Jean-Luc Godard, La religion de l`art

Transcription

Jean-Luc Godard, La religion de l`art
"Jean­Luc
Godard,
La
religion
de
l'art".
(Reproduction
d'un)
entretien
avec
Jacques
Rancière
Paru
dans
CinémAction,
«
Où
en
est
le
God‐Art
?
»,
n°
109,
2003,
pp.
106‐112. ISSN
0243‐4504
En
cette
année,
avec
Eloge
de
l'amour,
c'est
la
première
fois
que
Jean‐Luc
Godard
est
en
compétition
à
Cannes.
Pensez‐vous
qu'il
s'agit
là
d'une
consécration
ou
d'une
condamnation
?
C'est
sans
doute
une
consécration
dans
la
pensée
de
ceux
qui
l'ont
fait
venir.
Mais
elle
prend
plutôt
la
forme
de
la
muséification.
Il
y
a
cette
année
à
Cannes
beaucoup
d'auteurs
convoqués
comme
membres
du
Panthéon
cinématographique.
Tout
se
passe
comme
s'il
y
avait
deux
sortes
de
films
en
présence.
Ceux
qui
entrent
dans
la
catégorie
des
films
primables
et
ceux
dont
les
auteurs
appartiennent
à
l'histoire
du
cinéma
et
prouvent
sa
continuité.
Il
est
clair
que
si
Godard
est
un
vrai
concurrent,
son
absence
de
prix
est
un
enterrement.
Si
on
le
considère
comme
hors
concours,
cette
panthéonisation
est
elle‐même
une
marginalisation
qui
le
fixe
dans
le
statut
qu'il
s'est
en
partie
donné
lui‐même
‐
mais
qui
risque
de
se
retourner
contre
lui
‐
celui
d'une
mémoire
du
cinéma.
Pour
en
venir
à
l'œuvre
proprement
dite,
circonscrite
à
la
production
des
années
1991‐2001,
j'aimerais
que
vous
nous
indiquiez
quelle
est
la
place
de
Godard
maintenant
par
rapport
à
l'art
?
Les
Histoire(s)
du
cinéma
s'inscrivent
dans
une
tradition
d'histoire
de
l'art
à
la
Malraux
et
établissent
une
généalogie
picturale
du
cinéma.
Mais
cette
référence
picturale,
devenue
centrale
dans
Passion,
était
déjà
‐
tout
comme
la
référence
littéraire
‐
très
marquée
dans
beaucoup
de
films
des
années
60,
par
exemple
dans
Le
Mépris
ou
La
Chinoise...
Sans
doute
l'art
pop
et
la
peinture
abstraite
ont‐ils
cédé
la
place
à
Rembrandt
ou
Goya,
et
la
pratique
même
du
collage
est‐elle
passée
du
mode
provocateur
de
filiation
dadaïste
ou
pop
à
un
mode
fusionnel
où
les
œuvres
s'interpénètrent
dans
un
musée
imaginaire
vivant.
Mais
Godard
a
toujours
mêlé
une
réflexion
sur
l'histoire
du
XXè
siècle
à
une
réflexion
sur
le
cinéma,
le
cinéma
dans
l'art,
et
l'histoire
du
cinéma
en
liaison
avec
l'histoire
de
l'art.
Il
existe
par
exemple
une
constante
chez
lui.
C'est
la
réflexion
sur
la
filiation
romantique,
sur
le
rapport
poétique
et
politique
au
romantisme
allemand,
centrale
dans
Allemagne
neuf
zéro,
mais
aussi
présente
avec
la
référence
à
Schiller
dans
Nouvelle
vague
et
dans
les
Histoire(s)
du
cinéma
à
travers
le
personnage
de
Siegfried
ou
les
textes
de
Heidegger
et
Hermann
Broch.
Il
y
a
de
plus
en
plus
chez
lui
une
réflexion
sur
l'art
comme
témoin,
sur
ce
qu'il
peut
nous
apprendre
sur
notre
temps.
D'où
l'influence
de
certaines
figures
emblématiques,
comme
Goya,
dont
les
images
dans
les
Histoire(s)
du
cinéma
semblent
filmer
par
avance
notre
siècle.
Et
il
y
a
aussi
un
autre
aspect,
c'est
celui
qui
permet
de
faire
toujours
se
rencontrer
ce
qui
est
l'urgence
politique,
éventuellement
l'horreur
guerrière,
avec
la
question
de
l'art.
Je
pense
tout
particulièrement
à
For
Ever
Mozart
imaginé
à
partir
d'une
boutade
de
Philippe
Sollers,
à
propos
de
Susan
Sontag
qui
avait
monté
Beckett
à
Sarajevo.
Sollers
avait
en
effet
déclaré
qu'on
aurait
plutôt
dû
y
jouer
Marivaux.
Dire
cela,
c'est
affirmer
qu'il
ne
faut
pas
privilégier
une
littérature
ou
un
art
qui
correspond
à
une
situation
d'horreur
ou
de
déréliction,
mais
qu'au
contraire
il
faut
que
l'art
soit
le
plus
éloigné
possible
de
cette
réalité
vraie
pour
y
remplir
sa
valeur
de
témoignage
et
d'intervention.
Chez
Godard,
il
existe
une
double
position
:
l'art
est
censé
donner
des
clés
pour
interpréter
notre
présent
depuis
son
histoire
propre
:
ainsi
pour
la
littérature
romantique
allemande
comme
pour
une
certaine
tradition
picturale
‐
Rembrandt,
Picasso
ou
Manet.
Mais
aussi
la
référence
artistique
continue
à
organiser
sur
le
mode
de
la
provocation
une
certaine
rencontre
des
extrêmes,
et,
de
ce
point
de
vue,
For
Ever
Mozart
est
exemplaire.
Il
s'y
ajoute
un
troisième
point
:
la
montée
en
puissance
chez
Godard,
comme
chez
beaucoup
d'autres,
d'un
discours
de
la
«
fin
de
l'art
»,
d'une
position
de
«
survivant
»
qui
atteint
sans
doute
son
paroxysme
dans
le
film
sur
le
MOMA,
La
Vieille
maison.
A
la
différence
des
Straub
qui
continuent
à
faire
un
cinéma
dans
cette
mouvance,
mais
sans
concession
non
plus,
comment
expliquez‐vous
la
position
de
Godard
à
la
fois
élitiste
au
niveau
de
l'art
et
finalement
assez
fascinée
par
ailleurs
par
les
acteurs
phares
du
show‐business
comme
Johnny
Hallyday,
Jacques
Dutronc
ou
encore
Gérard
Depardieu
?
Effectivement,
le
rapport
à
l'art
est
très
différent
chez
les
Straub
et
chez
Godard.
Je
pense
que,
même
si
dans
les
deux
cas
il
existe
une
manière
d'interroger
les
grands
textes
littéraires
à
partir
du
présent,
il
y
a
chez
les
Straub
un
point
de
vue
analytique
qui
très
souvent
surplombe
le
texte
qu'ils
utilisent,
lequel
1
devient
un
instrument
d'analyse
d'un
problème,
d'une
configuration
historique,
alors
que
perdure
chez
Godard
une
grande
fascination
pour
la
littérature,
qui
est
une
fascination
pour
les
mots
et
les
phrases
comme
tels.
Qu'on
pense
par
exemple
à
la
récurrence
d'auteurs
comme
Giraudoux
dans
Hélas
pour
moi
comme
dans
les
Histoire(s)
du
cinéma
ou
Eloge
de
l'amour.
Les
Straub
se
mettent
en
situation
de
faire
avouer
le
texte,
Godard,
quant
à
lui,
n'est
pas
quelqu'un
qui
veut
faire
avouer
les
textes.
Il
veut
plutôt
faire
résonner
la
musique
des
textes
‐
voire
même
seulement
celle
des
titres
‐
dans
une
situation
donnée.
C'est
toujours
la
rencontre
des
hétérogènes
qui
l'intéresse.
Et,
de
ce
point
de
vue,
faire
rencontrer
Giraudoux
avec
Depardieu
a
plus
de
sens
que
de
s'en
remettre
à
un
acteur
inconnu
ou
à
un
non‐
professionnel.
L'acteur
du
show‐biz
est
un
élément
propre
à
créer
ces
différences
de
potentiel
qui
lui
importent.
Il
me
semble
y
avoir
trois
éléments
dans
son
attitude
:
une
vieille
fascination
pour
le
personnage
de
la
vedette
comme
tel,
qu'elle
soit
là
en
personne
(Bardot)
ou
par
délégation
(le
jeune
Belmondo
jouant
Bogart).
Cette
fascination
s'inscrit
elle‐même
dans
la
tension
entre
deux
attitudes
:
une
extériorité
radicale
par
rapport
au
système
et
une
volonté
d'y
être
reconnu.
Il
n'est
prêt
à
faire
aucune
concession
sur
la
manière
de
concevoir
un
film,
mais
il
dit
qu'il
fait
toujours
avec
ce
qu'on
lui
donne,
que
ce
soit
en
matière
d'argent
ou
de
vedettes.
Il
se
place
ainsi
dans
une
situation
imaginaire
de
metteur
en
scène
hollywoodien.
Maintenant
l'exemple
de
Hélas
pour
moi
montre
que,
quelquefois,
la
vedette
du
show‐
biz
peut
ne
pas
entrer
dans
le
rôle
que
Godard
donne
à
l'acteur.
Parce
que
Gérard
Depardieu,
comme
l'acteur
anonyme,
n'est
finalement
qu'une
pièce
du
puzzle
qu'est
le
film
de
Godard.
Le
puzzle
n'est
pas
le
même
avec
cette
pièce
mais
c'est
le
même
rôle
qui
est
rempli.
Mais
ne
pensez‐vous
pas
qu'il
existe
aussi
chez
lui
une
sorte
de
volonté
de
dérision,
un
peu
comme
chez
Woody
Allen
dans
Celebrity,
à
utiliser
des
acteurs
connus
dans
leur
propre
rôle
en
quelque
sorte
?
Je
ne
pense
pas
que
Godard
soit
encore
dans
une
esthétique
de
la
provocation,
du
détournement,
du
style
années
60.
Non,
je
crois
qu'il
serait
plutôt
dans
une
logique
de
composition
du
puzzle
et
qu'il
utilise
des
monstres
sacrés
‐
Delon,
Depardieu,
Hallyday
‐
ou
de
jeunes
acteurs
peu
connus
comme
dans
For
Ever
Mozart,
sans
que
cela
implique
une
sorte
de
dramaturgie
spécifique
de
l'acteur
ou
de
volonté
de
dérision
à
son
égard.
S'il
y
a
dérision,
c'est
à
l'égard
du
système
et
du
rôle
que
Godard
lui‐même
y
joue.
Quelle
est
selon
vous
la
place
de
Jean‐Luc
Godard
dans
l'histoire
du
cinéma
?
Vaste
question
!
Si
on
l'aborde
par
ce
qu'il
évoque
lui‐même
à
travers
ses
Histoire(s)
du
cinéma,
on
peut
dire
qu'il
se
place
un
peu
comme
le
dernier
des
Mohicans,
comme
le
témoin
d'une
nouveauté
qui
ne
savait
pas
à
sa
naissance
qu'elle
était
déjà
condamnée.
Si
l'on
prend
comme
appui
l'épisode
concernant
la
Nouvelle
Vague
dans
les
Histoire(s),
on
peut
y
entendre
que
l'avenir
était
déjà
depuis
longtemps
joué
dans
le
passé.
Mais
il
y
a
une
certaine
ambiguïté
dans
cette
position.
D'un
côté,
il
revendique
une
volonté
naïve
des
cinéastes
de
sa
génération
qui
déclaraient
vouloir
filmer
des
garçons
et
des
filles
de
leur
âge
qui
avaient
les
mêmes
problèmes
qu'eux.
En
même
temps,
il
confronte
cette
volonté
à
une
histoire
dont
à
l'époque
on
n'aurait
pas
voulu
savoir
qu'elle
était
déjà
jouée
depuis
le
triomphe
d'Hollywood.
Du
même
coup,
il
se
fait
historiographe
de
quelque
chose
qui
a
été
manqué.
Mais
il
se
fait
l'historiographe
de
ce
que
le
cinéma
n'a
pas
été
avec
les
témoignages
de
ce
qu'il
a
été.
Les
Histoire(s)
du
cinéma
nous
disent
que
la
puissance
de
l'image
a
été
d'emblée
captée
par
la
puissance
du
scénario,
la
puissance
de
l'industrie,
la
puissance
hollywoodienne,
qu'il
existait
dans
la
force
de
révélation
des
images
et
dans
leurs
possibilités
d'interconnexion,
une
virtualité
balayée
par
l'industrie
du
scénario
et
de
la
vedette.
Tout
ceci
contribue
à
constituer
un
ensemble
paradoxal
parce
que
Godard,
avec
tous
les
extraits
des
films
de
Griffith,
de
Stroheim,
de
Hitchcock,
etc.,
parvient
à
faire
le
film
qu'ils
n'ont
pas
fait.
Mais
il
ne
pourrait
pas
faire
ce
film
«
à
leur
place
»
s'ils
n'avaient
pas
déjà
fait
les
leurs.
Il
existe
donc
ici
comme
une
contradiction
motrice,
féconde,
dans
la
manière
dont
Godard
se
situe
dans
l'histoire
du
cinéma.
Il
continue
à
s'identifier
à
une
sorte
d'aube
du
cinéma
qui
a
été
balayée,
parce
que
le
cinéma
était
un
art
d'enfance
qui
n'a
pas
été
reconnu
comme
art
d'enfance
et
qui,
comme
faux
adulte,
est
devenu
la
télévision,
le
crétinisme
télévisuel.
Godard
se
présente
toujours
comme
le
témoin
de
cette
enfance
de
l'art.
Et
pourtant
il
réalise
un
art
de
la
fin,
un
art
qui
n'est
possible
que
comme
reprise
de
celui
qui
a
déjà
été
fait,
comme
la
remise
en
scène
de
tous
les
films
qui
ont
déjà
été
réalisés.
Je
pense
qu'il
s'agit
là
d'une
position
dont
il
est
parfaitement
conscient
et
qui
est
contradictoire
‐
ce
terme
n'étant
pas
nécessairement
péjoratif
‐
ou
plutôt
paradoxale.
Il
est
comme
le
mémorialiste
d'un
cinéma
qui
serait
déjà
mort
et
le
témoin
d'un
cinéma
toujours
vivant.
Lorsqu'il
filme
notamment
Eloge
de
l'amour,
il
se
place
un
peu
dans
la
position
des
frères
Lumière
‐
ou
d'un
pionnier
du
cinéma
‐
qui
va
découvrir
le
monde
à
neuf
et
créer
un
univers
inédit
de
corrélation
entre
les
images.
Et,
en
même
temps,
il
se
pose
2
comme
le
mémorialiste
de
la
grande
espérance
qui
est
morte.
Il
instaure
toujours
une
sorte
de
tension
entre
deux
positions
:
entre
le
mémorialiste
et
celui
qui
toujours
recommence
à
zéro,
qui
est
toujours
un
peu
devant
ses
plans
comme
Cézanne
devant
ses
pommes
;
entre
celui
qui
fait
des
films
nouveaux
avec
ceux
que
tous
les
autres
ont
faits
avant
lui
et
celui
qui
tente
de
créer
une
histoire
nouvelle
de
cinéma.
Je
me
demande
si,
dans
cette
aventure,
Godard
ne
se
trouve
pas
un
peu
dans
la
même
situation
que
Fellini
par
rapport
à
Berlusconi
qui
possédait
les
droits
de
certains
de
ses
films,
et
si
ces
Histoire(s)
du
cinéma
auraient
pu
voir
le
jour
sans
l'aide
de
Canal
+.
Bien
sûr.
Godard
peut
tenir
un
discours
un
peu
stéréotypé
sur
tous
les
monstres,
sur
l'Amérique
et
sur
la
télévision,
Canal
+
entre
autres,
tout
en
leur
devant
quelque
chose
‐
tout
comme
il
doit,
sur
un
autre
plan,
à
cette
Amérique
qu'il
vomit.
Il
est
clair
qu'il
y
a
des
possibilités
de
création
et
de
conservation
des
films
qui
passent
nécessairement
par
cette
télévision
que
Godard
critique
par
ailleurs.
Mais
ce
n'est
pas
forcément
contradictoire.
Il
s'en
prend
à
ceux
qui
sont
selon
lui
des
accapareurs
:
il
accuse
l'Amérique
de
vouloir
confisquer
à
son
profit
toute
la
mémoire
du
monde
et
Canal
+
de
confisquer
le
cinéma
vivant.
Mais
peut‐on
faire
du
cinéma
sans
argent
en
quelque
sorte
?
Non,
bien
évidemment,
et
Godard
ne
dit
pas
autre
chose.
Il
fait
du
cinéma
avec
ce
que
les
producteurs
lui
octroient.
Mais
le
paradoxe
vient
de
ce
que
l'on
sait
pertinemment
qu'il
faut
des
financements
d'institutions
comme
Canal
+,
de
la
commission
d'Avances
sur
recettes
ou
autres
pour
faire
du
cinéma
non
commercial,
non
soumis
à
la
loi
des
majors,
ce
qui
évidemment
est
une
sorte
de
cercle
vicieux.
On
échappe
d'un
côté
au
système
dominant
mais
on
entre
dans
un
sous‐système
dont
les
normes
esthétiques
tendent
à
être
aussi
rigides
que
les
normes
commerciales
du
système
dominant.
Ce
cinéma
tend
à
devenir
l'art
de
son
propre
système.
Contrairement
aux
Straub,
et
malgré
certains
films
qui
sont
des
adaptations
comme
par
exemple
Le
Mépris,
on
a
l'impression
que
Godard
est
un
peu
tétanisé
devant
l'adaptation
d'une
œuvre
littéraire
à
l'écran.
Je
ne
pense
pas
que
sa
réticence
soit
une
tétanisation
devant
le
caractère
sacré
de
la
littérature.
Celle‐ci
a
toujours
été
très
présente
dans
son
œuvre,
et
pas
seulement
sous
forme
de
citations.
La
plupart
de
ses
personnages
viennent
du
roman
ou
du
théâtre.
Mais
il
a
toujours
travaillé
en
prenant
librement
des
morceaux,
des
thèmes,
des
images,
et
il
serait
très
mal
à
l'aise
pour
tenir
la
stricte
position
de
l'adaptateur.
Tout
son
cinéma
est
complètement
nourri
par
la
littérature
comme
il
l'est
par
la
peinture.
Il
a
utilisé
naguère,
d'un
côté,
la
forme
des
libres
variations
sur
le
thème
fourni
par
un
roman
‐
de
préférence
un
roman
pas
trop
«
littéraire
»
‐,
de
l'autre
l'utilisation
des
textes
littéraires
sur
le
mode
du
collage.
Mais
ce
qui
l'intéresse
aujourd'hui
est
quelque
chose
comme
un
rapport
direct
des
arts,
un
jeu
sur
la
capacité
des
formes,
des
phrases
ou
des
plans
à
voyager,
à
se
recontextualiser
et
à
créer
de
nouveaux
contextes
en
dehors
de
toute
trame
narrative.
On
n'est
plus
à
l'époque
du
Mépris
où
le
film
était
encore
assez
proche
de
Moravia,
même
si
Godard
déclarait
que
c'était
un
vulgaire
roman
de
gare
qui
avait
seulement
servi
de
support
à
son
film.
Aujourd'hui
la
transposition,
même
libre,
semble
impossible.
Si
une
œuvre
est
convoquée,
par
exemple
"Les
caprices
de
Marianne"
dans
For
Ever
Mozart,
c'est
pour
sa
valeur
d'écart
:
Musset
dans
la
boucherie
de
la
guerre
en
Bosnie
‐
ou
la
boucherie
bosniaque
dans
la
trame
de
la
comédie
de
Musset.
Mais
c'est
alors
la
littérature
qui
est
confrontée
au
cinéma
et
à
ce
dont
parle
le
cinéma,
et
non
plus
un
texte
littéraire
à
ses
pouvoirs
d'«
adaptation
».
Godard
est
arrivé
à
une
sorte
d'introjection
de
la
littérature,
du
cinéma
et
de
la
peinture,
qui
fait
que
tous
ces
arts
vivent
désormais
en
lui,
lui
appartiennent
et
se
disposent
dans
ses
films
selon
sa
propre
respiration,
selon
sa
propre
pulsation.
Il
en
va
de
même
pour
la
musique
qui
joue
un
rôle
très
grand,
mais
justement
toujours
sous
forme
de
musique
«
classique
»,
de
musique
déjà
existante,
déjà
dotée
d'une
puissance
de
sens,
d'histoire
qui
vient
non
illustrer
un
film
mais
contribuer
à
composer
sa
trame
même
comme
dans
Prénom
Carmen.
Mais
aussi
thèmes
musicaux,
plans
cinématographiques,
phrases
ou
personnages
de
romans
sont
traités
comme
des
interprétants
propres
à
entrer
dans
des
films
qui
sont
comme
des
diagrammes
d'un
temps
et
d'un
âge.
Pour
ce
qui
est
du
projet
sur
Truismes
de
Marie
Darrieussecq,
je
n'ai
pas
d'idée
précise
sur
ce
qui
avait
motivé
ce
choix.
L'idée
de
l'adaptation
pouvait
paraître
séduisante,
s'agissant
du
thème
de
la
métamorphose,
mais
encore
une
fois
Godard
n'est
plus
à
l'âge
des
adaptations
de
romans
et
surtout
pas
de
celui‐ci.
Ce
n'est
pas
à
proprement
parler
un
cinéaste
du
monstrueux.
3
Puisque
nous
sommes
sur
le
lieu
de
la
littérature,
on
sait
qu'il
avait
un
projet
de
film
sur
l'inceste
avec
Marguerite
Duras,
déjà
présente
absente
dans
Sauve
qui
peut,
la
vie.
Il
y
a
bien
sûr
une
très
forte
présence
de
Marguerite
Duras
dans
son
cinéma,
et
elle
est
tout
autant
présence
d'une
figure
historique
que
présence
d'un
écrivain.
Il
me
semble
que,
de
plus
en
plus,
toute
référence
littéraire
et
toute
présence
littéraire
devient
chez
Godard
comme
une
espèce
de
témoignage
historique.
Si
l'on
considère
Histoire(s)
du
cinéma,
Eloge
de
l'amour
ou
encore
Allemagne
neuf
zéro,
on
peut
dire
que
tous
ceux
qui
sont
convoqués
par
Godard
sont
aussi
convoqués
comme
témoins,
ils
ont
quelque
chose
à
nous
dire
en
tant
que
personnes
sur
le
monde.
Ainsi
Marguerite
Duras
a
quelque
chose
à
nous
dire
sur
le
monde,
Françoise
Verny
dans
le
rôle
de
Lucie
Aubrac
dans
Eloge
de
l'amour
aussi.
On
se
demande
en
revanche
quelle
place
pourrait
avoir
une
jeune
romancière
‐
comme
Marie
Darrieussecq
‐
qui
n'a
connu
ni
la
guerre
ni
la
Résistance
dans
l'organisation
actuelle
de
la
réflexion
de
Godard.
Toute
œuvre
littéraire
ou
picturale,
tout
créateur
tendant
à
devenir
à
la
limite
un
témoin
d'Auschwitz
ou
de
l'époque
d'Auschwitz
et
à
jouer
ainsi
le
rôle
d'un
médiateur
pour
une
réflexion
sur
l'histoire
plutôt
qu'une
œuvre
d'art.
Donc,
sous
des
dehors
iconoclastes,
Godard
est
un
peu
le
garant
du
patrimoine
en
quelque
sorte
?
Je
n'irais
pas
jusqu'à
dire
que
Godard
se
voudrait
le
garant
du
patrimoine
parce
qu'il
y
a
toujours
chez
lui
une
opposition
entre
art
et
culture.
Il
s'inscrit
dans
le
combat
de
type
arendtien
ou
adornien
qui
oppose
les
défenseurs
de
l'art
aux
promoteurs
de
la
culture.
Il
est
de
ceux
qui
affirment
le
potentiel
de
nouveauté,
de
provocation,
propre
à
l'art
contre
le
commerce
culturel
ou
le
cinéma
contre
la
télévision.
Plutôt
que
l'homme
du
patrimoine,
il
est
l'homme
de
ce
combat.
Si
l'on
regarde
son
film
sur
le
MOMA
on
ne
peut
pas
dire
qu'il
s'agit
d'un
film
sur
le
patrimoine.
Celui
qui
voudrait
découvrir
les
trésors
du
MOMA
en
le
visionnant
serait
bien
déçu.
On
n'y
voit
presque
aucune
œuvre
exposée.
Il
s'agit
d'une
grande
lamentation
sur
le
présent
du
monde,
et
sur
l'art
à
l'époque
des
nouvelles
barbaries
ethniques
ou
autres,
et
non
d'un
film
sur
la
présentation
du
patrimoine.
D'un
côté
sa
position
s'apparenterait
plutôt
à
celle
d'un
Malraux
ou
d'un
Elie
Faure,
dont
il
est
un
grand
lecteur.
C'est
une
position
pour
maintenir
comme
une
espèce
de
sens
de
l'art
en
tant
que
vie
et
esprit
des
formes
ou
métamorphose
des
dieux.
Mais
ce
combat
est
aussi
lié
à
l'idée
d'une
valeur
de
témoignage
et
d'intervention
sur
le
présent
du
monde
:
dans
La
Vieille
maison,
la
Bosnie
est
présente,
comme
dans
les
Histoire(s),
dans
For
Ever
Mozart
ou
dans
Eloge
de
l'Amour.
Comment
le
voyez‐vous
en
«
ménagère
du
cinéma
»
?
Je
ne
comprends
pas
très
bien
ce
qu'il
entend
par
ces
termes,
mais
si
je
devais
interpréter
ses
propos
je
pourrais
dire
que
la
ménagère
est
là
pour
dépoussiérer,
pour
rendre
aux
choses
leur
éclat.
Je
pense
que
c'est
ce
qu'il
a
voulu
faire
dans
Histoire(s)
du
cinéma,
comme
pour
rendre
à
chaque
plan
du
cinéma
l'éclat
pur
de
l'art,
le
nettoyer,
le
débarrasser
de
toute
poussière
culturelle
parce
qu'il
existe
toujours
chez
lui
la
préoccupation
d'une
vision
phénoménologique
des
choses.
Il
s'agit
de
mettre
toujours
en
évidence
une
sorte
de
premier
regard,
une
manière
de
virginité
de
l'image.
C'est
bien
cette
volonté
que
l'on
retrouve
dans
Histoire(s)
du
cinéma,
dans
cette
manière
de
découper,
de
fragmenter
tout
et
de
rendre
à
chaque
plan
son
caractère
d'icône,
sa
virginité
première
et
sa
splendeur
propre.
C'est
lui,
je
crois,
qui
parlait
de
cette
puissance
qu'avait
Mizogushi
de
nettoyer
le
regard
à
chaque
plan,
de
le
recréer
toujours
à
neuf.
Dans
la
ménagère
on
peut
entendre
celle
qui
agit
avec
ses
mains,
qui
fait
du
cinéma
artisanal
;
on
peut
entendre
l'économe
qui
fait
les
comptes,
mais
surtout
celle
qui
nettoie,
qui
purifie
le
regard
et
fait
briller
les
images.
Et
au
milieu
des
années
90
c'est
un
Godard
acteur
qui
apparaît
à
deux
reprises
dans
les
films
d'Anne‐
Marie
Miéville.
Jean‐Luc
Godard
a
beau
dire
que
leurs
manières
sont
très
différentes,
il
y
a
quand
même
une
forte
symbiose.
Lorsqu'elle
lui
fait
réciter
du
Hannah
Arendt
dans
Nous
sommes
tous
encore
ici,
ou
lorsqu'elle
«
cinématographie
»
Acheminement
vers
la
parole
de
Heidegger
dans
Après
la
réconciliation,
elle
est
très
proche
du
cinéma
de
Godard
sans
qu'on
qu'ait
à
se
demander
de
qui
vient
l'inspiration.
D'un
côté,
Godard
acteur
semble
parfois
n'être
là
que
pour
dire,
un
peu
comme
Sabine
Azema
ou
Alain
Cuny
dans
Histoire(s)
du
cinéma,
les
textes
qui
lui
semblent
contenir
un
message
essentiel
sur
le
monde.
Mais
il
s'agit
aussi
du
même
univers
conceptuel,
même
s'il
y
a
chez
Anne‐Marie
Miéville
une
forte
théâtralisation
et
un
goût
du
dialogue
assez
différents
de
ce
que
fait
Godard,
plus
souvent
proche
du
collage
et
de
la
fragmentation.
4
Quant
à
son
second
emploi,
celui
du
partenaire
de
la
scène
de
ménage,
il
correspond
aussi
à
sa
propre
position
dans
le
monde
cinématographique
d'aujourd'hui.
Ces
films
où
il
joue
l'époux
acariâtre
ou
le
vieux
désabusé
représentent
une
sorte
de
suite,
quelque
trente
ans
après,
de
Masculin
féminin...
Si
l'on
considère
par
exemple
les
pré‐scénarios
de
Eloge
de
l'amour,
on
prend
conscience
de
l'importance
de
la
problématique
des
âges
pour
Godard.
Et,
dans
la
vie,
on
constate
qu'il
joue
aussi
un
peu
face
à
l'histoire
du
cinéma,
ce
rôle
du
vieil
atrabilaire,
celui
qui
ne
se
rase
plus,
qui
se
met
un
bonnet
sur
la
tête
pour
bien
montrer
qu'il
est
à
l'écart,
hors
du
système,
éventuellement
sous
la
forme
du
reproche
vivant.
Dans
ces
films
d'Anne‐Marie
Miéville,
et
sans
vouloir
entrer
dans
leur
vie
privée,
on
peut
dire
qu'il
joue
une
espèce
de
rôle
de
théâtre
presque
beckettien.
Une
manière
aussi
parfois
de
mimer
Spencer
Tracy
et
Katharine
Hepburn,
une
sorte
de
couple
terrible
du
cinéma.
Et
en
même
temps,
il
n'en
reste
pas
moins
vrai
qu'il
joue
aussi
le
rôle
de
Godard
par
rapport
au
monde
du
cinéma.
On
a
comme
l'impression
qu'Anne‐Marie
Miéville
l'utilise
en
tant
que
JLG
comme
lui,
dans
les
années
60,
utilisait
Eddie
Constantine
par
exemple.
Il
semblerait
que
l'on
puisse
aller
dans
ce
sens,
même
si
Godard
ne
représente
pas
une
image
d'acteur
comme
Brigitte
Bardot
ou
Eddie
Constantine.
Par
ailleurs,
Eddie
Constantine
était
à
la
fois
utilisé
pour
sa
légende
d'acteur
et
politisé
en
quelque
sorte
dans
Alphaville
et
plus
encore
dans
Allemagne
90
où
il
est
un
revenant
du
cinéma,
jouant
le
rôle
d'un
revenant
de
l'Est
socialiste,
pour
interroger
le
présent
de
l'Allemagne.
On
y
trouve
un
côté
un
peu
brechtien
que
l'on
ne
retrouve
pas
dans
l'utilisation
de
Godard
dans
les
films
d'Anne‐Marie
Miéville,
où
il
n'est
pas
ainsi
déplacé
mais
joue
plutôt
son
propre
rôle.
Godard,
quant
à
lui,
a
une
explication
beaucoup
plus
terre
à
terre
:
il
explique
que
l'acteur
s'étant
désisté,
il
a
dû
le
remplacer
au
pied
levé.
Cela
peut
être
empiriquement
vrai
sans
que
cela
change
rien
à
la
manière
dont
il
tend
à
jouer
son
propre
rôle
«
historique
»
en
jouant
le
rôle
du
grincheux.
On
a
beaucoup
parlé
d'art,
mais
peu
de
God.
Et
Dieu
alors
dans
tout
ça
?
Il
m'est
difficile
de
répondre
à
cette
question
à
la
place
de
Godard,
ne
sachant
pas
ce
qu'il
voit
dans
le
fond
de
son
âme,
ni
ce
que
Dieu
lui‐même
peut
voir
dans
l'âme
de
Godard.
Ce
qui
est
sûr,
c'est
qu'il
y
a
une
référence
religieuse,
une
référence
sacrée,
de
plus
en
plus
présente,
qui
se
concrétise
par
la
place
faite
à
Péguy
dans
toutes
ses
réflexions
sur
l'Histoire,
de
même
que
sa
réflexion
sur
l'image
se
réfère
beaucoup
à
la
théorie
de
l'icône.
Dans
Eloge
de
l'amour,
les
résistants
communistes
sont
devenus
les
résistants
chrétiens,
en
tout
cas
le
personnage
principal
féminin
est
une
résistante
chrétienne.
Il
y
a
comme
une
volonté
de
sa
part
de
tirer
la
Résistance
vers
l'aspect
chrétien,
en
mettant
en
scène
une
sorte
de
conflit
puisque
le
personnage
masculin
du
film
est
communiste
et
qu'elle
est
chrétienne.
Cela
dit,
la
référence
religieuse
me
semble
relever
non
d'une
affaire
de
foi
mais
de
ce
renouveau
spiritualiste
qui
est
inhérent
à
la
pensée
de
l'art,
inhérent
au
combat
héroïsé
de
ceux
qui
se
pensent
comme
les
derniers
défenseurs
de
l'art
voire
les
derniers
défenseurs
du
«
monde
»
à
la
Arendt,
contre
l'horreur
du
commerce
et
de
la
télévision.
On
constate
un
peu
partout,
dans
des
propos
d'artistes
et
des
gens
qui
réfléchissent
à
la
culture,
une
volonté
de
retour
à
un
enracinement
plus
ou
moins
fantasmé
de
l'art
dans
une
tradition
religieuse
ou
de
l'esprit.
A
travers
Malraux
et
d'autres
références
ambiguës,
on
joue
le
rapport
de
la
peinture
à
l'icône,
le
rapport
de
l'art
au
sacré.
On
joue
cela
contre
ce
qu'on
dénonce
comme
le
commerce
culturel,
l'industrie
cinématographique,
la
catastrophe
télévisuelle,
la
communication,
etc.
S'il
y
a
une
religion
en
question
là,
c'est
proprement
la
religion
de
l'art,
et
non
le
christianisme.
Tout
se
passe
comme
s'il
y
avait,
face
à
la
victoire
universelle
de
la
marchandise,
une
défense
de
l'art,
de
l'image
et
du
sens
qui
se
croit
obligé
de
se
placer
sous
l'aspect
du
sacré
et
de
l'Histoire.
Encore
une
fois,
il
s'agit
plutôt
d'un
spiritualisme
de
l'art
que
d'un
retour
à
la
religion.
Et
quelle
est
donc
la
place
de
l'Histoire,
maintenant,
dans
l'œuvre
de
Godard
?
Dans
Eloge
de
l'amour,
Godard
est
parti
d'un
projet
qui
était
d'étudier
les
grands
temps
de
l'amour,
à
travers
des
couples
d'âges
différents.
Et
il
est
frappant
de
constater
que
ce
scénario
romanesque
s'est
transformé
petit
à
petit
en
une
réflexion
sur
l'Histoire
de
France
au
XXe
siècle.
Lentement,
il
s'est
empli
de
références
à
la
guerre,
à
la
Résistance,
à
la
séquestration
des
biens
juifs,
au
gauchisme,
à
Renault,
à
Mai
68,
etc.
Il
y
a
comme
un
mouvement
qui
défait
le
scénario,
et,
en
voulant
faire
une
fiction
sur
l'amour,
Godard
est
parvenu
à
la
détruire
de
l'intérieur,
comme
si
pour
parler
de
l'amour,
pour
raconter
une
histoire,
quelle
qu'elle
soit,
qui
lie
des
individus,
il
fallait
avoir
éclairé
les
zones
sombres
de
l'Histoire
dont
ils
sont
héritiers.
Les
personnages
fictionnellement
engagés
pour
ce
qui
apparaît
comme
une
fiction
5
expérimentale
sur
l'amour
deviennent
irrésistiblement
les
héritiers
d'une
histoire
qui,
à
travers
la
référence
‐
cinématographique
et
politique
‐
aux
années
60,
nous
conduit
à
la
Résistance
comme
moment
de
notre
histoire
non
éclairci,
non
noué
à
un
passé
et
à
un
futur.
A
travers
la
question
«
comment
devenir
adulte
»,
les
acteurs
se
transforment
en
témoins
de
l'Histoire,
comme
si
celle‐ci
était
le
secret
de
toute
histoire
et
son
énigmaticité
ou
son
arrêt
la
cause
d'une
impossibilité
de
ce
devenir‐adulte
qui
ne
serait
pas
crétin.
Godard
a
toujours
aimé
les
images,
les
plans
et
les
phrases
plus
que
les
fictions,
mais
il
semble
maintenant
confier
à
l'Histoire
elle‐même
la
révocation
des
histoires.
Est‐ce
parce
que
Steven
Spielberg
transforme
l'Histoire
en
histoire
hollywoodienne
que
Godard
le
critique
?
Il
y
a
plusieurs
niveaux
:
l'idée
d'une
confiscation
américaine
et
hollywoodienne
de
la
mémoire
des
autres
;
l'idée
post‐adornienne
qu'il
y
a
des
choses
qui
relèvent
du
témoignage
et
non
de
la
fiction
;
mais
surtout
une
vision
de
l'art
qui
l'éloigne
de
plus
en
plus
de
la
fiction.
C'est
par
le
double
jeu
de
son
autonomie
singulière
et
de
sa
valeur
de
témoignage
que
l'art
peut,
pour
lui,
réfléchir
sur
l'Histoire
et
non
en
la
convertissant
en
histoires.
Pour
Godard,
faire
un
film
sur
l'Histoire,
ce
n'est
pas
habiller
les
gens
en
costumes
historiques,
mais
c'est
mettre
des
images
de
la
guerre
ou
des
camps
de
déportation
en
rapport
avec
une
série
d'images
complètement
différentes,
telles
celles
de
Chaplin,
de
Rembrandt
ou
de
Goya.
C'est
établir
des
rapports
entre
une
série
d'images
et
d'autres
images
qui
témoignent
de
la
même
histoire
commune.
Source de l’article : l’oBservatoire
http://simpleappareil.free.fr/lobservatoire/index.php?2007/11/25/43-ranciere-cinemaction
Propos
recueillis
par
Jean‐Max
MEJEAN.
Reproduit
ici
avec
l'autorisation
de
Jacques
Rancière
et
de
CinémAction,
2003. Les
images
ne
sont
pas
celles
utilisées
par
la
revue
pour
illustrer
l'entretien.
Il
s'agit
de
captures
tirées
du
film
de
Jean‐Luc
Godard,
Passion
(1982).
6

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