israël - Consistoire de Paris
Transcription
israël - Consistoire de Paris
Avec Benny Levy Par Rémi Soulié Etre juif : Mon kaddish pour Lévi-Strauss Histoire : Les juifs du pape Israël : Le Royaume des saints Diasporas : Tolède l'inoubliable N°296 - DECEMBRE 2009 - 3€ M 01907 - 296 - F: 3,00 E 3:HIKLTA=\UXUUU:?a@c@t@g@k; N°296 - DÉCEMBRE 2009 AU SOMMAIRE D’ EDITO 4- Mon kaddish pour Lévi-Strauss par Josy Eisenberg DOSSIER 6- L'histoire des relations franco-israéliennes par Miriam Rosman et Laurence Coulon 4 11- Les petites manœuvres de France2 par Luc Rosenzweig 6 ISRAËL 13- Le Royaume des saints par Ami Bouganim LA CHRONIQUE DE GUY KONOPNICKI 11 16- Comment on écrit l'histoire HUMEUR 18- Interrogations par V.M 13 BONNES FEUILLES 20- Nous avons des choses à vous dire par Tareq Oubrou LA VIE DU CONSISTORIE - 24 PHILOSOPHIE 27- "L'histoire du retour de Benny Lévy" Un entretien avec Rémi Soulié 20 24 HISTOIRE 29- Les juifs du pape par Simone Mrejen Ohana TOURISME 32- Eilat : soleil et détente par Esther Hecht 33 REPÈRES - 33 DIASPORAS 33- Tolède l'inoubliable par Odette Lang LIVRES 34- par Paul Giniewski 29 32 EN BREF - 38 CINÉMA 39- Le récit captivant d'un grand patron capturé par Elie Korchia THÉATRE 40- Rencontre avec Lionel Abelanski par Hélène Hadas-Lebel COURRIER / CARNET - 41 27 39 40 VERBATIM - 42 Edité par S.a.r.l. Information Juive le journal des communautés au capital de 304,90 € INFORMATION JUIVE 17, rue Saint-Georges 75009 Paris Editorialiste : Josy Eisenberg Rédaction : 01 48 74 34 17 Administration : 01 48 74 29 87 Fax : 01 48 74 41 97 [email protected] Comité de rédaction : Josy Eisenberg, Michel Gurfinkiel, Victor Malka, Joël Mergui, Philippe Meyer Commission paritaire des journaux et publications : 0708K83580 Collaborateurs : Armand Abécassis, Anne-Julie Bémont, Albert Bensoussan, Paul Giniewski, Hélène Hadas-Lebel, Carol Iancu, Gérard Israël, André Kaspi, Naïm Kattan, Elie Korchia, Odette Lang, Annie Lelièvre, Daniel Sibony. Impression : SPEI Imprimeur - Tél. : 03 83 29 31 84 Fondateur : Jacques Lazarus Gérant de la SARL, directeur de la publication : Philippe Meyer Directeur : Victor Malka [email protected] Chroniqueur : Guy Konopnicki Durée de la société : 99 ans Administration : Jessica Toledano Maquette : Information Juive Photographies : Alain Azria Dépôt légal n° 2270. N°ISSN : 1282-7363 Les textes de publicité sont rédigés sous la responsabilité des annonceurs et n’engagent pas Information juive. Abonnement annuel : 33 € Abonnement de soutien : 46 € Abonnement expédition avion : 37 € ABONNEMENT EN LIGNE SUR WWW.CONSISTOIRE.ORG Les manuscrits nonJUIVE retenusJuin 2008 3 INFORMATION ne sont pas renvoyés. EDITO Mon kaddish pour Lévi-Strauss PAR JOSY EISENBERG L a disparition de Claude Lévi-Strauss n’a pas frappé très longtemps l’opinion publique. Moins en tout cas que celle de Michaël Jackson. On a tout juste entendu quelques voix suggérer de le faire entrer au Panthéon sous l’enseigne « aux grands noms de la patrie reconnaissante”. Je ne suis pas qualifié pour dire si l’œuvre du grand anthropologue méritait la reconnaissance de la patrie. Il a diffusé dans le monde des intellectuels des idées nouvelles sur ce qu’il était convenu d’appeler les “civilisations primitives” et remis en question le modèle de l’universalité de l’homme occidental. Longtemps, il sembla faire l’éloge du multiculturalisme, pour apporter finalement divers bémols à cette idée susceptible de susciter quelques dérives. Quel que soit l’intérêt de cette pensée, elle ne concerne qu’un vase clos de chercheurs trahison à l’égard de la France, les juifs français qui soutenaient trop inconditionnellement le sionisme. De l’autre, sur le peu de cas qu’il a fait du judaïsme dans la célébration des “mythologies” qui ont enrichi la civilisation. En fait, le judaïsme est tout simplement rayé de la carte. Alors qu’après la Shoah, nombre d’éminents intellectuels juifs décidèrent d’assumer leur judéité, tels Raymond Aron et Georges Friedman, cette idée ne semble Claude Lévi-Strauss Nous devons aussi apprendre à accepter l'autre facette de la perte : un juif assimilé n'est quelquefois pas perdu pour tout le monde. et n’a guère changé le cours de l’histoire. On ne peut pas dire, comme on pourrait le faire pour Freud et Einstein, qu’il y avait un avant et un après. D’ailleurs, Lévi-Strauss n’a pas eu de chance. A cause d’un homonyme américain, quand on prononce son nom, la plupart des gens pensent davantage aux blue-jeans qu’à l’anthropologie. Ce n’est pas l’essentiel. Pour le peuple juif, Claude Lévi-Strauss constitue un intéressant sujet de réflexion. Je passe, non sans tristesse, d’une part, sur les navrantes déclarations qu’il a faites concernant l’Etat d’Israël, allant jusqu’à traiter de 4 INFORMATION JUIVE Décembre 2009 pas l’avoir effleuré. Claude Lévi-Strauss constitue la parfaite illustration du verset du Cantique des Cantiques : “On m’a mise à garder les vignes ; ma propre vigne, je ne l’ai pas gardée.” Les Amérindiens, oui. Les Juifs, non! On peut légitimement parler de négationnisme du judaïsme, dans le droit fil de Marx ou de Chomsky. On parle souvent de juifs perdus. J’ai toujours considéré qu’un juif qui a perdu le judaïsme perd davantage que ce que le peuple juif a perdu. Je n’ai jamais eu de mépris pour les juifs assimilés : seulement une grande compassion. Cependant, le cas de Claude Lévi-Strauss constitue une intéressante opportunité d’enrichir le débat sur l’assimilation. Bien entendu, le premier devoir d’un juif est de rester juif. Toute perte de substance, surtout après la saignée que nous avons subie, est une vraie perte. Il faut cependant savoir jeter un autre regard sur cette perte : elle n’est pas totale. Le peuple juif a une double vocation, sur laquelle David Ben Gourion avait jadis fondé sa vision du monde, en commentant le verset d’Isaïe: “Je ferai de toi une alliance de peuple et une lumière pour les nations”. Alliance de peuple : l’unité potentielle du peuple juif. Lumière des nations : contribuer à diffuser des valeurs universelles. Il y a toujours eu deux messianismes dans la pensée juive : celui de David et celui de Joseph. David, c’est la foi. Joseph, qui sauva l’Egypte de la famine, représente pour sa part le juif qui se voue à améliorer la condition humaine et le monde des Gentils. La liste est longue de penseurs et de savants issus d’Israël qui ont changé le monde, ce qui, soit dit en passant, n’est pas vraiment le cas de l’anthropologie. Eussent-ils été plus utiles s’ils avaient vécu dans une yéchivah ? Chi lo sa ! Certes, savoir concilier les deux cultures, garder sa vigne tout en s’occupant de celle des autres, c’est ce que nous avons toujours prôné et souhaité. Mais, quoi que nous en ayons, nous devons aussi apprendre à accepter l’autre facette de la perte : un juif assimilé n’est quelquefois pas perdu pour tout le monde. C’était mon kaddish pour Claude Lévi-Strauss. DOSSIER L'histoire des relations franco-israéliennes Deux jeunes femmes, toutes deux chercheuses, toutes deux docteurs en Histoire et toutes deux habitant Israël, ont mené durant des années de longues recherches sur l'évolution des relations franco-israéliennes. Mme Miriam Rosman publie le résultat de ses recherches dans un livre intitulé " La France et Israël 1947-1970. De la création de l'Etat d'Israël au départ des vedettes de Cherbourg " ( Editions Honoré Champion). Mme Laurence Coulon, quant à elle, enseigne au lycée français de Tel Aviv. L'ouvrage qu'elle publie de son côté chez le même éditeur a pour titre " L'opinion française, Laurence Coulon Miriam Rosman Israël et le conflit israélo-arabe. 1947-1987 " Nous publions ci-dessous un entretien avec les deux auteurs. Deux sensibilités, deux démarches et peut-être aussi deux regards différents sur les relations entre Paris et Jérusalem qui ont toujours été marquées - nos deux invitées sont d'accord là-dessus - par un climat passionnel. Ce que disent les archives UN ENTRETIEN AVEC MIRIAM ROSMAN Vous consacrez votre recherche historique aux premières années des relations francoisraéliennes. On a parfois considéré ces premières années comme une “véritable idylle” entre les deux pays . Est-ce votre sentiment ? Je ne sais pas si, personnellement, j’utiliserais le mot idylle mais il a, sans conteste, à cette période, existé des amitiés et des liens très proches et très sincères, qui ont favorisé des relations exceptionnellement étroites entre les deux pays, même si évidemment chacun défendait ses intérêts propres. Mais la convergence de certains de ces intérêts, conjuguées aux circonstances particulières notamment issues de la seconde guerre mondiale, ont contribué à l’établissement de ces liens étroits. J’ai essayé pour ma part d’expliquer comment ces convergences associées aux liens personnels qui se sont tissés entre des individus appelés à évoluer dans les hautes sphères politique et militaire, ont favorisé très tôt les envois d’armements et de matériels militaires. Cette “lune de miel” atteindra son apogée avec la guerre de Suez. Pourquoi avoir arrêté la période que vous étudiez à 1970 ? Est-ce parce que, selon vous, l’épisode du départ des vedettes de Cherbourg est plus important que la guerre de six jours ? Mon analyse relativise ce tournant de 1967. En dépit de la guerre, les relations et les échanges se sont poursuivis – même parfois intensifiés - et de nombreux responsables militaires français restaient proches des Israéliens. Le départ des vedettes de Cherbourg et le fait que Moka Limon ait été déclaré persona non La consultation des archives israéliennes fut un atout considérable. Vedette lance-missiles MIVTACH 6 INFORMATION JUIVE Décembre 2009 DOSSIER grata, marquent à partir de 1970 une dégradation profonde et durable des relations entre les deux pays. Côté français, on se sent trahi ; côté israélien on ne compte plus sur l’aide française. On peut dater de là, le non vers la Norvège Leur disparition plonge les autorités françaises dans une rage folle. Le président Pompidou est ulcéré. Son ministre de la Défense, Michel Debré, fulmine, lance des ordres inconsidérés, veut punir les La proximité de la France avec de nombreux pays arabes n'est pas sans influence sur les relations entre la France et Israël, cela a été et reste une constante. début de l’ère de grand froid qui se poursuivra sous Pompidou et Giscard. Rappelez à nos lecteurs ce qu’a été cette affaire des vedettes de Cherbourg. Au printemps 1965, la France accepte de construire pour la marine israélienne, des vedettes lancemissiles très sophistiquées. Le chantier naval de Cherbourg est choisi pour cette construction, et pendant deux ans des équipes françaises et israéliennes collaborent à la construction de ces nouveaux navires. L’embargo vient compromettre toute l’affaire. Israël a un besoin vital de ces douze vedettes de la dernière génération, il les a achetées légalement et les a payées. Cinq vedettes ont été livrées avant l’embargo. Israël en récupère deux autres à l’arrachée. Cinq sont encore à livrer bloquées par l’embargo français. Israël commence alors à réfléchir à un moyen de les récupérer. En novembre 1969 une société norvégienne spécialisée dans le forage pétrolier en mer commande aux chantiers de Cherbourg des bateaux dont les caractéristiques techniques, mis à part l’armement, correspondent étrangement aux fameuses vedettes commandées par Israël. On demande aux Israéliens s’ils acceptent de céder leurs vedettes, à cette société.Les Norvégiens demandent alors à leurs vendeurs de leur fournir des équipages ce qui, un mois plus tard, justifie la présence à Cherbourg d’une centaine de matelots israéliens formés à manœuvrer ces vedettes. Dans la nuit du 24 décembre 1969, vers deux heures du matin, l’amiral Limon donne ordre de quitter le mouillage. En moins de vingt minutes, les vedettes franchissent les passes et disparaissent au regard d’une capitainerie encore engourdie par la veillée de Noël. La France a vite compris que les vedettes faisaient route vers Israël et responsables. L’Amirauté en fait les frais, mais les cinq bateaux sont à Haïfa pour le jour de l’An. L’affront sera long à digérer. sa politique israélienne dans la continuité de celle de ses prédécesseurs. Entre 1958 et 1962 les échanges, les visites de délégations, militaires ou politiques, se poursuivent. Des militaires israéliens de tous grades suivent des cours dans les écoles de guerre françaises, des amitiés continuent de se nouer, et Ben Gourion se rend à Paris en visite officielle en 1960 et 1961. La dégradation est progressive. Au début des années soixante, il n’y a pas une seule ambassade arabe à Paris exception faite de celle du Liban - en raison de la situation en Algérie et du soutien du monde arabe au combat des forces nationalistes algériennes. Avec les accords d’Evian et l’Indépendance de l’Algérie, il n’en va plus de même. Mais le changement n’est pas brutal car les liens sont étroits et anciens entre les différents organismes de la Défense, les compagnies françaises d’armement et leurs homologues israéliens. Parallèlement, la reconstruction des relations francoarabes prend du temps. Vous avez, pour vos recherches, bénéficié de l’ouverture de nombreux fonds d’archives importants et qui n’avaient pas été explorés jusque là. Que vous ont appris ces archives ? La consultation des archives israéliennes fut un atout considérable. Peu de travaux de recherche effectués en français se réfèrent à ces archives. J’ai pu les confronter aux souvenirs des témoins, entreprendre une analyse comparative des versions française et israélienne des mêmes événements. Les différents éclairages, parfois convergents, parfois au contraire contradictoires, permettent un meilleur recul face à la complexité de certaines problématiques. Confronter ainsi sources françaises et israéliennes, offre la possibilité de croiser nombres d’informations et aboutit à un tableau plus complet. David Ben Gourion et le Général Charles de Gaulle Est-ce que les premiers signes de la dégradation des relations entre Paris et Jérusalem sont apparus à partir de l’indépendance algérienne ? Le retour du Général De Gaulle au pouvoir ne modifie en rien les relations étroites entre les deux pays. Du moins pas immédiatement. Les collaborations se poursuivent. Dans un premier temps, De Gaulle inscrit Que disent sur toute cette époque les archives de Tsahal, l’armée israélienne que vous avez pu consulter ? Les archives de l’armée israélienne ne sont que partiellement ouvertes. J’y ai trouvé des comptes-rendus détaillés sur la formation des militaires israéliens dans les écoles de guerres françaises, sur les délégations, les attachés militaires, les échanges diplomatiques, les envois d’armement. Cependant, en raison des règles de censure et des délais d’ouverture à la INFORMATION JUIVE Décembre 2009 7 DOSSIER consultation, il s’avère que les archives de l’armée françaises sont plus accessibles que les archives israéliennes, même par dérogation. Vous évoquez des documents inédits que vous avez pu consulter. De quels types de documents s’agit-il ? Outre les pièces d’archives officielles j’ai pu travailler sur nombre de documents : correspondances, fonds privés ou archives personnelles de responsables de l’époque. J’ai par exemple consulté le fond de Christian Pineau qui n’est pas ouvert au public et où j’ai notamment trouvé des précisions sur les préparatifs de la guerre de Suez. Qu’avez-vous retiré de la lecture des comptes-rendus intégraux, français et israéliens, des rencontres Ben GourionDe Gaulle ? Ces deux visites ont à chaque fois été perçues de manière très différente par les deux hommes et leurs entourages respectifs. Et interprétées tout aussi différemment dans les deux pays. C’est frappant tant dans les comptes- rendu israéliens que français. Chacun avait sa vision des choses, ses propres objectifs et a campé sur ses positions. Par exemple, bien que Ben Gourion n’ait rien obtenu, il a quitté la France satisfait et les Israéliens ont particulièrement focalisé sur l’amitié avec laquelle Ben Gourion avait été reçu. Et quelles que soient les incompréhensions, une relation sincère et forte basée sur le respect et l’estime réciproques s’est nouée entre les deux hommes. Leur correspondance a continué au-delà de 1968, alors que les relations entre les deux pays s’étaient déjà dégradées. Comment vous apparaissent les relations entre les deux pays aujourd’hui ? La proximité de la France avec de nombreux pays arabes n’est pas sans influence sur les relations entre la France et Israël, cela a été et reste une constante. Cependant, depuis 2003, on note un changement, notamment sur le plan économique. La visite d’Ariel Sharon à Paris en 2005 et sa rencontre avec le président Jacques Chirac constituent un tournant majeur. Depuis, l’arrivée de Nicolas Sarkozy au pouvoir, rapidement suivie de deux visites officielles - celle de Shimon Peres à Paris en mars 2008 et celle de 8 INFORMATION JUIVE Décembre 2009 Sarkozy en Israël en juin 2008 - a marqué un rapprochement plus net encore entre les deux pays. Et même si l’image d’Israël dans le monde est altérée (notamment depuis la guerre à Gaza de l’hiver 2009), la France reste proche d’Israël, par exemple, sur le dossier iranien et la libération de Guilad Shalit. Les échanges aux niveaux commercial, académique, culturel se multiplient. Certains estiment même qu’avec la présidence Sarkozy, les relations entre nos deux pays aujourd’hui rappellent celles de l’age d’or des années cinquante et soixante. L’histoire se répèterait-elle ? Si c’est le cas, ce soutien pourrait être déterminant dans un avenir immédiat face à la menace d’une bombe nucléaire iranienne. “La longue mutation de l'image d'Israël” UN ENTRETIEN AVEC LAURENCE COULON Votre travail sur l’opinion française porte sur les années 1947-1987. Qu’est-ce qui justifie, chez vous, le choix de ces dates ? Dans cette étude, il s’agissait pour moi de mesurer l’impact réel de la guerre des Six jours sur l’opinion française. Ce faisant, j’ai été amenée, d’une part, à analyser l’évolution du discours sur Israël et les différentes perceptions de cet État et, d’autre part, à dégager les grandes tendances de l’opinion. Privilégiant une approche sur le long terme, les bornes aurait eu cours de 1948 à 1967 ; le second, de l’après- guerre des Six jours à aujourd’hui, synthétiserait les sentiments opposés, entre critique et réprobation. De sorte que les Français auraient révisé leur jugement après avoir compris que, les hostilités ayant été ouvertes par l’État d’Israël, celui-ci pratiquait en réalité une politique belliciste. En conséquence, ils auraient immédia-tement condamné l’occupation des territoires palestiniens par l’armée israélienne. Or, cette vision de l’opinion est Les médias et les discours publics ont tellement simplifié la présentation du conflit israélo-arabe / palestinien, au point de le rendre caricatural, que l'État d'Israël a bien du mal à se faire entendre et comprendre. chronologiques se sont imposées d’elles-mêmes. En ouverture, l’année 1947 et la découverte par un large public de la question de la Palestine, notamment à travers l’épisode de l’Exodus. En fermeture, l’année 1987 et le premier soulèvement national palestinien, événement dont les effets perdurent encore aujourd’hui. Vous avez cherché à déceler les courants qui, durant ces quatre décennies, ont traversé l’opinion française à propos d’Israël et du conflit israélo-arabe. Qu’est-ce qui les caractérise essentiellement ? On tend souvent à opposer deux courants enracinés dans deux périodes bien distinctes. Le premier, bienveillant, caricaturale et erronée. S’il est vrai que la première division chronologique est caractérisée par une montée des inclinations favorables à Israël, ce courant – dont il est nécessaire de préciser les différentes nuances - n’a probable-ment jamais été majoritaire (sauf durant la guerre et l’immédiat après-guerre). Il en est de même de celui regroupant les tendances malveillantes depuis 1967. En réalité, les indifférents et les sceptiques ont constitué depuis 1947 un troisième courant, majoritaire, qui s’est exprimé en faveur d’une voie moyenne, politiquement et humainement respectable pour toutes les parties concernées au Proche-Orient. DOSSIER Les années 1968-1972 vous semblent être “une période de transition”. Que voulezvous dire ? C’est précisément à partir de cet intervalle de quatre années que l’image d’Israël a commencé sa longue mutation et que son capital de sympathie s’est érodé. La politique toujours plus inamicale des autorités françaises, les représailles israéliennes qui ont fait craindre une détérioration de la situation et qui ont remis en cause le mythe du petit État pacifique, la naissance d’un contre-courant animé par des militants progressistes et, enfin, la lente prise de conscience du problème palestinien – tous ces facteurs ont contribué à modifier la perception que les Français se faisaient des événements au Proche-Orient aux dépens, le plus souvent, de l’État d’Israël. Pour quelles raisons l’Etat d’Israël est-il, aujourd’hui encore, victime d’une dépréciation sensible de son image et de son capital de sympathie dans l’opinion française ? Les médias et les discours publics ont tellement simplifié la présentation du conflit israélo-arabe/ palestinien, au point de le rendre caricatural, que l’État d’Israël a bien du mal à se faire entendre et comprendre. Il faut également tenir compte de l’évolution des mentalités en France : condamnation du nationalisme et du militarisme, apologie du pacifisme et de la compassion pour l’Autre, perçu comme le plus faible. Qu’appelez-vous la christianisation par les chrétiens du peuple palestinien après 1967 ? Ce phénomène se limite principalement aux militants de l’extrême-gauche chrétienne, autour de la mouvance de l’hebdomadaire Témoignage Chrétien. Ils comparent par exemple, les réfugiés palestiniens aux pauvres et affirment que “c’est parmi eux que Jésus, aujourd’hui, comme il y a des siècles, au Calvaire, avait voulu souffrir à Jérusalem, saints innocents de toujours.” (“Jérusalem et le sang des pauvres, 47e cahier de Témoignage Chrétien). Le 18 décembre 1969, l’éditorial de Georges Montaron soutient, qui plus est, que les réfugiés palestiniens sont “les vrais lieux saints de Palestine, les véritables témoins de Dieu toujours vivant.” Cette dialectique poursuit un double but. Premièrement, sacraliser les Palestiniens afin de mieux alléguer que le peuple juif est rejeté de l’Election. Ces militants contestent donc la légitimité historique et biblique de celui-ci à réclamer et à créer un État sur sa terre. Deuxièmement, insinuer, en jouant sur l’ambiguïté du mot “Palestine - historique/ palestinien”, que le Christ n’est pas fils du peuple juif de sorte qu’ils nient les racines juives du christianisme, résolution pourtant adoptée lors du concile Vatican II. Comment expliquez-vous que les relations entre les deux pays aient de tout temps été marquées par “une atmosphère passionnelle” ? C’est en effet une caractéristique bien singulière des relations francoisraéliennes. La France n’est certainement pas la démocratie occidentale dont la politique est la moins bien disposée à l’égard de l’État d’Israël – c’est une évidence ! – et pourtant c’est entre Paris et Jérusalem que les coups d’éclat - des “petites phrases” en forme de coup de boutoir - ont été les plus violents et les plus fréquents. L’historien et ancien ambassadeur de l’État d’Israël en France Elie Barnavi a justement INFORMATION JUIVE Décembre 2009 9 DOSSIER anti-israélienne concerne une partie certes minoritaire mais non négligeable de la population française. C’est quoi Israël pour les Français aujourd’hui ? Une énigme pour beaucoup, un objet de fantasmes pour certains. Plus généralement, les Français ont d’Israël une image ambivalente. D’un côté, une démocratie de type occidental habitée par un peuple courageux et bâtisseur. De l’autre, un État dans lequel la religion joue encore un rôle jugé excessif lui donnant un aspect arriéré et extrémiste et dont la politique vis-à-vis de son voisin palestinien prête, au mieux, à controverse en raison d’une utilisation parfois inconsidérée et illégitime de la force. Shimon Pérès et Nicolas Sarkozy remarqué que le rééquilibrage de la politique proche-orientale voulu en son temps par le général de Gaulle “n’impliquait nullement une crise majeure” entre les deux pays. Mais, il faut bien l’avouer, les raisons qui expliquent cet état de fait restent encore assez obscures. Il faut probablement les chercher du côté des mentalités. Dans votre conclusion, vous notez d’ailleurs que la question d’Israël provoque, aujourd’hui encore, des débats aux accents passionnels. Il est indéniable que cet État occupe une place à part dans les médias et les discours publics. Il crée le plus souvent l’événement et provoque un affrontement des minorités agissantes particulièrement remarquable. Il est, avec les Etats-Unis, le seul pays étranger à pouvoir mobiliser ainsi des secteurs élargis de l’opinion. Dans quels secteurs de l’opinion française trouve-t-on aujourd’hui, selon vous, l’expression d’un antisionisme radical ? Sans surprise, c’est dans les mouvements extrémistes de gauche comme de droite que l’antisionisme radical est le plus répandu. Dès les années 1930, les formations d’extrêmedroite avaient puisé leurs rengaines haineuses dans les thèmes véhiculés par la propagande arabe. Durant les années 1970-1980, les deux extrêmes ont opéré des rapprochements transidéologiques avant de se rapprocher, depuis une vingtaine d’années, de l’islamisme militant. En définitive, notamment en raison de sa fonction identitaire, cette attitude violemment Time : La marque de Sarkozy Le magazine Time – cité par l’hebdomadaire Courrier International du 26 novembre – s’interroge sur le fait de savoir si l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy n’est pas une mauvaise affaire pour les pays arabes. Voici ce qu’il écrit : “Nulle part sa marque n’a été aussi perceptible qu’au Proche-Orient, où il a contrebalancé les positions traditionnelles pro-arabes de la France par un réchauffement significatif vis-à-vis d’Israël, un Etat que ses prédécesseurs, glaciaux, regardaient comme un fauteur de troubles”. 10 INFORMATION JUIVE Décembre 2009 Comment pourriez-vous caractériser les relations entre les deux pays sous la présidence Sarkozy ? Habitant maintenant depuis plus de six ans à Tel Aviv mais effectuant de nombreux voyages en France, j’ai pu d’autant mieux constater un réel réchauffement entre les deux pays. L’image de l’Autre a été rectifiée dans un sens plus favorable alors que les relations bilatérales se sont apaisées. Il faut cependant préciser que cette volonté de changement date, en réalité, de la présidence de Jacques Chirac, tout au moins, sur un plan culturel. S’il reste encore beaucoup à faire pour rétablir un réel climat de confiance – l’atmosphère toujours délétère en France en témoigne – il est indéniable que Paris et Jérusalem se sont rapprochées et cherchent à mieux se comprendre à défaut de s’entendre. Preuve que les pouvoirs publics jouent un rôle capital dans la formation des opinions. “Au cours des quatre dernières décennies, Paris a sans doute été le plus sûr allié et avocat des régimes arabes. Aujourd’hui,le principal objectif de Sarkozy dans la région est d’établir une paix durable, via la création d’un Etat palestinien et la garantie de la sécurité d’Israël – un but qui ne peut être atteint tant que resteront distants ses rapports avec Israël” “Ce serait se méprendre qu’interpréter le réchauffement envers Israël comme un revirement de stratégie. Après tout, les intérêts de la France incluent des relations étroites avec les pays arabes, et celles-ci ont continué d’être approfondies alors que Sarkozy se rapprochait d’Israël” DOSSIER Les petites manœuvres de France 2 pour sauver le soldat Enderlin PAR LUC ROSENZWEIG C ela fait maintenant plus de neuf ans qu'un reportage de France 2 filmé à Gaza par le cameraman palestinien Talal Abou Rahma, puis monté et commenté par Charles Enderlin, le correspondant de la chaîne en Israël alimente une polémique médiatique et l'actualité judiciaire. Il s'agit, on l'aura compris, de cette fameuse affaire Al Dura, où l'on aurait vu, au journal du 20h de France 2 un enfant mourir à Gaza dans les bras de son père fauché par des balles en provenance d'une position militaire israélienne, le père étant, lui, grièvement blessé. Le retentissement mondial de ces images, et leurs conséquences dans le conflit israélo-arabe (déclenchement de l'Intifada, montée de haine antiisraélienne dans tout le monde arabomusulman, exécution du journaliste américain Daniel Pearl sur un fond de photos d'Al Dura père et fils) leur confèrent le statut d'icône d'un moment intense de l'histoire. Aujourd'hui, avec le recul, on peut affirmer qu'à chaque stade de cette affaire, la direction de France 2 a mis tous les moyens en œuvre pour empêcher la vérité de surgir. Dissimulation des rushes, présentation de " preuves " de blessures de Jamal Al Dura qui se révèleront ensuite être dues à d'autres causes, diffamation des contradicteurs qualifiés " d'extrémistes sionistes ", et enfin sabotage conscient - et organisé ? - d'une commission d'enquête concédée de mauvaise grâce au président du CRIF, voilà la liste non exhaustive des manœuvres de la chaîne publique française pour sauver sa réputation, et le soldat Enderlin du déshonneur professionnel qui l'attend. La stratégie de France 2 dans cette affaire a d'abord été celle du " circulez, y a rien à voir " lorsque les pre- miers doutes émis par des militaires israéliens sur l'authenticité de la scène ont été formulés. Ceux qui contestent le reportage de France 2 sont, pour les dirigeants de la chaîne publique, des excités sionistes extrémistes, des " négationnistes " qui veulent salir la réputation d'un journaliste. Ce dernier n'est pas avare de déclarations dans la presse internationale, où il affirme, entre autres, qu'il avait coupé au montage, des scènes d'agonie de l'enfant car elles étaient trop insupportables. Jusqu'au mois d'octobre 2004, la direction de France 2 refusera de montrer ces rushes (images tournées mais non diffusées) à ceux qui en faisaient la demande, notamment Stéphane Juffa, animateur de Metula News Agency, un site internet israélien francophone qui avait, le premier rendu, publics ses doutes sur l'authenticité du reportage. Lorsque, en octobre 2004, des journa- assistant à la projection. Dès ce jour là, pour mettre fin à la controverse, je suggérais à la direction de France 2 de faire effectuer une expertise médicolégale indépendante de Jamal Al Dura. En lieu et place de cette expertise, Arlette Chabot demanda à Charles Enderlin et Talal Abou Rahma d'aller filmer les cicatrices de Jamal Al Dura, ce qui fut fait. La projection de ce "reportage " eut lieu en novembre 2004 dans les locaux de France 2 devant des journalistes triés sur le volet. Cette projection eut l'effet escompté : même les plus sceptiques des journalistes présents ne pouvaient nier que le corps de la "victime" présentait des stigmates impressionnants, preuves, selon France 2, des blessures subies le 30 septembre 2000. Parallèlement, France 2 engageait une série de procédures contre des sites internet qui avaient Aujourd'hui, avec le recul, on peut affirmer qu'à chaque stade de cette affaire, la direction de France 2 a mis tous les moyens en œuvre pour empêcher la vérité de surgir. listes établis, comme le directeur de l'Express Denis Jeambar, le producteur de documentaires Daniel Leconte et moi-même émirent le souhait de visionner ces rushes, Arlette Chabot, directrice de l'information de France 2, ne put faire autrement que de les présenter. Il s'avéra que dans ces 27 minutes d'images, aucune des scènes prétendument insupportables d'agonie n'était présente, et qu'au contraire, l'image finale coupée par Charles Enderlin montrait l'enfant, supposé mort, levant la jambe et tournant la tête en direction de la caméra. Par ailleurs, d'autres scènes montrant des manifestants blessés étaient purement et simplement jouées, ce que reconnaissaient même les représentants de France 2 repris les informations de Metula News Agency. C'est ainsi, qu'en première instance, France 2 parvint à faire condamner pour diffamation Philippe Karsenty, animateur du site MediasRatings. Dès lors, pour France 2, cette affaire était terminée, les détracteurs d'Enderlin confondus et condamnés, l'honneur de la chaîne définitivement sauf. Dans cette perspective, l'appel interjeté par Karsenty ne serait qu'une formalité, confirmant le premier jugement et mettant un point final judiciaire à une affaire qui n'avait que trop duré. Or, les choses ont tourné autrement. D'abord, face aux nombreuses incohérences de la version de France 2 releINFORMATION JUIVE Décembre 2009 11 DOSSIER vées à l'audience, la présidente de la Cour d'appel exige la projection des rushes à l'audience suivante. La chaîne s'exécute de mauvaise grâce, présentant au tribunal un film de 18 minutes sur 27, donc amputé de 9 organisées sous l'égide de Patrick Gaubert, président de la LICRA, entre des représentants du CRIF et de France Télévisions pour mettre au point un protocole de mise en place et de fonctionnement de cette commission. Ceux qui contestent le reportage de France 2 sont, pour les dirigeants de la chaîne publique, des excités sionistes extrémistes, des “négationnistes” qui veulent salir la réputation d'un journaliste. minutes. Les passages coupés étaient ceux où les mises en scène de fausses blessures sur des manifestants étaient par trop flagrantes. D'autre part, un élément nouveau était intervenu entre le procès en première instance et l'appel : un chirurgien israélien d'origine française, le docteur Yehuda David, devant l'utilisation mensongère faite par France 2 des cicatrices de Jamal al Dura, se décide à violer le secret professionnel. Il prouve, dossier médical à l'appui, qu'il avait en 1994 pratiqué plusieurs opérations chirurgicales sur Jamal Al Dura à l'hôpital Tel Hashomer de Tel Aviv à la suite d'une agression à la hache dont ce dernier avait été victime à Gaza en 1992.. Cet élément, ajoutée à une expertise balistique accablante pour la thèse de France 2, conduisent la Cour d'appel de Paris à débouter France 2 de sa plainte contre Philippe Karsenty le 21 mai 2008. Mais France 2, suivant un adage bien connu de la vie politique française, croit avoir enterré l'affaire en créant une commission.?C'était sans Pour France 2, c'est la catastrophe : non seulement l'affaire n'est pas close, mais le doute sur l'authenticité du reportage gagne maintenant des milieux qui, jusque là, avaient accepté la version de la chaîne publique, comme les journalistes Elisabeth Lévy et Gil Mihaely. En juin 2008, ces derniers prennent contact avec Richard Prasquier, président du CRIF, qui organise le 2 juillet une conférence de presse où sont présentés des éléments (films, images, témoignages d'experts) qui mettent sérieusement en question la thèse de France 2. Richard Prasquier invite France 2 à constituer, avec le CRIF, une commission d'experts qui sera à même de faire toute la lumière possible sur cette ténébreuse affaire. Dans un premier temps, Patrick de Carolis rejette cette idée, puis accepte à contre- cœur cette procédure. En septembre 2008, des réunions sont Patrick de Carolis 12 INFORMATION JUIVE Décembre 2009 compter sur la ténacité de Richard Prasquier qui insiste pour que celle-ci se mette en place. Au bout de plus de six mois d'inaction, les dirigeants de France Télévisions affirment qu'ils vont entreprendre les démarches permettant à Jamal al Dura de venir en France pour être soumis à des examens médicaux. Les mois passent, et ne voyant rien venir, au mois de juin 2009 Richard le Crif s'enquiert auprès de Patrick de Carolis de l'avancement de la procédure visant à faire venir Jamal al Dura à Paris. Dans sa réponse, datée du 5 août 2009, Patrick de Carolis explique le retard pris dans l'organisation de la venue en France de Jamal al Dura par " sa sédentarité contrainte à Gaza ", entendez le blocage du territoire par Israël, qui l'empêche- rait de venir faire renouveler son passeport à Ramallah. Renseignement pris, il se révèle qu'aucune demande de laissez-passer pour Jamal Al Dura n'a été sollicitée auprès de l'administration israélienne par France 2. Cette dernière, par la voix du ministère des affaires étrangères, informe Richard Prasquier qu'elle ne mettrait aucun obstacle aux déplacements de M. Al Dura. Malgré tout cela, au cours de l'été 2009, Charles Enderlin est décoré de la Légion d'honneur, un signe que le pouvoir soutient le journaliste de France 2. Patrick de Carolis, qui brigue un nouveau mandat à la tête de France Télévisions a pris bonne note de la position officielle. Au diable, donc, les accords avec le CRIF, il faut tenir jusqu'à ce que la Cour de cassation se prononce sur l'arrêt de la cour d'appel défavorable à France 2, une décision que l'on espère, cette fois ci conforme aux vœux de la chaîne. Comme par hasard, en septembre 2008, alors que les discussions sur la commission d'enquête entre le CRIF et France 2 vont bon train, une plainte en diffamation est déposée au parquet de Paris par… Jamal Al Dura contre le journaliste Clément Weill-Raynal et le docteur Yehouda David, qui, dans un article contestent la réalité des blessures prétendument subies par Jamal Al Dura. Dans cette procédure, Jamal al Dura est représenté par Me Orly Rezlan. En dépit de son réel talent, elle aura du mal à faire croire au tribunal et au public que c'est de sa propre initiative que M. Al Dura, de son domicile de Gaza, ait pris la mouche à la lecture en français ! - d'un article d'une publication qui n'est pas diffusée dans le territoire… En fait, Charles Enderlin ne pouvait pas attaquer directement Clément Weill-Raynal, par ailleurs rédacteur en chef à France 3, une entreprise du groupe France Télévisions. Alors, il instrumentalise Jamal Al Dura pour régler des comptes qu'il n'ose pas régler à visage découvert… Les avocats de Yehuda David et de Clément Weill-Raynal ne vont pas manquer de demander une expertise médico-légale de Jamal Al Dura pour apporter des preuves de la bonne foi de leurs clients. S'il est fait droit à cette demande d'expertise, ce sera alors le bout du chemin pour France 2 et son correspondant en Israël, et il n'est pas sûr qu'il les mène à la gloire. ISRAËL Le royaume des saints PAR AMI BOUGANIM L e commerce de la sainteté est encore l’un des plus florissants en Israël. Le plus sûr ; le plus rentable. Les saints poussent comme des champignons dans le sillage des vents kabbalistiques. Ils se revendiquent d’un père rabbin. Ils se donnent toutes sortes de pouvoirs miraculeux. Ils ne guérissent rien moins que les malades incurables ; n’ensemencent rien moins que les entrailles stériles ; ne marient rien moins que les célibataires endurcis. Ils lisent les pensées ; devinent les intentions ; perçoivent les désirs ; ravalent les mélancolies ; préviennent les catastrophes. Pour rien, pour la gloire du ciel, pour un petit don destiné à l’une des nombreuses œuvres de charité dont ils sont souvent les principaux bénéficiaires. L’air de la Terre promise est si sacré que la sainteté est à la portée du premier venu. Ni diplômes ni titres ; ni signes ni voix ; ni possession ni révélation. Un arbre généalogique plus ou moins truqué est vivement recommandé. Ah ! les saints ! On en trouve de plus en plus en Galilée et dans le Néguev. Certains ne portent pas moins de sept châles, les uns sur les autres, desquels pendent vingt-huit cordons qui constituent comme une traîne de sainteté. De ces êtres ascétiques qui bredouillent d’humilité, psalmodient de piété et attendent avec impatience leur investiture messianique. pour répéter leur terrible cérémonie de pulsa de nura. Du moins quand ils ne sont pas en mission sacrée dans un avion survolant le pays pour réclamer un taux de précipitation qui remplirait la mer de Galilée, verdirait le Néguev et ressusciterait la mer Morte ou pour le protéger contre la très sacrilège grippe porcine. Je les aime bien mes kabbalistes, leurs livres surtout, qui me apocalyptiques, de prédictions messianiques et de bavures politiques. La lecture assidue du Zohar me permet, pour tout dire, de m’émerveiller chaque jour de nouveau de la splendeur de l’aube que dans sa grande mansuétude le Saint béni soit-Il reconduit pour moi depuis bientôt soixante ans. La Kabbale – je vous la recommande – délasse, déride et déraille et rien ne distrait Etant donné que tout ce que je pourrai dire du phénomène sera retenu contre moi dans le procès kabbalistique qu’on ne manquera pas de m’intenter, je ne parlerai que sous couvert rabbinique et, comme l’on dit rituellement, “celui qui comprend comprendra”. C’est que je dois me garder contre les collèges de kabbalistes qui se cherchent régulièrement une victime propitiatoire reposent de toutes ces théories sur le Big Bang et le Great Crash, sur les merveilles du cerveau qui menacent de remplacer les pauvres mortels, voués au sable et à la vermine, par des immortels, condamnés à l’ennui éternel, sur les manipulations transgénétiques, qui me permettront bientôt d’avoir un cœur de cochon à la place de mon pauvre cœur harassé par soixante ans de menaces autant de ce monde de vanité et de poursuite du vent. Le premier saint vivant à avoir conquis les masses populaires en Israël au cours du 20e siècle a été sans conteste le célèbre R. Israël Abouhassira dit Baba Salé (1890-1984). Il est né au Tafilalet où dès l’âge de six ans, il ne s’arrachait à ses livres et ne sortait dans la rue que les yeux cachés INFORMATION JUIVE Décembre 2009 13 ISRAËL par le bord de sa capuche pour les préserver de l’impureté. A neuf ans, il passait déjà pour morigéner tout Juif dont le comportement laissait à désirer et bientôt il orchestrait une campagne Baba Salé, des dizaines de milliers de pèlerins affluent des quatre coins du globe à Nétivot pour célébrer la hiloula, brûlant des tonnes de bougies et achetant tout ce qui se vend sur les Les saints poussent comme des champignons dans le sillage des vents kabbalistiques. contre la corruption des innocentes âmes d’Israël par la diabolique Alliance israélite universelle assimilée pourtant par le grand rabbin de Fès à “la sainte patrie” (Hevra kedosha à ne pas confondre avec Hevra kadisha) des Juifs du Maroc. Le jeune homme pratiquait tous les rites ascétiques répertoriés dans nos manuels de la sainteté et au bout de je ne sais combien d’années d’études, de réclusions et de mortifications, il passait pour un homme miraculeux. Sitôt installé en Israël, il devient le consolateur de ses malheureux compatriotes déchus de leur condition de dignitaires de Dieu. Il persiste dans un mode de vie monacal et on ne trouve rien à lui reprocher sinon de s’être commandé une tunique brodée d’or pour accueillir le Messie. Quand il mourut à Nétivot, il était devenu une icône. Un père – Baba – des Marocains sinon de la nation ; un intercesseur patenté par sa longue lignée rabbinique, ses vastes connaissances kabbalistiques, ses relations avec des Rebbé ashkénazes, non moins miraculeux quoique plus discrets, et des ablutions qui n’engageaient que la foi des fidèles. lieux, des célèbres fils rouges protègemauvais-œil aux châles protègesuaires, des photos de Baba Salé à ses biographies, des bouteilles d’eau sainte aux cierges bénies. Baba Baroukh trouve bientôt une certaine légitimité à ce commerce des indulgences, de Le jour de sa mort, son fils, ex-maire adjoint d’Ashkélon, est en prison. Il purge une peine de cinq ans pour corruption. On l’autorise, comme il se doit, à participer à l’enterrement de son père et même à respecter le deuil de rigueur dans son domicile où il s’empresse de revêtir la tunique de sainteté et de se déclarer Baba à la place de son père. Bien sûr, on ricane ; bien sûr, on plaisante. Baba Salé A sa sortie de prison, Baba Baroukh peine pour s’imposer. Il doit collecter des fonds, auprès des Juifs de Diaspora surtout, pour construire un mausolée, se donner des institutions d’étude et bientôt… toute une cité. Tous les ans, à la date anniversaire de la mort de 14 INFORMATION JUIVE Décembre 2009 même qu’à ses activités politiques puisqu’il passe pour soutenir le Chass. On lui concède le titre de Baba pour les mérites de son père… Un Baba irréprochable, c’était glorieux ; un Baba repenti, c’était encore tolérable. Mais bientôt on en avait un à Béer-Shéva et un à Naharya (tous deux petits-fils de Baba Salé). Et puis il n’était pas dit que le Tafilalet était le seul terreau rabbinique du Maroc. Bientôt les Pinto aussi s’établissaient à Kiryat Malachie et à Ashdod. Puis un certain Israël Ifergan se souvint qu’à sa circoncision, son parrain n’était nul autre que Baba Salé. Son père, le désormais très vénéré Baba Chalom dont la lignée rabbinique remonte, disons, à un demi millénaire, remplissait une tâche très poétique et délicate dans l’entourage du Baba Salé : il était chargé de la rédaction des amulettes ! Le brave Chalom Ifergan n’aurait pas suscité de remous de sainteté si son fils ne s’était pas avisé de l’introniser Baba à sa mort et de prendre sa place. Il montre tant d’entregent qu’il s’installe, lui aussi, à Netivot où est enterré son père. Il incarne la nouvelle génération qui ne badine pas avec la sainteté. Les troncs de charité – c’est bien ; les grands dons – c’est mieux. Les petites gens – c’est attachant ; les grandes gens – ça vous propulse dans le monde. La hiloula où l’on brûle des bougies – c’est la tradition ; la soirée de gala où l’on rivalise de dons – c’est l’innovation. Les Marocains, c’est toujours ça de gagné. En moins d’une dizaine d’années, le nouveau Baba s’entoure d’une cour comme on n’en a jamais vu autour d’un Baba. Des politiciens, des ministres, des officiers supérieurs, des directeurs des services secrets, des journalistes, des joueurs de foot, des acteurs… des celebs comme on dit par là de cette crème qui a mal tourné dans un pays qui ne s’entend, pour reprendre Ahad Ha-Am, qu’à s’illustrer dans l’imitation et le pastiche de ce que les autres sociétés de parvenus proposent de mieux en matière de mauvais goût. La nouvelle vedette de la sainteté ne distribue pas des cartes de visite à la gare routière de Tel-Aviv ni ne publie des annonces dans la presse. Sa galerie de solliciteurs lui assure la meilleure des publicités. Elle comprend Nochi Dankner, l’un des hommes les plus riches et les plus incultes au monde, Sherry Harisson, l’une des femmes les plus riches et les plus sensitives au monde, G. Yafit, publicitaire qui réussit régulièrement la prouesse de promouvoir deux marques de lessive ou deux analgésiques concurrents. Sans parler de l’ex-président de l’Etat Moshé Katsav, l’ex-Premier ministre Ariel Sharon, l’ex-vedette de télé Doudou Topaz. On assure qu’il a prévu la maladie du président Moubarak, qu’il a fécondé – sans la toucher bien sûr ! – une femme stérile, qu’il a rendu la vue à nombre d’aveugles. Ses amulettes passent pour protéger contre ISRAËL tous les maux et pour régler tous les litiges. Tous les ans, il organise une soirée de gala – avec séparation des sexes ! – où se pressent tous les grands noms de la Philistie qui s’étend d’Ashdod à Haïfa… C’est que le nouveau Baba passe pour établir un diagnostic sans voir son patient et le guérir sans le toucher. Il a un regard si inconditionnels. On comprend son besoin de réclusion ; on partage son souci de recueillement ; on soutient sa mission d’intercession. Une année passe ; une deuxième ; une troisième. On ne le voit pas ; on n’entend rien de lui. Sa longue absence n’en suscite pas moins des soupçons. Ses proches, ses disciples, ses voisins s’interrogent. On La Kabbale délasse, déride et déraille et rien ne distrait autant de ce monde de vanité et de poursuite du vent. pénétrant qu’il voit de loin, qu’il voit tout et qu’il voit de l’intérieur autant que de l’extérieur. On ne le désigne plus que comme Le Rentgen – c’est dire qu’il n’a plus besoin du titre de Baba. Devant ce manège, le Rav Ovadia Yossef, patron du Chass, n’a pas ménagé ses mots. Il se serait écrié : “Depuis quand croyons nous aux sorcelleries et aux feux de camp ?” Les plus grandes sommités rabbiniques, dont le Rav Elyashiv, l’aurait pratiquement excommunié en déclarant : “Quiconque entretient des relations avec lui est à considérer comme un déviant s’écartant de la voie commune qui n’a pas part au monde à venir.” Ah ! ça vous amuse ?! Moi, ça me désole. Car ce ne sont pas les histoires qui manquent. Du “rabbin sadique” qui vient d’être extradé par le Brésil à “la mère Taliban” qui avait ses méthodes made in Afghanistan. Il en est même un – on ne me croira jamais – qui a poussé la sainteté jusqu’à quitter sa famille, sa maison et sa communauté pour se retirer à Tibériade dans le but de hâter la venue du Messie. C’était au départ un brave tractoriste qui présentait l’insigne mérite de voir – voir ! – les conduites sous terre et de les éviter. Bientôt, il voyait – voir ! – les rouages des âmes, leurs pérégrinations, les encombres des destins. Il s’installe comme saint homme dans un moshav et bien vite une secte se constitue autour de lui. On sollicite ses conseils, on reçoit ses bénédictions, on lui baise la main. Des barons de la finance et de l’industrie se pressent autour de lui. Il se donne à son tour des œuvres caritatives à la tête desquelles il place ses disciples et partisans les plus leur répète qu’il est occupé à un long et délicat acte de réparation cosmogonique, réparant le péché d’Adam, préparant la venue du Messie. On ne peut que le laisser à sa mission sacrée. Sans le déranger. Sans le solliciter. Sans entraver sa mission avec de plates et dérisoires questions domestiques. Il promettait de ne reparaître qu’aux côtés du Messie et nul ne doutait qu’ils chevaucheraient ensemble le célèbre âne blanc du sauveur. Pendant trois ans, on attendit stoïquement son retour. Ses mécènes et ses donateurs aussi qui continuaient de contribuer généreusement à ses œuvres. Un beau jour, trouvant que le Messie s’attardait et qu’on ne pouvait permettre davantage au saint homme de se mortifier pour rien, on s’avisa de le ramener au bercail. Le peuple juif prophètes. Je me souviens de l’un d’eux qui donnait l’air de planer, d’un pas léger, comme s’il était en élévation constante. Il portait la veste ou la redingote ouverte et l’on avait l’impression que ses pans étaient autant d’ailes noires. Il n’était pas à Jérusalem, il était au Royaume. Il ne demandait rien, il réclamait tout. Il avait des droits qu’on ne pouvait lui contester. On ne savait lesquels. Peut-être ceux que s’arrogent les repentis de la dernière heure. Revenus des plus vénérables philosophies et sauvés des plus dévastatrices révolutions. Il venait de loin, du maoïsme ; il était allé très loin, à l’ultra-orthodoxie. Un adage rabbinique déclare que “là se tient un repenti, un disciple-de-sage ne peut tenir”. Il prenait l’adage à la lettre, au point de ne s’entourer que de disciples et d’exclure tous ceux qui contestaient son autorité. Il avait gardé l’accent imprécatoire des grands militants révolutionnaires et dans la voix cette intransigeance qui ne cédait que pour mieux contourner la résistance de ses interlocuteurs. Il n’était plus marxiste ni maoïste ; il n’était pas davantage talmudiste que kabbaliste. Selon des psychiatres qui ne comprennent rien à la possession, ces vibrants caractères prophétiques seraient atteints du syndrome de Jérusalem. On déplore près de cent cinquante cas par an. On en a trouvé L'inextricable écheveau de l'histoire. L'embrouille dans les esprits. L'embouteillage dans les rues. avait attendu deux mille ans, il pouvait attendre encore dix ans. On découvre alors qu’il n’était pas plus en compagnie du Messie que d’Adam mais retenu prisonnier par le trio de ses disciples et partisans les plus inconditionnels qui vivaient largement des œuvres qu’ils dirigeaient. La Galilée et le Néguev ne sont pas les seules régions religieusement atteintes. Jérusalem est hantée de personnages plus étranges et merveilleux les uns que les autres en lesquels un œil averti décèlerait nombre de dérèglements qui garantissent leur prédisposition messianique. Il en est pour se pavaner dans les rues en un qui se prenant pour Samson, animé de vigueur divine, tentait de déplacer une des pierres du Mur des Lamentations. Les thérapeutes incriminent l’écart entre l’image biblique, somme toute idyllique que l’on a de la ville et sa réalité prosaïque jusqu’à la désolation. On s’attend à voir une ville pure et sereine et l’on se heurte à l’encombrement des religions. L’entassement du sacré. L’inextricable écheveau de l’histoire. L’embrouille dans les esprits. L’embouteillage dans les rues. Plus généralement, ce pays est hanté par des créatures qui sont passées d’une rive à l’autre et ne regrettent l’autre rive que pour la maudire ou la bénir. INFORMATION JUIVE Décembre 2009 15 LA CHRONIQUE Comment on écrit l'histoire À l'occasion de l'anniversaire du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, Le Figaro publie une série de livres et de films avec l'ambition de retracer l'ensemble des événements. L'ouvrage fait la part un peu trop belle à l'histoire militaire, jusque dans ses aspects techniques, mais il y a sans doute un public qui s'intéresse à l'équipement du soldat allemand, au nombre d'obus embarqués à bord d'un panzer ou au calibre des mitrailleuses du Stuka. Cette insistance sur les moyens mécaniques suggère tout de même que l'Allemagne nazie disposait d'une supériorité technologique, ce l'insuffisance de ses armes, aux défauts des bombardiers Marcel Bloch, lequel n'avait pas encore le pseudonyme de Dassault. qui est non seulement faux, mais pour le moins surprenant de la part d'une publication éditée par Serge Dassault. Ce fut l'une des justifications des capitulards vichystes que d'attribuer la défaite française de 1940 à à Hitler de mettre la main sur les industries mécaniques de Tchécoslovaquie. Cependant, la France et l'Angleterre n'accusaient aucun retard technologique. Le seul obstacle à la modernisation de l'armée 16 INFORMATION JUIVE Décembre 2009 En vérité, le défaut des bombardiers Bloch était de n'avoir pas été utilisés dans une stratégie offensive contre l'Allemagne. La propagande antisémite de Vichy fit de Marcel Bloch l'un des responsable de la défaite, alors qu'il avait fourni à la France des moyens de combats que les Pétain, Weygand et autres hiérarques militaires refusaient de déployer. La récupération de technologie de pointe par l'Allemagne nazie fut aussi une affaire politique : les accords de Munich avaient permis française, c'était l'état-major de l'armée, qui refusait de s'adapter et n'était guère pressé de combattre le nazisme. L es descriptions de matériels ont au moins le mérite de rappeler le nom des firmes qui profitèrent du nazisme, BMW, Benz, Opel et bien d'autres. L'histoire de la guerre est bien évidemment autre chose. Or, le volume consacré à la guerre en Pologne réserve de fort désagréables surprises s'agissant d'un ouvrage publié sous le contrôle du Figaro. Passons sur les multiples erreurs géographiques et historiques, qui font, par exemple, de la ville polonaise de Brest-Litovsk une ville ukrainienne. Il est vrai qu'une grande partie de la Pologne est aujourd'hui annexée à l'Ukraine, mais BrestLitovsk se trouve en Biélorussie. Mais ce n'est rien … Le volume " La guerre commence en Pologne " de l'encyclopédie du Figaro se termine sur deux conséquences tragiques de la double occupation de 1939 : côté soviétique le massacre des officiers polonais à Katyn, côté allemand le regroupement et l'extermination des juifs dans le Ghetto de Varsovie. Or le récit de la création de ce Ghetto est bien étrange. C'est au conditionnel que les auteurs évoquent la décision prise par les nazis d'exterminer les juifs d'Europe. Le texte parle bien la conférence de Wansee, en précisant que pour certains historiens, tous juifs, elle semble avoir décidé de la destruction des juifs. Mais on précise aussitôt que le mot extermination ne figure ni dans les minutes de Wansee, ni dans le discours du chef SS Heydrich qui présidait la réunion et parlait seulement de déportation à l'Est. Il y aurait donc comme un doute! DE GUY KONOPNICKI Puis, nos auteurs décrivent le Ghetto de Varsovie. Admettons que le résultat de l'insurrection puisse être considéré d'un point de vue strictement militaire. Ce serait donc une défaite. Rien, dans ce récit, sur les coups portés à la Wehrmacht par une poignée de juifs, dont l'armement était dérisoire. Rien sur la portée de cette insurrection, sur l'écho quelle rencontra, en montrant qu'une poignée de combattants déterminés pouvaient affronter les Allemands, qui mirent plusieurs semaines à réduire les combattants juifs et ne gagnèrent la bataille qu'en détruisant la totalité du Ghetto. L 'extermination des derniers juifs du Ghetto de Varsovie est décrite comme une conséquence de la révolte alors qu'elle en est la cause. On lira que des dizaines de milliers de juifs ont été déportés de Varsovie à Treblinka " où ils trouvèrent la mort ", sans aucune précision sur la manière dont ils furent assassinés, sans commentaire sur ce qu'était Treblinka. Sans un seul mot pour décrire la chaîne d'extermination dont Treblinka était un maillon, comme Auschwitz, Maidanek, Sobibor ou Belzec. Mais le pire tient en une phrase. Au détour d'une description de l'organisation du Ghetto et d'une évocation de la misère qui y règne, nous lisons ceci : " le marché noir permet à un petit nombre de s'enrichir avec la complicité de gardes allemands et ukrainiens ". Des juifs auraient donc trouvé le moyen de faire fortune dans le Ghetto de Varsovie ! Cette petite phrase relève de l'antisémitisme le plus sordide. Elle est d'autant plus meurtrière qu'elle se situe au milieu d'un récit historique censé dépasser la compassion pour rétablir les faits. Il y avait certainement des trafiquants dans le Ghetto, des juifs qui espéraient s'en sortir, comme d'autres imaginaient qu'ils sauveraient une partie des leurs en acceptant la fiction d'un Conseil juif et d'une police juive. Mais on ne peut évoquer ces manifestations dérisoires de l'instinct de survie sans dire leur vanité. Aucun juif n'a trouvé à Varsovie le moyen de s'enrichir. Tous furent assassinés. Ce n'est qu'une phrase, au milieu d'un long ouvrage, mêlant, plus ou moins adroitement, les différents aspects de la guerre. Une phrase qui préfaces viennent apposer la marque du Figaro. S'il s'agissait d'un supplément ornithologique, ce ne serait pas grave. Mais il s'agit de la Seconde Guerre mondiale et Serge Dassault, propriétaire du Figaro, devrait se méfier des sous-traitants. Car, enfin, quand on écrit que des juifs Le récit de la création de ce Ghetto est bien étrange. C'est au conditionnel que les auteurs évoquent la décision prise par les nazis d'exterminer les juifs d'Europe. répète simplement que même au Ghetto de Varsovie, des juifs parvenaient à s'enrichir ! Et, pourquoi pas à Auschwitz ? L'ouvrage n'est pas l'œuvre de la rédaction du Figaro. C'est un produit dérivé, réalisé par une société extérieure. Quelques ajouts et s'enrichissaient à Varsovie en 1943, on insulte la mémoire de tous ceux qui ont souffert parce que juifs, comme Marcel Bloch Dassault, calomnié par les journaux de la collaboration avant d'être déporté à Buchenwald, où il vit arriver les rescapés des marches de la mort. ODASEJ L’ Œ U V R E D ’A S S I S TA N C E S O C I A L E A L’ E N FA N C E J U I V E est une association reconnue d’utilité publique par décret du 28 mai 1919 Pa r c e q u ’ u n e n f a n t h e u r e u x devient un adulte qui a de meilleures chances de construire son avenir et celui de la communauté L’ODASEJ a pour mission d’aider les enfants et les adolescents défavorisés ou en difficulté sur le territoire national Leur avenir est entre vos Transmettez mains votre nom à un programme de solidarité… Perpétuez la mémoire de vos parents … … Faites un legs ou une donation à l’ODASEJ Que vous ayez des héritiers ou non, vous pouvez faire un legs ou une donation en faveur de l’ODASEJ en exonération des droits de succession ou de mutation Pour un rendez-vous confidentiel Appelez Tony SULTAN Tél. : 01 42 17 07 57 • Fax : 01 42 17 07 67 ODASEJ ESPACE RACHI, 39, RUE BROCA, 75005 PARIS INFORMATION JUIVE Décembre 2009 17 HUMEUR Interrogations OOOC olloque, ce 19 novembre en Tunisie à Kairouan, considérée dans l’historiographie musulmane, à l’instar de Fès au Maroc, comme la ville des lumières. Des dizaines de professeurs d’universités, des intellectuels et des penseurs ont été invités par le docteur Mohamed Ghannem, un cardiologue parisien, chef de service à Le docteur Ghannem avec La secrétaire d'Etat tunisienne à la Santé, Mme Najoua Miladi l’hôpital, à débattre sur le thème Science et éthique. Un mot d’abord de ce médecin charismatique, sympathique en diable et qui n’a aucun mal à vous avouer, au détour d’une phrase, que trois de ses confrères juifs, les docteurs Guy Hanania, Robert Slama et Robert Haïat ont veillé fraternellement et avec exigence , à l’aube de sa carrière professionnelle , sur sa formation. Seraitce pour cela qu’il n’y a pas en lui un milligramme de méfiance ou de prévention à l’égard des juifs et du judaïsme ? Ce serait mal le connaître. L’homme est spontanément ouvert à toutes les idées, toutes les sciences et toutes les éthiques. Il considère les juifs comme ses frères et ne fait pas mystère de ce que, invité naguère à un congrès de cardiologie à Jérusalem, il a été heureux de partager avec ses collègues israéliens ses expériences, ses doutes et ses interrogations. Et il s’est entretenu avec eux l’esprit libre et avec un 18 INFORMATION JUIVE Décembre 2009 franc parler qui est sa marque de fabrique. Chargé de mettre sur pieds ce colloque (placé sous le haut patronage du président de la République tunisienne ), et dont il est tout à la fois l’inspirateur et le maître d’œuvre, il a considéré comme une ardente nécessité d’inviter parmi nombre de spécialistes de l’islam (Mohammed Arkoun, Ghaleb Bencheikh, Mohammed Moussaoui ), un intellectuel juif à évoquer le point de vue du judaïsme sur la question. C’est peu de dire que l’accueil fut chaleureux et fraternel. On s’est pourtant contenté, en guise de point de vue, de raconter quelques légendes de la littérature du midrach. On a simplement mis l’accent, en l’occurrence, sur ce que pouvaient avoir de commun les dits du hadith musulman et ceux de l’aggada. Pour souligner une même vision, de part et d’autre, de la vie sociale et de la démarche théologique. On sait que la Tunisie, comme le Maroc, ne manifeste aujourd’hui à l’égard des juifs et du judaïsme aucune crispation ni aucun sentiment de méfiance. On y constate, au contraire, sollicitude, confiance et amitié. Et pour que ces sentiments ne restent pas clandestins, le seul juif participant au colloque du docteur Ghannem fut reçu par la télévision nationale en son journal du soir. Le docteur Ghannem : un homme de cœur et qui fait aujourd’hui du rapprochement entre juifs et musulmans, entre autres, un idéal et une vocation. OOO Il arrive parfois que des sondages, au lieu de corroborer des idées convenues ou établies, parviennent, au contraire, à les réduire à néant. C’est ce qui vient de se passer avec l’enquête d’opinion que vient de réaliser, en Israël, une importante institution sous la direction du professeur Joël Cohen. Cet universitaire a voulu savoir si les milieux religieux avaient raison de considérer que les journalistes qui ont pour mission d’informer les citoyens israéliens sont, ainsi qu’on le prétend souvent, dans leur grande majorité “des mécréants” ou, pire encore, des militants anti-religieux. Il a donc procédé à un sondage auprès de 240 professionnels de la presse et les résultats ont véritablement frappé de stupeur les citoyens tant ils sont inattendus et surprenants. (Voir le quotidien Yédioth Aharonot du 24 novembre 2009 ). Il a ainsi été établi que 60 % des journalistes israéliens croient en l’existence de Dieu ; 43 % d’entre eux croient que les juifs sont le peuple élu. 57 % jeûnent à Kippour et 32 % ne consomment pas du lait après de la viande. 41 % des journalistes interrogés affirment que, pour eux, la Torah et les mitzvot ont une origine divine. Par ailleurs, 95 % d’entre eux observent en famille le séder de Pessah. Comment expliquer alors qu’il y ait, depuis des années, une telle incompréhension entre les milieux religieux et traditionnels dans le pays et les responsables des media, au point que ceux-ci ont toujours été considérés comme résolument antireligieux ? A cette question, le responsable de l’enquête répond qu’il est regrettable que les rabbins ne HUMEUR connaissent pas le fonctionnement du monde de l’information. C’est en tout cas pour faciliter le nécessaire dialogue entre le monde religieux et celui des responsables de l’information que vient de s’ouvrir, à Tel Aviv, un “Bet Hamidrache” spécial pour les journalistes et les gens de medias israéliens. Une initiative qu’il faut saluer : tout ce qui peut rapprocher juifs religieux et juifs laïques doit être encouragé. OOO Un ancien champion de boxe rabbin ? C’est ce qu’annoncent les journaux. Youri Forman vient de remporter à Las Vegas le championnat du monde WBA des super-welters. Il est devenu ainsi le premier Israélien à décrocher le titre de champion du monde de boxe. Il n’est certes pas le premier boxeur juif à porter une étoile de David sur son short puisque ce fut le cas en France, il y a quelques années, avec un jeune boxeur juif du nom de Bénichou, sauf erreur. Si Foreman a défrayé la chronique c’est que c’est la première fois dans les annales du rabbinat et sans doute également du sport qu’un sportif de ce niveau et dans une telle discipline a décidé de devenir rabbin après ses études dans une yéshiva de Brooklyn. “Boxer est mon job et dans le judaïsme on doit faire son travail correctement” aurait déclaré Foreman pour justifier son curieux et double choix. Un rabbin ex-boxeur ? Pourquoi pas? Il est vrai qu’on n’exige pas les mêmes vertus dans les deux disciplines. D’un rabbin on attend qu’il ait la crainte de Dieu, de la dévotion, un peu de science, l’amour d’Israël, des valeurs morales, le don de soi et l’ouverture vers les autres et singulièrement vers les petites gens. Peut-on rappeler que notre maître Moïse a, d’un seul coup, tué un Egyptien, que le roi David s’est battu avec un lion. Quant au maître du Talmud Chimon Ben Lakish ( que la tradition appelle Rèche Lakish ) on lui a souvent attribué les métiers – au statut social peu honorable, on en conviendra – de brigand, de voleur de grands chemins et d’homme de cirque entre autres. Mais c’était évidemment avant qu’il décide, sur les conseils de son maître rabbi Yohanane, de consacrer sa vie au monde de la Torah. Ce qui signifie que M.Foreman devra – s’il veut être pris au sérieux dans ses nouvelles fonctions de rabbi – renoncer une fois pour toutes à avoir recours à la violence de ses poings pour se faire entendre. Dans le monde du Talmud c’est d’intelligence et de raison qu’il devra faire montre. C’est une affaire de respect : noblesse oblige, comme on dit ! OOO On savait depuis des lustres que le cinéaste Jean-Luc Godard était fanatiquement antisioniste. Il n’en faisait guère mystère et il est peu de films qu’il ait signés et qui ne portent pas, peu ou prou, trace de cette antipathie profonde qu’il porte tout à la fois à l’Etat d’Israël, au projet de son existence, à ses fondateurs et à ses défenseurs. On se souvient que ce provocateur professionnel avait, en 1974, dans Ici et ailleurs, fait chevaucher une image de Mme Golda Méir, premier ministre israélien avec celle d’Adolf Hitler. On savait aussi certes que la délicatesse et la mesure ne sont pas les qualités premières du cinéaste suisse. De plus, au cours d’une conversation qu’il a eue avec l’ancien rédacteur en chef des Cahiers du Cinéma, Jean Narboni, Godard a accusé “les Israéliens d’être arrivés sur un territoire qui est celui de leur fiction éternelle depuis les temps bibliques”. Narboni lui fait observer que le mot “fiction” est choquant mais le cinéaste n’en a cure… Mais voici que Jean-Luc Godard verse, à en croire l’écrivain Alain Fleicsher , dans un antisémitisme insupportable quand il déclare : “Les attentats suicides des Palestiniens pour parvenir à faire exister un Etat palestinien ressemblent en fin de Jean-Luc Godard compte à ce que firent les juifs en se laissant conduire comme des moutons et exterminer dans les chambres à gaz, se sacrifiant ainsi pour parvenir à faire exister l’Etat d’Israël”. Que M.Godard ignore à ce point l’histoire du sionisme est sans doute son affaire. Mais qu’il insulte ainsi, de manière aussi délibérée et aussi mensongère, la mémoire des victimes de la Shoah voilà qui est révoltant. OOOLe regretté rabbi David Bouzaglo fut un des grands poètes contemporains du judaïsme marocain. C’est lui qui, durant des décennies, jusqu’à son départ en Israël, anima à Casablanca les traditionnelles séances de bakkachot ( les supplications ) du vendredi soir. Une biographie qui lui est consacrée va paraître au début de l’année prochaine aux éditions Koutoubia. Son fils le docteur Méir Bouzaglo est philosophe et enseigne à l’université hébraïque à Jérusalem. Dans un livre qui vient de paraître en Israël, ce spécialiste de Kant, réfléchit à la notion de tradition dans le judaïsme. Et on trouve dans son ouvrage cette petite perle qui vaut de l’or : “La fidélité de l’homme au monde de ses parents est la clef du judaïsme”. V.M INFORMATION JUIVE Décembre 2009 19 BONNES FEUILLES “Nous avons des choses à vous dire” PAR TAREQ OUBROU Tareq Oubrou est un des imâms de France les plus connus. Philosophe et théologien illui est souvent arrivé d'exprimer sa détermination à conduire un dialogue fructueux avec les juifs et les chrétiens de France. Dans le livre d'entretiens qu'il vient de publier aux éditions Albin Michel ( Profession imâm. Entretiens avec Michaël Privot et Cédric Baylocq ) il s'adresse à différentes reprises aux responsables ainsi qu'aux membres de la communauté juive. Et ce qu'il dit ne ressemble en rien à de la langue de bois. Le devoir de nos communautés est, nous semble-t-il, d'écouter ce qu'un des grands dignitaires de l'islam en France a aujourd'hui à nous dire. Y compris quand il s'agit de raisonnements qui nous paraissent discutables. Avec l'autorisation des éditions Albin Michel, nous publions ici, à titre d'information, un extrait du livre de Tareq Oubrou. Le président Sarkozy a annoncé en février 2008, lors d'un discours devant des représentants de la communauté juive, qu'il souhaitait que chaque élève de CM2 " prenne en charge la mémoire d'un enfant déporté ", avant d'y renoncer. On sait les problèmes croissants que pose l'enseignement de la Shoah dans les quartiers où la population d'origine maghrébine est nombreuse. Ce type de gestion de la mémoire nationale vous parait-il pouvoir juguler ces problèmes ? Comme j'ai eu l'occasion de vous le dire, il faut éviter à tout prix d'importer un quelconque conflit, notamment israélo-palestinien, sur le territoire français. Conscient de ce genre de dérive, j'ai moi-même participé à l'initiative d'un voyage à Auschwitz, par- ment, en tant que citoyens européens désormais, nous devons assumer cette histoire tragique de l'Europe. Cela n'a rien à voir avec la position que l'on pourrait avoir les uns et les autres à l'égard du conflit politique israélo-palestinien, notamment à l'égard des gouvernements israéliens ou responsables politiques palestiniens. Ceci dit, je ne suis pas pour cette surenchère des mémoires à laquelle nous assistons ces dernières années. Je crains que l'inflation de la victimisation de tout bord ne déchire le tissu de notre identité nationale française commune. Aussi est-il vrai que trop de mémoire nuit à la mémoire, sur- Nous sommes dans un destin commun au sein de la République, qui a établi des valeurs communes que nous devons partager. ticipé au Yom Ha-Shoah avec mes deux filles qui ont pris part à la lecture des noms d'enfants déportés… La Shoah est un drame humain, que les musulmans doivent reconnaître à double titre : tout d'abord en tant que musulmans en principe sensibles aux drames qui frappent l'humanité - et la Shoah est un drame qui n'honore pas notre humanité - ; et deuxième20 INFORMATION JUIVE Décembre 2009 tout quand il s'agit d'y impliquer les enfants par rapport à un passé très violent dont il n'est pas sûr qu'ils en assumeraient psychologiquement les conséquences. Bien des spécialistes, y compris certains intellectuels juifs, se sont opposés à cette idée lancée par le président de la République. Je pense que face à ces problèmes de société, nos politiques doivent pren- dre le temps de penser les choses graves avant de les annoncer et ne pas procéder à un exercice de réflexion à voix haute et jeter au public des idées sous le feu de l'action et de l'émotion, sans vision claire et cohérente. Lors du déclenchement de la deuxième intifada, un quotidien vous propose un entretien croisé avec le directeur du Centre communautaire juif de Bordeaux Hervé Rhebby, que vous venez d'ailleurs d'évoquer. Vous commencez par dire que ce serait une erreur d'importer le conflit sous nos cieux, puis vous terminez en demandant aux " responsables juifs " de France de dénoncer " ce qu'Israël fait en Palestine … " Comment un imâm de la République peut-il gérer ce dilemme : d'un côté essayer de ne pas souffler sur les braises du (res)sentiment communautaire afin de maintenir un semblant de vivre-ensemble sous nos cieux, mais par ailleurs montrer une empathie vis-à-vis du peuple palestinien, qui peut se transformer de proche en proche en invectives contre Israël, puis contre les juifs en général, et parfois pire ? Dans toute situation, il faut essayer de chercher la position la plus juste possible. Et c'est délicat. D'un côté, nous sommes dans un destin commun au sein de la République, qui a établi des valeurs communes que nous devons partager. Cela implique que nous devons aller dans le sens de BONNES FEUILLES la construction d'une société harmonieuse, paisible, mais en même temps nous sommes confrontés à des " dossiers étrangers " parmi lesquels celui du Proche-Orient. C'est un dossier international assez sensible. Il dépasse le seul registre des communautés juives et musulmanes de France. Chacun a le droit d'avoir l'avis qu'il estime le plus juste, mais il ne faut pas que cela se répercute sur le bien vivre et la paix sociale ici en France. Ceci dit, je ne vois pas l'utilité pour les musulmans de France de lier leur destin à la question palestinienne. Il n'y a pas de consubstantialité de destin entre les musulmans de France et la question palestinienne : il ne faut pas que la Palestine soit un déterminant de notre vie religieuse, ni même sociale, ici en France, ni ne détermine notre rapport avec les juifs de France. Qu'elle ne soit pas un obstacle qui s'érige entre nos communautés respectives ! En conséquence, il faut se rencontrer, dialoguer avec les institutions représentatives de la communauté juive, même si l'on n'est pas d'accord. On peut manifester son désaccord dans l'art de la démocratie, de la liberté et du respect mutuel. On peut aller même au-delà de nos divergences sur cette question jusqu'à l'amitié voire la fraternité. À ce propos, j'aimerais parallèlement souligner que s'il faut condamner les déclarations des musulmans qui attisent le feu de la haine, il faut également condamner celles de certains responsables juifs qui ne contribuent pas à résoudre le problème : soutenir la politique inhumaine d'un gouvernement, ce n'est pas rendre service au peuple juif qui dépasse le cadre des frontières de l'État d'Israël. Ce serait une erreur fatale pour les juifs de se considérer comme prenant part à un système politique circonscrit, pour la simple raison que toute erreur politique israélienne pourrait alors se répercuter sur n'importe quel juif dans le monde. Je suis donc partisan de dissocier le judaïsme en tant que nation et/ou religion et culture de l'État d'Israël comme système politique. De plus, condamner à cet égard un gouvernement israélien n'est pas forcément une remise en cause de la légitimité politique de fait de l'État d'Israël. L'erreur d'un gouvernement n'est pas forcément erreur de l'État. De même que l'aberration d'un État ne doit pas être imputable à une religion, à un peuple et à une La grande Mosquée de Paris nation. Je dirai la même chose pour l'islam en tant que religion : il ne doit pas être identifiable à un État. Il est une religion et une spiritualité qui circulent dans le monde au-delà des frontières, et dans des cultures et des systèmes politiques différents auxquels elles s'adaptent. Cette sécularisation est salvatrice pour tout le monde, car elle permet de mettre les religions et les cultures en dehors des conflits, si ce n'est en tant que modératrices et artisanes de la paix et de la justice entre les hommes et les peuples. En effet, on nous somme toujours, nous musulmans, de condamner l'injustice quand elle vient du monde musulman… comme si nous étions les représentants et les porte-parole de tous les musulmans du monde ! On passe presque tout notre temps à condamner le terrorisme islamiste, certaines déclarations de tel ou tel président ou responsable politique du " monde musulman "… C'est devenu un rituel, un sixième pilier de l'islam. En plus, personne ne nous entend, car cela n'intéresse pas nos mass médias, même ceux qui relèvent du service public, ce qui est dommageable. Car cela laisse entendre que les musulmans de France sont complices. C'est très violent comme situation. Et c'est dangereux pour la paix civile de notre société. En tout cas, nous ne cessons de nous exprimer sur un certain nombre de choses qui sont faites au nom de l'islam malgré la surdité de nos mass médias. Ce n'est pas autre chose que nous demandons aux instances juives. Lorsque l'État d'Israël fait des " gaffes ", il faut que les responsables officiels en France dénoncent cela de temps en temps. Ce n'est pas la mer à boire, d'autant plus que cela leur fera honneur et ce sera dans l'intérêt de leur communauté ainsi que de toute la société française. Vous avez l'impression qu'ils ne se prononcent pas assez ? La défense d'Israël est systématique et radicale, comme si cet État était gouverné par des anges ! On n'est pas obligé de défendre systématiquement des gouvernements et des politiques. Ce sont des hommes avec leurs ambitions personnelles électoralistes, qui parfois embarquent leur nation dans des guerres et des conflits sans issue pour détourner les regards de leur peuple sur les vrais problèmes intérieurs de leur société. Ce procédé politique est vieux comme le monde. Et il faut pouvoir condamner cela ! On est presque dans une théologie de l'infaillibilité. Ce qui est absurde pour une religion et une civilisation comme le judaïsme. On connaît la pensée talmudique foisonnante de discussions et de débats caractéristiques de la pensée juive qui va jusqu'à la critique même des commandements scripturaires. On est aujourd'hui dans un vrai paradoxe devant la situation au MoyenOrient. INFORMATION JUIVE Décembre 2009 21 BONNES FEUILLES Ne serait-ce que pour nous qui sommes engagés dans le dialogue avec les juifs : il faut nous donner une marge de manœuvre en tant qu'acteurs de ce dialogue, autrement nous serons devant des difficultés insurmontables. Je le dis souvent à mes interlocuteurs et amis juifs : " Si vous voulez participer à la paix civile, si vous voulez que nous travaillions ensemble, il faut que vous fassiez un geste. " Nous essayons de tout faire pour que les musulmans dialoguent avec les juifs, mais certaines déclarations ne vont pas du tout dans le sens de notre travail sur le terrain et ne nous facilitent pas du tout la tâche. C'est pour cette raison que beaucoup de musulmans et d'institutions musulmanes voudraient bien avoir un dialogue, avec le CRIF par exemple, mais ils ne le peuvent pas. Ils ne veulent pas se " mouiller " à ce point vis-à-vis d'une communauté musulmane qui s'identifie, de façon affective et intense - que personnellement je trouve parfois démesurée -, à la cause palestinienne. Et si ces institutions juives et certains intellectuels juifs continuent à défendre l'indéfendable, non seulement ils risquent de perdre beaucoup d'amis musulmans, mais beaucoup de juifs et beaucoup d'autres concitoyens 22 INFORMATION JUIVE Décembre 2009 français également. C'est un conseil d'ami. Concrètement, vous considérez donc que la situation au Proche-Orient n'est pas un obstacle infranchissable à l'établissement d'une concorde judéo-musulmane en France ? Tout dépendra de notre sincérité dans l'engagement pour un dialogue judéo-musulman qui doit aussi être pragmatique et à visée citoyenne et pour une cause commune : la paix civile. La seule garantie est la rencontre d'hommes au-delà de leurs convictions. Quand vous parlez de " rencontres des hommes au-delà de leur convictions ", cela signifie-t-il qu'il serait nécessaire de dégager un espace ou la religion, l'islam en l'occurrence, cesserait d'être surdéterminant ? Non, non, non, en faisant ça, je reste totalement, théologiquement et éthiquement musulman. C'est ma foi qui me pousse à surmonter les obstacles pour rencontrer l'autre. " Dieu ne vous interdit pas d'être bons et justes envers ceux qui ne vous ont pas combattus pour la religion et ne vous ont pas chassés de vos demeures. Car Dieu aime les justes " (60:8). Le conflit israélo-palestinien est un pro- blème politique ! Même en temps de guerre, pendant les Croisades, il y avait toujours des négociations, le commerce continuait… Il n'y a pas de guerre totale, comme il n'y a pas d'ennemi éternel et absolu : " Il se peut que Dieu établisse de l'affection entre vous et ceux envers qui vous avez de l'animosité, Dieu est Tout Pardon et Dieu est certes Capable " (60:7). D'autant plus que théologiquement parlant beaucoup de choses nous lient au judaïsme et au peuple juif malgré les vicissitudes de l'histoire passée et présente. Mais vous dégagez néanmoins un espace autonome où la dimension religieuse de chacun ne devient plus déterminante… Je propose mieux : au lieu que la religion ne s'efface, et la nature ayant, vous le savez, horreur du vide, et étant dès lors invitée à agir positivement, je préfère par conséquent sans vouloir faire de la théologie appliquée et concordiste, que la religion soit un modérateur politique, un régulateur des relations interreligieuses et interethniques, sinon elle sera utilisée par d'autres pour déclencher ou aggraver les conflits. (Copyright Editions Albin Michel) LA VIE DU CONSISTOIRE Elections au Consistoire de Paris : les résultats A u terme d'un mois de campagne officielle qui a permis aux nombreux candidats en lice de débattre et d'exposer leurs propositions sur les principaux sujets relatifs aux missions du Consistoire (débat dans nos colonnes le mois dernier) et de partir à la rencontre de la plupart des communautés pour dialoguer avec le plus grand nombre, les élections au Consistoire de Paris Ile de France se sont déroulées le dimanche 29 novembre dernier. Conformément à ses statuts, il s'agissait pour l'ACIP de procéder au renouvellement de la moitié des 26 membres que compte son Conseil d'Administration. 53 candidats étaient présents pour 13 postes d'administrateurs à pourvoir. Durant la campagne, les 53 candidats étaient répartis en quatre regroupements (un regroupement, AJC, défendant le bilan des quatre années passées et proposant la poursuite des actions engagées, et trois regroupements proposant d'autres directions, ARC, Tous Ensemble, l'Union des Présidents) et quatre candidats indépendants. L'élection s'est déroulée selon un mode uninominal à un tour. Ont été élus 6 candidats du regroupement Tous Ensemble (Clément Weill-Raynal, Dov Zerah, Laurence Botbol Lalou, Gérard Pariente, David Tibi, David Revcolevschi) 5 candidats du regroupement AJC (Michel Gurfinkiel, David Amar, Evelyne Gougenheim, JackYves Bohbot, Max-David Ghozlan), une candidate du regroupement ARC (Janine Riveline) et un candidat indépendant (Moïse Cohen). Le nombre de votants a été de 5013, avec 4881 suffrages exprimés, sur un total de 31000 électeurs. Les résultats globaux sont les suivants : INFORMATION JUIVE Décembre 2009 23 LA VIE DU CONSISTOIRE Les 13 nouveaux administrateurs élus pour un mandat de huit ans rejoindront en janvier les 13 administrateurs élus lors du scrutin du 27 novembre 2005 (Joël Mergui, Michèle Rotman, Sammy Ghozlan, Gil Taieb, Muriel Schor, Elie Korchia, André Benayoun, Yves-Victor Kamami, Daniel Vaniche, Haim Nisenbaum, Philippe Meyer, Françoise Atlan, Alberto Gabai) pour former le nouveau Conseil d'Administration de 26 membres qui élira alors le Président du Consistoire de Paris et son Bureau. A tous les nouveaux élus, nous adressons nos plus sincères félicitations. Le “Concert de la Joie” pour la Tsedaka P our la deuxième année consécutive, un concert exceptionnel à été donné le dimanche 15 novembre dans la grande synagogue de la Victoire pour le lancement de la campagne nationale pour la Tsedaka. La grande synagogue, ornée aux couleurs de la musique et décorée spécialement pour l'occasion, était remplie d'un très nombreux public venu écouter ce grand moment de musique classique. L'orchestre de grande qualité était dirigé par le maestro Vsevolod Polonsky. Après des mots très chaleureux de bien-venue de Dorothy Benichou Katz, l'organisatrice de la soirée, ce fut au tour du Grand Rabbin de France Gilles Bernheim, du Président du Consistoire Joël Mergui et du Président de l'Appel National pour la Tsedaka Gil Taieb de s'exprimer pour rappeler l'importance de cette action de solidarité en faveur de la lutte conter le handicap, l'exclusion et la grande pauvreté, qui constitue un socle fondamental du judaïsme et sensibiliser l'assistance, et bien au-delà, à la nécessité de participer chacun à sa manière à ce grand élan de générosité de la communauté juive. Place fut alors donnée à la musique avec une succession de grands airs interprétés par la trentaine de virtuoses présents dans la synagogue. Ce très beau concert a constitué le coup d'envoi de la campagne nationale pour la Tsadaka qui aura une fois de plus connu des grands moments de solidarité en faveur de celles et de ceux qui souffrent de situations particulièrement difficiles et éprouvantes, et qui se sera achevée comme chaque année avec le grand spectacle du 14 décembre au Palais des Congrès de Paris en présence de très nombreux artistes venus spécialement pour cette grande cause qui aura tout naturellement mobilisé pendant un mois l'ensemble de la communauté juive. 24 INFORMATION JUIVE Décembre 2009 Séminaire pour les enseignants des Talmudé Torah de Rhône-Alpes L e dimanche 1er novembre, une soixantaine de rabbins, d'administrateurs de communautés, de directeurs et d'enseignants des Talmudé Torah du grand Lyon, de Grenoble et de Clermont-Ferrand ont répondu présents à l'invitation du Grand rabbinat et du Consistoire de la région, à la grande synagogue de Lyon, quai Tilsitt en présence de Monsieur Marcel Dreyfuss, Président du Consistoire régional et vice-Président du Consistoire Central, Monsieur Charles Choukroun, président de la communauté de Vénissieux, et responsable de la commission pédagogique du CIRRAC et du Docteur Philippe Aknin, président de la commission Talmud Torah du Consistoire de Lyon. Monsieur Méïr Moaty, Directeur des services éducatifs du Consistoire de Paris était invité pour animer cette journée. Le thème retenu par le Grand Rabbin Richard Wertenschlag était "l'expérience d'une programmation pour toutes les classes du Talmud Torah et la présentation des nouveaux ouvrages destinés aux élèves des Talmudé Torah de Paris et de l'IDF". Monsieur Moaty présenta un film sur les activités des Talmudé Torah de la région parisienne, et notamment les tests de connaissances et le voyage éducatif en Israël. Il s'est réjouit de la parfaite symbiose entre le Grand Rabbin de Paris, le Président et la commission pédagogique du Consistoire de Paris, source du renouveau et de l'augmentation des effectifs. Les nouveaux manuels pédagogiques furent présentés et pris d'assaut. Un déjeuner fut offert par l'association Robert Gamzon, agrémenté d'un Dvar Torah du Grand Rabbin de Lyon sur l'importance de la transmission de nos valeurs. LA VIE DU CONSISTOIRE Fleg Allume l'Alhambra P our la Deuxième année consécutive, le Centre des Etudiants Edmond Fleg organise à l’occasion de Hanouccah et pour marquer son deuxième anniversaire un grand concert spectacle entre rires et chansons le mercredi 16 décembre 2009 à l’Alhambra. Le ton est donné par le duo de présentateurs Alexandre DARMON – étudiant humoriste - et DJ TROOP ONE, avec la présence exceptionnelle de Philippe LELLOUCHE. Le Centre recevra en guest star exceptionnelle un maître du Kosher GOSPEL Mister Joshua NELSON, juif noir américain, venu tout droit de Chicago et qui se décrit lui-même comme « le cauchemar du KKK », mais aussi Pierre DARMON à l’univers artistique pop, Mickael MIRO ou encore David SERERO, chanteur d’opéra qui interpréte les grands airs de Broadway. Clin d’œil aux miracles de Hanoucca, Eric ANTOINE, illusionniste et humoriste, actuellement en représentation au Palace, fait l’exclusivité d’un tour de magie spécialement mis au point pour le Centre Fleg. A ses côtés Jérôme DARAN, chroniqueur pour Michel DRUCKER est présent pour donner la réplique. Sans oublier les talentueux Kev ADAMS jeune comique de 18 ans ou encore John ELDJAM. Comme l’an passé, le Centre Fleg a souhaité afficher un spectacle entre culture et divertissement. Installation du nouveau Grand Rabbin du Haut-Rhin, Yaacov Fhima C 'est dans une synagogue aussi remplie que le jour de Kippour que s'est tenue le 8 novembre à Colmar l'installation du nouveau Grand Rabbin du Haut-Rhin Yaacov Fhima, par le Grand Rabbin de France Gilles Bernheim. Le Grand Rabbin Yaakov Fhima, natif lui-même de Colmar, succède au Grand Rabbin Jacky Dreyfus qui prennait là sa retraite. Les autorités civiles et religieuses étaient largement représentées dont le Maire de la ville et les représentants des cultes catholiques, musulmans et protestants. La parole fut successivement prise par Jean-Pierre Weill, Président de la Communauté juive de Colmar, Ivan Geismar, Président du Consistoire du HautRhin, Frédéric Attali, Directeur Général du Consistoire Central, représentant le Président du Consistoire Joël Mergui, le Grand Rabbin de France Gilles Bernheim, puis le Grand Rabbin Yaacov Fhima. Un hommage particulier fut rendu au père du Grand Rabbin Fhima (zatsal), ainsi qu'à tous ses maîtres et à sa famille. Son ancienne communauté de Sarreguemine avait affreté spécialement un car pour l'occasion. Une cérémonie particulièrement émouvante et qui restera longtemps gravée dans la mémoire de ses nombreux participants. Grand spectacle de Hanouccah pour les enfants du Talmud Torah U n grand spectacle est proposé dimanche 13 décembre par les services éducatifs de l’ACIP à tous les enfants des Talmudé Torah du Consistoire de Paris pour apprendre l'histoire de Hanoucah dans un cirque loué pour l'occasion. Des comédiens, des jongleurs, des lions, des éléphants, des clowns refont vivre l'histoire de la fête. Un orchestre de 12 musiciens accompagnera les acteurs et un chanteur de grand renom viendra chanter quelques "tubes" Hassidiques pour le plus grand plaisir des enfants. Au programme également, l’allumage de la Menorah, une distribution des cadeaux aux enfants, des chants entonnés par la chorale d’enfants de la « Haftara Club » et la remise de prix aux dix lauréats du concours des Talmudé Torah du 14 juin dernier par le grand rabbin de Paris David Messas, le Président Joël Mergui et le Président de la Commission Talmud Torah David Amar. Des enfants du Talmud Torah de la Place des Vosges raconteront leur expérience sur l'utilisation des nouveaux manuels édités par l'ACIP cette année. Ce spectacle fait partie des projets éducatifs et pédagogiques mis en place au cours des dernières années par le Consistoire de Paris pour que les enfants puissent apprendre et vivre les fêtes juives dans la joie d'un lieu féérique. INFORMATION JUIVE Décembre 2009 25 PHILOSOPHIE “L'histoire du retour de Benny Lévy” UN ENTRETIEN AVEC RÉMI SOULIÉ Le philosophe catholique Rémi Soulié consacre une longue étude à celui qu'il considère comme un anti-philosophe juif orthodoxe : Benny Lévy. Ce livre ( " Avec Benny Lévy ", éditions du Cerf 17 E ) constitue à la fois une plongée dans l'itinéraire et la pensée du regretté maître du judaïsme et un dialogue " fraternel " entre un penseur catholique et un penseur juif. Rémi Soulié s'explique ici sur le rapport qu'il entretient avec l'œuvre et les positions de Benny Lévy. OOO I.J : Pour vous, Benny Lévy c'est d'abord l'homme qui a toujours cherché l'absolu ? Rémi Soulié : Je crois, en effet, que ce fut la quête et la finalité de son existence. Outre qu'il n'appartenait pas à l'immense corporation des médiocres justement stigmatisée par un Bloy ou un Bernanos, Benny Lévy s'est toujours situé dans le domaine de la mystique - au sens de Péguy, cette fois - c'est-à-dire qu'il n'a jamais triché. L'élan du Pierre Victor de la Gauche prolétarienne était sans douté dévoyé mais tout était en place pour qu'un redressement ou un rattrapage (" Dieu m'a rattrapé ", disait-il) soit effectué. Dès lors que la tension vers la vérité demeure, tout est possible. I.J : On a souvent parlé de lui en disant qu'il est passé "de Mao à Moïse". Pour vous son itinéraire va plutôt " de Moïse à Moïse en passant par Mao". R.S. : C'est une formule de Benny Lévy lui-même et elle me semble on ne peut plus exacte : l'ignorait-il substantiellement dans son enfance et son adolescence, Benny Lévy était né juif. Or, le fait contingent de la naissance est un absolu, comme en conviennent toutes les pensées un peu sérieuses - pour notre temps, celles qui ne s'inscrivent pas dans la postérité du sartrisme. " Etre Juif " n'a rien de contractuel - d'où la 26 INFORMATION JUIVE Décembre 2009 haine plus ou moins sourde de quiconque adopte les postulats du monde moderne à l'endroit d'Israël. Aucun moderne, par exemple, ne peut admettre - quoi qu'il s'en défende par des sophismes et des arguties - l'existence de l'Etat d'Israël en tant qu'Etat juif. C'est impossible ! Pour cela, il faut ne pas avoir renoncé à cette tension vers la vérité que j'évoquais. " Il ne dépend pas de moi, écrit Pierre Benny Levy Boutang dans ce livre éminemment " pastoral ", au sens de Benny Lévy, qu'est La Politique, que la spiritualité humaine et la civilisation ne se manifestent pas comme un système de volontés mais comme une histoire ". Je préciserais : une Histoire sainte. On n'imagine pas le nombre de ceux qui sont intéressés à en finir avec elle ! I.J : Comment expliquez-vous le fait qu'il ait jeûné un jour de Kippour alors même qu'il s'affirmait athée et qu'après coup il soit allé en faire l'aveu à Sartre ? R.S. : Par la grâce. Benny Lévy a peu à peu retrouvé le sens pratique et spirituel des mitsvot après avoir ouvert son cœur, son esprit et son âme. Comme il ne faisait pas les choses à moitié, il s'est ensuite abandonné, en grand spirituel - ce qui n'implique évidemment ni passivité ni " quiétisme ", si l'on me passe un vovabulaire qui n'est pas tout à fait adéquat pour le judaïsme. Par ailleurs, autant que je puisse formuler un jugement en ce domaine, le premier problème n'est pas tant celui de l'athéisme que celui de l'ignorance : dès lors que Benny Lévy a accepté d'étudier, il a accepté de se laisser saisir par Dieu. Enfin, s' il s'est ouvert de son jeûne à Jean-Paul Sartre, c'est que ce dernier était encore PHILOSOPHIE Jean-Paul Sartre son " maître " - à mon sens, son mauvais maître, bien que les derniers entretiens avec lui montrent qu'il ne faut jamais désespérer. Après avoir rencontré le Rav Moshé Shapira, Benny Lévy dira significativement que, comparativement à lui, Sartre est tout petit. I.J : Pour vous, le moment de son Retour à la tradition juive se passe le jour où il découvre dans un petit livre consacré à la kabbale cette formule : "Le monde a été créé avec les lettres". Qu'est-ce qui le frappe dans cette formule au point de révolutionner sa vie ? R.S. : Il me semble que l'intellectuel qu'était Benny Lévy, le khâgneux puis le normalien, le disciple d'Althusser qui met en fiche les Œuvres de Moscou de Lénine, l'étudiant studieux qui apprend des pages et des pages de vocabulaire grec ne pouvait qu'être attiré ou interpellé par cette phrase qui n'est pas sans rappeler celle de Mallarmé sur le monde fait pour aboutir à un beau livre. Je crois, également, que tout est dans le Verbe, que les juifs et les chrétiens le savent par la Lettre ou par l'Esprit. I.J : Installé en Israël, il va y fonder l'Institut d'études lévinasiennes. Dans quel but ? R.S. : Dans un bref et admirable manifeste, Benny Lévy en trace le programme : " Qu'est-ce que j'attends de l'Institut d'études lévinassiennes ? Que ce soit un institut de guerim tochavim, un institut d'étrangéisation du sekhel, de l'intellect ! Qu'est-ce que cela veut dire, "étrangéisation de l'intellect", aujourd'hui ? Cela veut dire : lutte impitoyable contre la doxa, contre l'opinion. Il y a une dictature généralisée de l'opinion, en particulier sous la forme d'une vision politique du monde ; il faut et il suffit d'être étranger à cela pour appartenir à l'esprit même de l'Institut d'études lévinassiennes! C'est tout. " Et c'est admirable : Benny Lévy ose poser à nouveaux - et à éternels - frais la question de la vérité pour chacun et pour tous. Autant dire que toutes les superstitions contemporaines sur le progrès ou la démocratie passent à la moulinette. Benny Lévy fut trop idolâtre, dans sa jeunesse, pour accepter de s'en laisser compter par l' "opinion", laquelle peut alternati-vement défendre la dictature du prolétariat ou la démocratie sur un même mode "religieux". En ceci et quoiqu'il s'en défende parfois, il est resté platonicien. Il considérait d'ailleurs avec raison que Platon était, pour l'Occident, le seul philosophe par lequel nous sommes potentiellement reliés à la vérité. En ce qui me concerne, je crois en effet avec Joseph de Maistre que l'œuvre de Platon est la préface humaine à l'Evangile. I.J : Qu'y a-t-il réellement de commun entre sa pensée et celle de Lévinas ? R.S. : Il m'est difficile de répondre à votre question faute de connaître suffisamment bien l'œuvre de Lévinas mais il me semble que ce qui les sépare est plus important que ce qui les réunit. Même s'il ne renonce pas aux Grecs et au grec dans son enseignement universitaire, Benny Lévy tient qu'il est non seulement possible mais nécessaire, pour un juif, de penser avec la seule Jérusalem - mutatis mutandis, comme Heidegger considérait que seul le grec, dont l'allemand hérite, constitue le seul site universel de la pensée. Le "retour" de Benny Lévy, une fois encore, se caractérise par sa radicalité - mais il est vrai que Lévinas ne s'était jamais autant éloigné que lui du Talmud et de la Torah. I.J : Selon vous, Israël doit rester avec Abraham Hébreu : "Cela signifie, ajoutez-vous, qu'il doit perpétuer l'étude s'il veut se sauver et contribuer à sauver le monde". N'est-ce pas le cas aujourd'hui ? R.S. : Israël n'a jamais tenu que par l'étude : qu'elle disparaisse et les juifs disparaîtront. Léon Bloy disait que le monde ne tient que par la prière de quelques enfants. Je crois que les rabbins assurent qu'il ne tient que par le souffle de dix d'entre eux, penchés sur les Livres. C'est également ce que je crois : l'envers de l'histoire contemporaine, c'est ce que nous appelons la communion des saints. Emmanuel Levinas INFORMATION JUIVE Décembre 2009 27 HISTOIRE " Les juifs du pape " : C'était à Carpentras, au XVIIIème siècle UN ENTRETIEN AVEC SIMONE MREJEN-O'HANA Mme Simone Mrejen O'hana a consacré une quinzaine d'années à reconstituer ce que fut l'histoire des juifs à Carpentras au 18ème siècle. C'était une époque où Avignon, Cavaillon, L'Isle sur la Sorgue et Carpentras appartenaient au Saint Siège. Elle vient de publier le résultat de ses recherches dans un livre en hébreu. Elle répond ici aux questions d'Information juive. I.J : Pendant quinze ans, vous avez mené des recherches sur la communauté juive de Carpentras au 18ème siècle. On croyait tout savoir de l’histoire de ces “juifs du Pape”. Vous semblez penser le contraire. Simone Mrejen-O'hana : J’apporte un complément non négligeable aux travaux de mes prédécesseurs – celui des sources inédites produites par la communauté juive en elle-même. Donc des documents de première main, qui pour la plupart, ont la particularité d’être rédigés en hébreu avec des apports des langues locales : le provençal et le français. La pièce maîtresse en est le registre d’Elie Crémieux de Carpentras : le Séfer ha-yahas (Le Livre de la généalogie) qui relate les éphémérides et les événements importants de la communauté juive de Carpentras ainsi que tous les instants du cycle de la vie : naissance, mariage et décès (ces derniers sont consignés dans un autre registre : hazkarat ha-nefashot, La commémoration des âmes). J’ai joints à ces sources des multitudes de données de toutes sortes que j’ai glanées dans les archives françaises, américaines et israéliennes. Le Séfer ha-yahas livre la conscience d’une communauté juive de près d’un millier de personnes vivant en diaspora, selon leur propre expression “bné gola” sur les rives de l’Ouvèze. On a ici un prisme direct, celui des protagonistes qui livrent leurs heurs et malheurs. Cette banque de données m’a permis de reconstituer la 28 INFORMATION JUIVE Décembre 2009 communauté juive telle qu’elle a existé, et ce à une époque charnière de son histoire – celle du 18e siècle tout en l’examinant sur la longue durée historique. I.J : Les quatre communautés dont il est question (Carpentras, Cavaillon, Avignon et l’Isle sur Sorgue) vivaient à l’époque, écrivez-vous, comme de véritables républiques. Qu’est-ce à dire ? S. M-O : Les juifs vivaient dans un espace défini et clos appelé mesila, “carrière”, une forme de ghetto constituant la cité juive et ce autour de la synagogue (l’Escole). Dans cet espace assez restreint tout était très agencé et hiérarchisé avec une oligarchie tripartite (trois mains réparties selon leur niveau de richesse) qui assurait la gestion et la il faut préciser que ces “petites républiques” étaient assujetties au pouvoir ecclésiastique ainsi qu’en témoigne leur appellation : les juifs du pape. A ce titre, elles devaient s’acquitter de diverses taxes dont celle du droit de famille : les juifs qui souhaitaient fonder un foyer ne pouvaient le faire sans l’autorisation préalable des autorités ecclésiastiques… I.J : Entretenaient-elles des relations entre elles et avec d’autres communautés juives ? S. M-O : Il convient de préciser au préalable le lien qui unit chaque membre à sa communauté : celui-ci “appartenait” corps et âme à sa communauté, au terreau dans lequel il est né. Ce droit du sol consiste à circonscrire, inclure et exclure pour Outre la fonction de registre d'état-civil, le Séfer ha-yahas d'Elie Crémieux contient en effet une multitude de renseignements. survie du groupe tout en le représentant auprès des instances locales. Ces “petites républiques” étaient dotées de dispositifs législatifs, d’ordonnances (taquanot) qui règlementaient leur quotidien. Elles possédaient leurs propres tribunaux et confréries qui prenaient en charge tous les instants de la vie, l’instruction, les indigents, les malades. Toutefois, assurer la survie et la notoriété de la communauté. C’est ce que j’ai appelé: “le naître et en être”. C’est là l’expression d’une forme identitaire très forte qui apparaît dans le registre dans lequel il est notifié l’origine de chaque individu. Dès lors, il est très intéressant d’observer les rapports qu’entretenaient entre elles ces “quatre saintes communautés” que HISTOIRE l’on présente comme un groupe homogène. Avant tout, il n’existait pas de fédération regroupant ces communautés. Carpentras – la petite Lyon, Meyrargues, Milhaud, Monteux, Valabrègues, Roquemartine, Lunel – des toponymes. On y trouve également des Alphandéry, des Ispir Ces gens ont acquis un savoir faire qui, transmis de génération en génération, préserve la mémoire collective. Jérusalem – qui est la communauté la plus importante privilégiait les relations avec l’Isle sur la Sorgue qui est géographiquement la plus proche alors qu’à l’égard d’Avignon, les rapports étaient bien plus distants et même presque inexistants. Tandis que nous percevons des liens avec Nice qui abritent certaines familles originaires du Comtat et qui leur expédient les loulavim et les ’etroguim pour la fête des Tabernacles ; avec Livourne qui leur procure des éditions de rituels. Enfin, les “quatre saintes communautés juives du Pape” entretenaient des contacts avec les quatre saintes communautés de Terre sainte (Jérusalem, Safed, Tibériade et Hébron) auxquelles elles se réfèrent. I.J : Que sait-on des origines historiques de ces communautés ? S. M-O : La légende relate que les juifs auraient été exilés après la chute de Jérusalem et seraient des descendants de la Maison de David et de la tribu de Juda. Les découvertes archéologiques, elles, attestent de leur présence à Orgon (près de Cavaillon) au premier siècle de l’ère chrétienne. Il faut néanmoins attendre le 13e siècle, date à laquelle le Comtat Venaissin fut acquis par le Saint-Siège (Avignon le fut en 1348) pour disposer de données plus étoffées. Dès lors, cette enclave pontificale (réduite aux quatre carrières en 1624) devint une terre de refuge pour les juifs bannis du royaume de France en 1394 et ceux de Provence un siècle plus tard. Leur onomastique témoigne de leur origine : Beaucaire, Cavaillon, Carcassonne, Crémieux, Delpuget, Digne, Lattes, à côté de noms bibliques : Abram, Cohen, Lévi, Mossé, Samuel. I.J : Votre travail se concentre sur Séfer ha-yahas d’Elie Crémieux. Il s’agit essentiellement d’une sorte de registre de qui s’y déroulent comme la venue et réjouissances à l’égard des autorités ou encore l’accueil des émissaires de Terre sainte. D’autres relatent les conditions de vie : tonnerre, tremblement de terre et inondation ; confiscation des livres en hébreu, institution de jeûnes, baptêmes des enfants juifs… I.J : Crémieux y raconte entre autres comment un de ses fils, Sem, lui a été enlevé pour être baptisé. Etait-ce courant à l’époque ? S. M-O : Oui, c’était un réel traumatisme pour les parents. C’est là un des facteurs qui incita les parents à quitter définitivement leur communauté afin de protéger leur progéniture. Il faut dire que l’Eglise a joué un rôle assez paradoxal : d’un côté elle prônait l’interdiction de baptiser les juifs par la force, d’un autre elle le pratiquait. Le seul fait qu’un chrétien, même un enfant, aspergeait de quelques gouttes d’eau un enfant juif plongeait ce dernier dans la chrétienté. la vie de la communauté juive de Carpentras entre 1736 et 1769. Mais on n’y trouve pas que des informations relevant de l’état civil. S. M-O : Outre la fonction de registre d’état civil, le Séfer ha-yahas d’Elie Crémieux contient en effet une multitude de renseignements. Certains sont relatifs à l’agencement de la communauté, tels l’élection des administrateurs ; à la synagogue : destruction, reconstruction, inauguration et dons, intronisation des chantres, ainsi que toutes les festivités Le cas de Sem, est assez particulier puisqu’il fut enlevé en 1762 à sa famille par Aïn de Cavaillon, une crapule en voie de conversion qui faisait chanter ses coreligionnaires juifs. En dépit du statut spécifique du kidnappeur, le pape refusa de rendre cet enfant âgé de sept ans. Sem devint Josephus Vignoli, cardinal-évêque de Foligno (Italie). I.J : Vous notez que la rencontre avec les émissaires venus de Terre Sainte a contribué à transformer certaines traditions religieuses. S. M-O : En effet, parmi les émissaires de Terre sainte venus collecter des fonds, on distingue l’éminent rabbin Abraham Guedalia de Hébron qui fait autorité . Il sermonne les fidèles qui perturbent le déroulement des offices par leurs bavardages et proclame à leur encontre une exclusion de trente jours INFORMATION JUIVE Décembre 2009 29 HISTOIRE en sus de la tsédaka. Il décrète de formuler l’expression zakhour lé-tov lorsqu’on évoquait le nom du prophète Elie. I.J : Comment expliquez-vous qu’on ait pu, à l’époque, procéder à des mariages religieux y compris le jour du samedi et même à Kippour ? S. M-O : Cela surprend ! Il faut remettre l’histoire dans son contexte. En fait la houppa se déroulait après shabbat et après les fêtes mais le cérémonial débutait soit le shabbat soit les jours de fêtes avec la Par ailleurs, les pères de famille voyageaient pour leurs affaires, ils étaient donc absents de la carrière et n’y revenaient que pour les samedis et les fêtes, période durant laquelle les mariages étaient célébrés. Enfin, sans doute, faudrait-il également considérer l’influence des usages du monde chrétien. I.J : A l’époque, Carpentras abritait, selon vous, les meilleurs mohalim (circonciseurs). Au point que l’on venait de partout pour y faire circoncire son fils. De plus, ce sont ces mohalim qui payaient Synagogue de Carpentras “olabatora” : la montée au Séfer Tora. Les registres de la communauté stipulaient ces jours là comme jour du mariage. Il faut préciser qu’à l’époque, le mariage se déroulait en deux étapes: les ’iroussin/quiddoushin (les fiançailles) et les nissou’in (le mariage). La première phase avait valeur halakhique de mariage. Elle engageait, des jeunes, âgés de 12/13 ans, à une donation de corps jusqu’à la confirmation des noces à une date butoir avoisinant parfois plus d’une décennie. 30 INFORMATION JUIVE Décembre 2009 pour avoir l’honneur de procéder à ce rite religieux. S. M-O : Le nombre de mohalim, des péritomistes m’a en effet interpellé : 54 praticiens entre 1736 et 1792 dont près de 80 % sont originaires de Carpentras. C’est en quelque sorte une “ville de mohalim”. Il faut dire que c’est là une noble fonction qui incombait soit au père, soit au grand-père mais également à des dignitaires et à des érudits. Leur renommée était telle que les gens venaient de communautés avoisinantes mais également de Pologne, d’Allemagne, d’Amsterdam, de Londres et de Lyon… Il existait une confrérie des péritomistes qui désignait par tirage au sort celui qui devait circoncire les étrangers et il était d’usage de gratifier de quelques deniers le père du circoncis. I.J : En vous lisant, on apprend également que les fonctions de hazane, de darchane (prédicateur) et même de chamach (bedeau) étaient héréditaires. Curieux, non ? S. M-O : Les professions à l’époque se transmettaient de père en fils. Ici, il faut préciser qu’il s’agit du culte divin. C’est donc un privilège d’être affecté au service de Dieu. En même temps, ces gens ont acquis un savoir faire qui, transmis de génération en génération, préserve la mémoire collective. I.J : Quand Carpentras commence à perdre sa vitalité ce sont les communautés juives d’Aix en Provence et de Marseille qui se développent. S. M-O : Les juifs (en tous les cas les nantis parmi eux) profitent de l’édit de tolérance pour émigrer vers Aix, Nîmes, Marseille où ils étaient déjà bien établis puisqu’ils s’y rendaient pour leur commerce. Des notoriétés rabbiniques essaiment dans ces communautés. Citons le rabbin Mardochée Crémieux à Aix, le rabbin Roquemartine à Marseille. Les juifs de Carpentras ont émigré un peu partout : on les trouve à Nice, comme à Nîmes mais aussi au Mexique, en Tunisie, en Palestine. On les trouve également bien représentés au Grand Sanhédrin constitué par Napoléon. Cependant cette dissémination amorcée annonce la dislocation d’une communauté qui fut le berceau du judaïsme français. --Simone Mrejen-O’Hana ,Le Registre d’Elie Crémieux : Éphémérides de la communauté juive de Carpentras (1736-1769).( en hébreu ) Jérusalem, Institut Bialik, Université hébraïque de Jérusalem, Institut Ben Zvi, 2009. TOURISME Eilat : soleil et détente PAR ESTHER HECHT A l’extrémité méridionale d’Israël, où l’or des sables rencontre les eaux bleues de la Mer Rouge, s’étend Eilat. Ici, les visiteurs défont leur chevelure pour s’adonner aux plaisirs annuels de la mer et du soleil. A l’instar des riverains, dont la majorité s’est installée ici pour fuir les pressions politiques, sécuritaires et urbaines, les touristes de cette calme baie environnée de montagnes granitiques peuvent ainsi se mettre à l’écoute de leurs corps et de la nature prodigue : des coraux aux mille nuances et des poissons tropicaux bariolés ; des oiseaux par millions byzantine, la ville a été un foyer important de commerce et de paix. Une communauté juive y demeurait à proximité jusqu’au milieu du Xe siècle. Le site de l’ancien port a été localisé au nord de celui d’Aqaba, en Jordanie. passant par là, en vol migratoire pour l’Afrique ; et tout près, plusieurs espèces d’animaux sauvages qui parcouraient aux temps bibliques déjà les régions du Sud d’Israël. Sur la rive nord de la Mer Rouge, au carrefour de l’Afrique, de l’Asie et de l’Europe, Eilat a toujours été d’une importance stratégique. Elle est mentionnée à plusieurs reprises dans la Bible sous le nom d’Elath, par laquelle passèrent les Bné Israël pendant leur errance dans le désert. De la construction par Salomon en ces lieux d’un port et d’une marine jusqu’à l’ère installé en bord de mer en décembre 1949 s’est déplacé trois kilomètres au nord pour devenir Kibboutz Eilot. Les premières maisons d’Eilat ont été construites en 1950. Cependant la ville se développa à un rythme lent, le détroit de Tiran étant fermé aux navires à destination d’Israël. La campagne du Sinaï a ouvert le détroit en 1956, et la même année, la route de Beersheva, via Mitzpe Ramon, a été inaugurée. Eilat a obtenu le statut officiel de ville en 1959, forte de seulement 3 500 habitants. Ces derniers travaillaient au port, dans les L’actuel Eilat se situe à cinq kilomètres à l’Ouest d’Aqaba. Bien que le plan de partage de 1947 de l’ONU ait compris Eilat, l’endroit restait à conquérir. En mars 1949, à la suite de l’opération Ouvda – dernier combat de la Guerre d’Indépendance- les Israéliens élevèrent un drapeau de fortune, confectionné d’un drap, sur lequel un Maguen David avait été inscrit à l’encre. Un kibboutz mines de cuivre de Timna ; ils pêchaient, étaient industriels dans l’électricité ou la construction, ou faisaient affaire dans le tourisme. La fermeture du détroit par l’Egypte en 1967 conduisit à la guerre des Six Jours, après quoi la ville connut une véritable floraison. Le tourisme a longtemps été un bastion pour l’économie de la ville ; 300 000 étrangers et deux millions d’Israéliens y sont allés faire un tour en 2008. En 1970, on comptait 2000 lits d’hôtel (en comparaison des 10 000 à l’heure actuelle). Mais la guerre du Kippour a fait subir un coup sévère à la ville, ce qui eut pour conséquence la fermeture des mines de cuivre. En 1975, les vols charters en Europe faisant florès, Eilat devient dorénavant une destination du tourisme international. Dans les années 80, la ville s’agrandit à 20 000 habitants. En 1985, elle se transforme en zone de libre-échange : tout y est duty-free. Après la signature du traité de paix avec la Jordanie en 1994, la douane d’Arava s’ouvre pour les touristes souhaitant visiter les deux pays. Les années 90 ont vu une large expansion des zones résidentielles ainsi que des hôtels. En 2002, une annexe de l’Université Ben Gourion du Neguev y a été créée. Le premier rabbin, Moshe Hidaya, s’est installé dans la ville en 1957. A ce moment-là, se rappelle-t-il, il n’y avait rien excepté le ciel, la mer, le sable doré, les coraux, et 1 200 habitants. Il était venu à Eilat pour un an et y est resté , créant une communauté de fidèles à la synagogue de Pahad Yitzhak. Lior Mucznik, lui, est arrivé en 1983, pour passer une année à la plonge. Aujourd’hui, il s’est trouvé propulsé directeur général du Dan Panorama Hôtel et déclare qu’Eilat est un endroit formidable pour y élever des enfants. INFORMATION JUIVE Décembre 2009 31 TOURISME 60.000 habitants Aujourd’hui, Eilat compte plus de 60 000 habitants, mais la plupart sont des nouveaux venus ; moins de la moitié y a vécu depuis plus de cinq ans, et il existe un renouvellement constant d’anciens conscrits de l’armée. Parmi les résidents, on dénombre 3000 immigrants de l’ex-URSS, 1000 étudiants de l’Université Ben Gourion et 700 réfugiés soudanais. Par ailleurs, chaque jour, entre 200 et 300 jordaniens viennent de la ville voisine d’Aqaba pour y travailler. Requins, tortues, pastenagues, coraux et poissons de toutes formes et couleurs attendent les visiteurs à l’Observatoire sous-marin de Marine Park, à Coral Beach. Chaque strate du récif possède sa propre faune et flore. Elles sont exposées au sein des 40 aquariums de l’observatoire. Dans une salle obscure, on peut découvrir des poissonslanternes. Les visiteurs sont également conviés à naviguer sur un bateau à cale translucide, à voyager dans un sousmarin jaune ou à regarder un film dans l’Oceanorium, assis sur des sièges qui tanguent et rebondissent pour simuler la navigation. Clou du séjour : la Réserve Naturelle de Coral Beach, adjacente aux attractions. On y trouve poissons-papillons et poissonsperroquets parmi des centaines d’autres espèces domiciliées dans le récif corallien, le plus septentrional au monde. On atteint l’eau par des ponts, histoire de ne pas endommager le récif parallèle à la rive. Des nageurs le parcourent dans sa longueur et, s’ils font attention, ils apercevront les vestiges d’une cité engloutie… Bien qu’Eilat ait longtemps été connue pour son effervescente vie marine, le Centre de recherche international sur les oiseaux se révèle tout aussi enthousiasmant. Un demi-million d’oiseaux venus d’aussi loin que le nord sibérien volent vers l’Afrique pour la morte saison, mais ils doivent marquer une halte pour faire des réserves en nourriture avant de traverser le désert au Sud de la ville, long de 3 300 kilomètres. Le Centre a graduellement amendé les marais salants d’Eilat, lesquels étaient devenus une décharge 32 INFORMATION JUIVE Décembre 2009 publique. Aujourd’hui, ils sont le gardemanger choisi de ces oiseaux en danger. Les atours naturels d’Eilat vont jusqu’à être célébrés dans la plus grande synagogue de la ville, Pahad Yitzhak. Dans ce sanctuaire hexagonal de 350 places aux murs couleur d’azur, la bima et l’Aron Kodech sont fastueusement ornées, dans des teintes bleu-argent, de vagues et de coquillages. Dans la galerie des femmes, des pierres vertes et turquoises, extraites de la région, sont incrustées en creux des balustrades. Légendes Un autre passe-temps agréable, tout particulièrement en soirée : déambuler le long de la promenade nord et goûter aux amusements et produits des divers commerces et restaurants. Et tant est sec l’air du désert, les visiteurs ne doivent pas oublier de boire. Ils peuvent profiter de le faire au Ice Space , un bar fantaisie de forme arrondie, façonné de glace et rempli de sculptures tout aussi glacées, ours polaires ou pingouins. Ice Space fournit des vêtements chauds, sert des boissons dans des verres de gel et possède un lounge extérieur pour, tout de même, y retourner se chauffer un peu. Les mines du Roi Salomon sont matière à légende. On dit qu’elles devaient se situer à Timna, à 25km au nord d’Eilat. La réalité est bien différente. En revanche, ici se trouvèrent les plus anciennes mines de cuivres au monde. Le Timna Park, large de plus de 6000 hectares, offre un film d’introduction sur les mines. On peut y louer une voiture pour aller visiter les formations minérales sculptées par le vent, dont le champignon, les arches et les Piliers de Salomon. Les vestiges des mines et des camps de mineurs, une reconstitution du tabernacle portatif évoqué dans la Bible, des circuits nocturnes, des activités sportives telles que vélo en montagne, descente en rappel et tir-à-l’arc, comptent parmi les activités proposées. Beaucoup des animaux qui occupaient le sud d’Israël aux temps bibliques – ânes sauvages, antilopes blanches et vautours oricous- étaient déjà éteints ou en voie d’extinction en 1968, époque à laquelle la réserve de Hai-Bar Yotvata a été installée en vue de réintroduire ces animaux dans la région. Les visiteurs peuvent faire un circuit sur les 12 km2 du site, au nord du Parc, pour y explorer cette riche faune. A moins d’une heure de vol ou de quatre heures en voiture de Tel-Aviv, Eilat constitue une attache reposante pour des courts séjours à Petra, ou dans la péninsule du Sinaï, au même titre que des excursions en Israël. Les vols charters en provenance de l’Europe atterrissent au tout proche Uvda Airport. D’octobre à avril, le climat y est doux. Eilat accueille un festival de jazz extrêmement populaire au mois d’août, un festival de musique classique en février ainsi qu’un festival de cinéma en mai. (Extrait de Hadassah Magazine, février 2009, traduit et adapté par Léa Philpott) REPÈRES Egypte : Le mensonge et l'humour Le journal de Beyrouth Al Mostaqbal, traduit et cité dans le numéro du 5 novembre de Courrier International consacre une étude à ce qu'il appelle le mensonge comme arme de survie". Le journal écrit que "les trois quarts des Egyptiens ont l'impression que l'on ment de plus en plus dans leur pays et 70 % d'entre eux pensent que leurs compatriotes agissent avec duplicité ". Dans cet article, Noha Atef rappelle que les Egyptiens sont " le deuxième peuple le plus pessimiste du monde, selon une étude de l'université du Kansas aux Etats-Unis mais cela n'a pas entamé leur humour ". Notre confrère termine ainsi son étude : "Le mensonge est une arme pour survivre dans un monde où règnent la pauvreté, la maladie, et la peur de l'avenir. Il y a deux ans, l'université de Hélouan (dans la banlieue du Caire) avait publié une étude montrant que 40 % des Egyptiens étaient dépressifs. Là encore, les Egyptiens n'ont pas cru ce qu'on leur disait. Ils ont eu pour tout commentaire : 40 % seulement ? Une radio francophone israélienne Oz Radio Yeroushalaim est la première radio numérique israélienne émettant en français depuis Israë l. Dés sa création, elle s’est imposée un objectif de rigueur : professionnalisme et qualité. Emettant de Jérusalem, elle est le pôle de ralliement de toutes les communautés juives dans le monde, leur émetteur et récepteur. Le lien indestructible qui les relie ! Elle défend le judaïsme et Israël en De l'usage d'Auschwitz Auschwitz comme antidote à la récidive : sous ce titre l'hebdomadaire Courrier International ( 3 décembre 2009 ) publie la traduction d'un article extrait du journal de Varsovie Gazeta Wyborcza. On y apprend que des détenus prochainement libérables sont conviés à visiter l'ancien camp de la mort et que les autorités judiciaires espèrent ainsi susciter chez eux une réflexion sur le mal. Selon les organisateurs, ces visites sont en effet de nature à faciliter la réinsertion des prisonniers après leur libération. Le directeur d'une prison déclare : " Nous offrons à nos détenus la possibilité de découvrir l'histoire tragique d'Auschwitz. Nous espérons provoquer chez eux une réflexion sur les conséquences d'une idéologie criminelle et sur ce que peut devenir l'existence quand des hommes font tant de mal à d'autres ". Un prisonnier de 42 ans déclare au journal polonais : "Avant d'aller en prison, j'étais directeur d'une piscine ; j'ai beaucoup travaillé avec des jeunes. Je crois qu'ils devraient tous visiter Auschwitz. J'espère que ce programme de réinsertion me permettra d'être un homme meilleur une fois que j'aurai retrouvé ma liberté". Réaction d'un responsable du centre pédagogique international sur Auschwitz: " Nous sommes curieux des résultats de ce travail effectué avec les prisonniers". particulier face à toutes les désinformations. Elle permet ainsi un contact direct avec la réalité de la vie israélienne tant sur le plan culturel, cultuel, social, économique et politique. Oz Radio Yeroushalaim est un lieu de rencontres ouvert sur un monde qui aime Israël et s’y intéresse. Oz Radio Yeroushalaim permet un accès direct à un portail regroupant l’info, la musique, l’économie, le divertissement, le sport et la culture en Israël en français. Trois grands journaux d’information sont proposés ainsi que des flash toutes les heures. Oz Radio Yeroushalaim privilégie la différence en offrant un panel d’émissions tant sur le plan politique, religieux, culturel et économique animées par des journalistes connus. Sa vocation est de développer simultanément tous ces secteurs et elle a pour règles ; la rigueur, le pluralisme et l’ouverture. Oz Radio Yeroushalaim est une radio à la pointe des nouvelles technologies : numérique en haute définition, elle offre une qualité d’écoute supérieure à celle d’une radio “traditionnelle”. Elle émet sur internet, mais peut être écoutée également à partir des téléphones mobiles dotés d’une connexion internet, en France sur FreeBox et Numéricâble, sur boîtier radio Wifi et prochainement sur les auto radio Wifi. INFORMATION JUIVE Décembre 2009 33 DIASPORAS Tolède, l'inoubliable PAR ODETTE LANG T olède, la ville des trois cultures et des trois religions, l'un des lieux les plus prestigieux de l'Espagne juive d'autre-fois est "un luxe que possède l'Espagne" comme l'écrivait autrefois Julio Caro Baroja. De la terrasse du Parador de Tourisme, la vue sur la ville bordée par le Tage est exceptionnelle, inoubliable. Au centre de la cité s'élève la cathédrale - la seconde plus vaste d'Espagne après Séville - fondée dès le 6ème siècle et reconstruite en 1226 dans son état actuel. A l'ouest se trouvait l'ancien quartier juif formé de la Juderia Menor (le petit quartier juif) et de la Juderia Mayor (le grand quartier juif). A l'époque de sa splendeur, Tolède était un exemple reconnu de cohabitation pacifique et de développement culturel et social entre les trois communautés monothéistes: juive - chrétienne - musulmane. Elle servit de cadre à l'écrivain Noah Gordon pour son livre "Le dernier juif" traitant de l'expulsion de 1492. En cette belle journée d'automne ensoleillée le groupe de la Jeunesse juive d'Europe, pénétrons dans l'enceinte de la ville par le pont de San Martin qui enjambe le Tage puis entrons dans l'ancien quartier juif par la porte Cambron qui menait à la Medinat al Yahud à l'époque de l'arrivée des musulmans. Devant nous, des petites ruelles en pente, certaines très étroites, des maisons aux pierres anciennes reflétant encore un peu de la sagesse d'autrefois, des noms retenus "Traversia de la Juderia" "Traversia del Judio" "Calle de Samuel Levi". Au 15 de la Calle del Angel se trouve la Casa de Jacob, librairie et centre d'information juive. Nous y sommes reçus par la très courageuse Maria-Thérésa. A l'intérieur, sa vaste librairie regorge d'ouvrages en toutes langues. Au mur du fond un grand 34 INFORMATION JUIVE Décembre 2009 écran projette des vidéos sur l'histoire de la ville. Les affaires ne sont pas faciles, nous confie-t-elle, mais je m'accroche de toute mon âme à ce travail. Au 4 de la Traversia de la Juderia, des ouvriers rénovent une ancienne habitation dont le sous-sol regorge de traces juives. Tout près, la Maison-Musée du Gréco, ancienne habitation de Samuel Ha-Levi qui fut ministre des finances de Pierre 1er de Castille au 14ème siècle et dont une statue orne une des places du quartier, est elle aussi en restauration. Des onze synagogues que comptait la ville seules deux, transformées en musées, ont survécu à l'Inquisition. Au 4 de la Calle Reyes Catolicos, la synagogue Santa Maria la Blanca, très sobre à l'extérieur, est une merveille d'harmonie et de beauté à l'intérieur composé de cinq nefs blanches séparées par des arcs en fer à cheval avec des chapiteaux ornés de pommes de pin. Fondée en 1180, partiellement reconstruite au 13ème siècle suite à un incendie, transformée en église, elle passa aux Chevaliers de l'ordre de Calatrava et elle est aujourd'hui un musée déclaré Monument national. La seconde, la Sinagoga Transito qui a été construite début de la seconde moitié du 14ème siècle sous Pierre 1er de Castille, est composée d'une seule et large nef. Sa décoration intérieure est splendide avec ses panneaux et ses frises en plâtre sculpté. Le plafond est en bois de mélèze incrusté d'ivoire, avec en bandeaux des inscriptions en hébreu et en arabe. Les fenêtres sont taillées dans une seule dalle de pierre sculptée. De la Galerie des femmes la vue plongeante est magnifique. Après 1492 les Rois catholiques l'attribuèrent aux Chevaliers de l'ordre d'Alcantara qui la transformèrent en une église dédiée à St-Benedict. Au 17ème siècle elle est connue sous le nom de " Transito " suite à une peinture placée sur l'autel dépeignant l'Assomption de la Vierge. Au 19ème siècle le bâtiment est utilisé comme baraquement militaire durant les guerres napoléoniennes et fortement détérioré. Le 1er mai 1877 elle est déclarée Monument national et sa restauration débute. En 1964 sera créé le Museo Sefardi, inauguré en 1971. Les collections du musée retracent l'historique des juifs d'Espagne, de leur arrivée à l'époque romaine jusqu'à l'expulsion. Dans le patio ont été regroupées d'émouvantes pierres tombales. Tolède s'enorgueillit également de sa célèbre Ecole des traducteurs fondée au 12ème siècle, et toujours en activité Place Ste-Isabel, spécialisée de nos jours dans les traductions arabe et hébreu vers l'espagnol. En 711 cette ville tombe aux mains des musulmans - le 25 mai 1085 Alphonse VI de Castille la reprend Entre le 12ème et le 16ème elle est capitale en Castille - En 1561 sa capitale est transférée à Madrid par Philippe II - mais en 2009, toujours présente, toujours belle, elle continue de transmettre avec art et science son passé et son héritage des trois cultures aux visiteurs éblouis qui la parcourent. LIVRES On peut enseigner le bien et le mal U ne des questions majeures que pose la Shoah est celle de son caractère unique : peut-on la comparer à d'autres massacres de masse ? Et les comportements individuels et collectifs des Allemands et des témoins plus ou moins indifférents peuvent-ils s'expliquer à la lumière d'autres comportements agressifs et lâches ou au contraire- compassionnels et altruistes ? David R.Blumenthal, un universitaire américain, spécialiste de la théologie juive, répond à ces questions en les situant dans un cadre général que résume le titre de son livre : La banalité du Bien et du Mal (1). L'auteur se livre à une vaste enquête sociologique, psychologique, morale, faisant largement appel à la Bible hébraïque, au Talmud et à la littérature rabbinique, autant qu'aux écrits contemporains des théoriciens de la science sociale, des hommes politiques et à la littérature sur la Shoah. Les sources du Mal sont infiniment variées. Notamment l'obéissance à la hiérarchie ; le recours au bouc émissaire, qui permet à l'individu de croire que ses problèmes peuvent être maîtrisés en éludant sa propre responsabilité ; l'éducation autoritaire, dont Hitler avait ainsi résumé la finalité par cette tirade: L'auteur part d'un constat a-priori paradoxal : les malfaiteurs nazis se justifient, et ceux qui ont aidé leurs victimes s'expliquent " presque de la même manière. 'Je n'ai fait que ce que l'on m'a demandé, je n'ai fait que mon devoir' ". En effet, on avait appris aux uns à haïr et à assassiner, aux autres, à compatir et à aider. Et le succès de l'apprentissage auquel ils ont été soumis est dû au fait que le penchant au Bien comme le penchant au Mal, le Yetzer ha-tov et le yetzer ha-rah de la civilisation juive, coexistent en l'homme. Blumenthal explore donc les deux potentialités, afin " d'identifier les facteurs psychologiques et historiques qui facilitent la pratique du bien et celle du mal " et de recommander " des attitudes pro-sociales, de conseiller des procédés " qui y conduisent. Notre époque en a évidemment un grand besoin, car ce sont " les gens ordinaires (qui) font le bien ou le mal", comme l'avait déjà constaté Hannah Arendt dans son magistral Eichmann à Jérusalem. " Je veux une jeunesse brutale, vaillante et cruelle (qui) ne cède (ni) à la faiblesse ni à la douceur. La lumière de l'animal de proie doit à nouveau briller dans ses yeux " ; la progressivité dans la pratique du mal, commençant par des actes minimes et aboutissant à des actes de plus en plus sérieux, et s'emparant peu à peu de tout l'espace public, " des écoles, des syndicats, des universités, de la médecine, du monde juridique, des affaires, des églises ", etc. et surtout, facteurs universels de l'abdication de l'homme, sa nature portée à la passivité. Dans l'autre sens, les sources du Bien, des attitudes pro-sociales sont infiniment vastes aussi. Sans doute l'auteur étend-il très loin - trop loin ?- le champ de ces comportements altruistes, puisqu'il y inclut le don du sang, " être volontaire dans des organisations caritatives, rendre visite aux malades, aider les pauvres et les personnes âgées, soigner les animaux, procurer un gîte aux sans-abri, l'objection de conscience " et d'autres encore. Et même, et nous dirons franchement notre désaccord, " faire partie du mouvement pour la paix et pour les droits civiques ", étant donné la perversion de ces nobles visées dans le cadre des menées anti-israéliennes. Ceci-dit, le bien virtuel en nous est actualisé par une pédagogie (dans la tradition juive, la Rorah est le remède au yetzer ha-rah) et Blumenthal s'étend abondamment sur les injonctions bibliques et rabbiniques qui organisent les actes de sollicitude et de bonté. Il recourt aux histoires édifiantes, notamment celles du hassidisme. Qui ne connaît ce rebbè qui disparaissait la nuit pour monter " plus haut que le ciel", se rendant dans la maison d'une paysanne invalide pour lui couper du bois et allumer un feu pour elle " ? Il cite le code éthique de Tsahal, qui enjoint " d'accomplir uniquement les ordres légaux et de désavouer de manière manifeste les ordres illégaux " et la " pureté des armes " qui consiste à " limiter l'usage de la force de sorte à ne pas porter inutilement atteinte à la vie humaine, à la dignité et à la propriété". L'érudition de Blumenthal est si vaste qu'aucun détail de la Bible et de la tradition juive n'est négligé par lui. Cependant, cette érudition qui pourrait lasser le lecteur est à chaque pas et INFORMATION JUIVE Décembre 2009 35 LIVRES opportunément interrompue et éclairée par une série de " contre-textes ", minifragments de la chronique de la Shoah, montrant qu'il ne s'agit ni de philosophie ni de théorie, mais de l'histoire toute récente et d'actualité. Par exemple, le cas typique de ces habitants de Dachau qui, aujourd'hui encore, plaident que " nous ne savions pas ce qui se passait réellement là-bas". Ou celui des " milliers de prisonniers de Gunskirchen, où il n'y avait que vingt latrines. Les SS tiraient à vue sur quiconque était surpris à se soulager ailleurs. Leurs corps restaient là dans leurs excréments ". Ou le cas de ce soldat américain, parmi les libérateurs des camps qui donnaient aux squelettes ambulants de la nourriture et des cigarettes : " C'était étrange de les voir manger les cigarettes au lieu de les fumer. Ils n'en ont pas fumé une seule. Elles furent toutes avalées avec avidité ". Ou encore, le cas de cette dizaine de SS qui gardaient des milliers de Juifs dans le ghetto. Comment faisaient-ils ? " Ils ouvraient le feu, tuant quelques personnes et disaient : 'Le premier qui bouge, je lui fais exploser la tête'. Croyez-vous que vous auriez osé bouger ? " Ou encore ce récit de l'odyssée d'un train de la mort. Du gel s'était formé au coin de la voiture. Un homme a demandé " qu'on le soulève afin d'en mordre un morceau. Lorsqu'il descendit il n'avait plus de lèvres. A ce momentlà, nous sommes arrivés à Buchenwald ; c'était au bout de huit jours environ et nous n'étions plus que huit, sur plus d'une centaine, à être encore en vie ". Ou encore la cruauté de ce SS qui liait les jambes des femmes en couches, afin qu'elles meurent, avec leur enfant, dans d'atroces souffrances. Avec ces brèves évocations de la vie quotidienne dans l'univers-enfer nazi, Blumenthal nous rappelle que les puissants éclairages apportés par lui pour fouiller les mystères de l'hitlérisme ne l'ont pas élucidé. Préalablement, il ne le sera jamais. Paul Giniewski -David R.Blumenthal, La banalité du Bien et du Mal, traduit par Alain Blum, Les éditions de Cerf, 2009, 454 p, 43€. The Banality of Good and Evil, Georgetown University Press, 2007. Un livre-cri d'alarme : Pour que vivent Israël et la civilisation Magdi Allam, citoyen italien, collaborateur éminent du Corriere della Sera, est un condamné à mort en sursis. Qu'a-t-il fait pour mériter le châtiment suprême ? Arabe d'origine égyptienne et musulman, il a commis des crimes abominables. Il s'est converti au catholicisme. Il a été baptisé par Benoît XVI en personne en la basilique de Saint-Pierre de Rome. Et il dénonce les " nazis islamistes " et soutient le droit d'Israël à l'existence. Aussi Magdi Allam a-t-il été visé par d'innombrables fatwas, ces décrets homicides, " en tant qu'apostat, ennemi de l'Islam, espion d'Israël, vendu à l'Amérique et j'en passe ", par le Hamas, l'Iran de Khomeyni et de Khamenei, la Libye de Khadafi. Ces donneurs de leçons, ces distributeurs de la peine capitale rêvent d'imposer au monde civilisé le régime de la perfection suprême et en donnent l'exemple en lapidant des femmes et en massacrant des innocents par milliers dans les autobus et les supermarchés. Magdi Allam, comme le fut Zalman Rushdie et le sont d'autres encore à travers le monde, vit traqué, veillé nuit et jour par des gardes du corps. Comment en est-il arrivé là ? Il relate son histoire et son parcours intellectuel et politique dans un livre paru en Italie 36 INFORMATION JUIVE Décembre 2009 et récemment en France : Pour que vive Israël (1). La haine de l'Etat juif : un prétexte Au départ, comme presque tous les égyptiens, Allam a vécu intoxiqué par la propagande des extrémistes, " le culte du mensonge, de la dictature, de la haine, de la violence et de l'idéologie de la mort ". Il croyait à la criminalité d'Israël, ce " cancer causé par le colonialisme occidental " qu'il " fallait extirper et détruire par la force des armes, jusqu'à la restitution du dernier pouce de territoire arabe occupé ". Etudiant en philosophie à l'université de la Sapienza, il a défilé dans les rues de Rome la keffia noire et blanche nouée autour du cou, criant " Palestine libre !", " Vive la résistance palestinienne ! ", "Vive Lénine ! ", "Vive Mao Tsé Toung !". Pour lui, comme pour une grande partie des Italiens, les Palestiniens avaient systématiquement raison et les Israéliens toujours tort. Il croyait que " si l'Etat hébreu devait enfin être rayé de la carte, cela aurait été un grand jour, le triomphe de la justice et l'avènement d'une paix définitive au Moyen-Orient et dans le monde ". Ses positions étaient donc, d'abord, conformes à celles des ennemis d'Israël, mais peu à peu il a réalisé que le conflit israélo-arabe s'insère dans un contexte plus large : il s'agit d'un aspect, d'un front du conflit, de deux conceptions du monde et de la vie. Son évolution n'était donc pas le fruit d'un penchant larvé pour Israël, mais la prise de conscience de ce qu'étaient et voulaient en vérité ses ennemis. Correspondant de presse en Israël pendant la "deuxième intifada", il découvre les dérives et les outrances de la "campagne forcenée d'endoctrinement des enfants à la violence et à la haine menée au nom de l'Islam" qui amalgame Israël et les juifs : " l'assassinat des enfants fait partie de la foi juive ". Il s'est aperçu que le pan-arabisme avait détruit l'Egypte, en masquant les diversités culturelles, ethniques, historiques du monde arabe, avait engendré la débâcle des économies et la paupérisation générale, pour déboucher sur la dictature de la pensée unique, de la violence et de la mort. Aujourd'hui, la croisade contre Israël est le prétexte qui sert aux dictatures arabes de justification à leur existence et à " escamoter la tyrannie et le sousdéveloppement intérieur ". Ainsi, les diverses formes d'extrémisme et d'intégrisme dans le monde arabe étaient les ennemis des peuples arabes, LIVRES englobant tout dans leur djihad : les hétérodoxes, les ennemis intérieurs et extérieurs présumés, mes apostats, les chrétiens, les juifs, tous ceux qu'à des titres divers on considère et on stigmatiser comme " infidèles ", tous ceux qui " flottent dans l'erreur ". Seuls les djihadistes sont détenteurs de la vérité. Les dangereux modérés et complices Ce qui a dessillé les yeux de Magdi Allam, c'est l'incitation directe à l'assassinat indiscriminé d'innocents par les plus hautes autorités islamiques, la perversion de sa propre culture d'origine. Par exemple la fatwa su mufti d'Egypte en 2002, appelant à la " multiplication d'actes suicidaires qui répandent la terreur dans le cœur des ennemis d'Allah. Les pays, les gouvernements et les souverains islamiques se doivent de soutenir ces attentats de martyrs ". Ou encore, la légitimation de la destruction des fœtus des mères israéliennes par un membre du Conseil européen de la fatwa, "parce que quand ils naîtront et grandiront, ils deviendront des soldats dans l'armée israélienne ". Plus dangereuse que ces incitations directes sont les approbations déguisées et hypocrites de l'inadmissible par des modérés. L'un des plus représentatifs est leur porte-parole en Europe, invité dans les symposiums et dont un membre d'un gouvernement européen a fait son conseiller. Oui, les actes de terrorisme sont " condamnables en soi ". Mais ils sont explicables : les Palestiniens sont dans une situation où ils se disent : " Nous n'avons pas d'armes, nous n'avons rien et donc nous ne pouvons que faire cela. " Ou encore, ce " modéré " ne demande pas la destruction d'Israël. Mais deux Etats sur la base des frontières de 1967 n'est qu'une étape : le but, c'est un Etat commun. Autrement dit, le remplacement de l'Etat juif par un Etat à majorité arabe. Et superlativement dangereuse est la connivence plus ou moins inconsciente d'une partie de la population d'Israël avec ceux qui veulent le détruire. En témoigne ce titre du Haaretz sur le tournant historique qu'aurait été la déclaration d'un dirigeant du Hamas : " un retour aux frontières de 1967 mènera à la paix ". Mais le chef terroriste avait tenu un tout autre langage : " Si Israël se retire sur les frontières de 1967, nous respecterons un cessez-le-feu pendant de nombreuses années ". est devenu l'élément discriminant entre l'idéologie de la mort et la culture de la vie, entre la civilisation et la barbarie, entre le Bien et le Mal ". Et qu' " il est En fin de compte, de quoi témoigne le livre de Magdi Allam ? Il existe au cœur du “monde arabe” ou du “monde de l'Islam”, des lucidités, des révoltes contre l'extrémisme nivelateur. Car pour les terroristes, la " paix " qu'on fait miroiter aux yeux d'Israël et de l'univers abusé est le contraire de la paix : une simple trêve permettant de restaurer ses propres forces pour achever l'ennemi dans un deuxième temps. L'intérêt de ces analyses s'applique au conflit israélo-arabe et vis-à-vis de l'islamisme et du monde. On assiste, en effet, au niveau international, à la focalisation de tous les anti-quelque chose "(anti-Amérique, certains secteurs du christianisme, de la droite et de la gauche) contre le boucémissaire traditionnel, le juif et par conséquent l'Etat juif, pour tisser ensemble la toile de fond sur laquelle se meut l'extrémisme islamiste. Même une minorité influente de Juifs occidentaux se joint à ce concert, obtenant par là une " attestation de 'bons Juifs' intégrés et acceptables ". ainsi, " l'Occident ressemble de plus en plus à celui qui nourrit le crocodile afin de sauver sa propre peau, insensible au fait que l'animal continue à dévorer des victimes innocentes et qu'immanquablement son tour viendra, sinon le sien, certainement celui de ses enfants et de ses petitsenfants. Ce crocodile est le mouvement islamiste ". Peut-être le titre du livre de Magdi Allam est-il mal choisi. Il semble suggérer qu'il a pour but unique la défense d'Israël. Or Magdi Allam a compris et veut nous montrer "que pour sauvegarder le droit à la vie de tous les hommes, il faut spécialement préserver l'existence d'Israël", qu' " ignorer le droit à l'existence d'Israël temps que les nations civilisées considèrent comme un crime contre l'humanité la négation du droit à l'existence d'Israël et la condamnation des Juifs comme mécréants et ennemis de Dieu ". Il eût donc fallu, correctement, intituler le livre : " Pour que vive la civilisation ". En fin de compte, de quoi témoigne le livre de Magdi Allam ? Il existe au cœur du " monde arabe " ou du " monde de l'Islam ", des lucidités, des révoltes contre l'extrémisme nivelateur. Certes, de faible envergure, isolées, insuffisamment connues et reconnues, donc mal appuyées dans le monde libre, qui devrait amplifier et propager leur appel. Elles sont l'espoir. Paul Giniewski --(1) Magdi Allam, Viva Israele, Dall'ideologia della morte alla civiltà della vita : la mia storia, Arnoldo Mondadori (2) Editore, 2007. Pour que vive Israël, Edit. du Rocher, 2008 INFORMATION JUIVE Décembre 2009 37 EN BREF Le Source de Vie est une des émissions les plus anciennes de la télévision française. Elle est dirigée et animée avec l’exceptionnel talent qu’on lui connaît par le rabbin Josy Eisenberg, par ailleurs éditorialiste d’Information juive. En près d’un demi-siècle, Eisenberg a reçu les penseurs les plus éminents, les écrivains les plus connus et les personnalités les plus représentatives du judaïsme français et international. OOO On sait que les éditions Albin Michel ont entrepris de faire d’un certain nombre de ces émissions des livres. conflictuelle entretenue par la fréquence des éruptions de violence qui frappent régulièrement cet espace qui ne laisse personne indifférent”. Le livre est divisé en cinq parties : Avant Israël, portraits de groupes, figures, médias et envois. Parmi les contributeurs on trouve notamment les noms d’Alain Finkielkraut, Eric Marty, Pierre Birnbaum, Monique Jutrin, Antoine Compagnon, David Lazar…(Editions de l’Eclat. 22 euros ) Le recueil qui paraît au début janvier réunit les entretiens que Josy a eus avec un certain nombre d’écrivains parmi lesquels des “monstres sacrés” tels que Jean d’Ormesson, Claude Lanzmann, Albert Cohen , Marcel Pagnol, Jean Blot, Jacques Attali, Robert Badinter ou Claude Hagège. Dans la brève introduction qu’il a donnée à ce recueil, Gilles Werndofer écrit notamment : “Dans ces quelques pages, c’est ainsi près d’un demi-siècle de lettres françaises qui revit, nous montrant combien la littérature transcende les barrières culturelles pour unir tous les amoureux du Beau et du Bien”. OOO Les intellectuels français et Israël. Sous ce titre les Editions de l’Eclat publient dans leur Bibliothèque des fondations, les actes de deux colloques qui se sont tenus à l’université de Tel Aviv en 2007 et 2008. Le livre est dirigé par Denis Charbit qui écrit dans sa présentation : “Longtemps, la “question juive” a été un thème important de la réflexion et de la passion intellectuelle…Mais c’est bien entendu le conflit israélo-arabe qui a transformé la curiosité en controverse et fait de cette question israélienne un enjeu intellectuel franco-français, sinon une passion 38 INFORMATION JUIVE Décembre 2009 OOO Voici, traduit de l’allemand par Claudine Layre, ce que l’on a appelé “le rapport Scurla”. Retrouvé par l’historien Klaus-Detlev Grothusen, ce rapport constitue l’unique témoignage sur le travail mené en Turquie par un certain nombre d’universitaires juifs qui ont été accueillis par la Turquie. Ce rapport est publié pour la première fois en français, sous le titre “Exil sous le croissant et l’étoile”. L’avant propos de ce livre insiste sur le fait que l’opinion publique doit continuer à avoir accès au “document historique probablement le plus important concernant cette phase tout à fait mémorable des échanges scientifiques et culturels germano-turcs, à savoir l’exil d’artistes et de scientifiques allemands en Turquie pendant le nazisme”. OOO L’excellente revue Politique Internationale que dirige notre ami Patrick Wajsman publie dans sa livraison de l’automne 2009, une longue interview – recueillie par Alexandre Del Valle – de Magdi Cristiano Allam, l’auteur de “Pour que vive Israël” (lire par ailleurs l’article de Paul Giniewski ). Voici de brefs extraits des déclarations de cet ancien dirigeant du Corriere della Sera, aujourd’hui député européen. On sait qu’il a abandonné l’islam pour se convertir au catholicisme. “La reconnaissance du droit d’Israël à l’existence est, à mes yeux, le fondement éthique d’une politique qui défend le droit à la vie de toute personne…Le terrorisme qui prenait initialement pour cible le seul Etat d’Israël, s’est progressivement étendu à tous les juifs, puis aux chrétiens, après la défaite arabe de la guerre de 1967….Aujourd’hui, le peuple juif est la seule nation au monde dont le droit d’existence même est remis en question. Israël est le seul Etat dont des pays membres de l’ONU déclarent vouloir la destruction, sans que l’ONU ne réagisse…La haine à l’égard d’Israël et des juifs est enseignée aux enfants dans les écoles et omniprésente dans les médias de nombreux pays arabes…. J’apprécie le courage et le dynamisme de M. Sarkozy et j’applaudis certaines de ses déclarations en matière de politique intérieure – comme par exemple son opposition à la burqa(..) mais j’avoue ne pas l’avoir approuvé lorsqu’il a contribué à réintroduire la Libye dans le jeu international en recevant Kadhafi en grande pompe à Paris”. (Politique Internationale. 11 rue du Bois de Boulogne. 75116 Paris) CINEMA Le récit captivant d'un grand patron capturé A u moyen d'un scénario au scalpel et d'un titre tranchant, le cinéaste et acteur belge Lucas Belvaux a entendu s'inspirer librement de l'enlèvement du Baron Edouard-Jean Empain, qui fut enlevé pour mémoire le 23 janvier 1978 à la sortie de son domicile parisien, avenue Foch, et fut détenu pendant plus de 2 mois par un commando de ravisseurs qui demandait une rançon exorbitante de 80 millions de francs, avant d'être finalement relâché et de les voir condamnés à 15 et 20 ans de réclusion criminelle. Transposée en 2009 - ce qui permet à Belvaux d'éviter une fastidieuse reconstitution et de s'adonner pleinement à son talent de chroniqueur de notre société contemporaine, cette histoire est ici traitée sous la forme d'un polar social et constitue à l'évidence une brillante suite de son précédent film, La raison du plus faible (sorti en 2006). En outre, si le film s'ancre totalement dans le présent en s'affranchissant de certaines données historiques (concernant certains détails relatifs à l'aspect physique des protagonistes de l'époque ou encore aux conditions dantesques dans lesquelles l'arrestation des ravisseurs a eu lieu) Lucas Belvaux reste fidèle à la chronologie des faits et restitue avec une indéniable force la détermination et le sadisme des ravisseurs, qui n'hésitent pas (comme ce fut le cas dans la réalité) à couper un doigt à leur otage afin de pousser la famille et l'entreprise de celui-ci à régler la rançon qu'ils réclament. Rappelons donc que le baron Empain était alors Président du Groupe EmpainSchneider, un fleuron de l'industrie française qui comptait 130.000 salariés, et que son enlèvement se doubla à l'époque d'un véritable scandale puisque celui que tout le monde appelait " Président " avait une personnalité peu ou pas compatible avec le profil que l'on se faisait de l'otage modèle, menant une double vie entre son rôle de bon père de famille et ses multiples maîtresses, sans PAR ELIE KORCHIA parler des somme astronomiques qu'il pouvait perdre au poker ou dans certains casinos. Manifestement passionné par cette histoire et tout ce qu'elle contient, Lucas Belvaux s'attarde avec intelligence sur les conditions de détention du prisonnier, dans la première partie du film, avant de s'attacher à dépeindre les conséquences et les dégâts de cet enlèvement sur sa famille et son entreprise, au travers d'une métaphore implacable sur le pouvoir démesuré et déstabilisant de l'argent, qui fait rapidement de Stanislas Graff un accusé et non plus une victime. Ainsi, après avoir évoqué avec brio une sorte de guerre sociale dans La raison du plus faible, celle d'un groupe ouvrier écrasé par un contexte économique difficile qui décide de monter un hold-up afin de prendre l'argent dont ils ont cruellement besoin dans les caisses de leur parton, Belvaux s'attaque cette foisci à son thème de prédilection sous un autre prisme, celui de la raison du plus fort, c'est-à-dire celle des voyous professionnels, des actionnaires tout puissants et autres médias racoleurs. Et nous conte l'histoire d'un Puissant qui se retrouve humilié, torturé et rabaissé alors même qu'il est bien loin d'imaginer, du fond de sa geôle, qu'il est victime d'un autre déclassement à l'extérieur de son lieu de captivité, puisque sa vie privée est jetée en pâture et que l'enchainement spectaculaire des révélations sur son intimité fera qu'il ne pourra plus jamais être le même, une fois revenu parmi les siens. Il faut d'ailleurs reconnaître que c'est dans cette seconde partie que la fiction se révèle être la plus efficace et la plus dérangeante, le réalisateur faisant montre d'un recul salvateur et d'une certaine empathie pour ce capitaine d'industrie déchu, qui survit entre souffrance et culpabilité, même s'il représente sans doute aux yeux du cinéaste les dérives d'une certaine forme de capitalisme et d'un système fondé tout à la fois sur l'apparence, les faux semblants et l'hypocrisie. Un metteur en scène qui démontre une nouvelle fois qu'il est un grand directeur d'acteurs et nous donne à réfléchir grâce à un subtil jeu de miroirs déformants, qui met en perspective au travers de ce rapt le gâchis d'une richesse outrancière face à la détresse résignée d'une classe ouvrière désabusée, précédemment dépeinte dans La raison du plus faible. Comment aussi ne pas saluer, dans le rôle de cet homme dont les blessures ne pourront jamais vraiment se refermer, clamant in fine la tête haute que sa vie lui appartient, la prestation bouleversante d'Yvan Attal qui réalise une grande performance d'acteur, grâce à un jeu de scène d'une incroyable densité, et dont l'impressionnante transformation physique (18 kilos perdus) va de pair avec l'énorme talent qui est le sien. Enfin, et même si cela n'a pas été l'une des raisons du choix d'Attal pour ce rôle, il parait important de souligner qu'avec sa silhouette typiquement méditerranéenne (aux antipodes de l'allure beaucoup plus nordique et physique du célèbre baron belge), on ne peut s'empêcher de penser ici à la fin tragique d'Ilan Halimi, qui fut capturé près de 30 ans après l'enlèvement du patron millionnaire pour la simple raison qu'il était juif et qu'il était donc forcément riche dans l'esprit de ses effroyables ravisseurs. INFORMATION JUIVE Décembre 2009 39 THÉÂTRE Rencontre avec Lionel Abelanski Lionel Abelanski est jusqu'à fin décembre, à l'affiche du Studio des Champs-Elysées, dans une pièce de l'Israélien Hanokh Levin : Les Insatiables. L'histoire de trois quarantenaires - Yonathan, Shmuel et Bella - qui rêvent de sortir de leur solitude, pour construire, aimer, se marier. Pas si simple quand l'un s'accroche à ses petites économies, l'autre à un héritage paternel très encombrant et la troisième à sa pharmacie. Une comédie existentielle et grinçante sur la quête d'amour, la solitude, les tréfonds de l'âme humaine, avec ses désirs immenses et ses petites médiocrités. I.J : Hanokh Levin est un habitué des satires politiques, pourtant dans les Insatiables, il n'en est jamais question. L.A : Il est vrai qu'Hanokh Levin est connu en Israël pour son engagement communiste. Les Insatiables est une pièce sur les rapports humains, le sens de la vie. Tout le monde veut recevoir mais qu'est-on prêt à donner ? Les trois personnages ne sont pas dans le même espace temporel d'où leur impossibilité à se rencontrer. Shmuel est un homme du passé, encombré par son héritage qu'il n'arrive pas à abandonner, véritable dot empoisonnée. Bella vit dans le présent de sa pharmacie rassurante et de la vie qu'elle veut mordre à pleines dents et Yonathan projette un avenir idéal, une vie de couple, avec des enfants, tout en ayant peur de lâcher la proie pour l'ombre. Cette pièce raconte le repli sur soi, la volonté de ne pas prendre de risque qui fait que l'on passe à côté de sa vie. Qu'est-on prêt à lâcher pour vivre, tout simplement ? On pourrait transposer cela au conflit du Proche-Orient, vous ne pensez pas ? ! l'héritage encombrant de Shmuel, légué par son père, qu'il traîne misérablement et l'empêche d'avancer. C'est une pièce universelle sur la difficulté à rencontrer l'autre. Comme dans les comédies noires italiennes des années 1970, avec des personnages redoutables et attachants, comme dans " Affreux, sales et méchants ". I.J : Quel est votre lien à Israël ? L.A : J'ai un lien très ancien, par mon père qui a vécu en Israël dans sa petite enfance. Il était orphelin de la Shoah, de parents biélorusses et polonais, arrêtés en France et morts à Auschwitz. Lui et deux de ses frères 40 INFORMATION JUIVE Décembre 2009 I.J : Qu'est-ce que ça vous a fait de retrouver le cinéaste Radu Mihaileanu pour Le Concert, dix ans après Train de vie ? L.A : Pour Radu, j'aurais accepté n'importe quel rôle ! Mon expérience avec lui dans Train de vie avait été tellement forte… Mon personnage de Schlomo était si proche de moi. Il m'a énormément apporté en tant qu'acteur, mais aussi à titre personnel, J'ai redécouvert un pays d'une diversité, d'une richesse, d'une complexité immenses, à mille lieux du tableau que nous renvoient les médias. ont été cachés dans une ferme de la Sarthe pendant la guerre, et ils sont partis en 1945 avec une maison d'enfants au Kibboutz. Plus tard, ils sont revenus vivre en France. Enfant, je suis allé quelquefois en Israël, en I.J : Depuis quelques années, on remarque à Paris un réel engouement pour le théâtre de Levin. Comment l'expliquezvous ? L.A : Je ne sais pas : peut-être ce regard à la fois lucide et désenchanté sur le monde. Cela va peut-être aussi avec la découverte de la vitalité artistique de Tel Aviv, et du cinéma israélien en général… J'étais d'ailleurs heureux qu'un théâtre privé prenne le risque de monter du Levin, car certains spectateurs sont désorientés par le langage cru de la pièce ; du coup, ils passent à côté du propos. I.J : Diriez-vous que Les Insatiables est une pièce juive ? L.A : Pas vraiment, mis à part touriste. Puis, il y a dix ans pour le travail, à l'occasion du tournage du Syndrôme de Jérusalem : là, j'ai redécouvert un pays d'une diversité, d'une richesse, d'une complexité immenses, à mille lieux du tableau que nous renvoient les médias. par rapport à ce que cela racontait, sur mes racines familiales. J'étais aussi sur le point d'être père pour la première fois. C'est un souvenir à part dans ma carrière. I.J : Vous attendiez-vous à ce que Le Concert rencontre un tel succès ? L.A : On ne peut jamais prévoir ces choses là. La seule chose que je peux dire est que, lors des premières projections, les spectateurs ressortaient bouleversés, tremblants d'émotion. Je n'avais jamais vu ça et cela faisait plaisir à voir ! Propos recueillis par Hélène Hadas-Lebel Lionel Abelanski ----" Les insatiables " de Hanokh Levin, mise en scène par Guila Braoudé, avec Lionel Abelanski, Marianne James et Patrick Braoudé. ,Jusqu'au 31 décembre, du mardi au samedi à 21h, le dimanche à 16h. Studio des Champs-Elysées : 01 53 23 99 19 COURRIER La mémoire et le mur Je suis un ronchon : je n'ai pas participé aux festivités de l'anniversaire de la chute du mur de Berlin et je ne m'en suis même pas réjoui ! D'abord et pour des raisons historiques, dans ma famille on aimait tellement l'Allemagne qu'on était content d'en avoir deux. Mais surtout, le 9 novembre évoque pour moi avant tout l'anniversaire de la Nuit de Cristal. Qui parmi les journalistes et les hommes politiques a évoqué le 9 novembre 1938 ? Personne : Comme si le monde avait déjà oublié. On préfère se réjouir de la chute du communisme d'une Europe unie incluant des pays comme la Lettonie qui vient de rendre hommage aux anciens combattants volontaires des 15e et 19e division de la Waffen SS, responsables de massacres de milliers de juifs ; et que dire de l'Ukraine qui vient d'ériger en héros de la nation un grand massacreur de juifs ! Les raisonnements fallacieux sont ne sont pas admissibles .On entend en effet : " puisque nous venons de fêter la chute du Mur de la honte, faisons chuter également les autres murs qui séparent les populations et les empêchent de vivre en paix ensemble". S'agit-il de la barrière coupant Chypre en deux et séparant populations d'origine grecque et turque ou du mur électrifié séparant le Mexique des Etats-Unis ? Rien de tout cela. Le nouveau mur de la honte, celui qu'il faut abattre est ce mur qui sépare Israéliens et Palestiniens : le mur qui, à lui seul, représente tous les pêchés de l'humanité : le racisme, le colonialisme, la civilisation occidentale et qui, bien sûr, n'a pas pour fonction essentielle de protéger les Israéliens du terrorisme et des kamikazes. Les âmes bien pensantes préfèrent sans doute qu'on supprime ce nouveau mur quitte, pour cela, à avoir comme dommages collatéraux l'assassinat de quelques juifs. Voilà que le 9 novembre 2009 a rejoint le 9 novembre 1938. Guy Czertok 75014 PARIS Espionner les juifs du Maroc J'observe souvent dans les colonnes de votre journal une sympathie certaine pour les autorités marocaines et la sollicitude dont elles feraient preuve à l'égard des juifs qui habitent encore dans le pays ou de ceux qui se sont installés en Europe ou en Amérique. Je trouve cependant une histoire étonnante dans le journal de Londres Elaph. Un citoyen égyptien du nom de Hazem Makram Boutros installé aujourd'hui en Turquie raconte avoir été poursuivi par les services intérieurs de son pays parce qu'il a refusé d'espionner les juifs du Maroc " ne voulant pas trahir ceux qui l'avaient accueilli et qui l'avaient beaucoup aidé dans son métier :la joaillerie ". En 1992 il d' "était installé à Casablanca et avait réussi à se faire connaître comme joaillier. " Grâce à mon expérience, j'ai réussi, dit-il, à m'imposer sur le marché local. J'ai gagné l'estime des marchands dont la plupart sont des juifs marocains " Cet homme ajoute qu'à son retour en Egypte, en 1999, les services de renseignement intérieurs égyptiens l'ont convoqué et lui ont proposé de retourner au Maroc pour y espionner la communauté juive locale. " Comment, dit M.Boutros, pourrais-je faire du tort à quelqu'un qui m'a tendu la main, qui m'a aidé et qui m'a accueilli dans sa maison avec sa famille et ses enfants ? Je ne crois pas Que les juifs méritent la mort pour le simple fait d'être juif ". Cet homme qui est copte a depuis été obligé de fuir l'Egypte grâce à l'aide d'un fonctionnaire. Curieux non ? S. Chétrit Bagneux CARNET Naissance OOO Raphaël Moshé Samuel est né au foyer de nos amis Jeanne et Jérôme Chétrit. La cérémonie de la Brith a eu lieu le 18 novembre à Levallois. Nous présentons nos félicitations et nos meilleurs vœux de mazal tov aux parents et aux grands parents. Nous voulons évoquer à cette occasion la mémoire de notre amie Mme Allègre Pinto, l'arrière grand-mère du nouveau-né. Bar Mitzva OOO Noam Fedida le fils de nos amis Chantal et Robert Fedida a célébré sa bar mitzva le jeudi 12 novembre à la synagogue Rambam à Strasbourg. Notre ami Robert Fedida est très actif au sein de la communauté israélite de la capitale de l'Alsace, notamment au sein du groupe voué à sauvegarder les piyoutim (les chants religieux) de laliturgie marocaine. A son frère David et à ses sœurs Sarah et Eden, à ses parents et à sa grandmère, Mme Jeanine Ghebali ainsi qu'aux familles Fedida et Ghebali, Information juive présente un très sincère Mazal tov. Distinction OOO Nous sommes heureux de présenter nos félicitations à notre ami Yamine Tolédano, à l'occasion de sa nomination comme chevalier dans l'ordre des Palmes académiques. Cette distinction a lui a été remise au cours d'une cérémonie dans les locaux de l'ORT à Strasbourg, une institution au sein de laquelle M.Tolédano a été, durant des décennies, professeur. INFORMATION JUIVE Décembre 2009 41 VERBATIM MICHEL WINOCK. Historien : " Etre français ce n'est pas seulement être né et habiter en France , c'est vouloir faire partie de la communauté historique et politique qui s'appelle la France ". JEAN DANIEL. Fondateur du Nouvel Observateur. A propos de la mort de José Aboulker, Compagnon de la Libération : " Jean était l'un des héritiers de la dynastie Aboulker. Une famille de juifs algériens où tout le monde était médecin depuis des générations et qui concentrait l'aisance, le savoir, le courage et toujours la dignité ". ERIC BESSON. Ministre de l'immigration : " De multiples formes de discrimination qui ne se limitent ni à la religion ni à l'immigration minent le lien national…Je constate une chose : le seul pays en Europe qui échappe à la montée de l'extrême drouite c'est la France ". ERIC CANTONA. Ex- footballeur : " Domenech c'est l'entraîneur le plus nul du football français depuis Louis XVI ". DIDIER DECOIN. Auteur du Dictionnaire amoureux de la Bible : " Le sens de la vie, c'est le grand souci d'Abraham. Je ne le vois pas comme un vieux patriarche lointain, je le sens terriblement humain. Il nous est très proche. Mais il ose discuter avec Dieu. Sa vie est un film extraordinaire qui se termine par un acte de foi inouï ". Souhaitons que, pour une fois au moins, il se soit vraiment trompé " TIMOTHY RADCHIFFE. Dominicain anglais : " Il faut avoir une relation honnête avec Dieu. Quand un ami ose exprimer sa colère, c'est une preuve de confiance. Les juifs savent exprimer la leur ; les chrétiens pas beaucoup " LOUIS NICOLLIN. Président du club de football de Montpellier : " Il n'y a qu'un truc contre lequel je me battrai, c'est le racisme " PHILIPPE BOUVARD. Journaliste : DAVID MILIBAND. Chef de la diplomatie britannique : " Notre but n'est pas de combattre jusqu'à la mort, mais de montrer que les talibans ne vont pas gagner ". SILVAN SHALOM. Vice- premier ministre d'Israël : " Israël veut un processus de paix mais il faut être deux pour un tango " JEAN-CLAUDE MICHÉA. " A 18 ans, je nourrissais deux ambitions : publier un chef d'œuvre et mourir jeune. Double échec : j'ai vécu longtemps sans devenir écrivain en dépit d'une pyramide de livres… " BERNADETTE CHIRAC : " Catholique, je prie très souvent et pas seulement le dimanche à la messe " 42 INFORMATION JUIVE Décembre 2009 1er Secrétaire du PS : " La France est un pays qui s'apprend plus qu'il ne s'hérite " GILLES BERNHEIM. Grand rabbin de France : "L'Europe doit changer son regard sur l'islam " FRANZ- OLIVIER GIESBERT. PDG du Point : " La Suisse est peut-être le pays le plus cosmopolite du monde, mais il ne supporte pas les étrangers, surtout quand ils ont les poches et les comptes vides ". DANIEL COHN- BENDIT. Député européen : " En politique, les mots comme les actes sont bien plus que des détails " PIETRO CITATI. Ecrivain italien : " Le progrès est la plus stupide des religions. La seule chose qui compte, ce sont les origines, et garder la foi en toutes les origines.. HERTA MÜLLER. Philosophe : " Dans l'un de ses rares accès de pessimisme, Orwell avait écrit qu'il se pourrait un jour " qu'on crée une race d'hommes n'aspirant pas à la liberté, comme on pourrait créer une race de vaches sans cornes ". MARTINE AUBRY. ANDRÉ COMPTE-SPONVILLE. Prix Nobel de littérature : Philosophe : " Sous les nazis, les juifs devaient partir et tout laisser. Il faut se représenter ce que cela signifie d'être jeté dans le monde sans aucune protection. " " Révéler des comportements racistes dans une entreprise ou les mauvais traitements infligés à un enfant relève du devoir moral.