A bout de souffle, Godard (1959)

Transcription

A bout de souffle, Godard (1959)
Á bout de souffle, Godard (1959)
Séance n°1 : Projection
Á bout de souffle est un film de 1959. L’objectif du réalisateur, qui avait alors trente ans mais avait vu,
étudié de nombreux films, était très ambitieux : « Montrons que tout est permis. Ce que je voulais, c’était partir
d’une histoire conventionnelle et refaire, mais différemment, tout le cinéma qui avait déjà été fait. Je voulais
rendre aussi l’impression qu’on vient de trouver ou de ressentir les procédés du cinéma pour la première fois. »
Le film que vous allez voir a donc été fait contre les films sages, classiques, conventionnels qui se
tournaient en France. C’est un film qui se voulait un coup de pied contre les conventions.
Coup d’essai, coup de maître : c’est en effet un film qui s’inscrit dans les très grands films de l’histoire du
cinéma, et dont de nombreux réalisateurs, français, européens, mondiaux se sont inspirés. Ce fut un succès
critique et public. Pourtant, comme la citation nous le précise, comme le réalisateur le pensait lui-même, l’histoire
n’est pas bouleversante d’originalité : c’est une histoire de meurtre, de poursuite d’un jeune délinquant obsédé
par le fait de coucher avec sa copine, laquelle est égocentrique, ambitieuse.
C’est aussi un film voulait s’ancrer dans son époque, et qui nous permet de voir Paris à la fin des années
50, un peu comme un documentaire nous permettrait de le faire. Aussi, par certains côtés, ce film pourra vous
sembler daté. Ce n’est qu’un aspect de ce qu’il offre.
Pour vous permettre de mieux recevoir le film, voici quelques pistes :
- Ce film a été tourné à la fin des années 50. Qu’est-ce qui date le film ? Le rattache à son époque ?
A des moments, vous serez surpris par l’image, des choses se passeront ou ne se passeront
pas comme vous vous y attendez, même en 2008. Quel est l’effet recherché par Godard ? Soyez aussi
attentif au travail qui a été fait sur la bande son, (sur les dialogues, sur les bruits ambiants, sur la musique).
Qu’apporte ce travail ? Rappelons que le son n’était pas pris de façon synchrone avec les images, et donc
que les acteurs faisaient semblant de parler lors des prises de vue, et qu’il a fait l’objet d’une postsynchronisation.
Par ailleurs, le film contient de nombreuses références. Essayez de les repérer et de
déterminer ce qu’elles apportent au film.
Séance n°2 : Un drôle de récit policier. (2 heures)
=> Quel est le rapport qu’a eu Godard avec l’intrigue policière ?
Précision du prof sur l’origine de l’intrigue, sur le rôle de François Truffaut dont le premier film venait de sortir et
dont le nom se trouve au générique.
1) Résumé du film, (travail individuel). Confrontation.
- Ce résumé rend-il compte du film ? (Pas exactement : l’intrigue ne donne pas le ton du film, le suspense n’est
pas pris au sérieux…)
2) Elaboration collective d’une liste des étapes principales.
- On distingue les éléments vitaux du récit policier en le soulignant en rouge. On souligne en bleu ceux qui
semblent accessoires. Établissement d’une colonne qui tente de donner une durée à ces différents éléments.
(Scène, ellipse.)
- Constat sur le nombre, et sur la durée des épisodes qui semblent accessoires. (Il est cependant précisé, pour
éviter toute simplification, que le polar aime à témoigner de l’époque où il est situé, qu’il fait aussi, souvent, œuvre
documentaire et que son efficacité dépend aussi de la façon dont le contexte où il se déroule est dépeint.)
Remarques sur l’absence de rythme haletant des poursuites.
- Avez-vous vu des films policiers dont les péripéties sont si rares et si peu oppressantes ? Imaginez quelques
péripéties qui auraient pu se produire, ou développez des éléments narratifs présents dans le film.
3) Le suspense est-il présent ici ? Pourtant, quels sont les éléments qui annoncent le dénouement ? (Panneau
danger, affiches de films, manchette de journal, vision de l’accident, panneaux lumineux.) Dramatisent-ils ?
(Introduction de la notion de tragique.)
4) Analyse : l’assassinat du gendarme. Qualifiez la façon dont cette mort est montrée ? Est-ce volontaire ?
Qu’est-ce que le réalisateur a voulu montrer selon vous en débutant ainsi son film ?
5) Finalement, qu’est-ce qui intéresse le réalisateur ? Le titre correspond-il à l’œuvre ? Pourquoi selon vous a-t-il
choisi de faire référence au cinéma américain ? (Apport d’information du prof sur l’influence du cinéma américain
auprès des intellectuels français de l’après-guerre.)
Trace écrite : Dites si, avec son premier long métrage, JLG a voulu : se moquer du récit policier / lui rendre
hommage / l’a utilisé comme simple prétexte / faire le portrait de Paris et d’un couple / priver le spectateur du
plaisir de la narration / le rendre libre par rapport à la narration ?
Répondez en argumentant.
Séance n°3 : Un portrait de jeunes gens à Paris,
à la fin des années 50.
1) Interprétation de la dédicace, à la MONOGRAM PICTURES. Qu’apporte une pellicule plus sensible ?
Que permet-elle de faire et d’obtenir ? La réponse servira de problématique :
=> Dans quelle mesure le film s’inscrit-il dans son époque ? Peut-on parler de documentaire pour ce film ?
2) Repérez les différents lieux parisiens montrés et évoqués dans le film. Faire une croix sur une carte
pour signaler les éléments. (Arrivée à Saint-Michel, Notre-Dame, Champs-Élysées (agence de voyages, vente
journal, cinéma…), Tour Eiffel, Tuileries, rencontre de Berruti à Montparnasse, la Concorde, cafés de SaintGermain, trompe Michel devant l’Arc de Triomphe, Strasbourg Saint-Denis, un Montmartre interdit pour cause
d’ennemis qui s’y trouvent) Hors Paris : casse, Orly. Caractériser ces différents endroits ; qu’en voit-on ?
Recherche : rattacher ce lieu au type de population qui la fréquente.
Finalement, quelle est la vision de Paris qui émerge du film ? Cela est-il conforme à ce que l’on attend d’un film
policier ?
3) Le portrait de jeunes gens. Faire le portrait de chacun des deux personnages principaux. (Nationalité,
âge approximatif, milieu social d’origine probable, activité professionnelle et loisirs, horizon culturel.) Confrontez
le portait de ces deux personnages ; leur rencontre pouvait-elle être durable selon vous ?
Rattachez le jeu des acteurs à ce que vous venez de voir : ce jeu est-il conventionnel, maniéré ?
4) La séquence de poursuite sur les Champs-Élysées : Comment s’inscrit le récit dans l’actualité ?
Comment expliquer la volonté du réalisateur d’utiliser cette visite ? Trouve-t-on dans le film d’autres présences
américaines ?
Recherche : 1) Qui est Eisenhower ? 2) Qui est le président Français alors en exercice ? 3) Quelles sont alors, en
1959, les relations franco-américaines ?
Oral : Réponse à la problématique.
Séance n°4 : L’espace cinématographique d’Á bout de souffle.
=> En quoi ce film est-il original d’un point de vue cinématographique ?
Intervention du prof : qui précise que la force du cinéma a été et est encore de gommer son côté artificiel, pour se
donner comme un extrait du réel. Projection possible d’un extrait de film, muet pourquoi pas, dont la fluidité donne
une impression très forte de réel. (Les élèves découvrent la notion de transparence dans le montage.)
Les deux études portent sur l’entrée du film ; la façon dont le réalisateur accueille le spectateur.
1) Étude de la scène du vol de la voiture :
- Qu’est-ce qui vous gêne dans cette scène ? (1) Pas de plan général situant l’action au début :
l’enjeu de ces regards est inexplicable un moment, et ainsi le caractère artificiel du montage est rendu
sensible. 2) Ambiguïté des raccords sur le regard. Exercice proposé aux élèves : faire un petit plan pour
indiquer la place des personnages sur le port de Marseille. Les axes sont curieux. L’échelle de plan trop
serrée pour être clairement un contre-champ du héros. Du coup, on ne comprend pas pourquoi le héros
a besoin de quelqu’un pour l’aider à surveiller le parking.)
- Interprétation du mouvement du pouce sur les lèvres : le héros veut être Humphrey Bogart,
mais nous ne le savons pas encore, et il agit pour être vu comme s’il était ce héros. Notre regard
surprend ce jeu de regard sans pouvoir le comprendre. Ainsi, on voit le héros regarder, mais on ne sait
pas quoi et pourquoi, et on le voit imiter quelqu’un, mais on ne sait pas encore qui.
- Comment interpréter le regard de la pin-up ? (Annonce de Patricia, clin d’œil aux codes du
polar. Mais aussi caractère trompeur, ironique de cette fausse épigraphe.)
2) Étude de la scène de la nationale 7. Lien qu’il y a entre l’espace montré et les paroles ? (Très peu de
redondance, des paroles qui établissent une continuité temporelle alors que celle-ci n’existe pas à l’écran.) Les
changements d’axe surprenants. Les faux-raccords, (manque d’un morceau de temps, d’espace, de décor), mais
aussi rupture de temporalité (comme, plus loin, la lunette qui perd un verre), la saute. (Dénonciation de l’illusion
cinématographique par l’apostrophe au spectateur.) Le regard caméra et son utilisation insolente.
Activité d’écriture : Quelle est la place que le réalisateur fait au spectateur ? En quoi les films que vous voyez
aujourd’hui sont différents de ce type de travail ? Donnez éventuellement des exemples de scènes.
Séance n°5 : Citations, références.
1) Étude de la bande annonce.
- Quelle est l’impression que laisse cette bande annonce ? (Absurdité, du moins contradiction,
accumulation sur un ton neutre. Technique du collage. Le spectateur s’interroge sur le sérieux d’un tel travail.
Vanité ou dérision ? Annonce d’un projet artistique ?)
- Repérez les éléments qui ne semblent pas correspondre au film. Les élèves essaient d’identifier
différents domaines (peinture, musique, littérature, cinéma…..), puis d’y rattacher les éléments Le professeur
précise les références.
- Ces références sont-elles présentées de façon à faire de la publicité ? Se retrouvent-elles dans le film ?
2) Étude de l’interview : le montage et les citations.
3) Recherche dans le film des différentes références. (Aide diaporama, mais sans oublier les références
de la bande son.) Quels sont les différents moyens par lesquels elles sont insérées, citées ? Travail de recherche
au CDI sur ces références. Identification, puis sens dans le récit ou sens plus général. Tableau est possible, dont
les colonnes sont les suivantes : référence, domaine de cette référence (peinture, littérature…), moyen d’insertion,
sens de cette référence et rôle dans le récit.
Trace écrite : Dites quel est l’usage que fait JLG des citations : Dans quels domaines les puise-t-il ? Comment les
insère-t-il ? Le fait-il avec lourdeur ? Légèreté ? Quel est leur lien avec le film ?
Dites enfin si ces références alourdissent selon vous le film.