Grégoire DUTERTRE - monographie Emirates 2008

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Grégoire DUTERTRE - monographie Emirates 2008
Grégoire DUTERTRE
Section Ecofi
Séminaire Gestion des Entreprises Multinationales
2007 - 2008
Emirates Airlines
Le positionnement de Dubaï comme hub long courrier-long
courrier, un environnement géographique, économique et politique
favorable au développement international d’Emirates Airlines
Monographie de gestion réalisée sous la direction de M. Bernhard Kitous.
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier très sincèrement mon directeur de mémoire, M. Bernhard Kitous, pour
son soutien et son accompagnement tout au long de la rédaction de ce travail de recherche et,
de manière plus générale, pour m’avoir grandement facilité, par ses conseils et ses remarques,
mon intégration au sein de la section Ecofi de l’IEP de Rennes.
J’adresse également mes plus vifs remerciements à M. Trévidic, du journal Les Echos, et à
Mme Nathalie Lenoir, directrice du Laboratoire d’économie et d’économétrie de l’aérien à
l’Ecole nationale de l’aviation civile pour avoir bien voulu m’éclairer sur les tenants et
aboutissants du trafic long courrier international.
J’exprime de même toute ma gratitude à M. Jean-Luc Grillet, Directeur Général FranceBénélux de la compagnie Emirates pour sa gentillesse, son amabilité et pour m’avoir dressé,
au cours de notre entretien, un tableau très complet de la situation de la compagnie.
Enfin, last but not least, je profite de ces quelques lignes pour adresser à mes camarades de la
« Fly Team » Emirates/Singapore Airlines mes remerciements pour le cadre de travail qui a
été le nôtre au cours de cette année.
2
TABLE DES MATIERES
REMERCIEMENTS................................................................................................................ 2
TABLE DES MATIERES ....................................................................................................... 3
EXECUTIVE SUMMARY...................................................................................................... 4
PARTIE A : Présentation du cas ............................................................................................ 5
1) Le contexte historique et politique..................................................................................... 5
2) Un trafic aérien à l’international en pleine explosion........................................................ 8
PARTIE B : Analyse et résolution du cas ............................................................................ 10
1) Analyse ............................................................................................................................ 10
1.1. Le positionnement stratégique du hub de Dubaï....................................................... 12
1.1.1. Quelques éléments sur la notion de « hub »....................................................... 12
1.1.2. Un positionnement géographique central qui permet de maximiser la fonction
« hub » de Dubaï .......................................................................................................... 15
1.2. Une vision à long terme du trafic aérien international .............................................. 20
1.2.1. Une explosion du trafic aérien dans les pays du Golfe...................................... 20
1.2.2. Le développement du commerce et du tourisme : l’ouverture du ciel ............... 20
1.2.3. Les moyens de ses ambitions.............................................................................. 22
2. Diagnostic......................................................................................................................... 25
2.1. Constat....................................................................................................................... 26
2.2. Diagnostic et perspectives pour Emirates ................................................................. 27
PARTIE C : LIMITES .......................................................................................................... 29
1) Perspectives pour la firme................................................................................................ 29
2) Limites de la présente monographie ................................................................................ 29
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................. 31
ANNEXES............................................................................................................................... 32
Annexe 1 : Cartes des Emirats Arabes Unis et de Dubaï ..................................................... 33
Annexe 2 : Les libertés de l’air ............................................................................................ 34
3
EXECUTIVE SUMMARY
Emirates Airlines une compagnie toute récente, créée il y a une vingtaine d’années seulement,
en 1985. A l’époque, la compagnie ne bénéficie que d’un prêt de 10 millions de dollars de la
part de l’émirat de Dubaï et ne peut compter que sur deux avions en leasing1, un Boeing 737
et un Airbus A300. Or, un peu plus de 2à ans après ses débuts, Emirates fait figure
d’épouvantail sur la scène du trafic long courrier international, dont elle est l’un des leaders
incontestés. Comment une progression si rapide a-t-elle été rendue possible ?
Pour comprendre le succès de la firme, il faut la replacer dans le contexte de l’émirat de
Dubaï. Situé dans une région centrale du globe, point de passage obligé entre les différents
continents, Dubaï s’avère idéalement placé pour permettre à Emirates de se développer sur
son créneau, celui du trafic long courrier à l’international. L’activité commerciale et
touristique de l’émirat constitue également un atout indéniable pour la compagnie puisqu’elle
lui permet de transporter nombre de clients de et vers l’émirat venus profiter de la santé
économique florissante de Dubaï.
De ce point de vue, l’émirat de Dubaï a pris une certaine avance sur ses concurrents
régionaux, au premier rang desquels Abu Dhabi et le Qatar. Même si leurs compagnies
respectives, Etihad et Qatar Airways, apparaissent comme des concurrents directs d’Emirates,
elles ne semblent pas devoir remettre en cause à moyen terme le leadership d’Emirates.
Cette monographie de gestion est centrée sur les aspects propres à la compagnie aérienne
Emirates Airlines et, dans une certaine mesure, à d’autres compagnies évoluant sur le même
modèle. Cette étude n’a donc pas vocation à être généralisée. Par ailleurs, ce travail est le fruit
d’une première initiation à la recherche en gestion et présente par conséquent des
imperfections.
1
Une firme de leasing est une entreprise qui loue des avions à long terme. Cette pratique est courante dans le
domaine de l’aéronautique, notamment pour les compagnies récentes ou les low cost.
4
PARTIE A : Présentation du cas
Dubaï ! Qui n’a jamais entendu ces dernières années parler de cette ville du Moyen Orient,
avec un mélange de crainte et d’admiration ? Son rôle de plate-forme commerciale dans la
région est reconnu de tous, son développement touristique prend des proportions
hallucinantes, notamment avec la construction d’immenses gratte-ciels ou de gigantesques
îles artificielles au large des côtes. Un fait s’impose indubitablement : Emirates Airlines, la
compagnie aérienne de l’émirat est indissociable de son développement. Portant l’image de
Dubaï aux quatre coins du monde grâce à une politique marketing offensif, notamment dans
le domaine sportif, à ses récentes commandes record d’appareils, elle apparaît comme un
élément indissociable de la stratégie de Dubaï.
Emirates Airlines est aujourd’hui l’une des plus grosses compagnies aériennes mondiales. Ses
commandes record d’appareils et les projets aéroportuaires pharaoniques de Dubaï donnent le
tournis à de nombreux commentateurs et des sueurs froides à ses concurrents. Pour
comprendre comment la compagnie en est arrivée là, un petit retour en arrière s’impose…
1) Le contexte historique et politique
► Dubaï au sein des Emirates Arabes Unis
Anciens États de la Trêve, les Émirats Arabes Unis avaient confié à la Grande-Bretagne la
responsabilité des affaires étrangères et de la défense nationale, en contrepartie de
l’engagement britannique de non-ingérence dans les affaires intérieures. Suite à la décision
britannique de mettre un terme à ces accords, les dirigeants des émirats d’Abu Dhabi, Dubai,
Sharjah, Fujairah, Ras Al Khaïmah Umm Al Quwain et Ajman constituent, le 2 décembre
1971, les Émirats Arabes Unis.
Le pouvoir exécutif au sein des Emirats est détenu par le Conseil des Ministres, qui comporte
21 membres, et qui est soumis au Conseil Suprême, composé des dirigeants de chaque Emirat,
5
qui fixe les orientations de politique générales des EAU. La fédération dispose également
d’un appareil judiciaire indépendant dont le plus haut degré est la Cour Suprême. Chacun des
7 émirats garde cependant son autonomie de gestion de ses ressources propres et possède sa
propre administration. Ce sont les émirs de chaque famille régnante qui dirigent ses
gouvernements locaux, dont les organes peuvent varier d’un émirat à un autre.
La superficie totale de la fédération, qui compte près de 200 îles est de 91 700 km ². Avec 67
340 km², Abu Dhabi est de loin l’émirat le plus étendu, suivi par Dubai (3 885 km²), Sharjah
(2 590 km²), Ras Al Khaimah (1 683,5 km²), Fujairah (1 165,5 km²), Umm Al Quwain (777
km²) et enfin Ajman (259 km²)2.
Fin 2006, la population des Emirats Arabes Unis s’élève à environ 5 millions d’habitants,
dont 85% d’étrangers. Le PIB en 2006 est de 158 Md USD ; il a doublé en 6 ans (70 Md en
2000), preuve de la vitalité de la fédération, qui a un potentiel économique supérieur à celui
de ses voisins, exceptions faites de l’Arabie Saoudite et de l’Iran. Les EAU représentent le
plus gros débouché des produits français au Moyen Orient. La France est le 7è fournisseur des
Emirats et, surtout, ces derniers constituent le 4è excédent commercial de la France.
Au sein de cet ensemble, l’émirat de Dubaï compte 1,4 millions d’habitants et compte pour
environ 30% du PIB. En termes de chiffres, c’est le deuxième plus important derrière Abu
Dhabi (1,8 millions d’habitants ; 60% du PIB). Si Abu Dhabi est la capitale énergétique des
EAU (l’émirat renferme respectivement 94% et 92% des réserves de pétrole et de gaz), Dubaï
en est incontestablement la capitale commerciale. En effet, 79% des échanges commerciaux,
hors pétrole, des Emirats transitent par Dubaï.
Dubaï est également la capitale touristique des Emirats Arabes Unis et de toute la région du
Golfe de manière générale. Des projets pharaoniques s’y développent depuis plusieurs années.
A titre d’exemple, on peut citer les projets d’îles artificielles, notamment le projet « The
World » un réseau de 300 îles au large de Dubaï représentant la Terre et offrant
des
résidences haut de gamme, des commerces et des infrastructures de loisir.
On peut également citer la tour « Burj Dubaï », qui comprend la plus haute tour du monde et
la Mall of Dubaï, un projet de 20 Md USD ou encore le gigantesque complexe « Dubaïland »
2
Cf cartes en annexe 1
6
un espace de la taille de Manhattan en plein cœur de Dubaï qui renferme hôtels de luxe et le
plus grand centre commercial du monde, le Mall of Arabia, un projet de 110 Md USD.
Cet accent mis sur le commerce et le tourisme s’avère être le produit de l’histoire mais
également d’un tournant stratégique entamé il y a à peine 40 ans par les autorités de l’époque.
► Dubaï : 2000 ans d’histoire, 2000 ans de commerce
Dubaï est l’une des rares régions du Golfe, avec le sultanat d’Oman, à développer une
tradition commerciale qui remonte aux origines. Pendant plus de 2000 ans, le futur émirat a
été une plaque tournante du commerce d’or et de perle dans la région.
► Le tournant du pétrole
Une étape très importante est franchie dans l’histoire de l’émirat de Dubaï avec la découverte
d’hydrocarbures à la fin des années 60. Très vite, les dirigeants de l’époque s’aperçoivent que
les ressources en or noir sont limitées et se posent donc immédiatement la question de l’aprèspétrole. Le commerce, fruit d’une tradition historique, apparaît comme la meilleure solution.
La volonté de faire de Dubaï une plate-forme commerciale régionale émerge. C’est de cette
période que date le formidable développement de l’émirat pour en arriver aux proportions que
nous connaissons actuellement.
Plusieurs éléments s’avèrent nécessaires. Il faut garantir la liberté de commerce pour se
différencier, les autres pays de la région étant plutôt fermés, ainsi que les autres principales
libertés fondamentales, notamment la liberté d’opinion et son corollaire la liberté religieuse.
Les autorités modernisent le vieux port du centre-ville de Dubaï Port Rachid et décident de la
construction d’une gigantesque zone franche en plein désert à 40 km de Dubaï, à Jebel Ali.
L’objectif est donc de faire transiter tout le commerce régional par Dubaï en offrant la
possibilité d’implanter sa société sur place et d’y rapatrier tous ses profits. De tels projets, en
7
plus de la main d’œuvre nécessaire pour les réaliser, ont très vite souligné l’importance de se
doter d’un espace aérien sans contraintes dans le but d’attirer un maximum de monde.
A cet égard, Dubaï s’est pendant longtemps trouvé avantagé. Jusqu’à la fin des années 70, un
voir plusieurs stops étaient nécessaires aux avions pour aller d’un continent à un autre. De par
sa position géographique, l’émirat a donc été un point de passage obligé dans la région,
élément clé de l’ambitieuse politique commerciale mise au point par ses dirigeants.
► L’apparition du long-courrier et la nécessité de créer sa propre compagnie
aérienne
Les avancées technologiques des années 80 permettent de développer fortement le secteur du
long courrier à l’international. De ce fait, l’aéroport de Dubaï a rapidement périclité puisque
les arrêts obligatoires d’hier n’étaient désormais plus nécessaires. L’émirat subit également à
l’époque la concurrence de Gulf Air qui opère depuis Abu Dhabi, privant ainsi Dubaï de
nombreuses parts de marché.
Pour maintenir la croissance, le gouvernement de l’émirat fait alors le pari audacieux de créer
sa propre compagnie aérienne : Emirates Airlines voit le jour en 1985. Emirates est mise au
service du développement de l’émirat qui joue désormais la carte touristique, dans une région
désertique où tout reste à construire. La position stratégique de Dubaï, à mi-chemin entre les
différentes régions du globe, reste un atout majeur aux yeux des dirigeants de l’émirat,
notamment au regard du potentiel de développement des vols longs et très longs courriers à
l’international.
2) Un trafic aérien à l’international en pleine explosion
En effet, selon les chiffres de l’International Air Transport Association (IATA), l’instance de
régulation du trafic aérien international, le trafic aérien mondial a augmenté de 7,4 % en 2007
par rapport à 2006. Sur la même période, c’est la région du Golfe qui connaît les plus fortes
8
augmentations : dans cette zone, le trafic a crû de 18%, soit deux fois plus que la moyenne
internationale.
Toujours selon IATA, le trafic mondial devrait croître de 5% par an jusqu’en 2016. Le
potentiel de développement est donc énorme pour Emirates qui a d’ailleurs bien saisi l’enjeu.
173 gros porteurs sont actuellement en commande, parmi lesquels le fameux A380.
Troisième et dernier élément de cet ensemble : les aéroports. Dubaï dispose actuellement d’un
aéroport, l’aéroport international de Dubaï, en phase d’extension et un deuxième, Jebel Ali,
qui est pratiquement terminé. Au maximum de leur capacité, ces aéroports pourront accueillir
respectivement 70 et 120 millions de passagers par an.
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PARTIE B : Analyse et résolution du cas
« From the outset, our vision was to develop an international airline
that maximized Dubai’s geostrategic location to connect people and
cargo to their destinations quickly and conveniently » (Sheik AlMaktoum, 2005, à l’occasion du 20è anniversaire de la firme).
Cette allocution du Sheik Al-Maktoum, Président d’Emirates et également ministre de
l’aviation civile des Emirats Arabes Unis constituera le point de départ de notre étude.
Nous nous intéresserons ici au positionnement de Dubaï comme hub long courrier-long
courrier qui constitue un environnement géographique, économique et politique favorable au
développement international d’Emirates Airlines.
Pour aborder ce sujet, il convient de formuler une hypothèse de travail, qui est ici la suivante :
Le hub aéroportuaire de Dubaï s’avère idéalement placé pour capter l’explosion du
trafic international et constitue de ce fait un facteur clé du développement d’Emirates.
1) Analyse
Pour pouvoir étudier plus en détail la stratégie d’Emirates sans le domaine du long courrier à
l’international, il nous semble nécessaire de procéder à une application modèle PEST, cadre
d’analyse classique du macro-environnement externe dans lequel une société opère, et qui
nous servira de fil conducteur tout au long de cette première phase.
Application de la matrice PEST à la compagnie Emirates Airlines
Facteurs politiques et juridiques
Facteurs économiques
- développement de la compagnie
corrélé à celui de l’émirat
- volonté politique de faire de
Dubaï
une
plate
forme
commerciale et touristique
- pas d’impôt sur les sociétés
- taxes aéroportuaires bien
inférieures
à
celles
des
concurrents européens (4 à 5 fois
moins qu’à Roissy)
- régime d’open sky à Dubaï
- région du Golfe riche en pétrole
donc attire les investisseurs
- croissance des EAU comprise
entre 7,5% et 12% depuis 2003
- 80% des échanges des EAU
transitent à Dubaï
- montée en puissance du secteur
des services (40% du PIB contre
1/3 en 1990)
Facteurs sociétaux
Facteurs techniques
- longue tradition de commerce à
Dubaï, volonté de faciliter les
échanges (cf facteurs politiques)
projets
immobiliers
pharaoniques pour soutenir le
développement commercial et
touristique de l’émirat (10M
touristes, plus qu’en Inde)
- aéroports de très grande capacité
(70M et 120M passagers/an max)
qui permettent d’anticiper
l’explosion du trafic aérien
- flotte récente (5 ans en
moyenne) et nombreuse
- service haut de gamme
11
1.1. Le positionnement stratégique du hub de Dubaï
1.1.1. Quelques éléments sur la notion de « hub »
En anglais, le mot « hub » désigne, au sens premier, le centre d’une roue (d’une roue de vélo
en particulier). Par extension, il est employé dans d’autres domaines au sens de centre ou de
nœud et notamment dans le domaine de l’aéronautique. Il est indissociable, dans notre cas, de
son corollaire « spoke », le rayon, qui permet de relier à ce même point central plusieurs
endroits différents.
Dans le cas de l’aéronautique, le hub est un aéroport qui permet aux passagers de changer
rapidement et facilement de vol. On parle aussi de plateforme de correspondance. Le concept
s’est développé dans les années 80 à l’instigation des compagnies aériennes américaines.
Avant, le trafic fonctionnait par « lignes » (une liaison entre telle et telle destination), mais le
modèle du « hub and spokes » s’est ensuite imposé pour augmenter à moindre coût le nombre
de destinations offertes.
Pour ce faire, le transporteur aérien confère à un aéroport le rôle de hub de son réseau et y
organise les horaires de départ et d’arrivée pour faire en sorte que l’escale soit la plus brève
possible pour le voyageur en transit. Cela diminue le nombre de segments (spokes) à desservir
mais exige une grande synchronisation et entraîne une plus grande dépendance à
l’environnement externe (la météorologie notamment), en particulier dans le cas des réseaux
« multi-hub » exploités par de nombreuses compagnies américaines.
Le schéma suivant illustre le fonctionnement d’un réseau de transport aérien articulé autour
du concept de « hub and spokes »
12
Schéma S1 d’un réseau organisé selon le système du « hub and spokes »
source : Site de Michel Volle, ancien conseiller de Ch. Blanc, PDG d’Air France www.volle.com
Nous prenons ici trois zones géographiques quelconques avec à l’intérieur les aéroports
principaux qui jouent le rôle de hub.
On remarque que deux systèmes de hub cohabitent la plupart du temps : un système de
maillage inter zones et une desserte intra zone. Dans le maillage inter zones, la liaison est
organisée de manière à relier entre elles les grandes plateformes d’interconnexion mondiales.
A l’intérieur d’une même zone, différents aéroports locaux sont reliés à la plateforme
d’interconnexion qui sert d’interface avec les autres zones par des liens de desserte locale.
La conjonction des deux systèmes trouve sa parfaite illustration aux Etats-Unis où un certain
nombre de très grands aéroports (Houston, New York, Seattle entre autres) présentent un fort
13
maillage inter zonal, le reste des aéroports américains leur étant relié comme le montre le
schéma 2 ci-dessous. Dans le cas des Etats-Unis, on parle de hubs « domestiques ».
Le même raisonnement peut être appliqué à l’Europe continentale qui concentre ses liaisons
inter zonales autour d’un nombre restreint de grands aéroports (Roissy-CDG, LondresHeathrow, Francfort) puis assure ensuite une distribution « en étoile » au reste du continent
via des dessertes régionales.
Schéma S2 d’un réseau organisé selon le système du « hub and spokes »
source : idem
En ce qui concerne Emirates, nous allons le voir, c’est la stratégie du maillage inter zonal qui
l’emporte. Plus de 90% du trafic de la compagnie est réalisé de cette manière. La desserte
intra zonale ne joue pas ou peu pour Emirates dans la mesure où elle n’a que peu de liaisons
aériennes avec la région du Golfe.
14
1.1.2. Un positionnement géographique central qui permet de maximiser la fonction « hub »
de Dubaï
Le gros avantage de la région du Golfe est de situer en plein centre du réseau de transport
aérien mondial. Cette position géostratégique d’importance permet aux pays de la région, et
aux Emirats Arabes Unis en particulier d’être au centre des échanges mondiaux, de constituer
le « hub » du transport aérien mondial.
La carte ci-dessous, qui ne présente qu’une partie des liaisons effectuées par Emirates au
départ de Dubaï. On y voit clairement que, quelle que soit la destination, Dubaï apparaît
comme étant le nœud des échanges inter zonaux mondiaux.
Le positionnement stratégique du hub de Dubaï
source : L’atlas du dessous des cartes 2
15
Cette situation n’a évidemment pas échappé aux dirigeants dubaïotes lors de leur réflexion sur
l’avenir du pays engagée dans les années 80. Elle a même constituée, en témoigne l’allocution
du Sheikh Al Maktoum, la pierre angulaire de la stratégie des autorités de l’émirat.
► L’avantage comparatif sur les vols très long courrier, l’exemple LondresSingapour et Londres-Sydney
Une étude réalisée en 2006 par l’Université de Cranfield, en Grande-Bretagne, montre la
répartition du trafic d’Emirates en provenance d’Europe et à destinations d’autres régions du
monde pour 2005 :
▪ 45,5% du trafic en provenance d’Europe est redirigé vers l’Asie du Sud (la Chine et
tout le continent indien)
▪ 25% vers l’Asie du Sud-est
▪ 12,5% vers l’Australie et la Nouvelle Zélande
▪ 11% vers l’Afrique
▪ 7% vers le Moyen-Orient
L’Asie du sud-est représente donc une part non négligeable de l’activité d’Emirates. Or, sur
ce créneau, elle est directement concurrencée par Singapore Airlines (SIA), pour qui cette
région constitue un débouché naturel du fait de l’origine géographique de la compagnie.
Une étude attentive des chiffres sur cette destination permet de mettre en évidence l’avantage
que possède Emirates sur le trajet Europe/Asie-Australie. Nous avons choisi ici un double
exemple : Londres-Singapour et Londres-Sydney.
Sur un même trajet depuis Londres jusqu’à Singapour, SIA propose un trajet direct sans
escale alors qu’Emirates effectue un stop à Dubaï. Les prix proposés par Emirates sont
cependant moindres, ce qui lui permet de gagner des parts de marché.
16
Prix du billet au kilomètre (USD cents) - 2007
Emirates (1 stop)
SIA (non-stop)
Différence
Londres-Dubaï-Singapour
Londres-Singapour
(%)
Economique
2,01
2,11
-4,9
Business
11,66
12,71
-9
Classe
Source : Universal air travel plan, Airline traffic publishing company, sites des companies aériennes
Sur une même destination, avec une escale alors que sa concurrente n’en a aucune, Emirates
est 5% moins chère que SIA en classe économique et 9% moins chère en classe affaires.
Les chiffres sont encore plus explicites quand les deux compagnies procèdent chacune à une
escale comme c’est le cas sur la ligne Londres-Sydney où Emirates et SIA effectuent chacune
un arrêt respectivement à Dubaï et Singapour.
Prix du billet au kilomètre (USD cents) - 2007
Emirates (1 stop)
SIA (1 stop)
Différence
Londres-Dubaï-Sydney
Londres-Singapour-Syndney
(%)
Economique
2,28
2,40
-5,2
Business
8,78
10,10
-15
Classe
Sur le trajet Londres-Sydney, où chacune des compagnies effectue un stop, la différence est
de 5,2% pour la classe économique et de 15% pour la classe affaires en faveur d’Emirates.
Sur le plan géographique, l’avantage est également à la compagnie de Dubaï. En effet, pour le
trajet de Londres à Singapour, Emirates met en moyenne 14h30 pour relier les deux villes
avec une escale à Dubaï et SIA 13h30 sans escale3. Au vu de la différence de prix, de 5 à 9%,
3
Source : sites internet Emirates Airlines/SIA
17
l’écart d’une heure en faveur de SIA apparaît négligeable, un tel écart pouvant de plus
facilement être comblé par un évènement quelconque.
Sur le trajet Londres-Sydney avec escale à Dubaï pour Emirates et à Singapour pour SIA, la
différence de temps est de plus de 3h, ce qui représente tout de même entre 15% et 20% de la
durée du trajet. Et comme sur ce même trajet, l’écart de prix en faveur d’Emirates est compris
entre 5% et 15%, la compagnie de Dubaï gagne sur tous les tableaux concernant le trajet
Londres-Sydney.
Ce n’est donc pas un hasard si le trafic entre l’Europe et l’Australie/Nouvelle-Zélande
via le hub de Singapour a chuté de 4,5% sur la période 1999-2006 alors qu’il a crû de
8,5% via le hub de Dubaï sur la même période.
Le facteur géographique joue ici clairement et offre à Emirates un avantage stratégique
non négligeable sur le trafic long courrier à l’international. Sur ces vols très long
courrier, un stop devient obligatoire et Dubaï est donc avantagé. Quand bien même les
compagnies concurrentes parviennent à couvrir la distance sans escale, la position
centrale de Dubaï permet à Emirates de ne pas être trop handicapée sur le plan horaire.
► Le pari des pays émergents
Emirates ne profite pas de son positionnement géographique seulement entre les grandes
zones de développement économique, comme l’Europe. Elle s’est tournée depuis de
nombreuses années vers les pays émergents, la Chine, l’Inde et plusieurs pays du continent
africain.
Emirates relie maintenant ces régions entre elles. Ainsi par exemple la Chine et l’Afrique. Peu
de compagnies font la liaison entre ces deux zones. SIA ne dessert que Dhacca, Le Caire et Le
Cap tandis qu’Emirates est présente dans une douzaine de villes africaines réparties sur tout le
continent.
18
Et là encore, la situation géographique de Dubaï profite à la compagnie Emirates. Il suffit de
regarder une carte pour comprendre que d’aller de la Chine vers l’Afrique en passant par
Dubaï est bien plus rapide que de la faire via l’Europe ou l’Asie. Il faut ainsi 19h pour aller de
Pékin au Cap avec Emirates (en passant par Dubaï donc) au lieu de plus de 22h en passant par
Singapour avec SIA. Et Dubaï n’est qu’à neuf heures de la capitale chinoise.
Cet exemple de liaison entre la Chine et l’Afrique n’est pas anodin. Les chinois ont pris pied
de manière très importante en Afrique depuis maintenant une quinzaine d’années et s’y
révèlent très actifs économiquement, beaucoup plus parfois que les anciennes puissances
coloniales. Depuis 2005, la Chine est le troisième partenaire économique du continent africain
dans son ensemble derrière les Etats-Unis, talonnant la France mais devant la GrandeBretagne.
L’Inde se trouve également dans le même cas de figure. C’est un pays qui se développe à
toute allure, très peuplé et, à ce titre, potentiellement source de débouchés pour Emirates
Airlines.
Dans un rayon de 8 à 9h, Emirates dispose donc d’un atout stratégique qui lui permet d’avoir
potentiellement accès à la moitié de la population mondiale.
De plus, selon une étude prévisionnelle d’Airbus à l’horizon 2023, la Chine et l’Inde auront
un pouvoir d’achat combiné cinq fois supérieur à celui des Etats-Unis aujourd’hui. Et Dubaï
est parfaitement situé pour permettre à Emirates de capter une part significative de ce marché
potentiel de passagers en provenance des pays émergents.
Cette prise de conscience du potentiel des pays émergents par Emirates ne date pas d’hier.
Dès les origines, en 1985, les premières liaisons qu’ouvre l’émirat de Dubaï se trouvent en
Inde et au Pakistan car c’est de là que sont issus la majorité des travailleurs immigrés qui
exercent alors à Dubaï à l’époque.
19
1.2. Une vision à long terme du trafic aérien international
1.2.1. Une explosion du trafic aérien dans les pays du Golfe
Car en effet, le trafic aérien international est en pleine explosion. Pour rappeler les chiffres
donnés en introduction, IATA prévoit une augmentation du trafic passager d’environ 5% par
an d’ici 2011 du trafic aérien mondial.
Si ces chiffres peuvent paraître impressionnants, ils apparaissent pourtant faibles par rapport à
ceux qui concernent la région du Golfe. C’est en effet la région du monde qui a connu la plus
forte progression sur ces dix dernières années de son trafic passager aérien, qui a augmenté de
65% de 1997 à 2006. Et en 2007, la progression a été de 18% par rapport à 2006. A titre
d’exemple, Emirates a transporté près de 14 millions de passagers en 2007, 25% de plus que
l’année précédente.
Selon les propres dires de M. Grillet, Directeur Général d’Emirates pour la France et le
Bénélux, cet afflux de passagers est principalement du à l’argent du pétrole. Mais cette manne
ne concerne pas Dubaï : le pétrole ne compte que pour 3% du PIB de l’émirat. A l’inverse,
l’émirat d’Abu Dhabi et, dans une moindre mesure, le Qatar, tirent, eux, un grand bénéfice de
cette manne pétrolière. Leurs seules plus-values pétrolières ont rapporté plus de 2000
milliards de dollars (l’équivalent de la dette cumulée de la France) à l’émirat d’Abu Dhabi en
2007. Et aujourd’hui la place forte financière du Golfe se situe à Bahreïn, qui s’est reconvertie
en place boursière après l’éclatement de Gulf Air dans les années 90 suite au retrait du Qatar
et d’Abu Dhabi.
Mais il apparaît également que Dubaï a clairement un rôle à jouer dans cette partie grâce à son
positionnement sur le secteur du commerce et surtout du tourisme.
1.2.2. Le développement du commerce et du tourisme : l’ouverture du ciel
20
La volonté de faire de Dubaï une plateforme régionale pour le commerce et le tourisme
remonte, on l’a vu, à une quarantaine d’années, après la découverte de pétrole par Sheik
Rachid, le père de l’émir actuel.
Quand la compagnie Emirates est créée en 1985, son objectif est justement de faire venir à
Dubaï ces touristes étrangers qui vont pouvoir développer l’économie du pays. Dubaï n’est
pas encore la mégalopole que l’on connaît aujourd’hui et les ambitions touristiques de
l’émirat apparaissent démesurées à beaucoup.
C’est un point clé de la stratégie d’Emirates. La compagnie aérienne n’a pas pour but ultime
d’engranger un maximum de profits en prenant un maximum de part de marchés à ses
concurrents. Dès le début, Emirates Airlines est conçue pour être un puissant moteur de
développement pour Dubaï. A l’époque, la stratégie du « hub and spoke » s’essouffle et les
grandes compagnies aériennes désertent Dubaï, lui préférant, si elles jugent nécessaire de
s’arrêter dans la région, Abu Dhabi. Il faut à tout prix amener des touristes et des industriels
pour pouvoir relancer la machine. Et pour cela, la création d’une compagnie aérienne seule ne
suffit pas…
Pour faciliter l’arrivée des étrangers, les autorités vont alors procéder à une libéralisation
massive de l’économie en général et du régime du ciel de Dubaï en particulier, fidèles en cela
à la longue tradition de négoce de l’émirat.
Dès 1985, Dubaï va totalement libéraliser son espace aérien : c’est le régime d’ « open sky ».
Cela signifie en premier lieu reconnaître les cinq libertés de l’air telles que définies dans la
Charte de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI)4 et notamment le droit
pour toute compagnie de pouvoir acheminer des passagers de et vers Dubaï. Concrètement,
toute compagnie aérienne qui en fait la demande bénéficie de « slots », c'est-à-dire ce
créneaux de décollage et d’atterrissage à Dubaï sans contrepartie aucune. Si l’émirat accorde
des slots à une compagnie étrangère, le pays en question est libre d’en accorder ou non à
Emirates sur son propre territoire. Ainsi, Emirates n’a obtenu des droits de trafic sur l’île
Maurice que deux ans après que Dubaï ait accordé des droits de trafic à Air Mauritius.
4
cf. annexe 2 pour le détail des différentes libertés de l’air.
21
On entend parfois dire, notamment chez ses concurrents, qu’Emirates est une compagnie de
« sixième liberté » ! La sixième liberté est celle qui autorise une compagnie à transporter des
passagers d’un Etat A à un Etat B en passant par l’Etat dont la compagnie a la nationalité.
C’est l’idée du hub inter zonal évoqué plus haut. En fait, cette stratégie représente 60% des
passagers d’Emirates, c'est-à-dire que 60% de ses clients sont en transit d’une zone à une
autre via Dubaï. Et que donc les 40% restants vont ou partent à Dubaï sans correspondance,
pour tourisme ou affaire essentiellement, ce qui prouve que la politique touristique de l’émirat
a bien fonctionné.
Cela illustre également le fait qu’Emirates Airlines ne fait pas que « chasser » sur les terres de
ses concurrents, terme que l’on entend souvent revenir lorsque l’on se penche sur la firme. Il
est d’ailleurs intéressant de constater qu’Air France, souvent en pointe dans ce genre
d’attaque vis-à-vis d’Emirates, possède un ratio à peu près semblable sur les dix dernières
années (57%-43%).
Et d’ailleurs Emirates n’ouvre des lignes que là où cela est nécessaire au bon développement
de l’émirat. Les bonnes liaisons sont celles qui rapporteront des investisseurs et des touristes
prêts à participer à l’économie locale. Par exemple, Emirates ne dessert pas les Pays-Bas, car
il n’y a pas assez de trafic, bien que KLM ait obtenu des slots à Dubaï. A l’heure actuelle,
Emirates dessert un peu plus de 120 destinations aux quatre coins du globe alors que SIA, via
le réseau d’alliance Star Alliance auquel elle appartient, de plus de 450 destinations
L’open sky n’est pas la seule arme que l’émirat utilise pour se développer. Il a également
réduit au maximum les taxes d’aéroport, qui sont bien moindres que la moyenne régional et
même mondiale. Ainsi, en 2005, les taxes d’aéroport les moins chères s’élevaient à un peu
moins de 300 USD à l’aéroport de Dubaï contre 3300 USD à Roissy. C’est un avantage
appréciable pour Emirates qui paye ainsi moins de taxes que ses concurrents mais aussi pour
l’émirat dans son ensemble qui va, grâce à cette politique, pouvoir attirer plus de compagnies
alléchées par les faibles taxes.
1.2.3. Les moyens de ses ambitions
22
Ce n’est pas tout d’attirer les passagers, il faut aussi les amener jusqu’à Dubaï. L’explosion du
trafic passager international en général et dans la région du Golfe en particulier nécessite de
gros moyens pour pouvoir transporter toutes ces personnes.
Un point important est à connaître pour bien appréhender la stratégie d’Emirates sur ce point
précis. Sa définition des vols long courrier n’est pas la même que celles de IATA qui sert de
référence pour la quasi-totalité des compagnies aériennes. IATA différencie les vols court,
moyen et long courrier en fonction de la distance, Emirates en fonction de la durée de vol.
Selon IATA, un vol court courrier est inférieur à 1000 km, un vol moyen courrier est compris
ente 1000 et 3000 km et un long courrier au-delà de 3000 km. Emirates n’a pas la même
approche. Un vol court courrier est inférieur à une heure, un vol moyen courrier dure entre 1
et 8 heures et ce n’est qu’au-delà de 8h qu’Emirates parle de vol long courrier.
Ainsi, pour Air France, Paris-Dubaï est du long courrier alors que ce n’est que du moyen
courrier pour Emirates (durée du vol : environ 6h45). En mettant l’accent sur un réseau « hub
and spokes » organisé en maillage inter zonal de longues distances, la compagnie dubaïote a
clairement besoin de gros, voire de très gros porteurs pour pouvoir transporter suffisamment
de monde sur ces longues distances et réaliser ainsi des économies d’échelle. C’est tout le
contraire des compagnies occidentales qui, jouant à la fois sur du hub inter zonal et de la
desserte intra zone, ont besoin de plusieurs types d’appareils, des moyens et des gros porteurs.
La flotte actuelle d’Emirates est composée en grande majorité d’A330 et d’A340 dont la
capacité limitée par rapport aux nouveaux gros porteurs (A350 et 380, B777) ne permet pas
d’emmener assez de passagers, obligeant à maintenir plus de liaisons, ce qui fait perdre de
l’argent à la compagnie et la prive de slots qui pourraient être réaffectés sur d’autres
destinations.
Emirates a actuellement5 115 aéronefs en service et n’a commandé pas moins de 173 gros
porteurs d’ici 2018. Pourquoi de tels chiffres ? D’une part pour anticiper, on l’a dit, la
croissance du trafic aérien mondial. Mais également pour remplacer les avions dejà en service
depuis une quinzaine d’années. Ainsi sur les 70 A350 en commande, la moitié est destinée au
renouvellement du parc d’A330 et d’A340. Au total, sur les 173 commandes, seules 80
5
Au 1er janvier 2008
23
environ sont destinées à la croissance de la compagnie, les autres modèles servant à
moderniser la flotte existante.
Les commandes sont étalées dans le temps jusqu’en 2018 environ. On comprend alors la
stratégie d’anticipation progressive qui sous-tend les décisions d’Emirates Airlines. La
compagnie table sur une augmentation progressive et régulière du trafic passager par le
Golfe et ajuste sa flotte en conséquence.
De la même façon, l’émirat de Dubaï a depuis quelques années engagé un vaste chantier
aéroportuaire pour, d’une part agrandir l’actuel aéroport international de Dubaï et, d’autre
part, en construire un deuxième dans la zone franche de Jebel Ali à une quarantaine de km de
Dubaï.
Le tableau suivant présente les travaux aéroportuaires entrpris par l’émirat de Dubaï ainsi que
par Abu Dhabi et la Qatar
Principaux projets de développement aéroportuaires pour la région du Golfe
Aéroport
Aéroport international de Dubaï
Compagnie aérienne basée
sur l’aéroport
Capacité (en millions
de passagers)
Emirates
70
Jebel Ali
Emirates
120
Doha (extension)
Qatar Airways
12
Doha (nouvel aéroport)
Qatar Airways
50
Abu Dhabi (extension)
Etihad
20
(extension)
Le fait que Dubaï se dote d’un deuxième aéroport ne change pas la donne sur le plan du hub.
Ces deux aéroports seront en effet reliés en 20 min par un métro souterrain. L’activité doit
être progressivement transférée vers Jebel Ali, l’aéroport international ne gardant plus, à
l’horizon 2030, que les vols d’affaire et une petite partie des correspondances extérieures.
24
Dubaï a donc vu les choses en grand ! Jusqu’à 190 millions de personnes pourront ainsi être
transportées quand les deux aéroports auront atteint leur capacité maximum.
Cela peut paraître énorme mais il s’agit en fait là encore d’une projection à long terme. Dubaï
compte aujourd’hui 10 millions de touristes, plus que l’Inde, et on estime qu’ils devraient être
15 millions en 2010 et 25 millions en 2015.
Dès lors, ces chiffres s’expliquent ainsi : d’une part, il faudra transporter tous ces gens qui
vont transiter par Dubaï d’ici une dizaine d’années et dont le nombre est multiplié par plus
deux et, d’autre part, envisager, à plus long terme encore, l’augmentation incessante du
nombre de touristes d’ici 2050. C’est le chiffre maximal sur lequel tablent les autorités de
l’émirat. L’extension de l’aéroport international de Dubaï est étalée jusqu’en 2020 et, de
même, Jebel Ali sera progressivement élargi en fonction des besoins pour atteindre sa
capacité maximum d’ici 2050.
Notons que si Emirates peut se permettre une réflexion à si long terme sur plus de 50 ans, le
régime politique de Dubaï, une monarchie, n’y est pas pour rien. Ce cas de figure est
absolument impossible en Europe par exemple où de tels scénarios ne s’échafaudent pas sur
plus de 10 ans.
Une fois l’analyse des facteurs clés effectués, il convient désormais de s’attacher au
diagnostic
2. Diagnostic
25
2.1. Constat
Le constat sera basé sur un modèle SWOT (forces, faiblesses, opportunités, menaces) qui
servira de base au diagnostic
Forces :
Faiblesses :
-situation géographique stratégique
-compétition sur le marché local
-entreprise au service du développement de
l’émirat
-environnement touristique et commercial
-capacité à innover
Opportunités :
-pays
émergents
Menaces :
d’Asie
et
d’Afrique : -imitation des compagnies locales (Qatar,
multiplication des vols vers l’Asie et Etihad)
l’Afrique
-concurrence SIA/Cathay
-économies d’échelle avec les gros porteurs
-instabilité politique du Golfe
-congestion du réseau aérien européen
-épidémies en Asie (SRAS, etc)
La première réaction est de se demander si Etihad et Qatar Airways ne constituent pas des
concurrents sérieux pour Emirates. Les deux autres grandes compagnies du Moyen-Orient
semblent en effet suivre la voie de leur aînée : Qatar Airways a 180 gros porteurs en
commande, Etihad environ 120 et les deux pays ont également entamé un vaste programme
aéroportuaire destiné à accueillir plus de passagers.
Ne risquent-ils pas de fausser les prévisions établies par Emirates ?
Chez Emirates, la réponse est invariablement la même : « on ne fait pas le même métier ».
Effectivement, Emirates est toute entière tournée vers le développement économique de
l’émirat alors que les deux autres compagnies servent d’image, de porte-drapeau à leur pays.
26
Alors qu’Emirates est obligée de faire des profits pour survivre, les gigantesques revenus
pétroliers du Qatar font tourner la compagnie à perte. Les comptes ne sont pas publiés et les
officiels reconnaissent d’ailleurs que faire du bénéfice est le cadet de leur souci. Il s’agit
d’abord et avant tout de promouvoir l’image du Qatar. Preuve en est que Qatar Airways est
une compagnie de pure sixième liberté (on estime qu’il y a 85% de passagers en transit,
chiffres difficiles à vérifier).
Les vrais concurrents d’Emirates sont plutôt à cherche du côté de SIA ou encore de Cathay
Pacific qui visent eux aussi le développement de leurs pays respectifs. Les modèles, les
qualités de service sont les mêmes. Emirates Airlines est gagnant, on l’a vu au début de cette
étude par comparaison avec SIA, sur le trafic inter zones à l’international, grâce à son
positionnement stratégique qui lui permet d’être plus compétitif tout en étant plus rapide. La
capacité d’innovation de la compagnie dubaïote est également mise en avant comme facteur
de succès (c’est la première compagnie à avoir installé le wifi dans les avions, la télévision
dans le siège et c’est la seule compagnie à proposer actuellement des suites en première).
2.2. Diagnostic et perspectives pour Emirates
Un élément peut laisser penser que les compagnies du Moyen Orient ne sont pas un facteur
immédiat de menaces pour Emirates.
Les commandes records d’appareils fait que les experts de l’OACI prévoient une pénurie de
gros porteurs est prévue aux alentours de 2017-2018, ce qui empêchera nombre de
compagnies occidentales de renouveler leur flotte.
De plus, il faut se pencher sur le contexte européen pour comprendre qu’une crise majeure est
en train de s’y jouer. En effet, tant en Angleterre, qu’en Allemagne ou en France, aucun grand
projet de développement aéroportuaire n’est prévu. Le dossier du 3è aéroport parisien est en
suspens, Heathrow a renoncé à construire une troisième piste et l’aéroport de Francfort a gelé
tous ses projets de développement, à l’instar de la quasi-totalité des plateformes européennes.
Or, les grands hubs européens sont déjà saturés et des décisions urgentes s’imposent, d’autant
plus que le trafic mondial augmente et qu’il n’y a plus de gros porteurs disponibles.
27
Si les choses devaient en rester là, on peut imaginer que ce sont les hubs des pays émergents
qui se saisiront du trop plein de passagers. On assisterait alors à un basculement des hubs
européens vers les hubs du Moyen-Orient, ces derniers étant – une fois de plus – les mieux
placés géographiquement pour récupérer les clients que l’Europe n’aura pas su garder, faute
d’avoir pris des initiatives à temps.
Cette hypothèse – somme toute réaliste – a très certainement été envisagée par l’état-major
d’Emirates, et sans doute aussi par ceux d’Etihad et de Qatar Airways et intégrée dans leurs
stratégies. Elle règlerait en tout cas le problème de la compétition entre les compagnies du
Moyen-Orient qui n’auraient plus à se concurrencer, les parts de marché leur tombant dessus
de tous côtés.
Au vu de cette analyse, on peut dire que le positionnement du hub de Dubaï est un atout
majeur dans le développement de la compagnie Emirates Airlines et qui ne semble pas
devoir être remis en cause malgré une concurrence de compagnies régionales et
internationales jouant sur le même modèle.
28
PARTIE C : LIMITES
1) Perspectives pour la firme
Deux enjeux principaux semblent se dégager pour le futur d’Emirates :
▪ Début 2008, l’émirat de Dubaï a lance une ligne low cost régionale. Cette ligne pourrait très
vite s’avérer intéressante pour Emirates qui pourrait lui déléguer ses quelques liaisons court
courrier (comme la liaison Dubaï-Oman par exemple), ce qui lui permettrait de dégager de
nouveaux avions à utiliser sur ses traditionnelles liaisons long courrier-long courrier. Cette
low cost permettrait à Dubaï d’ouvrir de nouvelles liaisons vers des régions peu desservies et
à fort potentiel, notamment en Asie Centrale (Tachkent, Samarkande).
▪ L’aéroport de Jebel Ali est situé à peu près à mi chemin entre Dubaï et Abu Dhabi6. Depuis
peu, une ligne à grande vitesse relie les deux villes en 40 minutes environ. Il est permis de
penser que l’aéroport de Jebel Ali constitue, à terme, une menace, pour laéroport d’Abu Dhabi
dont l’extension prend, de surcroît beaucoup de retard. Jebel Ali va entrer en service à l’été
2008 et il est probable qu’un certain nombre de liaisons se posent désormais à Jebel Ali plutôt
qu’à Abu Dhabi.
2) Limites de la présente monographie
▪ Cette monographie a été pour moi l’occasion d’effectuer pour la première fois un travail de
recherche méthodologique approfondi. Je retiens en particulier les apports de la méthode
clinicienne d’observation des faits, des symptômes et de leur analyse pour en aboutir à un
diagnostic. Ce premier travail de recherche présente donc nécessairement des imperfections
mais constitue une base solide pour de futurs travaux de gestion. La démarche de recherche
sur le terrain en particulier m’a beaucoup apporté sur ce point.
▪ Je retiens également la complémentarité de cet exercice avec le business plan réalisé cette
année. Alors que le business plan nous plonge au cœur de l’aventure entrepreunariale, il s’agit
6
cf carte en annexe 1
ici d’effectuer une démarche différente, mais tout aussi nécessaire, d’auditeur externe, amené
à diagnostiquer des problèmes et à proposer des solutions. Ce sont les deux facettes d’une
même formation qui s’emboîtent parfaitement.
▪ Je regretterai que les deux exercices se soient déroulés au même semestre ce qui occasionné
un surplus de travail très important et assez mal venu dans une période difficile pour les
étudiants sur le plan administratif et dont le drôle de sort qui aura été réservé à ce séminaire
en aura été une malheureuse illustration.
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BIBLIOGRAPHIE
Etudes spécialisées
- Le transport aérien à Dubaï, du rêve à la démesure, Dossiers documentaires de la DGAC,
février 2006
- The changing dynamics of the Arab Gulf based airlines and an investigation into a strategy
that are making Emirates into a global challenger, JF O’Connell, World Review of
Intermodal Transportation Research, vol.1, 2006
- Strategic Management in a global context, ESLSCA Paris Team project, 2006
Périodiques
Les Echos
La Tribune
Business Week
Financial Times
The Economist
Khaleej Times (quotidien Anglophone de Dubaï)
Sites internet
Emirates compagnie aérienne http://www.emirates.com
Emirates Group http://www.ekgroup.com/
International air transport association http://www.iata.org/index.htm
OACI http://www.icao.int/index_f.html
Mission économique des Emirats Arabes Unis http://www.missioneco.org/Emirats
ANNEXES
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Annexe 1 : Cartes des Emirats Arabes Unis et de Dubaï
33
Annexe 2 : Les libertés de l’air
Première liberté de l'air - droit ou privilège accordé par un État à un ou plusieurs autres États,
dans le contexte de services aériens internationaux réguliers, de survoler son territoire sans y
atterrir (ce droit est aussi appelé droit de première liberté).
Deuxième liberté de l'air - droit ou privilège accordé par un État à un ou plusieurs autres
États, dans le contexte de services aériens internationaux réguliers, d'atterrir sur son territoire
pour des raisons non commerciales (ce droit est aussi appelé droit de deuxième liberté).
Troisième liberté de l'air - droit ou privilège accordé par un État à un autre État, dans le
contexte de services aériens internationaux réguliers, de débarquer, dans le territoire du
premier État, du trafic en provenance de l'État dont le transporteur a la nationalité (ce droit est
aussi appelé droit de troisième liberté).
Quatrième liberté de l'air - droit ou privilège accordé par un État à un autre État, dans le
contexte de services aériens internationaux réguliers, d'embarquer, dans le territoire du
premier État, du trafic à destination de l'État dont le transporteur a la nationalité (ce droit est
aussi appelé droit de quatrième liberté).
Cinquième liberté de l'air - droit ou privilège accordé par un État à un autre État, dans le
contexte de services aériens internationaux réguliers, de débarquer et d'embarquer, dans le
territoire du premier État, du trafic en provenance ou à destination d'un État tiers (ce droit est
aussi appelé droit de cinquième liberté).
L'OACI qualifie toutes les « libertés » suivant la cinquième de « soi-disant », car seules les
cinq premières « libertés » ont été officiellement reconnues en tant que telles aux termes d'un
traité international.
Sixième liberté de l'air - droit ou privilège, dans le contexte de services aériens
internationaux réguliers, de transporter, en passant par l'État dont le transporteur a la
nationalité, du trafic entre deux autres États (on parle aussi de droit de sixième liberté). À la
différence des cinq premières libertés, la sixième ne figure pas comme telle dans aucun accord
sur les services aériens largement reconnus, tel l'« Accord sur les cinq libertés ».
Septième liberté de l'air - droit ou privilège accordé par un État à un autre, dans le contexte
de services aériens internationaux réguliers, de transporter du trafic entre le territoire de l'État
qui accorde ce droit ou privilège et un troisième État quelconque sans obligation d'inclure
dans cette opération un point du territoire de l'État bénéficiaire, ce qui signifie qu'il n'est pas
nécessaire que le service soit en correspondance avec un service ou soit un prolongement d'un
service à destination ou en provenance de l'État dont le transporteur a la nationalité.
Huitième liberté de l'air - droit ou privilège, dans le contexte de services aériens
internationaux réguliers, de transporter du trafic de cabotage entre deux points situés à
l'intérieur du territoire de l'État qui accorde le droit ou privilège au moyen d'un service qui
34
commence ou se termine dans le territoire de l'État dont le transporteur étranger a la
nationalité, ou (en rapport avec la « Septième liberté de l'air ») à l'extérieur du territoire de
l'État qui accorde le droit ou privilège (on parle aussi de droit de huitième liberté ou «
cabotage consécutif »).
Neuvième liberté de l'air - droit ou privilège de transporter du trafic de cabotage de l'État qui
accorde ce droit ou privilège au moyen d'un service effectué entièrement à l'intérieur du
territoire de cet État (on parle aussi de droit de neuvième liberté ou cabotage « autonome »).
Source : Manuel de la réglementation du transport aérien international (Doc 9626, Partie 4)
35

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