Le Chat Botté» se fait les griffes au Grand Théâtre
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Le Chat Botté» se fait les griffes au Grand Théâtre
26Culture Tribune de Genève | Vendredi 10 mai 2013 «Rach» à fond le piano Opéra pour enfants Concerts L’Orchestre de la Suisse romande sert du grand Sergeï Rachmaninoff en deux étapes, mardi et mercredi au Victoria Hall Les petits retrouveront avec délectation le célèbre personnage de Perrault dans une production de l’Opéra national du Rhin mise en scène par Jean-Philippe Delavault. DR «Le Chat Botté» se fait les griffes au Grand Théâtre Le conte lyrique de César Cui fera chanter petits et grands. Philippe Béran et Kathereen Abhervé racontent l’aventure Sylvie Bonier Depuis trois ans, le Grand Théâtre affiche un opéra pour enfants par saison. On se souvient de la Petite Flûte, qui anima à deux reprises la scène de Neuve. Le succès total de cette ravissante production a encouragé la scène genevoise à réitérer l’expérience. Cette fois, un autre ouvrage aux séductions assurées grimpe sur scène: Le Chat Botté. Les petits y retrouveront avec délectation le célèbre personnage de Charles Perrault dans une production venue de l’Opéra national du Rhin mise en scène par Jean-Philippe Delavault, décorée par Caroline Ginet et costumée par Sue Lecash. PUBLICITÉ Sur le plan musical, c’est le compositeur russe César Cui qui avait à l’origine choisi, cinq années avant sa mort, à 85 ans, d’animer l’histoire du fameux animal. La création eut lieu en 1913, il y a donc juste cent ans. Mais depuis, la partition originale étant introuvable, c’est dans diverses formations de petite envergure que l’opéra est souvent donné, comme il le fut sur la scène strasbourgeoise en janvier 2012. A Genève, il a été fait appel à la jeune compositrice Elena Langer, russe elle aussi, pour adapter l’œuvre aux dimensions du Collège de Genève: 70 musiciens. Le résultat enthousiasme Philippe Béran, le chef de la formation de jeunes amateurs âgés de 14 à 19 ans. «Quand j’ai découvert la partition au piano l’automne dernier, j’ai trouvé la musique merveilleuse. J’y retrouvais toutes les couleurs, mélodies et styles de composition des grands Russes du XIXe: Borodine, Rimski-Korsakov… Depuis, il y a eu Stravinski et les recherches musicales les plus diverses. Elena Langer a admirablement travaillé sur l’ouvrage et relié ces deux éléments. Elle marie très habilement les teintes orchestrales et le puzzle musical en jouant sur un grand potentiel de percussions et une bonne mise en valeur de la vocalité. C’est vraiment une réussite!» Pourtant, l’aventure n’était pas évidente: la programmation de l’opéra est arrivée très tard dans la saison. Philippe Béran, véritable Zébulon de la baguette, est capable d’entraîner dans son sillage tourbillonnant les troupes les plus diverses. «Il a fallu beaucoup de temps de recherches pour finalement ne pas trouver de partition originale, puis passer commande à la compositrice. Mais au début du mois de janvier, Elena Langer a livré le premier tiers de son arrangement, et fin mars nous avions le tout, qui dure environ 55 minutes sans entracte. Nous avons mis les bouchées doubles car un orchestre d’amateurs est beaucoup plus long à préparer. Mais tout sera bien sûr prêt le moment venu.» Du côté des programmes pédagogiques, Kathereen Abhervé est responsable de toutes les activités jeunesse de l’institution. Toute la saison, elle organise notamment les parcours pédagogiques de tous les spectacles, avec visites du bâtiment et des ateliers, fabrication de maquettes ou décors, ateliers de mise en scène ou de chant, réalisation de dossiers pédagogiques envoyés au DIP qui les redistribue dans les écoles. «Avec l’accueil de 200 élèves pour chaque générale de spectacle sur toute la saison, nous avons en plus deux à trois représentations scolaires par an. Cette fois, avec le ballet du Sacre et des Noces de Stravinski, Le Chat botté bénéficiera de deux représentations réservées aux enfants de 5 à 13 ans. Cela représente une centaine de classes, soit environ 2500 petits et moyens. Pour ce spectacle particulier, comme il y a des tout-petits, nous n’occuperons pas l’ensemble de la salle car les décors en carton découpé, inspirés de Gustave Doré, composent un univers très intimiste qu’il est difficile pour eux de voir depuis le poulailler. En nous arrêtant au 46e rang, nous restons dans les justes proportions», explique l’organisatrice. Avec les jeunes solistes de la troupe en résidence du Grand Théâtre et le chœur de la maîtrise du Conservatoire populaire dirigé par Magali Dami dont les membres sont âgés de 8 à 14 ans, on atteint une belle échelle de jeunesse sur l’ensemble des participants, tant sur scène qu’en fosse ou en salle. Car ne l’oublions pas: Philippe Béran fait évidemment chanter les élèves spectateurs préparés en cours, mais aussi le public d’adultes qui pourra assister à trois représentations. A vos partitions!… Grand Théâtre, les 11, 17 et 18 mai à 19 h 30. Représentations scolaires jeudi 17 à 10 h 30 et 14 h 30. Rens: 022 322 50 00, www.geneveopera.ch De la virtuosité jusqu’à l’ivresse! En programmant deux concertos pour piano et orchestre de Sergeï Rachmaninoff, les numéros un et trois, l’Orchestre de la Suisse romande (OSR) plonge corps et âme dans la grande machinerie pianistique qui fait tourner les sens. Réputé extrêmement difficile, le troisième concerto, dit «Rach 3», reste une des pièces les plus populaires du compositeur russe. C'est à un jeune interprète ukrainien, le pianiste Alexander Gavrylyuk, 29 ans, que revient la tâche aussi ardue que flamboyante de monter en sauce les croches en cascades et autres chevauchements des deux mains aussi vertigineux que roboratif. L’œuvre, qu’Horowitz avait en son temps «dévorée» devant le compositeur ébahi, sera jouée mercredi au Victoria Hall (puis jeudi à Lausanne) sous la baguette du chef titulaire de l’OSR, Neeme Järvi. La veille, mardi, plutôt que le concerto No 2, au moins aussi fameux que le troisième, c’est au premier de la série des quatre concertos de Rachmaninoff que s’attellera la même compagnie. L’Occasion d’écouter «live» une pièce plus rare, dont le mouvement initial avait été créé en 1892 par un Rachmaninoff encore étudiant au Conservatoire de Moscou. Une prouesse en appelant une autre, chaque soir, l’Orchestre de la Suisse romande achèvera les débats avec la symphonie «Fantastique» de Berlioz. Fabrice Gottraux Cycle Rachmaninoff, avec l’Orchestre de la Suisse romande, Neeme Järvi et Alexander Gavrylyuk, au Victoria Hall, mardi 14 et mercredi 15 mai à 20 h, puis au Théâtre de Beaulieu (Lausanne), jeudi 16 mai à 20 h 15. Infos: www.osr.ch Le pianiste Alexander Gavrylyuk. DR Eric Golay propose ses mystères de Genève Polar L’historien donne un roman fou, situé en 1956. «L’œil vert du rouquin» multiplie les coups de théâtre On connaissait l’historien. Avec Quand le peuple devint roi, sorti en 2001 chez Slatkine, Eric Golay a donné l’ouvrage définitif sur les révolutions genevoises de 1789 à 1794. L’homme a rédigé depuis d’autres livres, plus circonstanciels. Des commandes parfaitement exécutées. Temps libre? Insatisfaction? Eric Golay a entrepris dans les années 2000 un polar qui paraît aujourd’hui seulement. Autant dire qu’il s’agit là du grand œuvre. Contrôle qualité Comment se présente L’œil vert du rouquin? Comme une fantaisie. L’action se déroule en 1956, alors qu’Eric Golay avait 12 ans. Il ne s’agit pas de la reconstitution méticuleuse d’un monde perdu. La preuve! Une partie de la géographie urbaine s’est vue réinventée. C’est dans les mots que Golay reste fidèle à l’enfance. Un escalier demeure une montée, et les mûres des meurons. Tout commence un soir de juin à Plainpalais. «Les chromes d’une Buick noire, environnés de fumée blanche, s’arrêtent devant une bâtisse de fer grisâtre, sorte d’entrepôt à demi délabré.» La très curieuse concierge qui observe le manège s’étonne déjà. La Dusinens, une Savoyarde pas tout à fait en règle avec les autorités genevoises, entre en jeu. La dame, qui a traversé la guerre de manière active, va s’immiscer partout. Il faut dire qu’il s’agit d’une spécialiste de la fausse clef. La suite part dans un délire organisé. Il y aura des meurtres, des substitutions de cadavres, un trafic de tableaux volés, de fausses identités, un frère jumeau secret, une infirmière meurtrière, des évasions de Saint-Antoine, un attentat à la bombe, une providentielle comtesse hongroise, des manchettes sensationnelles de la Tribune de Genève, et j’en passe. Le monde souterrain tiendra aussi son rôle. Le quartier des Tranchées, rappelons-le, est construit sur des kilomètres de galeries au tracé inconnu. Elles faisaient partie des anciennes fortifications. Bref. Vous l’avez compris. Ce roman sautillant, qui compte un coup de théâtre par page, pourrait s’intituler Les mystères de Genève. Nous sommes dans le roman romanesque, mais Eric Golay ne se prend jamais au sérieux. Le polar se dévore d’une traite. Il avance à toute vitesse, sur un ton pimpant. Presque joyeux. Mais on se demande quel lecteur serait capable à la fin d’expliquer, de manière simple et plausible, ce qui est survenu depuis l’arrivée de la Buick rue des Marais-d’Arve… «L’œil vert du rouquin», d’Eric Golay aux Editions des Sables, 261 pages.