensuite mis en lumière et en référence avec les idées de Sri Aurobindo, qui se sont progressivement développées dans le cadre de l’ashram de Sri Aurobindo à Pondichéry, où Pierre et Micheline Etévenon sont allés plusieurs fois de 1970 à 1973. À la suite de ces voyages, c’est en 1974 que Pierre Etévenon publie une série d’articles dans un numéro spécial de La Vie médicale sur « yoga et relaxation », puis ensuite en 1994 et 1999 dans 28 Présentation du chapitre IV : Vers un modèle multidimensionnel (écrit par P. Etévenon) Nous définirons d’abord les structures, fonctions et processus d’après le professeur Alfred Fessard, avant d’introduire la notion de modèles multidimensionnels psychologiques. Cela nous conduira à concevoir une évolution dynamique de la personnalité. C’est après que nous introduirons des articles, publiés en 1967 par Günther et von Foerster, qui décrivent une logique à multiples valeurs, une logique dite « multivaluée » permettant de décrire ensuite l’univers. L’apport de ces références nous permettra 29 ÉTATS DE CONSCIENCE, SOPHROLOGIE ET YOGA TABLE DES MATIÈRES CHAPITRE III – LE YOGA 117 A. La civilisation et les « points de vue » de la tradition indienne 1. La culture et la spiritualité indiennes 2. Les premiers « points de vue » : Vedanta, Samkhya, Yoga 3. La parabole des deux oiseaux 4. Les autres « points de vue » de la tradition indienne B. Le hatha-yoga et sa pratique 1. Vivre en yoga 2. Détente ou relaxation en hatha-yoga C. La Synthèse des Yoga de Sri Aurobindo 1. Les plans de conscience et d’existence selon Sri Aurobindo 2. Les quatre directions de la conscience selon Sri Aurobindo 3. Involution et évolution selon Sri Aurobindo D. Concentration, méditation, corps et esprit 1. L’évolution de la conscience chez l’homme 2. Concentration (Dhâranâ) 3. Vers une éducation mentale 4. Le chemin du corps 117 117 118 119 120 120 122 122 126 127 128 131 132 132 133 134 135 186 CHAPITRE IV –VERS UN MODÈLE MULTIDIMENSIONNEL 137 A. Structures, fonctions et processus 1. L’explication du professeur Alfred Fessard 2. Les modèles multidimensionnels psychologiques B. Évolution dynamique de la personnalité C. Apport de la logique multivaluée D. Sophrologie, yoga et évolution personnelle E. Un nouveau modèle tridimensionnel intégrateur 1. Modèles en deux dimensions Les deux modèles plans de Caycedo et de Sri Aurobindo Le modèle plan composite 2. Modèles en trois dimensions Deux modèles de base en trois dimensions L’emboîtement réciproque des deux formes en U 3. Le modèle cubique 137 137 139 140 142 144 148 148 148 149 150 150 151 151 CONCLUSION 153 ANNEXES 155 BIBLIOGRAPHIE 159 GLOSSAIRE 169 INDEX 177 TABLE DES ILLUSTRATIONS 188 ULTIMES REMERCIEMENTS 189 187 ÉTATS DE CONSCIENCE, SOPHROLOGIE ET YOGA TABLE DES MATIÈRES CHAPITRE I – PSYCHOPHYSIOLOGIE ET ÉTATS DE CONSCIENCE 31 CHAPITRE II – LA SOPHROLOGIE 65 A. Les états de conscience naturels 1. L’éveil 2. Enregistrements électrophysiologiques : polygraphie et EEG 3. Les tracés EEG et leur analyse 4. Le cycle veille-sommeil B. Les états de conscience altérés 1. Troubles de l’hyper-éveil 2. Troubles de l’hypo-éveil 3. Troubles du sommeil 4. Autres états altérés de conscience C. Les états de conscience modifiés volontairement D. Sommeil paradoxal, rêves et activités oniriques 1. Le sommeil paradoxal producteur du rêve pour Allan Hobson Physiologie cérébrale du sommeil paradoxal Hypothèse du sommeil paradoxal producteur de rêves Le modèle AIM cubique de Hobson du cycle « éveil-NREM-REM » 2. Ce qu’en pensent Michel Jouvet et les psychanalystes qui étudient le sommeil Les activités oniriques diffèrent du rêve 3. Discussion et synthèse des différents points de vue Les temps d’analyse des nouvelles méthodes d’imagerie cérébrale IRM et TEP Les temps d’analyse des méthodes d’imagerie cérébrale électrophysiologiques Vers un modèle N-dimensionnel de la veille, du sommeil et du rêve 31 31 A. Définition, étymologie, historique 1. Définition 2. Étymologie 3. Historique B. La conscience en sophrologie : l’« éventail » 1. Les états de conscience La conscience ordinaire (ou naturelle) La conscience pathologique La conscience sophronique La conscience sophro-réductive 69 2. Les niveaux de conscience 3. Les structures de la conscience 4. Les valences phroniques de la conscience C. Les valeurs existentielles D. Les principes 1. Le schéma corporel comme réalité vécue La dimension neuro-physiologique du schéma existentiel La dimension psycho-affective du schéma existentiel 2. Le principe d’action positive 3. Le principe de réalité objective E. Les techniques 1. Généralités 2. Le terpnos logos 3. Schéma général d’une séance 4. Les sophronisations 5. Les relaxations dynamiques F. Indications 1. La médecine 2. La prévention 3. La pédagogie 4. Le social G. Les contre-indications H. Les aspects phénoménologiques de la sophrologie I. La caverne de Platon 65 65 65 66 67 69 69 69 69 184 33 35 38 40 41 42 42 43 44 50 51 51 52 52 54 55 57 57 59 63 185 70 70 72 73 75 75 75 76 77 78 79 79 80 81 83 92 109 110 110 111 112 113 113 115 ÉTATS DE CONSCIENCE, SOPHROLOGIE ET YOGA TABLE DES MATIÈRES CHAPITRE III – LE YOGA 117 A. La civilisation et les « points de vue » de la tradition indienne 1. La culture et la spiritualité indiennes 2. Les premiers « points de vue » : Vedanta, Samkhya, Yoga 3. La parabole des deux oiseaux 4. Les autres « points de vue » de la tradition indienne B. Le hatha-yoga et sa pratique 1. Vivre en yoga 2. Détente ou relaxation en hatha-yoga C. La Synthèse des Yoga de Sri Aurobindo 1. Les plans de conscience et d’existence selon Sri Aurobindo 2. Les quatre directions de la conscience selon Sri Aurobindo 3. Involution et évolution selon Sri Aurobindo D. Concentration, méditation, corps et esprit 1. L’évolution de la conscience chez l’homme 2. Concentration (Dhâranâ) 3. Vers une éducation mentale 4. Le chemin du corps 117 117 118 119 120 120 122 122 126 127 128 131 132 132 133 134 135 186 CHAPITRE IV –VERS UN MODÈLE MULTIDIMENSIONNEL 137 A. Structures, fonctions et processus 1. L’explication du professeur Alfred Fessard 2. Les modèles multidimensionnels psychologiques B. Évolution dynamique de la personnalité C. Apport de la logique multivaluée D. Sophrologie, yoga et évolution personnelle E. Un nouveau modèle tridimensionnel intégrateur 1. Modèles en deux dimensions Les deux modèles plans de Caycedo et de Sri Aurobindo Le modèle plan composite 2. Modèles en trois dimensions Deux modèles de base en trois dimensions L’emboîtement réciproque des deux formes en U 3. Le modèle cubique 137 137 139 140 142 144 148 148 148 149 150 150 151 151 CONCLUSION 153 ANNEXES 155 BIBLIOGRAPHIE 159 GLOSSAIRE 169 INDEX 177 TABLE DES ILLUSTRATIONS 188 ULTIMES REMERCIEMENTS 189 187