Consommation de cocaïne. Importance en médecine d`urgence.

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Consommation de cocaïne. Importance en médecine d`urgence.
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Consommation de cocaïne
Importance en médecine d’urgence
Michael Bodmer a,c, Marek Nemec a, André Scholer b, Roland Bingisser a
a
c
Interdisziplinäre Notfallstation, Universitätsspital Basel, b Institut für klinische Chemie, Universitätsspital Basel,
Abteilung für klinische Pharmakologie und Toxikologie
Quintessence
쎲 L’intoxication à la cocaïne constitue un problème fréquent dans les services
d’urgences interdisciplinaires.
쎲 La morbidité et la mortalité des consommateurs de cocaïne sont aggravées
par la présence d’une polytoxicomanie (héroïne!), ainsi que la consommation de
tabac et d’alcool.
쎲 Les complications potentiellement fatales de l’abus de cocaïne sont les
délires, l’hyperthermie, l’infarctus du myocarde, l’accident vasculaire cérébral,
l’hémorragie cérébrale et l’insuffisance rénale sur rhabdomyolyse.
쎲 Les benzodiazépines ont fait leurs preuves dans le traitement primaire des
manifestations cliniques dues à la cocaïne, en particulier les délires, l’hyperthermie, l’hypertension et la tachycardie.
쎲 Les bêtabloquants non sélectifs sont contre-indiqués dans le traitement des
complications cardiovasculaires et les bêtabloquants b1-sélectifs sont déconseillés.
Summary
Cocaine abuse. Pharmacology and clinical significance
in an interdisciplinary emergency department
chute de l’empire Inca au début du XVIe siècle,
les indigènes travaillant dans les mines consommaient des feuilles de coca pour tromper la faim
et la fatigue. Par la suite, la médecine occidentale
a commencé à utiliser dans les pays européens des
extraits de cette plante pour l’anesthésie locale.
Entre 1854 et 1862, la cocaïne a été extraite des
feuilles de coca (Erythroxylon coca) par de nombreux scientifiques. On recherchait les effets stimulants et euphorisants de la cocaïne en plus de ses
propriétés anesthésiantes locales. Les premières
évocations d’une dépendance ont concerné des
personnages aussi célèbres que l’écrivain Sir
Arthur Conan Doyle vers 1890. En 1896, le pharmacien Pemberton en Géorgie (Etats-Unis) a mis
sur le marché le sirop de coca-cola (une mixture
d’extraits de noix de kola africaine et de feuilles
de coca) à l’intention des personnes âgées un peu
fatiguées. Au début du XXe siècle, l’abus de cocaïne
a pris en Amérique du Nord des proportions telles
que le président américain Taft déclara en 1913 la
cocaïne comme l’ennemi public numéro un [1, 2].
쎲 Cocaine intoxication is a common problem in emergency departments.
쎲 Morbidity and mortality in cocaine abusers are accentuated by co-ingestion
of illicit drugs (heroin), alcohol and nicotine.
쎲 Potentially fatal complications of cocaine abuse include delirium, hyperthermia, myocardial infarction, stroke, intracerebral bleeding or acute renal failure
due to rhabdomyolysis.
쎲 Non-selective beta-adrenergic receptor antagonists are contraindicated in
the treatment of cardiovascular complications associated with cocaine abuse.
Selective beta-blocking agents are not recommended.
쎲 Benzodiazepines are effective as first line treatment for cocaine-related clinical symptoms such as delirium, hyperthermia, hypertension and tachycardia.
Introduction
En Amérique du Sud, on retrouve des traces de
consommation de cocaïne près de 3000 ans avant
J.-C. déjà. Les prêtres utilisaient probablement
des feuilles de coca mâchées au cours des rituels
et des trépanations qu’ils pratiquaient. Après la
A propos de l’épidémiologie de la
consommation de cocaïne en Suisse
Selon l’Institut suisse de prévention de l’alcoolisme et des autres toxicomanies (sfa/ispa, état
08/2006), le nombre de consommateurs de cocaïne
est estimé en Suisse à près de 60 000, dont environ 30 000 sont à considérer comme dépendants.
Un quart des sujets qui ont commencé une cure
de désintoxication en 2003 ont indiqué que la cocaïne était leur problème principal. Une étude
suisse a évalué en 2002 la consommation de la cocaïne et d’autres drogues chez les adolescents de
16 à 20 ans et comparé les chiffres obtenus à ceux
de 1993. En 1993, 3,8% des adolescents de sexe
masculin avaient indiqué avoir consommé au
moins une fois de la cocaïne durant leur existence.
En 2002, ce chiffre est passé à 9,8% des adolescents de sexe masculin interrogés. Pour les
femmes du même âge, ce chiffre est passé dans
le même temps de 2,2 à 4,5% [3].
Vous trouverez les questions à choix multiple concernant cet article à la page 509 ou sur internet sous www.smf-cme.ch.
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La cocaïne constitue-t-elle un
problème dans les services d’urgence?
Vitale et al. [4] ont revu toutes les données de la
littérature portant sur la fréquence des tests sanguins et urinaires positifs pour la cocaïne chez les
patients amenés dans un service d’urgences. Suivant cette étude (n = 11), 2,7 à 18,7% des patients
examinés présentaient des traces de cocaïne. A
titre de comparaison, les chiffres pour le cannabis, soit la drogue la plus fréquemment mise en
évidence, se situaient entre 9,2 et 34,2%. La cocaïne est souvent présente dans le sang ou les
urines des victimes de violences, d’accidents ou
lors de suicides [2].
Formes d’application
et pharmacocinétique de la cocaïne
La cocaïne (benzoylméthylecgonine) est tirée des
feuilles de cocaïer (arbuste de coca). La cocaïne
des feuilles de coca représente environ 1% du
poids sec. Après une série d’étapes d’extraction,
on tire de la solution traitée à l’acide chlorhydrique de l’hydrochlorure de cocaïne facilement
soluble dans l’eau et pouvant être administré par
voie intraveineuse. Cette forme est également
bien résorbée par voies nasale, orale, rectale et
vaginale. Le chlorure de cocaïne est mis sur le
marché noir sous une forme diluée, appelée Koks
ou neige (snow). L’addition à l’hydrochlorure de
cocaïne dilué dans l’eau d’une base ammoniaque
donne naissance à une amine tertiaire très peu
hydrosoluble (base moyennement forte, pKs 8,9)
qui peut être extraite dans l’éther. Après évaporation du produit d’extraction, on obtient une
«base libre» (free base), qui peut être soit inhalée
par voie nasale ou buccale sous forme de «lignes»,
soit fumée. Le mélange de l’hydrochlorure de cocaïne à un soda aqueux (solution de carbonate de
sodium) entraîne la formation, après évaporation, de cristaux blancs-jaunes (rocks), une forme
de cocaïne appelée crack et qui peut être fumée
avec ou sans tabac additionnel.
Après injection intraveineuse (environ 10 mg) ou
inhalation (20 à 250 mg), les effets de la cocaïne
se manifestent en quelques secondes avec un pic
d’activité après 1 à 5 minutes et se maintiennent
durant environ 20 à 30 minutes. Après l’application nasale de cocaïne (25 à 100 mg), les effets
surviennent en quelques minutes, atteignent leur
maximum après 20 à 40 minutes et durent environ 90 minutes. La demi-vie de la cocaïne est de
l’ordre de 40 à 90 minutes chez l’homme [5].
Chez l’humain, la cocaïne est essentiellement hydrolysée par voie enzymatique (fig. 1 x). Les
principaux métabolites sont, en proportions plus
ou moins égales, la benzoylecgonine et l’ecgonineméthylester, deux métabolites ne contribuant
pratiquement pas à l’activité pharmacologique de
la cocaïne [5]. La cocaïne est par ailleurs méta-
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bolisée à un degré moindre en norcocaïne pharmacologiquement active par le système du cytochrome P450-3A4 et des monooxygénases contenant de la flavine [6].
Les taux sanguins de cocaïne sont doses-dépendants et la substance reste détectable après l’absorption pendant environ 12 heures; après la prise,
la benzoylecgonine reste dosable dans le sang durant quelques cinq jours et dans l’urine entre un
jour et demi et quatorze jours [6].
En présence d’alcool, la cocaïne est transestérifiée en coca-éthylène par voie enzymatique [6].
La formation de coca-éthylène pourrait expliquer
pourquoi la combinaison cocaïne plus alcool est
associée à une augmentation du risque de manifestations toxiques [7].
Pharmacologie de la cocaïne
On considère classiquement que la cocaïne inhibe
la recapture périphérique et centrale de certaines
amines biogènes, notamment de la dopamine (DA),
la noradrénaline (NA) et la sérotonine (5-HT) [5].
Tuncel et al. [8] ont montré que l’augmentation
de la tension artérielle induite par la cocaïne est
contrebalancée par une activation de l’arc réflexe
des barorécepteurs. Les auteurs en ont conclu
que la présence d’un réflexe de barorécepteurs
intact pourrait constituer un mécanisme protecteur contre les catastrophes aiguës associées à la
cocaïne. Selon Buccafusco et al., la cocaïne entraîne une augmentation de l’activité de certains
neurones sympathicomimétiques bulbospinaux
par stimulation de neurones cholinergiques du
tronc cérébral avec pour conséquence une hypertension et une tachycardie [9].
La cocaïne bloque les canaux sodiques dépendant
de la tension électrique des cellules nerveuses et
myocardiques [5], ce qui peut conduire à un retard
de conduction axonale et ventriculaire. L’inhibition des canaux potassiques cardiaques (hERG) par
la cocaïne et le cocaéthylène pourrait expliquer
l’allongement de l’intervalle QT observé sous cocaïne [10, 11].
On pense que l’inhibition de la recapture de la DA
dans les régions mésolimbiques du cerveau est
l’un des mécanismes responsables de l’effet euphorisant de la cocaïne [5].
Clinique de l’intoxication à la cocaïne
La cocaïne agit pratiquement sur tous les organes
[2]. Les décès associés à la cocaïne surviennent
plus fréquemment chez les consommateurs chroniques. Les cofacteurs tels que la prise concomitante d’alcool, de nicotine ou d’opiacés (cocktails,
speedballing avec l’héroïne) augmentent aussi
bien la morbidité que la mortalité. Le délire, l’hyperthermie grave, les traumatismes, les actes suicidaires, les troubles du rythme cardiaque et l’in-
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Benzoylecgonine
Cocaïne
hCE1
Ecgonineméthylester
hCE2
Pseudo-ChE
hCE1
CYP 3A4/FMO
EtOH
Cocaéthylène
Norcocaïne
Figure 1
Enzymes impliquées dans les principales voies de dégradation de la cocaïne. La réaction de la
cocaïne avec l’éthanol (EtOH), qui donne naissance au cocaéthylène, est également représentée.
hCE1: carboxylestérase humaine 1; hCE2: carboxylestérase humaine 2; pseudo-ChE: pseudocholinestérase; FMO: monooxygénases contenant de la flavine.
farctus du myocarde sont les complications potentiellement fatales de la cocaïne.
Du point de vue neuropsychiatrique, on peut se
trouver confronté à un délire aigu, à des comportements auto-agressifs ou agressifs contre des
tiers, à des hallucinations ou à une hyperthermie.
Les accidents cérébrovasculaires sont avec les
hémorragies sous-arachnoïdiennes et intracérébrales des complications extrêmement redoutables de la prise de cocaïne [12]. Les causes des
accidents vasculaires cérébraux sont multifactorielles. Un spasme vasculaire et une crise hypertensive, ainsi qu’une augmentation de l’agrégation plaquettaire sont évoqués avec des lésions
vasculaires athérosclérotiques préexistantes et
des embolies cardiogènes. Les crises épileptiques,
qui peuvent aller jusqu’à un état de mal épileptique tonico-clonique, ne sont pas rares sous cocaïne, comme cela a été rapporté à maintes reprises dans la littérature [13–15].
Le syndrome coronarien aigu (SCA) associé à
la cocaïne occupe une place centrale lors de la
prise en charge dans les services d’urgences.
Hollander et Henry [16] ont résumé l’état actuel
des connaissances scientifiques sur les causes, le
diagnostic et le traitement du SCA sous cocaïne.
Selon Mittleman et al. [17], le risque d’infarctus
du myocarde dans l’heure qui suit la prise de cocaïne est 24 fois plus élevé; on ne sait pas combien
de temps persiste cette augmentation du risque
après la prise de cocaïne. La plupart des infarctus avec surélévation du segment ST (STEMI) surviennent toutefois dans les 24 premières heures.
La durée, la localisation de la douleur thoracique,
les symptômes d’accompagnement et le score de
risque TIMI [18] n’apportent pas grand-chose au
diagnostic [16]. Celui-ci se base en premier lieu
sur la cinétique des valeurs de la troponine cardiaque. La sensibilité et la spécificité de l’ECG sont
globalement faibles avec respectivement 40% et
60% [16].
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Cette clinique doit faire évoquer non seulement
un SCA, mais aussi une dissection aortique [19].
La cocaïne peut entraîner toute une série de troubles du rythme, allant d’arythmies sinusales ou
de tachycardies supraventriculaires relativement
bénignes à des tachyarythmies ventriculaires potentiellement fatales, en particulier des torsades
de pointes [10, 20]. Des cas de modifications de
l’ECG de type Brugada ont aussi été rapportés
récemment [21].
La consommation de cocaïne peut entraîner un
bronchospasme sévère («crise d’asthme»), un
pneumothorax ou un pneumomédiastin [2, 22].
L’inhalation de crack peut être à l’origine d’un tableau pulmonaire inflammatoire. Un état fébrile,
une dyspnée, une hémoptysie, une hypoxémie et
des infiltrats interstitiels ou alvéolaires diffus à la
radiographie du thorax peuvent faciliter le diagnostic. Du point de vue du diagnostic différentiel,
on pensera aussi à une pneumonie, à une pneumonie à éosinophiles, à une hémorragie intraalvéolaire et à l’œdème pulmonaire [22].
De nombreux cas de néphropathies aiguës ont été
décrits sous cocaïne. Parmi celles-ci, la mieux documentée est l’insuffisance rénale avec myoglobinurie sur rhabdomyolyse [23]. L’hyperthermie,
le délire, les lésions musculaires compressives
dues à l’alitement, l’ischémie et la myotoxicité
directe de la cocaïne sont les causes possibles.
Des infarctus rénaux dus à des spasmes vasculaires et des thromboses des vaisseaux rénaux
sont décrits dans la littérature [24].
Les manifestations gastro-intestinales de la cocaïne incluent des ulcères aigus et des ischémies
[25, 26]. On rappellera ici aussi les complications
observées chez les body packers (ingestion de paquets contenant de la cocaïne) et les body stuffers
(introduction de paquets de cocaïne au niveau vaginal ou colorectal). La rupture de l’un de ces paquets (en moyenne 10 g de cocaïne) à l’intérieur
de l’organisme peut entraîner une intoxication
aiguë potentiellement fatale [27].
Traitement de l’intoxication
à la cocaïne
Si on excepte les lavages ou lavements orthogrades
en cas d’absorption massive de cocaïne par voie
orale ou chez les body packers, les mesures de
décontamination ne jouent pas un rôle significatif [28, 29]. Les motifs de consultation dans les
services d’urgences sont le plus souvent les douleurs thoraciques (chez près de 40% des patients),
les crises d’angoisse, les tentatives de suicide et
les syndromes de sevrage. Les transferts par la
police ou par les proches ne sont pas rares, motivés en général par une perte de vigilance, des
comportements agressifs ou des délires [30].
Dès l’arrivée au service d’urgences, on contrôle
la tension artérielle, la fréquence cardiaque, la respiration et la vigilance. Les premières mesures thé-
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rapeutiques ont pour objectif d’assurer les fonctions cardiovasculaire et respiratoire. La mise en
évidence ou l’exclusion de blessures importantes
(traumatisme crâniocérébral ou lésion de la colonne vertébrale), d’une hyperthermie ou d’une
hypoglycémie se font en parallèle ou suivent immédiatement l’évaluation des fonctions vitales.
Après la stabilisation du patient, on procède à
l’anamnèse et à l’examen clinique. Après les six
questions habituelles (quoi, combien, quand, par
qui, pourquoi, comment?) on recherchera de manière ciblée des signes neurologiques de latéralisation et on demandera, le cas échéant, un CT
cérébral. Les troubles thoraciques doivent faire
suspecter un SCA, un barotraumatisme pulmonaire (manœuvre de Valsalva en cas d’inhalation)
ou une dissection aortique. En cas de douleurs
thoraciques anamnestiques, de dyspnée, d’hypo-
Tableau 1. Résumé des principales options thérapeutiques dans l’intoxication à la cocaïne.
Problème
Traitement
Commentaire
Agitation, délire
Lorazépam (par ex. Temesta®)
2–4 mg i.v., diazépam par ex.
(Valium®) 5 mg i.v.
Titration selon la réponse
Tachycardie
Krénosine® 6–12 mg i.v.
supraventriculaire Insuffisance cardiaque: cardioversion
Alternative: Isoptin® 5 mg i.v.
sauf en cas d’insuffisance
cardiaque
Hyperthermie
Réhydratation, refroidissement
externe (sacs de glace, bains
ou douches froides)
Considérer une intubation et
une relaxation musculaire
Tachycardie
ventriculaire
Bicarbonate de sodium 50–100 ml
8,4% BicNa en bolus i.v.
Lidocaïne 1,5 mg/kg en bolus i.v.,
perfusion 1–2 mg/min en continu
Insuffisance cardiaque:
cardioversion
SCA
Temesta® ou Valium® (cf. ci-dessus)
250–500 mg Aspégic® i.v.
Héparine® 5000 U i.v. suivie d’une
perfusion en continu
Capsules de nitroglycérine répétées,
début avec Perlinganit®
25–300 mg/min i.v.
Régitine® 1 mg i.v. toutes les 5 min,
perfusion 1–10 mg/h i.v. en continu
Morphine® 2–4 mg i.v. toutes
les 5–10 min
Consilium de cardiologie
STEMI: PTCA précoce!
NSTEMI: PTCA
dans l’intervalle
Angor instable: surveillance
pendant 12 h pour NFS
Hypertension
Temesta® ou Valium® (cf. ci-dessus)
Nitroderm® TTS 10 mg selon l’effet,
au maximum 60 mg ou Perlinganit® i.v.
Régitine® 1 mg i.v. toutes les 5 min,
perfusion en continue selon l’effet
Alternative: nifédipine
(par ex. Adalat® retard) 20 mg,
évt à répéter ou Isoptin
5 mg i.v., évt à répéter
Perlinganit®: titration selon
réponse 25–300 mg/min i.v.
Œdème
pulmonaire
Capsules de nitroglycérine
Morphine® 2–4 mg i.v.
Lasix® 20–40 mg i.v.
Envisager une respiration
assistée non invasive
Bronchospasme
Inhalation de Dospir® selon l’effet
Envisager des stéroïdes
inhalés
Epilepsie
Temesta® 2–4 mg i.v.
Consilium de neurologie
Recherche de causes
secondaires
Body packer
Rx abdomen diagnostique
Asymptomatique: envisager un
lavement du côlon
Rupture: chirurgie!
Lavage: 1–2 l de Cololyt® par
heure par sonde gastrique.
Cave: abdomen aigu ou
syndrome abdominal
d’origine incertaine
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xémie ou en cas d’anamnèse imprenable, un ECG
et une radiographie du thorax sont de mise. On pensera également aux complications infectieuses en
cas d’administrations intraveineuses de la drogue.
Les examens de laboratoire comprendront une
formule sanguine, une chimie sanguine, une recherche de drogues dans le sang et/ou l’urine, une
alcoolémie et, le cas échéant, une gazométrie. En
cas de douleurs thoraciques, on suivra l’évolution
au cours du temps des enzymes cardiaques.
Les manifestations cliniques d’un syndrome
toxique sympathicomimétique (hypertension, tachycardie, délire), ainsi que l’hyperthermie et les
douleurs thoraciques répondent en règle générale bien aux benzodiazépines intraveineuses. Le
lorazépam (Temesta®) ou le diazépam (Valium®)
peuvent être dosés en fonction de la réponse. Le
diazépam entre plus rapidement en action que
le lorazépam. Le lorazépam comporte de plus un
risque de sédation excessive, car son efficacité
maximale n’intervient qu’après 10–15 minutes.
Une agitation sévère et une hyperthermie sont
potentiellement létales et requièrent donc un traitement agressif. En cas d’hyperthermie réfractaire, on procèdera à un refroidissement physique
et, selon nécessité, à une intubation endotrachéale
et à une relaxation musculaire. Les fluctuations
tensionnelles non maîtrisables sous traitement
de benzodiazépines peuvent être traitées par la
nitroglycérine (Nitorderm® TTS, Perlinganit® i.v.)
ou l’a1-bloquant phentolamine (Regitin®). Les antagonistes du calcium à entrée en action rapide,
tels que le vérapamil (Isoptin®, pas en cas d’insuffisance cardiaque symptomatique) ou la nifédipine (Adalat® retard) peuvent également être
administrés. L’amlodipine (Norvasc®), dont les
concentrations plasmatiques maximales ne sont
obtenues qu’après six à douze heures, n’est pas
appropriée. Les bêtabloquants non sélectifs sont
contre-indiqués et les substances b1-sélectives ne
sont pas recommandées (cf. ci-dessous) [31].
Le traitement du syndrome coronarien associé à
la cocaïne (SCA) suit les guidelines habituelles. En
s’écartant quelque peu de celles-ci, on renoncera
cependant à l’administration de bêtabloquants
[16, 31, 32]. Le propranolol (Inderal®) est un bêtabloquant non sélectif qui produit une vasoconstriction coronaire [33]. L’esmolol (Brevibloc®), un antagoniste b1 sélectif à courte durée
d’action, entraîne une augmentation de la tension
artérielle chez près de 20% des patients [34]. Le
labétalol (Trandate®), un alpha- et bêtabloquant
non sélectif (blocage bêta prédominant), augmente la fréquence et la mortalité des crises épileptiques dans le modèle animal [35]. Les benzodiazépines sont considérées comme traitement
de première ligne, car elles diminuent la toxicité
cardiovasculaire de la cocaïne, grâce à leurs effets dépressifs centraux [16, 36]. Pour la phentolamine, on a montré qu’elle pouvait inverser la
vasoconstriction coronaire induite par la cocaïne
[37]. C’est la raison pour laquelle les antagonistes
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du récepteur a sont recommandés dans le traitement du SCA associé à la cocaïne [31]. Compte
tenu du renforcement de l’agrégation plaquettaire observé sous cocaïne [38, 39], on administrera de l’acide acétylsalicylique (AAS, Aspirine®)
dès qu’il y a suspicion fondée de SCA (à l’exception d’une hémorragie intracérébrale!). On ne
dispose d’aucune donnée relative à l’utilisation
de l’héparine (Liquémine®), des héparines de
bas poids moléculaire (par ex. Daltéparine, Fragmine®), du clopidogrel (Plavix®) ou des inhibiteurs de la glycoprotéine IIb/IIIa. Dans le cas d’un
STEMI, on privilégiera la PTCA face à la thrombolyse intraveineuse [16]. Comme il n’y a pas à
notre connaissance de véritables recommandations pour le traitement des infarctus non transmuraux (NSTEMI) sous cocaïne, il n’y a aucune
raison de penser que les patients ne profiteraient
pas d’une PTCA dans les 48 premières heures. Vu
leur bon pronostic à court terme, les patients avec
douleurs thoraciques (mais sans surélévation du
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segment ST à l’ECG ni augmentation de la troponine dans l’évolution) peuvent quitter le service des
urgences dans un délai de douze heures [40].
La consommation chronique de cocaïne implique
non seulement une toxicité cardiovasculaire aiguë,
mais aussi des lésions cardiovasculaires à long
terme. Le développement précoce d’une maladie
coronarienne artériosclérotique, d’une hypertrophie du myocarde, d’une cardiomyopathie dilatée ou d’une myocardite est bien documenté. La
consommation chronique simultanée d’alcool ou
de nicotine augmente encore le risque [2, 5, 10, 41].
Le tableau 1 p résume les principales interventions thérapeutiques.
Remerciements
Nous tenons à remercier très chaleureusement
le Prof. Stephan Krähenbühl et le Dr Manuel
Haschke pour leur lecture critique du manuscrit,
ainsi que leurs nombreuses suggestions et propositions d’amélioration.
Références
Correspondance:
Dr Michael Bodmer
Interdisziplinäre Notfallstation
und Abteilung für klinische
Pharmakologie und Toxikologie
Universitätsspital Basel
CH-4031 Basel
[email protected]
– Shanti CM, Lucas CE. Cocaine and the critical care challenge.
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cardiac life support. Ann Emerg Med. 2001;37:S78–90.
Vous trouverez les références complètes et numérotées dans la
version en ligne de l’article sous www.medicalforum.ch.
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Korrespondenz:
Dr. med. Michael Bodmer
Interdisziplinäre Notfallstation und Abteilung für klinische Pharmakologie und
Toxikologie
Universitätsspital Basel
Hebelstrasse 32
CH-4031 Basel
[email protected]