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21/06/2005 | France | Source : L'Express | Lu 1563 fois
Dossier : La folie de l'ésotérisme
Cinéma, littérature, BD, art de vivre... C'est le grand retour de l'occulte et du surnaturel, la revanche de la
pensée magique sur la raison toute-puissante. Une curieuse alchimie qui mêle charlatanisme et sincère
quête spirituelle, phénomène de mode et redécouverte d'une tradition millénaire
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Trente millions d'exemplaires! En quelques mois, le stupéfiant Dan Brown a su faire de son best-seller
une vague de fond. Et il récidive aujourd'hui avec Anges et démons (Lattès) - 700 000 exemplaires
vendus en France depuis sa sortie, le 3 mars dernier. Cette fois, pas de Marie-Madeleine dans le placard,
mais un trépassé anonyme marqué au fer rouge du mot Illuminati - une secte du XVIIIe siècle que les
méchants cardinaux du Vatican persécutent sans relâche. Dans son prochain roman, Dan Brown ira
fouiner du côté des… francs-maçons. Pas très original, peut-être, mais au moins la déferlante
«brownesque» fait des heureux. Beaucoup d'heureux. Dans la foulée du Da Vinci Code, sept «analyses
critiques» ont déboulé en librairie, pointant les faussetés contenues dans l'ouvrage. Là encore, la potion
s'est révélée magique. Le Code Da Vinci décrypté, de Simon Cox (Pré aux clercs), et Le Code Da Vinci:
l'enquête, des journalistes Marie-France Etchegoin et Frédéric Lenoir (Robert Laffont), ont atteint la barre
des 200 000 exemplaires. Le filon ne semble pas près de se tarir, puisqu'un nouvel opus est encore
prévu pour fin août, La Vérité sur «Anges et démons», le phénomène Dan Brown décrypté, de Victor
Loupan et Alain Noël (Presses de la Renaissance). «Tous ces bouquins font mon boulot d'attachée de
presse», ironise Anne-France Renaud, chez Lattès, qui ajoute que l'éditrice, Isabelle Laffont, compte
publier un Dan Brown tous les ans. On la comprend.
A la Fnac, les collections sur le sujet occupent plus de place en rayon que tous les monothéismes
réunis
C'est la grande revanche de l'irrationnel, de l'impénétrable et de l'hermétique: le triomphe de l'ésotérisme.
L'ésotérisme au sens très large, s'entend, reflet déformé d'une tradition philosophique et spirituelle
millénaire fondée sur la croyance en une harmonie universelle, sur le décryptage des symboles et sur un
ensemble de pratiques magico-initiatiques. Les adeptes des chausse-trapes et des secrets, du SaintGraal et des clefs de l'au-delà, du sens caché et de la pénombre se multiplient, comme si, après trois
siècles d'emprise rationaliste, une irrésistible envie de divaguer s'était emparée de nos esprits corsetés.
S'engouffrant dans l'espace laissé libre par les religions traditionnelles, surfant sur la paranoïa propre aux
périodes de crise, l'esprit occulte souffle partout. Au cinéma, L'Annulaire, le nouveau film de Diane
Bertrand d'après un roman de Yoko Ogawa, narre les tourments d'une jeune femme, blessée au doigt,
qu'un naturaliste taiseux finit par initier aux secrets de son étrange laboratoire. L'an dernier, Blueberry,
l'expérience secrète, sorte de western chamanique, relatait les péripéties visionnaires du héros de Jean
Giraud. Avant lui, Le Seigneur des anneaux ou Matrix avaient déjà largement ouvert la brèche. Dans les
librairies aussi, l'ésotérisme est devenu incontournable.
«Renouer avec les énergies divines»
A la Fnac, les collections sur le sujet occupent plus de place en rayon que tous les monothéismes réunis.
Les manuels de parapsychologie et de développement personnel s'enrichissent d'une pincée d'occulte,
tel Le Pouvoir du moment présent, guide d'éveil spirituel, d'Eckart Tolle (Ariane). Et, récemment, les
boutiques strictement ésotériques se sont mises à fleurir sur les trottoirs parisiens. A la librairie de
l'Inconnu, dans le VIe arrondissement de Paris, des pierres et des pyramides trônent en vitrine. Des
pendules, accrochés au comptoir, côtoient des lampes en cristal de sel et des ouvrages sur la
radiesthésie ou l'astrologie. Ce matin, Patrice, employé commercial de 33 ans, s'apprête à acheter un
ouvrage révélant les «archives akashiques» de notre galaxie. «J'ai du mal à expliquer pourquoi je
m'intéresse à ces sujets, confie cet Antillais d'une petite voix. Cela me permet sans doute de trouver des
réponses à mes questions sur le sens de la vie et d'illuminer mon quotidien.» Sur Internet, les sites qui
s'affichent à la rubrique «sciences ésotériques» pullulent, offrant à la vente des sachets de «charbons
ardents» ou des manuels sur le «secret des nombres», avec, en toile de fond, planètes et ciels étoilés
clignotants. Valeurs sûres: les arts divinatoires (astrologie, tarots, voyance), les saints et les anges.
L'Oracle de Belline, de Colette Silvestre (Grancher), s'écoule chaque année à près de 20 000
exemplaires.
Mais le druidisme fait aussi une percée remarquée. Les écolos férus de phytothérapie succombent aux
sortilèges de la civilisation celte, telle Sylvie Merle, 46 ans, qui voit là «une belle façon de renouer avec
les énergies divines à l'œuvre dans la nature». Cette naturopathe appartient à l'Ordre druidique des
enfants de la Terre, né au tournant du nouveau millénaire. Huit fois par an, lors des fêtes d'équinoxe, du
solstice et des célébrations celtiques, ses adeptes - environ 500 - se retrouvent pour célébrer leurs rituels
à ciel ouvert. «L'être humain a une âme qui a besoin de vivre, explique Sylvie. Le druidisme m'a apporté
un équilibre, une force dans le quotidien.» Avait-elle vu venir la vague? Yaguel Didier, la pythie des stars,
publie aujourd'hui avec Marc Sich La Nuit des esprits (Plon): les mésaventures d'une jeune femme
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lâchée dans la lande bretonne, parmi druides et fantômes.
Jadis considéré comme ringard, sinon grand-guignolesque, l'ésotérisme est devenu tendance. «Dire que
l'on est adepte de l'ésotérisme dans les salons en ville, ça fait bien», remarque, amusé, le dessinateur de
BD Didier Convard, auteur de la série culte Le Triangle secret (600 000 exemplaires vendus). Convard
est entré en «ésotérie» à l'âge de 15 ans. «Un ami, un vieux monsieur cultivé, m'a posé une question qui
m'a intrigué: "Est-ce que tu connais l'histoire du frère jumeau du Christ?"» Elevé dans un milieu
catholique pratiquant, Convard allait alors au patronage. «Je me suis mis à lire des ouvrages sur
l'interprétation des Evangiles et sur les mythes, raconte-t-il. Mais c'était très déstabilisant, parce que je
devais garder secret cet intérêt.» Quelques années plus tard, Convard tire de ses flâneries imaginaires le
thème de sa série Le Triangle: Jésus aurait fait crucifier son frère, caché à sa place. Comme quoi, Dan
Brown n'a rien inventé sur les petits secrets de famille des Ecritures. «Quand j'ai proposé la série, il y a
quinze ans, personne n'y croyait, reprend le dessinateur. On m'a dit: "Pourquoi l'ésotérisme?"»
Aujourd'hui, aucun éditeur n'aurait l'idée de poser la question. Les sept titres de la collection Loge noire,
que Didier Convard dirige chez Glénat, se sont vendus à 1 million d'exemplaires. Les 30-50 ans adorent.
De plus en plus considérée comme un art à part entière, la BD a rehaussé l'image de l'ésotérisme en
l'agrémentant d'une bonne dose d'humour. Madonna, elle, a apporté la touche glamour-pop. L'été
dernier, lors de ses concerts à Paris, la chanteuse, métamorphosée en icône de la kabbale, arborait un
tee-shirt barré du slogan «Kabbalists do it better» (les kabbalistes le font mieux). Madonna, rebaptisée
«Esther», a succombé au verbe puissant de Philip Berg. Ancien agent d'assurances, ce gourou
septuagénaire délaissa les écritures comptables pour celles de l'Ancien Testament dans les années 1960
en fondant le Centre de la kabbale, à Los Angeles. Aujourd'hui, le mouvement compte une cinquantaine
de centres à travers le monde, dont un à Paris. Depuis que Madonna - qui ne s'est pas convertie au
judaïsme mais respecte le shabbat - exhibe un bracelet de laine rouge à nouer autour du poignet en
récitant une prière hébraïque, tous ses copains vedettes et autres fashion victims se sont rués sur le bout
de fil. Chiquissime, aussi: laisser traîner dans son salon un exemplaire du Zohar (le Livre de la
splendeur), dans lequel les kabbalistes puisent les techniques permettant de déchiffrer la symbolique de
la Torah.
«Chercher au-delà de la réalité immédiate»
Chez les citadins branchés, c'est le zeste ésotérique qui fait toute la différence. On se jette sur les
œuvres du Chilien d'origine russe Alejandro Jodorowsky, scénariste de la fameuse bande dessinée
ésotérique L'Incal, qui cumule les casquettes: acteur, réalisateur, auteur d'ouvrages sur le tarot et, pour
finir, père de la «psychomagie», à savoir «la magie appliquée à la psychologie» (sic). On aménage son
intérieur selon les règles du feng shui, l'art chinois de détecter les bonnes et les mauvaises influences.
On se soigne grâce au reiki - une méthode de relaxation et de guérison par imposition des mains née de
la croyance japonaise dans le ki, l' «énergie traditionnelle de vie». «Avant, toutes ces histoires me
faisaient rigoler, raconte Jean Marco, 64 ans, maître reiki à Paris. Mais il m'est arrivé de faire des
impositions des mains, et ça a marché, dit-il. Aujourd'hui, je crois ce que je vois. Il y a des choses que je
ne comprends pas, mais je les accepte.»
Il faut bien l'admettre: cartésiens quand il s'agit de critiquer les grandes religions, les Français ne boudent
pas le surnaturel. Chercheur au Cevipof (Centre d'étude de la vie politique française), Daniel Boy a
analysé cinq enquêtes menées entre 1982 et 2000. Résultat: la foi dans le paranormal prospère. Nous
sommes 21% à croire à la sorcellerie, 35% aux rêves prémonitoires et 33% à l'explication des caractères
par l'astrologie. Selon un autre sondage, réalisé par l'Ifop l'an dernier, 42% d'entre nous pensent que les
miracles existent, et 59% estiment que «quelque chose» subsiste après la mort. Enfin, 26% affirment
avoir déjà connu une expérience surnaturelle - de l'hallucination au pressentiment, en passant par
l'expérience mystique. Contrairement aux apparences, les diplômes n'immunisent pas contre l'irrationnel.
«Ceux qui croient le plus au paranormal sont ceux qui ont fait des études de niveau moyen», souligne
Guy Michelat, le directeur de recherche au CNRS qui a participé à l'ouvrage collectif L'Héritage chrétien
en disgrâce (L'Harmattan). Dans l'éparpillement spirituel actuel, la vulgate catholique ne fait peut-être
plus beaucoup recette, mais, précise le sociologue, «l'héritage chrétien forme un humus sur lequel se
sédimentent les nouvelles croyances».
Dans ce monde qui nous déconcerte, parce qu'il va trop vite, parce qu'il se complique et parce qu'il
déballe tout sur la place publique, l'ésotérisme est un formidable exutoire. «L'idée qu'il faut aller chercher
au-delà de la réalité immédiate s'impose dans toutes les périodes de troubles et d'incertitudes sur les
systèmes de pensée traditionnels», rappelle Jean-Pierre Laurant, chercheur au Groupe de sociologie des
religions et de la laïcité. Plus on est jeune et détaché des dogmes religieux, plus on croit au surnaturel,
observent les sociologues. Rien d'étonnant, donc, à ce que les ados se soient piqués au jeu de
l'ésotérisme bien avant leurs parents.
Une vague démoniaque se propage chez les ados
Jacky Cordonnier, historien des religions (Dérives religieuses, Chronique sociale), organise depuis des
années des conférences sur les dérives sectaires dans les collèges et les lycées de l'Hexagone. Qu'a-t-il
découvert? Que des flopées d'élèves jouent aux apprentis sorciers. Que des foules de gamins sont
accros au spiritisme, à l'image de leurs héros des séries télévisées Charmed ou Buffy et les vampires.
«Les profs sont sidérés et ils ont de quoi! s'exclame Cordonnier. Les élèves de quatrième ou de troisième
font de l'alchimie, ils torturent des animaux, vont chercher des potions et des incantations sur Internet,
lancent des invocations au diable et sont persuadés que ça marche!»
Etudiant en BTS électronique, Youri, 17 ans, affirme communiquer depuis deux ans avec l'au-delà au
moyen d'une feuille et d'un crayon en bois. Pas de plastique ni de Critérium: «Les esprits n'aiment pas.»
Il explique d'un ton sérieux la marche à suivre: «Vous placez votre crayon sur la feuille, vous fermez les
yeux et vous posez vos questions. Il ne faut pas s'inquiéter si on ne sent pas le crayon bouger du premier
coup, il faut de la détermination.» Et une infinie patience, sans doute. Youri assure que son rituel lui
apprend «des tas de choses sur la mort, sur l'avenir» et lui procure «une grande satisfaction intérieure».
Un jeu? Oui, mais un jeu dangereux. «Certains adolescents peuvent être instrumentalisés par des
gourous et souffrir de troubles psychiatriques», prévient Jacky Cordonnier. D'autant que l'ésotérisme peut
mener au satanisme, doctrine qui invite, elle aussi, à découvrir une autre vérité, en procédant au
renversement systématique des valeurs morales. Portée par le rock black metal, la mode gothique et le
succès d'icônes pop comme la star androgyne Marilyn Manson, qui était en concert à Paris, le 14 juin, la
vague démoniaque se propage chez les jeunes. Les colifichets favoris de ces adeptes au look de
vampire? Croix renversées ou étoiles à cinq branches, symboles du Malin. D'après une étude du
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sociologue Yves Lambert, 21% des 19-28 ans croyaient en l'enfer en 1999, pour 11% en 1981. L'an
dernier, la Mission interministérielle de lutte contre les sectes a relevé 23 profanations de cimetières à
caractère nettement satanique, pour 18 en 2003. Certains de ces disciples de Satan basculent vers la
mouvance néonazie et son apologie du mal, avertissent les spécialistes. Pas de quoi s'alarmer pour
autant, estime le chercheur Guy Michelat. «Les jeunes se bricolent leur propre système spirituel. Du
coup, chaque croyance prise séparément, détachée de la symbolique catholique et de sa cohérence,
perd de sa signification, analyse le sociologue. Le diable renvoie au mal au sens très large, il devient
porteur du désir qu'éprouvent les adolescents de s'opposer à la société.»
Devant un tel foisonnement, on comprend que l'occultisme en poudre de perlimpinpin fasse un malheur.
«De 20 à 30% de ma clientèle s'adonne à un ésotérisme de bazar», témoigne le psychiatre Jean-Marie
Abgrall, expert des dérives sectaires. Mais les acheteurs de pierre de lune et les magnétiseurs de viande
rouge n'ont pas empêché un ésotérisme plus éclairé d'émerger. Fondé sur un cheminement initiatique et
des invocations rituelles, le soufisme, la mystique de l'islam, a le vent en poupe. Cette doctrine, qui ne se
mêle pas de politique, «attire de plus en plus les musulmans qui veulent vivre un islam de paix, en
opposition aux dérives intégristes, et ceux qui cherchent un guide spirituel, explique Soumeya Hjij, de
l'association l'Isthme. Nos ateliers rassemblent toutes sortes de gens, des enseignants, des intellectuels,
des secrétaires de direction, des assistantes maternelles…».
Brouiller les pistes fait partie du jeu
Chose impensable il y a seulement deux décennies, des astrophysiciens et des spécialistes de la
kabbale se mettent à dialoguer ouvertement sur le sens de l'Univers, comme en témoigne l'ouvrage
collectif De la science à la philosophie (Albin Michel), qui vient de paraître sous la direction du philosophe
et journaliste Michel Cazenave.
Avant que Madonna ne devienne Esther, le rabbin et philosophe Marc-Alain Ouaknin attirait déjà les
foules avec ses conférences mensuelles et ses précis Mystères de la kabbale ou Mystères des chiffres
(plus de 50 000 exemplaires par titre, chez Assouline). «La kabbale enseigne que, sous chaque mot,
sous chaque lettre, sous chaque forme de lettre même, il y a un secret, le secret de l'Univers, explique
cet intellectuel iconoclaste. Elle satisfait l'envie des gens de savoir ce qu'il y a derrière les choses, mais
hors du cadre religieux institutionnel.» Ce faisant, la kabbale flatte aussi l'eg dans une société où chacun
cherche son moi, qui n'aimerait pas se dire qu'il détient des secrets que les autres ignorent? Fabuleux
ressort, qui explique sans doute en partie l'imparable ascension des francs-maçons: depuis trois
décennies, les héritiers des bâtisseurs de cathédrales recrutent 4 000 fidèles supplémentaires chaque
année. Et ce sont les loges spiritualistes qui font le plein.
Mélange de charlatanisme et de sincère recherche spirituelle, l'ésotérisme actuel doit en grande partie
ses dérives au New Age, qui a recyclé la doctrine classique dans les années 1970. Mais les faux
prophètes ne datent pas d'aujourd'hui. Dès l'Antiquité, un certain Alexandre d'Abonotique envoyait ses
espions glaner des renseignements sur la vie et les manies de ceux qui venaient consulter ses oracles.
Certes, brouiller les pistes fait aussi partie du jeu. «On trouve chez tous les adeptes de l'ésotérisme ou
presque une part de ruse, souligne le philosophe Pierre Riffard, auteur d'un ouvrage de référence sur le
sujet, L'Esotérisme (Robert Laffont). Cagliostro avait une face sérieuse, celle d'un franc-maçon solide, et
une face charlatanesque de faux médecin. Il sera condamné à mort, puis à la détention perpétuelle par le
pape, avant de périr étranglé dans son cachot.»
Bref, pas facile de s'y retrouver. Fatras de rituels farfelus et de définitions très vagues, l'ésotérisme a fini
par devenir un mot repoussoir, presque honteux. On ne confie pas à n'importe qui ses penchants
«ésotériques». Pourtant, de grands noms de l'histoire de l'humanité se sont inspirés de cette vision du
monde, tels Pythagore, Leibniz, Novalis ou Goethe. Preuve qu'il existe bien un ésotérisme «sérieux»,
même si celui-ci, par nature, se révèle difficile à cerner. Alors, par où commencer? Comme souvent, par
l'étymologie. En grec, esoterikos signifie «de l'intérieur». Forme de pensée, style d'imaginaire aux modes
d'expression variés (littérature, poésie, musique, peinture), l'ésotérisme s'apparente à «une teinture
inhibant des matériaux divers auxquels elle confère une couleur spécifique», résume joliment le
spécialiste Antoine Faivre, auteur de L'Esotérisme (PUF). Il repose sur une intuition primordiale: la nature
renferme une harmonie universelle, d'origine divine ou non, dont l'homme peut faire éclore les principes
en recourant à la puissance des symboles et des allégories. Cette connaissance - la gnose - permet de
faire le lien entre l'âme et la nature vivante, peuplée d'entités intermédiaires telles que les anges, les
saints et les esprits. «Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut», enseigne l'hermétisme, l'une des
doctrines fondatrices de l'ésotérisme traditionnel. L'initié apprend à cheminer au-delà du réel, en suivant
la voie tracée par ses maîtres. Il saisit les correspondances et les analogies entre le microcosme, c'est-àdire l'homme, et le macrocosme, le monde, grâce à l'interprétation des textes prophétiques et le recours à
des méthodes précises: l'alchimie, l'astrologie ou la méditation.
Le corps humain, miroir du cosmos
L'ésotérisme occidental a une histoire. Histoire qui fait d'ailleurs depuis 1979 l'objet d'une chaire à la
prestigieuse Ecole pratique des hautes études. Les origines de la tradition ésotérique remontent aux
mystères d'Orphée et d'Eleusis, ces grandes célébrations à la fois énigmatiques et populaires de
l'Antiquité grecque. Au VIe siècle avant Jésus-Christ, le mathématicien et astronome Pythagore,
considéré comme le fondateur de l'ésotérisme occidental, affirme que les nombres régissent la nature.
Environ deux siècles plus tard, Aristote évoque un savoir «exotérique», destiné à la foule, et un autre
type de connaissance, occulte, réservé aux initiés. L'adjectif «ésotérique» n'apparaîtra que plus tard,
sous la plume du Grec Lucien de Samosate, vers 166 de l'ère chrétienne. A partir du IIIe siècle avant
Jésus-Christ, les néoplatoniciens, rassemblés à Alexandrie, élargissent et diffusent la doctrine
ésotérique. Porphyre (234-305), puis Proclus (412-485) reprennent l'idée platonicienne d'une réalité
suprasensible divisée en différents degrés, en y ajoutant, sous l'influence de leurs voisins orientaux, la
pratique de l'extase, de la magie et de la méditation.
Huit siècles plus tard, l'ésotérisme entre dans son âge d'or. C'est le temps des cathédrales et des
compagnons bâtisseurs, qui conçoivent la géométrie comme une écriture divine. Arrimés à leurs
chaudrons magiques, les alchimistes transmutent la matière afin d'en révéler la nature première. Les
fidèles qui se pressent dans les santuaires gothiques suivent des yeux le pourtour des rosaces jusqu'à
leur centre, où trône la Vierge, apogée de la méditation ésotérique. Puis vient l'éblouissement de la
Renaissance. Les savants se penchent sur la nature comme sur un livre. Paracelse fonde sa médecine
révolutionnaire en traitant le corps humain comme un miroir du cosmos. L'Eglise catholique - pourtant
favorable à l'ésotérisme durant les premiers siècles du christianisme - finit par juger hérétiques ces
«visionnaires» qui prétendent percer les énigmes de l'Univers en lieu et place de Dieu. Elle s'en prend au
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philosophe humaniste Pic de la Mirandole, auteur d'une interprétation chrétienne de la kabbale et
ordonne même la mise à mort de Giordano Bruno, brûlé vif en 1600 sur ordre du pape Clément VII pour
avoir soutenu la thèse de la pluralité des mondes et réfuté la Trinité. A partir du XVIIe siècle apparaissent
les sociétés secrètes. Les adeptes de l'ordre de la Rose-Croix disent perpétuer la mémoire de Christian
Rosencreutz, un obscur chevalier qui rêvait d'unifier toutes les sagesses de l'humanité avant le Jugement
dernier. Rebaptisé «Ancien et mystique ordre de la Rose-Croix» (Amorc), il compte aujourd'hui environ
10 000 membres, recrutés essentiellement en province et parmi la bourgeoisie.
Les romantiques du XIXe siècle ne pouvaient que céder à leur tour à la passion de l'occulte. Tandis que
le philosophe René Guénon échafaudait sa théorie mystico-ésotérique sur l'existence d'une tradition
originelle, commune à toutes les religions, la bourgeoisie, confondant spiritisme et ésotérisme, faisait
tourner les tables et s'entichait du pseudo-scientifique Eliphas Lévi. Le public raffolait aussi de l'éclectique
Helena Blavatsky, fondatrice de la Société théosophique - une centaine de membres en France de nos
jours. La dame, qui prétendait recevoir des lettres de maîtres indiens inconnus tombées du ciel, assurait
tirer ses connaissances d'un séjour au Tibet, où elle n'avait jamais mis les pieds. En 1902, l'Autrichien
Rudolf Steiner fonde le mouvement anthroposophique. Pédagogie, alimentation, disciplines artistiques...
Sa doctrine au très large spectre a séduit maints artistes et intellectuels (1 300 adhérents actuellement),
mais aussi inquiété certains observateurs. Dans un rapport publié en 2000, l'ex-Mission interministérielle
de lutte contre les sectes relevait ainsi les «multiples propos [de Rudolf Steiner] sur le sang et la race,
susceptibles d'être interprétés comme racistes».
«L'ésotérisme traditionnel s'inscrit dans une structure précise, rappelle le philosophe Michel Cazenave,
qui a longuement exploré ce domaine dans son émission hebdomadaire, Les Vivants et les dieux, sur
France Culture. Il repose sur des textes auxquels on ne peut pas faire dire n'importe quoi. Le Corpus
hermétique, par exemple [écrits anonymes des IIe et IIIe siècles découverts dans la région d'Alexandrie]
doit être passé au crible de l'interprétation rationnelle. Les œuvres ésotériques se fondent sur un système
métaphysique, dont l'analyse requiert une vraie réflexion. Les kabbalistes, notamment, passaient leur vie
à étudier!» Idem pour les symboles. Leur interprétation dépend des sens que les peuples leur ont donnés
dans l'Histoire et de l'empreinte de ces divers sens dans l'inconscient de chaque individu, comme l'a
montré le psychanalyste Carl Jung, grand anthropologue de l'imaginaire. «L'ésotérisme est une
gymnastique de l'esprit», résume le psychiatre Jean-Marie Abgrall, qui s'y adonne depuis trente ans.
Isaac Newton n'aurait pas dit autre chose. A sa mort, le génie à la pomme laissa derrière lui une grosse
malle qui ne fut découverte que deux siècles et demi plus tard. Quels trésors recelait-elle? Des
manuscrits d'alchimie. Par paquets. On sait maintenant que le savant passait au moins autant de temps à
faire chauffer ses cornues afin de purifier la matière qu'à élaborer sa théorie de la gravitation.
«L'ésotérisme n'est pas incompatible avec l'esprit scientifique, mais celui qui le pratique doit replacer les
écrits dans le contexte actuel, en tenant compte de nos connaissances en science, en histoire, en
sociologie, etc., reprend Michel Cazenave. Au XVIIe siècle, les hommes croyaient se comporter en
scientifiques lorsqu'ils s'adressaient à un démon afin d'agir sur la nature. Ce n'est évidemment plus
possible de nos jours! Il faut concevoir les esprits comme des projections de notre imaginaire.»
Une puissance ludique et poétique qui fascine
Subtil jeu de miroirs entre le moi et la nature, l'ésotérisme inviterait donc à une traversée existentielle.
Avec, au bout du chemin, la découverte d' «une réalité à l'intérieur de nous-mêmes», comme le glisse
François Stifani, porte-parole de la Grande Loge nationale française. Une aventure au cours de laquelle
l'être se transformerait lui-même, ici et maintenant. Sagesse et promesse d'un bonheur ici-bas, mise en
valeur de l'individu: l'ésotérisme, tout comme le bouddhisme, satisfait le besoin de vérité et de vie
intérieure, devenu si impérieux aujourd'hui. Mais c'est sans doute en raison de sa puissance ludique et
poétique qu'il fascine. «Tout à l'idée que l'Univers est plein de signes, l'ésotérique voit des coïncidences
significatives partout, tel André Breton qui croisait et recroisait Nadja sans la chercher, commente le
philosophe Pierre Riffard. Il vit dans un esprit d'enchantement.»
Sevré de rêves et de mythes, trahi par le progrès qui s'est retourné contre lui, l'homme d'aujourd'hui
trouve dans l'ésotérisme de quoi renouer avec sa part d'imaginaire. Comme le dit le sociologue JeanPierre Laurant, ce vagabondage fantasmagorique ouvre «un espace de liberté dans notre société
bloquée». Une nouvelle forme de spiritualité est-elle en train de naître? Une spiritualité qui redonnerait
toute sa place à l'individu, sans l'enfermer dans une rationalité technique et réductrice? «Il faut se défaire
de l'héritage d'un rationalisme naïf qui nous a conditionnés à faire égaler retrait de la religion et
disparition de toute espèce de détours par l'invisible, note le philosophe Marcel Gauchet dans Un monde
désenchanté? (L'Atelier). Mais le quelque chose qui subsiste n'organise pas notre monde et l'action des
individus. Donc, pas de naïveté symétrique consistant à prédire la faillite de notre scientisme desséchant
pour cause d'horoscopes et de tables tournantes!»
Ce «quelque chose qui subsiste» - Marcel Gauchet en convient par ailleurs - montre pourtant que les
hommes ne se contentent pas de la Raison raisonnable. Qu'ils croient toujours en l'existence d'un absolu.
Un absolu qui les dépasse et sur lequel ils se leurrent, peut-être, mais qu'ils ressentent comme
nécessaire au plus profond d'eux-mêmes. Vouloir découvrir l'envers des choses, c'est tenter de donner
corps à ce sentiment indéfinissable. Une très vieille histoire, en somme.
Annexes:
Ils voient des signes partout
Magie des signes et des symboles, croyances en une puissance supérieure… Même battues en brèche
par le savoir scientifique, les superstitions (du latin superstare: «se tenir au-dessus») restent vivaces. En
juin 2003, 36% des Français se disaient convaincus que certains actes avaient automatiquement des
conséquences, bonnes ou mauvaises (enquête d'Opinion Wave). Mieux: 29,3% des bac + 3 avouaient
souscrire à ces peurs et petites manies. Selon un récent sondage mené outre-Manche, plus d'un tiers
des Britanniques refuseraient de déménager un vendredi 13 et 47% d'entre eux d'acquérir une maison
«hantée» (sic) A l'image de la société, les superstitions se sont individualisées. «Les gens se créent leurs
propres rites, que ce soit à travers un vêtement ou un objet fétiche, souligne Christophe Lefébure,
historien du patrimoine (La France des croyances et des superstitions, Flammarion). Ils ont de moins en
moins confiance en eux et ne savent plus à quel saint se vouer. Moins rigide que la religion, la
superstition permet de choisir sa conduite.» Cette soif d'espoir et de merveilleux a des retombées
commerciales. Chez Truffaut, célèbre enseigne de jardinerie, 12 500 clients font l'acquisition, chaque
année, d'un trèfle à quatre feuilles. De la poupée mexicaine Macho, censée assurer la fidélité du conjoint,
aux escapularios, petites images pieuses à porter en pendentif, en passant par le ruban brésilien Bonfim,
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25/09/2005
TOP INFO - Dossier : La folie de l'ésotérisme
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l'irrationnel bobo est à la mode. Même Leonardo DiCaprio porte ce bonheur-là autour du poignet. C'est
dire.
2 000 ans avant Dan Brown
L'auteur de Da Vinci Code est l'héritier d'une longue lignée. Dès l'Antiquité, ce genre de romans à clef on ne disait pas encore «ésotériques» - ont fasciné le public. Le best-seller du IIe siècle après JésusChrist, les Métamorphoses ou L'Ane d'or, d'Apulée, fourmille de métaphores qui suggèrent plusieurs
niveaux d'interprétation à partir d'une banale intrigue érotico-amoureuse. Au Moyen Age, Chrétien de
Troyes (1180), puis Wolfram von Eschenbach (entre 1200 et 1210) enrichissent le genre en narrant les
aventures des chevaliers de la Table ronde en quête du Graal. Allégorie amoureuse et parcours
initiatique, le Roman de la Rose, entamé par Guillaume de Lorris et terminé par Jean de Meung (de 1230
à 1285), invite, lui aussi, à une poétique traversée des apparences. Au XVIIIe siècle, Goethe reprend le
flambeau à la fin de sa vie en rédigeant, de 1825 à 1832, une seconde version de son Faust (1773).
Entre-temps, le poète a rencontré des adeptes de la Rose-Croix, découvert l'alchimie et l'occultisme, puis
rejoint la franc-maçonnerie en 1780. Plus près de nous, dans les années 1960, les ouvrages de Gérard
de Sède, Les Templiers sont parmi nous, notamment, sont devenus une référence chez les férus
d'ésotérisme grand public. Intellectuel et distancié, l'Italien Umberto Eco s'est, lui aussi, piqué au jeu des
clairs-obscurs ésotériques dans Le Nom de la rose et Le Pendule de Foucault. Mais c'est au Brésilien
Paulo Coelho que l'on doit le plus beau coup de maître, avec L'Alchimiste: 60 millions d'exemplaires
vendus. Encore un qui a trouvé la formule.
Claire Chartier, Natacha Czerwinski
Post-scriptum
En 2003, l'ésotérisme représentait 9,7 millions d'euros (0,4% du marché éditorial), d'après les derniers
chiffres du Syndicat national de l'édition. Les ouvrages classés dans cette catégorie se sont vendus à 1
467 millions d'exemplaires. Mais c'était avant la déferlante Dan Brown.
Source : L'Express
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