contre La décision rendue par l`OAR FSA/F

Transcription

contre La décision rendue par l`OAR FSA/F
Sentence
Tribunal Arbitral
cause nr. 0001/2006
dans la cause opposant
IF
(Adresse)
contre
La décision rendue par l’OAR FSA/FSN en date 28 janvier 2005
I.
RÉSUMÉ
Art. 4 aRèglement, des articles de presse contenant des remarques négatives sont des éléments
qui doivent être indiqués dans le rapport annuel. Art. 6 aRèglement, pratique zurichoise vs.
pratique genevois. Art. 8 aRèglement, absence de transactions inhabituelles dans le cas
d’espèce.
II.
FAITS
Dans sa décision du 28 janvier 2005, l’autorité précédente a déclaré l’IF coupable de violation
des art. 3, 4, 6 et 7 LBA, ainsi que des art. 4, 5, 6, 8 et 9 aRèglement. A ce titre, l’IF a été exclu
de l’OAR et condamné à une amende de CHF 100'000. L’autorité précédente est partie des
constatations de faits suivantes :
Dans le cadre du scandale de corruption lié à la société E en Suède, une demande d’entraide
internationale a été déposée en Suisse. Au regard des motifs de cette demande, la société E gérait
deux groupes de sociétés de paiements en Suisse. L’un de ces groupes était assigné à l’IF. Au
cours de l’enquête dirigée contre l’IF, il s’est avéré que celui-ci gérait au moins 12 sociétés sous
la forme de mandats à communiquer à l’OAR. Toutes ces sociétés étaient des sociétés de
domicile qui détenaient des comptes auprès de plusieurs banques et qui servaient en réalité de
compte de passage pour la société E. De juillet 1997 à mai 2003, des versements de CHF 495
millions et des prélèvements d’environ CHF 510 millions ont été enregistrés. Pour ces sociétés,
l’IF a la plupart du temps signé comme administrateur avec signature individuelle ou comme
mandataire autorisé à signer auprès de la banque qui gérait les comptes. Aucun dossier LBA n’a
été ouvert par l’IF à propos de ces sociétés. Quant au rapport annuel, celui-ci ne mentionnait que
partiellement ces sociétés. Pour le surplus, aucun journal des transactions ou profil de client n’a
été établi par l’IF. Par la suite, celui-ci a par ailleurs ouvert en son propre nom des comptes
auprès de plusieurs banques, à nouveau sous la forme de comptes de passage destinées aux
filiales de la société E. Bien que cette dernière soit devenue l’ayant droit économique, les
comptes n’ont toujours pas été gérés comme un dossier LBA et aucun journal des transactions n’a
été établi. Au cours de la période de 1997 à 2003, le montant total de ces transactions s’est élevé
à plus de 500 millions pour la société E.
Dans le recours qu’il a interjeté en date du 3 mars 2005 contre la décision de l’autorité
précédente, l’IF a soulevé que ses dossiers (Masterfile société E) étaient complets et qu’il n’avait
dès lors pas violé les normes de l’OAR. Les articles de presse négatifs de Suède émanaient d’une
personne qui souhaitait délibérément nuire à la société E. Les sociétés de paiements étaient pour
le surplus gérées par une société indépendante étrangère, de sorte que la LBA paraissait ne pas
s’appliquer. En revanche, il n’a pas été contesté que la société E était partenaire contractuelle et
ayant droit économique des différentes sociétés. Les transactions d’un montant de l’ordre de
CHF 500 millions n’étaient pas inhabituelles pour une société telle que E. Enfin, à partir du
moment où les documents décisifs étaient conservés dans la succursale de son Etude à Dubaï, l’IF
n’aurait pas violé son obligation de conservation.
III.
CONSIDÉRANT EN DROIT
I. Recevabilité
En vertu de l’article 7 alinéa 1 du Règlement du Tribunal Arbitral des Avocats, l’avocat qui fait
l’objet d’une décision d’exclusion ou d’une sanction assortie de l’amende a le droit de recourir
auprès du Tribunal Arbitral dans le délai de 30 jours dès la notification de la décision.
En l’espèce, le recours daté du 3 mars 2005 est intervenu dans les 30 jours suivant la réception de
la décision du 28 janvier 2005 par le Recourant.
Le Recours est dès lors recevable.
II. Au fond
II.1. Applicabilité de la LBA et du Règlement
Le Recourant allége avoir traité tous les dossiers relatifs à "société E" depuis son Etude sœur de
Dubai, de sorte que la LBA ne serait pas applicable. Partant, il n’aurait donc pas violé ses
obligations découlant du Règlement OAR FSA/FSN.
A titre préalable, le Tribunal Arbitral relève que le Recourant ne fournit aucun élément de preuve
pour étayer ses allégations.
Pour le surplus, le Tribunal constate qu’il ressort du dossier que l’adresse du Recourant indiquée
sur le contrat de mandat à la base de la relation d’affaires est celle de son Etude à Zurich, que
tous les contrats de mandat signés entre le Recourant et les sociétés l’ont été à Zurich, que les
comptes bancaires ont été ouverts dans les livres de banques sises à Zürich et que le Recourant a,
de lui-même, inclu les sociétés dont est question dans ses rapports LBA, notamment celle au 31
décembre 2000.
En outre, dans son courrier du 10 décembre 2004 et lors de son audition du 5 décembre 2005, le
Recourant a admis que les dossiers LBA n’avaient été envoyés à Dubaï qu’après la résiliation du
mandat susmentionné, soit au printemps 2002.
Dès lors, la LBA, et par voie de conséquence le Règlement sont applicables au Recourant.
II.2 Violation de l’article 4 du Règlement - Obligations générales
II.2.1.
Le Tribunal Arbitral relève que le texte clair du procès-verbal de l’audience du 13 juin 2003
indique que le Recourant s’était engagé à fournir ses dossiers LBA concernant "société E". De
plus, il ressort du libellé de la mission de la Commission d’enquête, connu du Recourant, que la
vérification de ces dossiers constituait l’essence même de l’enquête ouverte. Finalement, il n’est
pas crédible que le Recourant n’ait pas compris qu’il devait remettre ses dossiers au vu des
demandes insistantes de la Commission d’enquête.
Le Tribunal constate dès lors que le Recourant n’a pas été en mesure de fournir des dossiers LBA
en temps utile à la Commission d’enquête, en violation de l’article 4 du Règlement.
II.2.2
A teneur de l’article 4 du Règlement, l’intermédiaire financier doit remettre un rapport jusqu’au
15 février de chaque année, et indiquer le nombre de dossiers, état au 31 décembre de l’année
précédente, dans lesquels l’avocat ou le notaire agit en tant qu’intermédiaire financier au sens de
l’art. 2 al. 3 LBA.
Ce principe est confirmé par le texte de la question 1 du modèle de rapport annuel fournit par
l’OAR FSA/FSN.
Le critère déterminant est donc le fait que l’intermédiaire financier conserve cette fonction au 31
décembre de l’année en cause et non qu’il ait tenu ce rôle à un moment quelconque de l’année.
L’Autorité Fédérale de Contrôle LBA, Département Fédéral des Finances, a émis une directive
précisant « le champ d’application personnel et territorial de la loi sur le blanchiment dans le
secteur non bancaire » LE 12 JANVIER 2005 (ci-après « la Directive ») qui délimite précisément
les activités assujetties à la LBA.
A teneur du point 2.3.2.1 de la Directive « sont réputés intermédiaires financiers tous les organes
exécutifs – formels et matériels – de sociétés de domicile, dès qu’ils disposent d’une droit de
signature, une signature collective étant jugée suffisante pour l’assujettissement ».
Toujours selon le même point de la Directive, « la notion de société de domicile ne doit pas être
comprise dans un sens technique. Il s’agit en général d’un véhicule financier qui sert à
l’administration de la fortune de l’ayant droit économique ».
En vertu de l’article 2.3.2.2 de la Directives, « contrairement à une société de domicile, une
société opérationnelle ne constitue cependant pas un simple véhicule financier. Sous cet angle, il
est justifié de ne pas assujettir à la LBA les administrateurs fiduciaires et autres organes de
sociétés opérationnelles ».
Selon l’article 2.5.3.2, « il se justifie en outre d’assujettir à la LBA les personnes qui acceptent
des paiements en monnaie scripturale sur leur propre compte, qu’on appelle alors compte de
passage, pour un mandant ou qui transmettent ces montants à un bénéficiaire selon les
instructions du mandant » (…). En principe, le motif qui se trouve à la base du virement n’est pas
déterminant pour déterminer s’il y a intermédiation financière ».
En l’espèce, le mandat du Recourant a été résilié dans le courant de l’année 2001.
a.
Le Tribunal doit dès lors déterminer si les sociétés utilisées par le Recourant doivent ou non
être considérées comme des sociétés de domicile, au sens de l’article 2.3.2.1 de la Directive
susmentionnée ou comme des sociétés opérationnelles ayant mis à disposition un compte de
passage au sens de l’article 2.5.3.2 de la Directive.
En premier lieu, le Tribunal Arbitral relève que cette question ne se pose que pour "société
P" et "société S", sociétés suisses crées en 1961 et 1964 et dont un membre de la famille du
Recourant semble impliqué soit au niveau du conseil d’administration soit au niveau du
compte bancaire.
Toutes les autres sociétés sont en effet soit des sociétés de domiciles soit des sociétés
indépendantes du Recourant, ce dernier ne disposant alors que d’une procuration bancaire.
Le Tribunal Arbitral constate ensuite que les dossiers LBA (« Masterfile "société E" »)
produits par le Recourant à l’appui de son recours du 3 mars 2005 indiquent clairement que
l’ayant droit économique de "société P" et "société S" est "société E". Ceci est confirmé par
la pièce 52 du dossier, à savoir l’annexe au courrier adressé au BAK le 8 mai 2002.
Par ailleurs, le formulaire A du compte bancaire de la "société S" indique comme ayant
droit économique "société E". Le Tribunal Arbitral remarque également que le Recourant a
implicitement reconnu qu’il considérait "société P" et "société S" comme des sociétés dites
de domicile en les mentionnant dans son rapport LBA au 31 décembre 2000. Si tel n’avait
pas été le cas, et notamment au vu les mandats signés entre "société E" et "société P" et
"société S", ce sont ces dernières et non le Recourant qui auraient dû respecter les
obligations découlant de la mise à disposition d’un compte de passage sens de l’article
2.5.3.2 de la Directive.
Pour ces motifs, le Tribunal Arbitral retient donc que "société P" et "société S" ne sauraient
être considérées comme des sociétés opérationnelles, mais doivent au contraire être
considérées comme des sociétés de domicile..
En conséquence, le Tribunal Arbitral fait siens les griefs de la Commission d’enquête
lorsque que cette dernière constate que le Recourant a violé l’article 4 du Règlement en ne
complétant pas correctement ses rapports LBA au 31 décembre 2001, voir 31 décembre
2002
Le Tribunal Arbitral prend par ailleurs acte de ce que le Recourant a expressément reconnu
ce fait.
b.
Par surabondance de moyens, le Tribunal Arbitral relève que dans le cas d’une société
opérationnelle également, l’intermédiaire financier conserve cette qualité tant et aussi
longtemps qu’il n’a pas clôturé le compte bancaire de passage dédié (« «special purpose
account » selon les termes du Recourant) à l’issu de son mandat.
Ainsi, même si le Tribunal Arbitral devait retenir que les sociétés susmentionnées sont des
sociétés opérationnelles, Le Recourant aurait tout de même agit en violation de l’article 4
du Règlement en n’indiquant plus "société P" et "société S" dans son rapport au 31
décembre 2001 alors que certains comptes bancaires de passage dédiés ont été clôturés
après cette date.
c.
Enfin, le Tribunal Arbitral retiendra que même à supposer que lesdits dossiers n’aient pas à
être inclus dans la question 1 du rapport au 31 décembre 2001, le Recourant aurait
néanmoins dû les mentionner comme dossiers clos en cours d’année 2001, ce qu’il n’a pas
fait pour six dossiers.
En tout état de cause, le tribunal Arbitral prend acte de ce que le Recourant reconnaît
n’avoir pas correctement indiqué le nombre de dossier clôturés dans son rapport au
31 décembre 2001.
II.2.3
En vertu de l’article 4 du Règlement, l’intermédiaire financier doit ouvrir un dossier LBA pour
chacune de ses relations d’affaires.
Au vu des pièces du dossier, le Tribunal Arbitral ne peut que suivre l’avis de la Commission
d’enquête et reconnaître que le Recourant aurait dû constituer des dossiers LBA, non seulement
pour chaque société mais également pour chaque compte fiduciaire ouvert par le Recourant en
son nom mais utilisés exclusivement pour le compte de "société E".
Le Recourant a donc gravement violé l’article 4 du Règlement en ne tenant aucun dossier LBA
pour ses comptes fiduciaires et en ne les déclarants pas dans ses rapports annuels.
II.2.4
A teneur du texte clair de l’article 4 du Règlement OAR FSA/FSN, l’intermédiaire financier est
obligé d’indiquer à l’OAR FSA/FSN les éventuels articles de presse contenant des remarques
négatives sur son activité en tant qu’intermédiaire financier.
L’obligation faite à l’intermédiaire financier d’annoncer à l’OAR FSA/FSN tout article de presse
concernant son activité d’intermédiaire financier est une obligation indépendante de la véracité
des propos relatés par la presse tout comme des éventuelles explications fournies par le cocontractant.
Or, dès l’an 2000 au moins, le Recourant était au courant de l’existence des articles parus dans la
presse internationale.
C’est donc à tort que le Recourant a omis de mentionner ces articles de presse à l’OAR
FSA/FSN. Ce faisant, il a clairement violé l’article 4 du Règlement OAR FSA/FSN.
II.2.5
Le Recourant produit à l’appui de son recours son dossier LBA nommé « Mastefile "société E" ».
Le Tribunal Arbitral ne peut que constater que même si cette pièce est recevable, tout
intermédiaire financier se doit de s’organiser de manière à pouvoir produire en temps utile ses
dossiers LBA à l’OAR FSA/FSN.
Or, les faits de la cause démontrent que le Recourant n’était pas en mesure de produire lesdits
dossiers devant notamment se rendre personnellement à l’étranger pour les retirer.
Il y a, là encore, violation manifeste de l’article 4 du Règlement FSA/FSN.
II.2.6
Le Recourant indique pour le surplus n’être plus en possession de certaines parties de ses dossiers
LBA car il aurait renvoyé à son client des documents sans en lever copie. De l’aveu même du
Recourant, ses dossiers LBA sont incomplets par sa faute en violation de l’article 4 du
Règlement.
II.2.7
En tout état de cause, force est de constater que le « Masterfile "société E" » produit par le
Recourant ne contient pas toutes les informations prescrites pour l’établissement d’un dossier
LBA complet. En particulier :
-
mis à part "société E", le dossier LBA ne contient aucune copie des documents sociaux
des sociétés ;
aucune fiche client n’a été établie pour aucune des sociétés ;
le dossier ne contient aucun journal des transactions.
Le Tribunal Arbitral ne peut en effet suivre l’argumentation du Recourant selon lequel le journal
des transactions se confond avec les relevés bancaires. Sans être forcément un document ad hoc,
le journal des transactions se doit, de manière générale, d’inclure des informations qui ne sont pas
usuellement indiquées dans les documents bancaires, notamment l’arrière plan économique de la
transaction, même si cela n’est pas toujours aisé. A teneur de la LBA, l’un des buts de ce
document est en effet de permettre à un tiers expert, notamment aux contrôleurs LBA, de se faire
une idée objective sur les transactions.
Ensuite compte tenu du fait que dans le cas présent, de très nombreux et importants retraits
d’argent liquide ont été effectués sur les comptes des sociétés, le Tribunal Arbitral ne peut que
relever que les reçus bancaires ne contenaient aucune information utile pour un éventuel
contrôleur LBA.
II.2.8
Le Tribunal Arbitral ne peut finalement que suivre l’argumentation de la Commission d’enquête
lorsqu’elle constate que les déclarations du Recourant lors du contrôle périodique du 6 octobre
2002 étaient inexactes en violation de l’article 4 du Règlement.
II.3. Violation de l’article 5 du Règlement: Vérification de l’identité de l’ayant droit
économique
L’obligation d’identification du co-contractant est un point central du dispositif mis en place par
la LBA pour lutter contre le blanchiment d’argent.
Cette obligation doit cependant être appliquée avec discernement. En effet, si, dans le cas d’une
société de domicile, l’intermédiaire financier se doit d’obtenir des informations nombreuses,
précises et détaillées sur son co-contractant et son bénéficiaire économique, tel ne doit pas être le
cas si ceux-ci sont des sociétés connues et cotées en bourse. Il est ainsi illusoire d’exiger de
l’intermédiaire financier qu’il identifie tous les bénéficiaires économiques, à savoir les
actionnaires, respectivement obtienne copie de leurs passeports dans le cadre de société cotées en
bourse.
Cependant, le fait que le co-contractant soit une société mondialement connue ne dispense pas
l’intermédiaire financier d’établir formellement son dossier LBA et d’indiquer dans ce dernier les
informations qu’il possède, respectivement qu’il indique pour quelles raisons il a renoncé à
obtenir telle ou telle information.
Ceci découle non seulement directement du libellé même de l’article 5 du Règlement mais reste
nécessaire afin de permettre à l‘OAR FSA/FSN, respectivement ses inspecteurs, de contrôler
sereinement et rapidement les dossiers de l’intermédiaire financier.
En l’espèce, force est de constater que le Recourant n’a pas établi les documents usuels d’un
dossier LBA ni indiqué dans celui-ci pour quelle raison il s’était abstenu d’obtenir certains
documents.
Par ailleurs, le montant et le nombre des transactions, et notamment le grand nombre de retrait en
espèces, commandaient que le Recourant établisse un journal des transactions. A cet égard, le
Tribunal Arbitral considère qu’il n’est pas admissible que le Recourant se soit contenté de
renvoyer à l’étude approfondie de ses documents bancaires pour pouvoir appréhender ses
relations d’affaires avec la "société E".
Il découle de ce qui précède que le Recourant a violé l’article 5 du Règlement en n’établissant pas
les documents nécessaires à son dossier LBA, notamment un profil client satisfaisant ainsi qu’un
journal des transactions.
Pour le surplus, le Tribunal Arbitral fait siens les arguments de la Commission d’enquête.
II.4. Violation de l’article 6 du Règlement: Identification de l’ayant droit économique
La question de la détermination exacte du cocontractant dans le cadre des relations d’un avocat
avec le client qui le sollicite pour créer et gérer une structure impliquant des sociétés de domicile
a fait l’objet de nombreux débats tant la situation de l’avocat est fondamentalement différente de
celle d’une banque.
Dans ce domaine, les discussions au sein de l’OAR ont amené cette dernière à conclure qu’il
coexiste une pratique dite « genevoise » et une pratique dite « zurichoise ».
La pratique genevoise considère que le cocontractant est le client bénéficiaire économique et
c’est avec ce dernier que l’avocat conclut un contrat de mandat.
Dans la pratique zurichoise, le cocontractant est la société de domicile créée par l’avocat, qui doit
alors fournir toutes les explications utiles au sujet de son bénéficiaire économique.
Les deux pratiques ont été explicitement admises par l’OAR qui en a informé ses membres par le
biais de la question n° 7 du document intitulé « FAQ OAR FSA/FSN », publiée sur le site
internet de cette dernière.
Ainsi :
« Les affiliés à L’OAR FSA/FSN sont libres de décider si, dans l’hypothèse d’une société
de domicile, le cocontractant est la personne physique ou la société de domicile ellemême. Il convient toutefois de prêter l’attention nécessaire aux modalités différenciées de
l’accomplissement des obligations relatives à la vérification de l’identité du cocontractant
et à l’identification de l’ayant droit économique.
Enfin, l’OAR FSA/FSN attend de ses affiliés une organisation cohérente, ce qui implique
notamment que pour des dossiers analogues, le cocontractant soit défini de la même
manière. »
Lorsque l’affilié décide que le cocontractant est le client, personne physique et bénéficiaire
économique de la structure, alors :
« Si Monsieur X est le cocontractant, son identité devra être vérifiée conformément à la
LBA et au Règlement OAR. Quant à la déclaration écrite relative à l’ayant droit
économique, il n’y aura obligation de la requérir que s’il y a doute que les valeurs
patrimoniales déposées sur le compte de la société de domicile sont la propriété de
Monsieur X. »
Il convient finalement de relever que tant la pratique dite genevoise que la pratique zurichoise
continuent d’être acceptées par le nouveau Règlement de l’OAR en vigueur depuis le 1er
novembre 2005.
En l’espèce, le Recourant a été mandaté par "société E" afin de mandater, pour le compte de cette
dernière, des sociétés tierces existantes afin qu’elles agissent en qualité d’intermédiaires pour le
compte de "société E".
A teneur des dossiers LBA remis par le Recourant à l’appui de son recours, ce dernier a ensuite
conclu des mandats de fiducie avec les sociétés tierces sélectionnées.
Les clauses de ces mandats varient mais un grand nombre de ces contrats, à l’exemple de ceux
conclus avec C.S. Ltd, prévoient que les sociétés mandateraient le Recourant afin que ce dernier
ouvre et gère un compte bancaire en leur nom mais pour le compte d’un tiers.
Lesdits mandats prévoyaient par ailleurs que les formulaires A bancaire indiqueraient comme
bénéficiaire économique "société E" et non les sociétés ou leurs propres bénéficiaires
économiques.
Ainsi, le cas présent diffère de la situation décrite dans la FAQ relative aux critères
d’identification de l’ayant droit économique qui a pour prémisse que le client qui mandate un
avocat est également le bénéficiaire économique de la société. En effet, le montage juridique mis
en place par le Recourant implique une tierce personne. Il y a donc deux relations juridiques et
donc un double mandat en faveur du recourant. Le premier lie "société E" au Recourant et le
deuxième ce dernier et la société tierce.
En outre comme indiqué ci-dessus, les sociétés utilisées par le Recourant sont toutes des sociétés
de domicile.
Il découle de ce qui précède que le Recourant a violé l’article 6 du Règlement en ne sollicitant
pas des sociétés tierces la déclaration requise par l’article 6 du Règlement.
II.5. Violation de l’article 8 du Règlement: Obligations particulières de clarification
Selon l’article 8 du Règlement,
L’avocat ou le notaire doit clarifier l’arrière-plan économique et le but d’une transaction ou d’une relation
d’affaires qui paraît inhabituelle, sauf si la légalité est manifeste, (…):
a) par une ou plusieurs transactions paraissent être liées entre elles, l’argent au comptant, des titres
au porteur ou des métaux précieux pour une contre-valeur excédant CHF 100'000.- sont déposés
ou retirés ;
(…)
2.
L’annexe II à ce règlement contient une liste d’indices de blanchiment de capitaux dont l’avocat ou le
notaire affilié devra tenir compte pour décider si une transaction proposée ou une relation d’affaires est
inhabituelle et dangereuse.
(…)
En l’espèce, il n’a jamais été mis en doute que les fonds versés au Recourant provenait de
"société E", une société mondialement connue et cotée en bourse qui réalise un chiffre d’affaires
très important. Les multiples contrôles, tant internes qu’externes, qui s’exercent sur ce type de
client permettent de diminuer le niveau des exigences auquel l’intermédiaire financier est soumis,
sans pour autant réduire celles-ci à néant.
Par ailleurs, les multinationales de la taille de "société E" ont énormément de relation d’affaires et
font appel à des consultants et à des réseaux de distribution auxquels une rémunération est versée,
en fonction des ventes réalisées ou des résultats obtenus.
Le Tribunal Arbitral considère dès lors que le nombre de transactions et leurs montants ne sont
pas inhabituels pour "société E".
Il découle de ce qui précède que le Recourant n’a pas violé l’article 8 du Règlement.
II.6. Violation de l’article 9 du Règlement: Obligation d’établir et de conserver des
documents
En l’espèce, le Tribunal ne peut que constater que le Recourant n’a pas établi les documents
nécessaires permettant de se faire rapidement une idée objective sur les transactions et les
relations d’affaires.
Le Tribunal Arbitral prend également note que le Recourant admet avoir retourné à son client une
partie de ses dossiers LBA sans en lever copie, en violation de l’article 9 du Règlement.
II.7. Sanction
Compte tenu des considérations susmentionnées et notamment la longueur de l’enquête et le flou
dans lequel a été laissé le Recourant, l’absence de violation de l’article 8 du Règlement ainsi le
fait que tous les autres dossiers LBA du Recourant ont été bien tenus de sorte que les
manquements du Recourant apparaissent fortement liés à la nature de "société E", le Tribunal
Arbitral sanctionnera le Recourant par un blâme et le condamnera au paiement d’une amende
dont le montant est arrêté à CHF 70'000.-.
Le Tribunal Arbitral réduira en outre les frais de procédure et de décision mis à la charge du
Recourant par la Commission d’enquête à CHF 41'081,80.
Les frais de la présente procédure sont arrêtés à CHF 37'489.- dont le tiers sera mis à la charge du
Recourant.
IV.
SENTENCE
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal Arbitral :
A la forme
-
Dit que le recours de FI contre la décision du 28 janvier 2005 de l’OAR FSA/FSN est
recevable.
Au fond
-
Annule la décision de l’OAR FSA/FSN du 28 janvier 2005 en tant qu’elle :
-
exclut FI de l’OAR de la FSA/FSN ;
inflige à FI une amende de CHF XX ;
les frais de procédure et de décision mis à sa charge.
Cela fait :
-
Prononce un blâme à l’encontre de FI
-
Inflige à FI une amende de CHF XX
-
les frais totaux de procédure et de décision mis à sa charge
-
Dit que les montants des frais de procédure mis à la charge du Recourant sont à verser dans
le délai de 30 jours
-
Déboute FI de toute autre conclusion.

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