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Imposture
All the world’s a stage
And all the men and women merely players
WILLIAM SHAKESPEARE
À l’ère d’Internet, on se fait des amis sur Facebook, on rencontre le grand amour sur Réseau Contact et
on s’amuse sur World of Warcraft. Qu’y a-t-il de réel dans ce monde virtuel? En sommes-nous venus à
préférer l’imposture d’une vie qu’on invente au gré de nos fantasmes à la vie quotidienne, souvent banale et sans grandes surprises? Internet permet non seulement de rêver sa vie, mais aussi de cacher son
identité. Sur le Web, on peut prendre les traits d’un superhéros, faire courir des rumeurs farfelues, ou
encore plagier un texte qu’on remettra à son prof in extremis. Soyons francs, les humains sont prédisposés à mentir, à travestir leur identité, à porter un masque et à se camoufler sous un second épiderme.
L’être humain déforme la réalité, parfois à des fins pécuniaires, d’autres fois par peur du jugement d’autrui et bien souvent, il aime prendre des risques, quitte à perdre son identité première.
L’art lui-même contient sa part d’imposture, qu’il s’agisse d’auteurs qui se dissimulent derrière des pseudonymes – quand ils ne sont pas carrément anonymes – d’artistes qui élèvent la merde au rang d’œuvre
d’art, qui utilisent la chirurgie plastique à des fins artistiques ou encore d’artistes pour qui la filature est
matière à réflexion. La littérature elle-même ne peut exister sans imposture puisque les écrivains créent
de toutes pièces des personnages, des lieux et des péripéties. Certains, comme Tolkien ou Gauvreau,
inventent même des langages.
Vous pouvez lire les textes qui suivent comme le véritable Sherlock Holmes et tenter de distinguer le
vrai du faux. Vous pouvez aussi les lire en prenant plaisir à vous faire avoir. Au fil des pages, vous vous ferez du souci pour cette jeune femme insouciante qui fait monter un autostoppeur à bord de sa voiture,
vous serez étonnés de voir des personnages célèbres défiler sur la rue St-Denis et vous serez subjugués
par cet homme qui, tel un funambule, marche sur la mince ligne qui sépare le monde réel du monde
qu’il s’invente. Soyez alerte! Vous risquez de tomber dans le vide et de vous réveiller dans un monde
qui ne ressemble en rien à celui que vous avez connu!
Bonne lecture!
Pascale Martin
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UN TEXTE D’ALEXANDRA GAUT
Je devais avoir neuf ou dix ans quand je me suis rendu
compte que nous étions seuls, nous Québécois, dans un pays
où nous sommes en fait des étrangers. La professeure nous
montrait une grande carte où tout le Canada était tracé en
couleurs vives qui délimitaient les différentes provinces. Le
même jour, j’apprenais que le Canada est l’un des plus grand
pays au monde. Je me disais : «Wow, tant d’espace juste pour
nous!» Dans ce temps-là, je n’avais pas conscience que cet
espace nous appartenait seulement dans la mesure où nous
maîtrisions l’anglais, langue qui n’est pas la nôtre. Le cours
d’histoire continuait, la prof disait : « Cette province, l‘Ontario est une province anglophone, cette province, le Manitoba, est une province anglophone, cette province, L’Îledu-Prince-Édouard, est une province anglophone…puis,
notre province, le Québec, est une province francophone.»
Humm! La prise de conscience s’est produite à cet instant.
En tant que tel, je n’ai rien contre l’anglais, bon peut-être un
peu en fait, puisque nous ne pouvons pas nous faire comprendre partout dans notre propre pays dans notre propre
langue. Ce qui représente pour moi une grande frustration.
Anglais, français, français, anglais. Je ne comprenais pas encore tout à fait le véritable problème.
Aujourd’hui, je connais notre histoire et je connais l’histoire du pays. Je peux comprendre que plusieurs noms de
villes soient anglais, mais quand je marche à Montréal ou
que je magasine à Saint-Bruno et que j’entends des gens parler anglais, ça me surprend toujours. Je suis une personne
ouverte, oui, mais comme le Québec est l’unique province
canadienne où la seule langue officielle est le français, je
m’attends à ce qu’on m’y parle et à ce qu’on m’y réponde en
français. Trop souvent, je suis obligée de baragouiner l’anglais dans une ville francophone pour me faire comprendre
des gens qui ne font souvent aucun effort pour converser en
français, dans cette seule partie du pays où ce sont eux qui
doivent s’adapter. Je ne peux pas être fière d’être canadienne
puisque la barrière linguistique qui nous isole et nous sépare de nos compatriotes m’en empêche. Je suis par contre
très fière d’être québécoise, même si le Québec n’est plus la
province indépendantiste qui est décrite dans les livres d’histoire.
Pendant des générations, le français fut dénigré, nos ancêtres
ont dû se battre pour que notre identité ne soit pas effacée.
Nous avons gagné cette longue bataille, car aujourd’hui en
2010, nous Québécois, nous trouvons encore notre place
dans cette mer de Canadiens anglais. Pourtant, une nouvelle guerre, cette fois silencieuse, est en cours. Très influencés par tous ces voisins qui nous entourent, tranquillement,
nous nous apercevons que nous perdons le fruit de notre révolte passée. La qualité du français que nous parlons au Québec diminue, les anglicismes sont courants et les efforts pour
conserver NOTRE français s’amoindrissent. Il faut retrouver
cette fierté qui enflammait notre peuple, il y a de ça pas si
longtemps. Nous nous devons de parler notre langue et de
bien la parler.
Québécois et Québécoises, parlons!
Soyons fiers de ce que nous sommes! Soyons fiers d’être
Québécois, soyons fiers d’être uniques! Nous avons réussi à
rester en marge du pays dont nous faisons partie et ce malgré la domination anglaise. Continuons de défendre nos
origines, et par conséquent notre langue, et défendons-les
en parlant! Il y a tout de même une bonne raison pour que
nous parlions anglais, c’est pour affirmer qui nous sommes,
à des gens qui ne comprendront rien autrement, quitte à le
faire dans la langue qui, que cela nous plaise ou non, est celle
du pouvoir et de la majorité.
5
de l’autre côté des mots
PAR Julien Guèvremont-Cornut
Qui ne connaît pas Humpty-Dumpty ? Ne serait-ce que parce
que vous l’auriez remarqué sur les sacs de croustilles homonymes, ou encore vu dans les contes d’Alice au pays des merveilles ou De l’autre côté du miroir de Lewis Carroll, vous
devez avoir une idée du personnage. Celui-ci provient de la
comptine anglaise que voici :
Humpty Dumpty sat on a wall,
Humpty Dumpty had a great fall.
All the King’s horses,
And all the King’s men
Couldn’t put Humpty together again!
Lewis Carroll, l’ayant reprise dans ses romans, en fait une
drôle de créature pas vraiment sympathique. Sieur Carroll
en fait un philosophe aux idées bien arrêtées sur le langage
et l’utilisation des mots. Voyez cet extrait du dialogue entre
Alice et Humpty-Dumpty :
[…] Voilà de la gloire pour toi !
Je ne sais pas ce que vous voulez dire par là.
Le Gros Coco 1 sourit d’un air méprisant :
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Naturellement. Tu ne le sauras que lorsque je te l’aurais expliqué. Je voulais
dire : « Voilà un bel argument sans réplique ! »
Mais : « gloire », ne signifie pas : « un bel argument sans réplique ! »
Quand, moi, j’emploie un mot, déclara le Gros Coco d’un ton assez dédaigneux, il veut dire exactement ce qu’il me plaît qu’il veuille dire… ni plus
ni moins.
La question est de savoir si vous pouvez obliger les mots à vouloir dire des
choses différentes.
La question est de savoir qui sera le maître, un point c’est tout.
Bien que cela semble absurde, cet échange peut être compris de différente manière selon le niveau de lecture. Le premier, qui semble être une discussion irrationnelle est une
simple rencontre entre Alice et l’Oeuf. Le second doit être
vu comme un questionnement sur le langage. Il faut savoir
que Lewis Carroll était un logicien, c’est-à-dire un spécialiste
de la logique et qu’en tant que tel, il cherchait à pousser ses
lecteurs à réfléchir à l’utilisation de la parole et au sens des
mots.
Mais qu’est-ce que la parole? Le dictionnaire la définit ainsi :
Système de communication privilégié entre les êtres humains. Produit d’une activité nerveuse supérieure (système
fonctionnel complexe) qui rend possible la transmission
d’états psychiques (pensée) au travers d’un système de signes
en accord avec une convention ou un code spécifique.
Le langage est donc une convention et repose sur un système
de codes, ici de sons, permettant à un peuple d’exprimer
des idées. Ce que Carroll tente de faire, c’est de démontrer
que rien ne nous oblige à accepter la tyrannie d’un pareil
consensus. Bien sûr, c’est plus simple si tout le monde utilise
le même système, mais aucune loi ne nous oblige à utiliser
le modèle de phrase : sujet, verbe, complément. Personne ne
nous oblige, non plus, à donner le même sens à un mot que
celui « exigé par le consensus ». C’est ce que dit HumptyDumpty de façon plus simplifiée.
Ce qui est intrigant, c’est le processus par lequel de tels
consensus peuvent éclore. C’est ce que réussissent à expliquer les philologues et les linguistes par l’étude de la linguistique. L’étude du langage cherche à comprendre comment
et pourquoi de tels phénomènes se sont développés.
Il existe plusieurs sortes de langage. Certains sont élaborés
dans le but de rapprocher les peuples dont les racines ethniques et langagières sont analogues. En guise d’explication,
certaines langues se sont élaborées naturellement pour faciliter la communication entre les tribus d’une même région,
puisque le « dialecte » de chacune rendait difficile la communication générale. Ces langues sont considérées comme
naturelles puisqu’elles viennent d’un processus non planifié
visant à faciliter les échanges. Un bon exemple est la France à
l’époque médiévale. Il y existait plusieurs langues, la langue
d’Oc ( qui signifie « oui » dans le sud de la France), la langue
d’Oïl (« Oïl » signifiant « oui » dans le nord de la France), le
latin, le picard, le normand, le francien, le vieux français et
plusieurs autres. Le latin était réservé à une classe supérieure,
alors que les autres étaient des langages provenant d’un latin
baragouiné et fortement influencé par l’apport d’autres langues. Avec le temps, un langage commun a émergé et est devenu le français. Comme n’importe quelle langue le français
à son lot de patois, qui varient d’une région à l’autre, mais
conserve tout de même une base commune permettant aux
Français de bien se comprendre.
D’autres, par contre, sont considérées comme des langues
artificielles, puisqu’elles sont issues de groupes restreints qui
les créent dans un but précis. Leur planification et leur création se développe durant de nombreuses années contrairement aux langues naturelles qui se sont métamorphosées
et enrichies peu à peu durant des siècles. L’exemple le plus
connu de langue construite est l’elfique de J.R.R. Tolkien.
Auteur de la très populaire trilogie Le Seigneur des anneaux,
Tolkien était aussi un philologue reconnu. Il a créé plusieurs
langues imaginaires très complexes, dont le quenya, le sindarin, le khuzdul et l’adûnaic.
La création d’une langue est un exploit peu commun, car
elle requiert une connaissance approfondie des bases communes à toutes les langues. Pour les langues européennes,
la base commune est le latin, puisque la plupart des langages
occidentaux en sont un dérivé. Il faut reconnaître l’imagination déployée pour réinventer les mots les plus simples
comme « soleil » et « pluie », qui se transforment en « Anor »
et « Rhoss ». Sans compter que Tolkien a dû inventer des
bases étymologiques propres à chaque dialecte.
Aujourd’hui, nous pouvons comprendre qu’il est avantageux d’utiliser le même langage. Le choix des mots permet
aux auteurs d’exprimer leurs pensées avec des nuances.
N’empêche que certains littéraires comme Claude Gauvreau et son langage exploréen, ou bien Eugène Ionesco
dont les pièces sont absurdes, ont mis en doute l’absolue nécessité du langage comme source de renseignement. Cette
remise en question de la fonction de communication du
langage permet d’explorer les limites de l’imagination. Certains auteurs pourraient dire, à l’instar d’Humpty-Dumpty :
«Quand, moi, j’emploie un mot, il veut dire exactement ce
qu’il me plaît qu’il veuille dire… ni plus ni moins»
1. Le Gros Coco réfère, dans cette édition, à Humpty-Dumpty. Le traducteur a jugé bon de traduire littéralement l’expression Humpty-Dumpty, qui
désigne généralement soit un œuf ou une personne enrobée de petite taille.
7
Lorsqu’on parle de pornographie, on
pense surtout à Internet comme moyen
de diffusion et non à la bande dessinée
ou à la littérature. Pourtant, malgré ce
que l’on pourrait penser, on retrouve
des ouvrages pornos depuis la création
de la BD. Pendant longtemps, les textes
et dessins sont restés anonymes mais
depuis quelques années, les auteurs de
BD porno s’assument et n’hésitent pas à
montrer leurs oeuvres.
8
/ par Carolyne Minville
Le premier courant populaire dans la bande dessinée pornographique a été le Tijuana Bible. Publiées
entre les années 1920 à 1960 aux États-Unis, ce genre
particulier a atteint son apogée pendant les années
1930. Ces oeuvres se voulaient surtout des parodies
d’oeuvres déjà existantes, comme Popeye ou Blanche
Neige de Disney. Elles pouvaient aussi mettre en vedette des personnalités publiques. Le nom « Tijuana
Bibles » avait été créé pour faire croire que ces petits
livres de 8 à 12 pages étaient imprimés au Mexique
et non aux États-Unis. Il faut dire que les moeurs libérées des personnages et certains sujets sensibles
abordés, comme la bestialité, pouvaient heurter une
Amérique encore puritaine à l’époque. Aujourd’hui,
plusieurs questions se posent au sujet de la paternité
des Tijuana Bibles. Plusieurs légendes racontent que
le crime organisé ou quelques grands noms de la BD
de l’époque auraient contribué à la réalisation de ces
ouvrages.
Créé dans les années 1980
au Japon, le dôjinshi est
un manga amateur et autoproduit vendu principalement pendant de grandes
conventions spécialisées.
Les auteurs de dôjinshis,
les dôjinshikas, se cachent
sous des pseudonymes. Ils
peuvent écrire en groupe
(cercle de dôjinshika) ou
seuls. Tout comme les Tijuanas Bibles, la majorité
des dôjinshis parodient une
oeuvre déjà populaire et renommée. Tous les dôjinshis
ne sont pas pornographiques bien que ces derniers occupent une position
très importante. Malgré que
la censure au Japon exige
que les organes génitaux
soient voilés, les thèmes
abordés peuvent parfois
dérouter la morale occidentale. Il n’est pas rare d’y
retrouver des personnages
d’âge ou d’apparence mineure s’adonner à des actes
sexuels. Bien que le monde
du dôjinshi soit davantage
underground, sa popularité a augmenté de façon
exponentielle. Le Comiket,
qui permet aux dôjinshikas
de se faire connaître, est la
plus grande convention dédiée à la bande dessinée sur
la planète. Avec le succès
des mangas en occident, il
n’est pas étonnant que la
culture et la popularité du
dôjinshi ait eu écho dans
nos contrées.
9
La bande dessinée pornographique a aussi une petite tradition en France mais n’y a
jamais vraiment obtenu ses lettres de noblesses. Dans les années 1980, la plupart
des oeuvres de nature érotique ou pornographique étaient bâclées et mal payées,
ce qui rebutaient la plupart des auteurs
intéressés par cette avenue. La bande dessinée pornographique et érotique flirtait
surtout avec les blagues salaces , s’inspirant majoritairement de Fritz the Cat de
Crumbs, ou bien portait une plus grande
attention à l’esthétisme, comme celles de
Jean-Claude Forest. Le scénario, incluait
parfois des influences de science-fiction
et de fantastique, un prétexte pour y introduire plusieurs scènes érotiques. Dans
les années 90, la porno n’intéresse pas les
grandes éditions et le public. La bande
dessinée classée XXX doit alors se renouveler. Elle doit délaisser les histoires farfelues ou invraisemblables pour intégrer
un érotisme plus torride et sensuel dans
un scénario plus élaboré. Contrairement
aux Tijuana Bibles ou aux dôjinshis, plusieurs auteurs français s’affichent publiquement comme étant auteurs de bandes
dessinées érotiques ou pornographiques.
Il n’est plus rare de voir un auteur faire
une brèche dans sa collection pour y introduire un titre plutôt pornographique.
En résumé, la pornographie et l’érotisme sont présents dans la culture
de tous les pays de la planète. Avec le
temps, l’expression d’une sexualité rêvée a investi la peinture, la littérature
et même la bande-dessinée. La bande
dessinée pornographique a tout d’abord
été parodique, avec un scénario bâclé,
mais la tendance se renverse tranquillement avec la bande dessinée française
qui offre un scénario beaucoup plus
travaillé dans ses oeuvres. Bien qu’il
soit de moins en moins mal vu d’écrire
de la pornographie, la plupart des bédéistes qui en dessinent ne s’affichent
pas ouvertement et souvent, un voile de
mystère entoure leur identité. Bien que
l’ère électronique dans laquelle nous vivons banalise et rende plus accessible la
pornographie, la promotion qu’elle fait
de l’anonymat gardera fort probablement le bédéiste encore dans l’ombre.
Néanmoins, il y a fort à parier que la BD
porno occupera une plus grande place
ces prochaines années.
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0 1 0 0 1 Il est important de savoir que l’idée d’une vie inventée ne provient pas d’Internet. Entre 011100
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0111011 autres, il y a le roman de Patricia Highsmith, intitulé Le Journal d’Édith, qui met en lumière 0111011
0 0 0 0 ce thème. Édith, le personnage principal du récit, vit misérablement. Son enfant est désa- 1011101
00011
01001
0 1 1 0 0 gréable, son mari n’est pas l’homme qu’elle croyait avoir épousé et sa famille n’est pas vrai- 011001
0 0 0 0 ment intéressante. Pour fuir tout cela, elle tient un journal intime dans lequel elle relate tout 001110
1110110
11110111
00100 ce qui lui arrive, en omettant les détails qu’elle ne désire pas dans sa « nouvelle vie ». Les 110010
001110 années passent et rien ne change; en fait, tout empire. Elle perd son mari, son fils devient un 011001
0000
001101
1010110 fainéant alcoolique, mais elle continue de tenir son journal. Elle en fait une obsession; son pro- 00010
1101011 blème est apparent lorsqu’on comprend qu’on entre peu à peu dans la schizophrénie. La vie 0 1 1 0 0
101001
0000
001110 qu’elle invente dans son journal l’obsède et elle perd peu à peu contact avec ce qui l’entoure. 100011
01000
01100
101001
0000
001110 Cette idée fut reprise à plusieurs occasions. Les cerveaux du marketing se sont rendu 1110110
100101 compte bien vite que la vie de bien des gens n’est pas telle qu’ils la souhaiteraient. Ils 110100
01100
011011
01000 ont donc mis leurs méninges au travail et le résultat est directement visible sur le sys- 0 1 1 0 0
1010111 tème de communication mondiale. Puisqu’il est théoriquement possible de créer un tout 0 0 1 1 0
01000
00011
0 0 0 1 1 autre univers sur Internet, il est aussi possible d’en créer plusieurs. Cela fait rêver tous 011010
000111 ces gens qui aimeraient mieux avoir une belle vie correspondant à leurs attentes… Des 010101
100011
011010
1101101 jeux massivement multijoueurs en ligne ont vu le jour : SecondLife et IMVU, par exemple. 1 0 0 0 1
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0000
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00101
0 0 1 0 1 Patricia Highsmith dénonce une vérité bien réelle et très présente de nos jours : avoir une 0 1 1 1 0 1
1 0 1 0 0 double vie comporte des risques. On se déconnecte de la réalité jusqu’au point où nos projets 001101
02010
10100
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0
0
0110010100100000011001100110100101101110011000010110110000100000011010100111010101100100
0 1 1 0 0 1 1 1 0 1 1 0 0 1 0 1 0 1 1 0 1 1 0 1 0 1 1 0 0 1 0 1 0 1 1 0 1 1 1 0 0 1 1 1 0 1 0 0 0 0 1 0 0 2 0 0 1 1 0 0 1 1 0 1 0 0 1 0 1 1 0 1 1 1 0 0 1 1 0 0 0 0 1 0 1 1 0 1 1 011
000
100000011010100111010101100100011001110110010101101101011001010110111001110010000001100110011
le masque virtuel
Internet est partout. Avec l’avènement de la communication globale, il est
désormais aisé de publier des données tels des textes et des œuvres. Ces créations sont accessibles à tous et les auteurs peuvent inventer ce qu’ils veulent
et se forger une identité nouvelle. Grâce à certains programmes, il est même
possible de se créer une seconde vie; une vie virtuelle qui peut être complètement différente de la vie réelle. Ce n’est pas un problème lorsque ce n’est
qu’un simple passe-temps mais il ne faut pas en abuser…
010101000110100001100101001000000110011001101001011011100110000101101100001000000110101001110101011001000110011101100
1010110110101100101011011100111010000100000011100110110100001100001011011000110110000100000011000100110010100
10000001100100011001010110110001101001011101100110010101110010011001010110010000001101000010100100111001101111
01100
01001
101111
01100
s’écroulent
et
où
nos
rêves
sont
anéantis.
Sur
SecondLife,
il
est
impératif
de
dépenser
du
temps.
1000
1111001
0 0 1 0 Le personnage commence avec presque rien. Pas d’argent, seulement lui-même et les vêtements 0 0 0 0
0110
prédéterminés par le joueur, d’une catégorie bas de gamme. Pour avoir de l’argent, il faut avoir 001101
1000
010110
1 1 1 0 0 soit un talent quelconque qui servirait dans le jeu (c’est-à-dire créer des lignes de modes, ou 01000
0001
encore être un excellent architecte) pour vendre ses créations aux autres joueurs, soit avoir 100101
01110
011011
0 0 0 1 de l’argent à dépenser (ici, il est question d’argent réel, puisqu’il est possible de dilapider de 101100
0010
vrais billets pour les changer irrémédiablement en données) ou soit avoir du temps à dépenser. 111000
00110
01010
0100
00001
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00110
Tout
comme
pour
Édith,
la
double
1000
011001
0 1 0 0 vie est très tentante. En effet, sur ces
10000
00111
00110
programmes,
il
est
possible
de
tout
11010
010110
1 1 1 0 0 faire ce qu’un humain peut faire. Il est
01000
0001
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possible de se bâtir une compagnie
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00001
1 0 0 0 d’automobiles ou de devenir agent
010111
0100
00100
d’immeubles… Tout est possible et
0 0 0
011001
1 0 0 1 1 on en devient très vite accro. Après
01100
011011
1101110
tout,
c’est
la
vie
que
l’on
souhaiterait
111011
100110
0 1 0 0 avoir! C’est le piège. Une fois pris, il
0000
11010
010110
est
difficile
de
s’en
défaire.
Édith
a
11100
01000
0 0 0 1 maintenu son journal pendant toute
110100
01101
00001
sa
vie…
et
SecondLife,
tout
comme
la
10010
101101
00101 plupart des programmes massive110010
0010
0000
ment multijoueurs en ligne, a un ef011101
100110
01010 fet boule de neige. La passion gran110100
10110
1110011
dit… et la vision de la réalité rétrécit.
10011
00001
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00101
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01000
L’imagination
et
la
création
sont
deux
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00011
00101 choses indissociables et sont un re00100
0 0 0
011001
mède
à
l’ennui.
Il
faut
toutefois
se
0001
10000
101110 souvenir qu’un monde réel nous at010011
01011
00100
tend,
et
que
même
si
notre
temps
est
0 0 0
01100
0 1 1 0 1 limité, il faut en jouir pleinement,
101100
011011
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comme nous l’a enseigné Édith.
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00100
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000011001010010000001110111011010010110111001100100011100110010000001101111011001100010000001110100011010000
11001010010000001110100011001010110110101110000011001010111001101110100001000000110001001100101011001110110100
12
1011011100010000001110100011011110010000001110010011010010111001101001011001110110110101100001011101000110100101
Texte, photos et dessins par Jaelle Thériault
Cette histoire fait probablement partie du lot de celles que je qualifie d’incroyables. Je ne blague pas. Je
parle ici du genre de truc qui ne vous arrive qu’une fois dans votre vie, un truc tellement marquant, tellement
imprégné dans votre mémoire que vous ne pouvez plus passer un jour sans y penser après qu’il se soit produit.
Mon truc incroyable à moi, il s’est passé il y a environ un mois et encore aujourd’hui, j’arrive à peine à y faire
face. Je vous raconte.
Je me rappelle très bien le jour. C’était un 5 février. Un ami et moi venions de commencer un long congé de
trois jours et nous avions convenu de nous voir, en ne prévoyant rien comme à l’habitude, histoire de pouvoir
avoir plus de liberté si jamais l’un de nous deux avait spontanément une idée géniale de sortie. Je savais
que ce jour-là allait probablement être le dernier jour ou j’allais avoir l’occasion de le voir avant son départ
pour Toronto, alors je tenais à en profiter. Lorsque je suis arrivée chez lui à l’heure où j’étais attendue, il
m’a accueillie en m’annonçant que trois autres amis sortaient le soir même au Wicked Willy’s dans Greenwich
Village. C’était à une heure de route en voiture, mais j’ai accepté tout de même. Nous n’étions pas en congé
pour rien, il fallait en profiter !
La soirée s’est déroulée comme à l’habitude. L’alcool coulait à flot, ça parlait, ça riait, ça gueulait, ça chantait
et ça montrait ses fesses. Rien d’extraordinaire, en somme. Voyant que mon ami – apellons-le John -, désigné
conducteur officiel, buvait beaucoup trop – même s’il m’obstinait qu’après avoir bu deux chopes des bières à
lui seul et essayé de m’embrasser deux fois, il n’était pas ivre -, j’ai décidé de rester tranquille pour le restant de la soirée en sirotant mon Porn Star à 7,50$. Et comme prévu, on m’a suppliée d’être la conductrice
désignée pour le retour.
C’est après avoir racompagné John complètement fini chez lui, à Little Falls, que mon histoire incroyable a
réellement commencé. Je suis remontée dans ma vieille Sunbird 1988, j’ai démarré, puis j’ai émis un grognement de mécontentement en constatant l’état bordélique du véhicule. Cartables scolaires, canettes de boisson énergétique vides, vêtements divers, vieux joints de pot, sacs réutilisables et emballages de plastiques
encombraient l’espace. Le plus écœurant dans tout ça était le reste de hamburger de chez McDonald’s d’il
13
y a une semaine abandonné derrière le siège du
passager et auquel j’avais la trouille de toucher.
Il fallait vraiment que je fasse du ménage. J’ai
haussé les épaules en me disant «Pas ce soir, il
est presque 3h30 du matin», j’ai mis Psyclon Nine
à fond et j’ai repris la route.
Je devais rouler sur Notch road depuis quelques
kilomètres déjà quand un évènement quelque peu
inattendu s’est produit. Sans que je m’y attende,
un homme a sauté au beau milieu de la route. J’ai
freiné sur-le-champ, puis je suis restée là, immobile, confuse mais assez lucide pour me rendre
compte qu’il y avait quelque chose d’anormal qui
était en train de se produire. L’homme est arrivé
à ma hauteur et a frappé à ma fenêtre. J’ai réduit le volume de la musique et je l’ai ouvert de
quelques centimètres, histoire de savoir ce qu’il
voulait. Normalement, en présence d’un étranger à cette heure de la nuit, j’aurais pris mes jambes à mon cou
en croyant qu’il est dangereux, mais cette fois-ci, je suis restée plantée là, aussi imperturbable que le vieux
hamburger au fond de la voiture.
«Je suis perdu. Je ne sais pas où je suis. Ça fait sept heures que je marche et que personne ne veut me
prendre dans sa voiture. Les gens dans le New Jersey sont très peu serviables…» J’ai déverrouillé la porte
du côté passager et je lui ai dit de monter.
L’homme ne sentait pas bon, mais je n’arrivais pas à identifier l’odeur. Il était vêtu d’un large manteau bleu à
capuchon et il portait d’horribles gants bruns. Ses lunettes à monture large étaient embuées à un point tel
que je ne pouvais même pas voir ses yeux. Il devait avoir quarante-cinq ou cinquante ans. «Pouvez-vous augmenter le chauffage ? J’ai froid.» Évidemment qu’il avait froid. Il faisait dix degrés sous zéro et le vent
balayait la poudrerie sur la route. J’ai mis le chauffage au maximum. J’ai demandé à l’homme où il voulait aller
et il m’a répondu qu’il n’en avait pas la moindre idée. Pratique.
Durant tout le trajet, l’homme n’a pas cessé de déblatérer sur le fait qu’il n’était pas fou, qu’il n’était pas un
tueur et qu’il n’allait pas me tuer. Je trouvais cela particulièrement rassurant. J’ai cru comprendre qu’il arrivait de
quelque part dans l’ouest, qu’une fête avait mal tourné et
que personne n’avait voulu le raccompagner chez lui. «Quand
est-ce que vous descendez ? » Mon passager n’a pas répondu. Je n’ai pas insisté et j’ai continué à me concentrer sur la
route. Je me disais que si je restais froide et distante, tout
allait bien se passer. En fait, je commençais à regretter
d’avoir fait monter l’homme dans ma voiture. Je le trouvais
de plus en plus louche et je devenais de plus en plus craintive. Je me sentais prise au piège. J’ai accéléré en voyant
l’enseigne d’un dépanneur au loin. J’avais hâte que tout cela
finisse, que j’aille dormir et qu’on n’en parle plus.
je travaillerai davantage cette page demain
14
J’ai ralenti en arrivant au dépanneur et je me suis stationnée à la pompe à essence. « Voilà. Ici, c’est ouvert
vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Vous allez pouvoir
vous réchauffer et demander au commis si vous pouvez
consulter une carte pour retrouver votre chemin. La route
3 est à environ cinq cents mètres vers le nord. Vous aurez
certainement plus de chances d’arriver à destination sur
cette route, si jamais vous vous souvenez d’où vous venez,
qu’au beau milieu de Notch road…» L’homme a marmonné
un «Merci» et il a ouvert la portière du véhicule. Il a eu un
moment d’hésitation, puis il a fouillé dans une des poches
de son manteau. Pendant un instant, j’ai eu peur qu’il en
sorte un couteau, un revolver ou quelque chose du genre,
mais la seule chose qu’il en retira fut une liasse de billets
de banque. Il m’en a tendu un en me disant que c’était
pour l’essence. Je l’ai vite fourré dans mon sac à main, je lui ai souhaité «Bonne chance», j’ai fermé la portière
en vitesse et je suis partie. Je savais que cela était un peu égoïste de le laisser là, perdu et confus, mais
je ne pouvais pas me permettre me mettre ma vie en danger plus longtemps. En effet, il s’était avéré être
totalement inoffensif, mais j’aurais pu tomber sur un maniaque ou quelque chose du genre. On ne peut jamais
prévoir ce genre de choses, surtout lorsqu’on est une fille naïve et innocente comme moi. Peut-être était-il
en effet un criminel dangereux et qu’il avait joué le jeu du parfait imbécile en manteau à capuchon pour que
je ne me doute de rien. C’était un peu difficile d’y voir clair.
Je suis arrivée chez moi dix minutes plus tard et je me suis tout de suite mise au lit. Je n’en pouvais plus,
j’étais complètement éreintée. C’est en fouillant dans mon sac à main pour trouver mon cellulaire afin de
l’éteindre que j’ai mis la main sur le billet que l’homme m’avait remis. Je l’ai sorti et je l ‘ai déplié. Je n’en
croyais pas mes yeux. C’était un billet de cent dollars.
C’est là que j’ai commencé à avoir vraiment peur. Et si il avait pris mon numéro de plaque d’immatriculation en
note et qu’il me retrouvait afin de récupérer son argent ? Et s’il venait chez moi pendant mon sommeil pour
me tuer ? Oh mon Dieu ! Le billet de cent dollars, c’était peut-être pour que je garde le silence, pour que je
me taise si jamais on m’interrogeait ! L’hypothèse du tueur en série se faisant passer pour un débile mental
perdu sur une route déserte devenait de plus en plus plausible. Rien n’arrivait à me rassurer, même pas le fait
qu’il était à pied et moi, en voiture et qu’il devait être probablement bien loin à l’heure qu’il était...je me suis
finalement endormie d’épuisement, la tête cachée sous les couvertures, tremblant comme une feuille.
J’ai gardé le billet de cent dollars pendant un certain temps,
comme s’il était devenu sacré. Je me sentais mal à l’idée de
dépenser cet argent, mais bon, la vie d’étudiante au seuil de
la pauvreté oblige, j’en ai eu besoin pour payer mon loyer. J’ai
fini par jeter le vieux hamburger. Ce genre de truc attire la
vermine.
15
e
r
e
i
r
r
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d
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h
c
a
c
e
m
m
o
h
L’
!
s
o
r
e
le h
Des noms comme Batman, Superman, Spiderman, cela vous dit
quelque chose? Eh bien! Que savez-vous de leur vie derrière le
costume? En connaissez-vous d’autres qui mènent une double
vie aussi trépidante? Voici un aperçu des superhéros de la
littérature.
texte : Nadia Tétreault et France Diez
16
17
dieu du ciel ! cette eau
pourrait abimer ma
combinaison !?!
quelle odeur ! serait-ce de la
pisse de carcajou ?
je suis pris de fatigue !
une sieste ne me fera pas
de tort...
Nom d’humain:
Peter Benjamin Parker
Nom de superhéros:
Spiderman
Lieu de naissance :
New-York
la sieste de notre heros fut longue et reparatrice.
voyons maintenant si l'homme araignee se sortira de
cette impasse...
ah ! ca y est ! ce gros visage va pouvoir m'aider a empecher
cette bombe atomique d'exploser. Mais. hmmm. ehhn.
arggghhh!
ils ne font que me raconter des anecdotes par la pensee
j'en oublie le desastre qui attend manhattan.
si seulement je pouvais me rappeler cette
formule magique pour faire apparaitre de
gros visages blancs...
Profession
surperhéros : Lycéen
Pouvoirs :
vision, force et agilité
surhumaine, grimpe aux
murs et projette des
toiles d’araignée qui lui
sortent des poignets.
Costume :
Bleu et rouge avec des
toiles d’araignée noires.
Peter Parker est élevé par son oncle et sa tante à la suite du décès de ses
parents. Peter est un garçon introverti qui manque de confiance en lui. Il
excelle en sciences au lycée. À la suite d’une expérience à laquelle il assistait, Peter Parker est mordu par une araignée radioactive. Grâce à cette
morsure, il développe des pouvoirs surhumains. Il décide d’utiliser ses
pouvoirs pour gagner de l’argent. Par contre, après la mort de son oncle
tué par un voleur qu’il aurait pu arrêter, il décide d’utiliser ses pouvoirs
pour sauver et protéger la population new-yorkaise.
18
Première apparition
littéraire :
Amazing Fantasy # 15
(1962)
Éditeur :
Marvel Comics
19
Je détestais mon père. Son loisir favori consistait
à m’empêcher de vivre comme je l’entendais. Et
que dire de ses hommes de mains! Je haïssais tout
particulièrement celui qui me poursuivait de demandes en mariage. De toute manière, mon père
m’avait déjà promise à un autre garçon. Un type
au beau visage dont les lèvres suintaient de paroles
venimeuses.
J’aurais au final passé deux heures à la convention. Trop peu pour réellement apprécier l’étonnante diversité de la culture japonaise… Je m’arrêtai un moment à un petit kiosque qui vendait des
Pocky3. Lorsque j’eus payé, je m’approchai d’un
des murs en verre et m’absorbai dans la contemplation du monde extérieur. Le Chrysler Building,
avec sa flèche élancée qui rappelait un assortiment
de poupées russes, retint mon attention. Même si
plusieurs bâtisses à New York étaient uniques, le
Chrysler Building restait mon coup de coeur. Bien
sûr, il n’était pas tout en verre comme le Javits Center, ni aussi haut que le Rockefeller Center, mais il
avait indéniablement fière allure.
Si je détestais tous ceux qui m’entouraient, j’aimais
New York, la ville qui m’avait vu naître. Ce qu’il y
avait de bien avec la Grosse Pomme, c’était l’étonnante diversité de ses événements. Cette ville ne
dormait jamais. Aujourd’hui, j’avais décidé de faire
de même et d’aller au New York Anime Festival.
Soudain, une terrible explosion retentit. Je sursautai et me retournai. Sur ma droite, une porte close :
la salle de bain. Des grognements de douleur et
plusieurs bruits sourds confirmèrent que l’auteur
du vacarme précédent s’y trouvait. Inquiète, je
frappai doucement sur le panneau de bois usé.
J’étais une véritable accro de mangas1 et d’animes2.
Cette passion avait commencé avec Shinobi Life,
splendide romance entre un ninja et la descendante de son ancienne maîtresse qu’il rencontre à
la suite d’un voyage temporel. Je changerais bien
d’époque, moi aussi. Changer de vie, de nom… Me
prénommer Eruruu faisait partie des graves erreurs
que j’attribuais à mon père. J’avais donc choisi
d’incarner Beni, l’héroïne de Shinobi Life, dans le
cadre du New York Anime Festival.
- Est-ce que tout va bien?
WATASHI NI YOSO
私によそ par Rébecca Mathieu
La convention d’anime se tenait au Javits Center.
Lorsque je parvins au numéro 655 ouest de la 34e
rue, je ne pus m’empêcher d’être soufflée par la
magnificence de l’édifice : une gigantesque structure de verre. Les murs et le toit translucides réfléchissaient la lumière, évoquant le plus démesuré
des diamants. J’ajustai d’une main distraite la ceinture de mon kimono et pénétrai dans le château de
verre.
20
Silence. Je répétai mon geste avec un peu plus de
force. Cette fois-ci, la porte s’ouvrit d’un coup et je
m’étendis de tout mon long par terre. Un goût métallique envahit ma bouche. Je tâtai ma lèvre dans
l’obscurité. Mes doigts étaient poisseux de sang. Je
cherchai l’interrupteur à tâtons. Et la lumière fut.
CAPSULE JAPONAISE
1. Manga : Manga : bande-dessinée japonaise se
lisant de droite à gauche.
2. Anime : Animation télévisuelle japonaise.
3. Pocky : Dessert japonais en forme de bâtonnet,
souvent couvert de crémage à l’un des bouts.
日本語
CAPSULE JAPONAISE
4. Cosplay : Mot-valise regroupant costume et play. Un cosplay est un déguisement porté dans les conventions
et qui représente un personnage d’anime ou de manga.
5. Daijoubu desu ka : Est-ce que vous allez bien?
6. Chotto matte : Attends.
コ
ご
め
ス
ん
な
さ
プ
い
レ
生きることお許してくれますか
7. Gomennasai : Désolée.
Mais seulement dans la pièce, car ce que je vis était
loin d’être une explication.
Aucune réaction. Je lui tapotai doucement les joues.
- Daijoubu desu ka5?
Un homme était étendu sur le sol, sa robe mauve
et blanche couverte de sang. Je m’accroupis à
côté de lui et murmurai, complètement paniquée :
L’angoisse libérait un flot de sueur entre mes omoplates. Je décidai d’aller chercher de l’aide.
- Est-ce que vous m’entendez?
- Chotto matte6…
Pas de réponse. Mon cœur s’emballa. Les doigts
tremblants, j’écartai des mèches de cheveux de son
visage. Un masque argenté dissimulait son front et
ses yeux. Un beau cosplay4, ne pus-je m’empêcher
de remarquer. Mes yeux s’attardèrent sur le flot de
sang qui sourdait de sa poitrine. Je débranchai mon
esprit émotionnel et me décidai à agir. Après tout,
je n’étudiais pas en soins infirmiers pour rien.
L’homme avait émergé du noir. J’étais soulagée,
mais des questions en profitèrent pour se faire entendre. Qui était cet homme? Que lui était-il arrivé?
Est-ce que je risquais de me faire tuer, moi aussi?
Un moment plus tard, je portais un kimono un peu
trop court pour être décent, mais le torse de l’inconnu était couvert d’un bandage. J’essuyai mes
mains couvertes de sang sur mes cuisses et me
penchai vers mon blessé.
Un cri me vrilla les oreilles. Je tournai vivement la
tête. Une jeune femme nous regardait fixement, les
traits déformés par l’effroi.
- Est-ce que vous m’entendez?
- Eruruu…
-Je vais aller chercher quelqu’un, bredouillai-je. Je
ne peux pas vous aider, je ne sais pas qui vous
êtes… Gomennasai7.
- Madame, cet homme a besoin d’aide…
21
夢
み
る
まど
Des voix se rapprochaient. Des cris, des pleurs…
L’inconnu me tira vers lui. Je me laissai faire,
totalement stupéfaite qu’il sache mon nom. Ses
Le comité d’accueil de la plus grande révélation
de mon existence. Je me fis pressante.
yeux gris cherchèrent les miens et s’y rivèrent.
Je m’abandonnai à son regard comme si c’était
- Hakuoro, shiranai9…
la chose la plus naturelle du monde, comme si
je l’avais déjà fait auparavant. Je sentis une migraine m’étreindre les tempes. Des visions de
- Mamonako… Mamonako shita10…
villages brûlés, de combats sanHakuoro se redressa. Je l’aidai à se
glants, de temples grandioses et
9. Hisashiburi : Ça fait
lever.
de visages souriants m’assaillilongtemps.
rent. Je ne comprenais plus rien.
- Mado11…
Mon désarroi lui arracha un sou10. Shiranai :Je ne sais pas.
rire qui se transforma bien vite en
une grimace de douleur.
11. Mamonako shita : Tu sauras Je levai les yeux vers ce qui avait dû
être un mur translucide. Des éclats
bientôt.
8
de verre jonchaient le sol tout autour.
- Hisashiburi … Eruruu.
12. Mado : La fenêtre.
Sans hésiter, Hakuoro s’approcha du
vide. Quinze étages nous séparaient
- Hakuoro…
du sol. Je frissonnai. Hakuoro prit
ma main et je n’eus plus peur.
Mes lèvres avaient formé ce nom sans effort. Je
me sentis glisser vers un autre état de conscience,
Un nouveau monde s’ouvrit sous nos
un autre état de moi-même. Je n’étais plus la fille
pieds.
de mon père, ni même une passionnée de mangas. Je devenais une nouvelle Eruruu : celle que
Hakuoro avait reconnue.
おわり
アニメとマンガ
Inspiré par:
Shinobi Life, un manga par Shoko Conami : Beni, une adolescente suicidaire, fait la rencontre
inusitée d’un jeune ninja venu du passé. Celui-ci la confond avec son ancêtre, une princesse
qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau. Il la protègera donc tout en s’interrogeant sur
l’univers étrange qu’est le futur…
Utawarerumono, un anime inspiré d’un jeu vidéo : Eruruu est apprentie guérisseuse auprès
de sa grand-mère. Un jour, elle trouve un homme amnésique gravement blessé. Il porte un
masque qu’il ne peut enlever et sera éventuellement baptisé Hakuoro. Tout au long de sa vie,
il cherchera à savoir qui il est, une vérité d’autant plus déconcertante qu’il ne vient pas véritablement de ce monde…
Intrigué ? Visitez le http://myanimelist.net
22
Et si nos cerveaux étaient
tous des dictionnaires uniques...
un texte de Myriam Desnoyers
10 h 16 : Je me réveille en sueur. Je sens que cette journée ne
sera pas une journée comme les autres. Je dois sortir de mon
lit au plus vite, on a besoin de moi quelque part, je le sens.
10 h 17 : Qu’est-ce qui m’attend ? Personne ne m’a mis au
courant, pourtant mon corps se prépare, mes muscles se raidissent, mes gestes sont plus saccadés, mes jambes ne tiennent plus en place. Je vais porter mon smoking. Le smoking
convient à toute éventualité.
10 h 30 : Ai-je le temps de déjeuner ? Si une grosse journée
s’annonce, je devrai être en forme. Je n’ai pas faim de toute
façon, je suis habitué à ne rien manger, j’ai mes réserves…
elles se trouvent dans mon coco. J’arrêterai prendre un bagel
si la faim me prend par surprise.
10 h 35 : Qu’est-ce que je fais encore à tourner en rond dans
mon salon? Il me semble avoir oublié quelque chose. Tant
pis, j’ai ce qu’il faut à partir du moment où j’ai ma tête. Le
café ne se désintégrera pas. Je le boirai froid, j’aime le goût
amer qu’il laisse dans ma gorge.
10 h 48 : Si seulement j’avais une arme, je l’aurais apportée avec moi. J’ai peur des armes, voilà pourquoi je ne
pourrai pas me protéger adéquatement si un malheur survient. Maudites soient mes peurs! Si j’avais un peu plus de
couilles, je ne craindrais pas pour ma vie maintenant. Maudites soient mes peurs ! Je voudrais être fait d’acier, de béton
et de ciment, plus personne ne m’effraierait, j’aurais pu défendre le jeune homme jeudi dernier, devant ce bar miteux.
Non, tout ce que je garde en souvenir, c’est cette affreuse
image de la jeunesse ensanglantée. Quoiqu’elle m’a inspiré
une peinture…
11 h 23. : Comment faire pour ne pas me perdre dans cette
mare de monde ? New York est la spécialiste quand il s’agit
de perdre des âmes. Si je veux accomplir ma mission, je dois
avoir une vue d’ensemble sur la ville, sinon par où commencer? Times Square? L’idée n’est pas mauvaise mais je ne crois
pas que cet endroit soit encore à la mode pour les malfaiteurs, la publicité les a remplacés.
23
24
Schizophrénie n. f. (allemand Schizophrenie, du grec
skhizein, fendre, et phrên, pensée) État de l’homme
ordinaire qui se transforme en superhéros.
11 h 49 : Quel idiot ! Idiot, idiot, idiot, idiot, chut, chut. Du
calme. Une vue d’ensemble de la ville. Je l’ai dis moi-même
plus tôt. Le Rockefeller Center, bien sûr. Quel mauvais espion ferais-je! Tout ce temps perdu devant la plus grande
évidence : celle qui surplombe la ville. Je cours.
12 h 24 : Je suis passé inaperçu. Un simple touriste. Mieux
vaut ne pas attirer les doutes lors d’une mission. Le simple
fait d’avoir des cheveux bien lissés pourrait faire sortir le Dr
Terreur de nulle part. Même de ma poche. Mes poches ! Elles
sont vides. Erreur. J’avais bien oublié quelque chose à l’appartement. Que vais-je faire si les autorités m’interrogent? Je
jouerai la carte du portier. Peut-être est-ce à cause de mon
smoking qu’ils m’ont fait entrer sans payer ?
12 h 59. : Mon tour de garde n’est pas encore très concluant.
J’ai pris quatre fois l’ascenseur, j’ai noté dans mon esprit tous
les visages, j’ai observé le paysage en me plissant les yeux et j’ai
compté toutes les lumières sautillantes de la pièce étrange.
Qu’est-ce que c’est que cette pièce? C’est vrai, ils l’ont mise
là, probablement pour que les touristes se disent que ce n’est
justement rien d’autre qu’une attraction touristique, quand
au fond, ce serait un projet instauré par la CIA concernant
les nombreuses visites extraterrestres des soixante dernières
années. Je ne suis pas dupe, messieurs dames. Je ne suis pas
un touriste parmi tant d’autres.
sé et j’ai absolument besoin d’utiliser ces binoculaires. Elle
rouspète. Devrais-je lui faire comprendre ce qu’elle risque en
miaulant de la sorte? Devrais-je lui faire comprendre que ce
n’est pas un jeu et que cette altercation pourrait lui coûter
cher, très cher, qu’elle pourrait même lui coûter la vie? Qui
sait? Peut-être est-ce cette jeune femme que je dois sauver?
Peut-être que quelqu’un est en train de mourir asphyxié,
juste là, en ce moment même, devant mes yeux. Non plus
bas, tout juste en-dessous de moi, au sol. Dans une automobile?!
13 h 43 : Ça y est. J’ai repéré de la fumée. De la fumée très
suspecte. Comment me rendre à cet endroit sans perdre
une seule seconde? Je voudrais tant être plus vite que mon
ombre.
14 h 02 : Je suis perché au bon endroit. Si ce matin je suis
arrivé à ressentir le besoin imminent de partir de chez moi, à
la rescousse de je ne sais qui ou quoi, je dois nécessairement
avoir ce don. Le don spécial, impulsif et spontané qui permet
de venir en aide à la personne en détresse. Je dois me faire
confiance. J’ai tout ce qu’il faut. Tous les outils sont en moi.
Je suis prêt à faire tout ce qui est en mon pouvoir pour régler
cette situation. Et je le peux. J’en ai la force. J’en ai la conviction. Si j’en suis autant persuadé, je suis dans l’obligation de
sauter, j’arriverai en quelques instants seulement et je pourrai ainsi mettre fin à toute cette histoire.
13 h 16 : Pause cigarette. Je reste vigilant.
14 h 07 : …
13 h 21. : Pardon mademoiselle? Je suis un homme très pres25
26
NEUFFENEKA
nirk ir vneuf vnorak nikantine argu déréaginek perano dizzipur noklak laruchnive chnak monto gu fnef neko gnok
nzorlanges pérénisse morech fréluchi mirando fnefnak igori
NEUFFENEKA
yéwêlopsi tnoffnucur prozkazferof burinx numiarnimuche
kzal ploge
salceuclasse férwé munimaque phénégondre mojni calutor
béroj distonpon arémède falanfouèle / ostenpentisco thorve
bérabéra fénouz tholbo thulbur nervégonlice hupitave vurtupilwèle kwem knaz noffeu
/ irjamalasgo ralt
NEUFFENEKA
supulpe flove mnénika folgo bondi desve yarnali rubonige
huccin feularance
NEUFFENEKA
vos tribulations ne suscitent que peu d’infelte dirôme pour
le dophinphe voltimueckkhatonpruz
gresstallije uhl thiorn bejdd zdrél concti prsizmq mrowya
afhnmé pliozdène mermédnor orche orozcrozmame staunau fazri tapapaucercle yajelde fromrâh
NEUFFENEKA
ismothéwèle dambizarné dufudla dostolef fouz fnijmorak vatuvi grezch arznimaf dubi cannechtmole fernosnisnakmzmule azn persmondilajno acafir achmeitiste fiourate
âzamé bedcongule lostriamose génèphule bondri akacin
twèledime ponrate ftcheu pouné zhaglazir gulm
zdé mèroc zlév dumacrachnel fezdonzir divhèro urcmulfunuge
prèvzemouek jegori sfonze glauclèje lahazdedug xamirzacte
tupoc yorozherm tulvda romnulgu jagaver
/ bersdachilde
chtogoune bïeulle djernume taublaumatanchulde zoggri
cémeule yâfre yonzirion peupinou
NEUFFENEKA
mais à qui vous adressez-vous bon sang de craunlaurèrdulip
kifloflette kfar dimounik arbisourid prufanok kvuk kopluk
votre rumdal vnikoch ziglauclèje éflonaure priz m’exgruvuge la gochela névé
kerdonzef nofchnivoèru prustweldé dubli veulvak chéftouwèm bleûde zivnodal
NEUFFENEKA
jafnobul kaf mijanbo kreufnasse pwèleburnine pofnouze
pwègétu cafnomène trapildif
tnédé zozozhiar brédulblure troddize chausamne nifnori fétionce nicolflu wouweûrdé yatafohi
ztadli mernuclinx gourvèneuque ogolzdou janglère turufame nuguemèleu hurvenatuk ozecauwèlnaharssi prumèneuvenigè wilgle tnâ bef yovtev tnarpo
/ ofminèmatalpwol ivirondice chigar
talbandé mecsimune prèligonzinevo dumuguedauglazère
wawa éléglode yémhné corcruzan brutize chumavnanil
orthonsile crusète jiboré dumanik
bruholduf hevnékonsikalokipore prédéontuque mânogé
grufustuque ménâle urftu swèmné ivoritzi mwèmwé
perléoncule digridor ofthonakilamnev chipito pwèletou vasufsnak zidachère grèzvénuve
zédimarve tovavwé efnéga tubucleuznére molbodul fnège
furète gasdimarge turmatwé arzq
ifhircle crossef zdavol ulnaure ornaumi bronsourgourzte
27
jarvnima neka jaurendulde dlélègueuze
twudlé chafsnûble froncè brutispintre néménogrizte yaccami origlate taufnawère carafnève nipar covnèmage dlolo
/ corsiméïve
NEUFFENEKA
ifn nvé tadi tachalte tahi merwèle zohilé hmnéropare twèf
tume gèfte yémh nofhnef broze mniko grèvti uji chné cnarmé jdi preuf filègwole pardaurepistonèj swèf pouave damihilve iknafé dizbondil
NEUFFENEKA
le masque d’orvenettes a l’allure du paryagymor
/d’ostrapoulie
il armonte les breunettes et neijatte la cournume
pour en faire un gras gémaque
NEUFFENEKA
tais-toi eunuque dostakinus, ton fiel puant se solidifie et
/ calfeutre ta raison mernévale
tu ne sais pas qui tu es
NEUFFENEKA
ïekal norvbedblanne yiprezine prutrécli orglutre zatuche
pomnivèche orostimaclinthe purnuvale swèmetinek
NEUFFENEKA
l’unicité virginale est rompue la fuite du détérampion
/nimok népondarince l’oznocolcanek nefzu teûlèdi mevnézon tafanaconir huellètin
NEUFFENEKA
le scandale parthénogénétique
rikh nief chrisnhiak breuf breuf
NEUFFENEKA
irnicouclix moftogage perné soufnibar curdidonceau
chimop deutil twèle nifloucette
preudibaure arnoncellin buldi ornolda adiratanpachette
/ feufouinè synfum
cemnikbron frujbulina parnimnomak jèbebwol
nonimnoftef jchnunigasse florlémonceau
jnonivek mnina gérvo prudastil cimek mnonilas vnénérèmoncu soldim mdérè wola didi hirsature dorga
gruvnakni schnougrutte mirvine snonansk
mèchebelinne frontispvire argu oèle uzapirè
gazgi fné frodjejréga jrudu branceménèfe gurdi moupli
adguéréban senken venze gozdoz rolwé zoncar djichtu liposwène habétézo mimni cophagime optoru hunje minof
sirandé dofnur valdiran méthoque nifaré jibati mondugrance rémémontru génardodileske nocarampluche mifalesque dimophe écherpe paurizanepse
NEUFFENEKA
je suis le plus grand des pohètes
NEUFFENEKA
affabulateur tu te confonds avec Philippe Morissette
tes schrunges géméar prurisse ton identité odwolée
RIDEAU
NEUFFENEKA
c’est la parité qui néantise et gardamude mina fnak fnak
28
29
Cela fait maintenant presque cent vingt-trois ans que le fameux détective nommé Sherlock Holmes a été créé par l’écrivain
britannique Arthur Conan Doyle. Sa réputation et son histoire se sont répandues d’un océan à l’autre et d’une génération
à l’autre. Malheureusement, comme toute histoire, celle de Sherlock Holmes a été déformée par le temps. Saviez-vous que
jamais Sherlock Holmes n’a dit « Élémentaire mon cher Watson. »? Étonnant, n’est-ce pas ? De nos jours, la plupart des gens
croient, à tort, que Holmes était un homme respectable, sans vices et très respectueux de la loi. Un vrai gentleman, quoi!
Pourtant, la véritable personnalité du détective est celle qui est présenté dans le film Sherlock Holmes, réalisé en 2009 par Guy
Ritchie et adapté du Comic book de Lionel Wigram, qui suit très fidèlement ce qui est écrit dans les nombreuses œuvres de
Connan Doyle.
Dans les différents romans et nouvelles de Doyle, Holmes n’était pas représenté comme quelqu’un de fréquentable. C’était
une personne égoïste, qui fumait beaucoup, qui participait à de nombreux combats de boxe illégaux et qui n’hésitait jamais à
enfreindre la loi lorsqu’il en avait envie. Par exemple, il ne se gênait pas pour entrer par effraction dans une maison ou pour
voler quelque chose qui était important pour son enquête. Il lui arrivait aussi de se droguer lorsqu’il ne travaillait pas. Tout
ce qui l’intéressait dans la vie était de résoudre ses enquêtes : il ne vivait que pour son travail. Même l’identité de ses clients
n’avait pas d’importance à ses yeux. Il pouvait s’agir de n’importe qui, tant que l’enquête était intéressante. La seule chose de
bien à son sujet était qu’il détestait la paresse et les paresseux.
La question se pose donc : qu’est-ce qui a changé Sherlock Holmes à ce point ? Qu’est-ce qui a transformé ce personnage
peu recommandable en quelqu’un de gentil et de vertueux? Peut-être les adaptations, qui ont été faites au cinéma et à
la télévision ainsi que les livres pour enfants. La personnalité de Sherlock Holmes a dû être modifiée afin que les enfants
puissent regarder les différentes aventures de ce personnage excentrique et s’en servir comme modèle dans la vie. Cela leur
donnait aussi l’envie de servir la justice et de ne rien faire d’illégal. Comme l’indique Lionel Wigram, le créateur du Comic
30
Book de Sherlock Holmes, « Historiquement, ce n’est qu’au début des années 30, avec l’interprétation de Basil Rathbone, que
Holmes s’est mué en une sorte de gentleman british. ». C’est Basil Rathbone qui interprétait Sherlock Holmes dans le film
de 1939 intitulé Les Aventures de Sherlock Holmes. C’est aussi lui qui a dit pour la première fois « Élémentaire mon cher Watson. ».
La vision générale de Holmes a donc été principalement modifiée par un seul film des années trente, preuve que les gens
sont influençés par la télévision.
Heureusement, Guy Ritchie et Lionel Wigram font partie des quelques érudits qui connaissent la vérité puisqu’ils ont lu
attentivement les livres de Sherlock Holmes. Par son film, Ritchie parvient donc à rétablir la véritable identité du détective.
Ce que Ritchie a entrepris n’est pas une simple tâche, car il doit inculquer de force la vérité dans l’esprit conditionné de
plusieurs générations et ce, partout dans le monde. Il aura réussi à briser l’illusion du Sherlock Holmes bon et vertueux et à
déconditionner les gens, afin que les générations futures ne croient pas en un imposteur.
31
Ceci n’est qu’une fiction
par Jennifer Labrecque
32
- Qui veut encore de la bière? cria la serveuse
avec un clin d’oeil enjôleur à la foule qui se
pressait devant elle.
Les hurlements de joie se firent entendre de partout, surtout de la part des garçons qui trouvaient que la jeune fille avait de
bien jolies fesses lorsqu’elle se penchait pour
faire quelques drinks qu’on boirait en dansant
sur du Yelle en version tecktonik.
Sur la piste de danse dangereusement
surpeuplée, Cora tentait de se frayer un chemin. Elle était très énervée par un gars qui
tentait depuis tout à l’heure de la prendre en
sandwich entre lui et un autre mec dont l’apparence ne lui disait rien qui vaille.
- Tassez-vous! Laissez-moi passer! hurlait-elle,
une expression craintive sur le visage qu’elle
avait d’ailleurs fort joli.
Elle finit par bousculer violemment
une autre fille qui faillit s’étouffer avec l’olive
qu’elle dégustait langoureusement , croyant
charmer le gars qui se trouvait devant elle.
Cora se retrouva alors devant le bar occupé
par une majorité masculine. Regardant à sa
droite, elle vit une sortie de secours par où
elle pourrait s’échapper. Coupant le chemin à
une serveuse qui lui lança un regard courroucé,
elle poussa la porte, monta un escalier et se
retrouva sur le toit du bar Le Soft Pub.
Soupirant de soulagement, elle avança
tranquillement vers le bord du toit qui n’était
d’ailleurs pas sécuritaire, car il n’y avait aucune cloison protectrice. La rue de l’Étoile était
célèbre pour ses deux bars côte à côté dont
les patrons, deux amis d’enfance, se menaient
une lutte continuelle pour attirer le plus de
clients possibles. Cora, du haut du toit, entendait très bien le sol vibrer sous ses pieds
tant la musique qui émanait du Soft Pub était
forte. Devant elle s’étendait la magnifique ville
de Bourg-en-Bresse. La beauté de l’endroit rési-
dait principalement dans ses milliers de lampadaires: le tout était un mélange de lumières de
différentes couleurs, ce qui donnait à la ville, aux aurores des matinées d’hiver, une allure de
Mcflurry aux smarties.
À la porte du bar s’étendait une courte file de jeunes adultes qui patientaient pour
entrer profiter de la boisson et de la musique. Un peu plus loin, une voiture de police circulait
dans le quartier et vers l’est, un camion de pompier faisait le tour du quartier pour la troisième
fois. « Sûrement madame Angers qui a encore vu un chat dans un arbre », pensa la jeune fille
avec une expression mi-figue mi-raisin. En les observant, Cora s’assit sur le bord du toit, les
pieds dans le vide, et regarda autour d’elle avec dégoût. Le Soft Pub était un immeuble constitué
de béton et de briques. Ces dernières étaient dangereuses, coupantes et, pour quelques-unes,
collantes de sperme et de pisse. La fenêtre de la porte était craquelée et elle laissait entendre un
petit sifflement énervant à cause du vent frisquet. Cora frissonna.
La jeune femme se retourna vers la ville qui s’étendait devant elle et elle respira
profondément. Perdue dans le cours de ses pensées, elle n’entendit pas les bruits de pas qui se
rapprochaient derrière elle. Un jeune homme avançait avec la ferme intention de ramener la
jeune demoiselle en bas pour la faire danser. Lorsqu’il lui toucha l’épaule, elle sursauta et se
retourna vers lui si brusquement que son corps, déjà
en équilibre précaire sur le bord du toit, bascula vers l’avant. La bouche de
Cora forma un rond parfait qui aurait pu être drôle si la situation n’avait pas
été aussi dramatique. La jeune fille tomba du toit avant d’avoir pu pousser le
moindre cri de terreur.
Ceci n’est pas une fiction
« Deux héros à Bourg-en-Bresse : un policier et un pompier
Jeudi, en pleine nuit, les deux hommes ont sauvé la vie d’une
jeune fille de 19 ans, suspendue au toit d’un bar de deux étages.
Son compagnon, allongé sur le toit. essayait de la retenir. mais il
était sur le point de lâcher prise quand les deux hommes sont arrivés sur les lieux et ont réussi à amortir la chute de la victime.
Les deux héros souffrent de légères contusions. »
Rédigé par B.C. dans Faits Divers le 16/03/2010 à 09h11
33
la maison de Catherine
un
TextE
dE
THIerry
avard *
* un texte de Thierry Avard
34
Ses poèmes ne valaient pas de la crotte, et c’est pour ça qu’il
était allé voir son frère. Ses poèmes n’étaient pas tellement
mieux, mais au moins ce n’étaient pas les siens, il ne serait pas
gêné quand on allait comparer son style à celui d’un enfant
de cinq ans peu inventif. La plupart du temps, les langues se
dégourdissaient lorsqu’il était question de ses poèmes, ou de
ceux de son frère. Généralement, les gens ne faisaient pas la
différence. Son frère, Claude de son prénom, adorait jouer
avec la ponctuation.
La remise était le lendemain, pour un projet d’école dans lequel il s’impliquait le moins possible, pour des raisons qu’il
qualifiait de métaphysiques. Ça ne faisait rire personne, surtout pas sa maman, qui avait un très mauvais sens de l’humour.
Claude avait sa chambre dans le sous-sol. Il fallait cogner,
trois fois, très rapidement, la seule façon tolérée par Claude,
qui aimait qu’on cogne «comme une symphonie de Beethoven». On lui demandait : «La combientième?», il souriait au
moins quatre secondes avant de prononcer lentement : «La
trente-troisième, comme le numéro de Patrick Roy.»
Claude écrivait un roman, il en était au vingt-septième chapitre et se demandait combien il allait devoir faire exploser
de planètes encore avant de comprendre où il voulait en venir avec tout ça. Il finit par lever ses grosses fesses de sa chaise
d’ordinateur.
- Je veux un de tes poèmes, il faut que ça parle de l’imposture. Ou d’une maison.
- Les poèmes qui parlent d’une maison, je les garde pour
moi, ils sont trop personnels.
L’évidence; il n’y aurait absolument aucun moyen de le
convaincre. Mais la remise était le lendemain, et le temps
filait; se mettre au travail pour écrire un bon texte l’aurait
assassiné. Aussi bien aller fouiller dans la boîte de souvenirs
de maman; Claude lui avait déjà offert des poèmes pour sa
fête ou pour la Saint-Valentin, alors qu’il avait sept ans, ou
à peu près.
- Si on va boire de la bière, je vais peut-être avoir le goût de
te donner un poème, lança Claude.
Ce n’était qu’une question de temps avant que Claude se
mette à parler de bière, d’aller en boire sur la montagne,
comme quand ils avaient quatorze ans. Claude semblait
condamné à devoir considérer ça comme le plus beau moment de sa vie durant plusieurs décennies encore. Pour son
frère, c’était deux ou trois souvenirs plus ou moins bizarres;
pour avoir un poème, ce n’était pas cher payé qu’un petit
six bières au dépanneur du coin et une promenade à vélo
jusqu’à la montagne.
- Je me rappelle encore de la dernière fois…t’avais mis mes
lunettes pis tu disais que tu comprenais pourquoi j’avais tout
le temps mal à la tête…eh eh…
Claude était jadis un grand cycliste; on le connaissait à la boutique de vélo, où on l’appelait « Monsieur.» Depuis quelques
années, ça s’était un peu modéré. Ses fesses étaient de plus
en plus grosses. Les rues changeaient, Claude remarquait
chaque détail. Son frère n’apprenait rien et il s’en foutait.
Tout ce qu’il voulait, c’était un poème pour pouvoir passer
à autre chose. Le dépanneur Du Lac s’appelait comme ça
depuis les années soixante-dix, ça ne rajeunissait personne,
surtout qu’il n’y avait pas de lac.
- Si ce sont des Chinois qui ont le dépanneur maintenant,
pourquoi ils ne changent pas le nom?
La Root Beer maison ne coûtait rien; Claude ne s’en rendrait même pas compte, et il a une affection toute particulière pour l’effet placebo. La montagne était toute proche.
Ils appelaient ça la montagne, mais c’était rien qu’une colline. D’en haut, la première chose que Claude a regardé c’est
la maison de Catherine. Plus précisément la fenêtre de sa
chambre. Il était allé au bal des finissants avec elle. Et ça le
faisait encore pleurer.
Ils sont rentrés à la maison. Claude n’a pas donné de poème
à son frère; ils sont trop personnels, ils parlent tous de la maison de Catherine.
35
36
La balançoire contemporaine
un poème de Vincent Lavoie
Dans une ruelle
un condom dans le fond d’un conteneur
à bébé éprouvette
vous voyez pourquoi je n’aime pas la ville
elle est comme un poignard lavé
elle est comme une multitude
de solitude
***
manifestation dans les rues
agents créateurs d’émeutes
tout ressemble à un viol
financé par le gouvernement
qui est financé par nous
qui est financé par les patrons
que le gouvernement finance.
***
Qui es-tu?
feuilles multicolores dans tes yeux
mon pays, ma ville est en chacun de mes
pas
chacun de mes mots
chacun de mes souffles
je marche à l’amour
je manifeste
Qui es-tu?
de tes baisers sans bois, sans feu
mes lèvres ont froid à l’arrêt d’autobus
plein de boucane bleue
plein de bruit de cadavres motorisés
Qui es-tu?
je suis l’ensemble, le tout
la réunion, les fiançailles
de l’apaisement et de l’action
je suis le rhum après la bière
Je suis L’AMÉRICANISATION
La banlieue.
***
la ville sent la vieille cigarette bon marché
la pluie pisse dans le canal
***
37
photo de vincent
38
poème plein de taurine
et de frétillements de clopes
dans le fond d’une bouteille de rhum
naviguant comme des cadavres dans un
lac,
tabarnak
je me demande bien comment je vais faire
pour vaincre mon cancer
ma bouche est un désert
une Camel ferait mon affaire
envoie donc une petite dernière
calvaire, Calvaire!
***
Le paradoxe de la vie…
une fleur pousse dans le milieu du chemin
elle est seule parce qu’elle est belle
***
vois les forêts d’asphalte
et parfois vois l’industrialisation des arbres
et il se demande pourquoi
on n’a pas encore de pays
je reviens, j’entends bêler
***
dénaturé bientôt
les pôles vont s’inverser
« quadripolaire» à chacune des saisons
et je reviens la cigarette au bec
comme Lévesque
dans les ruelles infâmes
***
où des serpents salaces cherchent des La mort vit
trous perdus
Et la vie meurt
viens avec moi
En chacun de nous
on va changer le monde
***
39
METROPOLIS
CULTURA
40
La culture... ce qui a fait de l’homme
autre chose qu’un accident de l’univers
- André Malraux
Montréal, l’été, c’est comme la campagne... on y
trouve autant de vie qui grouille, qui pue et qui nous fait sentir vivant. Assise sur les marches d’un escalier qui mène à un
quelconque appartement, je me sens vivante, je n’existe pas.
Toute cette marée de gens, pressée d’aller nulle part, fait en
sorte que je disparais. Nous existons seulement quand nous
nous retrouvons seul, face à nous-même. Devant moi, de
l’autre côté de la rue, le théâtre St-Denis annonce un spectacle d’humour. Les gens passent devant l’édifice blanc, ne se
souciant que de la chaleur qui tourmente St-Denis et qui lui
donne un aspect désertique. Un homme à l’allure étrange
passe devant moi. Il s’arrête. Il me regarde doucement et
me fait un sourire derrière une petite barbe pointue, jaunie
par des années de tabac. Une camisole grise, sur laquelle un
moulin trône tristement, pend sur son corps sec et décharné
par la vieillesse. Je ne peux m’empêcher de lui trouver une
ressemblance avec Don Quichotte. Le chevalier déchu se
tient devant moi. Il me tend un carton de lait au chocolat,
format d’un litre, toujours en souriant dans la lumière de la
rue St-Denis. Je lui dit qu’il ressemble à Don Quichotte. Il me
répond qu’il le sait en s’asseyant près de moi. J’ouvre le carton de lait sans dire un mot, sans le regarder. Je bois goulûment une gorgée qui me rafraîchit. Il sourit toujours lorsque
je lui redonne le contenant de lait chocolaté. Des minutes
qui semblent durer une éternité s’évanouissent dans la chaleur torride du mois de juillet. Un flot de personnes sortent
du cinéma Quartier latin, un film vient de se terminer. Je regarde les gens qui sortent de la fraîcheur de l’air climatisé des
salles de ciné et qui affrontent de nouveau l’été montréalais,
en buvant une énième gorgée. Don Quichotte me tape sur
l’épaule. «Regarde celui-là, me dit-il en pointant du doigt
un homme arborant une énorme moustache, il ressemble
à Nietzsche». En effet, l’homme près de la brasserie, à droite
sur l’autre rive de St-Denis, avait bien la dégaine du philosophe allemand. Je me mets à rire et je commence à m’amuser du petit jeu qui s’installe entre moi et l’homme assis à
mes côtés. Près du restaurant mexicain, John Lennon discute
avec Marx. Ray Charles traverse la rue Emery avec un bâton.
Devant le restaurant Blues, Tom Waits chante sa douleur et
Clint Eastwood fouille dans les poubelles en face du cinéma.
Mon ami me donne le lait au chocolat et me pointe du doigt
Jacques Brel dans un beau chandail de marin. Tintin passe en
courant en face de nous. Je ris devant cette merveilleuse assemblée. Confucius reluque mon carton de lait et trébuche
au passage de Doesteivsky qui ne semble manifestement pas
faire attention à qui que ce soit. Charlie Chaplin nous tire
son chapeau tandis que Toulouse Lautrec essaie d’attirer son
attention. Je ferme les yeux, enivré de soleil, de joie et de
lait au chocolat. Sade me lance un regard aguicheur mais
se ravise et jette son dévolu sur Nelligan qui ne lui sourit
pas. Fragonard et Picasso boivent tranquillement une bière
sur le toit des 3 brasseurs et Bethoveen sort de la maison de
thé, sachet en main. Lewis Caroll tient la main d’une jeune
fille brune et traverse St-Denis comme si sa vie en dépendait.
Alexandre Dumas mange tranquillement un sous-marin en
se dandinant drôlement.
Mon ami et moi restons encore longtemps assis à
boire le lait, comme si rien pouvait m’atteindre. Demain
n’existe pas et hier n’est jamais passé. Je ris et je rêve longtemps sur les marches de l’escalier qui mène à un appartement quelconque, sur la rue St-Denis à Montréal. À chaque
rire, je meurs, pour revivre l’instant d’après. Don Quichotte
a disparu, le carton au chocolat aussi. Assise, contemplant
le monde dans la pénombre du soir, je me lève, frêle et effrayée, pour aller combattre mes moulins.
41
un texte de Roxanne Nadeau
Le célèbre Carré blanc sur fond blanc de Malevitch exposé au MoMA, (The Museum of Modern Art situé à New York) en 1918, avait,
à cette époque, (et encore aujourd’hui) fait soulever bien des sourcils : « Ça, une œuvre? Lui, un artiste? Je pourrais faire la
même chose ». Malgré les divergences d’opinions, la réponse est oui. Pourquoi oui? Parce qu’il faut considérer la démarche
réflexive qui a précédé la réalisation de la toile. Malevitch désirait accéder à l’essence même des principes de la peinture. Les
formes, les couleurs, l’espace, tout ces éléments de compositions ont été repensés jusqu’à leur plus simple expression. En
représentant un carré blanc sur un fond blanc, il voulait illustrer la pureté, l’atteinte des fondements suprêmes de la peinture. Oui, c’est de l’art et attachez vos tuques, car au delà des coups de pinceaux, le domaine artistique offre encore bien des
surprises…
DHC/ART ou encore Diving Horse Creation/ART est une fondation montréalaise dédiée à l’art contemporain qui présentait,
à l’automne 2009, l’exposition « Survivre au temps ». Sur les murs étaient accrochés des photographies, des textes explicatifs,
des horaires provenant de la performance de Tehching Hsieh, intitulée : One year performance 1980-1981_Time clock piece. L’artiste,
durant une période de trois cent soixante-cinq jours, s’obligeait à poinçonner une carte de temps à toutes les heures. De
jour comme de nuit. Froncement de sourcils… de l’art ça? Oui. Il faut porter attention au message, ce à quoi Hsieh voulait
conscientiser le public : la relation de l’homme avec le temps, son organisation, sa dépendance. Nos activités sont chronométrées, nos déplacements sont calculés, notre société est programmée selon les tics tacs de la montre. Oh! mais, comme le
temps passe vite, suivant…
À l’automne dernier, le sol maskoutain recevait pour une troisième fois Orange et son édition Il nostro gusto qui signifie « Notre
goût ». L’événement, qui allie art actuel et agroalimentaire, proposait treize artistes et plusieurs projets éclatés. Parmi eux,
Cosimo Cavallaro. Son œuvre? Un appartement recouvert, ou plutôt noyé, de 518 litres de ketchup. Plafonds, planchers,
meubles, rien n’y échappa! EXIT. A Room in Ketchup, est une expérience multisensorielle avec l’odorat, la vue, les pieds qui
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collent sur le parquet… Ne vous étouffez pas! Il s’agit bien
là d’une œuvre artistique. Ce qui paraît comme un énorme
gaspillage est, pour l’artiste, un symbole. Symbole de la
bouffe préparée industriellement versus la nourriture de la
famiglia .
ne s’achète pas avec de la petite monnaie. Grimace? Aberration? Cette audacieuse création nauséabonde, qui marie
science et art, reflète l’hypercapitalisme et la surconsommation de notre société actuelle. Une nouvelle idée pour
les cadeaux de Noël…
Incroyable mais vrai! Piero Manzoni a fait une création à
partir d’une substance connue et méprisée de tous : les excréments! Ce que son corps a évacué, Manzoni l’a pesé (30
grammes pour être précis) et l’a inséré dans de petites boîtes
de conserve. Merde d’artiste s’est vendu à prix d’or. Payer
cher pour du caca, cela semble absolument saugrenu, pourtant tout cela est bien vrai. Il ne faut pas serrer les fesses!
L’art peut naître n’importe où! Avec cette œuvre, il jette un
regard sur le rôle du corps humain dans l’art contemporain
et il questionne également la notion du statut de l’œuvre
d’art. Malgré sa nature dégoûtante, la merde, une fois signée, est tout à coup moins répugnante.
Dans une optique plus obscure, plus dérangeante, voire
malsaine, Guillermo Habacuc Vargas emploie au service
de l’art, un chien. En 2007, lors d’une exposition à Manama au Nicaragua, il offre à l’assistance un spectacle
troublant. L’animal en question est, au début de la performance, en vie. La bête se verra privée de toute nourriture jusqu’à ce que mort s’ensuive. Eres Lo Que Lees, qui
signifie : « Vous êtes ce que vous lisez », n’est pas passée
inaperçue. Cela a soulevé une énorme controverse et depuis, plusieurs pétitions circulent à ce sujet. Est-ce que
tuer « pitou » est considéré comme de l’art? De l’art bestial? La question est ici beaucoup plus délicate. Des gestes
aussi graves peuvent-ils vraiment être exécutés au nom de
l’art? Quelles sont les limites à ne pas franchir? Est-ce que
les artistes iront jusqu’au meurtre ou au suicide?
Le monde des arts contemporains est fou, disjoncté, hallucinant! Il peut être facile de crier BULLSHIT à la vue de
certaines réalisations. Par leur propos choquants ou leurs
formes bizarroïdes, les toiles, les sculptures, les vidéos, les
performances, restent souvent incomprises. Sous cette
première apparence de « n’importe quoi » trop souvent
trompeuse, se cache des merveilles. Prendre le temps de
comprendre une œuvre n’est pas risqué. Et au contraire,
cela se révèlera peut-être une expérience positivement déroutante… À essayer!
Dans le même ordre d’idées, l’UQAM recevait en janvier
2009, Cloaca N 5. Son créateur, Wim Delvoye, a conçu huit
modèles différents, tous aussi productifs les uns que les
autres. Leur spécialité? La même que Piero Manzoni… Des
étrons artistiques, pardi! Mais cette fois, ils sont fabriqués par
une grosse machine qui reproduit le système digestif humain. Pour la réalisation de Cloaca (peu importe la version),
l’artiste s’est entouré de plusieurs scientifiques. Carottes
bouillies, filets mignons, le tout est ingurgité par le monstre
fait de tuyaux, de bocaux remplis d’acides et de bactéries. Le
résultat fraîchement sorti de ces entrailles métalliques peut
être emballé sous-vide et se trouver un propriétaire. Qui
sera le chanceux détenteur de la « crotte-copie » humaine?
Il faudra y mettre le prix, car une défécation signée Cloaca
43
George Sand est une romancière du 19e
siècle qui a écrit sous un nom masculin afin
de pouvoir émettre son opinion sur des sujets sociaux importants à une époque où
les femmes n’avaient pas voix au chapitre.
Ses livres défendent le statut de la femme
dans la société, ils prônent le droit à la passion et ils attaquent certains rites établis tel
le mariage. Malgré le caractère dissident de
ses romans, George Sand obtient des critiques favorables. Son premier roman, Rose
et Blanche, est écrit en collaboration avec Jules
Sandeau. À partir de 1832, elle signe seule
ses romans. La même année, elle publie Indiana et Valentine. Puis, en 1833, elle écrit Lélia,
œuvre qui restera associée à son nom pour
44
toujours. Au total, elle écrira soixante-dix
romans et cinquante volumes d’œuvres diverses réunissant des nouvelles, des contes,
des pièces de théâtre, des critiques littéraires
ainsi que des textes politiques. En 1854, elle
publiera ses mémoires intitulés Histoire de ma
vie avant de s’éteindre en 1876. Aurore Dupin baronne Dudevant demeure une parfaite inconnue pour la plupart des gens mais
le nom de George Sand est encore connu
mondialement plus d’un siècle après sa
mort. Ses lecteurs sont donc les grands gagnants de ce stratagème qui aura permis à la
baronne de signer d’un nom d’homme ses
pensées de femme.
Romain Gary est né en Russie en 1914. Il a été aviateur durant
la Seconde Guerre mondiale, secrétaire d’ambassade après la
guerre et il travailla ensuite pour les Nations unies. Cela dit,
Romain Gary a surtout été un écrivain fort populaire. En
1945, il gagna le Prix des critiques avec son premier roman,
Éducation européenne. Il écrit ensuite Le Grand Vestiaire, Les Couleurs du temps et bien d’autres oeuvres. En 1956, il gagne pour
la première fois le prestigieux Prix Goncourt. En 1960, il publie La Promesse de l’aube qui lui assure une grande notoriété. En
1975, Gary gagne pour la seconde fois le prix Goncourt sous
le pseudonyme d’Émile Ajar, avec le roman La Vie devant soi.
Puisque cette haute distinction ne peut être accordée qu’une
seule fois dans la vie d’un auteur, l’imposture était lourde
de conséquences. Bien que l’auteur ait pensé user d’un stratagème efficace en engageant son cousin, Paul Pavlowith,
en tant que figure publique d’Émile Ajar, la tromperie a été
démasquée après la découverte de leur lien de parenté. Romain Gary affirme qu’il a créé Émile Ajar afin de déjouer la
critique et de revivre la fascination du recommencement.
« C’était une nouvelle naissance » a-t-il déclaré dans la revue
Express en 1981. Sous le nom d’Émile Ajar, Romain Gary publie aussi Gros Câlin en 1974, Pseudo en 1976 et L’Angoisse du roi
Salomon en 1979. Il met fin à ses jours en 1980. Un an après
sa mort, un court texte est publié. Intitulé Vie et Mort d’Émile
Ajar, le récit tente de démystifier la grande imposture de Romain Gary. Contrairement aux auteurs à qui le pseudonyme
apporte l’anonymat nécessaire à créer une œuvre littéraire
controversée, l’imposture de Romain Gary est plus difficile à
justifier. Est-ce que Romain Gary a réellement voulu vivre
une seconde naissance littéraire ou a-t-il seulement voulu
renflouer ses coffres? Nous ne le saurons jamais.
Misha Defonseca publie en 1997, chez Robert Laffont, sa
biographie intitulée Survivre avec les loups. Le roman connaît
un véritable succès. Il est traduit en 18 langues et la version
française se vend à plus de 200 000 exemplaires. Il raconte le
récit touchant d’une jeune fille rescapée de la Shoah (mot
hébreu par lequel on désigne l’extermination des juifs par
les nazis durant la Seconde Guerre mondiale) qui, à partir de
1941, aurait parcouru 3000 kilomètres à pied afin de retrouver ses parents. Durant ce long périple, elle aurait été protégée par une meute de loups. Cependant, après la sortie du
roman, certains historiens et plusieurs membres de la communauté juive relèvent quelques invraisemblances dans son
récit. Après plusieurs recherches, ils découvrent que Misha
Defonseca a menti. Bien qu’elle ait réellement perdu ses parents pendant la guerre, elle n’essaya jamais de les retrouver,
car elle fut rapidement amenée dans un pensionnat catholique en Belgique. Son vrai nom est Monique Dewael. Elle
vécut 8 ans en Belgique, au sein d’une famille de confession
catholique. Outre ses lecteurs et son éditeur, Bernand Fixot,
la supercherie de Monique Dewael a choqué Véra Belmont,
cinéaste qui avait récemment porté l’histoire de Misha Defonseca à l’écran, y référant comme à une œuvre autobiographique. Pour sa défense, Defonseca a affirmé publiquement
que l’histoire qu’elle avait écrite n’était peut être pas réelle
mais que cette histoire l’avait aidée à survivre. Les atrocités de
la Seconde Guerre mondiale, les traumatismes qui ont vraisemblablement ébranlé tous les témoins de cette époque et
le besoin d’en exorciser les démons sont peut être la cause
de l’imposture de Monique Dewael dont le crime aura été
d’avoir laissé l’imagination l’emporter sur l’honnêteté.
45
46
En 1946, les Éditions du Scorpion publient pour la première
fois le roman J’irai cracher sur vos tombes. Ce livre, en apparence
écrit par Vernon Sullivan et traduit de l’anglais par Boris
Vian, est un bel exemple d’imposture littéraire. Boris Vian
a utilisé le pseudonyme de Vernon Sullivan afin de pouvoir
traiter en toute liberté d’un sujet socialement très controversé : le racisme.
Il choisit de duper le public en écrivant un roman qui raconte
l’histoire d’un jeune homme, Lee Anderson, né dans le sud
des États-Unis, d’un père noir et d’une mère blanche. Jeune
homme à la peau pâle, Lee n’est pas victime de racisme. Cependant, son frère, dont le teint foncé trahit les origines, se
fait pendre par un groupe de garçons blancs. Lee passera sa
vie à venger la mort de son frère. Dans son roman, Boris
Vian parle des difficultés quotidiennes des Noirs américains.
Le roman contient beaucoup de violence et de sexualité. Interdit dès 1949, son auteur sera condamné pour outrage aux
bonnes mœurs. Afin de prouver son innocence, Boris Vian
traduira secrètement son roman en anglais et le déposera à
la cour afin de prouver que l’original avait bel et bien existé
et qu’il n’en était que le traducteur. Cependant, le stratagème ne fonctionnera pas et en 1950, Vian sera reconnu coupable et devra payer une amende. Si le juge avait eu le sens de
l’humour, il aurait pu condamner Boris Vian à une double
amende en lui conseillant d’en faire payer la moitié par Vernon Sullivan. Boris Vian s’éteint en 1959, le jour même où
son roman est porté à l’écran.
Konrad Kujau, né en Allemagne, a, en 1983, la brillante idée
de publier le journal d’Adolf Hitler. Il s’associe donc à un
célèbre journaliste collectionneur de reliques nazies, Gerd
Heidemann, qui affirme avoir trouvé le journal intime du
Führer en Allemagne de l’Est. Le journal aurait été gardé par
un certain Dr Fischer qui prétend avoir trouvé le livre dans
l’épave d’un avion près de Dresde. En 1983, Kujau annonce
officiellement détenir le journal intime du Führer. Il est donc
approché par le magazine allemand Stern qui publie quelques
extraits du journal. Il nomme l’ouvrage Les Carnets d’Hitler. Le
journal intime est analysé par des experts et déclaré authen-
tique. La nouvelle, bien entendu,
se répand rapidement. Cependant,
quelques mois plus tard, un autre groupe d’experts de la Seconde Guerre mondiale découvre quelques anomalies historiques. La supercherie est alors dévoilée. Konrad Kujau avoue
qu’il a imité l’écriture d’Adolph Hitler et qu’il s’est acoquiné
avec Gerd Heidemann. En 1985, tous deux sont condamnés
pour escroquerie et passent 42 mois en prison. Il est étonnant de constater combien les humains sont peu scrupuleux
quand il s’agit de faire de l’argent.
SOPHIE CALLE, SAGESSE DE LA RUE
par Julia Smith
L
e slogan « faire de sa vie une œuvre d’art »,
qui a pris forme dans les années 60 avec
l’avènement du courant Fluxus, propose un
remède efficace contre l’ennui de son propre quotidien. Devenir l’ouvrier de la beauté de sa vie est
toutefois un défi d’envergure qui, aux yeux de certains, ne reflète que le narcissisme démesuré d’une
personne. L’œuvre de la plasticienne française Sophie Calle échappe à de tels reproches, puisqu’elle
révèle l’intérêt de l’artiste à rendre fascinant non
pas le commun de sa vie, mais celui des étrangers.
Elle s’immisce dans leur intimité, les suit, annote
leurs déplacements, les photographie à leur insu,
reconstruit leur trajet et étudie leurs empreintes.
Les travaux de Calle viennent troubler les frontières entre l’art et le voyeurisme, entre la vie privée et publique et entre la réalité et la fiction. On
peut se poser la question : est-elle véritablement
une artiste?
C’est en 1978 que l’artiste réalise ses premières œuvres, après plusieurs années d’errance
hors de son pays. Filatures parisiennes est une série
de photographies de gens dans la rue, vus de dos.
Calle tient à reproduire le portrait de ces étrangers aux récits intrigants, qui lui proposent une
voie à emprunter. Non seulement ils sont ceux –là
mêmes qui concrétisent son travail et répondent à
son impulsion de s’infiltrer dans ce qui relève du
privé, mais ils l’incitent également à ne pas sombrer dans le vagabondage.
La filature semble être un excellent
moyen pour elle d’écrire et sa première source
d’inspiration, puisque l’année suivante, l’artiste
se lance dans un projet similaire. Cette fois, elle
concentre son attention sur une personne seulement, suivant ses traces jusqu’à Venise. Suite vénitienne est un récit descriptif accompagné de clichés
de l’homme en question. L’artiste conceptuelle fait
des pieds et des mains, en 1981, pour être embauchée comme femme de ménage dans un hôtel de
Venise. Lorsqu’elle nettoie les chambres d’hôtel
désertées par les clients, elle s’attarde à leurs ba47
fig. a
fig. b
fig. c
48
gages ouverts, aux déchets retrouvés dans les ordures,
aux draps froissés et au parfum embaumant les taies
d’oreiller. L’artiste note ces informations et photographie les objets, les endroits et les traces du passage des
résidents temporaires. Elle récrée leur vie en joignant
aux photos des textes au style atone et désaffecté.
Je quitte mon poste pour aller faire le 47. Quand je reviens,
ils sont sortis. Toujours cette odeur de tabac. Ils vont partir.
Les valises sont prêtes. Dans la corbeille, il reste des boîtes
vides de foot-cream (crème antiseptique pour les pieds) et de
suppositoires Anusol ainsi qu’une lettre froissée. Je la défroisse
et la lis […]
Calle travaille en collaboration avec Paul Auster, dans les années 1990. Lors de la rédaction de son roman Léviathan, Paul Auster crée le personnage de Maria,
dont la personnalité est forgée à partir des expériences
de l’artiste française. Sophie Calle se voit « séduite par
ce double » et inspirée pour un nouveau projet, soit la
rédaction d’un roman, De l’obéissance, pour lequel elle
va vivre à New-York à la manière de Maria, s’appropriant notamment ses curieuses habitudes. Elle suit
un régime chromatique qui l’oblige à consommer des
menus ne comprenant qu’une seule couleur chacun,
autant les aliments que les couverts. Elle s’assimile également, à chaque jour, à une lettre de l’alphabet. Par
exemple, lorsqu’elle suit la lettre « B », elle est « belle,
blonde, bestiaire, belette et Brigitte Bardot ». Être un
personnage de fiction ne suffit pas à l’artiste; elle doit se
mettre dans sa peau et en faire une expérience ancrée
dans la réalité.
Si la vie est souvent confondue avec l’art dans les travaux artistiques de Calle, le courriel de rupture, provenant de son dernier amant, est l’élément principal de
sa plus récente exposition Prenez soin de vous et brouille
davantage la distinction entre le chef-d’œuvre et l’ordinaire. Cette réalisation de la plasticienne consiste à
suivre au pied de la lettre les derniers mots, « Prenez
soin de vous », apparaissant au bas du texte et à exposer
les interprétations et impressions de 107 femmes choisies pour leur métier sur ce qui a brusquement mis un
terme à la relation amoureuse. Parmi celles-ci, une philosophe, une danseuse indienne, une voyante, une latiniste, une clown, une linguiste médiéviste, une commissaire de police, une traductrice en langage SMS,
une chanteuse, une diplomate et une écrivaine. L’art
est, dans le cas présent, la solution purificatrice contre
les âmes en peine et fait office de catharsis.
Sophie Calle incarne l’imposture d’abord en
considérant sa vie, et celle des étrangers, comme étant
un art, puis en revêtant des apparences trompeuses :
l’enquêtrice ou la détective, la ménagère, le personnage
de fiction et la victime désemparée qui implore l’attention et les soins de 107 femmes. Un rapport peut être
établi entre la signification du nom de la Française et
ses premières réalisations, les filatures. Dans la langue
grecque, Sophie désigne « sagesse » et en espagnol, Calle
signifie « rue », soit « Sagesse de la rue ». L’artiste accorde
une grande importance à l’expression résultant de ces
traductions, assez pour en conclure qu’elle est destinée
à rôder dans les rues et à faire de cette errance sa principale motivation et source d’inspiration. ///
49
Des rumeurs 100% fausses
100%
rumeur
SÉPARATION
P.K Pédaleau Media
P. K Pédaleau Mediafdsfg ewr
vol. 62 no. 19
texte de Katia Desmarais
Leur enfant
s’apprêtait à naître
Guillaume
Marie-Loup
Emma
Watson
Sébastien Dubé
le Denis Drolet barbu
arrêté pour voie de fait
Hermione
cocue ?
L’ex VJ-recherché
Karl Hardy se confie
photos
exclusives
vol. 62 no. 19
1 9
50
4
92910 29381
6
Prince Timmy
Le nouveau labrador de Philippe fehmiu
Jamais deux sans trois !
Samuel Lavoie, le grand gagnant
d’Occupation Double, cinquième édition, ne semble réellement plus être à
la hauteur de celle qui a été son premier choix en final, Jessica Corneau.
Pour des raisons encore inconnues, la
belle Jessica a mis fin à leur relation
qui durait depuis à peine cinq mois.
De toute évidence, elle a vite fait de
retomber sur ses pieds puisqu’elle
fréquente dorénavant le capitaine du
Lightning de Tampa Bay, Vincent
Lecavalier. Cette rumeur qui circule
de plus en plus est loin de plaire au
joueur étoile qui a plutôt l’habitude de
garder le silence en ce qui concerne
ses histoires de cœur.
PETITE LOUVE PERDUE
Hermione cocue ?
À peine sortie de sa relation avec le financier britannique Jay Barrymore, la
jeune actrice Emma Watson, qui s’est
fait connaître pour son rôle d’Hermione
dans la saga Harry Potter, n’a pas tardé à redonner toute sa confiance à un
séduisant Espagnol. En plus d’avoir
conquis en un tour de main le cœur de la
charmante Emma Watson, il semblerait
que l’étudiant de l’Université Brown,
Rafael Cedrian, ait également séduit sa
belle-mère. Emma Watson dit n’avoir
jamais imaginé vivre une telle situation
et elle avoue être dans tous ses états.
Sa mère, l’avocate Jacqueline Watson,
s’est absentée pour quelques jours de
son cabinet pour des raisons personnelles. De son côté, Rafael Cedrian nie
toutes les rumeurs lancées à son sujet.
Nouveau passe-temps pour Karine Vanasse...
Selon plusieurs sources, la jeune actrice Karine Vanasse aurait été surprise à
plusieurs reprises la main dans le sac. En effet, M. Patnaude, agent de sécurité
du mail Champlain, affirme avec certitude avoir surpris la star en flagrant délit
samedi dernier. À son tour, l’agent Mercier confie avoir été témoins de crimes
semblables, non seulement impliquant l’accusée, mais également d’autres personnalités connues du show-business québécois. La pauvre cleptomane en herbe
n‘en a visiblement pas assez de voler la vedette au grand écran. Dommage pour
elle que son talent ne se fasse pas valoir dans tous les domaines!
Après avoir déclaré en manchette
d’Échos Vedettes le 29 octobre
2009 qu’elle était enceinte, Marilou Wolfe met fin à sa relation
avec son fiancé Guillaume Lemay-Thivierge. La jeune actrice
et réalisatrice refuse catégoriquement de donner des détails sur sa
rupture avec celui qui deviendra
papa au printemps. Pour sa part,
l’acteur vedette du film Nitro
(2007) affirme qu’il nage encore
dans une effrayante confusion et
qu’il espère du fond du cœur renouer avec sa bien-aimée. Décidera-t-elle de donner une deuxième
chance à son petit loup?
Les Denis Drolet
dans le brun
Dans la nuit du 12 au 13 février,les
policiers de Montréal ont dû intervenir auprès de deux individus
bien connus du public. Ayant reçu
plusieurs plaintes pour bruit excessif, deux agents se sont présentés à
la résidence des Denis Drolet. Visiblement, Sébastien « le barbu »
Dubé et Vincent « les palettes »
Léonard étaient d’humeur festive.
Après que l’un d’eux ait injurié
l’un des policier et lui ait assené
un coup à la tête, des renforts ont
été appelés et on a procédé à une
51
arrestation.
L’art de régler l’estomac
Le corps d’ébène inerte avance au rythme de la courroie
mécanique. Le bruit du grand four ronronne au bout de
ce chemin final, et pas âme qui vive pour apprécier cette
dernière parade. Les autres morts sont étalés à perte de vue,
tous aussi nus, noirs et luisants. Tous aussi émaciés. Tous
morts du VIH, du moins c’est ce qu’affirment les registres.
De toute façon, personne ne surveille, et tout le monde
s’en fout, car ils ne servent plus à rien, sinon à la biomasse.
La société roule bien. On ne se salit plus les mains avec des
tâches aussi indignes que la manipulation des cadavres. La porte s’ouvre sur une pièce éclairée par... oh! je ne saurais
les nommer. Ce sont de petites lampes, à la lumière qui
vacille. Si on respire trop près, elles s’éteignent. Elles se
déplacent vers le bas progressivement, très lentement, et
leur lumière est chaude comme les tubes à boisson d’énergie
des cafétérias publiques. Plus encore, sûrement. Elles sont
différentes des autres lumières, plus douces et plus jaunes.
À la fin de la soirée, elles disparaissent comme en s’excusant
d’avoir fait dégoutter leur support, et laisse un instant un
souvenir d’air blanc. Cliquetis des rails autocalibrés du robot charognard. Il ouvre
une large bouche, avec des bruits d’air pressurisé, et crépite
le feu de son ventre avide; un caméléon à la langue infinie
qui déguste et halète de plaisir. - Je suis Lavanya, votre hôtesse, qu’elle a dit. Bienvenue
dans mon restaurant. Je suis heureuse d’enfin pouvoir
vous rencontrer – mon bon ami Fitzroy m’avait glissé mot
de votre visite imminente et je crois pouvoir honorer cette
heureux événement de quelques frivolités délicieuses. *
J’en veux. Encore. Il m’en faut. Je me sens si fatiguée, si vide.
Sous mon joli chemisier orangé, mon ventre gargouille...
j’ai peur que mes voisins de bureau m’entendent...
Heureusement, plus que quelques heures avant ce soir,
avant... *
Fitzroy me fait prendre mille dédales dans les corridors
métalliques de la Cité. J’ai peine à comprendre comment
il parvient à s’orienter, alors que tous les coins me semblent
identiques. Finalement, dans un couloir qui me semble pareil
aux autres, nous frappons à une porte tout aussi semblable. - Gastronomie pour deux, clame-t-il. 52
par Roxanne Baril-Bédard
Elle est étrangement habillée, cette Lavanya, sans couleur,
et avec une jupe, je crois, si c’est ainsi que l’on nomme
une bande de tissu conique qui part de la taille et descend
jusqu’aux genoux. Aussi, son visage est peinturé, comme
celui d’une actrice. Ça surprend, c’est sûr, mais ça fait partie
du plaisir; j’ai appris à apprécier ces bizarreries durant mes
visites. Trishana en mange trop, Fitzroy. Ses calculateurs
biométriques nocturnes afficheront un nombre de glucide
et de lipide anormaux, une bonne nuit, et c’en sera fait de
ma négoce. Et c’est moi qui n’aurai plus droit à mes petites
douceurs. Oh! si tu savais ce que tu manques, mon pauvre
eunuque... *
Alors que nous absorbions la compote calorique et vitaminée
dans la cafétéria publique, je me suis plains à Fitzroy de la vie,
pour faire la jasette. - Ta vie est terne ? Mais... tu portes toujours de si jolies
couleurs, Trishana...
- Mais, comprends-moi, ce n’est pas que je n’aime pas toute
la palette, j’ai seulement l’impression que ma petite vie
d’analyste manque de saveur...
- Pratique, quand même, que les sauvages refusent de
vermifuger leur bétail. Les mêmes multiplications de
globules blancs et rouges dans notre mal commun que dans
le cas d’un ver solitaire. Les scanneurs nocturnes n’y voient
que du feu.
- Au fond, vous rendez service à la Direction, chère Lavanya,
en les débarrassant de ces pommes pourries...
*
Ce soir, j’ai eu droit à tout un festin. Un truc vert en
entrée, tout mince, et un peu croquant. Il dégoulinait de
gras liquide et assaisonné. Je ne me rappelle plus de son nom,
mais Lavanya m’a expliqué que ça commence comme une
graine, qui est cachée dessous plein de minuscules morceaux
de roches et de déchets... Les explications étaient fort
complexes... mais c’était délicieux. Preuve que les sauvages
ne sont peut-être pas si fous. Elle m’avait ensuite réservé un morceau de viande, qu’elle
avait apprêté très saignant. Les coins de ma bouche suintaient
de son succulent jus. À la moitié à peine, je n’avais plus faim,
mais je m’obstinais à manger. Pour conclure, une charlotte,
qui dansait sur son socle alors que mon hôtesse l’entamait
à l’aide d’un outil brillant et triangulaire. Sa couleur rose
mettait l’eau à la bouche, son goût était crémeux et elle
fondait délicieusement sur ma langue. Je me permis même
un deuxième morceau... 53
Chaque fin de mois, mes copines et moi, on se donne rendez-vous à New York pour faire les boutiques. Un rituel
de filles. Chaque fois, c’est toujours le rêve! Vingt-quatre
heures à se prendre pour des riches et à faire les boutiques,
de la plus chic à la moins huppée, pour finir par se balader en
limousine et faire quatre clubs différents! Je ne suis pas une
accro du magasinage, mais métro-boulot-dodo, ce n’est pas
fait pour moi. C’est le bon temps, même si je dois conduire
des heures, passer les douanes et rouler encore quelques kilomètres.
C’est couchée sur le rebord de la fenêtre d’un grand hôtel,
au coin de la 96th W et de Broadway, que je m’étire après
m’être fait réveiller par le garçon d’étage.
Ce dernier, qui est assez mignon d’ailleurs,
m’offre un succulent déjeuner comportant
des crêpes, des tranches de pains dorés, des
œufs miroirs, des pommes de terre, des
fruits tropicaux, des brioches, une salade de
fruits et des croissants.
Tout cela et si peu de temps pour un estomac qui reste indépendant de ma volonté…
54
À 13 h 42, je porte mon manteau rouge, mes lunettes fumées
et je sors avec mon sac à main noir verni.
Ensuite, mes talons plateformes me portent jusqu’au stand
à journaux où le magazine Vogue m’est tendu. J’en profite
pour acheter de la gomme à mâcher et je prends le premier
taxi pour la 5th Avenue. Arrivée à destination, un moka,
sans sucre ni lait. Puis, je remonte dans ce même taxi qui
roule 15 minutes jusqu’à ce que je croise Halley, qui sort
d’un magasin d’où tous les clients sortent à leur tour, suivis
des propriétaires qui supplient Halley à genoux.
Je descends du taxi, passe mon bras
par-dessus le sien, la complimente sur
son maquillage et l’entraîne avec moi
jusqu’au taxi.
La sonnerie de mon cellulaire m’indique
que j’ai reçu un texto d’Allyson et qu’Halley est en appel conférence avec elle et son
« one night ».
Sexy_Allyson-bella send :
Shopping time!!
On descend sur Amsterdam, où nous at-
tend Allyson. Des touristes s’arrêtent même pour la prendre
en photo. On la rejoint et nous marchons d’un pas synchronisé et décidé lorsque j’ai l’idée d’afficher l’horaire de magasinage sur mon cellulaire et de le lire tout en continuant de
marcher.
Liste :
- Maquillage Benefit ;
- Lunettes de soleil Gold & Wood ;
- Vêtements Proenza Schouler ;
- Souliers Zap ;
- Sac à main Gucci ;
- Bijouterie Ginette NY. - Hey you! Don’t you have eyes?!
Je n’avais pas fait attention… je ne l’avais pas
vu…
Heureusement qu’il était là, sinon le camion
m’aurait percuté de plein fouet!
C’est alors qu’un sac à main en PVC (couleurs vert pomme
et caramel) est balancé dans mes bras! L’instant d’avant,
j’apercevais le bras foncé de mon sauveur qui le tenait avec
la même fermeté et la même autorité avec laquelle il tenait
mon bras, il y a quelques secondes.
Au loin, loin là-bas, Halley et Allyson continuent leur chemin sans moi, oubliant d’un seul coup mon existence…
COUPEZ!
Je sens encore la MARQUE… et je la vois.
Je les vois. Bijoux, chaussures, lunettes, sac à main,
perruques, maquillage et costume…
J’ai oublié ma langue. J’ai oublié mon nom. J’essaie de
repenser à mon enfance et je veux et ne veux pas oublier la dernière image que m’a reflétée mon miroir.
Le tournage est terminé. - Oh no!! Where’s my handbag ?
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Vous reconnaitrez-vous après ?
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un texte de Stéphanie Grégoire
Pourquoi? Pourquoi est-ce que certaines personnes rêvent de la beauté stéréotypée? Pourquoi certains sont-elles prêtes
à utiliser la chirurgie plastique pour y accéder? Probablement parce que tous les jours, dans les médias et dans les rues,
on nous projette la même image de la femme et de l’homme parfaits. Par ces projections, la société nous dit : « Si vous
n’êtes pas mince ou si vous paraissez vieux ou vieille, je vous rejetterai ». Parce que sans un joli minois, rien n’est accessible. L’apparence est maîtresse de nos vies! Bien sûr, tous ne se laissent pas influencer aussi facilement. Une artiste
française nommée Orlan tente, depuis les années 1960, de contrer ces stéréotypes de beauté du corps imposés à nos
esprits. Elle s’attaque tout particulièrement aux différentes pressions qui mènent au culte exagéré du corps de la femme.
C’est une féministe affirmée!
Orlan est principalement reconnue depuis les années 1990,
car c’est entre 1990 et 1993 qu’elle a osé faire ce que personne n’avait essayé auparavant : elle a utilisé la chirurgie
plastique dans un but artistique. Durant ces années, elle a
subi sept opérations qui ont radicalement modifié son visage. Contrairement à la plupart des adeptes de la chirurgie
plastique, elle ne l’a pas fait pour ressembler aux actrices
et chanteuses hollywoodiennes squelettiques qu’on voit
constamment dans les médias. Les augmentations mammaires, les rhinoplasties, les liposuccions ou tout autre
chirurgie plastique du genre, ce n’est pas son truc. Son but
n’est pas de répondre aux standards de beauté, mais plutôt
de montrer sa différence au monde entier. Par exemple, une
des chirurgies qu’elle a subie est un ajout de deux implants
de silicone assez volumineux au-dessus des sourcils. Le plus
étonnant dans ses performances chirurgicales, c’est qu’elle
est restée éveillée lors de ses opérations. Elle a même lu des
textes et dessiné avec son sang pendant que la chirurgienne
était à l’œuvre. Elle a fait de la salle d’opération son atelier
d’artiste.
Orlan croit qu’il faut évoluer avec son temps et qu’actuellement, on ne peut plus faire comme Marcel Duchamp
l’a fait avec ses ready-made à l’époque. Dans les années
1920, signer un urinoir était quelque chose d’innovateur,
mais aujourd’hui, ce n’est plus suffisant. Les artistes qui
souhaitent innover utilisent la technologie mise à leur disposition. Actuellement, la chirurgie plastique permet cette
innovation puisqu’il est possible de modeler son corps de
façon artistique. Par contre, la technologie continue à se
développer et bientôt, utiliser la chirurgie plastique pour
son art ne sera plus suffisant. C’est pourquoi Orlan affirme qu’elle compte bien utiliser les modifications génétiques dès que possible. Elle continuera donc son travail
artistique qui, espère-t-elle, mènera à une réflexion sur
le culte du corps qui est poussé à l’extrême dans notre
société.
La chirurgie plastique a sa raison d’être et les possibilités
qui s’offrent à nous grâce à elle sont infinies. Toutefois,
plutôt que de tenter de ressembler à la femme que nous
avons aperçue dans une publicité de shampooing, donc de
Pourquoi faire une telle chose? Parce que dans sa jeunesse, masquer notre vrai corps, ne vaudrait-il pas mieux utililorsqu’elle se regardait dans la glace, elle ne se voyait pas ser cette technologie pour montrer ce qui nous différencie
comme elle se sentait à l’intérieur. Elle voyait plutôt une des autres, ce qui fait de nous un être unique?
fille ordinaire, semblable à toutes celles qu’on aperçoit dans
les rues. Malgré le fait qu’elle était belle, Orlan n’était pas Après tout, c’est cette différence qui importe. Chaque
heureuse ainsi. Au fond d’elle-même, elle savait qu’elle homme et chaque femme a son propre idéal, les icônes
était différente et elle voulait le montrer à tous. Elle voulait de beautés montrées par les médias n’attirent pas tous
fuir les stéréotypes, elle n’avait plus envie d’être admirée les individus de la société. Donc, si nous ne sommes pas
pour sa beauté.
bien avec notre corps, il est normal que nous rêvions de
La chirurgie plastique lui a permis de projeter à tous l’image le changer pour qu’il nous représente mieux. La chirurgie
de la femme qu’elle est véritablement. Ce faisant, elle a dé- plastique nous permet de le faire, mais il faut éviter de
veloppé une nouvelle forme d’art.
tendre vers un modèle unique, au risque de perdre ce qui
fait de nous des êtres humains. o
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coordonnator en service
Merci a lucie pour sa comprehension :)
merci au jeune Thierry pour ses dessins
Merci a Jennifer pour cette photo farfelue.
59
Merci à nos commanditaires pour
leur soutien financier
Visitez le Regroupement des Étudiantes et Étudiants du Cégep de Saint-Hyacinthe au :
http://www.reecsh.org
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Les finissants de Culture et Création 2010
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