Allemagne: Licenciement d`un salarié

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Allemagne: Licenciement d`un salarié
Allemagne:
Licenciement d’un salarié
Allemagne: Licenciement d’un salarié
Le licenciement (« Kündigung ») par une société allemande ou française d’un salarié employé en
Allemagne n’est pas aussi strictement règlementé qu’en France. Si l’entreprise n’emploie pas plus de
10 salariés, elle peut même licencier un salarié librement sans indication de motif. Pour les
entreprises de plus de 10 salariés la loi allemande sur la protection contre les licenciements sans
motif réel (« Kündigungsschutzgesetz ») s’applique. Cette loi prévoit qu’un motif de licenciement doit
exister pour justifier un licenciement.
La forme du licenciement en Allemagne
La résiliation des contrats de travail en Allemagne requiert la forme écrite (article 623 du code civil
allemand). Cette exigence de la forme écrite n’est remplie que si la notification du licenciement est signée
par l’employeur ou son représentant. Contrairement à la France, un entretien préalable n’est pas nécessaire.
Si la lettre de licenciement est signée par un représentant de la société allemande, la qualité du représentant
doit être clairement indiquée dans ce document. Le fait que le signataire soit dûment habilité à cette fin ou
pas n’a aucune incidence automatique sur la validité du licenciement. Or, si le licencié doute de l’habilitation
valable du signataire, il peut immédiatement contester le licenciement (article 174 du code civil allemand).
Par ailleurs, un simple paraphe d’un nom abrégé ne répond pas à l’exigence de la forme écrite. De plus, la
signature électronique ne répond pas à l’exigence de la forme écrite. Conformément à l’article 623 du code
civil allemand, la forme électronique est exclue pour les licenciements et les ruptures conventionnelles. Les
licenciements qui ne revêtent pas la forme écrite ne sont pas valables.
Une convention collective, un règlement intérieur ou le contrat de travail peuvent prévoir que la notification
du licenciement doit être faite par lettre recommandée. Cette prescription de forme a pour but de faciliter la
preuve de l’envoi du licenciement. Même si cette exigence de forme n’est pas remplie, dès lors que le
licenciement est notifié par écrit, celui-ci sera valable.
Contenu du licenciement en Allemagne
Le licenciement doit être sans équivoque et viser la rupture du contrat de travail. Par contre, il n’est pas
nécessaire de mentionner expressément le mot « licencier » dans la lettre de licenciement. Cette dernière
doit faire apparaître, de manière claire et non-équivoque, le moment auquel le contrat de travail prendra fin.
De règle générale, il suffit d’indiquer la date de la résiliation du contrat ou la durée du préavis. Selon la
jurisprudence, il suffit aussi d’indiquer les délais de préavis légaux, dans la mesure où ces indications
permettent au destinataire de la notification du licenciement de déterminer facilement la date à laquelle le
contrat de travail prendra fin. Le contrat ne peut être résilié que dans son intégralité ; un licenciement partiel
est sans effet. Si l’employeur ou le salarié souhaitent modifier seulement certaines conditions de travail, le
contrat de travail doit faire l’objet d’un licenciement avec en même temps une proposition de modification du
contrat de travail (« Änderungskündigung »).
Contrairement à la France, il n’existe pas pas d’obligation d’indiquer le motif du licenciement dans la lettre de
licenciement. C’est uniquement en cas de contestation du licenciement devant le tribunal que l’employeur
allemand doit indiquer le motif du licenciement. Le tribunal allemand du travail (« Arbeitsgericht ») vérifiera
donc à ce stade la réalité du motif de licenciement.
Réception du courrier de licenciement par le salarié
Le salarié doit réceptionner la lettre de licenciement. Une lettre de licenciement est réputée avoir été portée
à la connaissance du salarié et donc réceptionnée par ce dernier dès lors qu’elle a été délivrée de manière à
ce que cette personne puisse en prendre connaissance dans des conditions normales. En cas de remise en
main propre d’une notification de licenciement, le licenciement est réputé réceptionné au moment de la
remise. En cas d’envoi par la poste (dépôt dans une boîte aux lettres ou dans une boîte postale), la lettre de
licenciement est réputée réceptionnée au moment où la boîte aux lettres ou la boîte postale est
habituellement vidée. Une lettre de licenciement envoyée à l’adresse personnelle du salarié est, selon la
jurisprudence, considérée comme réceptionnée même si l’employeur sait que le salarié part en voyage
pendant ses congés.
Une lettre recommandée n’est considérée comme délivrée qu’au moment de la remise effective du courrier
par la poste au salarié. Contrairement à la France, le licenciement n’est pas encore notifié lorsque le facteur
dépose un avis de passage dans la boîte aux lettres. C’est pourquoi la réception de la lettre de licenciement
peut être retardée considérablement par l’envoi en lettre recommandée. Si un membre de la famille du
salarié absent pouvant être considéré comme personne habilitée à recevoir la correspondance de ce dernier
refuse de réceptionner la lettre de licenciement, celle-ci est réputée réceptionnée par le salarié si ce dernier
a influé sur le refus de réceptionner la lettre.
La réception du courrier de licenciement ne revêt aucune forme précise. Tout refus injustifié de la part du
salarié de réceptionner la lettre de licenciement équivaut à ce qu’il accepte que son licenciement lui a été
notifié.
Lorsque le dernier jour auquel un licenciement devant obligatoirement être notifié (afin de faire courir le délai
de préavis à une certaine date) tombe un dimanche, un jour officiellement férié ou un samedi, l’employeur
doit faire le nécessaire pour que la lettre de licenciement soit réceptionnée le jour ouvrable précédent ou, si
ceci n’est pas possible, de faire livrer la lettre le samedi, le dimanche ou le jour férié, le cas échéant par
coursier.
Le licenciement peut également être valablement notifié au salarié pendant son arrêt de travail pour maladie.
Le licenciement peut être notifié à tout moment et en tout lieu, également en dehors de l’entreprise et ce
même avant la date de début du contrat de travail.
Les préavis légaux en Allemagne
Sauf stipulation contraire dans le contrat de travail ou dans une convention collective, les préavis légaux
suivants s’appliquent en Allemagne :
1 mois pour moins de 5 ans d’ancienneté, 2 mois de 5 à 8 ans d’ancienneté, 3 mois de 8 à 10 ans
d’ancienneté etc.
Révocation du licenciement
Lorsque le licenciement a été notifié, celui-ci est irrévocable. Par conséquent, le licenciement ne peut pas
être révoqué après sa notification sans l’accord de l’autre partie, soit en l’occurrence le salarié. La révocation
du licenciement doit être considérée comme une proposition de la personne à l’origine du licenciement de
poursuivre l’ancienne relation de travail ou de conclure un nouveau contrat de travail. La personne à laquelle
le licenciement a été notifié peut accepter ou refuser cette proposition. La proposition peut aussi être
acceptée implicitement en poursuivant ou reprenant le travail d’un commun accord.
Délai de 3 semaines pour l’introduction d’une demande tendant à faire constater le caractère abusif
du licenciement
Un salarié allemand qui a été licencié dispose de trois semaines à compter de la réception de la lettre de
notification de licenciement pour introduire devant le conseil de Prud’hommes (« Arbeitsgericht ») compétent
une demande tendant à faire constater le caractère abusif du licenciement. Si le salarié n’a pas introduit une
demande pendant ce délai de 3 semaines, le licenciement ne pourra plus être contesté. Ce bref délai
allemand de contestation judiciaire du licenciement est une des différences importantes en la matière par
rapport au droit social français.
Indemnité de licenciement en Allemagne
Contrairement à la situation en France, l’indemnité de licenciement en tant que telle n’existe pas en
Allemagne. Si, dans le cadre d’une procédure devant un conseil de prud’hommes allemand, les parties ne
s’accordent pas sur le versement d’une indemnité de licenciement, l’employeur allemand peut être
condamné au versement d’une indemnité raisonnable. Le montant de l’indemnité est fixé par les tribunaux
en considérant les circonstances de l’espèce et notamment l’ancienneté du salarié.
En pratique, les juges utilisent souvent la formule suivante : 1 année d’ancienneté = ½ salaire mensuel brut.
Le plafond du montant de l’indemnité est fixé par la loi comme suit :
Age:
Ancienneté:
indifférent
à partir de
50 ans
à partir de
55 ans
à partir de
67 ans
indifférent
Indemnité
maximale
(salaires
mensuels):
12
15
15
20
18
indifférent
12
Consultation du comité d’entreprise allemand
Si la société allemande dispose d’un comité d’entreprise, celui-ci doit être entendu avant tout licenciement
(art. 102 de la loi allemande relative aux relations salariés-entrepreneur(s) au sein de l’entreprise /
« Betriebsverfassungsgesetz, BetrVG »). L’employeur doit communiquer au comité d’entreprise les motifs du
licenciement prévu. En cas de licenciement pour motif économique, il doit également lui indiquer les critères
d’ordre conformément à l’article 1 al. 3 de la loi allemande relative à la protection contre le licenciement sur
la base desquels le salarié est désigné comme salarié à licencier. Un licenciement prononcé sans
consultation préalable du comité d’entreprise est sans effet, que ce soit un licenciement pour cause réelle et
sérieuse ou un licenciement pour faute grave ou lourde. Toutefois, l’approbation du licenciement par le
comité d’entreprise n’est pas nécessaire : Même si le comité d’entreprise émet des réserves quant au
licenciement ou s’y oppose, le licenciement pourra toutefois être prononcé.
En cas des réserves émises relatives à un licenciement pour cause réelle et sérieuse (« ordentliche
Kündigung »), le comité d’entreprise doit les communiquer à l’employeur dans le délai d’une semaine. À
défaut, l’accord du comité d’entreprise est réputé acquis. De plus, en présence d’un ou plusieurs des motifs
suivants, le comité d’entreprise peut contester un licenciement pour cause réelle et sérieuse pendant une
semaine (art. 102 al. 2 de la loi allemande relative aux relations salariés-entrepreneur(s) au sein de
l’entreprise) :
1. L’employeur n’a pas tenu compte ou n’a pas tenu suffisamment compte des 4 critères légaux d’ordre
sociaux (l’ancienneté, l’âge, les charges de famille et l’handicap grave) dans le cadre de la détermination du
salarié devant être licencié.
2. Le licenciement ne respecte pas les règles de sélection relatives au choix des personnes lors d’un
licenciement fixées par l’article 95 de la loi allemande relative aux relations salariés-entrepreneur(s) au sein
de l’entreprise (« Betriebsverfassungsgesetz, BetrVG »).
3. Le salarié qui doit être licencié peut occuper un autre poste dans le même établissement ou dans un
autre établissement de l’entreprise dans le cadre d’un reclassement.
4. Le reclassement du salarié est possible après des mesures raisonnables de formation.
5. Le salarié peut être conservé en modifiant, en accord avec ce dernier, les conditions de son contrat de
travail.
Si l’employeur prononce le licenciement malgré l’opposition du comité d’entreprise en raison d’un des 5
motifs ci-dessus, l’employeur doit remettre au salarié en même temps que le licenciement une copie de l’avis
du comité d’entreprise. Si le licenciement est valablement contesté par le comité d'entreprise dans les délais
prévus à ce sujet et que sa validité est contestée en justice par le salarié, ce dernier doit, à sa demande, être
réintégré à son poste de travail sous des conditions de travail non modifiées jusqu’à la fin définitive de la
procédure judiciaire. Le tribunal peut toutefois libérer l'employeur, à la demande de ce dernier, de cette
obligation lorsque la demande du salarié de contester la légalité du licenciement paraît vouée à l'échec ou
lorsque l'employeur subit de ce fait un préjudice économique ou si l'opposition formulée par le comité
d'entreprise est manifestement infondée.
Si le comité d’entreprise soulève des objections à l’encontre d’un licenciement pour faute grave ou lourde
(« ausserordentliche Kündigung »), il doit en informer l’employeur par écrit sans délai, donc sans
retardement fautif et, en tout état de cause dans les 3 jours au plus tard.
Consultation du comité des délégués des cadres supérieurs
Avant de prononcer le licenciement d’un cadre, si l’entreprise dispose d’un comité des délégués des cadres
supérieurs (« Sprecherausschuss »), l’employeur doit l’entendre et lui communiquer les motifs du
licenciement. Un licenciement qui a été prononcé sans avoir entendu ce comité n’est pas valable. Ce comité
dispose des mêmes délais que le comité d’entreprise pour contester le licenciement envisagé.
Déclaration imminente d’inscription en tant que demandeur d’emploi
L’employeur allemand doit informer le salarié avant la fin du contrat de travail de son obligation de chercher
lui-même activement un autre emploi et de l’obligation de se déclarer, dans les délais légaux, comme
demandeur d’emploi, et ce personnellement, auprès de l’agence pour l’emploi (« Agentur für Arbeit »)
compétente. L’employeur doit le libérer de son obligation de travail pour cela. Le manquement de
l’employeur à cette obligation d’information ne peut pas donner lieu à un versement de dommages et intérêts
au salarié.
Maintien du salarié dans son emploi pendant la procédure judiciaire contre le licenciement
La Cour fédérale allemande du travail (« Bundesarbeitsgericht ») a rendu la décision de principe suivante :
(BAG / Cour fédérale allemande du travail, jugement du 27.02.1985, GS 1/84) en dehors du droit de
contestation limité du comité d’entreprise mentionné ci-dessus (art. 102 al. 5 de la loi allemande relative aux
relations salariés-entrepreneur(s) au sein de l’entreprise), le salarié licencié contestant son licenciement
devant le tribunal du travail a le droit d’être réintégré à son poste de travail après expiration du préavis (ou
en cas de licenciement sans préavis, après la réception de la lettre de licenciement) et ce jusqu’à la clôture
définitive (c’est-à-dire aussi pendant une éventuelle procédure d’appel) de la procédure intentée contre la
mesure de licenciement si et seulement si :
 le tribunal considère que le licenciement n’est pas justifié et
 les intérêts supérieurs de protection de l’entreprise ne s’opposent pas à cette réintégration.
Le salarié n‘a, à l’inverse, aucun droit au maintien à son poste de travail jusqu’à la prononciation de la
décision de première instance, si le licenciement n’est pas manifestement injustifié. Si la décision de
première instance a été favorable au salarié, celui-ci doit, en règle générale, être maintenu à son poste de
travail jusqu’à la décision de deuxième instance. La seule incertitude de l’issue de la procédure d’appel ne
justifie pas un intérêt supérieur de l’employeur s’opposant au maintien du salarié au sein de l’entreprise.
Dans ce cas, d’autres circonstances devront être démontrées au bénéfice de l’employeur : par exemple en
cas de soupçon de divulgation des secrets de fabrication par le salarié ou en cas d’un comportement
pénalement réprimable ou dommageable du salarié ou bien en cas d’un désavantage économique
inacceptable pour l’employeur.