Il faut qu`une porte soit ouverte ou fermée
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Il faut qu`une porte soit ouverte ou fermée
IL FAUT QU’UNE PORTE SOIT OUVERTE OU FERMEE … Comme le dit une fine comédie signée Alfred de Musset, qui traite dans un style vif et badin du problème de l’engagement (oh, comme c’est actuel !), il faut que les choix soient bien précisés, pour éviter tout qui pro quo… Une question qui touche à l’incertitude sur le sort de la présidence de la BCE, présente jusqu’il y a quelques jours, du fait des accusations d’implication de M. Jean–Claude Trichet, gouverneur de la Banque de France, dans le dossier du Crédit Lyonnais. Maintenant on le sait: la porte lui est ouverte, surprenant ou pas, il n’est pas coupable de quoi que ce soit dans le cas du CL, donc bonne chance pour le fauteuil de président de l’institut de Francfort, à partir du mois d’octobre… mais quel suspens ! TO BE OR NOT TO BE …A LA BCE Finalement, M Trichet peut respirer et espérer... à la présidence de la BCE ! Il vient d’être reconnu non coupable par le tribunal correctionnel de Paris dans le procès qui visait la falsification des comptes du Crédit Lyonnais, au début des années 1990. Un acquittement qui aide le banquier de 60 ans, anciennement chef de France Trésor, à retrouver sa crédibilité, de quoi lui faciliter, désormais, l’ascension à la succession de M. Wim Duisenberg à la tête de la BCE. Le même M. Duisenberg devait initialement quitter ses fonctions le 9 juillet prochain, mais avait accepté en avril dernier la proposition des 12 pays de l’Eurolande de garder son poste un certain temps, afin que la situation judiciaire de M. Trichet soit bien claire. Mais qui est donc ce M. Trichet ? Reconnu comme l’un des pères fondateurs de la nouvelle architecture européenne, il est prévu qu’il continue son rôle de promoteur des valeurs de l’Union, comme il l’avait fait à la tête du Trésor français et de la Banque de France, ou au sein de la BCE, en tant que supporter de l’introduction de la monnaie unique. Il est connu comme un pur monétariste, acteur principal dans les négociations qui ont donné à la BCE le même mandat de lutte contre l’inflation que son aïeul, la Bundesbank. Comme la Buba, son principal objectif est le contrôle des prix. Mais, récession oblige, pas plus loin que le mois dernier elle s’est décidée à alléger cette tâche : désormais elle chercherait à garder l'inflation près d’une limite de 2%, au lieu de veiller à ce qu’elle soit strictement en dessous de cette valeur. D’autant plus que l’on entre une période de baisses de prix, avec même un risque de déflation, surtout en Allemagne, où le taux d'inflation a déjà chuté au plus bas depuis 3 ans et ½, à 0,7% en mai. COMMENT DEVENIR PRESIDENT DE LA BCE ? Cela semble facile, avec l’appui d’un président si résolu que M Chirac, qui n’a pas hésité à menacer de veto le processus de nomination de M. Duisenberg en 1998, dans le cas où celui-ci ne quitterait pas sa place à mimandat, pour la laisser à un candidat français… tel que M. Trichet. Avec l’accord de principe arraché par le président Chirac lors du sommet de Bruxelles en mai 1998, on dirait qu’il n’y aura pas de problème pour le gouverneur de la BdF. Pourtant, être président de la BCE n’est pas si facile que cela : le no.1 de la Banque doit être nommé d'un commun accord (donc à l’unanimité) par les chefs d'Etats et de gouvernements de l'UE, et cela après une procédure longue et compliquée, établie par le Traité de Maastricht, qui demande la consultation du Parlement européen et de la Banque centrale. Pour ne pas endommager davantage la crédibilité (déjà heurtée par son immobilisme) de la BCE et de l’Union même, les chefs politiques essaient maintenant de ne plus jouer la carte du désaccord comme dans le cas de la nomination de Duisenberg. Il est alors vital pour la BCE, question d’image et de crédibilité, que son prochain président fasse l’unanimité, c’est le moment où la Banque doit oublier les luttes internes du pouvoir pour se concentrer plutôt sur la bataille contre les deux maux qui menacent l’économie européenne, la déflation et la récession. Déjà le géant économique appelé Eurolande, dont le PIB atteint les 8000 mlds. d’euros, n’a pas de quoi être fier de sa croissance au T1 (en stagnation), tandis que les 2 trimestres suivants pourraient être pires, avec une croissance négative… Ce n’est pas vraiment le bon moment pour se montrer faible, quand les 10 autres pays candidats se préparent à joindre l'UE (où le chômage atteint son taux le plus haut depuis 3 ans, à 8,8 %, et les déficits budgétaires flambent en Allemagne et en France) et à adopter l’euro (qui continue sa course infernale contre le dollar, avec +12 % depuis le début de l’année). QUAND LES GRECS ( ET NON SEULEMENT) FONT DES CADEAUX … Le w/e dernier fut un moment spécial pour M. Trichet, vu le cadeau que la réunion des chefs d’Etats de l’UE lui ont fait ce w/e en Grèce, où ils se sont approchés d’un consensus pour le nommer prochain no. 1 de la BCE. C’est le président Chirac qui, encore une fois (on connaît sa détermination depuis 1998) n’a pas cessé de faire du lobby pour M Trichet, pour arriver à arracher aux leaders politiques un autre accord formel, belle suite de la promesse de 1998 de donner à Trichet le boulot si convoité. Déjà le gouverneur de la BdF peut être fier de son fan club, qui compte, à côté de M. Chirac, d’autres VIP qui n’ont pas tardé à exprimer leur satisfaction à la proclamation de la sentence dans le dossier Crédit Lyonnais. On parle du chancelier allemand, Gerhard Schroeder qui se disait « très heureux pour M. Trichet » et l’issue du procès; ou du ministre des finances italien, Giulio Tremonti, qui avait une opinion «extraordinairement positive » de Trichet et de ses mérites. Depuis ce jour d’éclaircissement, le gouverneur français a déjà reçu l’approbation des leaders politiques italiens, grecs, portugais, luxembourgeois et du Parlement européen, mais la bataille n’est pas encore gagnée. Bien sûr, il y a aussi des soucis à se faire quant à l’unanimité : avec un personnage fort ambigu comme le PM italien, Silvio Berlusconi, qui de plus sera chargé de la présidence de l’UE au deuxième semestre et qui, à ce titre, sera responsable des négociations d’investiture à la tête de la BCE. Il faut savoir que le PM n’a rien à voir avec l’entente de 1998, parce qu’à l’époque il n’était pas encore en fonction ; de plus, les différends Chirac-Berlusconi sont évidents, on l’a vu récemment avec la position anti-guerre irakienne du président français, en forte opposition avec l’attachement du PM italien à la cause américaine. Il y a aussi d’autres voix qui ne lui sont pas si favorables que cela, comme celle du PM grec, Simitis, qui ne trouve pas normal que l’on discute déjà du choix du président de la BCE lors de la réunion de Porto Carras, car la décision devrait être prise d’abord par les ministres des finances et approuvée par le Parlement européen... Ou le semi-rejet de la Belgique, blessée part le fait qu’on lui a refusé deux candidats aux postes vacants du Conseil des gouverneurs de la même BCE, pour lesquels elle n’a pas eu le support français… alors pourquoi dire oui au candidat français, avant d’obtenir au moins un siège de direction ? Diplomate, le PM belge, Guy Verhofstadt, s’est contenté de dire: «on ne sait pas …on verra bien », quand on lui avait demandé de se prononcer pour ou contre Trichet. On le verra bien, et bientôt, cela est sûr, parce que les 15 veulent faire vite et dégager M Duisenberg de ses obligations, jusqu’au mois d’octobre … alors, comme l’union fait la force, et comme l’unanimité est de mise, la bataille pour le consensus reste ouverte. CRISTINA VASILESCU