Monuments historiques et procédure d`octroi du permis de

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Monuments historiques et procédure d`octroi du permis de
Monuments historiques et procédure d'octroi du permis de construire, quelques aspects.
Nathalie Guex, licenciée en droit,
Office juridique, Direction des travaux publics, des transports et de l’énergie
1.
Introduction, généralités
1.1
La loi du 8 septembre 1999 sur la protection du patrimoine (LPat)1, au moyen de la
modification des art. 9 et 10 ss de la loi sur les constructions (LC)2, a consacré formellement
la notion de monument historique3, espèce la plus nombreuse parmi l'ensemble des biens du
patrimoine4. Les monuments historiques sont des objets et des ensembles exceptionnels
présentant une valeur culturelle, historique ou esthétique. Ils comprennent notamment les sites, les ensembles bâtis, les constructions, les jardins, les installations, les détails d'architecture intérieure, l'agencement des pièces et les équipements fixes5. Pour certains de ces monuments, la nouvelle législation a également introduit une subdivision en deux catégories,
qui bénéficient de degrés de protection différents: les objets dignes de protection, catégorie
la plus élevée, puis les objets dignes de conservation6. La nécessité d'obtenir un permis de
construire de même que l'ampleur des travaux qui peuvent être autorisés diffèrent selon la
catégorie7.
1.2
Les objets dignes de protection et les objets dignes de conservation doivent être désignés soit dans le recensement architectural (RA)8, soit dans les plans et prescriptions
des communes établis sur la base du RA9. Un article déjà paru au Bulletin du GAC compare
les deux solutions de façon circonstanciée10. Nous nous bornerons ici à quelques remarques.
1.2.1 A l'occasion d'une procédure d'octroi du permis de construire, les effets de ces deux
instruments ne sont pas les mêmes. Le RA n'est contraignant que pour l'administration. Autrement dit, le propriétaire qui veut rénover sa maison figurant au RA ou le maître d'ouvrage
d'un projet voisin qui pourrait porter atteinte au monument recensé pourront exiger la preuve
que l'admission de l'objet au RA se justifie objectivement11. Il est alors possible que l'autorité
d'octroi du permis ou les autorités de recours, se fondant sur les rapports spécialisés, arrivent à la conclusion qu'un monument a été recensé à tort ou qu'un objet inventorié comme
digne de protection est rétrogradé à la catégorie inférieure. Mais il se peut aussi qu'en fin de
compte, au vu de l'instruction, un monument recensé comme digne de conservation se révèle être digne de protection. En revanche, les plans et prescriptions communaux sont
contraignants pour quiconque. Ainsi, lorsque les objets dignes de protection ou de conservation sont désignés dans un plan, le propriétaire ou le maître d'ouvrage ne peuvent plus re-
1
entrée en vigueur le 1er janvier 2001, RSB 426.41
RSB 721.0
3
Auparavant, la LC parlait d'objets particulièrement dignes de protection ainsi que de constructions et installations particulièrement belles ou ayant une grande valeur historique.
4
notamment sites archéologiques ou historiques, lieux de découvertes archéologiques, ruines, patrimoine mobilier; art. 2 LPat
5
art. 10a al. 1er LC
6
art. 10a al. 2 et 3 LC
7
art. 10b LC
8
art. 10d et 10e LC
9
art. 64a LC
10
Christophe Cueni, Bezeichnung von Baudenkmäler: In Bauinventaren oder Nutzungsplänen?, KPG-GACBulletin 6/2002, p. 142 ss
11
art. 10d al. 2 LC et art. 13c al. 2 de l'ordonnance sur les constructions (OC, RSB 721.1)
2
1
mettre en question le statut de l'objet touché par le projet de construction12. Il restera alors
aux autorités à examiner si le projet respecte les exigences légales liées à la catégorie visée.
1.2.2 Le propriétaire d'un objet qui n'est ni recensé ni désigné dans un plan n'aura en
principe pas de mauvais surprise: lorsqu'il existe un RA ou un plan, aucun autre monument
historique ne peut être déclaré digne de protection ou digne de conservation au cours de la
procédure d'octroi du permis de construire. On parle de l'effet négatif des inventaires et des
plans13. Bien entendu, des objets pourront être ajoutés au RA (et en être retranchés) lors
d'une révision totale, puisque celui-ci est soumis à des mises à jour périodiques. De plus, de
nouvelles connaissances en matière architecturale et culturelle peuvent amener à la réappréciation d'un objet particulier. Toutefois, un tel complément ponctuel apporté à un RA
moins de six mois avant le dépôt d'une demande de permis n'aura aucune incidence sur le
projet de construction.14
Il faut réserver ici l'exception des découvertes d'éléments de construction ou d'équipements
(peintures, boiseries, plafonds, sculptures, etc. auparavant dissimulés sous du pavatex ou du
plâtre) intervenues au cours de travaux de construction15. Si ces découvertes concernent des
objets non encore recensés mais dignes de figurer au RA, celui-ci peut être complété en tout
temps16. On peut distinguer trois hypothèses:
a) Il n'y a pas de procédure d'octroi du permis en cours au moment de la découverte:
C'est le cas lorsque des modifications intérieures seulement sont effectuées. Le service spécialisé compétent17 examine dans les plus brefs délais si la découverte implique l'intégration
de l'immeuble au RA18. Dans l'intervalle, la découverte doit rester en place19. Si le service
spécialisé conclut au complément du RA, le propriétaire et/ou le maître d'ouvrage devront introduire une demande de permis de construire pour les travaux intérieurs et pourront simultanément exiger que le complément au RA soit certifié exact20.
b) Une procédure d'octroi du permis de construire est en cours au moment de la découverte:
Le projet consiste p. ex. dans la rénovation complète du bâtiment, des travaux à l'intérieur
ayant déjà été entrepris puisqu'à priori, ils ne nécessitaient pas de permis21. Le processus
est le même que pour a). Le complément à la demande de permis pour les travaux intérieurs
dépassera vraisemblablement le cadre d'une modification de projet au sens de l'art. 43 al. 1er
et 2 DPC22, car les éléments fondamentaux du projet ne sont plus les mêmes. L'autorité d'octroi traitera alors la demande initiale et la demande supplémentaire pour les travaux intérieurs comme nouvelle procédure de demande de permis. Il se peut en outre que la demande supplémentaire fasse passer le coût du projet à plus de 1 mio. Dans ce cas, la compétence pour statuer sur le permis passe de la petite commune au préfet (cf. ch. 4 cidessous).
c) La procédure a donné lieu à l'octroi d'un permis entré en force. La découverte est effectuée lors des travaux entrepris à la suite de l'octroi de ce permis. Dans cette hypothèse également, la découverte doit rester en place. Puis, en cas de complément au RA, il faudra introduire une demande de permis supplémentaire pour les travaux à l'intérieur du bâtiment.
Les dispositions en matière de révocation du permis de construire pourront entrer en consi12
art. 21 al. 1er de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LAT, RS 700); cf. p. ex. Cueni (n. 10 ci-dessus)
ch. 3.2.4
13
art. 13c al. 3, 1ère phr., OC pour les inventaires et art. 64a al. 2 LC pour les plans et prescriptions
14
art. 10e al. 2 LC et art. 13d OC
15
La réglementation en matière de découvertes s'applique plus souvent à l'archéologie.
16
art. 10f al. 3 LC et art. 13c al. 3, 2e phr., OC
17
Il s'agit du Service cantonal des monuments historiques (sauf à Berne et Bienne, villes qui disposent de leur
propre service selon l'art. 36 al. 2 LPat) et du Service archéologique; art. 37 al. 2 de l'ordonnance sur le patrimoine, OPat, RSB 426.411
18
art. 10f al. 2 et 3 LC
19
art. 10f al. 1er LC
20
art. 10d al. 2 LC et art. 13c al. 2 OC
21
art. 5 al. 1er let. g du décret concernant la procédure d'octroi du permis de construire, DPC, RSB 725.1
22
décret concernant la procédure d'octroi du permis de construire, DPC, RSB 725.1
2
dération pour les travaux extérieurs qui ne pourraient plus être autorisés compte tenu de la
nouvelle situation (objet figurant désormais au RA)23. Le propriétaire pourrait également exiger, à l'occasion de la procédure de révocation, la preuve du bien-fondé du complément au
RA.
Dans les trois cas a, b et c, l'autorité d'octroi du permis devra statuer les charges et conditions nécessaires, par exemple une charge en vertu de laquelle les boiseries originales resteront en place, mais pourront être recouvertes en collaboration avec le service spécialisé.
S'agissant des plans et prescriptions, la modification du nombre des objets protégés ne peut
avoir lieu que lors de la procédure de remaniement des plans. Dès lors, une découverte
pourra constituer une modification sensible des circonstances nécessitant l'adaptation des
plans24.
Dans tous les cas, il existe une obligation de comportement: l'auteur de la découverte,
mais aussi les chefs de chantier, le personnel participant aux travaux de construction, ainsi
que les autorités qui en ont connaissance doivent avertir immédiatement le service spécialisé compétent, qui prend sans délai les mesures nécessaires25. Le devoir de signaler les découvertes ne signifie pas qu'elles seront laissées apparentes et restaurées. Mais il faut éviter
la destruction des objets de valeur et faire en sorte que les spécialistes puissent au moins
constituer une documentation26.
2.
Notion de monument historique
2.1
L'art. 10a al. 1er LC énumère de façon non exhaustive les types de monuments historiques suivants, partant du plus général pour terminer avec le plus particulier:
2.1.1 La notion de site n'est spécifiée nulle part. D'après le Rapport27 (p. 18), font partie
des monuments historiques les ensembles tels qu'ensembles bâtis, rues bordées de maisons28 et sites dans leurs aspects intérieur et extérieur. L'art. 9 al. 1er LC, qui régit la protection générale des sites et du paysage, emploie notamment aussi le terme de "site": les constructions etc. ne doivent pas altérer le site. Tous les sites visibles depuis le domaine public
bénéficient de cette protection générale à la mesure de leur qualité. La notion de l'art. 10a al.
1er LC est plus restrictive: pour être qualifié de monument historique en question, le site doit
être exceptionnel et présenter une valeur culturelle, historique ou esthétique. Dans ce sens,
le site peut p. ex. viser un groupe constitué de divers éléments, p. ex. lotissement de 6 maisons dignes de conservation implantées, selon le RA, de façon harmonieuse dans un parc
de qualité, sans toutefois que cette combinaison figure comme ensemble bâti proprement dit.
La protection des monuments historiques peut s'exercer à trois niveaux: la substance des
objets dignes de conservation (p. ex. interdiction de couvrir les façades d'éternit), le site dans
son aspect intérieur (p. ex. respect de l'implantation harmonieuse des maisons et de la qualité du parc en cas d'ajout d'une annexe) et le site dans son aspect extérieur (p. ex. refus
d'une forme asymétrique pour une nouvelle construction voisine, qui porterait préjudice à la
sobriété des 6 maisons). Contrairement à l'ensemble bâti, le site n'est ni délimité par un
pourtour précis ni décrit comme tel au RA, et son étendue variera de cas en cas. A ce titre, il
se distingue du périmètre de protection d'un site tel qu'il est défini par les plans et prescriptions des communes. Le Rapport (p. 18) aborde une autre notion proche: il expose que la
plupart du temps, les monuments historiques ne sont pas seulement des constructions isolées, mais celles-ci "s'intègrent dans un environnement, notamment une rue, une place, un
23
art. 43 LC
art. 64a al. 2 LC et note 12 ci-dessus
25
art. 10f al. 1er et 2 LC
26
Rapport présenté par le Conseil-exécutif au Grand Conseil concernant la LPat, du 24 mars 1999 (ci-dessous
Rapport), Comch.e rendu des séances du Grand Conseil 1999 / cahier 3, annexe 12, p. 19 s.
27
cf. note 26 ci-dessus
28
Le Rapport traduit "Strassenzug" par "itinéraire".
24
3
ensemble bâti, des bâtiments annexes, des jardins. Et l'impression qu'ils produisent est largement influencée par cet environnement. (…). Cela ne signifie pas que l'environnement des
monuments historiques ne puisse pas être transformé. Mais si transformation il y a, elle doit
respecter le monument et tenir compte de sa valeur." Cette notion se rapporte à l'art. 10b al.
1er, 2e phr., LC selon lequel les monuments historiques ne doivent pas être altérés par des
transformations de leur environnement (cf. ch. 6.1. ci-dessous). La question de savoir dans
quelle mesure un projet à proximité d'un monument porte atteinte à celui-ci doit être examinée de cas en cas, en fonction de la qualité du monument aussi bien que de celle des
abords.
2.1.2 Le pourtour et la description des ensembles bâtis figurent au RA. Par contre, ceux-ci
ne sont pas répertoriés comme dignes de protection ou dignes de conservation. Le RA relève que "L'ensemble bâti forme un complexe d'ordre topographique ou historique et réunit
des objets dont l'intérêt réside essentiellement dans leur relation au groupe. La valeur de tels
ensembles peut être sérieusement affectée par la disparition ou la modification d'un seul
élément, ou par une adjonction mal intégrée. D'éventuelles interventions dans un ensemble
bâti doivent être étudiées dans une perspective globale et en consultant les services spécialisés. (Les ensembles bâtis ne se confondent pas avec le périmètre de protection du site,
mais contribuent à sa définition.)"29 De plus, l'intégration d'un objet digne de conservation
dans un ensemble bâti a une influence du point de vue de la procédure d'octroi du permis de
construire (cf. ch. 3.2 ci-dessous).
2.1.3 Les constructions sont décrites au RA dans leurs caractéristiques essentielles. Intégrées dans un ensemble bâti ou isolées, elles sont nécessairement classées soit dignes de
protection, soit dignes de conservation; il en va de même de la plupart des installations (p.
ex. pont ou fontaine30). Outre cette valeur propre, le RA distingue certains bâtiments des
deux catégories par leur valeur de situation. Celle-ci "définit une construction indépendamment de son intérêt architectural ou historique, dans la mesure où l'objet joue un rôle important pour le site, le quartier ou l'ensemble bâti; valeur propre et valeur de situation, cumulatives, peuvent rehausser l'appréciation globale d'une construction"31. Les bâtiments caractérisés par leur "situation importante" peuvent être situés aussi bien hors d'un ensemble bâti (p.
ex. un château sur une colline) qu'à l'intérieur (p. ex. une maison d'angle). Le RA n'inventorie
pas les bâtiments construits après 1968, mais ceux qui sont particulièrement remarquables
font l'objet d'un appendice en fin de RA. Celui-ci précise que le système d'appréciation "digne de protection / digne de conservation / en situation importante" n'est pas appliqué, par
manque de recul en regard de cette architecture récente. Cependant, "des rénovations,
transformations ou agrandissements impliquent de hautes exigences architecturales, des investigations minutieuses ainsi que les conseils de spécialistes".
2.1.4 Les jardins sont recensés le plus souvent comme environnement participant de la
qualité d'une construction digne de protection ou digne de conservation. Ils peuvent comporter des installations expressément inventoriées comme dignes de protection ou dignes de
conservation, telles que tonnelles ou fontaines.
2.1.5 La protection de l'intérieur des monuments historiques est subordonnée à l'admission du monument en question dans le RA, découvertes mises à part (cf. 1.2.2 ci-dessus).
La plupart du temps, le RA ne décrit pas les aménagements intérieurs de l'objet recensé.
L'évaluation de leur importance et, en conséquence, des possibilités et manières de les modifier font l'objet de la procédure d'octroi du permis de construire. Le législateur part du principe que l'intérieur d'un grand nombre des objets recensés ne présente pas de qualité particulière. Par contre, la traditionnelle réticence bernoise à montrer la richesse et la valeur d'un
objet fait que derrière une façade en apparence modeste, peut se cacher un intérieur de
toute beauté.32 Par détails d'architecture intérieure, on entend notamment les cages d'escalier, foyers et conduits de cheminée, poêle en faïence, pressoir, etc. L'agencement des
29
texte d'introduction aux premières pages des RA, "Principes d'évaluation"
Les parcs publics ou voies de communication constituent aussi des installations. (Rapport p. 18)
31
texte d'introduction aux premières pages des RA, "Principes d'évaluation"
32
Rapport p. 6
30
4
pièces désigne d'abord la structure porteuse (poutraison, murs de séparation porteurs,
charpente), mais aussi la disposition de locaux structurant l'espace de façon déterminante,
tels que p. ex. corridor central ou pièces en enfilade. Les équipements fixes sont montés ou
appliqués sur la structure porteuse, il s'agit p. ex. des parquets, boiseries, stucs, peintures,
tapisseries, portes ou cheminées "à la française".
2.2
Une désignation spécifique à la LPat complète la réglementation de la LC: les objets
formellement classés. Ils sont obligatoirement inscrits sur la liste des biens du patrimoine
classés33. Le classement existait déjà sous l'empire de l'ancienne loi de 1902 remplacée par
la LPat, entrée en vigueur en 2001. Il s'opérait – à l'occasion de travaux de restauration subventionnés – toujours au moyen d'un arrêté du Conseil-exécutif (ACE), même si le propriétaire était d'accord avec le classement. Tous les objets classés selon l'ancienne loi ont été
automatiquement transférés dans la nouvelle liste ainsi que dans le RA34. Le classement vise
à assurer la sauvegarde à long terme du patrimoine immobilier qui fait partie de l'héritage
culturel du pays, du canton ou des communes, en le maintenant le plus intact possible, et à
garantir l'affectation à l'usage prévu des aides financières publiques35. Autrement dit, le classement constitue une protection encore renforcée par rapport à la LC. A partir de 2001, le
classement peut intervenir soit avec l'accord des propriétaires, par contrat écrit de droit
public entre ceux-ci et le canton (règle générale), soit, si l'accord échoue et que l'intérêt public à la conservation intacte l'emporte, d'office par voie de décision du Conseil-exécutif36
(exception)37. Le classement d'office suppose normalement que le bien figure au RA38, sauf
dans des cas exceptionnels où l'importance du bien est primordiale pour l'héritage culturel du
canton39. Quant aux autres classements, vu qu'ils reposent sur un accord, la loi contient à
juste titre un minimum de dispositions. En particulier, la condition de l'admission au RA n'y figure pas. Cependant, le canton n'est pas libre de classer n'importe quel objet, même à la
demande d'un propriétaire qui p. ex. voudrait obtenir des subventions dépassant 5'000 frs.,
limite au-delà de laquelle le classement est obligatoire40. L'objet concerné doit constituer un
bien du patrimoine et posséder les qualités requises telles que définies par les art. 10a et
10b LC.41 Concrètement, il faut qu'il s'agisse d'un monument historique digne de protection
ou digne de conservation, qualités qui ressortissent du RA, quand ce n'est pas même des
plans et prescriptions communaux. Ainsi, en pratique et sauf les cas très exceptionnels d'un
classement d'office, dès 2001, d'un bien d'importance primordiale qui n'aurait pas encore été
recensé, les biens classés figurent aussi au RA: soit ils y ont été transférés automatiquement, soit ils y figurent déjà au moment de leur classement. Aussi bien le contrat que la décision de classement doivent fixer les limites géographiques et l'étendue de la protection42.
Le contrat doit en outre stipuler la marche à suivre en cas de transformation du bien classé43.
La distinction entre biens classés avant 2001, biens classés d'office dès 2001 et biens classés par accord dès 2001 a des incidences sur la compétence et la marge d'appréciation de
l'autorité d'octroi du permis de construire (cf. ch. 4 et 5.2 ci-dessous).
33
art. 19 al. 1er LPat et art. 18 OPat
texte d'introduction aux premières pages des RA, Objets de "l'inventaire cantonal" ©, point 4
35
art. 13 al. 3 LPat
36
en fait sous forme d'ACE également (cf. art. 10 al. 1er de l'ordonnance sur l'organisation du Conseil-exécutif,
RSB 152.11)
37
art. 13 al. 2, 14 al. 1er et 15 al. 1er LPat ainsi que art. 12 al. 1er OPat
38
art. 15 al. 2 let. a LPat
39
art. 15 al. 3 LPat
40
art. 33 let. a OPat
41
Rapport p. 12
42
art. 14 al. 2 et LPat
43
art. 12 al. 2 OPat
34
5
3.
Etendue de la protection dans la procédure d'octroi du permis de
construire
3.1
Lorsqu'il s'agit d'objets (et non d'ensembles), la LC distingue deux catégories: les
monuments historiques dignes de protection et les monuments historiques dignes de
conservation. L'étendue de la protection et, dans une certaine mesure, la nécessité d'obtenir
un permis de construire suivant le type de travaux projetés, diffèrent selon la catégorie. Les
monuments historiques sont dignes de protection lorsqu'ils présentent des qualités architectoniques si importantes et des caractéristiques si remarquables qu'ils doivent être conservés dans leur intégrité44. Leur qualité est telle qu'ils méritent d'être conservés jusque dans
leurs détails. Les modifications ou adjonctions susceptibles d'être autorisées doivent présenter un haut niveau de qualité45. En principe, ces objets ne peuvent être détruits et leur intérieur doit être conservé en fonction de son importance46. Les monuments sont dignes de
conservation lorsqu'ils doivent être préservés en raison de leur intérêt architectonique ou de
leurs particularités47. Ce sont des constructions de qualité qui méritent d'être conservées et
entretenues. Des modifications ou des adjonctions sont envisageables si elles s'intègrent
bien à la structure et à la substance dignes de conservation. Il s'agit d'éviter les transformations-chocs, compte tenu notamment de l'importance que peuvent avoir ces objets dignes de
conservation pour des objets dignes de protection situés alentours ou pour l'aspect du site
ou de la rue. La démolition d'un monument digne de conservation est admise si la conservation s'avère disproportionnée; la reconstruction éventuelle est alors soumise à des conditions. Concernant l'intérieur, l'agencement des pièces ne doit pas être transformé.48 Les
transformations de l'aspect extérieur des monuments historiques des deux catégories, de
même que toute démolition, sont bien entendu soumises à l'octroi du permis – comme c'est
le cas pour les immeubles ordinaires – et la protection propre à chaque catégorie détermine
l'ampleur des travaux qui peuvent être autorisés. En plus, la modification des abords d'une
part et, d'autre part, de l'intérieur des monuments historiques (cf. ch.. 3.5 ci-dessous) est
soumise à l'obtention d'un permis de construire.49
3.2
Les monuments dignes de conservation sont scindés en deux sous-groupes: les objets qui sont situés dans le périmètre de protection d'un site défini par un plan communal ou
qui font partie d'un ensemble bâti répertorié au RA d'une part, et ceux qui sont hors périmètre communal et hors ensemble bâti d'autre part. L'étendue de la protection est la même
pour les deux types. Par contre ce n'est pas le même service spécialisé qui doit être consulté
lors de la procédure d'octroi du permis de construire (ou lors de la procédure de planification). En effet, pour les objets dignes de conservation inclus dans un périmètre de protection
ou un ensemble bâti, le RA a valeur d'inventaire cantonal. En outre, lorsqu'il s'agit d'objets
dignes de protection, de biens classés et de biens qui sont placés sous la protection de la
Confédération, le RA vaut toujours inventaire cantonal50. Si ces objets cantonaux, dits "objets
©", sont concernés, il faut sauf exception consulter le service cantonal spécialisé. Pour les
autres cas, la participation de la commune suffit.51 (cf. ch.. 5.1 ci-dessous).
3.3
Les biens classés peuvent appartenir aussi bien à la catégorie des monuments dignes de protection qu'à celle des monuments dignes de conservation. La fiche du RA n'indique pas si un monument est classé, par contre elle sera en tout cas porteuse de la lettre ©.
44
art. 10a al. 2 LC
Rapport p. 5 in fine
46
art. 10b al. 2 LC
47
art. 10a al. 3 LC
48
art. 10b al. 3 LC; Rapport p. 5 s. et 18
49
art. 4 al. 2 let. a, b et c DPC; cf. aussi ISCB-Information systématique des communes bernoises no 7/721.0/13.1
er
du 5 février 2001, "Protection du patrimoine et archéologie: nouvelle législation à partir du 1 janvier 2001", ch.
3.1
50
texte d'introduction aux premières pages des RA, Objets de "l'inventaire cantonal" ©
51
art. 10c LC et art. 22 al. 3 DPC
45
6
L'étendue de la protection des biens classés est définie cas par cas par l'ACE selon l'ancien
droit, par la décision du Conseil-exécutif ou par le contrat prévus par la LPat. Elle doit être
prise en compte dans la procédure d'octroi du permis de construire.52 Pour des aspects non
compris dans les ACE, décisions ou contrats (p. ex. un projet concerne un bâtiment doté
d'une tour fortifiée et seule cette dernière est classée), c'est la protection ordinaire de la LC
qui s'applique.
3.4
Les possibilités de démolition ne sont pas les mêmes selon le degré de protection.
S'agissant des monuments dignes de protection, la loi prescrit une interdiction de démolition
(art. 10b al. 2 LC), alors que les monuments dignes de conservation peuvent être démolis si
leur conservation s'avère disproportionnée (art. 10b al. 3 LC). L'interdiction de démolir est
une restriction importante à la garantie de la propriété, qui nécessite par principe l'examen
de la proportionnalité de cette mesure. Si les objets dignes de protection sont déterminés
lors de la procédure relative au plan d'affectation53, cet examen doit avoir lieu à ce moment.
Si par contre la qualité d'objet digne de protection résulte du RA et qu'elle est certifiée exacte
à l'occasion d'une procédure de permis de démolir, la proportionnalité de l'interdiction de
démolir devra également être examinée dans cette procédure. A défaut, le propriétaire n'aurait jamais l'occasion de faire analyser ce point. Ainsi, l'interdiction de démolition pure et simple s'applique aux objets dignes de protection désignés dans les plans et prescriptions des
communes. Un point n'a pas encore dû être tranché jusqu'à présent, celui de savoir si le
propriétaire peut déposer une demande de dérogation au sens de l'art. 26 LC, par laquelle il
établit que les conditions pour l'octroi d'une dérogation à l'interdiction de démolir sont remplies, ou s'il faut une modification du plan au motif que les circonstances du point de vue de
la proportionnalité ont changé. En revanche, en ce qui concerne les objets dignes de
conservation, l'examen de la proportionnalité d'une démolition est toujours possible, même
s'ils sont désignés dans les plans et prescriptions. L'art. 10b al. 3 LC dispose en plus qu'en
cas de reconstruction, le monument doit être remplacé par un objet d'égale valeur architectonique. Même si cette exigence de qualité figure à l'alinéa applicable aux objets dignes de
conservation et n'est pas expressément prescrite pour les objets dignes de protection, elle
vaut à plus forte raison pour la catégorie la plus élevée. Selon les cas, l'autorité d'octroi du
permis de construire devra statuer à cet égard des charges ou conditions dans le permis,
exiger la modification des plans ou imposer d'autres restrictions encore54. Les reconstructions doivent en tous les cas, dans la perspective de leur positionnement dans un environnement, répondre à des exigences architectoniques55. Pour être considérée comme proportionnelle, l'interdiction de démolition doit être apte à agir sur la préservation du monument,
elle doit constituer la mesure la moins sévère et se trouver dans un rapport raisonnable avec
les intérêts privés, financiers notamment, du propriétaire et avec d'autres intérêts publics divergents. Plus un bâtiment est digne d'être conservé, moins les exigences de la rentabilité
doivent être prises en compte. Pour juger du caractère disproportionné ou non d'une interdiction de démolir, il peut être judicieux de comparer les profits escomptés en cas de rénovation
et en cas de nouvelle construction, les frais de rénovation aux frais d'une nouvelle construction de qualité ou encore les possibilités actuelles d'utilisation aux possibilités d'utilisation en
cas de démolition et de reconstruction56.
3.5
La protection des intérieurs n'a pas la même ampleur selon qu'il s'agit d'un monument digne de protection ou d'un monument digne de conservation. Dans le premier cas, la
protection s'étend aux détails d'architecture d'intérieure, à l'agencement des pièces et aux
équipements fixes57 en fonction de leur importance. Dans le deuxième cas, seul l'agence52
Rapport p. 11, art. 12
art. 10d al. 2 LC
54
art. 10b al. 4 LC
55
Rapport p. 19
56
Rapport p. 19
57
cf. ch. 2.1 ci-dessus, in fine
53
7
ment des pièces ne doit pas être transformé. Tout projet impliquant une modification – dans
un monument digne de protection – de détails d'architecture d'intérieure, de l'agencement
des pièces et d'équipements fixes doit être porté devant l'autorité d'octroi du permis de construire, à qui il incombe d'examiner, à l'aide du service spécialisé, quelle est l'importance des
éléments intérieurs touchés et dans quelle mesure le projet respecte cette valeur58. De
même, toute modification projetée de l'agencement des pièces d'un monument digne de
conservation doit faire l'objet d'une procédure d'octroi du permis tendant à déterminer si cette
modification constitue ou non une transformation prohibée59. Dans le doute, il faut déposer
une demande de permis quel que soit le degré de protection de l'objet tel qu'il figure au RA
et quelle que soit l'ampleur des travaux intérieurs projetés. En effet, il incombe aux autorités
compétentes, et non à la personne désireuse de rénover, de décider si un projet nécessite
ou non un permis60. De plus, le degré de protection résultant du RA peut être reconsidéré en
cours de procédure (cf. ch. 1.2.1. ci-dessus). Encore un mot à propos des objets classés.
L'intérieur n'était pas protégé sous l'empire de l'ancienne loi de 1902. Aujourd'hui, la protection convenue par contrat de classement peut être étendue à des éléments de l'intérieur du
bâtiment. Une décision de classement du Conseil-exécutif pourra également étendre la protection aux détails d'architecture d'intérieure, à l'agencement des pièces et aux équipements
fixes, mais ce dans deux hypothèses seulement: soit le bâtiment appartient au domaine public; soit il est d'une importance primordiale pour l'héritage culturel du canton61. Dans tous les
autres cas, ce sont les dispositions de l'art. 10b al. 2 ou 3 LC qui s'appliquent quant à l'étendue de la protection des intérieurs.
4.
Compétence
Selon les règles habituelles, l'octroi du permis de construire est du ressort du préfet ou de
l'autorité compétente désignée dans les grandes communes (au moins 10'000 habitants) – à
moins qu'il s'agisse d'un projet qui porte sur l'hôtellerie ou la restauration ou d'un projet propre à la commune. Dans ces cas, le préfet est toujours compétent62. Pour leur part, les petites communes sont compétentes pour examiner les projets de construction qui ne nécessitent que peu de coordination.63 L'art. 9 al. 1er DPC énumère la liste des autorisations, dérogations et autres certificats techniques qui peuvent être nécessaires pour les projets ressortissant à la compétence de la petite commune. Si un projet requiert davantage que ces autorisations, dérogations et certificats, la compétence passe de la petite commune au préfet. Il
en va de même en particulier si la réalisation d'un projet est évaluée à plus de 1 mio. Lorsque la demande de permis de construire porte sur un bien classé d'office, la législation sur
le patrimoine prescrit qu'une autorisation écrite de l'Office de la culture (respectivement du
SMH64 comme service spécialisé de l'Office de la culture) est nécessaire si la transformation
projetée touche l'étendue de la protection fixée dans la décision de classement65. Cette autorisation du SMH n'est pas énumérée à l'art. 9 al. 1er DPC. Par conséquent, c'est le préfet, et
non pas la petite commune, qui est compétent pour examiner les projets de transformations
touchant les biens classés d'office par décision à partir de 2001, de même que ceux touchant
les biens classés entre 1902 et 2001 (le classement faisait alors toujours l'objet d'un ACE
même si le propriétaire était d'accord). Ce dernier groupe est quantitativement relativement
important, puisqu'il comprend tous les objets classés pendant un siècle, soit environ 1700.
58
art. 10b, al. 2, 2e phr., LC en relation avec art. 4 al. 2 let. b DPC
art. 10b, al. 3, 1e phr., LC en relation avec art. 4 al. 2 let. c DPC
60
Directive ISCB no 7/725.1/1.1 du 6 novembre 1995, "Bâtiments et installations non soumis à l'octroi du permis
e
de construire, au sens de l'art. premier, 3 alinéa, lettre b, bb LC", ch. 5
61
e
art. 15 al. 4, 2 phr., LPat
62
art. 33 al. 1er LC et art. 8 al. 2 DPC
63
art. 33 al. 2 LC
64
Service cantonal des monuments historiques
65
art. 17 al. 1er LPat, art. 14, art. 37 al. 1er et 2, art. 42 al. 2 OPat
59
8
5.
Services spécialisés
5.1
Si un projet de construction ou de transformation concerne un "objet cantonal" dit
66
© ou ses abords, l'autorité d'octroi du permis de construire doit obligatoirement associer le
SMH à la procédure67 – à moins que la Direction de l'instruction publique ait délégué ses attributions en la matière aux communes qui en ont fait la demande et qui disposent d'un service spécialisé doté des compétences et de l'infrastructure nécessaires68. Les monuments
historiques dignes de conservation (selon le RA ou un plan communal) qui ne sont pas intégrés dans un périmètre de protection d'un site ou dans un ensemble bâti inventorié au RA ne
sont pas des objets cantonaux. Si un projet concerne un tel objet (ou son environnement),
pour lequel le RA n'a pas valeur d'inventaire cantonal, alors la participation de la commune
suffit69, à moins qu'il s'agisse d'un bien formellement classé – obligatoirement ©. Si la commune est elle-même autorité d'octroi du permis appelée à statuer sur un projet qui concerne
un "objet non cantonal", elle pourra donc renoncer à requérir un rapport officiel, sauf si le
droit communal lui-même impose la consultation d'une instance communale spécialisée. De
plus, les organisations de sauvegarde du patrimoine, telle p. ex. la Ligue bernoise du patrimoine, peuvent aider notamment les communes en cas de projet concernant un objet non
cantonal70; mais il n'y a pas d'obligation légale pour les communes (ou les préfets) de les associer à la procédure. Inversement, le recours à une telle organisation ne dispense pas de
consulter le service cantonal spécialisé dans les cas prévus par la loi71.
5.2
Dans tous les cas, l'autorité d'octroi du permis, y compris la petite commune lorsqu'elle est compétente, apprécie librement le contenu et les conclusions du rapport officiel
du SMH. Cela signifie que plus le rapport emporte la conviction de l'autorité, plus celle-ci lui
accordera de poids. Toutefois, l'autorité ne peut pas s'écarter de l'opinion de l'instance spécialisée sans raisons pertinentes. Dans le domaine de la protection des monuments historiques, il n'existe qu'une exception à ce principe de la libre appréciation. L'art. 39 al. 2 LPat
exclut expressément l'application de la LCoord72 dans les procédure d'autorisation en vue de
transformer un bien classé par ACE sous l'empire de l'ancienne législation de 1902. Cela
signifie que, lorsque le préfet ou la grande commune (la petite commune n'est jamais compétente à cet égard, cf. ch. 4 ci-dessus) statue sur un projet qui touche un tel objet, le SMH
rendra, à titre d'autorisation au sens de l'art. 17 al. 1er LPat, une décision et non un rapport
officiel comme il le ferait pour les autres biens classés d'office. Cette décision ne fait pas partie intégrante de la décision globale mais constitue une autre décision au sens de l'art. 9 al. 2
let b LCoord. Autrement dit, elle lie le préfet ou la grande commune, qui ne peuvent s'écarter
de l'avis émis par le SMH.
6.
Relations entre protection des sites et protection des monuments
historiques
6.1
L'art. 9 LC, en particulier l'al. 1er, vise la protection générale des sites et du paysage:
les constructions, installations, panneaux publicitaires, etc., ne doivent pas altérer un
paysage, un site ou l'aspect d'une rue. Tous les sites visibles depuis le domaine public
bénéficient de cette protection générale à la mesure de leur qualité. Un projet porte préjudice
si le contraste qu'il forme par rapport à la substance existante gêne de façon considérable.
L'al. 3 de cette disposition permet aux communes d'édicter des prescriptions plus détaillées
66
cf. ch. 3.2 ci-dessus
art. 10c al. 1er LC et art. 22 al. 3, 1ère phr., DPC (Cette dernière disposition mentionne expressément que les
projets concernant les abords d'un objet cantonal doivent également donner lieu à consultation du SMH.)
68
art. 36 al. 2 LPat et art. 38 OPat. A l'heure actuelle, les villes de Berne et de Bienne disposent de tels services.
69
art. 10c al. 2 LC et art. 22 al. 3, 2e phr., DPC
70
art. 2 al. 1er et 2 OPat
71
art. 2 al. 3 OPat
72
loi de coordination, LCoord, RSB 724.1
67
9
en matière de protection des sites et du paysage. Celles-ci devront formuler des exigences
plus sévères ou plus concrètes que celles de l'art. 9 al. 1er LC; si elles se contentent d'employer des termes différents, elles n'auront pas d'application propre. Les art. 10a ss LC visent eux la protection des monuments historiques, qui est réglée exhaustivement au niveau
cantonal, sauf exceptions limitatives (principalement: les communes peuvent choisir de désigner dans leurs plans et prescriptions les monuments historiques sur la base du RA, elles
peuvent à certaines conditions instaurer leur propre service de protection du patrimoine).
L'art. 10b al. 1er, 2e phr., LC prescrit que les monuments historiques ne doivent pas être altérés par des transformations de leur environnement. Cette disposition protège les monuments historiques (objets ou ensembles exceptionnels présentant une valeur culturelle, historique ou esthétique73) des effets préjudiciables d'un projet voisin. Il s'agit de la protection
de l'élément lui-même, au moyen de la préservation de son cadre. Par contre l'art. 9 LC tend
à la protection du site en général, du cadre en soi, c'est-à-dire du tout constitué par l'ensemble de la substance bâtie – y compris si elle n'est pas spécialement protégée –, les espaces
libres, la végétation, etc. L'environnement d'un monument historique n'a pas forcément luimême la qualité de monument historique. Dans ce cas, l'art. 10b al. 1er, 2e phr., LC est applicable pour protéger le monument par l'intermédiaire de son cadre et l'art. 9 al. 1er LC pour
protéger le site en soi.
6.2
Certes, souvent les deux aspects se confondent. Un projet, p. ex. panneaux publicitaires, qui porte atteinte à un monument recensé altère la plupart du temps aussi le site, et
ce à plus forte raison lorsque la nouvelle installation doit prendre place dans un ensemble
bâti. En tous les cas, lorsqu'il est avéré qu'un projet prévu dans l'environnement d'un monument historique altère ce dernier, il n'est en principe pas nécessaire d'examiner si le site également subit un préjudice. A cet égard, la jurisprudence du Tribunal administratif est diversifiée. Dans une décision du 30 mai 200674, par laquelle il a confirmé le refus de l'installation
de panneaux publicitaires à l'intérieur d'un ensemble bâti et à proximité d'objets dignes de
protection, le tribunal a appliqué les art. 10a ss. LC seulement. Il a considéré que la disposition communale édictée sur la base de l'art. 9 al. 3 LC allait certes plus loin que l'al. 1er, puisqu'elle prescrit une obligation positive d'intégration dans le site. Cependant, il a estimé que si
le projet respecte les dispositions relatives à la protection des monuments historiques, il en
ira de même des dispositions relatives à la protection générale des sites. Dans une affaire
concernant la démolition d'une grange et la reconstruction d'une étable, également à l'intérieur d'un ensemble bâti et à proximité d'objets dignes de protection, le Tribunal administratif
a par contre d'abord mis l'accent sur le droit communal des sites et a appuyé le refus du
permis par le droit cantonal des monuments. Il a considéré que le contenu et la densité normative des prescriptions communales (bonne intégration dans le site selon un certain nombre de critères) dépassaient largement la disposition générale de l'art. 9 al. 1er LC75. Finalement, par décision du 25 novembre 200376, le tribunal a considéré que la construction d'un
immeuble de 5 appartements conformément au plan de quartier n'altérait pas le site au sens
de l'art. 9 al. 1er LC. Puis il a également examiné la question de savoir si ce projet constituait
une atteinte à la villa digne de conservation sise à proximité (art. 10b al. 1er, 2e phr., LC). Vu
que l'environnement de celle-ci était déjà altéré par un pavillon voisin de style hétérogène, le
tribunal a répondu à la question par la négative.
6.3
Inversement, lorsqu'un projet aux abords d'un monument historique est compatible
avec la protection due à celui-ci, il n'est pas d'emblée certain que le site ne subisse pas de
préjudice. On citera l'exemple d'une construction nouvelle à l'architecture contemporaine, à
toit en forme de voûte, insérée dans un ensemble bâti constitué d'un certain nombre d'objets
dignes de protection et dignes de conservation de caractère rustique. Le SMH a estimé que
73
art. 10a al. 1er LC
JTA 22248 du 30 mai 2006 en la cause P. contre commune de B., consid. 2.3 et 3.3
75
JTA 22020 du 28 sech.embre 2006 en la cause W. et A contre K, consid. 3 et 4
76
JTA 21633 du 25 novembre 2006 en la cause B. et B. contre B., consid. 6 et 7
74
10
le projet n'altérait ni les monuments historiques tout proches ni l'ensemble en question. La
CPS77 par contre était d'avis que notamment la forme du toit et le volume de la construction
n'étaient pas compatibles avec les prescriptions communales relatives au périmètre de protection du site (édictées sur la base de l'art. 9 al. 3 LC), qui tendent au maintien de la manière de construire traditionnelle. La même divergence peut également exister en matière
de protection générale des sites au sens de l'art. 9 al. 1er LC. Il est possible qu'une construction ne porte pas préjudice à un monument historique isolé voisin, mais que par contre elle
altère l'image du site. Un kiosque ou abri est projeté sur une petite place de village qui n'a
rien d'exceptionnel, si ce n'est que l'hôtel de ville figurant au RA donne sur cette place. Le
kiosque est suffisamment discret et de bonne facture pour ne pas altérer ce monument, dans
le respect de l'art. 10b al. 1er, 2e phr., LC. Par contre il est implanté à l'extrémité de la place,
dans sa largeur, de telle sorte qu'il ferme la perspective et obstrue l'échappée sur l'arrière
fond de paysage. Le cas échéant, cet emplacement constituera une dégradation de l'image
de la place au sens de l'art. 9 al. 1er LC. A supposer que la place constitue un ensemble bâti,
l'implantation du kiosque constituerait une atteinte à la valeur de l'ensemble bâti en tant que
monument historique, en vertu de l'art. 10b al. 1er, 1ère phr., LC. Dans ce cas, la protection
des sites se confond avec la protection des monuments historiques et il n'est pas nécessaire
d'examiner séparément les conditions de l'art. 9 al. 1er LC. En résumé, dans le doute, il sera
indiqué d'examiner le respect des deux sortes de dispositions, monuments (droit cantonal) et
sites (droit cantonal ou communal).
6.4
Dans d'autres cas finalement, les prescriptions communales relatives au périmètre de
protection du site s'appliquent subsidiairement au droit cantonal des monuments historiques. Une prescription communale interdit p. ex. les doubles rangées de velux dans la zone
de village ancien. Si le projet concerne par hypothèse un monument digne de protection, il
se peut que, selon la qualité et la visibilité du pan de toit en question, même une rangée de
velux ne soit pas envisageable du point de vue de la protection des monuments historiques.
6.5
Les services spécialisés ne sont pas les mêmes dans les deux domaines. Selon
l'art. 22 al. 3 DPC, le SMH doit être associé à la procédure d'octroi du permis de construire
également si le projet ne concerne "que" les abords d'un objet figurant dans un inventaire
cantonal. Dans ce cas, le SMH examine si un projet prévu dans l'environnement du monument altère ce dernier. S'agissant du volet de la protection des sites, le service compétent
est la CPS – ou le cas échéant les services spécialisés communaux. L'autorité consulte un
tel service si le projet fait l'objet de réserves ou d'objections en matière de protection des sites, qui n'apparaissent pas manifestement injustifiées78. A cet égard, elle bénéficie d'une certaine marge d'appréciation79. La CPS ou les organes communaux interviennent indépendamment de la présence d'objets cantonaux ©.
77
Commission cantonale de protection des sites et du paysage, cf. ordonnance du 14 août 1996 concernant la
CPS, RSB 426.221
78
art. 22 al. 1er et 2 DPC
79
cf. Heidi Walther Zbinden, Amtsberichte im Baubewilligungsverfahren, KPG-GAC-Bulletin 6/2002, p. 163 ss,
ch.s 3.4 et 4.1
11

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