Liberté de la presse et régulation des médias dans les processus
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Liberté de la presse et régulation des médias dans les processus
Séninaire international sur la gestion de la transition en République démocratique du Congo Liberté de la presse et régulation des médias dans les processus démocratiques en Afrique Monsieur Luc-Adolphe Tiao Président du Conseil supérieur de l’Information du Burkina Faso INTRODUCTION Vous me permettez avant tout propos de remercier nos hôtes congolais pour la chaleur de l’accueil qui nous a été réservé. Je voudrais féliciter l’Organisation Internationale de la Francophonie et en particulier la Délégation aux Droits de l’Homme et à la Démocratie que dirige brillamment Mme Christine DESOUCHES pour cette nouvelle initiative heureuse qui permet à nous tous, venus de l’espace francophone pour échanger nos expériences. En ciblant le rôle des Institutions d’appui à la démocratie prévues par l’Accord Global et Inclusif, l’OIF confirme son attachement au renforcement l’élargissement de la démocratie en Afrique. Naturellement, la question des médias demeure mon centre d’intérêt au regard des responsabilités que sont les miennes dans ce domaine au Burkina Faso. Au-delà de l’opportunité qu’offre ce forum de faire le bilan de l’action de ces médias dans le processus de transition en République Démocratique du Congo, les aspects particuliers liés au renforcement de leur rôle dans l’approfondissement de la liberté de l’information et de la communication, ainsi que l’enracinement de la démocratie et de la bonne gouvernance en Afrique, constituent des centres d’intérêt majeur, en ce qu’ils se situent au cœur des préoccupations du continent. On ne le dira jamais assez, la liberté de la presse et la démocratie sont les deux faces de la même médaille. Au moment où nous nous interrogeons sur le rôle des Institutions d’appui à la démocratie en RDC, je me fais le plaisir d’aborder la question de la liberté de la presse et la problématique de son contrôle. Cette approche conduit à situer les enjeux de la régulation de l’information et de la communication en Afrique. K i n s h a s a ( R é p . d é m o c r a t i q u e d u C o n g o ) , 2 6 - 2 8 a v r i l 2 0 0 4 255 Séninaire international sur la gestion de la transition en République démocratique du Congo I. DE LA LIBERTE DE LA PRESSE ET DE SON CONTROLE Le concept de la « liberté » de la presse signifie, pour reprendre Emmanuel DERIEUX est la « faculté d’agir, de sa propre initiative, sans y être contraint ni en être empêché par quelque personne, puissance ou autorité qui n’aurait pas été formellement habilitée, ou qui interviendrait pour des motifs, au-delà des limites ou selon des moyens autres que ceux correspondant aux pouvoirs qui lui ont été conférés ».1 Dans sa déclinaison originale, le principe de liberté de presse, élargi plus tard au concept de liberté d’expression ou de communication, suppose une absence ou un abandon de toutes mesures de contrôle politique ou administratif préalable de la presse et notamment de son contenu. Les héraults de la Révolution française de 1789 en ont formellement posé le substrat philosophique dans l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme, tout citoyen peut donc parler, écrire, s’exprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». C’est au nom de son caractère sacré que la liberté d’expression et de communication est reconnue au même titre que d’autres libertés par les lois fondamentales. L’article 19 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948 stipule « que toute personne a droit à la liberté d’expression, ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou tout autre moyen que ce soit ». L’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme, adoptée dans le cadre du Conseil de l’Europe, le 14 novembre 1950 précise : « toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir et de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence des autorités publiques et sans considération de frontières ». Au Burkina Faso, la Constitution de la IVème République en son article 8 stipule que «les libertés d’opinion, de presse et le droit à l’information sont garantis. Toute personne a le droit d’exprimer et de diffuser ses opinions dans le cadre des lois et règlements en vigueur ». L’article 1er du Code l’information stipule « le droit à l’information fait partie des droits fondamentaux du citoyen burkinabé ». 1 256 E. Derieux : Droit des médias, Dalloz, 2ème édition P. 8. K i n s h a s a ( R é p . d é m o c r a t i q u e d u C o n g o ) , 2 6 - 2 8 a v r i l 2 0 0 4 Séninaire international sur la gestion de la transition en République démocratique du Congo A tout bien analyser, les proclamations de la liberté de la presse sont faites de façon si péremptoire et si solennelle que l’on pourrait penser que cette liberté doit s’exercer sans encadrement. Mais dans un cadre social ou politique, on ne peut admettre une liberté sans contrepartie. Il nous faut donc dégager les raisons qui peuvent fonder la nécessité d’un contrôle des médias. Le concept de contrôle des médias peut faire frémir les âmes sensibles à l’indépendance de la presse, si l’on s’en tient au sens étymologique du mot. Il ne s’agit pas ici du contrôle administratif des médias. En effet, en application des pouvoirs généraux de police administrative auxquels les médias n’échappent pas également, des mesures restrictives de liberté peuvent être prononcées, selon des modalités différentes, dans tous les cas selon qu’il s’agit de périodes « normales » ou « exceptionnelles ». Le contrôle peut être défini comme la vérification du bon fonctionnement d’un système. Le contrôle consiste à prévoir, en cas de dysfonctionnement du système, des mécanismes pour en corriger les défaillances. En effet, tout en s’affirmant comme essentielle à la vie social, la liberté d’expression et de communication peut-elle être absolue ? Une liberté absolue pourrait-elle se déployer sans mettre à mal les droits et les aspirations de certains citoyens ou la cohésion des Etats africains dont la construction en tant que nation est encore un vaste chantier ? Les éléments de réponse à ces questionnements indiquent la nécessité d’un contrôle de la liberté de la presse. Mais quelle philosophie peut sous tendre ce contrôle ? Il y aurait de toute évidence danger pour la société que la liberté d’expression et de communication ne se fixe par des garde-fous. Au nom de quoi, du reste, un corps social peut-il s’arroger tous les droits sans s’imposer des devoirs ? Le législateur, tout en consacrant le principe de la liberté d’expression et de communication dans les dispositions de la Constitution, en fixe fort heureusement les limites. Il suffit, à cet égard, de se référer aux différentes lois relatives à la liberté d’expression. L’article 8 de la Constitution du Burkina Faso citée plus haut illustre parfaitement notre propos, en subordonnant la liberté d’opinion au respect de la loi. Il en est de même des dispositions prévues par la Loi de février 2004 relative à la HAM (voir article en annexe). Si la limitation de cette liberté s’avère donc indispensable, elle doit être juridiquement déterminée, claire et officielle, connue de tous, être la même pour tous et appliquée à tous de la même façon. D’où la nécessité d’un contrôle qui, pour être efficace, doit se déployer au plan institutionnel pour rester dans la logique des principes républicains. Dans ces conditions, le contrôle n’est pas a priori antinomique à l’exercice de la liberté. Le contrôle qui s’exerce dans le cadre de la loi ne peut remettre en cause les fondements de la liberté d’expression et de communication. K i n s h a s a ( R é p . d é m o c r a t i q u e d u C o n g o ) , 2 6 - 2 8 a v r i l 2 0 0 4 257 Séninaire international sur la gestion de la transition en République démocratique du Congo Le contrôle doit être par conséquent indépendant de toute ingérence politique pour permettre l’expression de tous les courants d’idées et d’opinions qui traversent la société globale. La liberté de la presse devant donc être soumise à la loi, comme toutes les autres libertés, la question reste de savoir si le contrôle de son application doit relever d’un organe indépendant du pouvoir et de la presse. La question est importante, pour que le principe et les mécanismes du contrôle ne servent pas d’alibi à une restriction de la liberté de la presse. II. DU STATUT DU JOURNALISTE EN AFRIQUE Si partant de la loi garantie la liberté de la presse, celle-ci ne peut s’affirmer que si les hommes qui en assurent la mise en œuvre sont juridiquement protégés. Il faut également que leur situation sociale contribue à leur indépendance dans le traitement de l’information. La situation du journaliste africain, en raison de facteurs socio-politiques particuliers, n’est pas toujours favorable à l’exercice de la profession. Il nous semble qu’une première distinction doit être faite entre le journaliste (ou journalisme) d’Etat et le journaliste des organes privés (ou journalisme privé). Les motivations et les contraintes de travail ne sont pas toujours les mêmes. Le journaliste employé par les médias publics est généralement en Afrique un fonctionnaire, soumis au pouvoir hiérarchique. Sa liberté doit être alors constamment conquise en raison de la tendance du politique à orienter l’information en faveur du système en place par la subordination des hommes des médias. Soumis au pouvoir hiérarchique, le journaliste fonctionnaire se révèle être dans la pratique un privilégié sans privilèges que l’arme redoutable de l’information qu’il détient ne soustrait pas pour autant de relations problématiques et équivoques avec le pouvoir politique. On connaît les fortunes de certains journalistes africains qui ont essayé d’incarner tout ce que la profession a de plus noble en termes d’indépendance d’esprit et d’objectivité dans le traitement de l’information. En effet, lorsqu’au nom des principes qui guident l’exercice de son métier, le journaliste africain en arrive à analyser une information dans un sens contraire aux intérêts du système dominant, il est généralement catalogué comme un opposant, avec tous les risques qu’il peut encourir dans le déroulement de sa carrière. Dans les rédactions africaines, on constate donc des classifications des journalistes en journalistes du « pouvoir » et en journalistes de « l’opposition ». Une telle situation affaiblit le journaliste et le journalisme africain, et par conséquent, la presse africaine dans l’accomplissement de sa mission. Selon le Professeur Serge Théophile BALIMA de l’Ecole Supérieure de Journalisme et de la Communication de l’Université de Ouagadougou, estime que les journalistes représentent des « porteurs de mallettes », exposés par conséquent aux pouvoirs politiques et aux pouvoirs d’argent. Il faut en conclure que la situation sociale du journaliste est déjà une grande entrave à son action. 258 K i n s h a s a ( R é p . d é m o c r a t i q u e d u C o n g o ) , 2 6 - 2 8 a v r i l 2 0 0 4 Séninaire international sur la gestion de la transition en République démocratique du Congo D’où la nécessité d’un statut qui protège le journalisme africain, tant il est vrai qu’il subsiste encore, de la part des dirigeants africains, des réflexes résiduels de l’Etat d’exception qui les conduisent à vouloir contingenter l’action des médias publics. La situation n’est pas toujours différente dans les organes de presse privés. Le patron de presse devient le nouveau potentat à la place du pouvoir politique qui admet difficilement un traitement de l’information qui ne serait pas en adéquation avec la sensibilité politique ou la ligne éditoriale de l’organe. La clause de conscience n’est pas reconnue aux journalistes africains. Pour ce qu’il nous a été donné de constater au Burkina Faso, à quelques exceptions près, la plupart des organes privés fonctionnent comme des structures du secteur informel : – – – – – absence d’un statut du personnel, absence d’un contrat de travail, absence d’une grille salariale, non déclaration au régime de sécurité sociale, mobilité du personnel, etc … Cette situation de précarité expose ces personnalités au « mercenariat de la plume », à la corruption, ce que nous appelons au Burkina Faso le « gombo ». Cette précarité se double d’une défaillance au niveau de sa formation. L’absence de formation adéquate est également à l’origine de nombreuses dérives d’ordre éthique et déontologique dans les médias africains. Bien des procès de malheureux mais justifiés auraient été évités avec un minimum de maîtrise professionnelle. Face à ce tableau d’ensemble, quel peut être le rôle des Instances de régulation de l’information et de la communication dans la promotion de la liberté de la presse en Afrique ? III. LES INSTANCES DE REGULARISATION DES MEDIAS EN AFRIQUE Réguler, d’après le dictionnaire méthodique, c’est déterminer, orienter, contrôler. On régule, ainsi les naissances dans le cadre d’une politique démographique, on régule des secteurs économiques, des marchés, etc … La régulation est en général le moyen d’assurer le fonctionnement correct et harmonieux d’un système déréglementé. La déréglementation qui précède toujours la régulation, n’est pas la suppression de toute réglementation, mais la levée des obstacles à la concurrence. Le principal instrument de régulation est généralement une autorité administrative indépendante. Mais quelle est la nature juridique des organes de régulation ? D’après Gentot dans « les Autorités Administratives Indépendantes », les Instances de régulation sont « des organes publics non juridictionnels qui ont reçu la mission d’assurer la régulation dans un K i n s h a s a ( R é p . d é m o c r a t i q u e d u C o n g o ) , 2 6 - 2 8 a v r i l 2 0 0 4 259 Séninaire international sur la gestion de la transition en République démocratique du Congo secteur sensible, de veiller au respect de certains droits des administrés et qui sont dotés de pouvoirs et de garanties statutaires leur permettant d’exercer leurs fonctions sans être soumis à l’emprise du gouvernement ». 2 Innovation majeure de point de vue juridique, les instances de régulation en tant qu’autorités administratives indépendantes, témoignent d’une situation des rapports Etats/Sociétés. Selon Agnès Chauveau, elles constituent une réponse originale des pouvoirs publics au besoin de régulation et de protection des libertés individuelles et publiques des secteurs concernés. En réalité, l’Etat lui-même voudrait par là se soustraire d’une activité dont le caractère est essentiellement privé d’une part, et d’autre part et par souci de neutralité, assurer, dans la gestion des médias les principes de pluralisme, d’égalité et d’équité dictés par la loi. En théorie, l’instance de régulation crée la distance entre l’exécutif et le secteur régulé, en l’occurrence celui des médias publics, ceci dans la nécessité de ne pas donner l’impression d’une mainmise de l’Etat dans ce secteur. La création des instances de régulation n’a cependant pas privé, de tout pouvoir d’intervention, l’autorité publique dans la gestion des médias. Si dans la démocratie occidentale, il n’existe pratiquement plus de Ministre de l’Information, dans la quasi totalité des pays africains, les médias publics sont sous la tutelle directe d’un Ministère. Cette situation crée souvent des conflits de compétence (quand les textes sont clairs) qui amenuise les possibilités d’action des instances de régulation de l’information. Même dans les pays développés l’exécutif et le Parlement qui sont la source traditionnelle du droit positif ont toute la latitude de modifier le champ de compétence et les missions des instances de régulation. Alors, les Instances de régulation seraient-elles des mirages offerts à l’opinion publique pour mieux masquer la mainmise de l’Etat sur le secteur des médias ? Il convient ici de relativiser le jugement, souvent sévère, fait à l’endroit des instances de régulation. Si les médias sont considérés comme un contre-pouvoir, tel ne peut être le cas d’une autorité même indépendante. Une autorité de régulation des médias irait à l’encontre de la loi en se comportant comme un contre-pouvoir. L’indépendance dont elle doit faire preuve n’est dirigée contre personne. Elle doit garantir l’expression de toutes les opinions dans le cadre des impératifs dictés par la Loi. Pour reprendre une fois de plus Agnès Chauveau, la vocation des autorités indépendantes est « de médiatiser et rééquilibrer la relation souvent conflictuelle entre l’Etat et la société ». 2 260 41 – Gentot : les autorités administratives indépendantes, Montchrestis, Paris, 2ème édition 1994. K i n s h a s a ( R é p . d é m o c r a t i q u e d u C o n g o ) , 2 6 - 2 8 a v r i l 2 0 0 4 Séninaire international sur la gestion de la transition en République démocratique du Congo Mais dans les faits, la tentation demeure grande pour tout pouvoir politique de chercher à s’assurer le contrôle du pouvoir médiatique, dont en particulier celui de l’instance de régulation. L’avènement des Instances de régulation de l’information et de la communication en Afrique date seulement d’une décennie. C’est à la faveur de l’ouverture démocratique dans nos Pays, que s’est accompagnée la mise en place de mécanismes de protection et de renforcement des libertés politiques, qu’ont émergé progressivement ces Instances dans les schémas institutionnels des Etats africains. Le constat antérieur est que les médias, d’une manière générale, étaient sous l’apanage exclusif des pouvoirs en place. C’était la longue période « d’instrumentalisation » de la presse au service soit d’une idéologie soit de régimes en quêtes de légitimité. Avec l’ère nouvelle qui s’est ouverte, les constitutions africaines ont pris la précaution d’aménager un statut particulier pour la presse afin que celle-ci soit le reflet plus ou moins fidèle des opinions plurielles qui s’expriment dans la vie nationale. Dans plusieurs pays africains, la base de cette liberté de la presse est stipulée dans la constitution et/ou dans des codes spécifiques portés par des lois. Comme vous le savez, Mesdames et Messieurs, le domaine de l’information de la communication a été de tout temps porteur d’énormes enjeux. Il est donc apparu nécessaire de prendre des dispositions et de fixer des règles pour que la gestion des médias réponde aux exigences du service public. Cette mutation s’est opérée dans un contexte où le prodigieux développement des moyens de communications a conduit à une prise de conscience progressive des effets multiples exercés par la presse dans son ensemble sur le public, et de leur importance capitale dans la vie sociale et politique. Pour organiser des parades légales à la confiscation de l’information par les pouvoirs politiques africains, il s’est alors imposé dans cet optique la création d’autorités indépendantes pour mettre en œuvre les droits reconnus aux citoyens dans le domaine de la presse. Dès lors, les différents pays tenteront de concrétiser l’idée selon laquelle tous les courants d’opinions et de pensées doivent s’exprimer librement dans le cadre de lois et règlements ; mais en fonction d’un ensemble d’impératifs à contrôler et à orienter par une Instance indépendante de l’autorité politique et des autres sources d’influence sociale. Il est difficile de faire une énumération exhaustive des attributions des Instances de régulation au regard des nuances constatées çà et là sur le continent. Pour simplement m’appuyer sur le cas du Burkina, le Conseil Supérieur de l’Information a été créé en Avril 1995 par décret, puis la loi organique n°202000/AN du 28 juin 2000. Il a pour mission de garantir la liberté de presse et de s’assurer que l’activité des médias est conforme à la loi. Son domaine de compétence s’étend donc sur le secteur de l’audiovisuel public et privé et celui de la presse écrite publique et privée. Le Conseil Supérieur de l’Information se porte garant du respect des textes législatifs et réglementaires applicables aux diffuseurs publics et privés, et donc, de l’ensemble des règles qui protègent et encadrent la liberté de la communication. K i n s h a s a ( R é p . d é m o c r a t i q u e d u C o n g o ) , 2 6 - 2 8 a v r i l 2 0 0 4 261 Séninaire international sur la gestion de la transition en République démocratique du Congo Dans ce cadre, le Conseil Supérieur de l’Information veille à la sauvegarde des droits consacrés par la Constitution tels que, le respect des droits et de la dignité de la personne humaine, la protection et la promotion de la culture nationale. Vous me permettrez de relever les missions et les compétences les plus importantes du CSI. Pour l’essentiel, le Conseil Supérieur de l’Information a un certain nombre de missions. LE Conseil Supérieur de l’Information doit contrôler le fonctionnement régulier des médias. Ce contrôle porte sur la conformité des programmes des médias avec les dispositions des conventions signées et de leurs cahiers de charges respectifs, et sur le respect des obligations sociales, fiscales, administratives et financières édictées par les textes en vigueur. Le CSI a compétence pour contrôler le respect des principes fondamentaux régissant la publicité dans les médias. Ces missions sont fondamentales en matière d’ouverture des radios et télévision qui ont besoin de fréquences pour leur fonctionnement. La loi N°20-2000/AN du 28 juin 2000 reconnaît au Conseil Supérieur de l’Information le pouvoir d’autoriser l’exploitation de la radiodiffusion sonore et télévisuelle. Mais la gestion des fréquences relève de l’ARTEL. Le souhait de notre institution a toujours été que la gestion des fréquences et l’autorisation de leur exploitation soient confiées à la même instance, en l’occurrence le CSI. Mais pour l’heure, en raison de l’excellence des relations entre le CSI et l’ARTEL, il ne pose aucun problème dans la gestion des fréquences. L’ARTEL reste disponible et coopératif avec le CSI. Pendant longtemps les fréquences sont attribuées sur présentation des dossiers requis. L’autorisation d’exploitation est délivrée habituellement pour une durée de cinq (5) ans renouvelable dans des conditions précisées dans les cahiers de charges et de mission. Mais depuis juin 2003, nous avons institué l’appel aux candidatures qui permet de gérer les demandes dans une plus grande transparence et avec plus de rigueur. La délivrance de cette autorisation est subordonnée à la signature d’une convention entre le Conseil Supérieur de l’Information et les opérateurs retenus. Cette convention définit les obligations particulières à observer par les médias. Cette Convention définit les obligations particulières à observer par les médias. Le Conseil Supérieur de l’Information veille à ce que l’exploitation de toute fréquence octroyée commence de manière effective au plus tard dix (10) mois après la délivrance de l’autorisation d’exploitation. En mai dernier, nous avons procédé au retrait de trois fréquences conformément aux dispositions prévues, par la Convention. A partir d’un tel contrôle, le conseil essaie de faire assurer le pluralisme et l’équilibre de l’Information. L’une des missions de l’instance de régulation des médias est de veiller au respect de la pluralité des 262 K i n s h a s a ( R é p . d é m o c r a t i q u e d u C o n g o ) , 2 6 - 2 8 a v r i l 2 0 0 4 Séninaire international sur la gestion de la transition en République démocratique du Congo opinions et à l’accès égal et équitable des partis politiques, des associations, des syndicats et des composantes de la société civile à la presse écrite et aux médias audiovisuels publics (art. 21). Toutefois l’absence d’une loi sur la communication audiovisuelle limite la portée des dispositions de l’article 8 de la constitution et de l’article 21 de la loi n°20-2000/An du 28 juin 2000, relative au respect du pluralisme et à l’égal accès aux médias publics. Une telle loi devrait prendre en compte toute la réglementation du secteur audiovisuel public et privé qui connaît aujourd’hui un très grand développement dans notre pays qui comptent actuellement (soixante quatre (64) radios privées et trois stations de télévisions privées et une en phase de démarrage). L’absence également de cahiers de charges et de missions des médias publics constitue aussi une des faiblesses de notre système de contrôle des médias car il rend ainsi fragiles les compétences reconnues au CSI dans la gestion des médias publics en période hors électorale. Le Conseil Supérieur de l’Information peut également, à l’attention des pouvoirs exécutif et législatif, formuler des propositions, donner des avis et faire des recommandations sur les questions relevant de son domaine de compétence. Ce rôle gagnerait à être renforcé rendant l’avis consultatif du CSI plus ou moins obligatoire pour tous les projets de décisions et dispositions de nature réglementaires prises par le gouvernement ou toute autre institution compétence en la matière. Le CSI est habilité à saisir les autorités administratives ou judiciaires compétentes pour connaître des pratiques restrictives de la concurrence et de la concentration économique dans le secteur de l’information. De même peut être saisi par tout citoyen, toute association ou toute personne morale publique et privée pour examiner des questions relatives à son champ de compétence, le CSI peut également contribuer, selon la loi, au règlement non judiciaire des conflits entre les médias et entre les médias et le public. Comme toutes les Instances de régulation, le Conseil Supérieur de l’Information bénéficie d’un pouvoir normatif et réglementaire. A ce titre, il fixe les règles devant régir l’accès des partis politiques aux médias publics pendant les campagnes électorales. Bien que n’étant pas une juridiction, le CSI a un pouvoir de sanction que lui reconnaît l’article 36 de la loi organique n°20-2000/AN. Les sanctions sont les suivantes : – – la mise en demeure adressée au directeur de l’organe de presse concerné ; la suspension de la publication ou d’une partie du programme pour une période pouvant aller d’un mois à trois mois au plus ; K i n s h a s a ( R é p . d é m o c r a t i q u e d u C o n g o ) , 2 6 - 2 8 a v r i l 2 0 0 4 263 Séninaire international sur la gestion de la transition en République démocratique du Congo – le retrait de l’autorisation d’exploitation s’il y a lieu. Ces dispositions gagneraient à être reprécisées, dans la mesure où la loi n’énonce pas clairement les règles de procédure. Les règles édictées le sont uniquement au niveau des conventions dont la valeur juridique reste nettement en dessous de la loi. En dépit de son insuffisance, le Conseil Supérieur de l’Information est parvenu à remplir ses missions. C’est ainsi qu’à l’occasion du scrutin législatif du 5 mai 2002, l’institution a introduit un certain nombre d’innovations qui ont consacré définitivement son ancrage dans le paysage institutionnel du pays. Outre la gestion rigoureuse du scrutin sur la base de l’égalité d’accès des partis politiques en lice aux médias publics, l’Institution a : autorisé la couverture médiatique des consultations électorales par les radios privées ; initié avec l’accord et l’appui de l’Agence intergouvernementale de la Francophonie (AIF), qui en a assuré le financement, un séminaire/atelier sur la régulation de l’information en période électorale. Ce séminaire a regroupé : – – – les responsables des partis politiques en lice pour le scrutin ; les responsables des médias publics et privés ; certaines composantes de la société civile. Il en est résulté un code de bonne conduite signé par la quasi-totalité des partis politiques et des directeurs des médias, ce code véritable innovateur a contribué a « civilisé » les débats relatifs aux élections du 5 mai 2002. Les résultats atteints attestent d’un éveil progressif de la culture démocratique dans notre pays, si l’on en juge par la configuration de la Nouvelle Représentation Nationale (57 députés pour le parti au pouvoir contre 54 pour l’opposition). Le Conseil Supérieur de l’Information a initié et mis en œuvre une démarche pédagogique originale qui a eu le mérite de dissiper les suspicions qui ont toujours marqué, tout au moins au départ, la dynamique des relations entre les instances de régulation et les partis politiques d’une part, et d’autre part, entre ceux-ci et les médias en général. Par cette démarche, l’institution s’est forgée une bonne réputation et la confiance en elle restaurée. De mon point de vue, la gestion des scrutins futurs devra toujours être marquée par la neutralité et l’impartialité des décisions du Conseil. Mais un challenge demeure en ce qui concerne le respect du pluralisme et de l’équilibre de l’information en période non électorale. Celui-ci pose le problème de l’adoption des cahiers de charges et de missions des médias publics. La non résolution de ce problème entraîne nécessairement des préjugés et une forme de méfiance du pouvoir et des partis politiques à l’égard de l’institution. 264 K i n s h a s a ( R é p . d é m o c r a t i q u e d u C o n g o ) , 2 6 - 2 8 a v r i l 2 0 0 4 Séninaire international sur la gestion de la transition en République démocratique du Congo Comme on le voit, l’action des instances de régulation est délicate et apparaît comme une conquête permanente. Si l’émergence des Instances de régulation de l’information doit être située dans la dynamique des processus de démocratisation en Afrique, il y a encore de la part des dirigeants africains, une grande hésitation à leur faire jouer convenablement leur rôle. Il y a, certes, quelques Instances en Afrique qui jouissent d’une véritable crédibilité, mais globalement sur le continent, les Instances de régulation ne parviennent pas encore à remplir leurs missions. Cette situation s’explique par : – – – – – – – la subordination des Instances de régulation à l’autorité publique, en particulier les ministres en charge de l’information, la faiblesse des statuts des Instances, le dénuement total en moyen matériel et financier, l’absence des cahiers de charges et de missions des médias publics dans la plupart des pays africains, l’accaparement conséquent des médias publics par le parti au pouvoir, la nomination des responsables des médias publics à la seule initiative du Ministre, d’où le lien de subordination hiérarchique qui aliène l’indépendance des journalistes, l’absence d’une loi sur la communication audiovisuelle. Il faut donc craindre que, dans ces conditions, les Instances de régulation ne deviennent le recours institutionnel – et non légal – à la restriction de la liberté de la presse en Afrique, si elles n’ont pas les moyens leur permettant de jouer pleinement leur rôle au regard des attentes citoyennes en matière de liberté. Par conséquent, pour que les Instances de régulation puissent jouer convenablement le rôle de promoteurs de la liberté de la presse en Afrique, il faut corriger et compléter les textes législatifs et réglementaires qui organisent leur action. IV. PERSPECTIVES Les missions fondamentales de la presse sont entre autres, d’éduquer, de former les citoyens, et en particulier de susciter un éveil des consciences sur les grands problèmes liés au développement dans ses différentes dimensions. Dans le contexte africain, il s’agit également d’aider à la consolidation de la démocratie. Je dirais même que l’avenir de la démocratie en Afrique repose sur une presse libre forte et responsable. En rapport avec les objectifs du présent séminaire international, les grands axes de réflexion et d’action que j’identifie et qui me semblent devoir être mis au centre des débats sont les suivants : – définir le statut du journaliste africain pour le protéger juridiquement et socialement dans l’exercice de son métier, K i n s h a s a ( R é p . d é m o c r a t i q u e d u C o n g o ) , 2 6 - 2 8 a v r i l 2 0 0 4 265 Séninaire international sur la gestion de la transition en République démocratique du Congo – – renforcer le rôle des Instances de régulation de l’information dans la protection et la promotion de la liberté de la presse, rechercher un cadre et des modes de financement de formations de haut niveau au profit des journalistes africains. En ce qui concerne particulièrement les Instances de régulation de l’information et de la communication, il faudrait diligenter une étude sur les conditions et modalités d’une harmonisation des règles d’organisation et de fonctionnement de ces nouvelles autorités administratives, afin que cellesci puissent jouer pleinement leur rôle dans l’ancrage de la démocratie, de la liberté de la presse, et de la bonne gouvernance en Afrique. Dans ce sens, l’appui de la Francophonie à la concrétisation de la création de l’Union Francophone des Instances de Régulation de la Communication (UFIRC) me semble urgent et capitale. L’exemple réussi de l’impact des réseaux institutionnels de la Francophonie sur les structures locales en est la preuve. De même, la redynamisation du Réseau des Instances Africaines de Régulation de la Communication (RIARC) se pose avec acuité au moment où sur le Continent, la plupart de ces structures sont dénuées de pouvoirs réels ou sont dans la léthargie. Le séminaire de Kinshasa devra marquer un tournant décisif dans l’approche de la problématique de la liberté de la presse en Afrique. Il devra capitaliser toutes les idées émises à l’occasion des concertations antérieures, formuler des propositions et mettre en place une coordination chargée de la mise en œuvre de ses recommandations. En particulier, le statut et la place des Instances de régulation de l’information et de la communication dans le schéma institutionnel de nos Etats doivent faire l’objet d’une étude et de recommandations en direction des dirigeants africains afin de sauter les derniers verrous à la liberté de la presse. Il en est de même de la formation des hommes de médias. Il y aurait lieu d’identifier des structures de formation et de réfléchir au mode de financement de ces formations. Dans son plan d’action triennal, le Conseil Supérieur de l’Information a retenu ce volet comme un point essentiel dans ses activités de soutien à la presse. L’Afrique doit, à présent, franchir le cap de la consolidation du jeu démocratique pour se consacrer aux tâches de développement. CONCLUSIONS Nous ne sommes pas venus à Kinshasa en donneur de leçon. L’Afrique est à la fois une et plurielle. Chacun a ses réalités dans lesquelles se forge la démocratie. Notre lien commun demeure notre foi inébranlable à la démocratie, aux droits de l’Homme dans un espace qui a fait dans ce domaine d’énormes progrès, malgré les nombreuses difficultés qui jalonnent le parcours de chaque pays. 266 K i n s h a s a ( R é p . d é m o c r a t i q u e d u C o n g o ) , 2 6 - 2 8 a v r i l 2 0 0 4 Séninaire international sur la gestion de la transition en République démocratique du Congo Alors, je formule tous mes vœux les plus chers pour que la transition démocratique en République Démocratique du Congo atteigne ses objectifs dans la concorde nationale, la tolérance et la paix. Personne ne doute de ce passage crucial au regard de l’histoire récente de ce beau pays. Le Congo, ce grand Etat, doit réussir sa transition pour occuper la place qui est la sienne dans le combat permanent de notre espace linguistique pour la démocratie et le développement. Dans cette phase, le rôle de la presse et particulièrement de la Haute Autorité des médias (HAM) est capital. Le CSI se réjouit d’avoir reçu le 3ème Vice-Président de la HAM et deux de ses collaborateurs et d’avoir pu partager avec elle sa modeste expérience sur l’exercice de la liberté de la presse et de la régulation du secteur de la Communication au Burkina. Nous répondrons toujours présents car là où règne la paix sur une parcelle de l’Afrique, c’est une avancée pour l’ensemble du Continent, vers son mieux être. Je vous remercie. K i n s h a s a ( R é p . d é m o c r a t i q u e d u C o n g o ) , 2 6 - 2 8 a v r i l 2 0 0 4 267