Témoignage : « Je vous ai caché mon anorexie si longtemps… »
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Témoignage : « Je vous ai caché mon anorexie si longtemps… »
Témoignage : « Je vous ai caché mon anorexie si longtemps… » Marine faisait des recherches pour se confier, trouver un groupe à qui parler et partager son expérience sans crainte d’être jugée. Elle a découvert le site de l’association et 2 jours après elle participait pour la première fois avec sa maman à l’un de nos groupes de parole. C’est elle qui a choisi de faire son « coming out » comme elle dit, même si au départ elle hésitait… Les premières réactions – loin du jugement qu’elle appréhendait – sont positives et je pense que ce texte que je lui ai proposé d’écrire pour nous montre son courage. Je suis admirative. Cette Combattante a parcouru beaucoup de chemin et continue d’avancer vers la Lumière… (Sabrina) Dans ma vie beaucoup m’ont jugée, critiquée, détestée. Certaines paroles m’ont blessée comme : « t’es qu’une merde ! », « Tu n’arriveras à rien dans ta vie ! », « C’est de la comédie ! », « T’es paresseuse, bouge-toi un peu ! », « T’as vu comment elle est maigre ! », « Elle est folle, tout est dans sa tête ! », « Elle est bizarre celle-là ! ». Et j’en passe… Je n’oublierais jamais les regards oppressants, dénigrants que vous m’avez lancés, les messes basses, les critiques, les moqueries… Même quand j’avais le dos tourné… Tout cet élan de méchanceté !! Pourquoi ? Pourquoi tout ça ? Parce que vous ne compreniez pas ? Mon attitude est différente de la vôtre, souvent distante, pas très causante. Si seulement vous m’aviez vraiment regardée. Si vous aviez gratté cette carapace ou du moins essayé… Vous auriez remarqué mon secret. Celui tout au fond de moi. Le mal contre lequel je me bats… Depuis des années je vous cache la réalité. Je partage ma vie avec ana. Ana ?! Ce n’est pas un choix, ce n’est pas non plus une amie. C’est une maladie. Son nom ? Elle s’appelle anorexie… Aujourd’hui je prends mon courage à deux mains en brisant le silence. Je souhaite parler pour me libérer et laisser le masque tomber. J’arrête enfin de faire semblant, d’être ce que je ne suis pas pour devenir celle que je suis… Voici mon histoire, enfin une partie. Aujourd’hui je souhaite que vous compreniez. Sans juger… Tout a basculé en septembre 2004 Mon état s’est sérieusement dégradé. Cela fait plusieurs mois que je ne bouge plus de chez moi. Je ne vois plus personne. Je passe mon temps à regarder la télé, à dormir, à cogiter. J’ai froid. Je porte un long peignoir que je ne quitte plus. Ma mère me dit tout le temps : « Tu as les mains glacées ! ». « Tu dors beaucoup… ». Ma peau est gelée, mon teint est terne, blanchâtre comme une poupée en porcelaine. Je n’avale plus rien, mis à part du pain et du soda. Lundi, rendez-vous chez mon pédopsychiatre le Dr R. Seule sortie de ces dernières semaines. Comme toujours ma mère m’accompagne. Elle ne m’a jamais lâchée malgré tout ce que j’ai pu lui infliger. Si vous saviez la force, la patience, le courage et surtout tout l’amour qu’elle me porte… Pendant qu’elle patiente en salle d’attente, le Dr R. m’appelle. Il me demande d’accompagner sa secrétaire dans son bureau afin d’effectuer une pesée ! Moment que je redoutais à chaque visite. Je ne peux fuir et je sais d’avance que l’imposante balance s’apprête à afficher la vérité. Ce moment où le mensonge laisse place à la triste réalité… Je ne peux plus nier, me cacher, me mentir, leur mentir… Me voilà mise à nue. Quelques secondes… « Bip bip » : le résultat est sans appel. 33 kg pour 1m53. A cet instant, je comprends que je vais me faire « engueuler » par le psy. La secrétaire sort. Je rhabille ce corps amaigri, chétif, incisif. Les os bien saillants. Un corps aussi frêle qu’un corps d’enfant. La porte s’ouvre et le Dr R. rentre avec un air qui me dérange. Je sais que son discours ne va pas me plaire… Il me fixe, le regard insistant et me dit : « Je me dois d’intervenir, vous êtes en danger ! C’est l’hôpital en urgence ». Je me souviens avoir été partagée par deux sentiments bien distincts. D’un côté un plaisir, une grande joie, celle de frôler la mort. Une sorte de liberté avec l’impression de contrôler, de maîtriser ma vie. Je parvenais à mon but, disparaître mais pour renaitre. Mourir pour enfin vivre… Très paradoxale tout ça ! Et puis d’un autre côté, une infinie tristesse. Ce docteur allait me séparer de ma mère ! De son amour ! De ce lien tellement fusionnel. J’avais et j’ai toujours besoin d’elle. Mon petit monde s’effondrait pendant qu’ana, elle exaltait… Elle se félicitait en me regardant, en voyant ce qu’elle avait fait de moi. Entièrement façonnée à son image ! Quand ma mère à franchi la porte, je me sentais dépitée, accablée car je savais qu’elle allait avoir mal. Le Dr R. lui a « balancé » à la figure et sans autre précaution : « Votre fille est en danger. Elle peut s’endormir cette nuit et ne pas se réveiller. Je vais la faire hospitaliser. » Il est content ce connard ? Il va nous séparer ! J’ai senti la colère m’envahir, la rage monter en moi. J’avais envie de tout casser !! Je lui ai lancé un de mes regards les plus noirs et j’ai dit : « Je n’irais pas ! » Il m’a rétorqué : « Mais vous n’avez plus le choix ! Soit vous y allez, soit on viendra vous chercher de force chez vous ! » Son air supérieur et son ton autoritaire m’agaçaient et me dégoutaient. J’avais envie de vomir ! Entre temps, le Dr R. avait pris son téléphone et m’avait trouvé une place dans le service de son confrère pour le jeudi… Compte à rebours J-3 Je me sentais trahie, en colère et en perte de repères… La peur et l’angoisse… NON ! NON ! Laissez-moi ! Je ne veux pas y aller !! Je ne veux pas être hospitalisée… Nous sommes en septembre 2004 et c’est ma première hospitalisation. Aujourd’hui, je porte un regard neuf sur ces années de Combat… J’ai 27 ans. Je pèse à ce jour presque 49 kg. Avec les années, les rencontres que j’ai faites, grâce à certains médecins et auteur(e)s qui ont su mettre des mots sur mes maux ; je me sens grandie. Le soutien de mes proches a été TRES IMPORTANT. J’ai pu apprendre, analyser, essayer de comprendre mon comportement, la maladie, « ma » maladie. Pendant longtemps je me suis demandée ce que j’avais. Pourquoi j’étais comme ça ? Qu’est-ce qui n’allait pas ?… J’aimerais dire ceci : libérez-vous ! Exprimez-vous ! Battez-vous ! Apprenez à connaître « l’adversaire », ses faiblesses… Pour ma part je viens juste d’accepter. J’apprends à en parler et cela fait beaucoup de bien. J’ai l’impression d’avoir plus de clés pour avancer et continuer le combat. Il faut y croire et ne jamais baisser les bras ! Cette hospitalisation de septembre 2004 ? Mon entourage n’a pas été mis au courant de mon hospitalisation. Elle a durée 3 semaines. J’ai été admise à l’âge de 16 ans dans un service de pédopsychiatrie avec un poids de 33 kg. A ma sortie j’en faisais 6 de plus. Mon corps allait un peu mieux… Cette expérience m’aura marquée… Je m’en souviens presque dans les moindres détails ! Je sais qu’à ce moment-là j’ai pris conscience que je souhaitais réellement guérir… Marine