commentaire de l`évangile de saint Jean 20, 19-31

Transcription

commentaire de l`évangile de saint Jean 20, 19-31
Site du carmel : Jésus apparaît en l’absence de Thomas
Les disciples avaient peur. Peur de leurs frères de sang, bientôt frères ennemis ; peur de
leur propre fragilité, parce qu’ils avaient cessé d’espérer. Et c’est cette peur qu’ils mettaient
en commun, barricadés dans la maison.
Ils n’attendaient plus rien, ou n’attendaient que vaguement quelque chose, et voilà que
Jésus ressuscité prend l’initiative de la rencontre. Il se rend présent ; pourtant les portes
sont closes. Il n’est pas dit qu’il les a traversées, qu’il était dehors et maintenant dedans,
qu’il était à distance de ses disciples, mais simplement qu’il se tient, tout à coup, au milieu
d’eux.
Les hommes ont beau s’enfermer, dresser entre eux les barrières de la haine ou de la peur,
rien n’arrête la volonté de présence du Seigneur ressuscité ; rien ne peut empêcher le
Christ d’apporter au monde la paix.
« Paix à vous ! », dit le Christ. Il ne leur souhaite pas seulement la paix, il la donne ; car la
vraie paix est toujours don de Dieu. Elle n’est pas seulement absence d’angoisse ou
victoire sur la peur : elle est le shalôm biblique, à la fois calme et harmonie, achèvement et
plénitude.
C’est seulement après ce don de la paix que le Christ convie ses disciples à le reconnaître.
Il leur montre ses plaies, pour que la rencontre de ce jour soit référée aux dialogues du
passé, pour que la paix de ce jour soit référée à l’agonie de Jésus de Nazareth, et pour que
le Christ de la foi soit à jamais identifié au Jésus de l’histoire.
Les disciples voient les plaies, et ils croient au Seigneur. Et aussitôt la joie entre dans leur
vie, cette « joie parfaite » que Jésus voulait pour eux (Jn 15,11), cette joie que « nul ne
pourra leur arracher » (16,22) parce qu’elle jaillit d’une expérience définitive.
Alors, dans la joie de cette reconnaissance, Jésus leur confie une mission, qui est sa
mission, l’unique mission reçue du Père. Il les envoie comme lui-même a été envoyé ; il les
envoie dans le monde, eux qui ne sont plus du monde ; il les envoie avec sa paix affronter
le monde du péché, du refus et de la division.
Ils auront à témoigner et à « rendre raison de l’espérance qui est en eux » (1 P 3,15). Ils
devront « mettre le monde dans son tort » (Jn 16,8), et c’est pourquoi Jésus leur
communique son Esprit, le Paraclet qui témoigne que la cause de Jésus est juste, l’Esprit
de vérité qui atteste à chaque homme qu’il est fils et héritier de Dieu, l’Esprit de sainteté qui
redit en chacun : « Abba, Père » et qui intercède pour chacun par un gémissement au-delà
de toute parole (Rm 8,26).
Cette libre initiative de Jésus vers nous, nous la revivons ensemble en cette Eucharistie ;
cette reconnaissance heureuse de sa personne, de sa divinité et de sa gloire, la liturgie de
la parole nous y achemine tous ensemble, et quand, dans un instant, nous communierons
au Corps et au Sang du Ressuscité, ce ne sera pas pour une possession égoïste ; ce sera,
une fois de plus, le signe du départ en mission, même si nous sommes envoyés avant tout
pour être et si « tout notre office est d’aimer ».
Ainsi l’Eucharistie nous fait vivre aujourd’hui, dans la paix et la joie de Jésus, le mystère qui
est le mystère même de l’Église, car l’Église, tout comme l’Eucharistie, est à la fois
anamnèse de l’œuvre de Jésus, actualisation de la vie du Seigneur et prophétie de la
gloire, en Jésus Christ, pour tous les hommes que Dieu aime.
Fr. Jean-Christian Lévêque, o.c.d.
1 Père Léon Hammain, docteur en théologie, diocèse de Lille 3. CE QUE CE TEXTE NOUS DIT D'ABORD... Ce passage nous fournit le récit de 2 apparitions successives de Jésus ressuscité aux Apôtres, la seconde étant spécialement centrée sur l'Apôtre Thomas, et nous offre ensuite une conclusion de l'Evangile, dans laquelle il nous est dit que, si tout ne nous a pas été rapporté des paroles et des gestes de Jésus, ce qui nous a été mis par écrit n'a d'autre but que de nous aider à croire en Jésus, Messie et Fils de Dieu, de façon, "par notre foi, à avoir la vie en son nom". La 1ère des 2 apparitions de Jésus à ses Apôtres, le soir de la résurrection, mais en l'absence de Thomas, nous présente toutes les caractéristiques de ce genre d'apparitions aux disciples réunis : ‐ arrivée surprenante de Jésus, non attendu, et qu'aucun obstacle n'empêche de les rejoindre, ‐ signe donné par Jésus de son identité (car il est le même et différent), en montrant ici ses mains et son côté, compte tenu du fait que dans le récit de la mort de Jésus, cet Evangile est le seul à nous rapporter que le côté de Jésus a été transpercé par un coup de lance (Jean, 19, 34 ‐ 37), ‐ envoi des Apôtres en mission, souvent après une explication de la signification donnée par Jésus de sa résurrection dans le plan de Dieu. Ce qui est particulier à ce récit de Jean, c'est d'abord que les disciples, au vu du "signe" offert par Jésus, sont tout de suite remplis de joie à le rencontrer ainsi, que Jésus leur fait don de sa "paix", comme d'une réalité nouvelle accomplie en sa résurrection, qu'il leur donne l'Esprit qu'il leur avait promis dans ses discours d'adieux, comme son "retour" ou sa "présence" avec eux après son départ de ce monde vers le Père, et qu'il spécifie bien que leur mission sera de transmettre aux hommes ce qu'il a annoncé par ses paroles et ses gestes tout au long de son ministère : à savoir qu'avec son "passage" au Père réalisé en son "Heure", le salut est offert à tous les hommes , sous la forme radicale du "pardon des péchés", c'est‐à‐
dire d'un renouvellement total de leur être, par un changement de leur "coeur" et une "libération" absolue. Et cette mission que Jésus "transmet" à ses plus proches disciples, et, à travers eux, à tous ceux et toutes celles qui leur succèderont, est d'autant plus unique et plus importante, que c'est sa propre mission, celle que lui‐même a reçue du Père : comme le Père l'a envoyé, lui aussi, à son tour, nous envoie. Au moment où il retourne au Père, lui qui vient du Père (Jean, 13, 1 ‐ 4), il nous demande de poursuivre son œuvre, accomplie certes, mais à révéler à toutes les générations de croyants, et c'est également pour cela qu'il donne l'Esprit à ses Apôtres, afin qu'ils soient animés de sa propre force et de sa propre vie, qui vient du Père. Jean est le seul à nous rapporter une seconde apparition du Ressuscité aux Onze apôtres, qui se situe 8 jours après la première. Dans cet épisode, le passage que fait Thomas de l’incroyance à la foi représente celui que doivent faire tous les disciples, y compris ceux qui avaient vu Jésus ressuscité et l'avaient reconnu par les signes qu'il leur avait proposés en leur montrant ses mains et son côté (Jean, 20, 20). A noter que le Ressuscité se fait souvent reconnaître avec les traces de sa mort. En effet, Thomas, qui avait été absent lors de la première manifestation de Jésus, ne demande rien de plus que les autres, voir comme eux, sauf peut‐être de "toucher" les plaies du Seigneur. La logique du texte implique que Thomas n'a pas répondu à l'invitation que lui fait Jésus de vérifier au toucher les plaies du Ressuscité : le signe que perçoit Thomas en rencontrant le Ressuscité et qui lui 2 suffit, c'est la découverte, à travers cette invitation de Jésus, que le Seigneur connaissait mystérieusement les conditions que lui, Thomas, avait posées devant les autres disciples. Le "reproche" que lui fait Jésus, c'est de n'avoir pas, suite à son absence, accordé confiance au témoignage de ceux qui avaient vu Jésus, et de vouloir à tout prix "voir" et "vérifier" par lui‐même. Le témoignage de "ceux qui ont vu le Seigneur" doit jouer pour les autres le rôle qu'ont joué pour les premiers les signes offerts par Jésus Ressuscité lors de ses apparitions. La réaction immédiate de Thomas et sa profession de foi en font non pas le champion des incroyants, mais le champion de ceux qui passent de l'incroyance à la foi la plus explicitée et la plus avancée. En proclamant Jésus "mon Seigneur et mon Dieu", Thomas énonce la vérité dernière concernant Jésus et à laquelle tout le 4ème Evangile nous conduit : cet acte de foi devient le sommet de l'Evangile. Ainsi se réalise ce que le Prologue de l'Evangile écrivait au chapitre 1 : "...à ceux qui l'ont reçu, à ceux qui croient en son nom, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu".(Jean, 1, 12). Jésus a achevé sa mission, la foi en son Nom et en sa Mission est possible : à nous de jouer, à notre place, et de vivre la béatitude de "ceux qui ont cru sans avoir vu". 4. CE QUE CERTAINS ELEMENTS NOUS SUGGERENT... ‐ VOIR : Notre foi est liée au témoignage de "ceux qui ont vu le Ressuscité". Relire 1 Jean 1, 1 ‐ 4 : 1Jn 1:1‐ "Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé, ce que nos mains ont touché du Verbe de vie ; 1Jn 1:2‐ ‐ car la Vie s'est manifestée : nous l'avons vue, nous en rendons témoignage et nous vous annonçons cette Vie éternelle, qui était tournée vers le Père et qui nous est apparue ‐ 1Jn 1:3‐ ce que nous avons vu et entendu, nous vous l'annonçons, afin que vous aussi soyez en communion avec nous. Quant à notre communion, elle est avec le Père et avec son Fils Jésus Christ. 1Jn 1:4‐ Tout ceci, nous vous l'écrivons pour que notre joie soit complète". Relire 1 Cor. 9, 1, où Paul s'écrie : "Ne suis‐je pas libre ? Ne suis‐je pas apôtre ? N'ai‐je pas vu Jésus, notre Seigneur ?" Relire 1 Pierre, 1, 7 ‐ 8 : " ... Jésus‐Christ, Lui que vous aimez sans l'avoir vu, en qui vous croyez sans le voir encore; aussi tressaillez‐vous d'une joie ineffable et glorieuse, en remportant comme prix de la foi, le salut de vos âmes." Relire Jean, 4, 48 où Jésus remarque : "Si vous ne voyez signes et prodiges, vous ne croirez donc jamais !" La prédication des disciples est claire à ce sujet : voir Actes, 10, 39‐ 43 : Ac 10:39‐ "Et nous, nous sommes témoins de tout ce qu'il a fait dans le pays des Juifs et à Jérusalem. Lui qu'ils sont allés jusqu'à faire mourir en le suspendant au gibet, Ac 10:40‐ Dieu l'a ressuscité le troisième jour et lui a donné de se manifester, Ac 10:41‐ non à tout le peuple, mais aux témoins que Dieu avait choisis d'avance, à nous qui avons mangé et bu avec lui après sa résurrection d'entre les morts ; 3 Ac 10:42‐ et il nous a enjoint de proclamer au Peuple et d'attester qu'il est, lui, le juge établi par Dieu pour les vivants et les morts. Ac 10:43‐ C'est de lui que tous les prophètes rendent ce témoignage que quiconque croit en lui recevra, par son nom, la rémission de ses péchés... " ‐ "LA PAIX SOIT AVEC VOUS". Au delà de la simple salutation c'est l'accomplissement définitif et la confirmation de ce que Jésus disait la veille de sa mort dans son discours testament : "Je vous laisse ma paix, je vous donne ma paix. Ce n'est pas à la manière du monde que je vous donne. Que votre coeur cesse de se troubler et de craindre." (Jean, 14, 27) Certains commentateurs identifient cette paix au don de l'Esprit par Jésus. Relire également ce qui est écrit dans la lettre de Paul aux Ephésiens, 2, 14 ‐ 17 : Ep 2:14‐ "Car c'est lui qui est notre paix, lui qui des deux peuples n'en a fait qu'un, détruisant la barrière qui les séparait, supprimant en sa chair la haine, Ep 2:15‐ cette Loi des préceptes avec ses ordonnances, pour créer en sa personne les deux en un seul Homme Nouveau, faire la paix, Ep 2:16‐ et les réconcilier avec Dieu, tous deux en un seul Corps, par la Croix : en sa personne il a tué la Haine. Ep 2:17‐ Alors il est venu proclamer la paix, paix pour vous qui étiez loin et paix pour ceux qui étaient proches "... ‐ A PROPOS DE LA NECESSITE DE FAIRE CONFIANCE AUX TEMOINS QUI ONT "VU" JESUS RESSUSCITE, AVEC MISSION DE NOUS L'ANNONCER. Dans la finale de son Evangile, dont beaucoup pensent qu'elle a été rajoutée après coup (Marc, 16, 9 ‐ 15), l'Evangéliste Marc fait, à plusieurs reprises, constater le manque d'accueil des disciples aux premiers témoins de la résurrection du Seigneur, et nous rapporte le reproche que Jésus leur fait à ce sujet quand il les rencontre tous ensemble dans une apparition finale : Mc 16:9‐ Ressuscité le matin, le premier jour de la semaine, il apparut d'abord à Marie de Magdala dont il avait chassé sept démons. Mc 16:10‐ Celle‐ci alla le rapporter à ceux qui avaient été ses compagnons et qui étaient dans le deuil et les larmes. Mc 16:11‐ Et ceux‐là, l'entendant dire qu'il vivait et qu'elle l'avait vu, ne la crurent pas. Mc 16:12‐ Après cela, il se manifesta sous d'autres traits à deux d'entre eux qui étaient en chemin et s'en allaient à la campagne. Mc 16:13‐ Et ceux‐là revinrent l'annoncer aux autres, mais on ne les crut pas non plus. Mc 16:14‐ Enfin il se manifesta aux Onze eux‐mêmes pendant qu'ils étaient à table, et il leur reprocha leur incrédulité et leur obstination à ne pas ajouter foi à ceux qui l'avaient vu ressuscité. Mc 16:15‐ Et il leur dit : " Allez dans le monde entier, proclamez l'Évangile à toute la création. Mc 16:16‐ Celui qui croira et sera baptisé, sera sauvé ; celui qui ne croira pas, sera condamné 5. RESONNANCES BIBLIQUES ET ACHEVEMENT POUR NOUS EN JESUS CHRIST... Le texte de cette apparition du Christ Ressuscité à Thomas nous renvoie aux différentes caractéristiques de notre foi. Que signifie pour nous, que produit en nous l'acte de croire en Jésus Sauveur ? C'est une participation à la VICTOIRE TOTALE DU CHRIST : VOIR 1 Jean : 5, 4 ‐ 5 : ..."tout ce qui est né de Dieu est vainqueur du monde. Et la victoire qui a vaincu le monde, c'est notre foi. Qui est vainqueur du monde, sinon celui qui croit que Jésus est le Fils de Dieu ?" C'est une CONDITION NECESSAIRE ET SUFFISANTE DE NOTRE SALUT. 4 VOIR ce qu' écrit Paul aux Romains, 10, 9 ‐ 13 : Rm 10:9‐ "En effet, si tes lèvres confessent que Jésus est Seigneur et si ton cœur croit que Dieu l'a ressuscité des morts, tu seras sauvé. Rm 10:10‐ Car la foi du cœur obtient la justice, et la confession des lèvres, le salut. Rm 10:11‐ L'Écriture ne dit‐elle pas : Quiconque croit en lui ne sera pas confondu ? Rm 10:12‐ Aussi bien n'y a‐t‐il pas de distinction entre Juif et Grec : tous ont le même Seigneur riche envers tous ceux qui l'invoquent. Rm 10:13‐ En effet, quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé." C'est une ATTITUDE DE NOTRE ETRE PROFOND : VOIR Lettre aux Hébreux,11, 1 : "La foi est une manière de posséder déjà ce qu'on espère, un moyen de connaître des réalités qu'on ne voit pas"... C'est une PRESENCE MYSTERIEUSE DE JESUS EN NOUS ET LE FRUIT DE SON ESPRIT : VOIR lettre aux Ephésiens, 3, 17 ‐ 20 : ..." qu'il (le Père) fasse habiter le Christ en vos cœurs par la foi; enracinés et fondés dans l'amour, vous aurez ainsi la force de comprendre, avec tous les saints, ce qu'est la largeur, la longueur, la hauteur et la profondeur... et de connaître l'amour du Christ qui surpasse toute connaissance, afin que vous soyez comblés jusqu'à recevoir toute la plénitude de Dieu". VOIR aussi 1 Cor. 12, 3 : ..."et nul ne peut dire "Jésus est Seigneur" si ce n'est par l'Esprit Saint". La mission terrestre de Jésus en ce monde s'est terminée avec sa mort sur la croix. Maintenant qu'il est ressuscité, il accompagne tous les humains dans la force de son Esprit. Nous sommes ceux d'après la résurrection : donc le texte de l'apparition de Jésus à Thomas résume bien notre situation de ceux qui vivent la richesse et l'engagement de leur foi parce qu'ils croient sans avoir vu, et s'appuient sur le témoignage unique des tout premiers disciples, témoignage que nous rapportent comme nourriture spirituelle tous les textes du Nouveau Testament, dont cette page de l'Evangile de Jean. Témoignage qui nous invite au passage constant de la tentation de rechercher l'évidence à l'expérience de la conviction qui nous situe dans un "au‐delà" de nous‐mêmes, au niveau des vraies valeurs de notre existence. Comme l'écrit le grand exégète Bultmann, qui est également philosophe, proclamer que "Pierre est mon ami" c’est énoncer une dimension de ma vie d'un autre niveau de richesse que le réel évident de nos gestes habituels, de nos expressions visibles et objectivement perceptibles par tous. Je ne peux pas vous prouver comme évidence que "Pierre est mon ami", mais le suggérer par des signes tels que la carte que je lui envoie, l'invitation que je lui fais, la visite que je lui rends, toutes démarches qui traduisent une réalité invisible et bien plus profonde qui m'habite, ce lien d'amitié, ce don de la rencontre... L'attitude de foi se situe à ce niveau de profondeur et d'au‐delà, seul niveau où je puis rencontrer Dieu par le Christ ressuscité, dans son mystère de présence en tous les croyants, et en moi, par l'Esprit... 5 

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