Consommation de cocaïne. Importance en médecine d`urgence.
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Consommation de cocaïne. Importance en médecine d`urgence.
512-516 Bodmer 376_f.qxp 27.6.2008 8:49 Uhr Seite 512 CURRICULUM Forum Med Suisse 2008;8(28–29):512–516 512 Consommation de cocaïne Importance en médecine d’urgence Michael Bodmer a,c, Marek Nemec a, André Scholer b, Roland Bingisser a a c Interdisziplinäre Notfallstation, Universitätsspital Basel, b Institut für klinische Chemie, Universitätsspital Basel, Abteilung für klinische Pharmakologie und Toxikologie Quintessence 쎲 L’intoxication à la cocaïne constitue un problème fréquent dans les services d’urgences interdisciplinaires. 쎲 La morbidité et la mortalité des consommateurs de cocaïne sont aggravées par la présence d’une polytoxicomanie (héroïne!), ainsi que la consommation de tabac et d’alcool. 쎲 Les complications potentiellement fatales de l’abus de cocaïne sont les délires, l’hyperthermie, l’infarctus du myocarde, l’accident vasculaire cérébral, l’hémorragie cérébrale et l’insuffisance rénale sur rhabdomyolyse. 쎲 Les benzodiazépines ont fait leurs preuves dans le traitement primaire des manifestations cliniques dues à la cocaïne, en particulier les délires, l’hyperthermie, l’hypertension et la tachycardie. 쎲 Les bêtabloquants non sélectifs sont contre-indiqués dans le traitement des complications cardiovasculaires et les bêtabloquants b1-sélectifs sont déconseillés. Summary Cocaine abuse. Pharmacology and clinical significance in an interdisciplinary emergency department chute de l’empire Inca au début du XVIe siècle, les indigènes travaillant dans les mines consommaient des feuilles de coca pour tromper la faim et la fatigue. Par la suite, la médecine occidentale a commencé à utiliser dans les pays européens des extraits de cette plante pour l’anesthésie locale. Entre 1854 et 1862, la cocaïne a été extraite des feuilles de coca (Erythroxylon coca) par de nombreux scientifiques. On recherchait les effets stimulants et euphorisants de la cocaïne en plus de ses propriétés anesthésiantes locales. Les premières évocations d’une dépendance ont concerné des personnages aussi célèbres que l’écrivain Sir Arthur Conan Doyle vers 1890. En 1896, le pharmacien Pemberton en Géorgie (Etats-Unis) a mis sur le marché le sirop de coca-cola (une mixture d’extraits de noix de kola africaine et de feuilles de coca) à l’intention des personnes âgées un peu fatiguées. Au début du XXe siècle, l’abus de cocaïne a pris en Amérique du Nord des proportions telles que le président américain Taft déclara en 1913 la cocaïne comme l’ennemi public numéro un [1, 2]. 쎲 Cocaine intoxication is a common problem in emergency departments. 쎲 Morbidity and mortality in cocaine abusers are accentuated by co-ingestion of illicit drugs (heroin), alcohol and nicotine. 쎲 Potentially fatal complications of cocaine abuse include delirium, hyperthermia, myocardial infarction, stroke, intracerebral bleeding or acute renal failure due to rhabdomyolysis. 쎲 Non-selective beta-adrenergic receptor antagonists are contraindicated in the treatment of cardiovascular complications associated with cocaine abuse. Selective beta-blocking agents are not recommended. 쎲 Benzodiazepines are effective as first line treatment for cocaine-related clinical symptoms such as delirium, hyperthermia, hypertension and tachycardia. Introduction En Amérique du Sud, on retrouve des traces de consommation de cocaïne près de 3000 ans avant J.-C. déjà. Les prêtres utilisaient probablement des feuilles de coca mâchées au cours des rituels et des trépanations qu’ils pratiquaient. Après la A propos de l’épidémiologie de la consommation de cocaïne en Suisse Selon l’Institut suisse de prévention de l’alcoolisme et des autres toxicomanies (sfa/ispa, état 08/2006), le nombre de consommateurs de cocaïne est estimé en Suisse à près de 60 000, dont environ 30 000 sont à considérer comme dépendants. Un quart des sujets qui ont commencé une cure de désintoxication en 2003 ont indiqué que la cocaïne était leur problème principal. Une étude suisse a évalué en 2002 la consommation de la cocaïne et d’autres drogues chez les adolescents de 16 à 20 ans et comparé les chiffres obtenus à ceux de 1993. En 1993, 3,8% des adolescents de sexe masculin avaient indiqué avoir consommé au moins une fois de la cocaïne durant leur existence. En 2002, ce chiffre est passé à 9,8% des adolescents de sexe masculin interrogés. Pour les femmes du même âge, ce chiffre est passé dans le même temps de 2,2 à 4,5% [3]. Vous trouverez les questions à choix multiple concernant cet article à la page 509 ou sur internet sous www.smf-cme.ch. 512-516 Bodmer 376_f.qxp 27.6.2008 8:49 Uhr Seite 513 CURRICULUM La cocaïne constitue-t-elle un problème dans les services d’urgence? Vitale et al. [4] ont revu toutes les données de la littérature portant sur la fréquence des tests sanguins et urinaires positifs pour la cocaïne chez les patients amenés dans un service d’urgences. Suivant cette étude (n = 11), 2,7 à 18,7% des patients examinés présentaient des traces de cocaïne. A titre de comparaison, les chiffres pour le cannabis, soit la drogue la plus fréquemment mise en évidence, se situaient entre 9,2 et 34,2%. La cocaïne est souvent présente dans le sang ou les urines des victimes de violences, d’accidents ou lors de suicides [2]. Formes d’application et pharmacocinétique de la cocaïne La cocaïne (benzoylméthylecgonine) est tirée des feuilles de cocaïer (arbuste de coca). La cocaïne des feuilles de coca représente environ 1% du poids sec. Après une série d’étapes d’extraction, on tire de la solution traitée à l’acide chlorhydrique de l’hydrochlorure de cocaïne facilement soluble dans l’eau et pouvant être administré par voie intraveineuse. Cette forme est également bien résorbée par voies nasale, orale, rectale et vaginale. Le chlorure de cocaïne est mis sur le marché noir sous une forme diluée, appelée Koks ou neige (snow). L’addition à l’hydrochlorure de cocaïne dilué dans l’eau d’une base ammoniaque donne naissance à une amine tertiaire très peu hydrosoluble (base moyennement forte, pKs 8,9) qui peut être extraite dans l’éther. Après évaporation du produit d’extraction, on obtient une «base libre» (free base), qui peut être soit inhalée par voie nasale ou buccale sous forme de «lignes», soit fumée. Le mélange de l’hydrochlorure de cocaïne à un soda aqueux (solution de carbonate de sodium) entraîne la formation, après évaporation, de cristaux blancs-jaunes (rocks), une forme de cocaïne appelée crack et qui peut être fumée avec ou sans tabac additionnel. Après injection intraveineuse (environ 10 mg) ou inhalation (20 à 250 mg), les effets de la cocaïne se manifestent en quelques secondes avec un pic d’activité après 1 à 5 minutes et se maintiennent durant environ 20 à 30 minutes. Après l’application nasale de cocaïne (25 à 100 mg), les effets surviennent en quelques minutes, atteignent leur maximum après 20 à 40 minutes et durent environ 90 minutes. La demi-vie de la cocaïne est de l’ordre de 40 à 90 minutes chez l’homme [5]. Chez l’humain, la cocaïne est essentiellement hydrolysée par voie enzymatique (fig. 1 x). Les principaux métabolites sont, en proportions plus ou moins égales, la benzoylecgonine et l’ecgonineméthylester, deux métabolites ne contribuant pratiquement pas à l’activité pharmacologique de la cocaïne [5]. La cocaïne est par ailleurs méta- Forum Med Suisse 2008;8(28–29):512–516 513 bolisée à un degré moindre en norcocaïne pharmacologiquement active par le système du cytochrome P450-3A4 et des monooxygénases contenant de la flavine [6]. Les taux sanguins de cocaïne sont doses-dépendants et la substance reste détectable après l’absorption pendant environ 12 heures; après la prise, la benzoylecgonine reste dosable dans le sang durant quelques cinq jours et dans l’urine entre un jour et demi et quatorze jours [6]. En présence d’alcool, la cocaïne est transestérifiée en coca-éthylène par voie enzymatique [6]. La formation de coca-éthylène pourrait expliquer pourquoi la combinaison cocaïne plus alcool est associée à une augmentation du risque de manifestations toxiques [7]. Pharmacologie de la cocaïne On considère classiquement que la cocaïne inhibe la recapture périphérique et centrale de certaines amines biogènes, notamment de la dopamine (DA), la noradrénaline (NA) et la sérotonine (5-HT) [5]. Tuncel et al. [8] ont montré que l’augmentation de la tension artérielle induite par la cocaïne est contrebalancée par une activation de l’arc réflexe des barorécepteurs. Les auteurs en ont conclu que la présence d’un réflexe de barorécepteurs intact pourrait constituer un mécanisme protecteur contre les catastrophes aiguës associées à la cocaïne. Selon Buccafusco et al., la cocaïne entraîne une augmentation de l’activité de certains neurones sympathicomimétiques bulbospinaux par stimulation de neurones cholinergiques du tronc cérébral avec pour conséquence une hypertension et une tachycardie [9]. La cocaïne bloque les canaux sodiques dépendant de la tension électrique des cellules nerveuses et myocardiques [5], ce qui peut conduire à un retard de conduction axonale et ventriculaire. L’inhibition des canaux potassiques cardiaques (hERG) par la cocaïne et le cocaéthylène pourrait expliquer l’allongement de l’intervalle QT observé sous cocaïne [10, 11]. On pense que l’inhibition de la recapture de la DA dans les régions mésolimbiques du cerveau est l’un des mécanismes responsables de l’effet euphorisant de la cocaïne [5]. Clinique de l’intoxication à la cocaïne La cocaïne agit pratiquement sur tous les organes [2]. Les décès associés à la cocaïne surviennent plus fréquemment chez les consommateurs chroniques. Les cofacteurs tels que la prise concomitante d’alcool, de nicotine ou d’opiacés (cocktails, speedballing avec l’héroïne) augmentent aussi bien la morbidité que la mortalité. Le délire, l’hyperthermie grave, les traumatismes, les actes suicidaires, les troubles du rythme cardiaque et l’in- 512-516 Bodmer 376_f.qxp 27.6.2008 8:49 Uhr Seite 514 CURRICULUM Benzoylecgonine Cocaïne hCE1 Ecgonineméthylester hCE2 Pseudo-ChE hCE1 CYP 3A4/FMO EtOH Cocaéthylène Norcocaïne Figure 1 Enzymes impliquées dans les principales voies de dégradation de la cocaïne. La réaction de la cocaïne avec l’éthanol (EtOH), qui donne naissance au cocaéthylène, est également représentée. hCE1: carboxylestérase humaine 1; hCE2: carboxylestérase humaine 2; pseudo-ChE: pseudocholinestérase; FMO: monooxygénases contenant de la flavine. farctus du myocarde sont les complications potentiellement fatales de la cocaïne. Du point de vue neuropsychiatrique, on peut se trouver confronté à un délire aigu, à des comportements auto-agressifs ou agressifs contre des tiers, à des hallucinations ou à une hyperthermie. Les accidents cérébrovasculaires sont avec les hémorragies sous-arachnoïdiennes et intracérébrales des complications extrêmement redoutables de la prise de cocaïne [12]. Les causes des accidents vasculaires cérébraux sont multifactorielles. Un spasme vasculaire et une crise hypertensive, ainsi qu’une augmentation de l’agrégation plaquettaire sont évoqués avec des lésions vasculaires athérosclérotiques préexistantes et des embolies cardiogènes. Les crises épileptiques, qui peuvent aller jusqu’à un état de mal épileptique tonico-clonique, ne sont pas rares sous cocaïne, comme cela a été rapporté à maintes reprises dans la littérature [13–15]. Le syndrome coronarien aigu (SCA) associé à la cocaïne occupe une place centrale lors de la prise en charge dans les services d’urgences. Hollander et Henry [16] ont résumé l’état actuel des connaissances scientifiques sur les causes, le diagnostic et le traitement du SCA sous cocaïne. Selon Mittleman et al. [17], le risque d’infarctus du myocarde dans l’heure qui suit la prise de cocaïne est 24 fois plus élevé; on ne sait pas combien de temps persiste cette augmentation du risque après la prise de cocaïne. La plupart des infarctus avec surélévation du segment ST (STEMI) surviennent toutefois dans les 24 premières heures. La durée, la localisation de la douleur thoracique, les symptômes d’accompagnement et le score de risque TIMI [18] n’apportent pas grand-chose au diagnostic [16]. Celui-ci se base en premier lieu sur la cinétique des valeurs de la troponine cardiaque. La sensibilité et la spécificité de l’ECG sont globalement faibles avec respectivement 40% et 60% [16]. Forum Med Suisse 2008;8(28–29):512–516 514 Cette clinique doit faire évoquer non seulement un SCA, mais aussi une dissection aortique [19]. La cocaïne peut entraîner toute une série de troubles du rythme, allant d’arythmies sinusales ou de tachycardies supraventriculaires relativement bénignes à des tachyarythmies ventriculaires potentiellement fatales, en particulier des torsades de pointes [10, 20]. Des cas de modifications de l’ECG de type Brugada ont aussi été rapportés récemment [21]. La consommation de cocaïne peut entraîner un bronchospasme sévère («crise d’asthme»), un pneumothorax ou un pneumomédiastin [2, 22]. L’inhalation de crack peut être à l’origine d’un tableau pulmonaire inflammatoire. Un état fébrile, une dyspnée, une hémoptysie, une hypoxémie et des infiltrats interstitiels ou alvéolaires diffus à la radiographie du thorax peuvent faciliter le diagnostic. Du point de vue du diagnostic différentiel, on pensera aussi à une pneumonie, à une pneumonie à éosinophiles, à une hémorragie intraalvéolaire et à l’œdème pulmonaire [22]. De nombreux cas de néphropathies aiguës ont été décrits sous cocaïne. Parmi celles-ci, la mieux documentée est l’insuffisance rénale avec myoglobinurie sur rhabdomyolyse [23]. L’hyperthermie, le délire, les lésions musculaires compressives dues à l’alitement, l’ischémie et la myotoxicité directe de la cocaïne sont les causes possibles. Des infarctus rénaux dus à des spasmes vasculaires et des thromboses des vaisseaux rénaux sont décrits dans la littérature [24]. Les manifestations gastro-intestinales de la cocaïne incluent des ulcères aigus et des ischémies [25, 26]. On rappellera ici aussi les complications observées chez les body packers (ingestion de paquets contenant de la cocaïne) et les body stuffers (introduction de paquets de cocaïne au niveau vaginal ou colorectal). La rupture de l’un de ces paquets (en moyenne 10 g de cocaïne) à l’intérieur de l’organisme peut entraîner une intoxication aiguë potentiellement fatale [27]. Traitement de l’intoxication à la cocaïne Si on excepte les lavages ou lavements orthogrades en cas d’absorption massive de cocaïne par voie orale ou chez les body packers, les mesures de décontamination ne jouent pas un rôle significatif [28, 29]. Les motifs de consultation dans les services d’urgences sont le plus souvent les douleurs thoraciques (chez près de 40% des patients), les crises d’angoisse, les tentatives de suicide et les syndromes de sevrage. Les transferts par la police ou par les proches ne sont pas rares, motivés en général par une perte de vigilance, des comportements agressifs ou des délires [30]. Dès l’arrivée au service d’urgences, on contrôle la tension artérielle, la fréquence cardiaque, la respiration et la vigilance. Les premières mesures thé- 512-516 Bodmer 376_f.qxp 27.6.2008 8:49 Uhr Seite 515 CURRICULUM rapeutiques ont pour objectif d’assurer les fonctions cardiovasculaire et respiratoire. La mise en évidence ou l’exclusion de blessures importantes (traumatisme crâniocérébral ou lésion de la colonne vertébrale), d’une hyperthermie ou d’une hypoglycémie se font en parallèle ou suivent immédiatement l’évaluation des fonctions vitales. Après la stabilisation du patient, on procède à l’anamnèse et à l’examen clinique. Après les six questions habituelles (quoi, combien, quand, par qui, pourquoi, comment?) on recherchera de manière ciblée des signes neurologiques de latéralisation et on demandera, le cas échéant, un CT cérébral. Les troubles thoraciques doivent faire suspecter un SCA, un barotraumatisme pulmonaire (manœuvre de Valsalva en cas d’inhalation) ou une dissection aortique. En cas de douleurs thoraciques anamnestiques, de dyspnée, d’hypo- Tableau 1. Résumé des principales options thérapeutiques dans l’intoxication à la cocaïne. Problème Traitement Commentaire Agitation, délire Lorazépam (par ex. Temesta®) 2–4 mg i.v., diazépam par ex. (Valium®) 5 mg i.v. Titration selon la réponse Tachycardie Krénosine® 6–12 mg i.v. supraventriculaire Insuffisance cardiaque: cardioversion Alternative: Isoptin® 5 mg i.v. sauf en cas d’insuffisance cardiaque Hyperthermie Réhydratation, refroidissement externe (sacs de glace, bains ou douches froides) Considérer une intubation et une relaxation musculaire Tachycardie ventriculaire Bicarbonate de sodium 50–100 ml 8,4% BicNa en bolus i.v. Lidocaïne 1,5 mg/kg en bolus i.v., perfusion 1–2 mg/min en continu Insuffisance cardiaque: cardioversion SCA Temesta® ou Valium® (cf. ci-dessus) 250–500 mg Aspégic® i.v. Héparine® 5000 U i.v. suivie d’une perfusion en continu Capsules de nitroglycérine répétées, début avec Perlinganit® 25–300 mg/min i.v. Régitine® 1 mg i.v. toutes les 5 min, perfusion 1–10 mg/h i.v. en continu Morphine® 2–4 mg i.v. toutes les 5–10 min Consilium de cardiologie STEMI: PTCA précoce! NSTEMI: PTCA dans l’intervalle Angor instable: surveillance pendant 12 h pour NFS Hypertension Temesta® ou Valium® (cf. ci-dessus) Nitroderm® TTS 10 mg selon l’effet, au maximum 60 mg ou Perlinganit® i.v. Régitine® 1 mg i.v. toutes les 5 min, perfusion en continue selon l’effet Alternative: nifédipine (par ex. Adalat® retard) 20 mg, évt à répéter ou Isoptin 5 mg i.v., évt à répéter Perlinganit®: titration selon réponse 25–300 mg/min i.v. Œdème pulmonaire Capsules de nitroglycérine Morphine® 2–4 mg i.v. Lasix® 20–40 mg i.v. Envisager une respiration assistée non invasive Bronchospasme Inhalation de Dospir® selon l’effet Envisager des stéroïdes inhalés Epilepsie Temesta® 2–4 mg i.v. Consilium de neurologie Recherche de causes secondaires Body packer Rx abdomen diagnostique Asymptomatique: envisager un lavement du côlon Rupture: chirurgie! Lavage: 1–2 l de Cololyt® par heure par sonde gastrique. Cave: abdomen aigu ou syndrome abdominal d’origine incertaine Forum Med Suisse 2008;8(28–29):512–516 515 xémie ou en cas d’anamnèse imprenable, un ECG et une radiographie du thorax sont de mise. On pensera également aux complications infectieuses en cas d’administrations intraveineuses de la drogue. Les examens de laboratoire comprendront une formule sanguine, une chimie sanguine, une recherche de drogues dans le sang et/ou l’urine, une alcoolémie et, le cas échéant, une gazométrie. En cas de douleurs thoraciques, on suivra l’évolution au cours du temps des enzymes cardiaques. Les manifestations cliniques d’un syndrome toxique sympathicomimétique (hypertension, tachycardie, délire), ainsi que l’hyperthermie et les douleurs thoraciques répondent en règle générale bien aux benzodiazépines intraveineuses. Le lorazépam (Temesta®) ou le diazépam (Valium®) peuvent être dosés en fonction de la réponse. Le diazépam entre plus rapidement en action que le lorazépam. Le lorazépam comporte de plus un risque de sédation excessive, car son efficacité maximale n’intervient qu’après 10–15 minutes. Une agitation sévère et une hyperthermie sont potentiellement létales et requièrent donc un traitement agressif. En cas d’hyperthermie réfractaire, on procèdera à un refroidissement physique et, selon nécessité, à une intubation endotrachéale et à une relaxation musculaire. Les fluctuations tensionnelles non maîtrisables sous traitement de benzodiazépines peuvent être traitées par la nitroglycérine (Nitorderm® TTS, Perlinganit® i.v.) ou l’a1-bloquant phentolamine (Regitin®). Les antagonistes du calcium à entrée en action rapide, tels que le vérapamil (Isoptin®, pas en cas d’insuffisance cardiaque symptomatique) ou la nifédipine (Adalat® retard) peuvent également être administrés. L’amlodipine (Norvasc®), dont les concentrations plasmatiques maximales ne sont obtenues qu’après six à douze heures, n’est pas appropriée. Les bêtabloquants non sélectifs sont contre-indiqués et les substances b1-sélectives ne sont pas recommandées (cf. ci-dessous) [31]. Le traitement du syndrome coronarien associé à la cocaïne (SCA) suit les guidelines habituelles. En s’écartant quelque peu de celles-ci, on renoncera cependant à l’administration de bêtabloquants [16, 31, 32]. Le propranolol (Inderal®) est un bêtabloquant non sélectif qui produit une vasoconstriction coronaire [33]. L’esmolol (Brevibloc®), un antagoniste b1 sélectif à courte durée d’action, entraîne une augmentation de la tension artérielle chez près de 20% des patients [34]. Le labétalol (Trandate®), un alpha- et bêtabloquant non sélectif (blocage bêta prédominant), augmente la fréquence et la mortalité des crises épileptiques dans le modèle animal [35]. Les benzodiazépines sont considérées comme traitement de première ligne, car elles diminuent la toxicité cardiovasculaire de la cocaïne, grâce à leurs effets dépressifs centraux [16, 36]. Pour la phentolamine, on a montré qu’elle pouvait inverser la vasoconstriction coronaire induite par la cocaïne [37]. C’est la raison pour laquelle les antagonistes 512-516 Bodmer 376_f.qxp 27.6.2008 8:49 Uhr Seite 516 CURRICULUM du récepteur a sont recommandés dans le traitement du SCA associé à la cocaïne [31]. Compte tenu du renforcement de l’agrégation plaquettaire observé sous cocaïne [38, 39], on administrera de l’acide acétylsalicylique (AAS, Aspirine®) dès qu’il y a suspicion fondée de SCA (à l’exception d’une hémorragie intracérébrale!). On ne dispose d’aucune donnée relative à l’utilisation de l’héparine (Liquémine®), des héparines de bas poids moléculaire (par ex. Daltéparine, Fragmine®), du clopidogrel (Plavix®) ou des inhibiteurs de la glycoprotéine IIb/IIIa. Dans le cas d’un STEMI, on privilégiera la PTCA face à la thrombolyse intraveineuse [16]. Comme il n’y a pas à notre connaissance de véritables recommandations pour le traitement des infarctus non transmuraux (NSTEMI) sous cocaïne, il n’y a aucune raison de penser que les patients ne profiteraient pas d’une PTCA dans les 48 premières heures. Vu leur bon pronostic à court terme, les patients avec douleurs thoraciques (mais sans surélévation du Forum Med Suisse 2008;8(28–29):512–516 516 segment ST à l’ECG ni augmentation de la troponine dans l’évolution) peuvent quitter le service des urgences dans un délai de douze heures [40]. La consommation chronique de cocaïne implique non seulement une toxicité cardiovasculaire aiguë, mais aussi des lésions cardiovasculaires à long terme. Le développement précoce d’une maladie coronarienne artériosclérotique, d’une hypertrophie du myocarde, d’une cardiomyopathie dilatée ou d’une myocardite est bien documenté. La consommation chronique simultanée d’alcool ou de nicotine augmente encore le risque [2, 5, 10, 41]. Le tableau 1 p résume les principales interventions thérapeutiques. Remerciements Nous tenons à remercier très chaleureusement le Prof. Stephan Krähenbühl et le Dr Manuel Haschke pour leur lecture critique du manuscrit, ainsi que leurs nombreuses suggestions et propositions d’amélioration. Références Correspondance: Dr Michael Bodmer Interdisziplinäre Notfallstation und Abteilung für klinische Pharmakologie und Toxikologie Universitätsspital Basel CH-4031 Basel [email protected] – Shanti CM, Lucas CE. Cocaine and the critical care challenge. Crit Care Med. 2003;31:1851–9. – Afonso L, Mohammad T, Thatai D. Crack whips the heart: a review of the cardiovascular toxicity of cocaine. Am J Cardiol. 2007;100:1040–3. – Treadwell SD, Robinson TG. Cocaine use and stroke. Postgrad Med J. 2007;83:389–94. – Scheid R, Schindler E, Biniek R. Cocaine-induced acute CNS diseases. Nervenarzt. 1999;70:315–21. – Hollander JE, Henry TD. 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Kokainabusus Pharmakologie und klinische Bedeutung auf einer interdisziplinären Notfallstation Michael Bodmera,c, Marek Nemeca, André Scholerb, Roland Bingissera a b Interdisziplinäre Notfallstation, Universitätsspital Basel, Institut für klinische Chemie, Universitätsspital Basel, Abteilung für klinische Pharmakologie und Toxikologie c Literatur 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26. 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 Das G. Cocaine abuse in North America: a milestone in history. J Clin Pharmacol. 1993;33:296–310. Shanti CM, Lucas CE. Cocaine and the critical care challenge. Crit Care Med. 2003;31:1851–9. Michaud PA, Berchtold A, Jeannin A, Chossis I, Suris JC. Secular trends in legal and illegal substance use among 16 to 20 year old adolescents in Switzerland. Swiss Med Wkly. 2006;136:318–26. Vitale S, van de Mheen D. Illicit drug use and injuries: A review of emergency room studies. Drug Alcohol Depend. 2006;82:1–9. Knuepfer MM. 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