Manipulations de la mémoire
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Manipulations de la mémoire
Manipulations de la mémoire Peut-on implémenter/modifier des souvenirs ? Thème déjà très exploité par la SF… La réalité scientifique… • Plusieurs travaux récents fondés sur l’utilisation de l’optogénétique montrent qu’on peut induire un comportement de peur en stimulant des neurones spécifiquement activés lors d’un conditionnement de peur; • Rappels sur l’optogénétique. Optogénétique = optique + génétique ! •Objet : manipulation de l’activité neuronale (excitation ou inhibition) par la lumière; •Pour réaliser cela il faut sensibiliser les neurones à la lumière: introduction de protéines p sensibles à la lumière; • Les protéines sensibles à la lumière proviennent de bactéries et d’algues microscopiques. Elles contribuent au phototactisme; • Elles sont introduites par transgénèse ou infection virale dans des sous‐types de neurones (neurones GABAergiques, glutamatergiques, dopaminergiques, etc…); •Pour l’instant cette approche n’est utilisée que chez l’animal (souris transgéniques) pour étudier les circuits neuronaux et pour corriger des situations pathologiques; • Alternative thérapeutique p q du futur en remplacement p de l’approche pp médicamenteuse et électrique ? Les protéines photosensibles : les ‘channelrhodopsines’ et opsines Les channelrhodopsines (ChR et HR ‘Halorhodopsine’) sont des canaux ioniques qui s’ouvrent en réponse à une stimulation lumineuse. Elles comportent comme la rhodopsine rétinienne du rétinal qui change de conformation en présence de lumière. lumière La ChR‐2 (à gauche) répond à une lumière bleue et permet l’entrée de cations (c’est un canal cationique non‐sélectif): elle va produire une dépolarisation neuronale, donc une excitation. Par contre une HR (milieu) stimulée par de la lumière jaune stimule ll’entrée entrée de d d’ions ions Cl‐ et hyperpolarise le neurone, donc produit une inhibition de l’activité [on peut faire une analogie avec les récepteurs GABAA]. Les opsines (droite) conduisent à l’activation de protéines G en réponse à de la lumière. lumière Exemple d’enregistrements (courants et PA) de différentes ChR. On remarquera q la réponse p en fréquence. q Exemple d’un d un neurone comportant les deux types de ChR (ChR (ChR‐2 2 et HR) : la lumière bleue ou jaune permet d’exciter ou d’inhiber l’activité neuronale. Techniquement on ‘transduit’ transduit des neurones par infection virale: on peut choisir d’exprimer d exprimer une protéine dans une cellule en fonction d’un ‘promoteur’ d’une protéine donnée. Les ChR et opsines peuvent être ‘taggées’ avec une protéine fluorescente (XFP), GFP, par exemple, pour améliorer la détection dans un tissu (voir diapo suivante) suivante). Schéma d’un lentivirus utilisé pour infecter les neurones et produire l’expression sélective de ChR2 et XFP dans un neurone donné en fonction du promoteur (exemple CaMKII dans les neurones CA1 de l’hippocampe). Marquage vert : GFP Marquage rouge : détection immunologique d’une protéine neuronale Réponses électrophysiologiques dans ces neurones (courant et potentiel en fonction des fréquences d’illumination. Différentes voies de stimulation du tissu nerveux électrique mécanique pharmacologique génétique optogénétique Intérêt de la stimulation optogénétique : stimulation spécifique d’un groupe de neurones (par rapport à une stimulation électrique par exemple) Stimulation électrique Excitation optogénétique Inhibition optogénétique Utilisation de l’optogénétique pour déterminer l’activité d’un neurone dans un circuit neuronal in vivo. Manipulation de la mémoire aversive • Utilisation combinée de transgénèse et d’optogénétique; • L’engramme (trace biologique de la mémoire) se traduit par la formation d’un réseau de neurones spécifiquement activés lors d’un apprentissage; • Marquage d’un groupe de neurones activés dans une condition particulière afin de pouvoir les manipuler par la suite grâce à l’outil optogénétique; • Pour cela les neurones sont infectés avec des virus portant le promoteur de c-fos avec la channel rhodopsine en aval. Activité neuronale Doxycycline Les souris portent dans leur génome un transgène exprimant le transactivateur tTA sous contrôle du gène précoce cfos . En effet, le gène c-fos est produit par une activation neuronale. Donc après activation neuronale la fixation de cfos sur l’ADN entraîne l’expression de tTA. De plus on injecte localement un virus portant la séquence de la channel rhodopsine 2 et celle de la EYFP (une protéine fluorescente qui permet la visualisation des neurones. Cette séquence est placée en aval du site fixant tTA. Donc lorsque les neurones portent ce transgène, leur activation conduit à l’expression de la channel rhodopsine 2 et de la EYFP (on peut utiliser d’autres protéines fluorescentes comme mCherry (rouge)) suite à l’action de c-fos sur son site et à la synthèse et à la liaison de tTA sur son site. Ce système peut être contrôlé par de la doxycycline (dans la nourriture) qui empêche la fixation de tTA sur son site. a-Le virus est injecté localement dans les neurones du gyrus dentelé (ou de l’aire CA1); b-L’apprentissage conduit à l’apparition de neurones fluorescents suite à l’expression de la EYFP (photos d,e,f,g) dans le gyrus (DG) c-L’habituation se fait dans un contexte A sous doxycycline (éventuellement sous lumière bleue pour activer la ChR2) Le conditionnement de peur se fait sans doxycycline pour permettre l’expression de ChR2 et EYFP après stimulation neuronale. Ensuite les animaux sont replacés sous doxycycline pour éviter une insertion supplémentaire de ChR2 et EYFP et dans un contexte différent du conditionnement de peur. On peut restimuler les neurones de l’engramme grâce à la lumière bleue qui active ChR2 Vérification fonctionnelle de l’insertion membranaire de ChR2: Dans cet exemple, on infecte avec un virus contenant ChR2 et mCherry (fluorescence rouge lorsque exprimée). Comme on peut le voir en D, l’activation de ChR2 par la lumière bleue entraîne l’apparition de potentiels d’action dans le neurone enregistré (E). 1-Restauration du comportement de peur par activation optogénétique a-L’activation lumineuse des neurones de l’engramme du conditionnement de peur restaure un comportement de peur même dans un contexte différent. b-contrôle 1 : entraînement sans conditionnement de peur; c-contrôle 2 : infection avec un virus ne contenant pas ChR2, uniquement EYFP; d-expérience réalisée un jour après le retrait de doxycycline; e-injection du virus des deux côtés de l’hippocampe (bilatérale). 2-Implémentation (‘inception’) d’une ‘fausse’ mémoire Dans ce cas, les animaux sont placés dans un contexte A sans doxycycline et l’exploration du milieu entraîne le marquage de neurones. Ensuite on produit le conditionnement de peur mais dans un contexte B sous doxycyline et sous lumière bleue pour stimuler les neurones activés par A. On mesure ensuite le freezing dans le contexte A et dans le contexte C … Que se passe-t-il ? On peut implémenter une fausse mémoire (freezing) en condition A’ Sur les graphes les contrôles sont réalisés avec des virus contenant mCherry seul (histopgrammes gris) et des animaux n’ayant pas reçu de lumière (histogrammes rouges) lors du conditionnement de peur. On observe que ces protocoles augmentent spécifiquement le nombre de cellules exprimant c-fos dans le gyrus dentelé. Pas de manipulation de mémoire dans CA1, spécifiquement dans le gyrus En résumé: 3-Existe-t-il une compétition entre l’acquisition de ‘fausse’ mémoire et l’acquisition d’une ‘vraie’ mémoire ? La question posée est donc de savoir si lors de l’implémentation d’une fausse mémoire (en B), il n’y a pas une gêne pour apprendre justement le conditionnement de peur de B. Pour cela on répète l’expérience en soumettant les animaux à nouveau au contexte B (B’) et avec ou sans réactivation de mémoire. On observe que les animaux exposé à B sous lumière ont un freezing plus bas que ceux n’ayant pas reçu de lumière: la ‘fausse’ mémoire interfère avec l’apprentissage du conditionnement de peur (B). Ainsi lorsqu’on met les animaux sous lumière (rappel du contexte de A), on observe une normalisation du freezing vers une même valeur: la fausse mémoire ’surpasse’ la vraie mémoire. Dans un contexte différent (D), on observe que les animaux conditionnés ou non sous lumière n’ont pas de comportement de peur. Par contre ceux stimulés en B (conditionnement + lumière) ont un comportement de peur sous lumière. Ici on observe le rappel d’une fausse ou d’une vraie mémoire augmente l’activation des cellules de l’amygdale (noyau central et basolatéral) [augmentation des cellules exprimant c-fos]. Ceci confirme bien le relai entre l’hippocampe et l’amygdale pour l’expression du comportement de peur suite à un conditionnement. Caractère ‘dynamique’ de la fausse mémoire dans le conditionnement de peur. Dans ce cas on utilise le passive avoidance test (ou ‘conditionned place préférence’). Les animaux apprennent à connaître un côté du labyrinthe (sans Dox marquage des neurones). Ensuite sous Dox et sous lumière ils sont conditionnés de l’autre côté. Ensuite on rappelle le contexte initial (lumière): ils vont éviter le côté visité en premier et aller plutôt vers le côté où ils ont reçu le conditionnement de peur. Normalement on devrait observer exactement l’inverse ! 4-Peut-on changer la ‘valence de la mémoire’ à savoir son caractère positif ou négatif ? Protocole expérimental: on utilise la conditionned place preference et on définit un côté du labyrinthe associé à une mémoire aversive (‘fear engram’; choc électrique) ou à une mémoire gratifiante (‘reward engram’; présence d’une femelle stimulus inconditionnel US). Les régions étudiées sont le gyrus dentelé (DG) et le noyau basolatéral de l’amygdale (BLA). Dans les deux cas la stimulation lumineuse entraîne soit l’évitement soit la préférence et ce qu’elle que soit la structure étudiée (DG et BLA) habituation conditionnement test ‘Conditionned place preference’ pour une mémoire aversive ou gratifiante. Et maintenant si on ‘mélange’ ces protocoles… 1 6 2 3 4 5 On a ainsi changé le contenu de la mémoire d’aversif à gratifiant. Cela marche aussi dans l’autre sens (voir diapo suivante) ! Par contre, ceci ne fonctionne que dans le gyrus dentelé. Dans la BLA, on ne change pas le contenu de la mémoire (le souvenir y est ‘figé’ par rapport au GD). PLASTICITE SYNAPTIQUE ... CHEZ L'APLYSIE ! Aplysie Réflexe de retrait des branchies de l’Aplysie Sensibilisation Manteau Siphon Branchies Stimulus tactile Stimulus tactile Choc douloureux Chez l’Aplysie (limace de mer) on peut déclencher plusieurs d’apprentissages simples: l’habituation, la sensibilisation et l’apprentissage associatif en étudiant le réflexe de retrait des branchies. En effet, une stimulation ‘légère’ du siphon ou du manteau entraîne un réflexe défensif de retrait des branchies. L’habituation qui se traduit par une perte de ce réflexe, est produites par des stimulations tactiles (inoffensives et non gratifiantes) répétées. La sensibilisation observée par une rétraction maximale des Branchies à une stimulation tactile est obtenue en associant une stimulation tactile à un choc douloureux. Un des avantages de l’Aplysie est le faible nombre de neurones (20000) qui permet de les caractériser facilement. PRESSION Neurone sensoriel Siphon ou manteau Motoneurone Circuit synaptique activé par une stimulation légère du manteau ou siphon et entraînant une rétraction de la branchie chez l’Aplysie. Aplysie naïve Aplysie habituée Branchie Neurone sensoriel Motoneurone Neurone sensoriel Motoneurone Conséquences électrophysiologiques et cellulaires de l’habituation. STIMULUS DOULOUREUX Tête Interneurone à 5HT PRESSION Neurone sensoriel Siphon ou manteau Synapses axo-axoniques Motoneurone Branchie Circuit synaptique impliqué dans la sensibilisation chez l’Aplysie. Interneurone à 5HT PKC PKA Neurone sensoriel K+ P P Ca2+ Sensibilisation à court terme: la 5HT libérée lors de la stimulation de la tête active des récepteurs situés sur les éléments présynaptiques. L’activation des récepteurs entraîne l’activation des kinases PKA et PKC. Celles-ci peuvent alors phosphoryler les canaux Ca2+ et K+. La phosphorylation a des effets différents suivant les canaux: elle augmente l’activité des canaux Ca2+ alors qu’elle inhibe les canaux K+. La modulation de ces deux canaux rend la terminaison synaptique plus excitable : il y aura plus de neurotransmetteur libéré lors d’une stimulation du manteau ou siphon. + PKA PKA PKA Sensibilisation à long terme: la PKA peut transloquer vers le noyau du neurone sensoriel et provoquer la synthèse de nouvelles protéines nécessaire à la formation de nouvelles synapses. Neurone sensoriel Motoneurone Aplysie naïve Neurone sensoriel Motoneurone Aplysie sensibilisée Siphon ou manteau CS+ SNC CS- CS+ SNC CS- Sur CS- CS- SNC (décalé/CS-) CS- Neurone sensoriel Motoneurone Sur CS+ CS+ SNC + CS+ Neurone sensoriel Motoneurone SNC 5HT Sur CS+, il se produit une synergie au niveau de la stimulation de l’adénylate cyclase (AC) par la sérotonine et le Ca2+ entrant dans la terminaison. Il y aura une forte activation de la PKA et sensibilisation à long terme. G AC PKA CS+ AMPc + Ca2+